Le récit médiatique électoral de la présidentielle de 2018 dans Le Phare et Le Potentielpar David Mukendi Kalonji Université Catholique du Congo (UCC) - Graduat 2021 |
1.1.2. Le récitDepuis les premières tentatives définitionnelles du récit, notamment chez Aristote (La Poétique) et Platon (La République), leurs continuateurs ont ensuite progressivement conceptualisé le récit comme objet autonome d'une science dénommée « la narratologie ». Le récit fait l'objet, aujourd'hui de nombreux travaux de recherche. Voilà qui fait dire à J. Bres :« ...qu'à n'en pas douter, le récit est le type textuel qui, depuis les années 1950, a donné leplus matière à réflexion en sciences humaines : littérature bien sûr, mais aussianthropologie, ethnologie, sociologie, etc. »11(*) Le récit est par conséquent investit de plusieurs fonctions dans la société. Il se caractérise par la pluralité des supports qui le prennent en charge (oral, écrit, verbal ou non, fictionnel ou factuel,etc.). Cette hétérogénéité dynamise la conception extensive du récit que propose R. Barthes dans la revue Communicationconsacrée à la narratologie structurale : « innombrables sont le récit du monde ».12(*) Une définition minimale du récit est proposée par J-M Adam et F. Revaz, le récit est untype particulier d'organisation des énoncés (écrits, oraux et nonverbaux), une forme particulière de mise en texte..13(*)Ainsi, J-M Adam évoque six constituants pour parler du récit : « une succession d'événements dans le temps, il faut qu'il y ait une unité de thème, il faut que le(s) personnage(s) subisse(nt) des transformations, il faut qu'il ait unité de l'action, sinon, on a plusieurs récits, il ne faut pas qu'on assiste à une simple succession chronologiques d'événements ».14(*)N. Everaert-Desmedt conçoit le récit comme la représentation d'un événement.15(*) M. Laforest et D. Vincent abordant dans le même sens, insèrent la dimension temps dans la compréhension du récit, en l'abordant comme toute relation temporellement ordonnée d'événements passés.16(*) En définissant le récit de manière minimale, on risque de passer à côté des invariants narratifs qui sont les constituants de tout récit. Et par conséquent de masquer les conditions d'existence du récit que nous appréhendons dans cette recherche de production médiatique et ensuite d'électoral. C'est pourquoi, il est pertinent de rappeler, dans la
perspective choisie pour notre recherche, l'observation de L. Marin qui
indique : « le récit relève du
procédé rhétorique, des opérations argumentatives,
des tactiques dialogiques visant à persuader l'autre, à manipuler
l'auditeur, à le réduire au silenceou à le faire croire
(...) Un piège, soit. Qui est le piégeur ? Le narrateur
dissimulédont le récit dénie la présence. Et le
piégé ? Le lecteur qui croit entendre le récit
desévènements de cette voix inaudible la semence de la
vérité même dans le fait sur la Adopter de manière univoque ce point de vue, nous amène vers une difficulté importante. Celui de la confusion entre récit et discours qui cohabitent et ne sont pas indépendants l'un et l'autre. Ce concept polysémique(discours), cher à E. Benveniste qui met un accent particulier notamment sur les déictiques (traces de l'énonciateur).En clair, il nous faudrait éviter de tomber dans le tout narratif ou tout discours. C'est ainsi que dans les lignes qui suivent nous tentons de comprendre le récit à travers deux dimensions : l'histoire et le discours.
