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La diplomatie camerounaise et la crise irakienne de 2003. Essai d'analyse historique


par Didier BALIABA
Université de Yaoundé I - Master en histoire des relations internationales 2018
  

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INTRODUCTION GENERALE

I- CONTEXTE DE L'ETUDE

Après la guerre du Golfe, les dispositions de la résolution 687, du 3 avril 1991 avaient placé le Conseil de Sécurité de l'ONU au centre du dispositif de rétablissement de la paix entre l'Irak et le Koweït, dispositif qui passait par l'instauration d'un régime d'embargo et de sanctions internationales sans précédent visant en premier lieu le désarmement de l'Irak sous le strict contrôle de la Commission Spéciale des Nations Unies (UNSCOM).

A partir de 1995, à cette gestion du désarmement de l'Irak s'ajoute pour l'ONU celle des effets des sanctions à travers le programme « pétrole contre nourriture » (résolution 986) que le régime irakien accepte finalement en 19961(*). Le dossier « désarmement » est le premier à se trouver dans une impasse. Pendant les six premières années, l'UNSCOM est un outil important et crédible de désarmement, de contrôle et de non-prolifération faisant de l'Irak un cas exemplaire. Des destructions importantes sont accomplies dans l'élan du cessez le feu et les multiples découvertes sur le terrain permettent de compléter la connaissance des experts sur l'état des programmes irakiens proliférants d'avant-guerre.

La coopération irakienne avec l'UNSCOM s'estompe toutefois au fur à mesure que les inspecteurs internationaux progressent dans leurs missions, alors que de nombreuses questions en suspens apparaissent - notamment pour ce qui est des activités irakiennes dans les domaines chimiques et biologiques - et que des soupçons surgissent, au sein de la Commission, sur de possibles activités irakiennes de dissimulation. Ces soupçons conduisent certains pays membres du Conseil de Sécurité comme les Etats-Unis à considérer que, si aucune arme n'est trouvée, c'est que le régime irakien les dissimule.

En 1997, l'Irakdécide de suspendre sa coopération avec les inspecteurs de l'ONU. S'ensuiventalors de nombreuses tentatives diplomatiques (de la part de la Russie, de la Turquie, de la France, de l'Egyptenotamment) pour tenter de convaincre SaddamHussein d'accepterle retour des inspecteurs. Cette criserévèleainsi les intentions spécifiques des principaux acteurs de Bagdad et de Washington. Elle met également à jour une impasse, sur le volet humanitaire, due au renforcement des sanctions au détournement du programme « pétrole contre nourriture » par le régime de Saddam Hussein. En effet, le régime irakien, placé en position de survie, s'adapte progressivement aux contraintes des sanctions internationales, utilisant le dispositif humanitaire onusien comme un nouvel instrument de contrôle et de coercition de sa population, et met au point des techniques de contournement de l'embargo commercial et pétrolier lui permettant de s'enrichir et de durer. Le face à face avec le Conseil de Sécurité et en particulier avec les Etats-Unis, sur le terrain des ADM se résumant en un jeu successif de coopération, de négociations et de ruptures, lui donne, en outre, l'opportunité de se poser en acteur diplomatique contraint, mais occupant d'une certaine manière la scène régionale et internationale.

De leur côté, lesEtats-Unis qui,depuis 1991,s'étaientattachés à la logique de l'endiguementprolongé de l'Irak prennentconscience de l'impasse que constitue pour eux la gestion onusiennede l'après-guerre en Irak. Ils s'orientent progressivement vers une lecture plus idéologique du dossierirakien, l'idée de changement de régimeétant pour la premièrefois ouvertement assumée par l'AdministrationClinton en 19972(*).Les bombardements anglo-américains punitifs et limitésde décembre 1998 sous le couvert de l'opération« Renard du désert » constituent le premier ballon d'essai de cette réorientationstratégiquequi, contournant le Conseil de Sécurité,implique notamment la mise en oeuvre d'une nouvelle politique en matière dedéfense et de lutte contre la prolifération. Pour autant, jusqu'à l'été 2002,l'idée de faire plier le régime de SaddamHusseinvia les contraintes internationales prévaut encore àWashington.Car, l'instrumentmultilatéralétantencore privilégié sur ce dossier par les autorités américaines.

La crisequi survient en septembre 2002 à mars 2003,est le résultat de l'impossiblerèglement de l'après-guerre du Golfe,ainsique des impasses du volet « désarmement » comme du volet humanitaire. Cette crisetémoigneégalement de l'expression d'une nouvelle forme de suprématieaméricaine sur la scène internationale face aux blocages répétitifs du dossier irakien à l'ONU et au renforcement du potentiel militaire irakien au détriment de l'Etat d'Israël.LesEtats-Unispassant une dernière fois par le Conseil de Sécurité,veulent faire la démonstrationde l'incapacité de la communautéinternationaleà faire face à un régimequi, selon eux ne reconnait que la menace et la force.Ainsi, comme en 1997lors de la suspension de la coopération irakienne avec les inspecteurs de l'ONU, le Conseil de Sécurité est utilisé par les Etats-Unis comme un instrument utile tant que leurs objectifs peuvent s'y exprimer, mais contournable au regard du nouvel impératifmoral, unimpératif qui conduit la puissanceaméricaine àagir seule pour ce qu'elle considère comme étant de l'intérêtpartagé de l'ensemble de la communauté internationale.

En outre,l'expression de la puissanceaméricaine,dont l'effetmultiplicateur des attentatsterroristes du 11 septembre 2001 est directementpalpable sur le dossier irakien, conduit ainsi au basculement du dossierirakien dans une dimension idéologiquepropre à la nouvelleAdministrationaméricaine,qui se considèredorénavant comme en guerre. Classé dansl' « Axe du Mal », l'Irak est alors traité par l'Administration Bush comme une cible supplémentaireintégrée dans la campagne de lutte contre le terrorisme international et dans la mise en oeuvre de la nouvelle doctrine des frappespréventives. De plus,cette dialectique, désormaisélaborée dans le cours d'une vision néo-conservatrice3(*) « révolutionnaire »,place le régime irakien comme la premièreétape d'un vaste programme de réformes du « Grand Moyen-Orient ».

En somme,cette logique de confrontation et les postulats qui l'accompagnent ont empêchétoutes solutions et capacités de prouver le désarmement de l'Irak. C'est cette logique qui a continué de prévaloirjusqu'à l'intervention anglo-américaine, le 20 mars 2003 et qui a empêché la Commission de contrôle, devérification et d'inspections des Nations Unies (COCOVINU) de mener à son terme le processus d'inspections reprises après le vote de la résolution 1441.C'est également aussi, cette logique qui a empêché toute unité véritableentre les membresdu Conseil de Sécurité.

