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La transition durable dans les petites villes : le cas de Barcelonnette


par Charly Muziotti
Université du Mans - Master Gestion des Territoires et Développement Local 2019
  

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II. Barcelonnette, ville enclavée au rôle fédérateur sur son territoire

alentours, entre contraintes et potentialités d'une petite ville structurante 16

1. Une méthodologie analytique et empirique pour comprendre un sujet

majeur, transversal à tous les domaines politiques 16

A. Des données qualitatives et quantitatives pour éclairer notre propos 16

B. Des entretiens semi-directifs pour comprendre les problématiques en jeu 17

C. Des limites méthodologiques inhérentes à la recherche dont il faut avoir

conscience 18

2. Un territoire organisé le long de l'Ubaye, articulé entre une communauté

des communes et une association de territoires, qui joue un rôle prépondérant

dans le développement local et les projets d'avenir 19

A. Un territoire centralisé autour de l'Ubaye, qui va de sa source au lac de

Serre-Ponçon 19

B. Un environnement riche et fragile sur lequel repose une économie locale

importante, qui doit être protégé pour perdurer dans le temps 20

C. Une consommation énergétique majoritairement saisonnière et largement

tournée vers le secteur résidentiel et les transports routiers 24

3. Un territoire pertinent pour aborder la problématique de la transition

durable dans les territoires ruraux isolés 25

A. Un secteur économique saisonnier éloigné de l'influence d'une métropole 25

B. Le Pays S.U.D., entre développement rural et volonté d'être précurseur

dans la résilience 27

C. Un TEPOS pertinent compte tenu des potentialités énergétiques 28

III. Un territoire divisé en plusieurs entités politiques qui peine à porter les

projets de transition durable 34

1. Des décideurs locaux pour aborder la problématique à différentes échelles
34

2. Des projets pléthoriques, qui répondent à des logiques de priorité et de

budget 35

3. Des freins liés à des problématiques locales propres aux petites villes 42

4. Différents outils peuvent être mis en oeuvre à l'échelle des petites villes

pour exploiter les potentialités locales 46

Conclusion 53

1

INTRODUCTION

Les considérations écologiques ne sont pas nouvelles. Dès le début des années 1960, de nombreuses voix s'élèvent pour alerter contre les dérives liées à nos modes de vie. En 1962, Rachel Carson publie « Silent Spring » et enclenche une vague de prise de conscience dans le monde occidental. Cette vague écologiste, d'abord cantonnée aux individus eux-mêmes, ne tarde pas à se répandre dans les sphères politiques. Cela a eu pour conséquence de politiser le développement durable comme un objectif transversal à toutes les disciplines, un fil conducteur pour lequel chacun doit prendre ses responsabilités. Les années 1970 marquent l'entrée dans une nouvelle ère en termes d'écologisme. Les premières considérations à propos de l'ozone en Antarctique ainsi que divers effets néfastes entraînent l'émergence successive de Greenpeace (1971), du premier sommet de la Terre (Stockholm, 1972), du Rapport Meadows (1972) et du Mouvement Écologique en France (1974). La fin de la décennie est marquée par les catastrophes de Seveso (Italie, 1976), de l'Amoco Cadiz (France, 1978) et de Three Mile Island (États-Unis, 1979).

Il est vite mis en exergue que le développement durable passera par une adaptation des comportements à toutes les échelles et pas seulement à l'échelle des puissances étatiques. Cela a mené à la création des Conférences des Parties (COP), dont la première édition à Berlin en 1995 a rassemblé des acteurs non gouvernementaux divers et variés (ONG, associations, villes, entreprises et citoyens).

Cette prise de conscience générale de toutes les strates a développé la marge d'actions des villes pour en faire des acteurs à part entière dans la lutte contre le changement climatique. La décentralisation du pouvoir décisionnel leur a permis d'envisager un développement à l'échelle territorial, plus à même de répondre aux spécificités locales. Depuis, les théories et projets se multiplient dans le monde et de nombreuses villes s'inscrivent en pionnières de nouvelles formes d'urbanisme et de développement. Les villes font de cette « course à la durabilité » un argument marketing, mais pas seulement. Elles aspirent à intégrer leurs citoyens dans un processus général dans lequel tous les aspects sont abordés sous l'angle du développement durable et de ses trois piliers : l'environnement, l'économie et le social.

Cet élan renforce les villes et les rend plus indépendantes. Cependant, ces actions nécessitent des ressources humaines et financières importantes, d'autant plus que le recul sur le développement durable étant encore faible, elles sont en phase d'expérimentation de la ville durable. A ce titre, il convient de dissocier les grandes villes et/ou métropoles, détentrices de moyens conséquents, des petites villes isolées, dont la marge de manoeuvre est, par définition, réduite.

Comment les petites villes participent-elles à la transition écologique à leur échelle ? Peuvent-elles être pionnières au même titre que les grandes villes ou sont-elles condamnées à suivre voire se fondre dans ces dernières ?

I. Les petites villes

,

2

des entités

limitées en termes de compétences

et de moyens, qui doivent se

réinventer pour perdurer dans le

temps

1. Les petites villes, entre influence limitée et pouvoir structurant

A. La petite ville, une entité floue pouvant être abordée de différentes manières

Avant toute chose, il convient de définir ce qu'est une petite ville. Le seuil statistique de l'urbain se situe aujourd'hui à 2 000 habitants, une petite ville ne peut donc en compter moins. Cependant, la définition d'une petite ville varie fortement d'une étude à l'autre et selon qui l'étudie. Par exemple, l'INSEE retient régulièrement le seuil de 3 000 habitants pour comptabiliser les petites villes, laissant ainsi un vide sémantique pour les villes entre 2000 et 3000 habitants. Les géographes, eux, adoptent généralement un seuil de 5 000 habitants (MAINET, 2008). Concernant la limite supérieure, il y a là aussi des fluctuations avec une limite hausse généralement admise à 20 000/25 000 habitants (LABORIE 1997) (EDOUARD 2007).

