WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Comportement de l'entrepreneur, de l'intention à  la réalisation du projet. Intéret du développement. Du sentiment d'auto-efficacité chez l'entrepreneur de nécessité.


par Majid Chebrek
IAE Lille - University School of Management  - Master 2 - Management Sciences de Gestion 2019
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Master 2 - MSG - Executive - FTLV

Management et Sciences de Gestion

COMPORTEMENT DE L'ENTREPRENEUR,

DE L'INTENTION A LA REALISATION DU PROJET

Intérêt du développement du sentiment d'auto-efficacité chez
l'entrepreneur de nécessité

3

Présenté par Majid Chebrek
Sous la direction de Monsieur Garcia, Maître de Conférences, IAE Lille
Sous la responsabilité de Monsieur Weppe, Maître de Conférences, IAE Lille
Juin 2019

4

Remerciements

Avant d'ouvrir ces quelques pages, il me paraît important d'exprimer ma gratitude aux intervenants professionnels et à l'équipe pédagogique participant au programme de formation universitaire du Master MSG -FTLV de l'IAE de Lille.

Je tiens également à remercier :

- Mon tuteur de mémoire, Monsieur Garcia pour ses conseils et recommandations qui ont contribué à la qualité de cette étude.

- Les responsables de ce Master, Madame Masse et Monsieur Weppe qui oeuvrent pour nous offrir une diversité de matières de qualité, contribuant à la renommée de l'établissement et du Master MSG.

- Enfin, ma famille pour sa patience et sa compréhension, et plus précisément mon épouse qui m'a soutenu durant ces deux années intenses en énergie mais également en connaissances nouvelles.

5

INTRODUCTION 7

PARTIE I : REVUE DE LITTERATURE 10

A. L'ENTREPRENEURIAT 10

1. Théorisation du processus entrepreneurial 10

a) Approche processuelle 11

b) Approche comportementale 12

2. Modélisation de la phase intentionnelle 15

3. Auto-efficacité etfaisabilité perçue 19

B. L'ENTREPRENEUR DE NECESSITE 23

1. Définition de l'entrepreneuriat par nécessité 23

2. Les facteurs conduisant à la création « forcée » d'une entreprise 24

a) Le contexte socio-économique et politique 24

b) Une perception négative de la désirabilité 26

3. Enjeux pour l'entrepreneur de nécessité 27

a) Spécificités de son comportement 27

b) Nécessité de maîtriser des compétences clés 28

c) Nécessité de s'autoévaluer 28

d) Nécessité de développer son leadership 31

C. CONCLUSIONS DE LA REVUE DE LITTERATURE 33

PARTIE 2 : ENQUETE DE TERRAIN 34

A. METHODE 35

1. Choix de la méthode 35

2. Méthodologie pour le recueil des données 36

a) Modalités pratiques 36

b) Procédure de recrutement 36

c) Elaboration d'un outil de recueil de données : le guide d'entretien 37

3. Méthode d'analyse de contenu 39

B. RESULTATS ET ANALYSE 41

1. Description de l'échantillon 41

a) Les entrepreneurs 41

b) Les accompagnateurs 43

2. Naissance de l'intention entrepreneuriale 44

3. Evaluation de l'auto-efficacité 49

4. Bilan de l'expérience entrepreneuriale 54

a) Compétences acquises et outils mobilisés 55

b) Trajectoire de l'entreprise et satisfaction 58

5. Point de vue des accompagnateurs 61

a) La naissance de l'intention entrepreneuriale 61

b) L'auto-efficacité : 62

c) Les freins 63

d) Recommandations 64

C. CONCLUSIONS DE L'ENQUETE 65

DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS 67

A. DISCUSSION 67

B. RECOMMANDATIONS 68

1. Développer les expériences actives de maîtrise 68

a) Évaluer et développer les compétences managériales 68

b) Outils pour développer la compétence managériale 70

2. Le mentorat pour renforcer le sentiment d'auto efficacité 72

CONCLUSION 74

BIBLIOGRAPHIE 75

ANNEXE N°1 : GUIDE D'ENTRETIEN DES ENTREPRENEURS 79

ANNEXE N°2 : GUIDE D'ENTRETIENS DES ACCOMPAGNATEURS 81

ANNEXE N°3 : EXEMPLE D'ENTRETIEN D'UN ENTREPRENEUR 82

6

LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX

· Figure 1 : La Configuration Stratégique Instantanée Perçue

· Figure 2 : Les différentes phases du processus entrepreneurial selon Tounès 2003

· Figure 3 : Le modèle de Shapero, 1975

· Figure 4 : Formation de l'évènement entrepreneurial (Shapero et Sokol, 1982)

· Figure 5 : Modèle de l'évènement entrepreneurial repris par Krueger

· Figure 6 : Théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991)

· Figure 7 : Modélisation théorique de l'intention entrepreneurial (Tounès, 2006)

· Figure 8 : Les principales raisons ayant motivé la création d'une autoentreprise

· Figure 9 : Autoévaluation de son leadership

· Figure 10 : La grille managériale de Blake et Mouton

· Figure 11 : LJI=2, Indicateur de jugement en situation de leadership

· Figure 12 : Système de cotation pour cibler et évaluer ses compétences managériales

· Figure 13 : L'assertivité

· Figure 14 : Qu'est ce que manager ?

· Figure 15 : Outils d'aide à la décision

· Tableau 1 : Configurations de Bandura

· Tableau 2 : Caractéristiques des entrepreneurs interrogés

· Tableau 3 : Caractéristiques des accompagnateurs interrogés

· Tableau 4 : Facteurs influençant l'intention d'entreprendre chez les entrepreneurs de nécessité

· Tableau 5 : Facteurs influençant l'intention d'entreprendre chez les entrepreneurs d'opportunité

· Tableau n°6 : Perception de la faisabilité et obstacles envisagé chez les entrepreneurs interrogés

· Tableau n°7 : Evaluation du sentiment d'auto-efficacité chez les entrepreneurs de nécessité

· Tableau n°8 : Evaluation du sentiment d'auto-efficacité chez les entrepreneurs d'opportunité

· Tableau n°9 : Evolution des compétences et outils mobilisés

· Tableau n°10 : Attente de résultats des entrepreneurs.

· Tableau n°11 : Trajectoire de l'entreprise confrontée à l'attente initiale de résultats

· Tableau n°12 : Auto-efficacité, trajectoire de l'entreprise et satisfaction

7

INTRODUCTION

En 2018, 30% de la population résidant en France, soit 15 millions de personnes1, se sont engagés d'une façon ou d'une autre dans un processus entrepreneurial. Cette statistique correspond à « l'indice entrepreneurial », un outil original mesuré tous les deux ans par la Banque Publique d'investissement. Il permet d'apprécier l'affinité des français à l'ensemble du processus entrepreneurial. Il inclut aussi bien les « intentionnistes » que les créateurs d'entreprise, et prend en compte la perception des français vis-à-vis de l'entrepreneuriat. Cette façon d'appréhender l'entrepreneuriat illustre déjà la complexité que ce terme sous-entend. Il s'agit en effet d'un concept qui a fait l'objet de nombreuses recherches, dans des disciplines aussi variées que la psychologie, la sociologie et plus récemment les sciences de gestion. Il a ainsi fait l'objet de nombreuses théories qui tentent toutes d'en expliquer les tenants et les aboutissants. Malgré les efforts de nombreux auteurs pour prendre en considération la multitude d'éclairages différents, aucune d'entre elles, à ce jour, ne fait consensus et les théories continuent de foisonner. Il est au moins une raison à cela : l'entrepreneuriat évolue avec son environnement, est influencé par le contexte socio-économique et constitue alors un concept en perpétuel mouvement. Pour sûr, les différentes crises économiques et financières, l'augmentation du chômage ou encore la flexibilité de l'emploi responsable de précarité sont autant de facteurs qui participent au fait qu'aujourd'hui près d'un français sur deux considère que l'entrepreneuriat comme le choix de carrière le plus intéressant2.

Cette évolution de la vision de l'emploi illustre une véritable révolution sociétale, dont il nous a paru intéressant de se saisir à travers ce travail. Pourquoi et comment entreprend-on ? Si l'opportunité d'une affaire est à l'origine de bon nombre de projets, la décision d'entreprendre peut également, dans le contexte socio-économique actuel, être motivé par la nécessité. Alors peut-on mettre en différence des spécificités dans la démarche de

1 Site de la BPI (Banque Publique d'Investissement) https://bpifrance-creation.fr/observatoire-de-Bpifrance-creation

2 idem

8

l'individu quand celui-ci est motivé davantage par la contrainte que par l'opportunité ? En d'autres termes peut-on considérer qu'il existe un comportement entrepreneurial propre à l'entrepreneur de nécessité ? Et peut on l'associer à une trajectoire prévisible de son entreprise ? Nos recherches nous ont ainsi permis de mettre en lumière plusieurs approches du processus entrepreneurial. Parmi elles, l'approche comportementale, inspirée des théories de psychologie, nous a semblé être la plus adapté pour décrire la situation particulière de l'entrepreneur de nécessité. Au sein du processus entrepreneurial décrit par cette approche, une étape a retenu notre attention : l'intention. Pour de nombreux auteurs cette phase qui précède la décision d'entreprendre est fondamentale. Nous avons donc choisi d'orienter nos recherches vers ce concept. Ainsi la notion d'auto efficacité a émergé. Peu utilisée dans le champ de l'entrepreneuriat, elle semble pourtant présenter un intérêt majeur pour décrire l'état d'esprit de l'individu qui a l'intention d'entreprendre. Ce sentiment bien que subjectif, peut être basé sur des éléments tangibles et surtout modifiables. Quels sont les déterminants du sentiment de l'auto efficacité ? Le degré d'auto efficacité est-il différent chez les entrepreneurs de nécessité et d'opportunité ? Comment se développe-t-il au cours du processus entrepreneurial ? A-t-il une influence sur la trajectoire de l'entreprise ? L'ensemble de ce questionnement a fait naître la problématique suivante :

Comment l'entrepreneur de nécessité réalise-t-il son projet ?

Pour répondre à cette question nous avons dans un d'abord réalisé une revue de la littérature. Nous vous exposerons ainsi dans une première partie l'analyse de nos lectures. Celle-ci fait état d'une part des différentes théories du processus entrepreneurial, et particulièrement de la théorie comportementale qui inclut les concepts d'intention entrepreneuriale et d'auto efficacité ; d'autre part nous aborderons la question de l'entrepreneuriat de nécessité. Après en avoir établi une définition nous nous interrogerons sur les facteurs qui conduisent à ce type de création. Nous tenterons de mettre en exergue les spécificités du comportement entrepreneurial dans le cas de la contrainte, et les différentes recommandations émises par la littérature pour ce type d'entrepreneur.

À la lumière de ces éléments théoriques, nous avons réalisé une enquête qualitative, menée auprès d'entrepreneurs d'horizons différents. Il s'agissait dans cette deuxième partie de

9

confronter les données théoriques à la réalité pratique. Nous avons ainsi voulu vérifier si les différentes grilles de lecture apportées par les concepts exposés permettaient de distinguer les entrepreneurs de nécessité de ceux d'opportunité, de mesurer le sentiment d'auto efficacité chez les entrepreneurs naissants, et de relier ce sentiment d'auto efficacité à une trajectoire prévisible du projet. Après avoir présenté notre méthodologie et nos outils d'analyse, nous rendrons compte des résultats de notre enquête et de notre interprétation.

Enfin dans une troisième et dernière partie, nous dresserons le bilan de notre travail en en exposant notamment les limites. Fort de notre analyse, nous proposerons des recommandations managériales pour accompagner l'entrepreneur de nécessité dans sa démarche et augmenter ses chances de réussite.

10

PARTIE I : REVUE DE LITTERATURE

A. L'ENTREPRENEURIAT

L'entrepreneuriat est un sujet complexe, largement étudié dans la littérature. Qui entreprend ? Pourquoi et comment ? Quelles sont les étapes qui font progresser l'idée d'entreprendre ? Quels sont les facteurs qui influencent ce parcours ? Autant de question auxquelles de nombreuses théories ont tenté de répondre, sans qu'aucune ne fasse consensus. L'entrepreneuriat a ainsi fait l'objet de plusieurs études à travers différentes dimensions : l'approche par les traits (tentative de profilage de l'entrepreneur) en psychologie, l'approche par les faits ou approche comportementale en psycho-sociologie et plus tard l'approche processuelle en science de gestion. En effet, ce sont d'abord des disciplines de sciences humaines qui ont abordé le sujet, ce n'est qu'à la fin du XXème siècle que les sciences d'économie et de gestion tentent de théoriser ce processus. Aujourd'hui, il existe donc de nombreuses théories qui analysent et expliquent le processus entrepreneurial, elles sont synthétisées dans une première sous-partie. Nous verrons ainsi que créer une entreprise résulte d'un comportement lui même influencé par une intention. Cela fait l'objet de théories comportementales qui seront abordées dans une deuxième sous-partie. Enfin, nous approfondirons dans une troisième sous-partie l'étude de l'intention entrepreneuriale à travers un de ses déterminants majeurs : le sentiment d'auto efficacité.

1. Théorisation du processus entrepreneurial

L'approche par les traits qui tente de répondre à la question « qui est l'entrepreneur ? » n'a pas pour vocation d'inscrire l'entrepreneuriat dans un processus, mais plutôt de dresser un « portrait type » de l'entrepreneur. De nombreux chercheurs tels que Stevenson et Jarillo (1990) considèrent ainsi « qu'il est réducteur d'expliquer un comportement complexe (l'entrepreneuriat) en se référant à quelques traits psychologiques ou sociologiques »3.

3 Stevenson, H. H., Jarillo, J. C. (1990). A paradigm of entrepreneurship: Entrepreneurial management. Strategic management journal, 11(5), 17-27

11

Les approches processuelles et comportementales quant à elles inscrivent la création d'entreprise dans un cadre spatio-temporel mouvant. Le projet d'entreprise est ainsi tributaire d'un contexte qu'il convient de considérer : « La création d'entreprises cesse d'être analysée comme la photographie instantanée d'un évènement où le créateur est d'abord seul (...) puis n'est plus seul, mais joue toujours le rôle principal (...). Elle devient un film dont le créateur est un des acteurs ; c'est l'approche axée sur le processus entrepreneurial »4.

a) Approche processuelle

Cette approche décrite en sciences de gestion depuis la fin des années 90 impose une vision dynamique. Le processus tel que le définit Jacquet-Lagreze et al. (1978,P.21)5 est "un déroulement de configurations ou d'intéractions concomitantes et/ou successives sous l'effet de régulations compensatrices et amplificatrices propres au système concerné." L'entrepreneuriat est considéré comme un ensemble de configurations et d'interactions en évolution. Il est indissociable de son environnement, en proie à l'effet des régulations du système et donc en perpétuel mouvement. Pour modéliser cette théorie Bruyat6 s'appuie sur une « Configuration Stratégique Instantanée Perçue (CSIP) ». Initialement utilisée en stratégie d'entreprise, cette configuration adaptée à l'entrepreneuriat permet de définir le moteur principal de l'évolution du processus entrepreneurial. Bruyat considère que le comportement de l'entrepreneur naissant est influencée par trois dimensions : son aspiration, ses compétences et ressources perçues et les possibilités de l'environnement perçues. C'est à travers cette matrice que l'entrepreneur va orienter ses choix et sa trajectoire : il utilisera ses compétences et ressources pour être en phase avec ses aspirations, tout en s'adaptant aux possibilités offertes par son environnement. Ce concept révèle l'intentionnalité de l'entrepreneur comme moteur de son comportement : les buts et

4 Hernandez, É. M. (1995). L'entrepreneuriat comme processus. Revue internationale PME: Économie et gestion de la petite et moyenne entreprise, 8(1), 107-119.

5 Cité par Fayolle, Entrepreneuriat p.61

6 La notion de CSIP de Bruyat, 1993 cité par A.Fayolle dans Entrepreneuriat p.62

objectifs étant au coeur de la matrice, il doit être capable de les formuler et de s'adapter aux dimensions qui les conditionnent (environnement, aspiration, compétences et ressources). Cette vision systémique oblige donc l'entrepreneur à être en perpétuel mouvement entre ces trois dimensions pour atteindre ses objectifs successifs : la création puis la pérennisation de son entreprise.