A l'origine de cettedémarche scientifique,notre tâche consiste àanalyser le positionnement diplomatique du Cameroun dans ce conflitauquel, il a pris part malgré lui. De ce fait, laprésente étude s'intitule donc :

`'LA DIPLOMATIE CAMEROUNAISE ET LA CRISE IRAKIENNE DE 2003`'

ESSAI D'ANALYSE HISTORIQUE

II- RAISONS DU CHOIX DU SUJET

L'engouement de traiter ce sujet découled'abord de notre formation d'historien,passionné pour l'histoire et désireuxd'apporter sa modeste contribution à l'historiographie de son pays. L'amour pour l'histoire des relations internationales, nous a été influencé en Année de Licence, dans le cadre de l'Unitéd'Enseignement :La politique étrangère du Cameroun.

En effet, lors de nosdifférentsséminaires et cours magistraux, nous avons été édifiés sur le fait que, la politique étrangèred'un Etatrelève de la souveraineté et la sécurité nationales. Le caractère particulièrement sensible de cet aspect des politiques publiques, au Cameroun a été érigé en « domaineréservé du président de la république»4(*).Même si, en la matière le Cameroun n'a pas innové.

En dehors de cet engouement, notre choixfut également dictépar la volonté de capitaliser les enseignements reçus dans le cadrede notre curriculum studiorum.Comme une machette qui s'use quand on ne s'en sert pas, la formation reçue dans le cadre des unités d'enseignementde méthodologie notamment, serait vaine si elle n'était pas sanctionnée par un travail de recherche.

Laprésente étude menée,en vue de la rédaction de notre mémoire de Master vise donc, àdévelopper en nous, des compétences dans le domaine de larecherche.Ainsi, peuvent êtrerésumées les raisons quinous ont pousséesà faire ce travail.

III- INTERETDU SUJET

La présente étude qui se veut être une modeste contribution de la science politique àl'histoire de la politique étrangère du Cameroun révèle qu'elle dégage un certain nombre d'intérêts justifiant le créditàaccorderà la présente recherche. Ainsi, la présente étude fait ressortir troisintérêts majeurs : scientifique,politique et académique.

A- Intérêtscientifique

L'intérêt scientifique peut s'entendre comme l'apport que l'étude d'un fait social donné ajoute à la science. Dans le cas de l'espèce, l'intérêt scientifique de ce travail repose sur le fait qu'il se veut une contribution à la problématique portant sur,« la diplomatie camerounaise et la crise irakienne de 2003 ».

De ce fait, il confronte l'attachement proclamé du Cameroun à ses principes de politique étrangère avec l'aval donné aux Etats-Unis, par la visite officielle du Chef de l'Etat camerounais à Washington, le jour même du déclenchement des hostilités en Irakpar les Etats-Unis, au mépris de la légalité internationale et,par la suite s'efforced'explorer les raisons de l'entorse faite par le Cameroun à des principes proclamés jusque-là intangibles.

Ainsi, l'intérêt scientifique de cette étude démontre que, les autorités camerounaises enchoisissant de violerdélibérément des principes de politiques étrangères proclamés jusque-là intangibles, pour s'aligner au côté des Etats-Unis dans ce conflit, conforte le paradigmeréalistedes relations internationales qui préconise que, seuls les intérêtsconditionnent les rapports entre Etats.

B- Intérêt politique

Il serait prétentieux,voireprésomptueuxd'envisager dans ce travail, d'analyse de la diplomatie camerounaise sans prendre en compte, le rôle prépondérant duPrésident de la république dans le processusd'élaboration et de décision de la politiqueétrangère du Cameroun.

La place du MINIREXest certes, importante dans la mise en oeuvre de la politique extérieure du Cameroun5(*),mais il n'en demeure pas que la primauté du Chef de l'Etat dans la gestion des compétences internationales fait de ce secteur des politiques publiques, un « domaine réservé ». Il en revient au Chef de l'Etat seul, d'en fixer les grandes lignes, de la définir, et de la mettre en oeuvre en fonction de la conjoncture internationale et des contingences nationales du moment. Le Chef de l'Etat a ainsi, la main ferme sur les matièresinternationalesà propos desquelles, il ne délèguepresque jamais de pouvoirs6(*).Il demeure le responsablesuprême des laboratoiresoùs'élabore la politique étrangère du Cameroun.

A la lumière de ce qui précède, le rapprochement de la diplomatie camerounaiseau côté des Etats-Unis, les derniersjours précédent le déclenchementdes hostilités en Irak, après avoir pourtantclaironné son engagementcontre toute intervention militairedans ce pays,laisse penser que, ce revirement diplomatique des autorités camerounaises estune initiative hautement politique.

C- Intérêt académique

L'intérêtacadémique de cette étude apparaît à plus d'un titre comme une voie menant à l'obtention du diplôme de Master en histoire des relations internationales et une ouverture vers les étudesdoctorales. En plus,elle nous offre la possibilité d'apporter autant que possiblenotre modeste contribution à l'analyse des questions de politique internationale d'un point de vue de l'histoire des relations internationales.

IV- OBJECTIF DE LA RECHERCHE

Définirl'objet de la recherche revient, selon Madeleine Grawitz,à tracer son chemin pour pouvoir savoir oùl'on va et ce que l'on recherche7(*), afin de ne pas perdre le « fil d'Ariane ».Dans le cadre du mémoire de Master que nous soumettons àsoutenance,l'objectifvise à faire une analyse, dupositionnementde la diplomatiecamerounaise dans la « crise irakienne » de 2003, et en sortir l'impact pour leCameroun.

V- CLARIFICATION DES CONCEPTS

La précision du cadre conceptuel est l'une des tâches préalables dans toutes les recherches. Propos confirmés par Sertillanges qui estime que :« toute recherche part d'une définition, et de là, proviennent toutes les déterminations ultérieures »8(*).Cette précision découledu constat selon lequel, de nombreux concepts utiliséspar des étudiants en Histoireprêtent parfois à équivoque. Ainsi, pour remédier à cette lacune et lever toute ambiguïté, pouvant avoirlieu dans notre champ d'étude, il est judicieux de définir les concepts suivants :

A- Diplomatie

Selon,Charles Debach9(*) et al, le terme diplomatie désigne « l'art de la représentation d'un Etat dans les relations internationales, dans la défense de ses intérêts à l'étranger et dans les négociations avec les autres Etats ».Raoul Delcorde10(*)le définit comme « la conduite desrelations extérieures par le moyen de la représentation et de la négociation ».