Cependant, il est aujourd'hui difficile de définir une petite ville en termes de seuil François TAULELLE souligne qu'»il y a presque autant de seuils que de chercheurs» (2010). Ces seuils sont amenés à varier selon les spécificités géographiques mais aussi d'un pays à l'autre. Afin de définir si une ville est petite ou moyenne, il ne faut pas seulement prendre en compte le seuil de population. Il est nécessaire aussi de mesurer sa taille de manière proportionnelle avec les villes alentours (DEMAZIERE, 2017). Il est possible de considérer les petites villes et les villes moyennes comme des entités plus ou moins similaires en ce sens qu'elles constituent des pôles urbains de l'espace non métropolisé (KAYSER, 1969).

Selon J-P Frey, «si l'on peut toujours donner un chiffre approximatif au titre d'ordre de grandeur pour qualifier de petite ville une agglomération par rapport à d'autres, seules ses caractéristiques intrinsèques permettent de sortir le chercheur de l'embarras » (FREY, 2002). De fait, il est réducteur de n'utiliser que les seuils pour définir la taille d'une ville même si cela apporte une première indication sur la forme urbaine. Il faut donc ajouter une nouvelle variable pour rendre la définition plus précise. Cette couche supplémentaire, c'est la fonction urbaine. Cette variable est liée à la taille et plus une ville est grande, plus elle accumulera de fonctions. La fonction urbaine permet de pondérer le poids des villes dans leur environnement proche. Ainsi, une petite ville pourra bénéficier d'une zone d'influence étendue, tandis qu'une ville moyenne pourra être phagocytée par la proximité d'une métropole ou d'une autre ville avec laquelle elle partagera les fonctions (TAULELLE, 2010).

3

Les études sur les petites villes se sont longtemps cantonnées aux monographies, les chercheurs ayant porté leurs efforts sur les «monstres» (GEORGES, 1968). Cependant, elles sont aujourd'hui considérées par certains auteurs comme «un outil de connaissance des changements qui affectent tout le pays» (Laborie, 1997). A partir des années 1990/2000, les problématiques liées aux petites villes se multiplient et elles apparaissent comme des territoires riches d'enseignements. Les résultats obtenus peuvent ainsi être transposés à un niveau plus global (EDOUARD, 2012). Cependant, les études récentes sur les territoires ruraux montrent que les «second towns» sont impliquées dans des changements sociaux et économiques plus larges que leur territoire (DEMAZIERE, 2015).

B. Le développement des petites villes : de la décentralisation des politiques à la gouvernance locale

Le contexte du développement a progressivement changé et ce pour trois raisons. Dans un premier temps, la hausse des mobilités a transformé les espaces ruraux en espaces de flux entre les villes et les campagnes. De fait, il n'est plus possible aujourd'hui de faire l'impasse sur les territoires ruraux lorsqu'on raisonne en termes de structuration spatiale (HERVIEU, VIARD 2001) (LACOUR, 2005). Deuxièmement, l'échelle de mise en place des politiques - progressivement réduite - a poussé à la mise en place de systèmes de gouvernance territoriale. Enfin, l'augmentation de la contractualisation et des documents régissant les orientations à venir (SRU, Loi Urbanisme et Habitat) modifie la nature des décisions prises pour l'avenir du territoire.

A partir des années 1970, des politiques spécifiques succèdent aux politiques des métropoles d'équilibre de la décennie précédente. Ces politiques visent à accompagner la croissance démographique des petites et moyennes villes en réhabilitant les centres-villes pour améliorer leur rayonnement (TAULELLE, 2010). Ces politiques s'amplifient à partir des années 1990 pour harmoniser la répartition des hommes et des activités sur le territoire français.

D'un point de vue de la gouvernance des territoires ruraux, sont associés d'une part la proximité géographique des acteurs et d'autre part la proximité organisée. Il y a donc une logique de voisinage entre les acteurs mais aussi une logique de similitude qui les lie. De plus, la gouvernance régit et organise les rapports locaux mais aussi les rapports avec les acteurs extérieurs au territoire mais qui peuvent potentiellement y jouer un rôle (ANGEON, BERTRAND, 2009). Comme le précise B. Pecqueur et J-B. Zimmermann (2004) : « la proximité géographique est subordonnée à la proximité organisée », la proximité géographique jouant davantage un rôle de mise en contexte de la problématique (BERTRAND, MOQUAY, 2004). Plus le territoire est petit, plus la cohérence entre les projets est amplifiée. Cela est dû au fait que la proximité organisée est plus facile à mettre en oeuvre sur des territoires limités (ANGEON, BERTRAND, 2009).

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C. Un contexte fluctuant, entre exode rural et externalité négatives : la petite ville face à ses problématiques actuelles

Les territoires ruraux ont longtemps fait office d'espaces de production agricole et la politique agricole de la France a entretenu cette représentation. Cependant, nous observons aujourd'hui une baisse de la production et donc des revenus qui oblige à envisager une reconversion de ces territoires afin d'en assurer la pérennité future (CORNET, AZNAR, JANNEAUX, 2010).

C'est un fait, les métropoles prennent une place de plus en plus importante dans leur territoire et, de ce fait ont une influence sur les petites villes environnantes. Pour François GRETHER, « L'attraction des grandes villes se fait au détriment des petites » (site Batiactu, 2013). En observant les effets de la métropolisation, il est possible de souligner que les villes se spécialisent. Ainsi, les villes petites et moyennes qui intègrent ces super agglomérations peuvent se voir cantonnées à des fonctions de villes dortoirs ou d'autres fonctions telles que la ville commerce, la ville travail ou la ville administrative (LEGUE, 2006). L'effet de polarisation des richesses et des hommes est un autre effet de la métropolisation qui peut toucher les villes se situant même en dehors de l'aire d'influence directe (TAULELLE, 2010). Cependant, les petites villes conservent un pouvoir structurant de leur territoire alentour, c'est pourquoi il semble judicieux de ne pas trop concentrer les services et la population dans les métropoles mais plutôt tendre vers un équilibre ville/campagne qui saurait permettre aux deux configurations de perdurer de manière complémentaire (FEREROL, 2016).