Figure 1 : la Configuration Stratégique Instantanée perçue

Cette approche processuelle a été étayée par de nombreux autres auteurs7 et met à l'honneur une vision stratégique de l'entrepreneuriat. Dans ce contexte, c'est le plus souvent l'opportunité qui est à l'origine du projet et donc de l'intention d'entreprendre. Le comportement de l'entrepreneur doit ensuite s'adapter aux réalités.

b) Approche comportementale

L'approche comportementale met au centre de la réflexion l'individu. Elle interroge les agissements de l'entrepreneur pour déterminer la trajectoire de son projet. Elle sous-entend que chacune des décisions que l'individu prend au cours du processus entrepreneurial est déterminé par des facteurs extrinsèques et intrinsèques qui modifient son comportement. En effet, le milieu dans lequel évolue l'individu, social et économique, la situation politique, ou encore ses croyances et sa culture sont autant de déterminants de son comportement qui influencent l'acte entrepreneurial. « L'approche comportementale est donc intéressante

12

7 Gartner (1990), Shane et Venkateraman (2000), Reynolds(2000), Bygrave et Hofer (1991)

13

en ce qu'elle se préoccupe des comportements de l'entrepreneur dans l'exercice de son activitéì, lesquels s'inscrivent dans un environnement culturel, social, économique et politique8 ». Pour modéliser cette approche, Tounès (2003)9 propose de scinder le processus entrepreneurial en différentes phases, schématisées ci-après.

Figure 2 : Les différentes phases du processus entrepreneurial selon Tounès (2003)

Cette description du processus entrepreneurial place en première intention la propension entrepreneuriale. D'après Fayolle, il s'agit d'«une inclination, un penchant à s'engager dans une démarche entrepreneuriale ». Cette propension à entreprendre réunit les caractéristiques psychologiques de l'individu (traits de personnalité), le réseau sur lequel il peut s'appuyer ou encore ses expériences antérieures. Elle définit la sensibilité de l'individu à s'engager dans un projet entrepreneurial.

L'intention entrepreneuriale constitue la deuxième phase du processus : elle existe dès lors qu'une idée émerge, qu'elle soit formalisée ou non. Pour qu'il y ait intention d'entreprendre, il faut qu'il y ait de la part de l'individu un engagement personnel, une motivation. L'intention

8 Gartner, W.B. (1988). Who is an entrepreneur? Is the wrong question. American Journal of Small Business, spring, p. 11-32.

9 Tounès, A. (2003). L'intention entrepreneuriale. Une étude comparative entre des étudiants d'écoles de management et gestion suivant des programmes ou des formations en entrepreneuriat et des étudiants en DESS CAAE. Unpublished doctoral dissertation, Université de Rouen.

résulte d'une envie de concrétiser ses objectifs. En ce sens elle fait appel à des caractéristiques propres à l'individu : ses croyances, ses normes sociales, son environnement, l'influence de ses pairs...

La décision d'entreprendre ne peut alors survenir que lorsque l'idée du projet est finalisée et que l'entrepreneur est parvenu à mobiliser des compétences et ressources financières suffisantes. L'acte d'entreprendre correspond enfin au démarrage de l'activité et donc à l'édition des premières offres de services et/ou produits.

Comme le précise Tounès, ce processus n'est pas linéaire et l'évolution du projet entrepreneurial est propre à chacun. En effet, les aptitudes entrepreneuriales diffèrent selon chaque individu et se modifient. Par exemple, la propension à entreprendre peut être moindre au début du projet et croître durant le processus. Le comportement de l'entrepreneur évolue donc aussi en fonction de ses aptitudes, qui peuvent se renforcer ou s'affaiblir au cours du processus. Ainsi est conditionnée la poursuite ou l'abandon du projet entrepreneurial.

Cette modélisation met au coeur du projet le comportement de l'entrepreneur. Elle met en évidence l'influence des caractéristiques propres à chacun sur la trajectoire du projet. Elle révèle également que c'est durant la phase intentionnelle que l'individu est le plus influencé par son environnement.

Explorant les raisons qui poussent l'individu à entreprendre, et la façon dont il s'y prend, les théories processuelles et comportementales analysent avant tout le comportement de l'entrepreneur. Elles cherchent en effet à comprendre pourquoi et comment l'individu passe à l'acte d'entreprendre. Si la théorie processuelle privilégie une vision large et stratégique de ce processus, la théorie comportementale est elle plus individuelle, plus centrée sur l'entrepreneur naissant. À cet égard elle s'intéresse à trois grandes étapes qui précèdent l'acte entrepreneurial : la propension, l'intention et la décision. Selon de nombreux auteurs10, la phase intentionnelle est le meilleur indicateur prédictif du comportement entrepreneurial et occupe donc une place déterminante dans la réalisation du projet.

14

10 (Linan et Chen, 2009) (Fishbein et Ajzen, 1975 ; Fayolle, Gailly et Lassas-Clerc, 2006).

15

2. Modélisation de la phase intentionnelle

Si le concept d'intention a grandement été étudié sous l'angle des sciences sociales et de la psychologie, il a aussi intéressé les disciplines de science de gestion telles que la gestion des ressources humaines, le marketing ou encore l'entrepreneuriat. On dénombre alors plusieurs modélisations selon les approches.

En 1975, Shapero a été le premier à proposer une modélisation du concept adapté à l'entrepreneuriat. Il considère l'intention entrepreneuriale comme étant sous le joug deux éléments clés: la faisabilité et la désirabilité du projet telles qu'elles sont perçues par l'entrepreneur. S'agissant d'une perception, ces notions sont subjectives et s'appuient donc sur les caractéristiques psychologiques du créateur, influencées par le contexte sociologique et économique. À noter que l'existence concomitante des deux notions n'est pas nécessaire à la naissance de l'intention. En effet si un projet semble faisable pour l'individu, l'intention peut exister sans qu'il y ait de désir pour ce projet. On se trouve alors dans une situation d'entrepreneuriat contraint.

Figure 3 : Le modèle de Shapero, 1975.

En 1982, Shapero et Sokol complètent ce modèle en y ajoutant la notion de déplacement. Ils considèrent en effet que l'engagement d'un individu dans un processus qui le mènera à la création de sa propre activité, est en premier lieu déterminé par le contexte social et culturel. Ils mettent ainsi au point le modèle de la formation de l'événement entrepreneurial ci-dessous. Ils inscrivent la formation d'une entreprise sur une trajectoire, impulsée par des évènements de vie majeurs. Selon eux, il en est de trois sortes : les déplacements négatifs, les situations intermédiaires et les déplacements positifs. Par « déplacements négatifs » ils

renvoient à des évènements bousculant la trajectoire de vie d'un individu et l'orientant alors vers la démarche entrepreneuriale. Il s'agit là de raisons pour lesquelles l'entrepreneur sera contraint de créer son activité : émigration forcée, perte d'emploi, ennui, atteinte de l'âge moyen, divorce ou veuvage. Les « situations intermédiaires » perturbent également la trajectoire de vie de l'entrepreneur naissant, mais à la différence des déplacements négatifs, ces situations sont prévisibles. Elles sont représentées par l'achèvement d'une étape de vie telle que la fin du service militaire ou d'une scolarité. Elles orientent l'individu davantage par la contrainte que par l'opportunité. Enfin, par déplacements positifs ils entendent l'ensemble des facteurs sociaux et environnementaux qui vont offrir à l'individu l'opportunité d'entreprendre. Il peut s'agir de l'influence d'un mentor, de l'existence de clients d'affaire potentiels ou encore de l'obtention d'une opportunité financière telle qu'un héritage.

Figure 4 : Modèle de la formation de l'événement entrepreneurial (Shapero et Sokol, 1982)11

11 DIAMANE, Mounia, SALAH, Koubaa, « Les approches dominantes de la recherche en

entrepreneuriat », 2016 : [En ligne :

https://www.researchgate.net/publication/311738962_Les_approches_dominantes_de_la_recherche_en_en trepreneuriat].

16

17

En 1993, Krueger fait évoluer ces modèles en y ajoutant une notion clé : celle de l'intention et de la propension à l'action.

Figure 5 : Modèle de l'événement entrepreneurial repris par Krueger, 1993.

La théorie du comportement planifié d'Icek Ajzen voit le jour entre 1985 et 1991 et constitue une théorie de référence dans l'étude des comportements intentionnels. Elle permet, entre autre, de mettre en exergue les façons de modifier le comportement des individus. En cela, elle a beaucoup été utilisée en psychologie et notamment en thérapie comportementale. Appliquée à l'entrepreneuriat, la théorie d'Azjen s'appuie sur l'idée que tout comportement humain qui se veut effectif doit être planifié. Il résulte alors d'une succession de croyances qui sont à la base de l'intention. Celles-ci se découpent en trois volets : les croyances comportementales qui influencent l'attitude de l'entrepreneur, les croyances normatives qui influencent les normes subjectives, et enfin les croyance de contrôle qui influencent le contrôle comportemental. L'attitude envers le comportement ainsi que les normes subjectives peuvent ensemble s'apparenter à la désirabilité perçue tandis que le contrôle comportemental correspond davantage à la faisabilité. Ce modèle reprend finalement les deux notions clés de désirabilité perçue et faisabilité perçue en les rattachant à des croyances, sur lesquelles on peut agir pour modifier l'intention.

18

Figure 6 : Théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991)

En 2006, Tounès fait une synthèse de l'ensemble de ces théories qu'il réunit dans le schéma ci après. Il identifie ainsi onze facteurs pouvant modifier l'intention d'entreprendre.

Figure 7 : Modélisation théorique de l'intention entrepreneuriale12

12 A. Tounes, L'intention entrepreneuriale des étudiants : le cas français, Revue des Sciences de gestion, Direction et Gestion, Mai/Juin, n°41 (2006), p. 219.

19

Définir ce qui influence ou conditionne l'intention présente un intérêt majeur en ce qu'il permet de prédire le comportement de l'individu. Les théories élaborées à ce sujet se sont affinées au cours du temps et ont permis de mettre en évidences deux concepts majeurs, celui de la désirabilité perçue et celui de la faisabilité perçue. En ce qui concerne la désirabilité, on retiendra qu'elle est conditionnée par les croyances comportementales et les croyances normatives. Par exemple, un projet peut être désirable quand émerge une idée d'entreprise (croyance comportementale) ou encore quand il existe dans l'entourage de l'individu des exemples de réussite entrepreneuriale (croyances normatives). A contrario, la désirabilité sera ébranlée dès lors qu'il existera une contrainte, telle que la perte d'emploi (déplacement négatif), et davantage encore si les croyances comportementales ou normatives ne sont pas en faveur du projet : absence d'information, absence de modèle ou encore peur du risque. En ce qui concerne la faisabilité perçue, elle correspond à la perception du contrôle comportemental, autrement dit au degré de facilité avec lequel l'individu s'imagine parvenir à la réalisation du projet. Cette perception du contrôle de la situation s'apparente au concept d'auto-efficacité de Bandura que nous approfondissons dans la partie suivante.

3. Auto-efficacité et faisabilité perçue

Selon le psychologue Albert Bandura 13 , l'auto-efficacité, ou le sentiment d'efficacité personnelle, se définit par la croyance d'un individu en ses capacités et la conviction de leur réussite. « Son postulat repose sur les attentes d'un individu en matière d'efficacité de ses propres actions14 ». Comme le modèle de Shapero et Sokol le mettait en évidence précédemment dans notre étude, différents facteurs influencent l'intention d'entreprendre. Selon Krueger et Carsrud (1993), l'intention est précédée de trois facteurs : l'attractivité perçue du comportement entrepreneurial, la perception sociale des normes concernant l'entrepreneuriat ainsi que la perception de du contrôle comportemental et donc de l'auto-efficacité, ce dernier facteur déterminant la faisabilité du projet. La faisabilité perçue se définit donc par les possibilités d'entreprendre perçues par l'entrepreneur et liées à

13 BANDURA, Albert, Auto-efficacité : le sentiment d'efficacité personnelle, Liège : De Boeck, 2002.

14 Définition de la théorie de l'auto-efficacité, e-marketing : [En ligne : https://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Auto-efficacite-theorie-240613.htm].

20

l'environnement et aux potentialités concrètes. La perception de la faisabilité évolue en fonction du sentiment d'auto-efficacité et de la capacité à dépasser les difficultés liées au terrain. Ce sentiment conditionne l'état d'esprit et les actes de la personne, modelant son intention et ses ambitions. En effet, plus le sentiment d'auto-efficacité sera élevé, plus l'individu sera volontaire dans la poursuite de ses efforts afin d'atteindre son objectif. En 2003, Bandura mettait au jour les quatre sources déterminant le niveau d'auto-efficacité15:

- Une expérience active de maîtrise. Il s'agit là d'une source fondamentale de l'auto-efficacité. Elle est basée sur la maîtrise qu'a l'individu concernant les tâches à effectuer. En d'autres termes, plus l'entrepreneur naissant aura des expériences réussies dans les différentes tâches qui incombent à la réalisation de son projet, plus ses croyances en ses capacités personnelles seront renforcées. En revanche des expériences échouées dans ce domaine mettront à mal son sentiment d'auto-efficacité.

- Une expérience indirecte ou vicariante. Elle repose sur les comparaisons sociales. L'observation d'une expérience réussie chez ses pairs augmentera l'auto-efficacité de l'individu.

- Une persuasion verbale venant d'autrui. Des conseils ou encouragements peuvent renforcer la croyance de l'individu en son potentiel et créer un climat de confiance. Cette source est à nuancer : le discours peut être perçu différemment selon la personne ressource. Interviennent en effet des facteurs tels que la crédibilité, l'expertise ou encore les liens affectifs qui existent entre les individus.

- Un état physiologique et émotionnel stable et positif. Certains états émotionnels, tels que l'anxiété, peuvent écorner la performance et donc réduire l'auto-efficacité. Au contraire, quand l'individu parvient à surmonter ces états émotionnels néfastes, son auto-efficacité s'en retrouve renforcée.

Ces quatre sources sont complémentaires, et sont mobilisables au cours du processus entrepreneurial pour contribuer à renforcer le sentiment d'efficacité personnel de l'individu. Quand il existe une inadéquation entre le degré d'auto-efficacité et les objectifs attendus cela peut être néfaste au comportement entrepreneurial. Comme le suggère le tableau ci-

15 RONDIER, Maïlys, « A. Bandura. Auto-efficacité. Le sentiment d'efficacité personnelle. Paris : Éditions De Boeck Université, 2003 », L'orientation scolaire et professionnelle, septembre 2004, p. 475-476.

21

dessous, un sentiment d'efficacité personnel faible associé à des attentes de résultats élevés entraînera nécessairement une auto dévalorisation, un découragement. En revanche un sentiment d'efficacité personnel élevé associé à des attentes de résultats élevés sera moteur et favorisera les aspirations, l'engagement productif de l'individu et le sentiment de réussite personnel. Ainsi, conscient de ses atouts ou carences l'individu peut ajuster son comportement, ré envisager ses attentes et redéfinir ses objectifs.

Tableau 1 : Configurations de Bandura16

La théorie de Bandura montre par conséquent qu'une pédagogie de la réussite couplée à un environnement positif et apaisé augmente les chances d'un individu à croire en ses capacités, et, parallèlement, son intention d'entreprendre.

À présent que l'auto-efficacité est définie, nous nous interrogeons sur la possibilité d'en apprécier la place qu'elle occupe dans le processus entrepreneurial d'un individu. D'une part, nous imaginons qu'il est possible de déterminer son degré lors d'entretiens verbaux. En effet, si l'entrepreneur est enjoué et démontre sa motivation, il va sans dire que son sentiment d'efficacité personnelle sera au beau fixe. Mais puisque l'auto-efficacité est « la croyance des individus en leur capacité de mobiliser les ressources nécessaires pour maîtriser les événements qui affectent leur existence (Bruchon-Schweitzer, 2014)17 », il est

16 COLLECTIF, 2004, De l'apprentissage social au sentiment d'efficacité personnelle. Autour de l'oeuvre d'Albert BANDURA, l'HARMATTAN, 175 : [En ligne : https://ent2d.ac-bordeaux.fr/disciplines/hotellerie/wp-content/uploads/sites/46/2018/05/BANDURA_Theorie.pdf].

