La renonciation au recours en annulation en arbitrage OHADApar A. Mariane Fabiola OBROU-ASSIRI Université Catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Master en droit privé 2020 |
Paragraphe 2 : Renforcement de l'institution arbitrale en faveur des parties par la célérité de la procédureUn renforcement de l'institution arbitrale est observable au niveau des parties. Ce renforcement est dû au traitement des affaires dans un délai raisonnable (A) et à l'évitement des procédures dilatoires (B). A- Le traitement des affaires dans un délai raisonnable Le traitement des litiges dans un délai raisonnable est un principe fondamental de la procédure. Il n'a pas été prévu par les textes de loi, mais c'est au juge que revient ce mérite. En vertu des dispositions de l'article 1er du Traité OHADA, l'OHADA « a pour objet l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats Parties, par l'élaboration et l'adoption des règles communes, simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en oeuvre des procédures judiciaires appropriées... »103(*). A travers cet article, le législateur OHADA souhaite que les procédures de l'organisation se fassent dans un délai raisonnable, ni trop rapide, ni trop lent. Car lorsque la procédure est trop rapide ou trop lente, elle peut créer une insécurité juridique104(*). En effet, tout justiciable, en ayant recours à l'arbitrage, souhaite que la sentence arbitrale soit rendue dans un délai raisonnable lui permettant ainsi de jouir des droits à lui consacrés. Avec l'autonomie de la volonté, les parties peuvent prévoir un délai global dans lequel l'arbitre doit remplir sa mission. A défaut de prévision des parties, il appartient à l'arbitre de résoudre le litige dans un délai raisonnable105(*). Le traitement des affaires dans un délai raisonnable est un principe entrant en quelque sorte dans le droit commun processuel minimum mais il reste une notion assez complexe pour le législateur OHADA. Car il n'a pas pris le soin de déterminer le délai raisonnable dans lequel le litige doit être tranché. Certains auteurs tel que René CABRILLAC ont pris la peine de le définir. Pour cet auteur, le droit à un procès dans un délai raisonnable est le « droit pour le justiciable de voir un tribunal examiner sa contestation de caractère civil ou le bien-fondé d'une accusation pénale portée contre lui dans un laps de temps ne portant pas atteinte à l'effectivité de son droit au juge »106(*). Tout comme l'ordre public international, « le délai raisonnable » est une notion difficile à cerner. Il doit faire preuve de plus de clarté de manière à ce que l'on établisse clairement le délai raisonnable. Tout comme son homologue européen, le législateur OHADA a voulu donner à l'arbitrage le maximum de souplesse craignant qu'un délai imposé à titre supplétif soit trop long ou trop bref106(*). Puisque c'est l'arbitre qui est chargé de garantir un procès équitable aux parties, il doit s'assurer de rende sa décision dans un délai raisonnable, c'est-à-dire qu'il doit trancher le litige dans le temps imparti qu'il s'est lui-même fixé. D'une certaine façon, l'article 1er du Traité OHADA précité, consacre le droit fondamental à un procès dans un délai raisonnable sans pourtant préciser son contenu ou bien même le définir. Certes le législateur OHADA ne l'a pas défini mais il a relativement facilité son appréciation en adoptant plusieurs exigences qui visent à éviter à la fois les précipitations et les lenteurs procédurales par la simplification des procédures de recouvrement de créances et de voies d'exécution, de la procédure du pouvoir en cassation de la CCJA et bien d'autres. En droit de l'arbitrage, il a laissé la part belle à l'arbitre ; c'est-à-dire un pouvoir de discrétion. En tant que meneur de l'instance arbitrale, l'absence du délai fixé par la convention d'arbitrage impose à l'arbitre d'agir minutieusement car une mauvaise fixation du délai peut bouleverser tout le système procédural. N'ayant pas la maitrise absolue et exclusive du temps, il doit agir avec plus d'acuité. Cependant, le délai ne doit pas excéder six mois. Selon les dispositions de l'article 12 al 1 AUA : « si la convention d'arbitrage ne fixe pasde délai, la mission du tribunal arbitral ne peut excéder six (06) mois à compter du jour où le dernier des arbitres l'a acceptée »107(*). Ainsi, dans l'appréciation du caractère raisonnable du délai, l'arbitre doit tenir compte de la complexité de la procédure, de la disponibilité des règles de droit applicable, du fond du litige. Mais il doit surtout l'apprécier au cas par cas. Sachant que la jurisprudence est aussi source de droit, il peut apprécier le délai raisonnable d'après la jurisprudence de la CCJA et aussi celle des juridictions nationales. Cependant, il arrive parfois que les parties mettent en oeuvre des procédés en vue d'accélérer ou de retarder