Les territoires ruraux peuvent aujourd'hui être envisagés selon la typologie proposée par la DATAR en 2011 (PISTRE, 2015) :

? Les campagnes des villes, du littoral et des vallées organisées ; ? Les campagnes agricoles et industrielles ;

? Les campagnes vieillies à très faible densité.

L'espace rural se caractériserait par un vieillissement de la population ainsi qu'une pauvreté croissante (LE RAMEAU, 2016). Cependant, nous observons une inversion de la tendance à l'exode rural. En effet, depuis 2012, 1,5 millions de personnes ont déserté les villes pour s'installer dans les espaces ruraux (RIVAT, 2017). Ces personnes sont à la recherche d'un mode de vie plus sain et un retour à une consommation locale plus écologique et économique (PISTRE, 2015). On observe dans l'espace rural une plus grande résistance au chômage et il bénéficie d'un attrait marqué de la part de la classe moyenne qui recherche sa qualité de vie et un accès à la propriété simplifié. Pour autant, force est de constater que les espaces ruraux sont très dépendants de l'économie des pôles urbains environnants, ce qui les rend statistiquement plus précaires que les espaces urbains (CORNET, AZNAR, JANNEAUX, 2010).

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2. La transition écologique, un concept jeune qui oblige la ville à se réorganiser

A. La ville, un modèle qui s'essouffle, en quête de renouveau

Le modèle des villes tel que nous le connaissons est en train de s'épuiser. En témoignent les dysfonctionnements qui commencent à apparaître tels que la hausse du chômage, la précarité énergétique ou encore la hausse des inégalités économiques. Afin d'améliorer l'impact que l'écologie a sur les actions concrètes, il faut la sortir de son discours alarmiste et aller vers un raisonnement pragmatique. Si cela a été utile pour alerter les populations des dangers liés à notre mode de vie, il faut aujourd'hui en sortir pour mener des politiques cohérentes et réalistes. Jusqu'à présent, la volonté d'aller vers une société efficace et efficiente a fait que la science et la technique ont privilégié les processus économiques (STATIUS, 2017). La faible prise en compte des voix citoyennes ne fait que renforcer le clivage Nature/Société. Cela a pour effet de considérer l'environnement comme une variable technique et pas comme un objet transversal à toutes les politiques. Le sentiment d'impuissance s'en trouve ainsi renforcé (LAIGLE, 2013).

Or la transition écologique peut se définir, selon Lydie LAIGLE (2013), d'une part par les associations et citoyens qui désirent agir sur leur territoire et se réapproprient leur environnement ; d'autre part par l'action publique dont le rôle est basé sur la justice environnementale et de redistribution pour limiter les inégalités des territoires.

Pour aller vers un processus de transition, il est nécessaire que les pouvoirs publics portent ces projets. Les objectifs et principes directeurs sont ainsi édictés à l'échelle nationale mais les modalités d'actions peuvent être adaptées en fonction de la spécificité de chaque territoire, tant que cela va dans le sens des objectifs (RIVAT, 2017). Cela est notamment important car le retour sur investissement de ces projets écologiques est trop lointain pour attirer des investisseurs privés. De plus, il est important, en parallèle de ces transitions, de former la population à l'écologie afin de fournir la filière en travailleurs qualifiés. Enfin et pour pallier à l'urgence, les pouvoirs publics peuvent encourager la réduction de la dépendance des habitants aux énergies non renouvelables. Une des solutions possibles en termes financiers se situe du côté de la Banque Centrale. Cette dernière pourrait accorder des prêts avantageux aux projets écologiques afin de lever le verrou financier qui bloque parfois ces initiatives (GRANDJEAN, 2012).

Les petites villes ont vu leur statut changer avec le retrait progressif des services publics. La tendance à la métropolisation a, en effet, eu un effet polarisant sur les services publics qui ont progressivement déserté les territoires ruraux (TAULELLE, 2010). Suite au retrait progressif de l'État des territoires ruraux, les villes ont du effectuer un travail de diagnostic afin d'identifier les forces et les faiblesses de leur territoire afin de les exploiter au mieux (DEMAZIERE, 2007). Ce diagnostic a permis d'intégrer la transition durable dans les visions d'avenir des petites villes qui peuvent ainsi prendre un nouveau départ et se libérer des modes de pensées nationaux.

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Différents auteurs se sont penchés sur la question pour essayer d'extraire les grands axes d'une transition. Compte tenu que la transition est un phénomène récent, il est aujourd'hui difficile d'avoir suffisamment de recul pour juger du bien-fondé de ces axes. Alain GRANDJEAN dénombre 3 axes pouvant être développés pour organiser la transition énergétique :

· Réduire la consommation des ressources en augmentant l'efficacité énergétique, en réduisant les déchets à la source ou en pensant le bâti dans un diptyque incluant le transport ;

· Substituer progressivement les technologies propres aux technologies existantes pour un passage en douceur vers un mode de fonctionnement plus durable ;

· Prendre en compte la valeur intrinsèque des écosystèmes et investir dans leur restauration et/ou préservation.

Selon Rob Hopkins, il y a 3 composantes essentielles pour amorcer une transition durable :

· Relocaliser les activités sur le territoire en question ;

· Encourager les actions locales pour redonner vie au territoire ;

· Resserrer les liens de proximité afin de créer une réelle autonomie du territoire.