17 Nagels, M. (2016). L'auto-efficacité, une ressource personnelle pour s'autoformer. Apprendre par soi-même aujourd'hui. Les nouvelles modalités de l'autoformation dans la société digitale (p. 65-79). Paris : Editions des archives contemporaines, p.3. : [En ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01297031/document].

22

également possible de la mesurer en observant la trajectoire de l'entreprise et sa réussite. Toutefois, nos recherches font état de l'existence d'un outil plus concret : l'échelle des sentiments d'auto-efficacité aux décisions de carrière (Career Decision Self-Efficacy Scale - CDSES18). En 1983 Taylor et Betz19, se basant sur les théories de Bandura, réalisent que l'auto-efficacité est déterminante dans l'élaboration des choix de carrière et des décisions d'orientation. Ils partent du postulat que parvenant à mesurer ce sentiment ils pourront davantage appréhender les choix d'orientation et traiter l'indécision. Pour cela, ils proposent de sonder cinq domaines de compétences qu'ils considèrent comme des facteurs clés des comportements individuels conduisant l'orientation professionnelle : l'auto-connaissance, la recherche d'informations sur le secteur visé, les objectifs, la planification et la prise en compte des problématiques pouvant survenir tout au long du parcours. À chaque domaine ils associent une dizaine d'items pour lesquels le répondant doit évaluer son degré de confiance de 0 (= pas de confiance) à 9 (= confiance parfaite). Très vite, cette échelle est devenue dans le domaine du conseil d'orientation des choix un outil de référence. Au fil du temps, pour simplifier son utilisation, le nombre d'items est passé de 50 à 25 et les modalités de réponses restreintes de 10 à 5. Un score est ainsi élaboré et permet de conclure à un certain degré d'auto-efficacité. Cependant cette échelle, bien qu'elle soit la seule, à notre connaissance, qui permette d'apprécier l'auto-efficacité d'un individu, voit son champ d'application restreint aux choix des orientations professionnelles. Puisque la notion d'auto-efficacité gagne progressivement du terrain dans la réflexion des facteurs influençant le comportement entrepreneurial, il serait judicieux d'en adapter les items pour mesurer ce sentiment chez l'entrepreneur naissant.

Le sentiment d'auto-efficacité est donc primordial lors de la phase de démarrage d'une entreprise. Il impulse une dynamique positive à l'initiative entrepreneuriale nécessaire à sa pérennité. Il renforce la faisabilité perçue de l'entrepreneur et donc son intention. Cela est d'autant plus vrai dans un contexte d'entrepreneuriat contraint où la désirabilité perçue (second déterminant majeur de l'intention entrepreneuriale) est souvent nulle.

18 Jean-Philippe Gaudron, « L'échelle des sentiments d'auto-efficacité aux décisions de carrière - forme courte : une adaptation française pour lycéens », L'orientation scolaire et professionnelle [En ligne], 42/2 | 2013, mis en ligne le 07 juin 2016, consulté le 06 décembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/osp/4108

19 Taylor, K. M., & Betz, N. E. (1983). Applications of self-efficacy theory to the understanding and treatment of career indecision. Journal of Vocational Behavior, 22, 63-81.

23

B. L'ENTREPRENEUR DE NECESSITE

1. Définition de l'entrepreneuriat par nécessité

Comme l'indique le rapport du « Global Entrepreurship Monitor : Executive Report » réalisé par Reynolds, Bygrave, Autio, Cox et Hay en 2002, deux types d'entrepreneuriat sont à distinguer : l'entrepreneuriat d'opportunité et l'entrepreneuriat de nécessité. Si l'entrepreneur d'opportunité fait référence à une volonté d'amélioration de vie et d'une opportunité choisie, le second est le résultat d'une obligation. Selon Cowling et Bygrave, les personnes qui entreprennent par nécessité sont les « individus poussés à la création d'entreprise car ils ne perçoivent pas de meilleure alternative d'emploi20 ».On peut considérer que la motivation première des entrepreneurs de nécessité est donc de sortir de la pauvreté, contrairement aux idées reçues sur l'entrepreneuriat classique assimilé à des figures de réussite et d'innovation. Lorsque l'entrepreneuriat est considéré comme une solution permettant de sortir d'une situation de chômage et donc de précarité, l'entrepreneur de nécessité est poussé par des facteurs dits « push ». En effet, selon André Fayolle et Walid Nakara, l'entrepreneuriat d'opportunitéì relève de facteurs « pull » tels que l'autonomie, l'indépendance, la libertéì, l'argent, le défi, le statut social ou encore la reconnaissance (Carter et al., 2003 ; Kolvereid, 1996 ; Wilson et al., 2004) alors que l'entrepreneuriat de nécessitéì est lié à des facteurs « push » comme le chômage, le licenciement ou la menace de perdre son emploi (Thurik et al., 2008)21.

Si un grand nombre d'entrepreneurs choisissent cette solution, c'est notamment parce que la législation française facilite l'accès au statut d'autoentrepreneur et que les politiques publiques en place favorisent ce genre d'initiatives22. Toutefois, une culture d'entreprise et un capital restent nécessaires pour démarrer et pérenniser une activité, et tous n'y ont pas

20 Cowling M., Bygrave W. (2003), Entrepreneurship and Unemployment: Relationship Between Unemployment and Entrepreneurship in 37 Nations Participating in the Global Entrepreneurship Monitor , Babson College, p.544.

21 A. Fayolle, W. Nakara. « Création par nécessité et précarité: la face cachée de l'entrepreneuriat ». Cahier de recherche n° 2010-08 E4. 2010.

22 Bayad, Mohamed, Akram El Fenne, et Aurélien Ferry, « Porteurs de projet en recherche d'un nouvel emploi et entrepreneuriat : sortir de la dichotomie opportunité/nécessité », Revue de l'Entrepreneuriat, vol. vol. 15, no. 3, 2016, pp. 205-229 : [En ligne : https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2016-3-page-205.html].

24

accès. En effet, la motivation est cruciale à la réussite d'une entreprise, et la création sous la contrainte ne facilite pas la naissance de cet état d'esprit.

2. Les facteurs conduisant à la création « forcée » d'une entreprise

a) Le contexte socio-économique et politique

L'entrepreneuriat de nécessité est globalement lié à des facteurs « push ». Ces facteurs sont généralement soit le bassin d'emploi, l'âge, le sexe ou encore la menace de perdre son emploi23. Ces facteurs externes ne relèvent pas de la liberté des individus. Ils ne viennent pas de l'intérieur (volonté, désir, choix, etc.). La création d'entreprise se fait sous la pression de multiples causes extérieures qui bien souvent s'accumulent et peuvent autant expliquer les motivations par défaut que le manque d'enthousiasme.

Si aujourd'hui certains individus choisissent l'entrepreneuriat par nécessité, c'est aussi parce que la législation française facilite de plus en plus la création d'entreprise. En effet, les politiques publiques actuelles favorisent ce type d'initiative par des avantages fiscaux et des simplifications bureaucratiques (facteurs push positifs). Elles permettent de lutter contre le chômage24. Le graphique ci-après illustre les résultats d'une enquête menée par l'Insee en 2010. Il montre clairement les différentes motivations poussant à la création d'une entreprise : 60% des demandeurs d'emplois se lançaient dans cette activité afin d'assurer leur propre emploi (cf. Figure 8).

La question est à présent de savoir si le statut simplifié mis en place par les politiques publiques facilite ou non le développement de ce type de profil. La création du statut d'auto-entrepreneur en France date de 2008. Face à une précarité de l'emploi grandissante, le

23 A. Fayolle, W. Nakara. « Création par nécessité et précarité: la face cachée de l'entrepreneuriat ». Cahier de recherche n° 2010-08 E4. 2010.

24 Bayad, Mohamed, Akram El Fenne, et Aurélien Ferry, « Porteurs de projet en recherche d'un nouvel emploi et entrepreneuriat : sortir de la dichotomie opportunité/nécessité », Revue de l'Entrepreneuriat, vol. vol. 15, no. 3, 2016, pp. 205-229 : [En ligne : https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2016-3-page-205.html].

régime de l'auto-entrepreneuriat est rapidement devenu un nouveau moyen d'accéder au travail. L'entrepreneur est libéré des charges habituelles puisqu'il ne les paie que sur la base de son chiffre d'affaires, contrairement aux cotisations des travailleurs indépendants. En outre, le chiffre d'affaire est également le critère déterminant le plafonnement des cotisations et contributions des autoentrepreneurs. Ces facilités financières visent à accroître les initiatives. En 2012, la Fédération des auto-entrepreneurs proposera de nouvelles modifications au statut afin de faciliter et renforcer le régime. Par la suite, le statut sera réformé par deux fois, en 2013 puis en 2018. Pour cette dernière année, la réforme de la contribution sociale généralisée a engendré une baisse des taux de cotisation pour les autoentrepreneurs.

Figure 8 : Les principales raisons ayant motivé la création d'une autoentreprise25

Par ailleurs, la création de son entreprise est également facilitée dans la forme puisqu'il suffit de se rendre sur le site officiel et de déclarer son début d'activité afin de lancer la procédure. Sa simplification est donc entendue de manière fiscale et juridique.

25

25 Insee : [ http://www.epsilon.insee.fr/jspui/bitstream/1/13899/1/fc290.pdf].

26

Toutefois, la création d'autoentreprises reste majoritairement une activité parallèle à un emploi stable, excepté pour la catégorie dont cette étude fait l'objet : les entrepreneurs de nécessité. 30% des autoentrepreneurs étaient au chômage avant de lancer leur activité, 11% étaient sans activité et 6% étaient des salariés précaires26. Pour ces catégories, l'accès au statut est une véritable porte de sortie afin d'aller vers une stabilité professionnelle.

Toutefois, bien que l'accès à ce statut soit facilité, la majorité des entrepreneurs choisissent cette voie par défaut, celle-ci étant éloignée de leur projet professionnel initial car non désirée, qu'il s'agisse d'étudiants débutant sur le marché de l'emploi ou d'anciens salariés licenciés. Bien que la sortie d'une situation précaire puisse sembler positive, en 2014 Christel Tessier-Dargent27 soulignait que l'entrepreneuriat de nécessité avait un impact économique et social globalement négatif. L'environnement est impacté par la situation précaire ayant conduit l'entrepreneur à se lancer, sans compter qu'il ne connaît généralement pas le milieu et la culture de l'entreprise. Aussi, le profil personnel de ce genre d'entrepreneurs est diamétralement opposé à la normale, faisant d'eux des « anti-entrepreneurs28 » moins sûrs de leurs choix et fragilisé par leur position de meneur non-salarié.

b) Une perception négative de la désirabilité

La faisabilité et la désirabilité perçues sont les deux facteurs aboutissant à l'intention de créer une nouvelle entreprise. Le modèle de Shapero (1975) définit la création d'entreprise comme un phénomène associant les caractéristiques psychologiques du créateur, influencées par sa situation sociologique et économique tels que la désirabilité et la faisabilité. Ces caractéristiques modèlent une intention, et celle-ci aboutit à la création d'une entreprise. Dans le cas des créations « forcées », la désirabilité est négative mais aboutit

26 DEPROST, Pierre, LAFFON, Philippe, IMBAUD, Dorothée, « Rapport : Evaluation du régime de l'auto-entrepreneur », Inspection Générale des Finances / Inspection Générale des Affaires Sociales, Mars 2013, p.17, publié sur igf.finances.gouv.fr : [En ligne : http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/201 3/2013-M-085.pdf].

27 TESSIER-DARGENT, Christel, « Les paradoxes de l'entrepreneuriat de nécessité : Strapontin ou tremplin ? », Entreprendre & Innover, n° 20, avril 2014, p. 24-38.

28 Yaniv E., Brock D., [2012], « Reluctant entrepreneurs : why they do it and how they do it', Ivey Business Journal Online.

27

malgré tout à la réalisation du projet. Un autre modèle de la formation de l'événement entrepreneurial, imaginé par Shapero et Sokol en 1982 cité plus haut, détaille les facteurs déterminant la création d'une entreprise : ce qu'ils nomment les « déplacements négatifs » et les « situations intermédiaires » constituent les raisons forçant les individus à se lancer dans l'entrepreneuriat. Dans ce modèle les déplacements négatifs correspondent à des éléments de contrainte : l'émigration forcée, la perte d'un emploi, l'atteinte d'un âge moyen ou encore le changement de situation conjugale (divorce, veuvage). L'ensemble de ces facteurs influencent de manière négative la désirabilité du projet. Cela impacte directement l'intention entrepreneuriale et influence le comportement de l'individu.

3. Enjeux pour l'entrepreneur de nécessité

a) Spécificités de son comportement

En 1988, une étude de J. Kochanski et L. Kombou a été publié par l'Agence nationale pour la création d'entreprise. Elle présentait une distinction entre « deux races de créateurs : les explorateurs et les reproducteurs ». Si pour les reproducteurs l'entrepreneuriat ne représente pas une « découverte », ce n'est pas le cas des explorateurs qui nous intéressent donc ici. En effet, ces derniers s'aventurent dans un projet d'entreprise sans en maîtriser les connaissances nécessaires. Cette catégorie comprend les mutants et les individualistes. Les mutants sont les entrepreneurs poussés par la nécessité, « la création de leur entreprise est leur dernière chance de vivre autrement qu'au chômage29 ». Les individualistes sont quant à eux présentés comme des « parasites du système ». Ils sont davantage motivé par les dispositifs financiers aidant à la réalisation d'une entreprise que par l'aboutissement du projet en lui-même. Pour ces entrepreneurs qui recherchent par la mise en oeuvre de ce projet avant toute chose de sortir d'une situation de précarité, Letowski décrit une logique d'action spécifique : la logique d'insertion sociale. Selon lui, les individus qui s'engagent dans cette voie, a pour premier objectif d'être indépendant, d'exercer pour son propre compte. Il se satisfait volontiers de résultats qui lui permettent d'assurer sa survie, et du statut social

29 Hernandez Émile-Michel, « Les trois dimensions de la décision d'entreprendre », Revue française de gestion, 2006/9 (n° 168-169), p. 337-357 : [En ligne : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-9.htm-page-337.htm].

28

que lui procure sa démarche. Il est davantage gêné par les démarches administratives, problèmes de gestion et notamment de trésorerie qui peuvent générer chez lui du stress, notamment parce qu'il ne maîtrise pas ces compétences.

b) Nécessité de maîtriser des compétences clés

Les activités créées par les jeunes et les demandeurs d'emploi s'essoufflent rapidement, en effet beaucoup d'entrepreneurs ouvrent et ferment leur activité sans même se soucier des compétences nécessaires30. Une maturité, notamment dans la gestion du stress et des difficultés, ainsi qu'une connaissance de la culture d'entreprise sont donc primordiaux. L'entrepreneur de nécessité, s'il considère que son activité est réalisable, mais n'a pas la volonté d'entreprendre, ou plutôt se sent contraint devra nécessairement développer ses compétences afin de palier à ses lacunes.

Tout d'abord, la persévérance et le sérieux de l'entrepreneur de nécessité doivent être à toute épreuve. Ensuite, il doit également se former dans la gestion et la prise de risques afin d'optimiser son efficacité. En outre, il doit être en mesure d'effectuer son étude de marché avec clairvoyance. Sa capacité à se former continuellement, à effectuer une veille concurrentielle ou encore à améliorer ses stratégies marketing définiront sa trajectoire sur le long terme. Aussi, une gestion comptable et financière de qualité lui permettra de pérenniser son activité. La flexibilité et l'adaptation rapide au terrain ainsi qu'une capacité de planification et de délégation sont autant d'atouts qui faciliteront également l'organisation de l'entrepreneur.

c) Nécessité de s'autoévaluer

L'entrepreneur est, de manière générale, le seul maître à bord. Afin de s'autoévaluer et de s'améliorer, il se doit de se munir des outils disponibles, ceci est d'autant plus vrai quand il s'agit d'entrepreneur de nécessité. Pour faire son bilan personnel, il dispose de différents outils lui permettant d'évaluer ses motivations, ses contraintes et sa situation afin d'évaluer

30 Marie BELLAN « 2018, année record pour la création d'entreprise en France », dans les Echos, [en ligne], https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/2018-annee-record-pour-la-creation-dentreprises-en-france-471288, (page consultée le 23/03/2019)

29

les écarts entre ses expectatives et la réalité. Si des ouvrages spécialisés sont disponibles31, d'autres outils sont également à la disposition des entrepreneurs. Dans un premier temps, la grille managériale de Blake et Mouton permet d'évaluer le type de leadership auquel nous appartenons. Cet outil d'évaluation se base sur deux critères, le degré d'intérêt porté aux relations humaines et celui porté à la production et aux résultats. En fonction de ces deux degrés, cinq profils : gestion participative, gestion démocratique, gestion intermédiaire, gestion laxiste et gestion autoritaire.