l'issue du procès. C'est dans cette optique qu'intervient la renonciation au recours en annulation. En effet, elle permet à l'arbitre de connaître l'issue du procès et de rendre ainsi une décision dans un délai raisonnable. Aux parties, elle permet d'éviter les procédures dilatoires et de jouir des droits que la sentence leur consacre. B- Evitement des procédures dilatoires Il est prévu à l'article 14 al 4 AUA : « Les parties agissent avec célérité et loyauté dans la conduite de la procédure et s'abstiennent de toutes mesures dilatoires »108(*). Malgré les moyens mis en place par le législateur OHADA pour garantir la sécurité juridique dans le domaine de l'arbitrage, on ne peut s'empêcher de critiquer le comportement procédurier de certaines parties. Elles usent généralement de manoeuvres dilatoires tels que les incidents de procédure et les recours contre la sentence109(*). L'utilisation abusive de tactiques dilatoires fragilise le plus souvent la décision arbitrale. Ce fléau qui menace tant la justice arbitrale peut être battu en brèche par la faculté qu'ont les parties de faire fi du recours en annulation de la sentence arbitrale. En effet, chacune des parties dispose du droit de contester la sentence arbitrale afin de défendre ses intérêts. Pris sous cet angle, on peut penser que la renonciation au recours en annulation heurte de plein fouet le droit de défense dont dispose les parties à l'arbitrage. Tout comme le droit de défendre ses intérêts, la renonciation au recours en annulation est aussi un droit reconnu aux parties. Elles peuvent l'utiliser ou non, mais lorsqu'elles usent de ce droit c'est d'un commun accord. Ainsi, la renonciation au recours en annulation permet d'éviter les procédures dilatoires car dès le prononcé de la sentence les voies de recours sont éteintes. Ce qui signifie que la sentence arbitrale est insusceptible de recours. Bien plus qu'un droit, la renonciation au recours en annulation de la sentence arbitrale est une garantie de sécurisation de la justice arbitrale. Après mainte réflexion, il est important de faire une pause afin de relever l'essentiel de tout ce qui a été dit. Cette première partie consistait à faire ressortir le bien-fondé de la renonciation au recours en annulation de la sentence arbitrale. Après analyse il est important de retenir que la renonciation repose exclusivement sur la volonté des parties car elle n'existe que par leur consentement mutuel. Cette volonté de renoncer doit être clairement exprimée dans la convention d'arbitrage à peine d'irrecevabilité. C'est-à-dire que le consentement doit avoir un caractère spécial (rédigé en des termes clairs et précis, résulté de l'intention commune des parties et prévu dans la convention d'arbitrage). Lorsque toutes ces conditions sont remplies, la renonciation devient irrévocable. Étant en l'occurrence irrévocable, aucune des parties ne peut se prévaloir du droit auquel elle a renoncé110(*). Seules les parties sont tenues par celle-ci. Les tiers en sont exclus. Cela se justifie par le simple fait qu'une personne ne doit pas être assujettie à des obligations auxquelles elle n'a pas consenti. Certes dans cette première partie du travail, la renonciation au recours en annulation dans l'arbitrage OHADA semble avoir aucune imperfection,étant donné qu'il s'agissait de montrer son bien-fondé. Après plusieurs lectures de l'article 25 al.2 AUA qui bien sûr la prévoit, on remarque qu'il y a quelques lacunes qui en découlent. C'est pourquoi dans la suite de cette étude, on dégagera ces lacunes qui viennent limiter la renonciation au recours en annulation dans l'arbitrage OHADA. * 103Article 1er du Traité OHADA : « Le présent traité a pour objet l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats Parties par l'élaboration et l'adoption des règles communes, simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en oeuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l'encouragement au recours à l'arbitrage pour le règlement des différends contractuels ». * 104 « La célérité de la procédure arbitrale », https://www.business.lesechos.fr, consulté le 21 août 2020. * 105 KENFACK (H.), Droit du commerce international, op. cit., p.54. * 106 HUYS (M.), KEUTGEN (G.), L'arbitrage en droit belge et international, Bruylant, Bruxelles, 1981, 812p., p.328. * 107 Voir article 12 al 1 AUA. * 108 Voir article 14 al 4 AUA. * 109 NGWANZA (A.), L'essor de l'arbitrage international en Afrique sub-saharienne : les apports de la CCJA, op. cit. * 110« Clause compromissoire : attention à la renonciation », mardi 9 mai 2017, en ligne sur : https://www.gouache.fr/articles/Articles/la-vie-du-franchiseur/creer-ameliorer-defendre-votre-reseau-du-distributeur/Arbitrage/Avocat-Clause-compromissoire-attention-a-la-renonciation, [consulté le 25 janvier 2020]. |
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