Quelles sont les capacités des municipalités pour influer sur la transition écologique ? Cette question mérite d'être posée. Car si la transition écologique est l'affaire de tous pour aller vers des modes de fonctionnements plus résilients, il n'en demeure pas moins que les spécificités locales obligent à ajuster les variables en fonction du territoire. A ce titre, les métropoles en font un argument de marketing territorial qui peut être déconnecté des véritables actions (HOULLIER-GUIBERT, 2009). Les villes petites et moyennes ne peuvent pas être comparées à des métropoles. Elles se situent dans un vaste entre-deux entre le bourg et la métropole (TAULELLE, 2010). A ce titre, les moyens mobilisés et les freins à la transition ne sont pas les mêmes. La proximité de l'échelon municipal avec les habitants renforce l'accessibilité et la possibilité d'influer sur les politiques, comme le dit Mathieu RIVAT (2017) : « La mairie devient un espace d'où peut se penser et se construire une autre manière d'habiter un territoire ». Il est possible de voir la petite ville comme un lieu de construction des pouvoirs, avec des relations très marquées entre l'administration et les élus et des relations sociales très fortes. Les élus ont des potentialités importantes en matière de négociations de politiques d'aménagement du territoire (TAULELLE, 2010). Mathieu RIVAT va plus loin en affirmant que la taille d'une ville est importante dans le processus de prise de décision. En effet, une petite ville n'a pas de structures lourdes, divisées en d'innombrables services et permet donc de faire bouger les choses plus rapidement et de conclure : « En matière de démocratie, la question de l'échelle est essentielle ». De fait, il importe aujourd'hui de reléguer les politiques du type « top-down » pour passer à des politiques dites « bottom-up » dans lesquelles les décisions sont prises du bas vers le haut. Ainsi, les habitants ne se font plus imposer la ville mais peuvent agir sur cette dernière (LEVY, 2009). Les réintégrer dans le processus décisionnel, c'est leur donner la possibilité de mesurer pleinement la force des enjeux qui façonnent cet organisme vivant qu'est la ville (JOUVE, 2007). Cela constitue une expérience à l'échelle locale qui ne peut être que

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bénéfique et entraîner des réponses plus adaptées, il est souvent reproché à la ville d'engager des experts qui apportent des réponses stéréotypées, venues d'ailleurs (CHEMETOV, 1994).

B. La transition, un concept jeune, qui passe par l'implication des citoyens dans les processus de décision

Les petites villes ont ceci de particulier qu'elles peuvent mobiliser plus facilement les citoyens. Comme nous l'avons vu précédemment, l'absence de structures lourdes et la proximité avec les élus permettent d'envisager la consultation des habitants comme une procédure efficace et relativement simple à mettre en place. Afin de permettre la transition, il faut permettre aux citoyens de se saisir des questions et problématiques liées à la transition écologique. Ainsi, il est primordial de les consulter et d'être attentif à ce qu'il se passe au niveau associatif. C'est par ces relais que les habitants se sentiront impliqués et en mesure d'apporter leur pierre à l'édifice (LAIGLE, 2013). Il y a des sujets qui requièrent une technicité importante évinçant de fait les habitants de la participation et de la co-construction. Cependant, les habitants peuvent être impliqués à leur échelle et en fonction de leurs compétences, en collaboration avec les experts des cabinets d'urbanisme (RIVAT, 2017). Impliquer les citoyens dans les décisions en matière de transition écologique permet de les rendre plus responsables et plus critiques. Leur implication est donc aussi une manière d'influer sur leurs comportements. Cela peut être amplifié par des initiatives telles que la mise en place d'un système d'actions qui permet aux citoyens d'investir et donc de rentrer au capital d'un projet écologique pour être encore plus impliqués dans le développement des alternatives durables (RIVAT, 2017). Bien que la gouvernance nécessite de revoir l'organisation des acteurs sur le territoire, il est possible d'observer que les acteurs locaux ayant comme objectif la transition durable se sont déjà organisés à leur échelle. Par exemple, les producteurs désireux de valoriser les circuits-courts ont mis en place des systèmes tels que les AMAP ou la vente directe afin de prendre les devants sur l'organisation générale du territoire (EYCHENNE, 2014). Ce sont des expériences que les élus locaux doivent prendre en compte afin d'intégrer ces actions à un niveau municipal. Il est, aujourd'hui, difficile d'interpréter la démarche en faisant un retour d'expériences. En effet, la démarche étant encore jeune, les données récoltées ne permettent pas de faire un retour probant sur ces initiatives. C'est pourquoi il peut être intéressant de se tourner vers les acteurs qui se sont déjà organisés en ce sens. Bien qu'ayant un recul encore limité, ils ont parfois des années d'avance et des premiers feedbacks qui encouragent les démarches à perdurer (EYCHENNE, 2014).

Pour permettre la participation des citoyens, il faut organiser des débats dans lesquels tous les échelons se confrontent afin d'aboutir à des pistes et des solutions pour amorcer la transition écologique. Les initiatives citoyennes apportent un regard citoyen qui permet de compléter la vision d'ensemble des initiatives publiques. Cela permet aussi de savoir quels sont les secteurs pour lesquels les habitants sont prêts à consacrer du temps et de l'énergie (LAIGLE, 2013). Afin de produire un débat de qualité dans lequel toutes les parties sont impliquées, Philippe BARRET dénote 3 conditions essentielles (2014) :

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? Toutes les parties doivent être impliquées et, surtout, chacune doit connaître à l'avance son niveau d'implication ;

? Définir dès le départ le preneur de décision ;

? Organiser un suivi et une continuité du débat car tout ne peut être résolu en une seule réunion.