Figure 7 : La grille managériale de Blake et Mouton

Dans un second temps, un autre outil, plus classique et plus abordable pour les néophytes, consiste en l'utilisation de questionnaires. Le plus célèbre est le TLQ360 permettant de s'auto-évaluer en se demandant comment l'on se perçoit et comment l'on est perçu afin de mettre en place des choix pour modifier ces comportements, choix qui permettront

31 Citons en guise d'exemple le manuel de LUSTHAUS, Charles, Améliorer la performance organisationnelle: manuel d'auto évaluation, IDRC, 1998, 168 p.

30

d'améliorer l'auto-efficacité 32 . D'autres tests permettent de mesurer le potentiel entrepreneurial d'un individu 33 , ou encore sa personnalité 34 . Effectuer un bilan de compétences permettra également à l'entrepreneur de prendre la mesure de ses forces et faiblesses au sein de son entreprise.

Enfin, l'indicateur de jugement en situation de leadership, le LJI-2, permet de juger la capacité d'adaptation d'un manager dans une situation donnée. Il évalue la pertinence des décisions prises par l'individu, et donc son leadership de manière globale :

Figure 8 : LJI-2, Indicateur de jugement en situation de leadership35

Couplé à cet outil, l'inventaire de personnalité de Bochum, dit le BIP, permet d'évaluer les sources de motivation de l'individu mais également ses compétences sociales, ses ressources psychologiques et ses comportements professionnels36.

32 Concernant les outils d'auto-évaluation du leadership, se référer à la thèse de Mariya Jilinskaya, Approche psychométrique et différentielle de la mesure du leadership par la méthode à 360°. Artefact et réalité dans l'hétéro-évaluation, Paris Ouest, Octobre 2012 : [En ligne : https://bdr.u-paris10.fr/theses/internet/2012PA100112_diff.pdf].

33 https://www.bdc.ca/fr/articles-outils/boite-outils-entrepreneur/evaluation-entreprise/pages/autoevaluation-mesurez-votre-potentiel-entrepreneurial.aspx?page=1

34 https://www.cci.fr/web/creation-d-entreprise/testez-votre-profil-entrepreneurial

35 https://www.hogrefe.fr/leadership-les-bases-et-les-sources-du-pouvoir/

36 ibid.

31

d) Nécessité de développer son leadership

Le leadership est une capacité à motiver et influencer positivement son entourage et son équipe. Il repose sur quatre compétences que doit posséder le leader : la vision, l'influence, la collaboration et la communication :

Figure 6 : Auto-évaluation de son leadership37

En étudiant ses propres capacités et limites, l'entrepreneur pourra évaluer son leadership. Afin de mener à bien son projet d'entreprise, le leader se doit de se connaître et de maîtriser ses méthodes de travail et sa communication, il doit pouvoir créer un climat de confiance avec ses collaborateurs. Il doit être en mesure de soutenir les autres et d'être positif dans son entreprise, mais également avoir une vision positive sur le long terme en anticipant les problématiques et évolutions à venir. Cette définition souligne la difficulté que peut rencontrer un entrepreneur de nécessité dans la mise en place de son leadership, d'autant

37 MOUMEN, Sylvie, « Auto-évaluez votre leadership ! », publié le 10 juin 2014 sur lemotducoach.com : [En ligne : http://lemotducoach.com/auto-evaluez-votre-leadership/].

32

plus que le leadership entrepreneurial s'appuie particulièrement sur la capacité de l'entrepreneur à innover, à s'engager intensément et à prendre des risques.

Comme nous l'avons mentionné précédemment, sa persévérance, sa consistance et sa motivation sont autant d'atouts à développer. Aussi, en apprenant ses limites, il saura prendre du recul sur lui-même. Être en capacité de déléguer et de mettre de la distance est l'une des manières de renforcer son leadership afin d'optimiser sa capacité à donner le meilleur de soi-même.

33

C. CONCLUSIONS DE LA REVUE DE LITTERATURE

En guise de conclusion à cette revue de littérature, nous retiendrons les points suivants :

· Les entrepreneurs d'opportunité et les entrepreneurs de nécessité ne démarrent pas leur activité professionnelle sur la même base. Selon les profils, ils ne disposent pas tous des mêmes goûts pour l'entreprise. Le capital culturel et le capital économique sont variables d'un individu à l'autre. Ces différences jouent sur le sentiment d'auto efficacité personnelle. Elles accentuent fortement les inégalités face aux capacités objectives et subjectives pour mener à bien de multiples tâches.

· Les politiques publiques visant à faciliter l'accès au régime de l'auto entrepreneuriat peuvent être un leurre si les entrepreneurs ne sont pas au fait des difficultés liées à ce statut et des compétences à maîtriser afin de mener à bien leur projet. Créer aisément un statut juridique est une chose. Aller chercher des clients et les fidéliser en est une autre, faisant appel à des compétences en marketing et en gestion des affaires.

· Le sentiment d'auto-efficacité repose sur la perception de ses propres compétences à mener de front plusieurs registres disciplinaires déterminant à la fois la faisabilité et la désirabilité d'un projet.

· Un mauvais entourage (famille, etc.), le manque du sens de l'observation et le refus d'apprendre en continu sont autant d'éléments qui affectent la mise en confiance

· Les compétences managériales des entrepreneurs de nécessité sont à évaluer afin d'augmenter leurs chances de réussite. Le contrôle de gestion et le suivi de l'évolution de ses propres compétences permettent de maîtriser ses interactions avec les parties prenantes du projet.

Il est temps à présent d'exposer nos hypothèses de recherche avant de passer à la seconde partie de ce travail, à savoir l'étude empirique menée auprès des entrepreneurs.

34

PARTIE 2 : ENQUETE DE TERRAIN

Outre la partie littéraire qui nous a permis de comprendre la construction du sentiment d'auto-efficacité chez les entrepreneurs de nécessité, nous avons, dans les parties qui suivent, tenter de vérifier dans quelle mesure ce que nous avons lu est empiriquement conforme ou pas aux réalités de terrain. L'objectif principal de cette enquête est donc d'apprécier le rôle de l'auto-efficacité chez les entrepreneurs de nécessité et de comprendre l'intérêt de ce concept en pratique. Les hypothèses suggérées par notre analyse théorique sont d'une part que le sentiment d'auto-efficacité est moindre chez les entrepreneurs de nécessité et d'autre part qu'un sentiment d'auto-efficacité fort améliore les chances de réussite d'un projet entrepreneurial. Pour vérifier cela, nous avons choisi de réaliser une enquête qualitative. Nous avons ainsi interrogé sept responsables d'organisation et deux accompagnateurs à la création d'entreprise. À l'aide d'un guide d'entretien, nous avons récolté le témoignage de chacun d'entre eux (cf. annexes), puis résumé et analysé les réponses conformément à l'analyse de contenu des discours. Il nous a fallu d'abord distinguer l'opportunité de la nécessité qui était à l'origine du projet. Ensuite, nous avons tenté d'évaluer le sentiment d'auto efficacité au démarrage du projet. Cela nous a permis de comprendre comment il a évolué, notamment en considérant son impact sur la trajectoire de l'entreprise. Notre méthode est qualitative et interprétative. Notre dispositif de recherche permet de cerner ainsi les rôles et enjeux du sentiment d'auto-efficacité chez des personnes qui un jour ont été dans la nécessité de créer leur entreprise.

Dans un premier temps, nous vous exposerons les raisons du choix de la méthode et nous en détaillerons les caractéristiques. Ensuite, nous ferons état de nos résultats et de notre analyse. Enfin, nous discuterons les limites de notre étude et nous émettrons des recommandations.

35

A. METHODE

1. Choix de la méthode

Nous avons orienté notre recherche vers une enquête qualitative, et plus précisément par le recueil de données en entretiens individuels semi-directifs pour les raisons exposées ci-dessous :

L'entrepreneuriat de nécessité est une notion complexe qui peut impliquer plusieurs éléments : le parcours de vie de l'individu, ses origines sociale et culturelles, son genre, son âge... D'ailleurs, l'entrepreneur n'a pas toujours conscience qu'il entreprend par nécessité et les accompagnateurs ne font habituellement pas la distinction entre ces deux formes d'entrepreneuriat. Distinguer ces deux types d'entrepreneuriat peut être interprété comme une forme de discrimination. D'autre part, il n'existe pas à notre connaissance de questionnaire permettant de différencier entrepreneuriat d'opportunité et de nécessité. Déterminer la contrainte relève donc d'une appréciation contextuelle. Pour toutes ces raisons, l'entretien individuel nous a semblé être la meilleure forme pour apprécier le parcours de l'entrepreneur et ainsi de juger de la nécessité ou de l'opportunité qui l'a conduit à monter son entreprise.

L'évaluation de l'auto-efficacité entrepreneuriale est une notion abordée dans la littérature, mais à notre connaissance aucune étude quantitative n'a vu le jour. Pour cause, s'il existe une échelle d'évaluation du sentiment d'auto-efficacité appliquée au choix des orientations professionnelles pour les lycéens, il n'existe pas d'échelle d'évaluation de l'auto-efficacité adaptée à l'entrepreneuriat. De plus, s'agissant d'évaluer un sentiment, il nous a semblé judicieux de rencontrer les individus pour créer un climat de confiance qui incite à se confier et permet de considérer la communication non verbale.

Outre l'appréciation du degré (faible ou fort) de l'auto-efficacité, le choix d'une enquête qualitative nous permet de comprendre la place qu'il occupe dans la démarche de l'entrepreneur. Comment ce sentiment influence-t-il le comportement de l'entrepreneur et quelles conséquences a-t-il sur la trajectoire de l'entreprise. Ce type d'information qui

36

permet d'appréhender un concept, d'en comprendre les tenants et les aboutissants, ne peut être recueilli que dans le cadre d'une enquête qualitative.

2. Méthodologie pour le recueil des données

a) Modalités pratiques

Les entretiens individuels ont eu lieu de mars à avril 2019. Le lieu de chaque rencontre était laissé à la convenance de l'interviewé. En préambule de l'entretien, la garantie de l'anonymat a été affirmée. L'ensemble des personnes interrogées a donné son accord pour l'enregistrement des entretiens et l'utilisation des données à des fins scientifiques. Un dictaphone a donc permis de recueillir la totalité des échanges. Les entretiens ont duré entre 25 et 55 minutes. En effet, malgré les relances, les propos de certains interviewés restaient succincts.

b) Procédure de recrutement

Nous avons choisi d'interroger des entrepreneurs de tout horizon afin de minimiser les biais d'interprétation concernant l'opportunité et la nécessité. Puisque l'auto-efficacité conditionne l'intention entrepreneuriale et donc la décision d'entreprendre, il nous a semblé judicieux d'inclure des entrepreneurs naissants qui nous faisaient part de leur sentiment d'efficacité personnelle en temps réel. Nous avons également inclus des entrepreneurs bien établis qui avaient un regard rétrospectif sur leur auto-efficacité mais qui nous permettait d'apprécier la trajectoire du projet. Enfin, il nous a semblé pertinent de recueillir les propos d'accompagnateurs à la création d'entreprise dans le but d'apporter un éclairage différent quant à la contrainte. Les accompagnateurs font-ils la distinction opportunité/nécessité ? Et adaptent-il leur accompagnement ?

Concernant les entrepreneurs : Le recrutement des premières personnes interrogées s'est fait par le biais de l'entourage de l'enquêteur. Au cours de l'étude, d'autres créateurs d'entreprise sont venus enrichir l'enquête après avoir été recommandé par les premiers. Concernant les accompagnateurs : Plusieurs structures ont été sollicitées. Dans le temps imparti deux ont accepté de répondre à nos questions.

37

c) Elaboration d'un outil de recueil de données : le guide d'entretien

Le choix de notre méthode de recueil s'est orienté vers un entretien individuel semi-directif. Cela nous permettait de cadrer le discours des interviewés tout en leur laissant une autonomie de parole. L'organisation du guide en thématiques a permis de cerner les différents enjeux de notre questionnement : l'approche de la contrainte dans l'entrepreneuriat, le rôle du sentiment d'auto-efficacité et les enjeux de son développement. L'élaboration de question ouverte offrait néanmoins à l'interviewé la possibilité de s'exprimer librement, le laisser parler de son vécu, de son histoire et des épreuves traversées. Bien que nous disposions d'une série de questions pré rédigées, ce guide ne constituait en aucun cas un ordre précis ni une formulation type des questions. L'enquêteur se laissant surprendre par les réponses, pouvait adapter le guide au cours de la discussion.

Après un cadrage introductif, les questions ont donc été déroulées selon trois thématiques :

1. L'entrepreneuriat de nécessité

2. L'évaluation du sentiment d'auto-efficacité

3. L'évolution du sentiment d'auto-efficacité au cours du projet

Pour chacune des thématiques, des objectifs différents en fonction des interlocuteurs ont été établis. Pour les entrepreneurs, nous avons formulé nos objectifs de la sorte :

1. Comprendre les motivations de l'entrepreneur, et éventuellement identifier une contrainte. Il était alors nécessaire de s'enquérir du parcours de vie de l'interviewé, de mettre en évidence les déterminants de son intention entrepreneuriale et notamment sa perception de la désirabilité, comme le suggère le modèle de Shapero. Nous considérons en effet, comme décrit dans la littérature qu'une faible désirabilité orientait plutôt vers l'interprétation de la contrainte. La question principale de cette thématique pouvait être résumée ainsi : « Pourquoi êtes-vous devenu entrepreneur ? ». Des questions rebonds permettaient d'orienter la discussion.

2. Évaluer le sentiment d'auto-efficacité. Cet objectif répond à la question générale suivante : « Dans quelle mesure considériez-vous que le projet était faisable ? » Pour cela nous avons axé nos questions autour des quatre sources déterminant le niveau d'auto-efficacité selon Bandura. Nous avons d'abord interrogé les expériences de

38

notre interlocuteur. Cela permettait de savoir s'il maîtrisait les étapes de création voire de développement d'une entreprise : Quelle connaissance du monde de l'entreprise aviez vous avant d'initier votre projet ? Quelles expériences personnelles aviez-vous dans la réalisation des tâches à accomplir pour devenir entrepreneur ? Montage de projet ? Compétences administratives ? Compétences de gestion ? Puis, nous nous sommes intéressés à ses expériences indirectes (modèle de réussite d'entrepreneuriat chez un pair). Dans votre entourage, avez vous des exemples de réussite dans l'entrepreneuriat ? Ensuite nous l'avons interrogé sur le soutien dont il bénéficiait et donc l'influence d'une persuasion verbale venant d'autrui. Enfin, nous avons tenté de capter son état émotionnel au moment de son intention d'entreprendre. Par ailleurs, il nous a semblé pertinent de les interroger sur leurs attentes au lancement du projet, afin d'intégrer leur sentiment d'efficacité personnelle dans la configuration suggérée par Bandura et citée précédemment.

3. Déterminer le rôle de l'auto-efficacité dans le projet entrepreneurial. Il s'agissait ici de répondre aux questions suivantes : « comment s'est développé le sentiment d'auto-efficacité ? » et « le développement ou non du sentiment d'auto-efficacité est-il en lien avec une trajectoire prévisible du projet d'entreprise ? ». Il était d'abord nécessaire d'interroger l'entrepreneur sur les éléments qui auraient pu renforcer son sentiment d'efficacité personnelle, tels que les obstacles surmontés ou les compétences acquises. Quels obstacles avez-vous surmonté et comment ? Quelle(s) compétences pensez vous avoir acquises depuis la création de votre entreprise ? Nous avons ensuite cherché à comprendre ce qui avait pu aider les entrepreneurs dans le développement de leur auto-efficacité. Avez vous bénéficié d'un accompagnement dans la réalisation de votre projet ? Avez vous bénéficié de formation ou d'accompagnement quelconque depuis la création de votre entreprise ? Lesquelles ? Pourquoi ? Nous les avons enfin interrogés sur leur bilan, leur motivation et la satisfaction qu'ils éprouvaient à l'égard du projet.

