La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en République Centrafricainepar Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016 |
PARAGRAPHE II : Les expressions théoriques du partenariat au niveau de la CEEACL'article 7 du Traité instituant la CEEAC établit au nombre de cinq les institutions de la Communauté. Il s'agit de (a) la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement, (b) le Conseil des ministres, (c) la Cour de justice, (d) le Secrétariat général et (e) la Commission consultative.Il faut noter que l'avènement du COPAX par la Décision des Chefs d'Etat et de Gouvernement de Yaoundé du 25 février 1999 était l'occasion de créer quelques instances363(*) pour la mise en oeuvre de son Protocole de création. Il y a la Conférence des Chefs d'Etat, le Conseil des ministres et la Commission de défense et de sécurité ; le Secrétariat général. En tout état de cause, qu'il s'agisse des institutions établies par le Traité instituant la CEEAC ou des instances du COPAX, il n'y a pas fondamentalement, sinon aucune distance du point de vue leurs attributions ou compétences. L'on a par exemple, d'une part, le Conseil des ministres du COPAX qui peut exercer tout mandat que lui donne la Conférence des Chefs d'Etat. Rappelons que la Conférence des Chefs d'Etat est l'institution suprême de la Communauté364(*), c'est elle quijuge l'opportunité de décider et de conduire toute initiative contribuant à la consolidation ou au rétablissement de la paix et de la sécurité à l'intérieur de la Communauté ou à ses frontières365(*).La Déclaration du Président du Conseil des ministres du 22 octobre 2002 au Conseil de sécurité des NU que l'on peut appeler « Déclaration d'octobre 2002, acte 1 » traduirait cet état de choses (A). Et d'autre part, le Secrétariat général de la CEEAC qui est la principale administration exécutive de la Communauté366(*). A cet effet, il a pour mission entre autres de promouvoir les programmes de développement et les projets communautaires367(*). C'est ce qui aurait conduit le Secrétaire général adjoint de cette Communauté à faire la Déclaration du 22 octobre 2002 au Conseil de sécurité des NU qu'il convient d'appeler « Déclaration d'octobre 2002, acte 2 » (B). A- Le Conseil des ministres de la Communauté et la « Déclaration d'octobre 2002, acte 1368(*) » C'est lors de la 4630e session du Conseil de sécurité des NU, tenue à New York le 22 octobre 2002 et dont l'ordre du jour adopté porte sur le « Renforcement de la coopération entre le système des Nations Unies et la région de l'Afrique centrale pour le maintien de la paix et de la sécurité » que le Président de ce Conseil, alors monsieur BELINGA EBOUTOU Martin, Représentant du Cameroun auprès de l'ONU, invite le Président du Conseil des ministres de la CEEAC, alors monsieur Rodolphe ADADA à « prendre la place à la table du Conseil et à faire sa déclaration ». Cette déclaration contient à la fois des aspects rétrospectifs qui, pour l'essentiel, constituent le récit d'une évolution positive de la situation sécuritaire en Afrique centrale, du fait de ce partenariat CEEAC-ONU (1) et perspectifs qui traduisent le désir du renforcement du partenariat CEEAC-ONU face au défi de la stabilité en Afrique centrale (2) qu'il faut mettre en lumière. 1- Les aspects rétrospectifs de la Déclaration, récit d'une évolution positive de la situation sécuritaire en Afrique centrale du fait du partenariat CEEAC-ONU Le Ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie du Congo, alors Président du Conseil des ministres de la CEEAC a rappelé qu'il y a moins de deux mois, du 26 au 30 août 2002, s'est tenue à Bangui (RCA), la dix-huitième réunion ministérielle du Comité consultatif permanent des Nations Unies chargé des questions de sécurité en Afrique centrale, un instrument au service de la diplomatie préventive qui vient de célébrer son dixième anniversaire. Il a affirmé que la réunion de Bangui a fait le constat d'une évolution plutôt positive de la situation géopolitique et de sécurité dans la sous-région. Cela, selon lui, grâce notamment à la bonne volonté des parties au conflit, à diverses médiations tant sous régionales qu'internationales et surtout à une réelle prise de conscience de la part de la plupart des acteurs. Estimant que les actions de consolidation de la paix en Afrique centrale, par exemple, l'élaboration des programmes nationaux avec l'assistance de la communauté internationale, qui permettent de redonner confiance