Malgré ces conditions, le débat peut être freiné pour diverses raisons. Premièrement, le cadre du débat. En effet, si les enjeux sont flous, les solutions trouvées le seront tout autant et peuvent finalement s'éloigner du problème concret. Deuxièmement, il convient de savoir qui finance le dialogue ? Ce dernier a un coût qui est souvent supporté par les décideurs qui doivent ainsi optimiser le débat. L'erreur à ne pas faire serait de comparer le coût du débat avec le coût du «non-débat». Enfin, et cela est un problème qui se posera de plus en plus à l'avenir, le débat avec toutes les parties oblige à revoir le rôle de l'élu. Son pouvoir se trouvera diminué par la concertation, cependant, le rôle de l'élu est peut-être amené à passer de décisionnaire à organisateur du débat (BARRET, 2014).

Pour aller vers la transition durable, les petites villes possèdent un autre levier que beaucoup d'auteurs admettent comme primordial. Il s'agit de la relocalisation des activités au sein du territoire rural. La relocalisation des activités permet d'être moins dépendant des énergies fossiles et plus résilient face aux changements climatiques. Cela favorise de plus l'engagement citoyen et la prise d'initiative par les habitants du territoire, pour le territoire. Renforcer l'action locale permet d'envisager un développement durable plus ancré avec son territoire. Les actions écologiques trouveraient donc une utilité sociale en rapprochant consommateurs et producteurs locaux, tout en valorisant les initiatives prises à l'échelle du territoire (LAIGLE, 2013). Cependant, se concentrer sur l'activité locale en favorisant les circuits courts ne veut pas dire qu'il faille se couper de l'extérieur. Rester ouvert sur le territoire environnant est primordial, ne serait-ce que pour ne pas fonctionner en circuit clos et prendre le risque que les décisions soient déconnectées des problématiques réelles (RIVAT, 2017).

Les territoires ruraux peuvent se retrouver dépendants d'un employeur local ou d'un secteur d'activité. Un des principes de la durabilité serait alors de tendre vers la diversification des activités (RIVAT, 2017). Pour cela, les petites villes peuvent se regrouper sous forme de «Pays» afin d'avoir un poids politique plus important et une diversité accrue. Les lois sur l'intercommunalité et sur l'aménagement (loi sur les pays de 1995 et loi Voynet puis Chevènement de1999) témoignent de ces (en)jeux de pouvoirs avec les élus des villes petites et moyennes. Selon François TAULELLE (2010), elles ont permis :

? De conforter les communes dans leur rôle de centralité des intercommunalités ;

? A ces regroupements d'être porteurs de projets de développement, notamment en raisonnant en termes de «Pays».

Les intercommunalités ont donné un rôle de coordination des politiques locales aux villes petites et moyennes, renforçant ainsi leur centralité au sein des Pays (LABORIE, DELPEYROU, 2004).

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3. Le développement territorial, un aspect majeur dans la transition des petites villes vers un mode de vie durable confronté à des défis de taille

Afin d'organiser la transition vers une société plus résiliente, la petite ville doit adapter son développement territorial en intégrant des notions de développement durable en filigrane de toutes ses politiques. L'enjeu est plus compliqué qu'il n'y paraît et même si les connaissances sur le sujet sont chaque jour un peu plus poussées, il reste un long chemin à parcourir pour tendre vers la durabilité.

A. La ville durable, comment créer le concept dans l'imaginaire et la manière d'aborder la ville ?

Élaborer une ville durable, c'est avant tout impliquer ses habitants dans les processus. Et pour cela, il faut que ceux-ci se sentent appartenir à un tout qu'ils maîtrisent, façonnent et font évoluer en fonction des principes du développement durable, mais aussi de leurs besoins. La communication et l'information jouent des rôles essentiels dans la prise de conscience des enjeux et une communication ciblée sur la ville est de nature à créer et renforcer l'attachement des habitants à leur lieu de vie (SAUVAGEOT, 1997). De nombreux auteurs se sont penchés sur cet aspect de la ville durable et sur la communication à adopter pour aller dans ce sens. Cela a conduit deux auteurs à qualifier la ville durable de « mythe de la qualité totale » (THEYS, EMELIANOFF, 2001).

La communication de la ville répond à 3 objectifs qui agissent comme des lignes directrices (GAGNEBIEN, BAILLEUL, 2011) :

? Connaître les comportements des habitants pour éventuellement les pallier ou les encourager ;

? Mettre en avant le modèle prôné de la ville ;

? Informer et éduquer les citoyens à d'autres habitudes afin de tendre vers la durabilité.

Une fois ces principes mis en place, les débats peuvent être plus constructifs et ont de nature à imposer le développement durable de manière douce et transversale dans les considérations d'avenir et cela grâce à de nouvelles normes communicationnelles (GAGNEBIEN, BAILLEUL, 2011).

Créer un imaginaire autour de la ville durable, c'est aussi envisager des formes de travail peu ou pas utilisées pour le moment. Par exemple, de nombreux métiers peuvent aujourd'hui bénéficier d'un aménagement en télétravail afin de limiter les déplacements. Cela est d'autant plus vrai dans les territoires ruraux où les habitants sont amenés à parcourir des distances plus grandes qu'en milieu urbain et ce avec moins de possibilités de se reporter sur les transports en commun ou les mobilités douces (GANCE, 2013).

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L'homogénéisation des modes de vie entraîne une tendance à la métropolisation et à une augmentation de l'influence urbaine. Le territoire rural a cette particularité de présenter des avantages en matière de flexibilité et de lutte contre l'inertie, et en ce sens il est nécessaire de lutter contre cette uniformisation au profit d'une culture du rural plus marquée et plus à même d'aller dans le sens de la transition écologique (RHONALPENERGIE, 2012).