Pour les accompagnateurs, les objectifs et questions ont été adaptés de cette façon :

1. Comprendre les motivations de l'entrepreneur. Le questionnement était alors d'emblée orienté vers la contrainte. Il s'agissait d'avoir un point de vue objectif en interrogeant les professionnels sur l'existence supposée d'une différence entre les

deux types d'entrepreneurs (opportunité et nécessité). Si tel était le cas, de quelle façon l'accompagnement s'adapte-t-il au profil de l'entrepreneur ?

2. Evaluer la connaissance des déterminants de l'auto-efficacité. Nous avons interrogé les professionnels sur leur connaissance de l'auto-efficacité. Ce concept n'étant pas clairement établi, nous avons orienté nos questions vers la mise en évidence des déterminants de la faisabilité d'un projet d'entreprise. Quels sont les facteurs qui influencent l'envie d'entreprendre ? Quelles sont les qualités nécessaires à l'entrepreneuriat ? Nous avons également cherché à comprendre l'influence de ces déterminants chez l'entrepreneur de nécessité. A quels obstacles les entrepreneurs de nécessité sont-ils confrontés dans leur démarche ?

3. Déterminer les éléments pouvant agir sur le sentiment d'auto-efficacité. Nous avons enfin interrogé les accompagnateurs à la création d'entreprise sur les éléments qui peuvent agir sur le sentiment d'auto-efficacité d'un entrepreneur naissant : en quoi leur accompagnement est-il bénéfique ? quelles recommandations complémentaires émettent-ils pour faire grandir chez l'individu la perception de la faisabilité ?

3. Méthode d'analyse de contenu

Selon Laurence Bardin 38 : « l'analyse de contenu est un ensemble d'instruments méthodologiques en constante amélioration s'appliquant à des discours extrêmement diversifiés. Le facteur commun de ces techniques multiples et multipliées (...) est une herméneutique contrôlée fondée sur la déduction et l'inférence. En tant qu'effort d'interprétation, l'analyse de contenu se balance entre les deux pôles de la rigueur de l'objectivité et de la fécondité de la subjectivité ».

Parmi les outils permettant d'analyser le contenu des textes et des discours, il y a la méthode qui consiste à repérer les divers champs lexicaux composant les textes ou les discours. « Un champ lexical est l'ensemble des mots qui, dans un texte, se rapportent à une même notion ». L'analyse du champ lexical peut reposer sur le comptage des mots (noms,

39

38 Bardin Laure (2013), « L'analyse de contenu » Paris, PUF,

40

adjectifs, verbes) appartenant au même univers de sens (sémantique). Autrement dit, à un même thème. C'est cette raison thématique qui nous a poussés plus haut à organiser notre questionnaire en catégorie de sens. La technique de la catégorisation permet de cartographier des lignes de force récurrentes dans l'ensemble des discours des personnes interrogées. À la suite de quoi, il est possible de réaliser un travail d'interprétation et de déduction (inférence) sur les processus motivationnels de la création d'entreprise et de l'entreprenariat de nécessité.

D'autre part, l'analyse de contenu s'appuie à la fois sur le propos réel de l'interviewé, et sur le contexte qui permet d'apporter un sens à ce propos. Outre la situation personnelle de l'entrepreneur, le sens du contenu de ses propos dépend aussi des enjeux extérieurs qui entourent son action (période de vie, marché du travail, bassin d'emploi, etc.). Par ailleurs, le choix des mots dit toujours quelque chose sur le théâtre mental des personnes qui parlent (conflit intérieur, évolution des préférences, problématique, etc.). L'interprétation des connotations du langage permet ainsi de mieux cartographier les sentiments, les doutes et les interrogations vécues par l'interviewé.

Notre analyse repose également sur les connaissances théoriques que nous avons accumulées au cours de notre examen de la littérature. Nous avons en effet utilisé les grilles de lecture proposées par différents auteurs pour apporter un relief au discours de nos entrepreneurs. Nous avons ainsi choisi de croiser certaines données recueillies et de les lire au travers du prisme proposé par différentes théories.

Notre dispositif méthodologique relève dès lors d'un décodage interprétatif de la parole que l'on relie à la fois à nos connaissances théoriques ainsi qu'à celles relevant du contexte du marché du travail dans lequel sont plongées les personnes que nous avons interrogées. Ce dispositif explicatif opère des allers retours entre l'analyse lexicale et le contexte. C'est en croisant toutes ces informations que l'on peut justifier des interprétations les plus proches du réel.

41

B. RESULTATS ET ANALYSE

1. Description de l'échantillon

a) Les entrepreneurs

Notre échantillon inclut sept entrepreneurs. Six d'entre eux vivent dans la métropole Lilloise, un dans le bassin minier du Pas de Calais. Il est composé de cinq hommes et deux femmes, âgés de 28 ans à 52 ans. Ils exercent leur activité dans différents secteurs : la restauration, le paramédical, l'assurance, l'évènementiel, l'électronique et le conseil.

Prénom39

Genre Âge

Niveau d'étude

Activité

Période
de vie*

Environnement
familial et
géographique

Djamil

H

28

Niveau Bac pro
Commerce

Gérant d'un établissement de
restauration rapide

2009 à
ce jour

Célibataire,
sans enfant.
Roubaix

Iris

F

41

Bac + 3
Santé

Infirmière libérale. En création
d'une société d'aide à la
personne.

2019 (en
cours de
création)

Mariée, 4
enfants.
Roubaix

Karim

H

33

Niveau Bac+ 2
Comptabilité

Agent général en assurance sous
mandat

2017 à
ce jour

Marié, 1 enfant
Bassin Minier
Pas de Calais

Laure

F

32

Bac+ 3
Marketing

Organisatrice de mariages

2010-

2014

Mariée, 1
enfant.
Lille

Mehdi

H

32

Bac+ 4
Histoire

Vente à distance de produits
électroniques en B to B

2014 à
ce jour

Marié, 2
enfants.
Tourcoing

Paul

H

52

Bac + 2
Commerce

Production de matériel industriel

2007-

2011

Célibataire,
sans enfant.
Wasquehal

Victor

H

38

Bac pro
Electronique

Co-Gérant d'une entreprise de
vente de produits
pharmaceutiques

2015-

2017

Divorcé, 2
enfants.
Lille

* correspond à la période de vie de l'entreprise

Tableau n°2 : Caractéristiques des entrepreneurs interrogés

La mixité de genre est assurée au sein de notre échantillon, mais les femmes y sont représentées à hauteur de 28,6%. La sous-représentation de la gente féminine peut être

39 Afin de conserver l'anonymat des personnes interrogées, les prénoms ont été modifiés.

42

interprétée de plusieurs façons. D'abord, il peut exister un biais de recrutement : le choix des interviewé a en effet concerné dans un premier temps le réseau de l'enquêteur avant de prendre une direction plus aléatoire. Ensuite l'échantillon constitué de sept personnes n'est pas suffisamment représentatif de la population pour pouvoir prendre cette variable en considération. Néanmoins on note en France une sous-représentation des femmes dans l'entrepreneuriat : en 2015, 40% des entrepreneurs étaient des femmes et parmi les français qui ont déjà été dans une démarche entrepreneuriale, seules 27% étaient des femmes40.

Au sein de notre échantillon, l'âge moyen des entrepreneurs est de 36,5 ans, avec 57% de trentenaires. Cela correspond aux statistiques que l'on retrouve dans la population française : en 2016, l'âge moyen des créateurs d'entreprise était de 38 ans et demi, avec une surreprésentation de la tranche 30-39 ans41. Une nuance : l'âge au moment de l'entretien ne correspond pas toujours à l'âge de l'entrepreneur au moment de la création de son entreprise.

Dans notre étude, 5 entrepreneurs sur 7 sont diplômés au delà du Baccalauréat, soit 71% de l'échantillon. Nous relevons que, parmi eux, 3 ont fait des études pouvant présenter un intérêt dans la création d'entreprise (Marketing, Comptabilité, Commerce), soit 43% de l'échantillon. Ces données statistiques ne correspondent pas à ce que l'on retrouve à l'échelle nationale : en 2016, 54% des créateurs d'entreprise n'étaient pas diplômés ou avaient un niveau d'étude CAP, BEP, Bac ; seuls 15% étaient titulaires d'un Bac+542. Les entrepreneurs interrogés sont donc plus diplômés que la moyenne. Cela peut présenter un biais d'interprétation, notamment concernant la maîtrise des tâches à accomplir dans l'entrepreneuriat.

Notre échantillon est hétérogène en termes d'activité. Cela nous permet d'avoir une vision large des compétences requises dans la création d'entreprise et de s'interroger : Existe-t-il des compétences plus abordables pour entreprendre dans certains secteurs ? Ces secteurs

40 Le portail de l'Economie, des Finances, de l'Action et des Comptes publics. Site du gouvernement : https://www.economie.gouv.fr/entreprises/chiffres-cles-femmes-entreprise consulté le 02 juin 2019

41 idem

42 Site de la Chambre de Commerce et d'Industrie : https://www.cci.fr/web/creation-reprise-cession-d-entreprise/panorama/-/article/Profil+des+entrepreneurs/profil-des-entrepreneurs consulté le 02 juin 2019

43

favorisent-ils la faisabilité du projet entrepreneurial ? Peut-on alors identifier un secteur d'activité plus propice à l'entrepreneuriat de nécessité ? Cette hétérogénéité du secteur d'activité nous permet également d'identifier les compétences clés pour entreprendre.

Deux entreprises sur sept ne sont plus en activité, soit 28,7% de l'échantillon. Elles ont eu une durée de vie de, respectivement, 4 et 5 ans. Selon l'INSEE

b) Les accompagnateurs

L'échantillon inclut également deux « accompagnateurs ». Un homme de 33 ans et une femme de 37 ans, tous deux titulaires d'un Bac+3 et exerçant en tant que conseiller en création d'entreprise à Roubaix. Le premier travaille au sein de la BGE (Bureau de Gestion des Espaces), une structure associative d'appui aux entrepreneurs ; la seconde au sein de la maison de l'initiative et de l'emploi (MIE), structure dépendant de la Métropole Européenne de Lille.

Prénom

Genre

Âge

Niveau d'étude

Structure

Céline

F

37

Bac + 3

Conseillère en création d'entreprise à
la MIE de Roubaix

David

H

33

Bac + 3

Conseiller en création d'entreprise à la

BGE de Roubaix

Tableau n°3 : Caractéristiques des accompagnateurs interrogés

Relevons que la BGE est une association qui « s'appuie sur des valeurs fortes : initiative, solidarité, innovation, professionnalisme, réalisation des personnes, développement durable »43. En effet cette précision peut orienter notre interprétation, dans le sens où nous avons conscience des valeurs qui animent notre interlocuteur. La MIE est quant à elle une structure qui dépend directement des pouvoirs publics à l'échelle locale, et con action est donc fortement influencée par le contexte politique.

43 Site de la BGE Hauts de France https://www.bge-hautsdefrance.fr/qui-sommes-nous/ consulté le 02 juin 2019

44

Les deux accompagnateurs exercent à Roubaix, ville particulièrement touchée par la pauvreté et le chômage44. Aussi, considérant ce contexte socio-économique défavorable à l'emploi, nous pouvons d'ores et déjà supposer que les accompagnateurs interrogés sont amenés à orienter bon nombre d'entrepreneurs de nécessité.

2. Naissance de l'intention entrepreneuriale

Dans le premier temps de nos entretiens nous nous sommes intéressés aux raisons pour lesquelles les individus avaient choisi de s'engager dans la voie entrepreneuriale. L'entrepreneuriat pour les personnes interrogées était-il perçu davantage comme une contrainte que comme une opportunité ? Nous avons conscience qu'une vision purement manichéenne dans ce contexte n'est pas adaptée. La réponse à cette question ne peut être catégorique. C'est pourquoi l'objectif de notre analyse était davantage de mettre en évidence une tendance que de classifier les entrepreneurs interrogés. Afin d'en faire un commentaire le plus objectif possible, et limiter ainsi les biais d'interprétation, nous avons retenu dans leurs discours les motivations à entreprendre et nous les avons confrontés à plusieurs grilles d'analyse retrouvées dans la littérature. En effet, comme nous l'avons déjà vu dans la définition de l'entrepreneur par nécessité, il est décrit par différents auteurs45 des facteurs push et des facteurs pull. Les premiers sont des éléments qui vont contraindre un individu à entreprendre, tandis que les seconds vont plutôt lui offrir des opportunités. Un autre élément de la littérature a guidé notre interprétation : la notion de désirabilité perçue. Shapero et Sokol considérait, dans leur modélisation de la formation de l'événement entrepreneurial, que la perception de la désirabilité d'un projet était influencée par le contexte de vie des individus. Ils identifiaient ainsi des déplacements négatifs ou positifs et des situations intermédiaires, correspondant à des évènements de vie et orientant les intentions et décisions d'un individu. Il était question d'une désirabilité perçue plus faible chez les entrepreneurs de nécessité.

44 Renoul, B., « Roubaix, ville la plus pauvre de France, une nouvelle article le confirme », dans La Voix du Nord. 28/01/14

45 Fayolle, Nakara, Carter et al. 2003 ; Kove

45

Nous appuyant sur ces deux approches nous avons ainsi pu identifier chez chaque entrepreneur une tendance dans la motivation à entreprendre. En effet, dans les discours de Djamil, Mehdi, Laure et Karim, la présence de contrainte était plus évidente et même, selon nous, supérieure à l'opportunité. Nous y avons, en effet, retrouvé de nombreux facteurs push ou éléments ayant terni la désirabilité de leur projet. Pour deux d'entre eux il s'agissait de la précarité de leur situation professionnelle. La difficulté qu'ils éprouvaient à se stabiliser dans l'emploi et la confrontation au chômage constituaient des éléments majeurs de leurs discours. Karim dit « J'étais demandeur d'emploi [...] J'en avais assez des petits emplois en interim. On ne peut pas se projeter avec une situation pareille. » Mehdi quant à lui parle d' « échecs » renforçant l'idée que sa trajectoire professionnelle était assimilée à des obstacles à surmonter, il dit : « J'ai décidé de devenir entrepreneur après une succession d'échecs professionnels ». Il évoque la complexité de trouver un emploi à la hauteur de ses attentes et compétences : « aussi parce que les emplois que je pratiquais étaient soit précaires soit souvent très peu à la hauteur de mes qualifications professionnelles. » Il justifie cela par le sentiment d'avoir été discriminé et met bien en parallèle le facteur push décrit avec l'intention entrepreneuriale : « Je pense avoir vécu des discriminations à l'emploi, de ce fait j'ai investi dans mon emploi en créant ma société. ». Pour Djamil, 18 ans à l'époque de l'ouverture de on entreprise, on mettait en évidence deux autres facteurs. D'une part, la fin du cursus scolaire, précipitée par des difficultés : « J'étais dans un lycée professionnel, j'avais un peu de mal à suivre les cours. ». Cela pourrait être qualifié, selon l'analyse de Shapero et Sokol, de déplacement négatif. D'autre part, une désirabilité diminuée par l'envie de se conformer aux attentes de son père : « C'est aussi mon père qui m'a orienté vers cette décision ». Dans le discours de Laure, on met là encore en évidence deux autres facteurs push. En premier lieu, des problèmes de santé, qui correspondent à des déplacements négatifs : « J'étais salariée et suite à un petit problème de santé, je me suis remise en question ». En second lieu, un sentiment de peur qui affaiblit sa désirabilité à se lancer dans le projet : « J'étais partagée parce que je voulais vraiment créer mon entreprise mais j'avais peur ! J'avais vraiment très peur ». Par la répétition elle insiste sur ce sentiment de peur, et nous pouvons comprendre que cet élément a été déterminant dans son intention entrepreneuriale.