Assimilée à la politique étrangère d'un Etat, la diplomatie se comprend comme les organes et moyens employés pour la conduite des relations internationales de l'Etat. C'estdonc le domaine de la science politique et des traditions qui traitent des relations internationales et des rapports mutuels entre Etats. Mais aussi, la pratique, l'action et la manière de représenter son pays à l'étranger ou bien dans des organisations internationales, de concilier leurs intérêts respectifs ou de régler un problème sans recours à la force. Par analogie, le terme diplomatie dans la vie courante renvoie à l'habileté, le tact, l'adresse, la souplesse, la prudence, voir la ruse dont une personne fait preuve dans la conduite d'affaires difficiles ou dans les relations avec autrui.

Les expressions « diplomatie »et « diplomatique » datent de la fin duXVIIIème siècle. Ce qui correspond historiquement à l'achèvement du processus de construction étatique en Europe. Autant dire que, la mise en place des échanges diplomatiques renvoie à un long mouvement historique de centralisation et de monopolisation par les Etats de l'administration des relations extérieures. En effet, c'est avec la «  république » de Venise au Moyen-âge que nait la diplomatie telle que nous l'entendons, avec un caractère permanent et une organisation en charge de préparer les misions à l'étranger. L'objectif est d'abord commercial. Car, Venise envoie des ambassadeurs à Milan, Gènes, voir même en Perse et en Chine pour défendre ses intérêts commerciaux et s'informer des intentions probables de ses concurrents. Ses ambassadeurs envoient des rapports.

La diplomatie s'institutionnalise, avec son corps diplomatique, ses privilèges et son protocole. De Venise, l'institution diplomatique inspira d'autres Etats notamment : la France, l'empire Ottoman, la Perse et le Vatican qui, très tôt établit une académie diplomatique. Cependant, c'est avec le Congrès de Vienne en 1815, que l'on jette les bases d'une véritable carrière diplomatique et, partant le caractère permanent de la fonction de diplomate.

Aujourd'hui encore,comme hier, il n'est d'autre diplomatie que celle des Etats. D'ailleurs, pour les théoriciens réalistes qui continuent d'appréhender les relations internationales, en termes étatiques, il en est toujours ainsi. Toutefois, la diplomatie a cessé de concerner exclusivement les questions d'ordre politique et stratégique pour intégrer d'autres secteurs d'activités comme les relations commerciales, les investissements financiers, l'action culturelle.

Dans un contexte de mondialisation, des acteurs transnationaux échappent dorénavant au contrôle souverain des Etats. La diplomatie traditionnelle connait-elle de profonds bouleversements. Ayant initialement pour objectif de représenter l'Etat, de garantir sa souveraineté et de préserver ses intérêts, elle était jusqu'encore récemment confiée à un corps d'agents spécialisés, chargés de conduire les négociations selon des procédures soigneusement mises au point et codifiées. De nos jours, ce monopole des agents diplomatiques se trouve entamé par l'action et l'expertise de nouveaux acteurs capables d'élaborer des formes inédites (exemple : Organisations internationales, ONG, Firmes transnationales, etc.). Même si, pour l'heure, les actions non-étatiques restent encore fragmentaires et intermittentes dans le champ diplomatique, elles produisent d'ores déjà des effets qui contraignent les diplomates professionnels à développer des stratégies de mise à distance, de contournement ou, au contraire, de réappropriation de certains enjeux (exemple : la « diplomatie verte », ou la « diplomatie humanitaire »).

Ainsi, les diplomatessont-ils de plus en plus concurrencés par les intervenants privés qui mettent en place des « diplomaties de secondes voies », voire des diplomaties « multiples » aux contours hétérogènes, mais souvent innovants, notamment dans le règlement des conflits. En outre, ils sont également marginalisés par la « diplomatie des sommets » qui a pris une grande ampleur depuis les années 1970. Avec celle-ci, les Chefs d'Etats et de Gouvernements mettent en effet délibérément l'accent sur leurs rencontres directes, dans un cadre souvent très personnalisé. Ces modalités diverses de l'action diplomatique, actuellement à l'oeuvre sur la scène mondiale, témoignent de la reconfiguration de la politique internationale post westphalienne.

Au regard de ce qui précède, ladouloureuse parturition duCameroun en 1960, déchiré entre ses fils, engagés dans les systèmesd'alliancespolitico-idéologiquesopposés ; obligea les autoritéslégalesàopérerdes choix diplomatiques conséquents. C'est ainsi, qu'échut à Charles Okala11(*), la responsabilité d'asseoir une politique étrangère cohérente. Celui-ci, qui ne dissimulait pas sa préference pour le camp occidental, conçut et mis en place, avec Ahmadou Ahidjo, une politique étrangère délibérément tournée vers l'Ouest.

Cependant, cette orientation pro-occidentale de la politique étrangère du Cameroun devint préjudiciable pour l'image du régime camerounais dont, les opposants désignaient comme un régime fantoche, à la solde de l'Occident.Pour utile qu'il fut, cet éveil politique eu le mérite de légitimer, d'affirmer et de défendre, les intérêts internationaux du Cameroun.Mais,la diplomatie se distingue nettement de la politique étrangèrequi, en plus de son volet diplomatique intègrel'aspectstratégique des relations internationales12(*). La diplomatie n'est qu'une partie de la politique étrangère.Ainsi, pour mener à bien nos investigations dans le cadre de cette étude, nous retenons,la définition du mot« diplomatie »selon,le sens donné par, CharlesDebach etal,dansle Lexique de politique13(*).

B- Crise

Le mot « crise », à force d'être suremployé, mal ou pas défini, est un cliché, une facilité, voire un abus de langage. Ses emplois sont en effet multiples. Il y a l'usage médical selon lequel la crise est un moment d'une maladie caractérisé par un changement subit, pas toujours décisif mais souvent grave, intense ou douloureux. Il y'a par extension l'usage émotif, qui assimile la crise à une manifestation soudaine et violente. Enfin, inspiré des emplois précédents, il y a l'usage métaphorique, utile pour qualifier de très nombreux domaines, en particulier les phases les plus aigües des relations internationales. Ainsi, appelle-t-on « crise » ces moments de tension entre Etats.

Ce dernier usage du concept de crise ne résoud pas le problème de sa définition. Le mot s'applique en effet trop facilement à n'importe quelle tension, n'importe quel désagrément politique, économique, financier, que celui-ci soit cataclysmique ou simplement problématique. Le terme s'emploie également pour décrire des changements ou des transformations intervenues sur de longues périodes. Ainsi, l'utilise-t-on pour décrire des difficultés économiques, des civilisations en faillites, ou une dégradation persistante et inquiétante de l'environnement. Aussi, bien que des accidents du système monétaire, une brusque multiplication des prix du pétrole, un effondrement des cours de la Bourse, etc. Tant d'incompréhensions et d'incertitudes, tant d'approximations et d'imprécisions incitent à approfondir la connaissance de ce concept singulier.