Nous observons ainsi des notions nouvelles telles que le « city branding » qui peut permettre aux territoires ruraux de tirer leur épingle du jeu. Cela consiste à mettre en avant les atouts de la ville dans une stratégie de marketing territorial afin de la rendre attractive auprès des populations et des entreprises (INSTITUT JULES DESTRÉE, 2012). Pour renforcer ce poids, les villes peuvent se rassembler en communauté des communes afin de mutualiser les forces et les coûts et améliorer la qualité de leurs services. Cependant, ce n'est pas la seule forme de rassemblement puisqu'au rassemblement par proximité géographique s'oppose celui par thématique. En effet, des regroupements tels que Cittaslow ou Réseau international des villes du bien vivre ou le réseau SEKOM (éco-municipalités) crée en Suède. Ce dernier a été fondé à Övertorneå en Suède en 1983 avant de s'étendre à 107 communes et consiste surtout en un échange d'expériences entre les communes participantes afin de mutualiser les connaissances et permettre un développement rapide de la ville durable.

B. Les documents d'urbanisme et les agendas 21

,

 

des outils efficaces pour amorcer la transition ?

Pour parvenir à leurs fins, les territoires bénéficient de plusieurs outils leur permettant d'aller vers le développement durable et la transition écologique.

En premier lieu, il y a tous les documents d'urbanisme qui permettent de tracer les lignes directrices des projets urbains, avec en tête de ceux-ci le Plan Local d'Urbanisme. Le PLU venu remplacer via la loi SRU (2000) le Plan d'Occupation des Sols, permet essentiellement d'effectuer un zonage dans les zones constructibles et non constructibles dans les années à venir. Cependant, le PLU va plus loin que le POS en intégrant un nouveau document, le Plan d'Aménagement et de Développement Durable (PADD). Le PADD peut et doit refléter une vision globale et politique de l'avenir de la commune, sous l'égide du développement durable, en intégrant l'urbanisme, mais aussi le logement, l'emploi, les déplacements (SCHMIT, 2006). Certains critères sont imposés au niveau national par la loi Grenelle II, à savoir un « urbanisme économe en ressources foncières et énergétiques », cela présuppose une lutte contre l'étalement urbain couplée à des actions de densification des centres (GRENELLE II, 2010).

Afin de permettre la transition écologique, les communes doivent agir sur plusieurs axes. Premièrement, le développement durable doit être une notion transversale à toutes les politiques locales qui doivent ainsi intégrer cette variable dans toutes les planifications. Cela étant, il est nécessaire de faire monter en compétences le personnel de la commune qui aura ainsi des notions plus poussées en matière de développement durable. Enfin, il ne faut pas hésiter à intégrer des propositions du milieu associatif qui a souvent une expérience plus poussée en matière d'initiatives

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durables (TORREALBA, 2014). Pour cela, la mise en place d'un Agenda 21 est une manière d'intégrer les considérations écologiques aux politiques de développement territorial. Comme l'analyse Cyria EMELIANOFF (2005) : « Les agendas 21 locaux constituent la traduction la plus immédiate ou la plus visible, puisqu'elle est labellisée, de la problématique du développement urbain durable ». Selon la définition de l'ICLEI (Conseil international pour les initiatives écologiques locales) : « l'agenda 21 local est un processus multisectoriel et participatif destiné à atteindre les buts de l'agenda 21 au niveau local et au moyen de la préparation et de la mise en oeuvre d'un plan stratégique d'action sur le long terme, plan qui traite des enjeux locaux et prioritaires du développement durable. » (1997). Cependant, on déplore que cet outil fasse souvent la promotion de politiques sectorielles, ne prenant pas en compte l'interrelation des différents secteurs (ICLEI/DIFU, 1999). Comme le dit Christian GARNIER : « Le contexte français reste fortement marqué par des politiques initiées à l'échelon central, qui découragent les initiatives décentralisées et l'expérimentation locale » (1994). Cela étant, nous observons que la France accuse un retard comparé à ses voisins européens en matière d'agendas 21, les agendas 21 locaux n'ayant pas réussi à s'imposer comme un outil efficace en matière de transition durable (EMELIANOFF, 2005).

C. La transition durable, une vision ambitieuse de l'avenir, qui peine encore à s'imposer comme la norme

Dans un premier temps, nous observons que de nombreuses villes érigent des éco-quartiers comme autant de vitrines de leurs actions écologiques, mais aussi comme des laboratoires de solutions potentiellement transposables à la ville dans son intégralité. Cependant, leur caractère exceptionnel leur confère un surinvestissement financier et une marge de manoeuvre déconnectée des véritables enjeux. De fait, les solutions mises en place dans ces quartiers ne sauraient constituer des outils transposables à toute une ville (SOUAMI, 2007). De plus, nous observons un isolement marqué de ces quartiers par rapport au reste de la ville qui les place comme des îlots déconnectés de la réalité (TARDIEU, 2015).

D'un point de vue politique, nous pouvons constater que la mise en place d'un agenda 21 local encourage la mise en place de politiques sectorielles alors que le développement durable est censé être transversal tant il concerne tous les secteurs de l'action publique (MAINET, 2016). En théorie, le développement durable conserve sa notion de transversalité mais les faits témoignent d'une gestion sectorielle. De plus, et cela est primordial pour les territoires, il est intéressant de se demander si l'échelle communale est aujourd'hui la bonne échelle pour répondre aux enjeux à venir. L'imbrication des communes sur de nombreux secteurs (transports, assainissement, développement économique) nécessite d'envisager la mise en place de politiques durables en collaboration avec les communes voisines exerçant une influence sur la commune en question. Dans une aire urbaine dense, la métropolisation est de mise pour répondre à ces enjeux au sein d'un territoire élargi, cependant, les territoires ruraux n'ont pas toujours la possibilité de se regrouper en pôles pour mutualiser les forces et les risques (MAINET, 2016). L'incompatibilité des échelles globales et locales freine le développement des collaborations et la mise en place des innovations car les solutions ne sont pas transposables en l'état sur

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d'autres territoires. Les spécificités de chacun les encouragent ainsi à entreprendre des actions chacun de leur côté (GUYONNET, 2007).