46

Malgré tout, dans le discours de ces entrepreneurs, nous avons également retrouvé des facteurs pouvant être considérés comme « pull » et des éléments influençant de manière positive la désirabilité du projet. Nous remarquons que tous les quatre ont cité la recherche d'une autonomie, et d'une certaine liberté. Djamil dit : « La possibilité de gérer soit même les heures de travail, je voyais beaucoup la liberté... Ne plus avoir de consignes, de directeur, de personne qui te donne des ordres. C'était ça surtout. » Laure : « Pour être libre de mon emploi du temps. » Mehdi : « être libre de décider manière autonome ». Ce facteur, faisant l'unanimité chez ces entrepreneurs, peut être considéré comme particulièrement attrayant. La liberté et l'autonomie constituent de fait des éléments majeurs dans l'intention entrepreneuriale. Un autre élément était mis en évidence dans trois des quatre discours : l'envie de gagner de l'argent. « Je voulais gagner de l'argent », dit Djamil, « laisser un bon patrimoine à mes enfants. » dit Karim, ou encore « être indépendant financièrement » dit Mehdi. Il nous semble que ce facteur pull est à nuancer. En effet s'il représente une motivation pour l'individu, il est aussi un élément révélant la difficulté qu'ils ont de « gagner de l'argent » autrement que par l'entrepreneuriat. Il est donc à contrebalancer avec les problèmes de précarité et de chômage. Pour Mehdi, un autre facteur avait influencé sa décision d'entreprendre : le challenge. « Il y avait quand même une barrière qui était le côté financier avec le risque de perdre mes économies, mais je suis plutôt joueur alors j'ai tenté l'aventure. » L'idée de relever un défi, et d'avoir une approche positive de la prise de risque influence ici de manière positive la désirabilité du projet. Enfin chez Djamil, nous avons relevé un dernier élément encourageant la motivation : le besoin d'accomplissement. « Ça n'allait pas du tout la théorie, donc je me suis dit il faut que je me lance dans la pratique, tout simplement. Je me suis dit il faut que je fasse quelque chose de mes doigts, parce que de ma tête j'allais pas faire grand-chose. En fait, je suis plus doué avec mes mains qu'avec ma tête. » Il ne se sentait pas épanoui sur les bancs de l'école, et avait besoin d'autre chose pour s'accomplir. Dans sa façon d'en parler, on devine une certaine fatalité. Pour cela, il est encore une fois légitime de s'interroger sur la réalité « pull » du facteur. Accepter ses difficultés scolaires et envisager une autre trajectoire que celle imposée par l'éducation nationale peut être interprété comme une preuve de réalisme salvateur ou comme un désarroi fataliste.

47

Pour les trois autres entrepreneurs interrogés les facteurs « pull » étaient plus évidents et bien supérieurs aux facteurs push. En effet, chez Iris et Paul nous n'avons pas retrouvé d'éléments de contrainte dans leur discours. Iris pense même qu'« il ne faut pas le faire parce qu'on est au chômage. Il faut que l'idée soit constructive, que tu aies une idée de base et que tu te sentes capable d'assurer sur ce dans quoi tu vas t'engager. » Elle ajoute d'ailleurs que la contrainte peut selon elle être à l'origine d'une trajectoire défavorable du projet entrepreneurial : « Parce que si tu fais ça juste pour combler parce que tu n'as pas de travail hey bah je ne sais pas si ça va durer... ». Mais, comme nous l'avons déjà vu, le chômage est loin d'être le seul facteur de contrainte. Du reste, Victor nous faisait part d'un élément qui n'a pas été cité par les entrepreneurs que nous avons identifié dans la tendance à la nécessité : l'ennui. « En fait dans mon poste, je commençais à avoir fait le tour, me disais « barre toi, barre toi ! Mais vu comment t'es naturellement c'est pas pour rien... » L'ennui est cité dans le modèle de Shapero et Sokol comme un déplacement négatif, affectant la désirabilité du projet. Il nous semble que dans le contexte ce facteur peut être nuancé d'une part parce qu'il est le seul élément pouvant être considéré comme négatif par Victor, et d'autre part parce qu'il est cité de manière plutôt détachée, sans manifester d'émotion néfaste. Au contraire, il semble nous dire que sa personnalité l'orientait vers un autre projet que le poste qu'il occupait. L'ennui peut donc, ici, être mis en parallèle avec l'envie de relever de nouveaux défis, représentant alors un facteur plutôt « pull ». Pour ce qui est des autres facteurs ayant influencé positivement l'intention entrepreneuriale, l'idée d'un projet a été citée par les trois entrepreneurs. Iris dit : « j'ai senti qu'il y avait un besoin », Paul : « Je le voulais vraiment, sincèrement pour accéder à un marché qui n'était pas développé. » et Victor : « là c'était parce qu'il y avait une opportunité. J'étais dans mon boulot, je faisais un truc et là je me suis dit tiens il y a un « biz » à faire. ». Le fait qu'une idée de projet émerge renforce la désirabilité, mais surtout représente un facteur évident de l'existence d'une opportunité. Deux des trois entrepreneurs citent également la présence de clients intéressés. Iris: « J'ai vu qu'il y avait des patients qui se confiaient, ils me demandaient pleins d'aides », Victor : « Tous les clients me le demandaient, tout le monde cherchait à avoir ce produit donc je me suis lancé ». Ce facteur est clairement identifié par Shapero et Sokol comme un déplacement positif, augmentant donc la désirabilité du projet. Dans l'expérience d'Iris, nous retrouvons un autre déplacement positif important : la rencontre d'une partenaire. « j'ai croisé une femme de ménage et j'ai vu qu'elle travaillait vraiment bien,

Laure

Mehdi

qu'elle s'occupait vraiment bien des gens. Un jour elle m'a dit "tu sais si je savais mieux parler le français, j'aurais ouvert une société, j'aurais créé quelque chose pour aider les personnes". Donc ça m'a mijoté un peu et je lui ai dit ah bah je veux bien le faire avec toi. » L'existence d'un associé au démarrage du projet renforce la désirabilité et l'intention entrepreneuriale. Notons enfin qu'Iris, comme les entrepreneurs que nous identifions de nécessité, mettait en avant la recherche de liberté dans l'entrepreneuriat. Cela renforce notre analyse identifiant cet élément comme un facteur « pull » majeur.

Les deux tendances (opportunité et nécessité) se sont ainsi révélées dans notre analyse. Dans les tableaux ci-dessous nous avons donc listé l'ensemble des éléments pouvant permettre d'identifier une tendance dans la motivation des entrepreneurs interrogés à s'engager dans leur projet. Le premier tableau regroupe les entrepreneurs chez qui nous avons conclu que la nécessité avait davantage influencé leur intention entrepreneuriale. Dans le deuxième tableau, ne mettant aucun facteur push ou presque chez les entrepreneurs en question, nous avons conclu que c'était l'opportunité qui avait guidé leur intention d'entreprendre.

 
 

Facteurs Push / Désirabilité négative

 

Facteurs Pull / Désirabilité positive

 
 
 
 
 
 

Djamil

 
 

- sortie d'école précipitée par des difficultés scolaires

- besoin de se conformer aux attentes de son père

 

- besoin d'accomplissement

- recherche d'autonomie, liberté - gagner de l'argent

Karim

 
 
 
 
 
 
 

- chômage, précarité de l'emploi

 

- recherche de liberté, d'autonomie - gagner de l'argent

- problème de santé - peur du risque

- précarité de l'emploi, difficulté à trouver un emploi à la hauteur de ses qualifications

- sentiment d'échec

- sentiment de discrimination

- recherche d'autonomie

- recherche d'autonomie - gagner de l'argent

- relever un défi

48

Tableau n°4 : Facteurs influençant l'intention d'entreprendre chez les entrepreneurs de nécessité

Facteurs Push / désirabilité négative

Iris

Paul

Victor - ennui ?

Facteurs Pull / désirabilité positive

- idée de projet

- clients potentiels

- rencontre d'une partenaire

- recherche de liberté

« Une vie libre. »

- idée de projet

- relever des défis - idée de projet

- clients potentiels

49

Tableau n°5 : Facteurs influençant l'intention d'entreprendre chez les entrepreneurs d'opportunité

3. Evaluation de l'auto-efficacité

Dans le second temps de nos entretiens, nous avons cherché à évaluer le sentiment d'auto-efficacité chez l'ensemble des entrepreneurs interrogés. Pour cela nous les avons, d'une part, interrogé quant à la faisabilité du projet, et aux obstacles qu'ils avaient envisagés. D'autre part, nous nous sommes appuyés sur la théorie de Bandura, qui identifiait les quatre sources de l'auto-efficacité : l'existence d'expériences utiles dans le projet d'entreprise, la présence de modèle de réussite dans leur entourage, l'encouragement par des tiers et l'état émotionnel et physiologique de l'individu au moment de réaliser le projet. Pour ce dernier point, nous apportons quelques précisions. Nous n'avons pas interrogé les entrepreneurs sur leur état de santé au moment d'entreprendre. Seule Laure nous en a fait part, et ce de façon spontanée. Il nous a semblé que cette question n'était pas adaptée dans le contexte de nos entretiens. Concernant l'état émotionnel, nous avons également interprété les propos pour les mettre en relation avec ce qui nous semblait correspondre à un état d'esprit plutôt positif ou négatif.

Pour six entrepreneurs sur sept, il ne faisait aucun doute que le projet était faisable. Ils l'ont tous affirmé avec plus ou moins de conviction et d'arguments. Djamil et Mehdi en parlent plutôt comme une croyance, sans apporter d'éléments tangibles à leur affirmation : « pour

50

moi c'était largement faisable » dit Djamil, « Je croyais tellement en mon projet que j'ai mis tous les moyens nécessaires pour y arriver. » dit Mehdi. D'ailleurs quand on interroge Djamil, il semble surpris de la question, comme si la faisabilité était une évidence. Et ce d'autant plus qu'il n'imaginait aucun obstacle : « Aucun obstacle, je pensais vraiment que ce serait facile. ». Son jeune âge au moment d'entreprendre est un élément qui permet de comprendre son état d'esprit. Mehdi quant à lui semblait mesurer un peu plus l'ampleur de la tâche, il a d'ailleurs évoqué de nombreux obstacles envisageables : « Les plus gros freins avant de créer mon entreprise étaient le côté financier, le fait d'être seul, ne pas savoir par quoi commencer. Beaucoup de choses à apprendre avec un jargon très riche qui était une sorte de barrière. Une logique aussi à assimiler sur le côté administratif ». Si l'on confronte son analyse des obstacles face à la détermination avec laquelle il affirme que son projet était faisable, on comprend que sa conviction à ce moment-là relevait davantage d'une croyance. En revanche, pour Karim, Iris, Victor et Paul la faisabilité du projet reposait sur des éléments tangibles. Pour Karim il s'agissait d'un apport financier, et de l'accompagnement par un associé compétent : « J'avais les fonds nécessaires pour la structure, et mon associé de l'époque avait fait les études nécessaires pour choisir l'endroit de l'implantation. » Pour Iris, la législation posait le cadre de la faisabilité : « Par rapport à l'aide à domicile, le conseil général demandait un bac +4, et comme je leur ai dit que j'étais infirmière libérale et que j'ai une expérience libérale, ils m'ont dit que c'était valable. » Pour Paul, c'était une étude de marché rigoureuse : « J'avais réalisé une petite étude de marché et j'avais quantifié en réalisant un tableau de bord prévisionnel. ». Enfin, si le discours de Victor reprenait des éléments tangibles : « J'avais cherché quand même sur le net, j'avais muri la chose. J'avais un business plan béton, avec un investissement de fou », on y relevait également une croyance forte en ses capacités : « J'avais une logique moderniste d'un manager [...] c'était un truc costaud quoi. ». Nous relevons que parmi les entrepreneurs qui avançaient des éléments objectifs pour appuyer la faisabilité du projet, figurent les trois entrepreneurs d'opportunité chez qui par ailleurs aucun obstacle n'était envisagé. Au contraire, chez le seul entrepreneur de nécessité dans cette configuration, d'importants obstacles étaient cités : la faillite et l'inadéquation des produits aux attentes et besoin des clients.

Seule Laure avait une perception faible de la faisabilité : « Je n'étais pas très sûre que ça fonctionne. Je voulais que ça fonctionne mais j'étais pas sûre que ça marcherait finalement. » Le sentiment de peur, déjà citée pour cette entrepreneure, était très présent

et entachait sa perception de la faisabilité. Elle le cite d'ailleurs dans les obstacles : « J'avais un peu peur au niveau de l'argent. Il faut investir dans la publicité pour se faire connaître etc. C'était la partie qui me faisait un peu peur parce que c'est quand même assez dangereux. » On note encore une fois une répétition de la peur et l'utilisation du terme « dangereux » qui renforce l'affirmation de sa crainte.

Nous avons dans le tableau ci-dessous synthétisé les éléments qui traduisent la perception de la faisabilité selon notre interprétation. Nous retenons donc les éléments suivants : deux entrepreneurs de nécessité ont une perception de la faisabilité basée sur des croyances, un base sa perception sur des éléments tangibles mais nuance son propos avec l'énumération d'obstacles possibles, et la quatrième a une perception faible de la faisabilité de son projet en raison notamment d'un sentiment de peur. Les entrepreneurs d'opportunité ont quant à eux une perception de la faisabilité basée sur des éléments tangibles et n'imaginent aucun obstacle à la réalisation de leur projet.

 
 

Perception de la faisabilité

 

Obstacles envisagés

 
 
 
 
 
 

Djamil

 
 

Faisabilité « évidente »

 

Aucun

Karim

 
 
 
 
 
 
 

Faisabilité basée sur des informations tangibles (apport financier, compétences)

 

« La faillite, des produits et des services qui ne répondent pas forcément aux attentes et besoins des clients... »

 
 
 
 
 
 

Mehdi

 
 

Faisabilité basée sur une conviction forte, voire une croyance

 

- problèmes financiers

- se sentir seul responsable

- être perdu dans les démarches

- être confronté au jargon administratif

Laure

Iris

Faisabilité faible

Faisabilité basée sur des informations tangibles (validé par le Conseil Général)

Peur du risque financier

« Non, je ne voulais pas en imaginer. »

Paul

Victor

Faisabilité basée sur des informations tangibles (étude de marché rigoureuse)

Faisabilité basée sur des informations tangibles (recherches, buisness plan) et sur des convictions fortes.

« Aucun »

« Je n'imaginais pas d'obstacle »

51

Tableau n°6 : Perception de la faisabilité et obstacles envisagé chez les entrepreneurs interrogés

52

L'autre approche pour apprécier le sentiment d'auto-efficacité de nos entrepreneurs était d'orienter notre analyse au travers du prisme des quatre sources de l'auto-efficacité selon Bandura. Là encore nous avons mis en évidence de fortes disparités entre les entrepreneurs d'opportunité et de nécessité.

En effet concernant l'existence de compétences pour les tâches nécessaires à l'entrepreneuriat deux entrepreneurs de nécessité affirmait n'avoir aucune expérience, un citait de vagues notions découvertes au fil de ses lectures. La dernière, quant à elle faisait mention d'une « Expérience solide dans le service à la personne », secteur dans lequel elle orientait son activité. Les trois entrepreneurs d'opportunité affirmaient tous avoir une expérience : expertise du produit ou service ou compétence de gestion.

Concernant l'expérience indirecte, autrement dit l'existence d'un modèle de réussite dans l'entrepreneuriat, nous avons relevé l'absence de modèle de réussite chez trois entrepreneurs de nécessité sur quatre. A contrario, il existait des modèles de réussites chez trois entrepreneurs d'opportunité sur trois. Notons que pour Laure, seule entrepreneure de nécessité faisant état d'une expérience indirecte dans l'entrepreneuriat, celle-ci était affaiblie par les propos de ses parents. En effet, bien que ses parents aient réussi dans cette voie, ils déconseillaient à leur fille de s'y engager.

