CHAPITRE IV : DISCUSSION
La RFO s'étend sur trois territoires : Wamba, Mambasa,
Watsa elle est une A.P. inscrite sur la liste des sites du patrimoine mondial
de l'UNESCO depuis 1996. Elle couvre une superficie de 13.726 Km2.
Différemment à d'autres A.P. classées, la RFO est
habitée, et compte plus de 56.000 habitants dont 20.000 à
l'intérieur et 36.000 dans le rayon périphérique autour de
15 km (DRAFT, 2010).
Au total 110 personnes étaient interviewées : 75
au sein de la population locale dans le village Epulu ; et 35 agents de l'ICCN
et ses partenaires dans la station administrative d'Epulu.
L'enquête s'est articulée autour de la question
principale suivante « Quelle est l'attitude que doit utiliser la
population locale devant les menaces causées à leurs
activités agricoles par les animaux protégés de la RFO ?
».
4.1. Mammifères impliqués dans les
dégâts aux champs et dans l'élevage
La destruction des champs par les animaux sauvages constitue
une perte de nourriture aussi bien que de revenu pour les villageois d'Epulu.
Il s'agit du singe (30,8% de dégâts), l'éléphant
(27,2%), l'okapi (23,9%) et le léopard (17,8%).
Ce résultat converge en partie avec celui de Mubalama,
(2000) qui est une évaluation des dégâts causés aux
cultures par les grands mammifères dans la réserve de faune a
okapis (Epulu) où il a trouvé que les animaux les plus ravageurs,
sont les éléphants parmi les grands Mammifères. Ceci cadre
bien avec l'observation générale selon laquelle les grands
mammifères reçoivent beaucoup plus d'attention aussi bien en
matière de gestion que des revendications des paysans (Mubalama,
2000).
Mais une différence est au point de classification des
animaux ravageurs, les éléphants dans la réserve se
placent derrière les primates et le potamochère dans la
destruction des cultures (Mubalama, 2000).
Selon Eyebe et al. (2012), dans la savane
camerounaise, des conflits homme-faune sont régulièrement
constatés à l'intérieur et à proximité des
A.P. et, notamment, dans les villes de Moulvoudaye, dans la Région de
l'Extrême-Nord.
Les espèces impliquées sont les grands
mammifères, en particulier les éléphants qui
détruisent les champs de mil, les greniers des paysans et parfois
même leurs embarcations. On rapporte aussi que des hippopotames ont
attaqué des barques. L'étendue du problème est
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considérable 65%. Ces observations concordent en partie
aux nôtres surtout la destruction des cultures par les grands
Mammifères.
Selon, ces mêmes auteurs, l'endommagement des cultures
est l'une des formes les plus fréquentes de conflit homme-faune au
Cameroun et il se révèle particulièrement grave autour des
A.P. Cette étude révèle que les espèces les plus
responsables de la destruction des cultures aux alentours du Parc National de
Bénoué dans le nord du Cameroun sont les singes (44 %), les
oiseaux (44 %) et les éléphants (13 %). Les blessures d'homme
bien qu'elles ne soient pas aussi fréquentes que la destruction des
cultures et attaques sur le bétail, il arrive que des blessures et morts
d'homme soient signalés au Cameroun.
Ces informations ne s'écartent trop de nos observations
Par contre, pour Kouao et al.(2018) à
Kotouagnoan en Côte d'ivoire, les animaux les plus incriminés en
ce qui concerne les cultures, sont : les aulacodes, 93%, primates 75% des
potamochères 73%. Kouao et al., (2018), poursuit en affirmant que le
guib harnaché, les écureuils, les singes, l'athérure
africain et le rat géant interviennent également dans les
dégâts des cultures. Ceci se justifie par le fait que la
région de la Côte d'Ivoire est essentiellement savanicole.
Quelques soient les pourcentages des dégâts, les
grands mammifères particulièrement les éléphants et
les singes causent des graves dégâts aux cultures dans la zone
étudiée bien que d'autres animaux sauvages tels que les okapis,
etc s'y joignent également. Les éléphants sont les plus
redoutés d'une part parce qu'ils sont capables de manger et de
piétiner d'énormes quantités de cultures en une seule
invasion, et d'autre part parce qu'il est difficile de les en empêcher
une fois qu'ils commencent à détruire. Tandis que les singes
causent des dégâts dans les différentes étapes
phénologiques de cultures.
Ceci confirme ainsi, notre première hypothèse
qui stipule que les grands Mammifères seraient à la base des
dégâts causés aux activités de la population
locale.
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4.2. Types de dégâts causés par les
animaux protégés de la RFO
Les dégâts subis par la population locale : la
destruction des champs (35%), 89 personnes parlent des morts d'hommes (32, 4%)
et 89 personnes parlent de la consommation d'animaux domestiques (32, 4%).
la destruction des champs (87, 2%), mort d'homme (80, 9%) et
enfin consommation d'animaux domestique (80, 9%).