D'autres problèmes d'un point de vue politique sont les échelles de temps des actions liées à la transition écologique. En effet, les délais pour entrevoir le début de résultats positifs dépassent largement ceux d'un mandat politique. Ainsi, les élus ne sont pas enclins à prendre des mesures qui pourraient leur porter préjudice pour ne donner des résultats que bien après son mandat (GUYONNET, 2007). Cela fragilise démocratiquement l'élu qui doit faire face à un dilemme, à savoir prendre les risques de ne pas être réélu mais d'entreprendre des actions durables, ou adopter une stratégie managériale et raisonner à l'échelle de son mandat (ADEME, 2013).

Enfin, nous observons que, bien que les connaissances puissent être disponibles sur le territoire, leur fragmentation sur le territoire et la sectorisation des compétences sont de nature à favoriser l'inertie. D'où l'importance de d'intégrer en premier lieu le développement durable dans tous les secteurs afin que l'objectif soit commun et les actions concertées et combinées. Dans les territoires ruraux, cela passe par les initiatives et les convictions d'un ou d'une poignée d'élus. En effet, un élu réfractaire au développement durable peut, dans les petites communes, freiner le développement de ces projets (ADEME, 2013).

Nous observons qu'en matière de ville durable, le volet environnemental est largement mis en avant, ce qui impacte les deux autres volets du développement durable, à savoir l'aspect économique et social (LEVY, 2009). De plus, la conception de la ville du futur telle qu'elle est mise en avant pourrait, à termes, générer de nouveaux problèmes et questionnement, notamment au niveau de l'égalité hommes/femmes. En effet, la participation citoyenne est avant tout une affaire d'hommes, tandis qu'en supprimant des moyens de transport comme la voiture, nous supprimons un moyen de protection aux femmes qui encourent statistiquement plus de risques en milieu urbain que les hommes (RAIBAUD, 2015). Ainsi, tendre vers la ville durable n'est pas tendre vers une ville sans défaut mais plus vers une perfection de façade, il ne faut pas forcément verser dans l'utopie qui voudrait que « changer la ville, c'est changer la vie », et opposer trop fermement une ville telle que nous la connaissons aujourd'hui avec son pendant utopiste, durable et libérée de toutes contraintes (LEVY, 2009).

Enfin, pour illustrer les dilemmes auxquels la ville durable est confrontée, nous pouvons prendre le tristement célèbre exemple de Dongtan en Chine. Afin de contrebalancer les images négatives renvoyées par les villes chinoises, de congestion et de pollution, la Chine a annoncé le projet d'une ville durable à la pointe de la technologie et bénéficiant des dernières innovations en matière d'écologie. Ville autonome en énergie, transports en communs réguliers et sans émissions de gaz à effet de serre, recyclage des eaux usées, des déchets, etc. Tels ont été les maîtres mots de la construction de ce projet faramineux qui n'a finalement pas vu le jour. Pour expliquer l'échec, il est possible d'invoquer de nombreuses raisons, parmi lesquelles la création ex-nihilo. En effet, le territoire sur lequel s'est construite la ville était une réserve ornithologique, ce qui a contribué à ternir l'image du projet. De plus, sans réelle culture de la ville de la part des potentiels habitants, du fait de sa nouveauté, aucun investisseur ni employeur n'a eu la capacité de contenir une population qui devait s'élever à 500 000 habitants. De fait, un pont à 8 voies a été

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construit spécialement pour mener les habitants à Shanghai afin de travailler, contribuant ainsi à un excès de pollution liée aux véhicules. Enfin, et ce sont des critères que nous avons pu retrouver tout au long de cet énoncé, le coût de ces constructions était tel que l'accès à la propriété devenait prohibitif pour une majorité de chinois, excluant de facto le volet social du développement durable en empêchant toute mixité sociale (MEQUIGNON, MIGNOT, 2015).

L'erreur que peuvent commettre les villes, dans leur désir de durabilité, est de composer sans les habitants qui se retrouvent ainsi laissés de côté. Or ce sont eux qui font et façonnent la ville, comme l'écrivent MEQUIGNON et MIGNOT dans un article paru en 2005 [s1] : « Elle est le lieu de l'habitat, ce qui pose alors [...] les questions de l'habiter ». Se pose alors la question de l'accès à la propriété. C'est un phénomène qui a déjà été observé : une politique trop ambitieuse, voire hors sol (îlots ou éco-quartiers) en matière de développement durable, a de fortes chances de conduire à une gentrification des centres urbains et à une baisse de la mixité. Or une ville ne peut pas être durable si elle est élitiste, cela va à l'encontre des principes directeurs. Le problème peut d'autant plus être important qu'une réhabilitation des centres couplée à des restrictions sur l'utilisation de la voiture personnelle va, d'une part, éloigner les classes les plus pauvres du centre-ville, mais aussi les marginaliser par rapport à leur utilisation de la voiture pour revenir vers ces centres. Cela peut générer des « captifs du périurbain » (ROUGE, 2005) voire conduire à la création de ghettos (GUYONNET, 2007). C'est tous ces paradoxes que la ville durable doit intégrer dans son désir d'aller vers l'harmonie environnementale, économique et sociale, et cela nécessite d'être en mesure de pondérer les décisions prises et d'identifier leurs éventuels effets néfastes.