à toute une frange de la population qui a besoin de se réinsérer dans la vie civile revêtent aujourd'hui un caractère prioritaire. A ce sujet et à titre illustratif, il a rappelé l'expérience vécue par son propre pays, la République du Congo : « Un programme a (...) été mis en oeuvre avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui a donné des résultats encourageants (...). Huit mille neuf ex-miliciens ont bénéficié d'une assistance à la réinsertion dans le cadre d'un objectif qui visait au départ 10 000 ex combattants. Onze mille cent quatorze armes et munitions ont été collectées ; une cérémonie dite « Flamme de la paix » a été organisée en vue de la destruction de ces armes. Près de 1,8 milliards de francs CFA ont été engagés dans l'exécution de quelque 2 609 microprojets. (...) il y a encore environ 25 000 ex-miliciens recensés qui attendent de bénéficier de ces programmes369(*)».Qu'est-ce qu'il faut dire des aspects perspectifs de cette Déclaration ? 2- Les aspects perspectifs de la Déclaration, désir du renforcement du partenariat CEEAC-ONU face au défi de la stabilité en Afrique centrale « Au nom de la CEEAC, je sollicite le renforcement du concours de la communauté internationale, représentée ici par le Conseil de sécurité, pour la mise en oeuvre de toutes les initiatives concrètes destinées à consolider la paix et la stabilité dans une zone appelée à jouer un rôle majeur sur la scène internationale en raison de ses immenses potentialités370(*). ». Telle est la perspective de portée générale faite par le Président en exercice de la CEEAC pendant cette déclaration. Mais d'autres perspectives de portée spécifique n'ont pas été mises du reste. Il s'agit par exemple de son souhait selon lequel la Mission des NU (en Angola, créée le 15 août 2002 par le Conseil de sécurité) et d'autres initiatives de la communauté internationale répondent à l'appel lancé à Bangui par le Comité consultatif permanent des Nations Unies sur les questions de sécurité en faveur des actions de consolidation de la paix en Angola, telles que la démobilisation et la réinsertion des ex-combattants, la reconstruction et le relèvement économique de ce pays. Le même appel a été lancé en faveur de la RDC où, pour la première fois depuis des années, des lueurs d'espoir d'un retour à la paix se dessinent, avec notamment le retrait des troupes étrangères et les négociations pour un dialogue inclusif. « C'est également vers l'ONU et les autres partenaires bilatéraux que [la CEEAC se tourne] pour la mise en oeuvre d'un volet essentiel du communiqué publié à Libreville, le 2 octobre 2002, à l'issue du sommet sur la situation prévalant entre le Tchad et la RCA, à savoir le déploiement de la force interafricaine d'observation le long de la frontière entre ces deux pays, qui ont décidé de normaliser leurs relations. [La CEEAC] ne doute pas de l'intérêt que l'ONU saura accorder à cette démarche que [la CEEAC] m[è]n[e] au nom de [sa] sous-région371(*). ». Le Secrétaire général adjoint de la CEEAC a aussi fait une Déclaration. B- Le Secrétariat général de la Communauté et la « Déclaration d'octobre 2002, acte 2372(*) » C'est également lors de la 4630e session du Conseil de sécurité des NU, tenue à New York le 22 octobre 2002 pour le même motif que le précédent que le Président de ce Conseil invite le Secrétaire général adjoint de la CEEAC, alors monsieur COSME Nelsonà « prendre la place à la table du Conseil et à faire sa déclaration ». Cette Déclaration peut être comprise à travers son double objet : le premier qui est fondamental est une demande de renforcement des liens de coopération entre la CEEAC et l'ONU (1) ; et le second qui est complémentaire, concerne la présentation de l'architecture de paix et de sécurité de la CEEAC (2). 1- L'objet fondamental de la Déclaration : demande de renforcement des liens partenariaux entre la CEEAC et l'ONU en matière de maintien de la paix et de la sécurité « Nous demandons (...) le renforcement de nos liens par une coopération accrue entre nos deux institutions. Nous devons pour cela instaurer une coopération de proximité. Et pour que ce soit possible, il nous faudra réduire ensemble la distance qui sépare New York et Libreville, et cela, en renforçant les activités de notre Communauté par des appuis concrets à travers les structures et les différents départements de l'Organisation des Nations Unies et la contribution et l'assistance de l'ensemble de la communauté internationale373(*). ». Cette