L'origine du mot crise remonte à la Grèce antique. Pour les contemporains de Platon14(*), le verbe krinein signifie « juger », puis « séparer » ou « discriminer » et enfin « décider ». Le latin krisis, « jugement » ou « décision », se transforme avec le temps. Il devient cristin au XIVème siècle, crisis au XVIème siècle, et plus tard « crise ». L'essentiel peut-être de l'étymologie du mot réside dans la « notion de décision ». Au coeur de toute définition, de toute compréhension utile et rigoureuse du phénomène de la crise, figure cette obligation de décider. Sans décision à prendre, et donc sans jugement préalable, la crise n'existe pas.

L'étude des crises internationales est un phénomène récent, vieux à peine d'un demi-siècle. Les premières études datent du milieu des années 1970. L'Amérique, stimulée par la crise des missiles de Cuba, a ouvert la voie. Le « crisis management », cette nouvelle discipline de l'étude des relations internationales, est issu des travaux effectués à cette époque.

De ces premiers efforts d'analyse, ressortent deux aspects remarquables : la crise dans les relations internationales est un phénomène singulier d'une importance exceptionnelle. Il y'a absence quasi-totale de consensus sur ce qu'elle est exactement. Semblable paradoxe peut s'expliquer de deux manières : en notant tout d'abord l'extrême complexité du phénomène, en observant ensuite le nombre considérable de crises survenues au XXèmesiècle. Selon les auteurs et les définitions adoptées, des plus restrictives aux plus larges, ce nombre est estimé à plusieurs milliers.

Nombreusessont les définitions de la crise, les unes bien connues, d'autres plus confidentielles. A cet égard, militaires et civils rivalisent d'inventivité. Mentionnons d'abord celle, de Charles Hermann qui, définit la crise comme : « une situation qui : menace des objectifs hautement prioritaires de l'unité décisionnaire ; réduit le temps de réponse disponible avant que la décision ne se transforme en action ; surprend les membres de l'unité décisionnaire par son occurrence ».15(*)

Le Général, Beaufre, appréhende la crise comme : « un état de tension au cours de laquelle on risque au maximum une escalade vers un conflit armé et où l'on veut empêcher l'adversaire d'acquérir un certain avantage politique ou militaire»16(*).Le Général, Poirier, lui,définit le phénomène comme étant :« la détérioration brusque ou graduelle des facteurs d'équilibre assurant ordinairement les rapports de coexistence entre certains Etats »17(*).Philipe Moreau-Defarges, pense quant à lui, qu'il s'agit d' :

Un moment de tension mettant en jeu brutalement les intérêts fondamentaux de deux ou plusieurs Etats, à l'initiative de l'un ou de certains d'entre eux, puis donnant lieu après l'épreuve de force à un relâchement de la tension, et à une forme d'accord, apparent ou réel, entre les partenaires-adversaires18(*).

Alastair Buchan, analyse la crise comme « la période d'un conflit entre deux ou plusieurs Etats qui intervient lorsqu'un parti a mis l'autre au défi sur un point précis ou définissable et lorsqu'il faut prendre une décision sur la réponse à donner à ce défi »19(*).Enfin sans doute, convient-il à rappeler ce qu'écrivait majestueusement, Raymond Aron mais qui concerne d'abord et seulement les crises de la Guerre Froide, substitut commode à la guerre : 

Lorsque la guerre est impensable (...)la crise est cette forme de violence retenue, d'affrontement inachevé, destiné à peser sur la détermination de l'autre pour le contraindre à renoncer à ses intérêts légitimes, et obtenir de lui des concessions qui ne valent pas l'enjeu, et le risque de la guerre totale »20(*).

Toutes ces définitions, et d'autres encore, plus longues et plus détaillées, tout comme les réflexions qui leur sont associées, comportent divers points, éventuellement communs : rupture avec un statuquo - remise en cause d'un état d'équilibre- possibilité fréquente d'affrontements militaires-décision importante à prendre alors que l'on n'a pas accès à l'ensemble des informations indispensables à toute prise correcte de décision.

La crise constitue donc un phénomène aigu et non pas chronique, où par voie de conséquence, les dynamiques de la prise de décision sont anormales et extraordinaires.Cependant, la crise n'est pas la guerre. La guerre ou le conflit armé sont très souvent le produit d'une crise mal gérée.

En somme, que dévons-nous retenir du concept de« crise » utilisé dansnotre étude ? En effet, nous pensons qu'il existe un lien entre le concept de « crise irakienne »et le concept de « crise » tel quedéfini par les différents auteursdans notre étude conceptuelle. Car, le thème de notre études'inscrit dans une logique detension entre Etats.Comme tel, il met enjeu les intérêts fondamentaux de plusieurs Etatsàl'initiative d'un,à savoir : les Etats-Unis, le principal protagoniste de la crise irakienne de 2003.

VI- DELIMITATION TEMPORELLE DU SUJET

Nos bornes chronologiques couvrent en théorie les dates du 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2003. Ces deux datessituent un fait conjoncturel. La première date, le 1er janvier 2002, marquele début de la mandature du Cameroun au Conseil de Sécurité de l'ONUen qualitéde pays membre non-permanent. La seconde date, le 31 décembre 2003, consacre la fin de cettemandature. Bien que, restrictives pour nos analyses, ces deux dates sontcependant, des repères chronologiques importants sans lesquels, il serait difficile de saisir le cadretemporel de notre sujet.En outre, pour étayer nos analyses, nous utilisonsune démarche de la rétrospective temporelle à notre borne d'étude inferieure et de la prospective temporelle, pour les évènements postérieurs à la borne d'étude supérieure.

VII- REVUE CRITIQUE DE LA LITTERATURE

Toute recherche s'inscrit généralement dans la foulée des travaux qui, à l'intérieur comme à l'extérieur de notre discipline ont déjà été effectués sur le sujet que l'on a choisi21(*). Est-il utile, au début de toute recherche de procéder à un inventaire de ce qui a déjà été écrit sur le sujet.

La revue de la littérature à laquelle, nous procédons, répond à cette exigence scientifique dans la mesure où, nombreuxsont des auteursqui, avant nous se sontpenchés sur la questionde « la diplomatie camerounaise etla crise irakienne de 2003 ».Cependant, peud'auteurs ont analysé en profondeurlepositionnement diplomatiquedu Cameroun dans ce conflit.Pour combler ce vide, plusieurs documents ont été consultés. Ceux-ci, peuvent être rangés en troisrépertoires.