Concernant la persuasion verbale ou encouragements, nous avons relevé qu'ils étaient présents chez l'ensemble des entrepreneurs, mais étaient de nature différente. En effet, si pour les entrepreneurs contraints il s'agissait plutôt du cercle familial, pour les autres il s'agissait d'encouragements d'« experts ». Djamil, Karim, Mehdi et Laure nous ont volontiers évoqué le soutien sans faille de leur famille : « mon entourage m'a beaucoup motivé, qui me disait tiens le coup tiens le coup » (Djamil), ou encore « c'est mon mari qui m'a dit « allez lance toi, fonce, on n'a qu'une seule vie quoi » » (Laure), En revanche Paul nous a expliqué être soutenu par la Banque publique d'investissement, Iris par des professionnels du secteur : « [...] des médecins, des assistantes sociales. Il y en a même qui m'ont dit tu aurais dû créer une maison de repos. Ils m'ont encouragée » et Victor par les banques : « Ils avaient vu mon business plan, ils ont dit oui, on vous suit. »

Enfin concernant l'état émotionnel, rappelons qu'elle relève d'une interprétation de l'enquêteur davantage basée sur un ressenti, influencé par la communication non verbale notamment. Nous mettons en évidence un état émotionnel qui semblait être positif chez cinq entrepreneurs sur sept. Alors que pour deux entrepreneurs les enjeux liés à la fin des

droits de chômage, à l'arrivée d'un premier enfant, ou encore la crainte quant au risque financier et l'existence de problèmes de santé orientait l'interprétation vers un état émotionnel mitigé voire négatif.

Au décours de cette analyse, nous avons voulu synthétiser dans deux tableaux l'ensemble des éléments, pour avoir une vue d'ensemble. Fort de cette observation, nous nous sommes également appuyés sur l'interprétation de la faisabilité perçue mise en perspective par la prévision d'obstacles citée plus haut, pour évaluer le degré d'auto-efficacité. Nous faisons ainsi figurer en dernière colonne un degré qualifié d'intermédiaire ou de fort. Il nous semble que dans les discours analysés, aucun des entrepreneurs ne manifestait une auto-efficacité faible.

Aucun, personne

Aucun

Djamil

Karim

Niveau d'auto-efficacité

Intermédiaire

Intermédiaire

Expérience active de maîtrise

Aucune

Rien

Etat émotionnel +/physiologique

Positif

Positif

Persuasion verbale

Cercle familial encourageant

Epouse

encourageante

Expérience indirecte

Mehdi

Notions par auto apprentissage (lectures) Expérience commerciale

« Pas

vraiment »,

« entreprise de survie »

Epouse

encourageante

Mitigé: stress fin de droit, premier enfant = enjeux

Intermédiaire

Laure

Expérience solide dans le service à la personne

Epoux

encourageant

Négatif : problème de santé, inquiétude financière

Intermédiaire

Parents entrepreneurs, mais opposé à l'entrepreneuriat pour leur fille

53

Tableau n°7 : Evaluation du sentiment d'auto-efficacité chez les entrepreneurs de nécessité

Expérience active de maîtrise

Un peu en comptabilité, un peu en administration

Paul

Victor

Solide expérience dans

l'entrepreneuriat

J'avais toutes les connaissances, à part en gestion pure.

Iris

Expérience

 

Persuasion

Etat

Niveau

indirecte

verbale

émotionnel

d'auto-efficacité

Nombreuses expériences réussies

Cercles familial, amical et professionnel encourageants

Positif

Fort

Nombreuses expériences de succès et d'échecs

Soutien de la BPI

Positif

Fort

Expérience de

Banques :

Positif

Plutôt

succès dans le cercle familial proche

Persuasion verbale positive

 

fort

54

Tableau n°8 : Evaluation du sentiment d'auto-efficacité chez les entrepreneurs d'opportunité

4. Bilan de l'expérience entrepreneuriale

Il s'agissait dans ce troisième et dernier temps de nos entretiens de s'interroger sur le développement du sentiment d'auto-efficacité. Pour cela nous avons demandé aux entrepreneurs quelles compétences ils avaient acquises et comment. Cela nous permettait de juger de l'évolution de leur expérience active de maîtrise. Nous nous sommes également intéressés à ce qui, avec du recul, pouvait constituer des « compétences clés » indispensables à l'entrepreneur. Enfin nous nous sommes enquis de leur satisfaction vis à vis de la trajectoire de l'entreprise et notamment de l'adéquation ou non de la réalité avec leurs attentes d'objectifs. Notons le cas particulier d'Iris : étant en cours de création elle n'avait pas suffisamment de recul pour juger de l'évolution de son auto-efficacité ni pour décrire la trajectoire de son entreprise. Elle ne figure donc pas dans cette partie de notre analyse.

55

a) Compétences acquises et outils mobilisés

Dans ce paragraphe nous dressons pour chaque entrepreneur le bilan des compétences acquises et des ressources mobilisées pour y parvenir. Nous synthétisons plus bas l'ensemble des résultats dans un tableau.

Pour surmonter les obstacles auxquels il a été confronté, Djamil a su faire preuve de résilience : « j'ai fait avec ». Il s'est appuyé sur le soutien de sa famille mais aussi celui de son médecin. Il dit en riant : « je suis allé voir le Dr L. il m'a écouté, et prescrit des cachets, et ça a été ». Il traduit ainsi la lourde charge émotionnelle à laquelle il a été confronté et la patience et le courage dont il a su faire preuve pour avancer malgré tout.

Il estimait avoir acquis des compétences dans sa relation avec les clients, mais aussi de gestion (négociation avec les fournisseurs) et de comptabilité (calcul des marges pour améliorer sa rentabilité « parce qu'au début je n'étais pas rentable du tout »).

Karim a dû faire face à un accroissement de ses responsabilités : « Plus la structure devient grande, plus grandes sont les charges et les responsabilités. » Pour cela, il n'a bénéficié d'aucune formation ni aucun accompagnement « c'est le terrain qui m'a formé ». Il a trouvé avec son associé les ressources nécessaires : « nous avons dû provisionner et augmenter le capital de notre entreprise pour palier à ce changement. », il décrit ça comme une « maturité professionnelle ». Il a acquis des compétences de gestionnaire « comptables, financières et administratives ».

Mehdi nous affirmait avoir acquis des compétences organisationnelles : « Je suis mieux organisé E...] quand c'est bien organisé ça rassure. E...] j'optimise mieux mon temps », des compétences en comptabilité : « Je sais lire un bilan, un compte de résultat ce qui n'était pas le cas il y a 5 ans » et des compétences de gestionnaire : « J'arrive à optimiser mes stocks » « le côté administratif ne me fait plus peur, même si parfois je suis très en retard mais c'est déjà mieux. ». Pour parvenir à cet accroissement de compétences, il a utilisé les conseils d'un comptable, et est toujours accompagné par celui-ci : « Aujourd'hui ce n'est plus un problème car j'ai un comptable qui gère le côté fiscal ». Il s'appuie également sur les relations qu'il a développées : « au pire je sais que j'ai un réseau sur lequel je peux

56

compter ». De plus, il a bénéficié d'un accompagnement par une association (la BGE) mais estimait que le temps que les conseillers lui accordaient était insuffisant pour l'aider solidement dans sa démarche. « Je me rappelle que mon premier rendez-vous avec mon conseiller, il s'était qualifié de guide et les rendez-vous était limités à quelques quantités de 30 minutes. Quand tu as zéro connaissance au départ et qu'on te dit que tu as 30 minutes pour poser des questions, tu as envie d'aller à l'essentiel sans forcément brûler des étapes. » Enfin, il a eu recours à des formations pour « avoir un minimum de connaissance au niveau compta, prévisionnel, faire une étude de marché, créer un site internet. »

Laure a été accompagnée par la BGE mais surtout par une coopérative d'entreprise qui lui a offert la possibilité de faire du « portage salarial » afin qu'elle puisse tester son idée. Elle a su surmonter sa peur du risque financier : à la question quelles obstacles avaient vous surmonté, elle répond : « Pas d'obstacles en particulier... on peut considérer que le risque financier était un obstacle ». Elle estime aujourd'hui être plus « sage » et avoir une meilleure capacité d'analyse : « J'ai appris à m'assagir un peu, à prendre le temps de réfléchir, regarder les différents points. »

Paul estime quant à lui avoir surmonté des obstacles de deux types : « d'ordre matériel, purement financier, de trésorerie » et de gestion du stress. Pour cela il n'a bénéficié d'aucun accompagnement. Il a développé des compétences d'organisation et planification : « J'essayais d'anticiper au maximum et systématiquement c'était de pouvoir boucler, de faire des commandes le plus rapidement possible, le mieux possible pour pouvoir être payé. ». Il a également acquis des compétences en gestion financière : « des compétences de contrôle de gestion qui m'ont mieux fait comprendre les charges sociales, la trésorerie, le fond de roulement », et des capacités d'analyse : « prendre un peu plus de recul et de hauteur avant d'entamer une action. »

Enfin, Victor a surmonté des difficultés d'ordre administrative : « je me disais : je vais commencer à embaucher, URSSAF aïe aïe . C'était un peu nébuleux. Un peu sur les sociétés j'avais un peu perçu parce qu'à chaque fois les modif' avec la CSG-CRDS. ». Il affirme avoir développé des compétences en relation client : « tu dois être concis et savoir quand tu peux te laisser aller à des familiarités. ». Des compétences en organisation, planification : « quand

57

il y a un problème ou quoi que ce soit, tu dois être présent quand même. Déjà juste identifier un besoin, le catégoriser et savoir quel niveau de réponse au niveau de l'urgence mettre en place », compétences commerciales « maintenant je peux vendre n'importe quoi à n'importe qui ». Pour cela il a utilisé ses ressources propres : « Les compétences en gestion c'est ça, il faut quand même à un moment se faire violence et puis en faire quoi. » Mais également le soutien de son épouse pour la gestion et la part commerciale : « heureusement que j'avais une femme qui m'a aidé à faire ma gestion [...] qui est allée avec mois dans les salons ».

Une compétence revient donc dans tous les entretiens : la gestion, aussi bien comptable qu'administrative. Nous pouvons donc incontestablement l'identifier comme une compétence clé de l'entrepreneur. Et nous pouvons également affirmer que dans la mesure où elle a été citée par l'ensemble des entrepreneurs dans la catégorie « compétences acquises », elle n'était pas maîtrisée au début du projet entrepreneurial. Ceci constitue un paradoxe qu'il est important de mettre en lumière. Les autres compétences manquantes et acquises au cours du processus sont : l'organisation, la capacité d'analyse, la relation client et les compétence commerciales (mise en valeur des produits ou services). Pour développer leurs compétences, trois entrepreneurs sur les six ont eu recours à un accompagnement, duquel il n'était pas toujours satisfait ; trois affirment avoir mobiliser leurs ressources propres (détermination, recherches, auto-apprentissage) ; deux se sont appuyés sur leur entourage familial ou personnel ; et seuls deux d'entre eux ont bénéficié de formation. Il s'agit là encore d'un paradoxe : alors qu'ils avaient conscience de leurs lacunes dans certains domaines, seuls deux entrepreneurs sur six ont choisi de se former. Dans la dernière colonne du tableau de synthèse, nous faisons figurer les qualités que les interviewés pensaient être nécessaires à la réussite d'un projet d'entreprise. Elles permettent d'apporter un éclairage différent sur les comportements qu'ils ont adoptés pour développer leurs compétences. Notons que dans cette analyse ci, nous ne mettons pas en évidence de franche disparité dans les discours des entrepreneurs.

58

 

Outils mobilisés

Compétences acquises

Qualités nécessaires

Djamil

- soutien de son entourage : médecin, famille

- +/- mission locale

- gestion, comptabilité - relation client

- Résilience

- Travail

- Courage

- savoir prendre des

risques, audace

Karim

- ressources propres « maturité

professionnelle »

Gestionnaire : administratif, comptable et financier.

- Rigueur

- Etre ambitieux - Persévérance, résilience

Mehdi

- réseau solide

- organisation, planification

- savoir prendre des

 

- conseils d'expert

- gestion comptable et

risques, audace

 

- accompagnement

administrative

- Être organisé

 

- formation

 
 

Laure

- accompagnement

- capacité d'analyse

- confiance en soi

 

- portage salarial

 

- patience

 

- formation

 

- courage

 
 
 

- savoir prendre des risques, audace

 
 
 

- Rigueur

Paul

- ressources propres

- planification

- gestion financière

- savoir prendre des risques, audace

 
 

- capacités d'analyse

 

Victor

- ressources propres

- planification, organisation

- Concision (qualité

 

- entourage familial

- relation client

commerciale)

 
 

- compétences commerciales

- Rigueur, méthode

 
 
 

- Être humble

 
 
 

- Résilience

Tableau n°9 : Évolution des compétences et outils mobilisés

b) Trajectoire de l'entreprise et satisfaction

Nous avons, dans un premier temps, identifié les attentes de résultats des interviewés, au lancement de leur projet que nous avons confronté à la trajectoire de l'entreprise. Selon leurs propos, tous les entrepreneurs avaient des attentes fortes de réussite, sauf Laure qui restait prudente.

59

 
 

Propos

 

Attente de résultats

 
 
 
 
 
 

Djamil

 
 

« créer une chaîne »

 

Forte

Karim

 
 
 
 
 
 
 

« si je voulais me lancer là dedans c'était pour réussir, atteindre mes objectifs »

 

Forte

Mehdi

 

« je croyais en mon projet » « pour moi, ça devait permettre de subvenir aux besoins de ma famille »

 

Forte

Laure

 
 
 
 
 

« J'espérais pouvoir me payer après un an et je me suis payé la première année. »

 

Faible

Iris

 

« Je voulais qu'elle soit de plus en plus positive et avoir un maximum de clients en fait. »

 

Forte

Paul

 

« Trouver du chiffre d'affaire. »

 

Forte

 
 
 
 
 

Victor

 

« Réussir à gagner assez bien ma vie pour arrêter de travailler au plus tôt. »

 

Forte

Tableau n°10 : Attente de résultats des entrepreneurs.

Dans un deuxième temps, nous avons confronté ces attentes de résultats à la réalité. Nous nous sommes pour cela intéressés au devenir de l'entreprise. Dans notre étude, un seul projet sur les six aboutis était en adéquation avec les attentes initiales de l'entrepreneur. On n'observait pas de disparité entre les deux types d'entrepreneurs.

 

Attente de résultats

Etat du projet

Adéquation attente / réalité

Djamil

Forte

Toujours en activité

Meilleur salaire, mais une seule activité (imaginait créer une chaîne de restauration)

Non

Karim

Forte

Toujours en activité

Accroissement du chiffre d'affaire

Oui

Mehdi

Forte

Toujours en activité

Emploi salarié en parallèle nécessaire

Non

Laure

Faible

Cessation d'activité volontaire sur épuisement

Non

Iris

Forte

Poursuit son projet de création

/

Paul

Forte

Cessation d'activité sur décision stratégique Adaptation à son environnement

Plus ou moins

Victor

Forte

Cessation d'activité en raison de pertes financières

Non

Tableau n°11 : Trajectoire de l'entreprise confrontée à l'attente initiale de résultats

60

Dans un troisième temps, nous avons confronté trois données : le sentiment d'auto efficacité au lancement du projet, l'adéquation des attentes initiales avec la réalité actuelle du projet, et l'état de la satisfaction de l'entrepreneur.