Une corrélation inverse entre la classification des
cultures quant à leur vulnérabilité au pillage et le
pourcentage de paysans prétendant avoir été victimes de
pillage. Les dégâts perçus et réels étaient
souvent attribués au fait que les paysans espèrent recevoir des
indemnités considérables (Bell, 1984). Ce qui converge avec
l'idée de la FAO qui classe le ravage des cultures à la
première position avec 98% de destruction de la culture (FAO, 2000).
Pour Kouao et al., (2018), la nature des
dégâts provoqués par les animaux sauvages sur les cultures
et autres biens privés selon 52% des personnes interrogées, les
cultures sont plus exposées aux incursions des animaux, selon 33% autres
enquêtés, ce sont plutôt les produits et matériels de
pêches qui sont exposés. Mis à part les avis par ces deux
catégories de personnes, 3% des 103 de l'échantillon pensent que
les animaux d'élevage sont plus menacés par la présence de
certains animaux sauvages dans les environs, 1% pensent que les animaux
s'attaquent plus au grenier et les 11% restants ont refusé de se
prononcer sur le sujet. Ces observations convergent en partie à nos
résultats pour ce qui est des attaques des cultures par les grands
Mammifères mais aussi pour ce qui est de la prédation des animaux
d'élevage par le léopard.
4.3 Indemnisation des dommages causés
Sur un total de 110 personnes interviewées, 50
personnes parlent de dédommagement (45,5%) et 60 parlent du rien du tout
(54,5%).
La majorité des personnes qui appuient le
dédommagement sont les éco-gardes et une partie de la population.
D'après certains éco-gardes lorsque les animaux causent les
dégâts à la population cela fait leur fierté car ils
s'en rendent compte de l'existence d'une faune encore abondante.
Selon, Kumu (2018) les stratégies fréquemment
utilisées par l'ICCN et ses partenaires pour limiter les
dégâts des animaux sauvages sur les intérêts de la
population locale sont catégorisé à trois types :
Il s'agit de refoulement (39,7%), installer des projets de
développement durable (32,8%) et honorer les dommages
intérêts (27,6%) (Kumu 2018).
D'après la chambre d'agriculture de la France 2014
dès qu'un agriculteur constate des dégâts de sanglier ou de
grand gibier sur une parcelle qu'il exploite, il doit adresser sans
délai à la Fédération Départementale ou
interdépartemental des Chasseurs (du département de la parcelle
endommagée), par courrier (ou télé-déclaration) une
déclaration de dégâts.
Pour ce qu'est des actions de prévention
utilisées, selon Kouao et al, (2018), les enquêtes ont
révélé que parmi les planteurs et les pêcheurs
victimes de déprédations sur leurs cultures et autres, 3%
tolèrent les animaux, 33% parlent d'utilisation de méthodes de
protection sans danger pour les animaux. Ces méthodes
répertoriées sont : l'entretien des champs (Selon les
enquêtés, entretenir le champ, c'est débarrasser
régulièrement le champ des mauvaises herbes), la surveillance des
champs par la seule présence humaine par les cris et jets de pierres,
l'utilisation d'épouvantails, la construction de barrières. 32%
des personnes interrogées utilisent des méthodes dangereuses pour
les animaux. Ces méthodes impliquent l'utilisation d'armes à
feux, de produits toxiques ainsi que la pose de pièges. Par ailleurs,
32% restants des enquêtés sont restés sans donner d'avis
sur la question.
Par les observations directes sur les parcelles de cultures,
l'auteur a identifié comme moyens utilisés pour les
protéger :la pratique de l'entretien des champs ; la surveillance, la
pose de clôtures, de grillages, de pièges ; l'utilisation de
produits toxiques et de fusils justifié par la présence de
douilles dans les grilles d'observations. Cet auteur donne certaines choses qui
convergent vers notre étude tandis que d'autres diffèrent
totalement. Cela s'expliquerait par la durée sur terrain qui n'a fait
qu'un mois pour notre travail et plusieurs mois pour lui.
Pour l'indemnisation pour les cultures endommagées par
des animaux sauvages, Eyebe et al., 2012 donne les dispositions suivantes au
Cameroun :
Les autorités chargées de l'agriculture ont
toujours publié des mesures d'indemnisation en Cas de destruction de
cultures du fait de projets de développement comme les infrastructures.
On appelle cette situation une « destruction pour cause d'utilité
publique
».
Deux instruments réglementaires visant à fixer
les indemnités à verser en cas de destruction d'arbres et de
cultures sont actuellement en vigueur. Il s'agit de l'Arrêté
N° 58 du 13 août 1981 portant modification des tarifs des
indemnités à verser au propriétaire pour toute destruction
d'arbres cultivés et cultures vivrières et le Décret
N° 2003/418/PM du 25 février 2003 fixant les tarifs des
indemnités à allouer au propriétaire victime de
destruction pour cause d'utilité publique de cultures et d'arbres
cultivés. Ces observations ne se retrouvent pas en RD Congo où il
n'y a aucun texte règlementaire fixant l'indemnisation.