En premier lieu, nous avons des documents qui parlent de la politique étrangère du Cameroun. Ces documents ne consacrent aucune ligne à notre sujet d'étude.Cependant, Narcisse, MouelleKombi22(*) et FozeingKwanke23(*), ont le mérite de consacrer,une réflexion sur La Politique étrangère du Cameroun, dans leurs ouvrages éponymes. Ilressort de ces deux réflexions que, malgré une forte présidentialisation de la politique étrangèrede l'Etat du Cameroun, il n'en demeure pasque, celle-ci estfondé sur des invariants tels que : le respect de l'indépendanceet la souveraineté nationales, l'autonomie de décision et le libre arbitre en politique étrangère, le non-alignement, etc.

En second lieu, on enregistre des documents qui parlent du Cameroun dans la crise irakienne de 2003. Ces documents sont constitués de deux articles tirés d'un ouvrage collectif et le reste pour l'essentiel des journaux de l'époque ayant relatél'évènement.Parlant des articles, nous avons en premier celui, de Dieudonné Oyono et en second, celui deChristian Bepi Pout et Hugues Pauline Bend.

Parlant de l'article deDieudonné Oyono24(*) : « La seconde Guerre duGolfe et la résurgence des `'malentendus transatlantiques'' : le dilemme camerounais »,l'auteur fait état de la position diplomatique du Cameroun dans la crise franco-américaine du Conseil de Sécurité.En effet, danscette criseayant opposéla France,aux Etats-Unis sur la nécessité ou non, de déclarer la guerre à l'Irak, le Cameroun apparaît comme écartelé entre les positions française et américaine ce, à priorisans grand rapport avec le conflit irakien.

En second, Christian Bepi Pout et Hugues Pauline Bend25(*),dans un article intitulé, « Guerre du Golfe,épisode 2 : une analyse de la réception de la couverture du conflit dans la presse camerounaise », fontétat de la positiondu gouvernement dans ce conflit,à partirdes différents journaux nationaux.De cette analyse, il se dégagedeuxthèses : celle d'un non-alignement du Cameroun, aux côtés des Etats-Unis, et celle d'un rapprochement des positions entre les deux pays.

Parlant des journaux qui ont relaté l'évènement, il se dégage des différents articles consultés que, deux thèses s'y affrontent effectivement. La première thèse est celle tenueparle quotidien gouvernemental,Cameroon Tribune26(*) qui, fait état d'un non-alignement de la diplomatie camerounaises, aux côtés des Etats-Unis dans ce conflit ce, malgré de nombreuses pressions.

La seconde thèse est entretenue par des journaux privés. A l'exemple duMessager27(*)etLa Nation28(*)qui, pour le premier analyse le choix cornélien auquel fut confronté le Chef de l'Etat camerounais, partagé entre les pressions américaine et française sur ce conflit. Tandis que, le secondnous révèle que, la visite du président Paul Biya, à Washington, les derniers joursprécédent le déclenchement des hostilités en Irak,marque la prise de position du Cameroun dans ce conflit, aux côtés des Etats-Unis. Cette thèse est d'ailleurs confortée parEdmondKamga29(*) de La Nouvelle Expression qui, pense que, c'est de cette visite du Chef de l'Etat à Washington que, « le Cameroun a commencé a figuré sur la liste secrète de la coalition des pays favorable à la guerre en Irak ».

Pour utile que ce débat fut posé dans la presse nationale, nous constatonsdes différentes analyses contenues dans ce premier répertoirede notre revue de littérature que,l'aval donné aux Etats-Unis, à travers la visite du Chef de l'Etat camerounais à Washington,les derniers jours précédent la guerre en Irak,estune entorse préjudiciable pour la diplomatie camerounaise. Au regard de cette thèse, les principes traditionnels de la diplomatie camerounaise,selon Narcisse MouelleKombi et FozeingKwanke ont été bafoués, et ouvert la brèche à un rapprochement des positions entre le Cameroun et les Etats-Unis dans ce conflit.

Dans le second répertoire se trouve des travaux universitaires. Ces travaux n'ont pas de lien direct avec notre sujet mais sont suffisammentédifiants pour comprendre les principes et objectifs qui gouvernent la politique étrangère duCameroun. En premier, nous avons Francine,NgayapNgandeu30(*).En effet,l'auteure dans son mémoire de Maitrise en Histoire intitulé, « La Conférence des ambassadeurs : une illustration de la mise en oeuvre de la politique étrangère du Cameroun (1960-1985) », analyse l'impact de ce Conseil dans le rayonnement de la politique étrangère du Cameroun. Elley met en avant, les outils à travers lesquels se servait le président Ahmadou Ahidjo pour le bon fonctionnement de la diplomatie camerounaise.

En second, dans un rapport de fin stage académique intitulé, « Le Ministère des relations exterieures et la participation du Cameroun au Conseil de Sécurité »31(*), Gerald DjounangNangaanalyse l'impact de la participation du Cameroun au Conseil de Sécurité entre 2002 et 2003.Il y donne les raisons de la participation et les actionsde la diplomatie camerounaise dans cette instance onusienne durant cette période.

Le troisième répertoire présente un document qui parle de façon générale de la guerre en Irak. En effet, écritsous la direction de Jean EmmanuelPondi, l'ouvrage quis'intitule, Une lecture africaine de la guerre en Irak32(*), tente d'appréhender une perceptionafricaine de la deuxième guerre du Golfe. Quatre centres d'intérêts y sont abordés : Le premier, analyse l'impact de la coalition américano-britannique en Irak. Le second s'intéresse, aux aspects géo-économiques de la guerre. Le troisième tente de percevoir la vision que les africains se font decette guerre. Le quatrième, s'attarde surles questions éthiques et religieuses. En somme, il ressort de cette contributioncollective que, la seconde guerre du Golfe fut motivée par des intérêts géoéconomiques et géostratégiques.

Au regard de ce qui précède, que pouvons-nous retenir des travaux sus évoqués dans le cadre de cette revue de la littérature ? A cette question, nous relevonsqu'il se dégage un rapprochement implicite de positions entre le Cameroun et les Etats-Unis sur la question irakienne. Ce rapprochementambigu du Camerounaux côtés des Etats-Unis apparait comme un soutien de sa diplomatie à la thèseaméricaine d'une intervention militaire en Irak. Cependant, les raisons de ce rapprochement duCameroun aux côtés des Etats-Unis ne sont pasclairement explicites. D'où, la nécessité de combler ce vide dans ce travail.