La participation citoyenne, nous l'avons évoquée plus haut, est un critère primordial dans l'élaboration de la ville durable. Cependant, tous les quartiers ne participent pas avec la même intensité aux processus décisionnels. Les quartiers où la mixité sociale est la plus forte enregistrent aussi le plus fort taux de participation. Des habitants aux profils pléthoriques, allant du jeune adulte peu diplômé au cadre exerçant une profession intellectuelle en passant par la personne retraitée, favorisent le débat et la confrontation. A l'opposé, les quartiers plus homogènes, composés soit de personnes aisées soit d'une population aux revenus faibles ne sont pas aussi dynamiques (LES GRANDS DOSSIERS DES SCIENCES HUMAINES, 2015). Il faut aussi envisager les quartiers comme des vases communicants. Par exemple, un quartier qui va limiter la circulation de véhicules motorisés entrainera deux conséquences. Premièrement, une gentrification du quartier par le gain en tranquillité lié à la mesure. Deuxièmement, un report des flux de circulation sur les quartiers voisins, et donc une dévalorisation foncière (HUMAIN-LAMOURE, 2015).

Anne-Lise HUMAIN-LAMOURE va plus loin dans les limites de la participation citoyenne, notamment en termes de concurrence entre les citoyens et le milieu associatif qui oeuvre dans le secteur parfois depuis longtemps. A cela s'ajoute aussi une différence de poids de parole et les citoyens les plus éduqués vont briguer plus facilement le débat car ils ont des chances d'être plus familiers du processus. Le risque étant que la ville se façonne finalement à leur image, sans tenir compte de la mixité sociale et des situations sociales différentes. Enfin, un dilemme se pose concernant la forme de la démocratie participative. Sans modérateur, la réunion peut vite devenir une litanie de doléances et renforce l'idée de réunions

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institutionnalisées. Cependant, elle souligne trois limites : la mise en scène trop formelle, un accès au conseil plus difficile et des débats qui peuvent s'avérer biaisés par les municipalités si le projet discuté est déjà mis en route.

La ville est à un tournant de son histoire. Les nouveaux enjeux environnementaux, couplés à une possibilité d'actions accrue des villes, leur confèrent une responsabilité à l'échelle locale et internationale. De fait, nous observons que sa forme change, ainsi que son organisation et sa planification.

Si la ville a longtemps été un organisme froid, déconnecté de ses habitants, elle aspire aujourd'hui à plus de participation de ses citoyens dans les décisions à prendre. L'enjeu est primordial, il faut, aujourd'hui, composer la ville qui vivra des décennies, en diminuant son impact sur l'environnement, ses habitants et sa dynamique. Ainsi, le volet environnemental est important, mais il est loin d'être le seul aspect à prendre en compte. La mixité sociale et la croissance économique sont autant de variables nécessaires à la pérennité de la ville.

Nous l'avons vu, les réponses à apporter pour aller vers la transition écologique ne sont pas clairement définies. Cela est dû à la jeunesse des considérations et à un retour d'expériences faible voire inexistant. En effet, les échelles de temps afin de valider l'efficacité d'une démarche sont bien plus longues que les mandats politiques. Cela pose le problème de la continuité des actions au-delà des mandats. Enfin, chaque territoire ayant des spécificités en matière géographique, organisationnelle, démographique et en termes d'impacts sur son environnement, les solutions ne peuvent être dupliquées de manière stéréotypée et chaque ville doit effectuer un travail de recherche spécifique avant d'entamer un processus de changement.

C'est en ce sens que les petites et les grandes villes diffèrent. Les grandes villes et métropoles disposent de moyens humains et financiers conséquents pour établir un diagnostic précis de leurs territoires. Elles bénéficient aussi d'un fort attrait économique qui rend l'émergence d'initiatives plus viable. Les petites villes, quant à elles, sont souvent isolées et peu dynamiques comparées aux métropoles. De fait, elles doivent composer avec les moyens présents pour établir un système efficient qui ne soit pas trop consommateur de budget public tout en impactant l'économie de manière positive. Ce dilemme renforce l'inertie des territoires, mais peut être pallié par une implication plus forte des habitants. Cela est possible partout, mais est efficace dans les petites villes qui bénéficient d'un territoire réduit, ayant une taille plus humaine et sur lequel les retombées des actions se verraient plus rapidement.

Bien que différentes dans leur structure, les villes sont aujourd'hui l'échelle du développement durable. A ce titre, elles concourent toutes vers l'objectif commun de réduire leurs impacts, locaux dans un premier temps, mais globaux quand ils sont mis bout à bout. Des coopérations locales et internationales voient le jour afin de mutualiser les connaissances encore jeunes sur le sujet. Cette coopération est vitale pour les petites villes qui, bien qu'elles ne puissent les calquer telles quelles, peuvent s'inspirer de ce qui se fait ailleurs afin de s'orienter dans la bonne direction.

Les décennies à venir marqueront l'avènement d'une ville nouvelle, une ville réconciliée avec ses habitants et son territoire. Et pour ce faire, il faudra en passer par des choix audacieux, parfois impopulaires, mais toujours concertés. De fait, les

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petites villes ont un rôle prépondérant, de par leur nombre conséquent et la population qu'elles abritent. Comment les petites villes participent-elles à la transition écologique à leur échelle ? Nous faisons les hypothèses - au regard de ce qui a été rédigé précédemment - que les petites villes ont un rôle prépondérant à jouer dans le développement durable et sont en mesure de prendre en charge leur propre développement à l'échelle locale. Pour cela, nous partons du postulat qu'une petite ville aura certes des manques de compétences et de moyens pour certains aspects, mais une plus grande marge de manoeuvre sur d'autre. De fait, nous partons de l'idée qu'une petite ville, à partir du moment où elle joue un rôle structurant sur son territoire, a un rôle prépondérant à jouer dans l'élaboration de projets de développement durable.

Nous nous concentrerons sur le cas de Barcelonnette, ville de montagne de 2 000 habitants et qui a la particularité d'être une petite ville qui fait office de bourg-centre et a donc un rôle structurant sur son territoire alentours au même titre que ville de plus grande envergure.

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