Le récit médiatique électoral de la présidentielle de 2018 dans Le Phare et Le Potentielpar David Mukendi Kalonji Université Catholique du Congo (UCC) - Graduat 2021 |
3.3. Schémas narratifs remarquablesLanotion du schéma narratif est le bras séculier de la narratologie, elle soutient qu'un récit est idéalement composé des cinq séquences, la situation initiale, la complication, la transformation, le dénouement et la situation finale. Dans le cas de notre corpus, ces éléments de la séquence narrative se présentent comme suit : - Annonce du report des élections pour le 30 décembre 2018 correspond à la situation initiale ; - Annulation de l'élection présidentielle dans les circonscriptions de Beni, Butembo, et Yumbi correspond à la complication ; - L'attente des résultats correspond à la transformation ; - Publication des résultats correspond au dénouement ; - La consécration du vainqueur correspond à la situation finale. 3.3.1. Le récit de la présidentielle de 2018 dans Le Phare et Le Potentiel3.3.1.1. En amont du jour J3.3.1.1.1. Le PhareAvant le jour J de la tenue des élections, le récit médiatique électoral de la présidentielle proposé par Le Phare tourne essentiellement autour du report des élections particulièrement la présidentielle à la date du 30 décembre 2018. C'est donc cet événement qui déclenche le début de notre récit. C'est-à-dire notre situation initiale. Le deuxième événement majeur avant la tenue des élections principalement la présidentielle est l'annulation du scrutin présidentiel dans les circonscriptions de Beni, Butembo, et Yumbi. La séquence narrative initiale du journal Le Phare se décline en trois temps. En premier lieu, Le Phare soulève différentes inquiétudes sur la tenue véritable des élections à la date du 30 décembre 2018. Car ce nouveau report des élections vient contredire l'optimisme affiché par le président de la commission électorale. Le journal écrit dans son édition du vendredi 21 décembre ce qui suit : « ...Pendant que Corneille Nanga animait son point de presse, le public qui avait pris d'assaut le périmètre de la CENI, sur le boulevard du 30 juin, protestait bruyamment contre le report des élections. La foule ne cessait de crier à son intention que ce report était en contradiction avec l'optimisme qu'il avait affiché une semaine plus tôt, après l'incendie qui avait ravagé plus de 8.000 machines à voter. Elle voulait savoir pourquoi il avait crié haut et fort qu'il organiserait les élections ce 23 décembre 2018 alors que les paramètres techniques indiquaient que ce n'était pas possible ».90(*) Il renforce cette inquiétude, en rappelant les précédents reports des élections en ce terme :« Est-ce que la date du 30 décembre prochain choisie hier par la CENI ne rappelle-t-elle pas dans les deux autres reports ? Comme le dit un adage de chez nous, il n'y a jamais deux sans trois. Ne faudrait-il pas s'attendre à un troisième report ? »91(*) Le journal se demande, si la CENI sera capable de tenir le délai supplémentaire de 7 jours qu'elle a annoncé : « Mais, est-elle sûre de surmonter, en l'espace d'une semaine, les obstacles logistiques sans nombre qui se présentent encore à elle dans un pays sans routes et sans électricité, où les forces négatives n'ont pas encore dit leur dernier mot ? »92(*) Le Phare relate la prise de position des différents camps politiques principalement celle du CACH coalition soutenant la candidature Felix Tshisekedi, qui voit dans ce report une nième stratégie de la CENI et du pouvoir en place pour ne pas organiser l'élection. Raison pour laquelle le candidat de cette plateforme Felix Tshisekedi explique à ses partisans de ne pas tomber dans ce piège de la CENI. Cet extrait tiré du journal Le Phare du Lundi 24 décembre est plus expressif : « le candidat n°20, Félix Tshisekedi Tshilombo. Dans son bref entretien avec les combattants venus comme d'habitude très nombreux pour entendre ce que pense la hiérarchie du « CACH » face à ce énième report des élections par la CENI, il s'est d'abord employé à calmer ses camarades qui tenaient à manifester pour dénoncer ce qui paraît à leurs yeux comme des manoeuvres de la CENI à ne pas organiser des élections. Avant d'expliquer aux combattants la nécessité d'aller avec l'adversaire jusqu'à son dernier retranchement. Le temps étant l'ennemi du mensonge, le pouvoir organisateur des élections manquera à dire aux Congolais. C'est ce qu'il appelle « Système Ya contre mur ».93(*) Dans cette séquence initiale du récit du journal LePhare, les péripéties de la campagne électorale sont racontées en trois temps. D'abord le journal relate les violences affligées aux partisans de l'opposition : « Des rassemblements de campagne électorale, organisés par l'opposition, ont été dispersés par des éléments de la police qui, faisant usage disproportionné de la force, ont causé des graves atteintes au droit à la vie et à l'intégrité physique des manifestants pacifiques ».94(*) Le journal poursuit cette thématique, en illustrant comment la campagne du candidat du FCC était un échec : « À l'heure de la campagne électorale, le FCC s'est révélé pour ce qu'il est : une machine électorale inefficace, qui s'est effondrée comme un château des cartes. C'était prévisible. Le FCC n'a pas su enrayer la descente aux enfers d'un pouvoir qui a déçu, et qui n'a plus rien à offrir aux Congolais. Il n'a fait qu'aggraver le sentiment de rejet que le peuple congolais éprouve à l'égard des hommes et des équipes qui organisent, chaque jour qui passe, son malheur ».95(*) Le Phare clôture cette partie en démontrant pourquoi le peuple congolais doit voter pour Felix Tshisekedi : « Fatshvit a fait la campagne que l'on attendait ; une campagne de proximité, populaire, dépourvue de toute agressivité. Lamuka a conduit une campagne populiste, agressive ; une campagne basée sur le slogan « Toboyi machine à voter », slogan qui a permis au porte-parole de cette coalition d'engranger des dividendes dont son propre parti politique risque de ne pas tirer grand profit. Il s'agissait en fait de l'électorat du MLC et d'Ensemble, ce qui peut ne pas interpeler tout observateur de la politique congolaise ». L'étape de la complication arrive avec l'annulation des élections dans les circonscriptions de Beni, Butembo, et Yumbi. Le récit de la complication de Le Phare est décliné en deux temps. D'abord,Le Phare raconte que la commission électorale diminue les chances de l'opposition de remporter les élections en supprimant plus d'un million d'électeurs dans les circonscriptions qui sont favorables à l'opposition : «... d'où, la mise à l'écart de plus d'un million d'électeurs de Beni, Butembo et Yumbi pour le scrutin présidentiel représente un grave préjudice pour les candidats à la présidentielle y ayant battu personnellement campagne ou l'ayant fait par le biais de leurs états-majors politiques locaux : cas de Martin Fayulu et Félix Tshisekedi. Il est anormal que la CENI, à laquelle tout le monde reconnaît les prérogatives du pouvoir organisateur des élections, ait décidé d'écarter les territoires et villes de Beni, Butembo et Yumbi de la présidentielle, sans possibilité de rattrapage pour leurs habitants en âge de voter ».96(*) Ensuite,Le Phare fustige la prise de position de la coalition soutenant la candidature de Martin Fayulu qui appelle à une ville morte. Le Phare considère cette action comme une erreur stratégique qui pourrait favoriser un nouveau report du scrutin en cas des débordements : « ... Il y a aussi la psychose, fortement ancrée dans les esprits, d'un énième couac pouvant provoquer un nouveau report des élections. A cet égard, l'appel à une « journée ville morte » à 48 heures des élections est perçu comme une béquille tendue au pouvoir en place pour justifier l'envoi des élections au-delà du 30 décembre 2018, pour cause d'insécurité ».97(*)
Dans cette première séquence, Le récit du journal Le Potentiel se décline en deux temps à savoir, le report des élections et l'annulation du scrutin à Beni, Butembo. Le report des élections constitue la situation initiale de notre récit. Mais cette situation initiale est racontée en trois séquences par Le Potentiel. Il raconte d'abord, les difficultés de la CENI qui amène le Journal à penser que les élections n'auront pas lieu à la date annoncée du 30 décembre 2018. Si quand bien même les élections se déroulent en cette date-là, elles ne seront pas crédibles : « Autant dire que le doute et les incertitudes vont continuer à dominer les neuf derniers jours avant la tenue des élections. Le doute c'est par rapport à la fiabilité des scrutins. Rien ne pressage que les résultats de vote traduiront réellement la vérité et la réalité des urnes ».98(*) Le Journal renchérit dans la même édition que, toutes les difficultés rencontrées par la commission électorale ne sont que des stratagèmes concoctés avec le pouvoir en place pour lui permettre de s'éterniser au pouvoir. Ex : « Autant la CENI et le régime en place ont inventé des motivations farfelues pour brouiller ce processus électoral depuis le début, autant il faut s'attendre à des nouvelles mauvaises surprises d'ici au 30 décembre ».99(*) - « Toutefois, un flou entoure les circonstances dans lesquelles s'est déclaré cet incendie... le régime ne peut être que le complice, voire l'instigateur, dudit incendie ». Le journal conclut que Martin Fayulu peut s'estimer heureux d'avoir réussi à faire reculer la Céni sur la question du dépouillement manuel ou électronique : « Quoi qu'il en soit, la coalition Lamuka peut se féliciter d'avoir réussi à amener la CENI à privilégier le comptage manuel dans le dépouillement des résultats. Ce qui constitue une étape importante pour des élections crédibles et transparentes à la nouvelle échéance du 30 décembre 2018 ».100(*) Du Côté de la séquence de la complication, le journal estime qu'un seul candidat est visé par l'annulation des élections à Beni, Butembo, et Yumbi. Il s'agit de Martin Fayulu qui est grandement désavantagé par cette annulation : « Dans tout le cas, la décision de la CENI a des motivations extrêmement politiques. Le choix de Beni et Butembo, deux grandes villes de la province du Nord-Kivu, réputé bastion de l'opposition, n'est donc pas le fait du hasard... Sur Papier, les villes de Beni et Butembo sont presqu'acquisses à l'opposition, tout particulièrement Martin Fayulu ».101(*) * 90Le Phare du vendredi 21 décembre * 91Le Phare du vendredi 21 décembre * 92Idem * 93Le Phare du Lundi 24 décembre * 94Le Phare du mercredi 26 décembre 2018 * 95Idem * 96Le Pharedu jeudi 27 décembre 2018 * 97Le Phare du Vendredi 28décembre 2018 * 98Le Potentiel du vendredi 21 décembre 20'è18 * 99Idem * 100Le Potentiel du vendredi 21 décembre 2018 * 101Le Potentiel du jeudi 27 décembre 20218 |
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