VIII- PROBLEMATIQUE

Pupille des Nations Unies, le Cameroun a très tôt fait le choix, dans le cadre de sa politique étrangère, de promouvoir les principes et idéaux de l'organisation universelle. C'estparticulièrement, le cas du règlement pacifique des différendset du recours à l'arbitrage des institutions internationales en cas de conflit.Cependant, on remarque que le Cameroun a eu quelques difficultésà assumercette position dans la crise irakienne de 2003. La visite du président Paul Biya, Chef de la diplomatie camerounaise aux Etats-Unis, le jour même du début de l'intervention militaire des Etats-Unis en Irak est de ce point de vue interprétée comme une entorse du gouvernement aux principes traditionnels de la politiqueétrangère du Cameroun. Cet embarrasdu Cameroun àassumer et défendre les principes traditionnelsde sa diplomatie dans ce conflit suscite une questionfondamentale: Pourquoi Yaoundé s'est-il finalement aligné sur la position américaine ?Et de cette question fondamentale, il en découle une question subsidiaire, celle de savoir:Qu'elles furent les retombées de cet alignement ostensible aux côtésdes Etats-Unis ?

IX- HYPOTHESES DE TRAVAIL

L'hypothèse au sens épistémologique est une réponse provisoire ou anticipée à une question de recherche. Elle suggère aussi les procédures de recherche, c'est une supposition à partir de laquelle les conséquences sont envisagées. En ce qui concerne cette étude, notre réflexion se fonde sur deux hypothèses :

- Les contraintes domestiques ont pesé contre la fidélité auxprincipestraditionnelsde la diplomatie camerounaise.

- La collaborationaméricaine était indispensable à la solution des problèmes domestiques du Cameroun.

La vérification de ces hypothèses nécessite un outillage théorique et méthodologique approprié.

X- DEMARCHES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

Toute recherche en sciences sociales, et l'histoire ne fait aucunement exception s'inscrit nécessairement dans une démarche épistémologique et méthodologique bien définie33(*). La présente étude ne déroge pas à cette exigence scientifique.

A- Le cadre théorique de l'analyse

Pour RaymondAron, « une théorie est un systèmehypothético-déductif,constitué par un ensemble de propositions dont les termes sont rigoureusement définis et dont les relations entre les termes (ou variables) revêtent le plus souvent une forme mathématique »34(*).La théorie ici a pour but de fixer les limites et tracer les axes le long desquels les investigations et le déroulementde cette étude vont s'articuler.Il s'agit en fait de « percer le secret des princes » en convoquant,la théorieréaliste des relations internationales.

La théoriemobilisée : le réalisme

La théorie réaliste des relations internationales à des origines fortanciennes. Elle remonterait à l'antiquité avec Thucydide (471-400 avant J.C) avec son récit sur la négociation entre les puissantsAthéniens et les représentants de la petite île de Mélos pendant les guerres du Péloponnèse. Elle se structure davantage à partir du XVIIèmesiècle grâce aux oeuvres de Thomas Hobbes (1588-1679) principalement ; leLéviathan qui développe la vision d'un « état de nature » marqué par la guerre de tous contre tous et nécessitant l'imposition d'un ordre par une autorité supérieure ; De la guerre de Clausewitz (1780-1831)qui insiste sur le fait que « la guerre est la poursuite de la politique par d'autres moyens »,avant de devenir au lendemain de la deuxième Guerre Mondiale une source d'inspiration des auteurs réalistes du XXème siècle comme : Hans Morgenthau35(*) (1904-1980), Kenneth Waltz36(*) (né en 1924... ?), Henry Kissinger (né en 1923), ainsi que le sociologue français, Raymond Aron37(*) (1905-1983). Ces auteurs insistent tous sur le fait de l'inaptitude de l'idéalismeWilsonien à rendre compte des phénomènes internationaux.

Paradigmestatocentrique par excellence,dans la conception réaliste, ilen découle trois éléments principaux :

- les relations internationales sont régies par les rapports interétatiques limités à un nombre faible d'acteur. La théorie réaliste ne nie pas l'existence des relations transnationales mais elle les juge secondaire dans la compréhension de l'ordre international ;

- les rapports entre Etats sont conditionnés par la recherche de l'intérêt national ;

- les relations internationales sont essentiellement conflictuelles. L'instrument principal étant le recours à la force. Car, la hiérarchie des normes entre Etats se fonde principalement sur la puissance militaire.

Cette théorie postule que les Etats-nations sont les acteurs presque exclusifs du système international et qu'ils ne sont motivés que par leur intérêt propre. Mieux, dans la conception réaliste des relations internationales, la politique étrangère a pour préoccupation principale la sécurité de l'Etat. Son choix est dicté rationnellement en fonction de l'intérêt national exprimé en termes de puissance. Il en résulte alors des relations interétatiques conflictuelles par nature qui donnent la priorité à la force sur l'économie.

La volonté de puissance ou d'hégémonie qu'a un acteur de chercher à étendre son influence au-delà de ses frontières n'est pas un fait nouveau dans la vie des nations. C'est un type de comportement ancien qu'observent les politiques depuis la haute antiquité, et aujourd'hui encore, les Etats modernes continuent de s'en inspirer, comme lerelève,ThiyembeMwayila : « les ambitions hégémoniques ne sont propres ni aux superpuissances, ni aux puissancesmoyennes. Tous les Etats concourent potentiellement à cette fin etc'est le manque de moyens d'une telle politique qui les pousse à se contenir»38(*). Depuis, le phénomène n'a pas perdu de son actualité. Il décrit la situation du monde d'aujourd'huioù l'hégémonie ne s'accompagne plusnécessairement de la conquête militairemais davantagede la conquête subtile.

Au regard de ce qui précède, nouspensons qu'il existe un lien entre la théorieréaliste des relations internationales et notre sujet. Eneffet, notre étude s'inscrit dans une logique de conflit et de puissance. Car, le conflit est inhérent aux relations internationales, et les Etats en sont les principaux acteurs quipoursuiventleur intérêt national, aubesoin par leurs prises de position diplomatiques et politiques en situation de crise ou de conflit. Ainsi,pourraitêtre résuméle fil d'Ariane qui lie notre sujet à l'écoleréaliste.

B- La méthodologie

A propos de la méthode adoptée dans le cadre de ce travail, nous avons privilégié, celle de la collette des données qualitatives. A cet égard, les techniques retenues pour effectuer cette démarchesont : le recueil documentaire et l'entretien.

Latechnique de recueil documentaire est la démarche,qui permet de collecter des informations à partir d'écrits déjà existants sur le sujet de recherche.Dans le cadre de notre sujet d'étude, cesécrits sont constitués : des sources écrites et des sources numériques. Pour ce qui est des sources écrites, elles ont consisté en la lecture des archives du MINREX, et des documents de seconde main. Les documents de seconde main sont constitués : des ouvrages, revues, articles, thèses, mémoires et rapports.