En France par exemple, il existe la loi sur l'indemnisation
des dégâts de grands gibiers qui est coulée dans chasse-
guide d'indemnisation (2014) comme texte règlementaire et donne d'abord
les informations générales ainsi que les conditions
d'indemnisation. Dans ce document officiel que le chasse- guide d'indemnisation
(2014), on peut trouver les informations sur la présentation
générale de la procédure d'indemnisation, les conditions
de l'indemnisation non contentieuse, le dossier d'indemnisation, la
procédure d'indemnisation, le calcul de l'indemnisation, les commissions
d'indemnisation, le financement des indemnisations et l'indemnisation
judiciaire. Les textes législatifs et réglementaires en France ne
sont pas les mêmes en RD Congo et les conditions de leurs applications ne
sont pas les mêmes. En RD Congo, nous avons la loi sur la chasse mais
à mon humble avis la loi sur l'indemnisation des dégâts
causés par les grands gibiers n'existe pas.
Ces observations confirment partiellement notre
deuxième hypothèse qui déclare que « Les
gestionnaires des A.P. corrigeraient les dommages causés aux
activités agricoles de la population par les animaux
protégés ».
4.4 Comportement ou pratique de la population face aux
dégâts
Les méthodes locales utilisées pour
éloigner ou chasser les mammifères sauvages de leurs champs :
40,7% de la population locale protège leurs activités par des
cries ou battage d'écorces d'arbres ; suivi de 33,8% de ceux qui
allument le feu autour du champ et ceux qui lancent des bois, viennent au bas
de l'échelle avec 25,3%.
Dans son étude sur la gestion de conflit homme faune
(Kumu 2018) trouve que les agriculteurs recourent à 6 stratégies
ou techniques pour débarrasser les champs des animaux ravageurs des
cultures vivrières. La surveillance des champs (48,7%) prime sur les 5
autres techniques : allumer le feu (14,5%), installer des épouvantails
(14,5%), lancement des objets divers (7,9%), surveillance collective (1,3%).
Environ 13,2% d'agriculteurs sont des attentistes ou n'engagent aucune
action.
Pour (Kouao et al. 2018) ses enquêtes ont
révélé que parmi les planteurs et les pêcheurs
victimes de déprédations sur leurs cultures et autres, 3%
tolèrent les animaux, 33% parlent d'utilisation de méthodes de
protection sans danger pour les animaux. Ces méthodes
répertoriées sont : l'entretien des champs (Selon les
enquêtés, entretenir le champ, c'est débarrasser
régulièrement le champ des mauvaises herbes), la surveillance des
champs par la seule présence humaine par les cris et jets de pierres,
l'utilisation d'épouvantails, la construction de barrières. 32%
Pour la FAO (2008), il y a plusieurs techniques traditionnelles pour la
protection des plantes entre autres : la dissuasifs acoustiques, les
systèmes de barrières physiques, la barrière
végétale, les clôtures et les dissuasifs chimiques. Ces
résultats concordent en partie aux nôtres. Au Cameroun, il y a des
dispositions règlementaires qui régissent la protection des
personnes et des biens contre les animaux. Il s'agit de deux instruments
principaux constituent le fondement de la législation en matière
de CHF au Cameroun. Il s'agit de la Loi N° 94-01 du 20 janvier 1994
portant régime des forêts, de la faune et de la pêche et son
instrument d'application - le Décret N° 466-PM du 20 juillet 1995
fixant les modalités d'application du régime de la faune. Les
dispositions pertinentes pour la protection des personnes et des biens contre
les animaux se rapportent au moins à six questions :
- Situations où les animaux constituent un danger ou
causent un dommage aux personnes et/ou à des biens ;
- Légitime défense. Il est légal
d'abattre un animal protégé si cet acte est dicté par le
besoin urgent de défendre une personne, du bétail ou des
cultures, à condition que la preuve de légitime défense
soit fournie dans un délai de 72 heures au responsable de
l'administration chargé de la faune le plus proche (voir l'Article 83
(1-2) de la Loi et l'Article 13 (1) du Décret) ;
- Animaux blessés. Le Décret prévoit deux
dispositions si jamais la légitime défense conduit à des
blessures. Il enjoint toute personne ayant blessé un animal de «
tout mettre en oeuvre pour l'achever » (Article 13 (2) ;
- Organisation des battues. Il est prévu des
dispositions réglementaires pour organiser des battues, afin de
poursuivre, de refouler ou d'abattre les animaux. La procédure qui
permet d'organiser des battues par l'administration chargée de la faune
peut se résumer en trois points (voir l'Article 12 (1-4)) :
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- Les trophées découlant de cas de
légitime défense ou de battues. La loi prévoit aussi que
« les trophées seront remis à l'administration
chargée de la faune qui procède à leur vente aux
enchères publiques ou de gré à gré en l'absence
d'adjudicataire et reverse le produit au Trésor Public ». Certes,
il s'agit là d'une approche qui incite à ne pas tuer d'animaux
à des fins commerciales. Ces observations s'écartent totalement
de ce qui se passe en RC Congo.
Ce qui confirme notre troisième hypothèse qui
dit que « La population locale refoulerait les animaux qui menacent leurs
activités ».
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