demande a été faite après avoir présenté et montré l'intérêt qu'il y a à renforcer les initiatives de paix dans la sous-région Afrique centrale. A ces effets, le Secrétaire général adjoint affirme que la CEEAC, espace connu pour ses potentialités et qui s'étend sur les 11 pays de l'Afrique centrale, est un espace perturbé ; et que certains parmi ces États ont connu plusieurs décennies de conflit (par exemple, le cas de l'Angola). C'est donc, selon lui, une des raisons pour lesquelles cette Communauté se sent concernée par les questions de paix et de sécurité et les questions d'après conflit. Par ailleurs, il ajoute que la position stratégique qui est offerte à notre sous-région la place dans une situation charnière entre l'Afrique du Nord et l'Afrique australe d'une part, et entre l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique de l'Est, d'autre part. C'est dire que la paix et la sécurité de notre sous-région conditionnent la stabilité de toutes les autres sous-régions, et donc de tout le continent. Aussi au nom de la CEEAC, le Secrétaire général adjoint a demandé à l'Organisation desNations Unies de soutenir les programmes de développement des pays qui ne sont pas directement affectés par les guerres et d'initier des programmes de financement, de désarmement, de démobilisation, de réinsertion, de réintégration et de réinstallation des ex combattants dans des pays qui sont en situation post conflit. Si l'objet fondamental cette Déclaration est important à connaitre, il en est de même pour son objet complémentaire. 2- L'objet complémentaire de la Déclaration : présentation de l'architecture de paix et de sécurité de la CEEAC « Le COPAX constitue l'élément principal de l'architecture de paix et de sécurité en Afrique centrale ; c'est un mécanisme de prévention, de maintien et de consolidation de la paix et de la sécurité au niveau régional374(*) ». Le COPAX est doté de trois instruments dont la mise en oeuvre progressive nécessite particulièrement l'appui de la communauté internationale, déclare le Secrétaire général adjoint. Monsieur COSME Nelson se réfère à la Commission de défense et de sécurité, qui, dit-il, est chargée d'examiner toutes les questions administratives, techniques et logistiques de maintien de la paix en Afrique centrale et d'en évaluer les besoins. Cette force, qui est donc le deuxième instrument du COPAX, poursuit-il, est constituée de contingents nationaux interarmées, de police, de gendarmerie et de modules civils des États membres de la CEEAC, en vue d'accomplir des missions de paix, de sécurité et d'assistance humanitaire. Le Mécanisme d'Alerte Rapide en Afrique centrale (MARAC), marque-t-il, est un instrument d'observation, de surveillance, de prévention des crises et des conflits dans notre sous-région, et c'est l'instrument chargé de la collecte et de l'analyse de tous les événements de la sous-région aux fins de déclencher des alertes. Pour son fonctionnement, il ajoute, le MARAC dispose d'une structure centrale dont le siège, à Libreville, a été gracieusement mis à notre disposition par la République gabonaise. Enfin, le Secrétaire général adjoint dit se référer au Pacte d'Assistance Mutuelle (PAM), l'instrument qui engage les États à se prêter mutuellement assistance pour leur défense contre toute menace d'agression ou toute agression armée, au réseau de parlementaires de l'Afrique centrale, prélude au Parlement sous-régional et au Centre sous-régional des droits de l'homme et de la démocratie en Afrique centrale, dont le siège est à Yaoundé (Cameroun)375(*). CONCLUSION DU CHAPITRE I Dans le cadre des expressions théoriques du partenariat entre CEEAC/UA et ONU dans le cadre de gestion du conflit centrafricain, il faut dire que les différents textes, entres autres Résolutions, Décisions, Agendas, Rapports ou Déclarations, mis en avant ; même si certains sont loin d'être juridiquement contraignants voire « signifiants », et même édictés de façon « unilatérale » témoignent, néanmoins sur la forme ou dans le fond, qu'il y a une reconnaissance ou considération de telle ou telle autre organisation (UA, CEEAC ou ONU) comme partenaire en matière de maintien de la paix et de la sécurité ; et c'étaient là les ambitions de ce chapitre. Même si aucun contrat formel n'a été signé par ces acteurs dans le cadre de la prise en charge du conflit survenu en RCA, les différents textes mis en avant permettent de penser, dans une certaine mesure, qu'il est le cas. Il reste maintenant à démontrer qu'ils le sont également à travers des actions ou dans la pratique. LES EXPRESSIONS PRATIQUES DU PARTENARIAT CEEAC/UA - ONU DANS LE CADRE DU CONFLIT EN RCA Pour paraphraser la professeure TERCINET376(*), l'amplification du partenariat entre les organismes régionaux et l'ONU en matière de maintien de la paix et de la sécurité dans le monde en général, et en RCA en particulier, ne semble pas constituer un phénomène réversible. Si en principe, la CEEAC et l'UA revendiquent de jouer chacune, à travers leurs architectures de paix et de sécurité respectives, le rôle d'« Organisation de premièreinstance» en matière de maintien de la paix et de la sécurité dans leur espace géographique, celles-ci ne perdent pas de vue la nécessité de donner un effet pratique à leur partenariat patiemment construit avec l'Organisation mondiale, et chargée, en vertu de la Charte, d'exercer à titre principal le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il s'agit concrètement de mettre en mouvement une complémentarité active et palliative à certains égards, des insuffisances, et des organismes régionaux, et aussi de l'ONU. Précisément dans le cadre du processus de résolution du conflit centrafricain, deux principales tendances émergent : d'une part, l'on observe que l'ONU a été et demeure « au chevet » des organismes régionaux à travers son intervention dont le but, en réalité, est de consolider377(*) les acquis enregistrés en RCA grâce aux initiatives de la CEEAC et de l'UA (Section I) ; et inversement d'autre part, la CEEAC et l'UA ont été et demeurent utiles à l'ONU à travers, également, leur intervention (depuis le déploiement de la MINUSCA) dont le but n'est pas moins celui de faciliter378(*) les tâches à la Mission de celle-ci (Section II). * 363 Cf ; article 7 du Protocole COPAX, op. cit. * 364 Article 8 (a) du Protocole COPAX et article 8 (2) du Traité CEEAC. * 365 Article 9 paragraphe 1 du Protocole COPAX. * 366 Article 20 (1) du Traité CEEAC. * 367Ibid, (d). * 368 Cf. Lettre datée du 22 octobre 2002 adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent du Cameroun auprès de l'Organisation des Nations Unies(S/2002/1179),Nations Unies, Conseil de sécurité, S/PV.4630, 57e année,4630e séance, New York, Mardi 22 octobre 2002, pp. 2-30, pp. 13-14, et 15. * 369Ibid, p. 13 et 14. * 370Ibid, p. 15. * 371Idem, p. 14. * 372Lettre datée du 22 octobre 2002 adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent du Cameroun auprès de l'Organisation des Nations Unies(S/2002/1179), op. cit., pp. 6-9. * 373 COSME Nelson, Lettre datée du 22 octobre 2002 adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent du Cameroun auprès de l'Organisation des Nations Unies(S/2002/1179), op. cit, p. 9. * 374Ibid, p. 7. * 375Ibid, p. 8. * 376TERCINET (Josiane), « Régionalisme et internationalisme : une conciliation difficile en matière de maintien de la paix », in Le maintien de la paix et de la sécurité internationales, Recueil d'études de Josiane TERCINET, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 447. * 377Cette formulation trouve, en partie, son fondement dans la compréhension du paragraphe 36 de la résolution 2149 (2014) du Conseil de sécurité des NU sur le déploiement de la MINUSCA. En effet, ce paragraphe dispose que le Conseil de sécurité « Prie en outre la MINUSCA d'apporter son assistance, dans la limite de ses ressources et de son mandat, aux efforts politiques déployés par l'Union africaine et la CEEAC à l'appui de la transition, une fois achevé le transfert d'autorité de la MISCA à la MINUSCA ; ». * 378 Deux considérations sont importantes pour justifier cette pensée. D'une part, l'ONU ne dispose pas de Forces en attente pour un quelconque déploiement sur le terrain ; par contre dans le cadre du conflit centrafricain, il y a la MISCA ou Forces de l'UA/CEEAC qui est déjà sur place ; leur intégration dans la Mission de l'ONU facilite la constitution des troupes. Et d'autre part, l'initiative africaine pour la paix en Centrafrique (que l'on étudiera plus tard) est une oeuvre « parallèle » (étant entendu que l'avènement de la MINUSCA met en principe fin à toute autre intervention d'organismes régionaux) mais dont les ambitions vont dans le sens de celles de la MINUSCA : restaurer la paix en RCA. Ce qui peut donc être perçu comme une oeuvre de facilitation dans la réalisation de l'objectif de l'ONU en RCA. |
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