La consultation de ces documentsde seconde main a permis de nous rendredans plusieurs bibliothèques de la ville. Parmi lesquelles, les bibliothèques de : la Faculté des Arts Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Yaoundé I (FALSH); de l'Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) ; de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC); de l'Institut Français du Cameroun(IFC) et de la Fondation Paul EngoElat.

Pour ce qui est des sources numériques, internet nous a été, d'un grand apport.Car, une bonne palette d'ouvragestraitantpartiellement ou non,notre sujetont été consultés en ligne. Ainsi, nous avonslu et téléchargé de nombreux documents, en un simple clic.

Pour compléter nos informations, nous avons procédé, enfin àdes entretiens. L'entretien est unetechnique qui permet au chercheur de récolter des données verbalesgrâceà des questions (préparées ou non).Cette techniquenous a permis de comprendreen partie, notre sujet àpartirde l'interprétation des donnéesrécoltées sur le terrain.

Ainsi, à travers des investigations et des entretiens exploratoires, nous avons identifié sept (07) personnes que, nous avons ensuiteinterrogées. Ces personnes pour l'essentiel se trouvaient à Yaoundé, le siège des institutions politiques du Cameroun.Les personnes àqui, nous avons soumis le questionnaire d'entretien, seules cinq(05) avaientune connaissanceavéréesdes questions internationales.Parmi ces différentes personnes, deux (02) sont des diplomates, deux (02) desenseignantset une (01), journaliste.Quant aux deux (02) autres personnes,n'appartenant pas aux catégories suscitées, elles nous ontconfessé leur ignorance de la thématiqueétudiée.

Les entretiens se sont faits sur la base d'un questionnaire élaboré au préalable.Les questions ontété rédigéesen français, et toutes sur le papierde format A4.D'autres ont été rédigées, à l'identique, de celles en version papier,pour être envoyées sous forme de messageWhatsapp à nos interlocuteurs. Pour le questionnaire d'entretien, dont les questions ont été élaboréessur du papierde format A4, certains de nosinformateurs ont préférélors de l'entretien répondre oralement. Faceà une telle démarche, nous nous sommes empressés de prendre des notes dans le souci de garder à l'esprit l'entretien.Quant au questionnaire rédigé, et envoyé sous forme de messageWhatsapp à nos interlocuteurs;cecis'estavéré être unedémarche àdoublebénéfice, nonseulement pour nous, mais également pour nos informateurs. L'avantage de cette démarche nous a permisd'économisernosdéplacements, et pour nosinformateurs, qui parfois ne disposant pas assez de temps, ceci leur a permis derépondreà nos préoccupations,en temps opportun.

Les données recueillies ont été ensuite confrontées, évaluées, critiquées et triées.Les sources écrites sélectionnées ontété classées sous une approcheplurielle à savoir : thématiqueet diachronique. Les sources orales issues des entretiens avec nos informateurs ont fait l'objet d'une exploitation rationnelle. En réalité, nous avons procédé à des recoupements, à des rapprochements et à la confrontation de ces sources orales avec les documents écrits et numériques pour cerner la vérité historique.La posture épistémologique qui est le fil d'Ariane de ce travail est le positivisme. Le mode de raisonnement utilisé s'inscrit dans une démarche déductive.

XI- DIFFICULTES RENCONTREES

Le sujet qui fait l'objet de notreétude se situe à la confluence de plusieurs disciplines académiques.Le choix et l'étude d'un sujet d'une telle actualité comporte presque toujours des difficultés.La premièredifficulté tient lieuà la périodicité. En effet, la crise irakienne qui marque le déclenchement de la deuxième guerre du Golfe39(*)va de septembre 2002 à mars 2003. Il y a donc très peu de temps historique.

La deuxièmedifficultéàlaquelle, nousavons fait face tient lieu àla disponibilité des documents.Nous n'avons pas pu mettre la main sur tous les documents traitant notre sujet.La plupart des données diplomatiques présentes au ministère des relations exterieuressont encore frappées du sceau deconfidentialité.

En dehors, de cette difficulté, nous déplorons aussi le fait que, au moment où, nouscommençons, le dépouillementdes archivesmis à notre disposition au MINREX,nous avons étécontraints peu de temps aprèsde suspendre nos recherchespour cause des travaux de rénovation de l'immeuble abritant, les dites archives. Ceci ne nous a pas permis d'entrer en profondeur dans nos investigations. Ainsi, pour avoir une perspective un peu plus large de notre étude, nous avons fait parfois recours à laméthode inductive pour opérercertainesgénéralités.

Ladernièredifficultéà laquelle, nous avons fait face, est celle de l'établissementdes contacts, voirmême de l'inaccessibilité avec certains de nos informateurs ayant été, destémoins clés de cetépisode de la diplomatie camerounaise. A l'exemple deMessieurs, Martin Belinga Eboutou, Ministre d'Etat, Directeur du cabinet civil à la présidence de la république, Ambassadeur du Cameroun à l'ONU, à l'époque des faits.Le Ministre des relations exterieures, le Professeur, François Xavier Ngoubeyou. Nos tentatives de rentrer en contact avec ces personnalités sont restées infructueuses.

Nous avons faitensuite, une synthèse de ces analyses pour dégager un plan de travail à deux parties, répartis en quatre chapitres.

XII- PLAN DE TRAVAIL

Le mémoire comprend deux parties réparties en quatre chapitres. Chaque fin de chapitre contient une conclusion. La première parties'intitule : « l'unilatéralisme américain et le multilatéralisme international :débatautour de deux conceptions de la géopolitique des relations internationales ».Elleprésente,les enjeux qui opposentcertains membres de la communauté internationale dans la gestion des conflitsinternationaux.Le premier chapitrede cette partie étudie, le contexte international des années 2000, confronté entrele multilatéralisme international et l'unilatéralisme américain. Le deuxième chapitre, s'intéresse de manière diachronique à la question du désarmement de l'Irak depuis la fin de la guerre du Golfe. Ladeuxième partie de notre mémoire s'intitule :« le Cameroun et la crise irakiennede 2003 ».Elle présente,le rôle de la diplomatie camerounaisedans cette crise. Lepremier chapitre de cette partie,analyse lapositiondiplomatique du Cameroun dans ce conflit.Le deuxième chapitre lui,s'efforce de mettre en évidence les retombées de l'engagement du Cameroun aux côtés des Etats-Unis.

