La réglementation CEMAC relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Etude du cas des personnes politiquement exposées.par HINASSOU MAHAMAT Université de Dschang - Master 2 recherche en Droit des Affaires et de l'Entreprise. 2020 |
SECTION II : L'obligation de déclaration des opérations suspectesPosée à la Recommandation 13 du GAFI en ce terme « si une institution financière soupçonne ou a des raisons suffisantes de soupçonner que des fonds provenant d'une activité criminelle, ou sont liés au financement du terrorisme, elles devraient être tenues, directement en vertu d'une loi ou d'une réglementation, de faire sans délai une déclaration d'opérations suspectes auprès de la cellule de renseignements financiers (CRF) », la déclaration de soupçon a été introduite au niveau communautaire par les règlements COBAC de 2005 et CEMAC de 2016 d'une part et d'autre part aux niveaux nationaux par les différents décrets relatifs à l'organisation et le fonctionnement des ANIF dans les Etats membres46. Encore appelée l'obligation de déclaration des opérations suspectes, la déclaration de soupçon est une obligation qui consiste pour les organismes et les personnes qui y sont assujetties à déclarer à l'ANIF un certain nombre d'opérations considérées comme suspectes parce qu'elles peuvent être en lien avec des infractions de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme47. Par ce qu'ils doivent connaitre leur clientèle, les organismes assujettis sont appelés à déclarer toute opération comportant une anomalie. La notion de soupçon qui fonde l'obligation de déclaration n'a pas fait l'objet de définition, ni par le GAFI, ni par le législateur communautaire et encore moins par les législateurs nationaux des Etats membres. Toutefois, selon G. GUITTON, le soupçon est « une opinion défavorable à l'égard de quelqu'un, de son comportement, fondée sur des indices, des intuitions, mais sans preuves précises »48. 45 Il en est de même des obligations supplémentaires. A cet effet, les mesures de vigilance renforcée à l'égard des clients PPE que nous verrons dans le second chapitre doivent également être déclarées dans les conditions de la déclaration de soupçon telles qu'elles seront évoquées dans la partie qui est annoncée. 46 Pour le Cameroun, il s'agit du décret N°2005/187 du 31 mai 2005 portant organisation et fonctionnement de l'Agence Nationale d'Investigation Financière. Pour le Gabon, c'est le décret du 22 septembre 2005 portant création de l'ANIF. Pour le Tchad, c'est le décret N°07-107 du 02 février 2007 portant institution, organisation et fonctionnement d'une Agence Nationale d'Investigation Financière. 47 KALIEU ELONGO (Y.R), « La déclaration de soupçon en matière de blanchiment des capitaux dans la CEMAC : 10 questions pour comprendre les règles applicables », 30 mars 2020, disponible sur www.kalieu-elongo.com consulté le 08 juillet 2020 à 21h 45mn. 48 GUITTON (G.) In Banque et Droit, 2003, N°88, P. 8, cité par TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.), Les banques et la mise en oeuvre du dispositif préventif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun en France, Thèse de doctorat en droit pénal et sciences criminelles, Université de Strasbourg, janvier 2015 P. 164. 18 Ainsi, la déclaration de soupçon est une étape importante dans la détection du blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme et de la prolifération. Et les personnes assujetties des articles 6 et 7 du Règlement CEMAC de 2016 ont un grand rôle à jouer à cette étape, car elle est faite sur la base de leur opinion basée sur des intuitions et des indices. Dès lors, pour mieux cerner cette obligation de déclaration des opérations suspectes, nous traiterons dans le cadre de cette partie l'objet (Paragraphe 1) et les modalités d'exercice (Paragraphe 2) de ladite déclaration. Paragraphe 1 : L'objet de la déclaration de soupçonToute opération que l'assujetti considère comme anormale au regard du montant, de la fréquence, de la qualité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire, etc. doit être déclarée49. Nous comprenons ainsi que l'objet de la déclaration de soupçon n'est rien d'autre que les opérations suspectes. Même si les divers textes communautaires régissant la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ne définissent pas expressément le concept d' « opérations suspectes », ils mentionnent quelques opérations dites suspectes qui peuvent être regroupées sous les vocables des opérations atypiques (A), des opérations sur comptes à haut risque (B) et des opérations excédant le montant seuil (C). A - Les opérations atypiquesEncore appelées opérations inhabituelles, les opérations atypiques sont celles qui ne relèvent pas de l'ordinaire, qui ne sont pas courantes50. Ainsi, aux termes de l'alinéa z) de l'article 3 du Règlement COBAC, les transactions atypiques sont des « opérations sans relation avec l'activité, les habitudes financières ou le patrimoine de leur auteur ». A cet effet, un établissement assujetti doit élaborer en son sein un système de gestion de risques permettant de dresser pour chaque client un profil clair. L'organisme assujetti doit avoir une bonne 49 KALIEU ELONGO (Y.R), « La déclaration de soupçon en matière de blanchiment des capitaux dans la CEMAC : 10 questions pour comprendre les règles applicables », 30 mars 2020, disponible sur www.kalieu-elongo.com, consulté le 10 juin 2020 à 00h 24min. 50 TCHABO SONTANG (H.M), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, mémoire DEA, droit com. Comparé CEMAC, Université de Dschang, 2006, p. 58. 19 compréhension des activités normales raisonnables sur les comptes de sa clientèle de façon à pouvoir déterminer les transactions inhabituelles51. À l'esprit de l'article 1er alinéa z) susmentionné, une opération sans justificative économique est atypique. Et toutes sommes inscrites sur un compte ou qui fait l'objet de transaction et qui semblent n'avoir aucun lien avec l'activité du client, fait naitre du doute. Allant dans ce sens, les personnes assujetties doivent déclarer à l'ANIF les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont des bonnes raisons de soupçonner qu'elles sont le produit d'une activité criminelle ou ont un rapport avec une infraction de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme et de la prolifération52. Aussi, toutes les fois que les personnes assujetties ont connaissance des sommes ou opérations ou tentatives d'opérations dont elles savent, soupçonnent ou ont des bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une fraude douanière ou fiscale lorsqu'il y a présence d'au moins un critère défini par la réglementation en vigueur, sont tenues de faire une déclaration à l'ANIF53. Il en est de même, lorsque les opérations pour lesquelles l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire reste douteuse malgré les diligences effectuées conformément aux dispositions prévues. Il va sans dire qu'à chaque fois qu'une opération ou transaction ne relève plus de l'ordinaire, elle doit faire l'objet de déclaration et il est de même pour des opérations sur les comptes à haut risque. |
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