Le récit comprit comme histoire désigne des événements, une logique d'actions, une syntaxe des personnages qui sont rapportés par divers moyens (mimique, narration, représentation dramatique, film, bande dessinée, etc.). Pour distinguer le récit du discours, E. Benveniste développe dans une étude consacrée à la relation entre le passé simple et le passé composé, des indicateurs à ces deux plans d'énonciation discours et histoire. Ces indicateurs sont entre autres les temps verbaux, les pronoms soulignant la présence ou non dulocuteur dans ce qu'il énonce, les références spatiales et temporelles. Il avance que le récit (énonciation historique) est caractérisé par l'absence d'un narrateur ; le terme narrateur évoque ici l'auteur d'une narration historique ou fictionnelle ;et aussi par la présence du passé simple, le future prospectif, l'imparfait et s'élabore par la troisième personne du singulier. Bref chez E. Benveniste, dans le récit (énonciation historique) les événements sont racontés comme eux même.18(*) Le contenu d'un récit peut être une interprétation de la réalité ou une illusion de la réalité explicite ou non voire une créativité issue de l'imagination (science-fiction, mythe). En clair, le récit vu comme histoire, n'est qu'un événement raconté qui peut être factuel ou fictionnel, voire imaginaire faisant appel selon le cas au mythe voire à la science-fiction dans le but d'influencer le récepteur. 1.1.2.2. Le récit comme discoursLe récit vu comme discours, se rapporte à l'acte par lequel le narrateur communique avec l'auditeur en faisant connaitre les événements.19(*)Il se différencie du récit entantqu'histoire par la présence du locuteur qui est par conséquent en face du lecteur. Et aussi par la marque de personne à travers le couple je/tu et « il ». La frontière entre le discours et le récit n'est pas si hermétique, car G. Genette a lui-même affirmé dans une publication de l'impossibilité de l'existence d'un récit sans narrateur.20(*)Le narrateur selon G. Genette assume diverses fonctions, comme celui de communication, de régie, d'idéologie, etc. Il peut par conséquent s'agir des statuts en tant qu'homodiégétique, hétérodiégétique et diégétique. Cela dit, nous n'affirmons pas pour autant, que tout discours est obligatoirement un récit, mais qu'il est fort probable de retrouver dans certains mécanismes propres au discours dans le récit et vice versa. Par conséquent, il ne serait pas insensé d'affirmer que le récit et le discours s'enrichissent mutuellement. En somme, nous comprenons le discours à la manière de P. Charaudeau, comme une « manière de direselon un ensemble des conditions énonciatives et intentionnelles qui leprésident ».21(*) Cependant, cette façon de dire se matérialise en plusieurs modalités dont une catégorie peut prendre la forme séquentielle est désignée par le terme « récit ». Au-delà de ce débat, le récit à nos yeux semble être une stratégie de mise en forme du discours, une façon de dire du discours mais aussi de narrer l'histoire. * 11 J. BRES, La Narrativité, Louvain-la-Neuve, Editions Duculot, Coll. « Champs linguistiques », 1994, p.7 * 12R. Barthes, Introduction à l'analyse structurale du récit, in communication 8, 1966, p.7 * 13J-M. Adam et F Revaz, L'analyse du récit, Paris, PUF, 1996, p.13 * 14J-M. Adam, Le Récit, Paris, PUF,1994, pp.86-95 * 15N. Everaert-Desmedt, Sémiotique du récit, Bruxelles, De Boeck, 2000, p.13 * 16 M. Laforest et D. Vincent, « Du récit littéraire à la narration quotidienne », dans, Laforest, M., (Dir.) Autour de la narration, Canada, Nuit Blanche Edition, 1996, p.20 * 17L. Marin, le récit est un piège,Paris, Ed. Du Minuit, 1978, pp.9-11 * 18E. Benveniste, Les relations de temps dans le verbe français », dans, Problèmes de linguistiquegénérale I, Paris, Gallimard, Coll. « Tel. »1966, pp.237-251 * 19 R. Barthes, Op cit., pp.10-16 * 20 G. Genette, Nouveau discours du récit, Paris, Le Seuil, 1983, p.30 * 21P. Charaudeau,Les médias et l'information. L'impossible transparence du discours, Bruxelles, Coll. Médias Recherches, De Boeck Université, 2005, p.39 |
|