PREMIERE PARTIE

L'UNILATERALISME AMERICAIN ET LE MULTILATERALISME INTERNATIONAL : DEBAT AUTOUR DE DEUX CONCEPTIONS DE LA GEOPOLITIQUE DES RELATIONS INTERNATIONALES

* 1Le régime irakien a refusé le programme « pétrole contre nourriture » en 1995, poursuivant la mise en oeuvre de son propre système de rations alimentaires. Face à une crise financière sans précèdent susceptible d'affaiblir son pouvoir, le régime irakien accepte finalement ce dispositif humanitaire, par lequel l'ONU importe les biens de première nécessité, les autorités irakiennes devant assurer leur distribution (sauf dans les zones autonomes kurdes, du nord de l'Irak).

* 2Madeleine, Albright, « Preserving principle and safeguarding stability: United States policy towards Iraq », Georgetown University, Washington DC, 26 mars 1997. Disponible sur le site internet, www.states.gov/statements/1997/970326.html , consulté, le 4 janvier 2018.

* 3Les néo-conservateurs sont un courant idéologique aux Etats-Unis incarnés par un groupe d'intellectuels et d'experts généralement proches du parti républicain. Ils défendent une politique de fermeté en matière de politique extérieure et de défense et prônent un interventionnisme militaire à l'étranger.

* 4Narcisse, Mouelle Kombi, La politique étrangère du Cameroun, Paris,L'Harmattan, p.16.

* 5Narcisse, Mouelle Kombi, La politique étrangère du Cameroun, p.28.

* 6Ibid., p.22.

* 7Madeleine, Grawitz, Méthode des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1987, p.4.

* 8 Jean-Gilles, OkonoOkono, « La fin de la rivalité Est-Ouest et l'intervention extérieure en Afrique : un essai d'interprétation de la nouvelle politique américaine des conflits africains », thèse de Doctorat de 3e cycle, Yaoundé, IRIC,2000,p.25.

* 9Charles, Debach, al, Lexique de politique, 7ème édition, Paris, Dalloz, 2001, p.141.

* 10Raoul, Delcorde, Les mots de la diplomatie, Paris, L'Harmattan, 2006, p.34.

* 11Charles, Okala fut, Ministre des Affaires étrangères, du 16 mai 1960 au 20 octobre 1961.

* 12Georges Patrice, Etoa Oyono, « Diplomates et Personnels administratifs dans les représentations diplomatiques : cas de l'ambassade du Cameroun à Paris (1960-1982 ) », thèse de Doctorat en Histoire, Faculté des Arts,Lettres et Sciences Humaines, Université de Yaoundé I, p.14.

* 13Lexique de politique, 7ème édition, Paris, Dalloz, 2001.

* 14Platon, philosophe grec, V ème siècle avant jésus Christ.

* 15Jean-Louis, Dufour, Un siècle de crises internationales : de pékin (1900) au Caucase (2008), Bruxelles, Edition André Versailles, 2009, p.18.

* 16Ibid.

* 17Ibid.

* 18Ibid. pp.18-19.

* 19Ibid.

* 20Jean louis, Dufour et Alexandra, Schwartzbrod, Le président qui n'aimait pas la guerre, Paris, Plon, 1995, p.34.

* 21René, Bidias, « La première crise politique congolaise vu par la presse camerounaise d'expression française : 1960-1965 »,Essai d'analyse historique, Mémoire de DIPES II en Histoire, ENS, Yaoundé, 2011, P.6.

* 22Narcisse, Mouelle Kombi, La politique étrangère du Cameroun, Paris, L'harmattan,1996.

* 23Fozein Kwanke, La politique étrangère du Cameroun, Yaoundé, IRIC, 2010.

* 24Dieudonné, Oyono, « La seconde guerre du golfe et la résurgence des « malentendus transatlantiques » : le dilemme camerounais »,Une lecture africaine de la guerre en Irak, Paris, Maisonneuve et Larose/Afredit, 2003.

* 25Christian, Bepi Pout et Hugues Pauline, Bend, « Guerre du Golfe, épisode 2 : une analyse de la réception de la couverture du conflit dans la presse camerounaise », Une lecture africaine de la guerre en Irak, Paris, Maisonneuve et Larose/Afredit, 2003.

* 26Lire, en annexe et en bibliographie.

* 27Melvin,Akam, « La `'danse indansable `' du président Biya »,Le Messager, repris par Courrier International, N° 645, 13 mars 2003.

* 28Arthur, Nguiamba, « Les raisons de la visite de Paul Biya aux Etats-Unis »,La Nation, N°93, 1er avril 2003.

* 29Edmond, Kamguia, « L'énigmatique tête à tête Biya - Bush »,La Nouvelle expression, N°1209, 31decenmbre 2003.

* 30F., NgayapNgandeu, « La Conférence des Ambassadeurs :une illustration de la mise en oeuvre de la politique étrangère du Cameroun 1960-1985 », Mémoire de Maitrise en Histoire,Yaoundé, Université de Yaoundé I, 2008.

* 31Gerald, Djounang Nanga, « Le Ministère des relations exterieures et la participation du Cameroun au Conseil de Sécurité », Rapport de stage/diplomatie, Yaoundé, IRIC, 2002.

* 32Jean Emanuel, Pondi, Une lecture africaine de la guerre en Irak, Paris, Maisonneuve et Larose /Afredit,2003.

* 33Jean Emmanuel, Pondi, Du zaïre au Congo Démocratique. Les fondements de la crise, Yaoundé, Editions du CRAC, `'collection comprendre'',1997.

* 34Raymond, Aron,  « Qu'est-ce qu'une théorie des relations internationales », in Revue Française de Sciences Politique, 17e année, N°5, 1967, p.838, cité par Siegfried, KamgaNkuissa, « Le déploiement militaire des Etats-Unis en Afrique dans un contexte d'édification de la sécurité collective régionale », Mémoire de Master/option diplomatie, Yaoundé, IRIC, 2017, p.23.

* 35Hans, Morgenthau, Politics among nations. The struggle for power and peace, 2eédition, New York, Edition A. Knopf, 1948.

* 36Kenneth, Waltz, Theory of international Politics,..., Addison-Wesley, 1979.

* 37Raymond, Aron, Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 1962.

* 38Thiyembe Mwayila, « La stratégie EST-OUEST en Afrique », cité par Jean Gilles OkonoOkono, « La fin de la rivalité EST-OUEST et l'intervention extérieure en Afrique,... », p.13.

* 39Il s'agit, en effet, de la deuxième guerre d'Irak à laquelle participent les Etats-Unis et certains Etats européens. La première ayant eu lieu en 1991, suite à l'invasion du Koweït par l'Irak, le 2 aout 1990. Toutefois, si nous nous situons du point de vue irakien, nous parlerions de la troisième guerre d'Irak ; car la première ayant opposée ce pays a son voisin l'Iran (1980 à 1988).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault