La renonciation au recours en annulation en arbitrage OHADApar A. Mariane Fabiola OBROU-ASSIRI Université Catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Master en droit privé 2020 |
Paragraphe 1 : La variabilité dans le tempsL'ordre public international est une notion tangible. Il évolue selon les us et coutumes de la société (A). C'est pourquoi le juge saisi d'une demande de recours en annulation contre une sentence faisant l'objet de renonciation, doit tenir compte de l'actualité de l'ordre public international au moment où il statue (B). A- Le caractère évolutif de la notion d'ordre public international des Etats signataires du Traité OHADA La société est en perpétuelle évolution, les conceptions et valeurs fondamentales évoluent également. Ce qui est prohibé un jour, c'est-à-dire considérer non conforme à l'ordre public international, peut être admis demain. Cette évolution rapide de la société rend la notion de l'ordre public international pour le moins floue parce qu'elle doit s'adapter aux conceptions essentielles propres à la société à laquelle le juge saisi appartient118(*). Étant donné que la volonté des parties à l'arbitrage OHADA (plus précisément à la renonciation au recours en annulation) y est de plus en plus prise en considération, les justiciables ont intérêt à connaître l'évolution des textes de lois pour mieux se protéger ; y compris l'évolution de la notion d'ordre public international qui joue un très grand rôle dans l'effectivité de la renonciation au recours en annulation. Néanmoins il y a des règles de l'ordre public international qui sont jusque-là intangibles. Il s'agit du respect des principes fondamentaux de droit119(*). Ce sont des principes issus des droits internes et communs aux différents systèmes juridiques nationaux120(*). Il arrive parfois que la sentence rendue par l'arbitre semble incompatible avec les principes fondamentaux du droit applicable au litige à telle enseigne que le juge saisi est obligé d'annuler la sentence pour non-conformité à l'ordre public international121(*). Les principes fondamentaux de droit dont il est question ici sont ceux qui sont transposables dans l'ordre juridique international. Mais également, il s'agit des principes fondamentaux qui sont consacrés par la jurisprudence internationale plus précisément par la jurisprudence OHADA. On peut les qualifier de principes fondamentaux de la procédure arbitrale. Etant donné, qu'il est difficile d'en dresser une liste exhaustive, seront considérées comme contraires à l'ordre public international les clauses de renonciation au recours en annulation qui paraissent contraires au droit de la défense, de l'assignation loyale et réelle, du mode de preuve mettant l'une des parties à la merci de l'autre, de l'impartialité du juge lui-même, ...etc. Dès l'instant où la clause de renonciation heurte un principe fondamental de justice arbitrale, la renonciation doit être écartée. Dans le cas contraire elle doit s'appliquer. Encore faut-il que la clause de renonciation soit conforme à l'ordre public international qui est en vigueur. B- L'actualité de l'ordre public international par rapport à la clause de renonciation Il y a certaines notions qui malgré le temps demeurent invariables tels que le droit objectif et le droit subjectif. Mais force est de constater qu'en dehors de ces deux notions, en droit, nombreuses sont les notions qui évoluent en fonction des idées, du temps. Tel est le cas de l'ordre public international. Sa conception varie selon les époques. Partant d'un tel constat on se demande à quelle époque le juge doit il se placer pour apprécier la conformité de l'ordre public international à la clause de renonciation ? La réponse à cette question posée fait intervenir l'actualité de l'ordre public. La règle de l'actualité de l'ordre public international exige que l'appréciation de l'ordre public se fasse non pas à l'époque de la naissance du rapport juridique mais à l'époque où le juge statue. C'est-à-dire qu'on va apprécier la contrariété de la clause de renonciation à l'ordre public international au moment où le juge statue. C'est dans ce sens que François MELIN affirme que : « Le principe d'actualité de l'ordre public signifie simplement que le juge doit apprécier au jour où il statue la compatibilité entre loi étrangère et l'ordre public »122(*). En effet, l'ordre public international a pour but de préserver les conceptions fondamentales du for. C'est pourquoi on ne peut concevoir qu'il l'apprécie sur la base de conceptions dépassées et abandonnées par son propre droit. Il est fait alors obligation au juge d'apprécier l'ordre public international en tenant compte des conceptions en vigueur à l'époque où il tranche le litige123(*). Puisqu'on est dans le domaine de l'arbitrage OHADA, le juge ne peut se passer des règles établies par le droit OHADA. D'où s'impose le respect des Actes uniformes adoptés par ce droit. Cependant la variabilité de l'ordre public international s'est fait sentir également dans l'espace OHADA. * 118 FOBLETS (M.-C), Les familles maghrébines et la justice en Belgique ; anthropologie juridique et immigration, Karthala éditions, France, 1994, p. 31-32. * 119 « L'ordre public, les bonnes moeurs et le contrat », Droit civil, Droit des contrats, 1 février 2017, en ligne sur : https://www.lepetitjuriste.fr/lordre-public-bonnes-moeurs-contrat/, [consulté le 8 octobre 2019]. * 120« L'éviction de la loi étrangère (fraude à la loi, ordre public international) », en ligne sur le site : http://www.cours-de-droit.net/l-eviction-de-la-loi-etrangere-fraude-a-la-loi-ordre-public-internatio-a131063688/amp/, LITE, [consulté le 12 novembre 2019]. * 121 LOUSSOUARN (Y.), BOUREL (P.), Droit international privé, op. cit., p.333 ; voir Arrêt n°033/2015, Recours n°011/2014/PC du 24/01/2014, Affaire : Etat du Mali c/ Société Groupe TOMOTA S.A. * 122MELIN (F.), Droit International Privé, Mémentos LMD, 5e éd., Editions Lextenso, 2012, p.147, 256p. * 123 RACINE (J.B.), L'arbitrage commercial international et l'ordre public, op. cit. |
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