 

Auto-efficacité au lancement

Adéquation attentes-réalité

Etat de la satisfaction

Djamil

Intermédiaire

Non

- sentiment d'avoir « bien évolué »

- motivation à poursuivre et à se développer

Karim

Intermédiaire

Oui

- sentiment d'épanouissement

 
 
 

- motivation plus grande qu'au début

Mehdi

Intermédiaire

Non

- plutôt positif avec sentiment d'avoir fait des

 
 
 

« sacrifices »

 
 
 

- motivation moins élevée pour ce projet, besoin de défis à relever

Laure

Intermédiaire

Non

- tire les leçons de son expérience

 
 
 

- motivation « au top » car pense pouvoir

s'épanouir dans l'entrepreneuriat

Iris

Forte

/

/

Paul

Forte

Plus ou moins

- résignation : l'âge et la situation familiale ne lui permettront plus d'être entrepreneur

 
 
 

- expérience néanmoins positive, sentiment de fierté d'avoir accompli ce projet et d'y avoir mis fin dans de bonnes conditions

Victor

Forte

Non

- amertume de ne pas avoir fait les bons choix

 
 
 

- motivation pour entreprendre un autre projet qui lui permettrait de vivre de sa passion

Tableau n°12 : Auto-efficacité, trajectoire de l'entreprise et satisfaction

Ce tableau amène à deux commentaires. Le premier étant que ni la nécessité ou la contrainte ni le degré d'auto efficacité ne sont des facteurs qui orientent la trajectoire de l'entreprise. En d'autres termes, nous n'avons pas mis en évidence, comme il pouvait être attendu, de prédisposition défavorable à la l'évolution du projet. Karim, entrepreneur identifié de nécessité dirige aujourd'hui une affaire qui correspond à ses attentes, bien qu'il ait démarré avec une auto efficacité jugée intermédiaire. Victor quant à lui, entrepreneur identifié d'opportunité, a été contraint de cesser son activité en raison de difficultés financières. Le second fait état d'une absence de corrélation entre la trajectoire de

61

l'entreprise et le degré de satisfaction des porteurs de projet. En effet, malgré dans certains cas une inadéquation à leurs attentes, les entrepreneurs nous ont tous affirmé être satisfaits de leur expérience. Ils conservent presque tous une envie d'entreprendre. Seul Paul considère que sa situation familiale et son âge ne lui offrent plus cette possibilité.

5. Point de vue des accompagnateurs

Dans ce paragraphe, nous proposons une interprétation des propos des accompagnateurs à la création d'entreprise à travers les quatre thématiques suivantes : les raisons qui poussent l'entrepreneur à la création d'entreprise, l'auto-efficacité, les freins à la création d'entreprises, ainsi que les recommandations. Notons que notre analyse est limitée par la faible représentativité de notre échantillon

a) La naissance de l'intention entrepreneuriale

Les accompagnateurs identifient dans leurs pratiques plusieurs éléments qui contraignent l'individu à s'engager dans un projet d'entreprise. Notons que le fait qu'ils exercent tous les deux à Roubaix, ville particulièrement concernée par les difficultés socio-économiques, peut avoir influencé leur point de vue. En facteur push ils ont ainsi relevé la pauvreté, le chômage, l'âge et le handicap. Céline dit : « Il y a des personnes qui sont pauvres, il faut le dire. Et donc forcément ils travaillent quand ils le peuvent. Ils sont éloignés de l'emploi depuis très longtemps. Ces personnes-là décident de monter leur entreprise. » David : « Ou alors des personnes qui sont séniors par exemple qui n'ont pas trouvé de travail depuis plusieurs années du fait de leur âge parce qu'ils ont trop d'expériences ou pas assez donc ces personnes-là décident de monter leur entreprise pour créer leur propre emploi. Ils sont séniors ou pas très loin ou alors ils ont un handicap. »

Céline a également évoqué la question de l'entrepreneuriat féminin : « Généralement j'ai plus des femmes quand même. Ce sont des femmes qui sont « femmes au foyer » qui veulent créer leur propre emploi mais elles ne s'occupent pas que de leur catégorie socio professionnelle on va dire, elles vivent des revenus de leurs maris. » Cette approche mérite d'apporter un éclairage socio-culturel. Dans notre interprétation, Céline suggère que l'accès à l'entrepreneuriat offre aux femmes une possibilité d'émancipation, notamment quand

62

elles les norme subjective de certaines familles accordent aux femmes une place de choix au sein du foyer. David aborde, comme le faisait Mehdi plus haut, la question des discriminations : « C'est pas évident, pour des personnes qui viennent de l'immigration, c'est un peu par défaut ou par dépit. » Il identifie là ouvertement la contrainte à entreprendre causée par ce facteur.

Par ailleurs, il remarque que la désirabilité influence l'intention et la trajectoire de l'entreprise. « Ils n'ont pas forcément envie de créer leur entreprise peut-être mais c'est plus pour avoir une activité... Moi je trouve que c'est toujours un peu risqué quand on va vers la création d'entreprise sans que ce soit vraiment un choix à 200%. Ce n'est quand même pas simple, alors quand on le fait sans avoir trop envie ou alors parce qu'il n'y a pas d'autres solutions je ne suis pas sûr que ça se passe bien en fait. »

b) L'auto-efficacité :

Nous relevons que les deux accompagnateurs, Céline et David, ont une connaissance faible du concept étudié : « Je ne connaissais pas le terme mais on en avait parlé avec des partenaires de la création » (Céline) « Pas proprement parlé, après je peux imaginer ou interpréter. Dites-moi. » (David)

Ils parviennent néanmoins à nous faire part de leur analyse vis-à-vis de cette notion : ils accompagnent essentiellement une population dotée d'un sentiment d'efficacité personnel faible. Céline dit : « La plupart ils n'ont pas vraiment confiance en eux mais il y en a certain quand même qui ont une confiance en eux exagéré, trop élevés par rapport au projet ». David : « C'est vrai que souvent il y a beaucoup de personnes qui ont ce souci de manque de confiance en elles car c'est quand même un changement de vie, beaucoup de question qu'ils se posent, c'est pas évident de franchir le cap ».

Ils affirment utiliser des outils pour tenter de maintenir un sentiment d'auto-efficacité convenable. Céline utilise le questionnement, elle s'interroge sur l'état d'esprit du porteur de projet afin d'essayer de comprendre les éventuels obstacles.

David, lui, utilise comme principal outil, la couveuse d'entreprise que met à disposition son organisation. Le principe de la couveuse est de pouvoir créer une entreprise en phase test avec un statut test proposée par l'organisme afin de vérifier si la faisabilité perçue de

63

l'individu est compatible avec les besoins du marché. Ainsi, si l'organisation bénéficie d'un succès lors de cette phase test, l'entrepreneur naissant pourra augmenter son auto-efficacité entrepreneuriale grâce à une expérience active de maîtrise.

c) Les freins

Céline et David sont unanimes quant aux obstacles rencontrés dans leur quotidien au sein de leur structure d'accompagnement :

- les individus ne sont pas tous compatibles avec l'entrepreneuriat. « Je pense que tout le monde ne peut pas être entrepreneur » dit Céline. « C'est pas un drame mais il y a des personnes qui se rendent compte de ça et se disent finalement créer mon entreprise c'est quelque chose qui n'est pas fait pour moi, je préfère rester ou redevenir salarié » dit David. Une propension à entreprendre est une condition phare à la réussite d'un tel projet. La compréhension des compétences clés pour limiter les obstacles est également indispensable.

- De plus, ils partagent la même opinion quant au financement : « parfois il y a des personnes qui n'arrivent pas à se faire financer, ça ça peut évidemment être un frein » dit David « Le manque de financement, les banques sont frileuses à financer. » dit Céline. En effet un manque de moyen financier influencerait la faisabilité du projet.

- Par ailleurs, David insiste sur l'importance du coté administratif : « le business plan ça les rebutes ou ils trouvent que c'est compliqué administrativement [...] souvent les personnes ne sont pas trop motivées aux paperasses, mais ça fait partie aussi des casquettes de gestion de papiers ». À ce sujet, Céline évoque ce que l'on pourrait considérer comme un déplacement négatif : « ce sont des personnes qui ont des fois était un peu loin de l'école, la compréhension des textes , des feuilles d'impositions etc, ils ne savent pas forcément ce que ça veut dire».

- David identifie également des évènements de vie qui ont précipité chez ces individus l'intention entrepreneuriale : l'ennui et le licenciement « ces personnes se disent bah j'y trouve plus mon compte dans l'entreprise donc j'ai envie de créer ma propre activité ou alors des personnes qui sont licenciés ».

64

Céline fait tout de même état de facteurs Pull chez ce type d'entrepreneur: « Il faut pas se leurrer c'est surtout l'argent qui est là. Après il y a aussi le fait de vouloir être libre, d'être indépendant »

d) Recommandations

Céline et David mettent en évidence l'importance d'être bien entouré : développer son réseau. « Il faut quand même un peu extraverti parce que c'est des fois avec quelques folies qu'on fait des choses superbes et qu'on rencontre de nouvelles personnes » dit Céline

« Il faut être ouvert : c'est à dire d'aller vers les autres, et du coup jouer les cartes du réseau quoi. » dit David

D'autre part, Céline insiste sur la rigueur : « La rigueur sur le fait de faire des factures, d'encaisser quand on encaisse en espèce, à faire des reçus, ils pensent que ce n'est pas grave alors que si c'est grave, parce que s'il y a un contrôle c'est grave en fait ». Cette notion revient plusieurs fois dans son discours.

Enfin, David exprime que la motivation est un facteur déterminant. Il faut, selon lui, « avoir de la confiance pour être déterminé, motivé ». En effet, comme nous l'avons explicité à plusieurs reprises, ces sentiments entrent en considération dans la faisabilité perçue d'un projet et influencent l'intention entrepreneuriale.

65

C. CONCLUSIONS DE L'ENQUETE

Finalement notre analyse a permis d'aboutir aux conclusions suivantes :

D'abord, il existe des éléments tangibles pouvant orienter la motivation de l'entrepreneur vers la nécessité ou l'opportunité. En effet, nous avons mis en évidence de nombreux facteurs « push » et « pull » dans les discours des entrepreneurs. L'appréciation du parcours de chacun d'entre eux a également permis de mettre en évidence des évènements de vie ayant pu entacher la désirabilité d'un tel projet et ainsi contraindre l'individu à s'engager dans la voie de l'entrepreneuriat, tels que : des difficultés scolaires, la précarité de l'emploi, le chômage, la discrimination, des problèmes de santé.

Ensuite, nous avons mis en évidence que le sentiment d'auto efficacité était plus faible chez les entrepreneurs de nécessité que chez les entrepreneurs d'opportunité. Cette faiblesse était basée sur : une faisabilité du projet mal jaugée (sur des croyances plutôt que sur des données objectives), des compétences clés faisant défaut (la gestion, l'organisation, le sens du commerce pour la relation client et la mise en valeur des produits et services), l'absence de modèle de réussite dans l'entrepreneuriat, ou encore un état émotionnel défavorable (peur du risque, difficulté à gérer son stress). Si les expériences actives de maîtrise faisaient défaut chez l'ensemble des personnes interrogées, les deux catégories d'entrepreneurs n'avaient pas la même stratégie pour y pallier. En effet nous remarquons que les entrepreneurs d'opportunité ont davantage tendance à avoir recours à leur ressources propres (autoapprentissage), alors que ceux de nécessité ont plus recours à des aides extérieures : accompagnement ou formation. Cela peut s'expliquer par l'absence d'expérience vicariante pour ces derniers.

Puis, dans notre enquête le sentiment d'auto efficacité n'était pas relié à une trajectoire prévisible de l'entreprise. En effet, deux entrepreneurs d'opportunité sur les trois interrogés, qui avaient donc une auto efficacité forte, ont mis fin à leur activité, sans que cela ne corresponde à leurs attentes au démarrage du projet. En revanche trois entrepreneurs de nécessité sur les quatre interrogés poursuivent leur activité. Pour un d'entre eux la trajectoire de l'entreprise correspond aux attentes. Dans les expériences partagées, l'orientation du projet semblait correspondre à une capacité de son porteur à s'adapter à son environnement et à mobiliser les bons outils pour y parvenir, plus qu'à une croyance plus ou moins forte en la faisabilité du projet.

66

Enfin, notre analyse révèle que l'ensemble des entrepreneurs est satisfait de son expérience, malgré les déboires et amertumes. L'entrepreneuriat constitue plus qu'une simple expérience professionnelle. Comme le disait un de nos interviewé, il s'agit d'un « projet de vie » avec toutes les émotions liées aux enjeux que cela comporte. L'engagement d'un individu dans cette voie-là, qu'il soit choisi ou contraint, apporte dans notre analyse un sentiment d'accomplissement précieux.

Concernant les accompagnateurs, notre analyse a pu mettre en évidence qu'ils savaient identifier les facteurs push et pull qui sont à l'origine de l'intention entrepreneuriale. S'ils affirmaient accompagner tout le monde de la même manière, ils étaient parfois confronté à des aspects administratifs qui catégorisent les entrepreneurs naissants (existence de financement pour tel profil). D'autre part, ils ne maîtrisaient pas l'ensemble des déterminants du concept d'auto efficacité. Ils l'associaient volontiers à la confiance en soi. Ils affirmaient considérer cet élément dans leur accompagnement (intérêt pour le ressenti de l'individu vis-à-vis de ses capacités, utilisation d'une couveuse d'entreprise pour renforcer la perception de la faisabilité). Ils ont identifié des freins à l'intention d'entreprendre similaires à ceux que l'on retrouve dans la littérature et dans les propos des entrepreneurs (l'ennui, le licenciement, les difficultés administratives ou financières). Pour influencer favorablement la trajectoire des projets qu'ils accompagnent, ils nous disaient encourager l'entrepreneur à développer son réseau, à être rigoureux et à conserver une motivation à toute épreuve.

67

DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS

A. DISCUSSION

Si notre méthodologie a voulu être la plus rigoureuse possible, tant dans la création du dispositif de recherche que dans l'analyse, nous faisons état de quelques biais :

Biais de méthode

Les entretiens avaient une durée relativement courte (entre 25 minutes et 55 minutes), pour un sujet qui aurait dû amener à plus données. Il faut considérer que le sujet en question était complexe (Concept de l'auto efficacité, entrepreneurs de nécessité) et que nos questions n'étaient pas idéalement formulées. Les interviewés ont pu mal comprendre le sens de certaines de nos interrogations, causant un recueil d'information incomplet.

Biais sociaux et culturels

Plusieurs entrepreneurs étaient issus des relations de l'enquêteur, ce qui pouvait entraver la neutralité de leurs réponses. On peut penser que leur volonté de manifester un comportement « positif » était plus forte que celle de faire part de leurs difficultés. D'autre part, les interrogés étaient tous issus de la région Hauts de France. Nous pouvions difficilement juger de l'influence du bassin de vie sur leur comportement.

Biais de stéréotypes

Les entrepreneurs ne peuvent pas être à 100% de nécessité ou d'opportunité. En effet, il nous semble incorrect de généraliser. Dans cette étude, la littérature nous a permis d'obtenir une grille de lecture interprétative.

Représentativité de l'échantillon

La réalisation des entretiens s'est étalée sur deux mois. Il nous semble que ce délai était insuffisant pour inclure un nombre suffisant de participants. Nous expliquons ainsi la faiblesse de notre échantillon. De plus, En effet, les conseillers en création d'entreprise étaient difficilement accessibles et nous ont octroyé un délai restreint à 30 minutes.

68

Biais d'interprétation

Notre problématique, telle qu'elle était formulée, imposait la réalisation d'une enquête qualitative. Le biais d'interprétation est inhérent à cette méthode. En nous appuyant sur des grilles de lectures, nous avons réduit ce biais.

Malgré ces biais, nous remarquons que les résultats de notre analyse sont sensiblement comparables aux données existantes dans la littérature. Un point cependant est discordant : l'absence de corrélation entre l'auto efficacité et la trajectoire de l'entreprise. Si les données de la littérature affirment que l'intention entrepreneuriale et donc ses déterminants dont l'auto efficacité sont des éléments majeurs du processus entrepreneurial, capables de prédire la trajectoire du projet, ce n'est pas aussi évident dans notre enquête. Il nous semble que les biais évoqués ci-dessus, et notamment celui de représentativité, peuvent suffire à expliquer ce résultat.

B. RECOMMANDATIONS

À la lumière de notre analyse de la littérature et du terrain, nous sommes en mesure d'établir des recommandations qui pourraient être utiles pour orienter favorablement la trajectoire de l'entreprise. Nous suggérons que s'il est toujours préférable d'apporter un accompagnement à tous les entrepreneurs, il est indispensable de repérer ceux qui s'engagent dans cette voie par nécessité. Ceux-là sont en effet plus fragiles en terme d'auto efficacité. Pour renforcer ce sentiment et agir favorablement sur le comportement du porteur de projet, il convient d'une part de développer ses expériences actives de maîtrise, et d'autre part de l'intégrer dans un programme de mentorat.

1. Développer les expériences actives de maîtrise

a) Évaluer et développer les compétences managériales

En premier lieu, il s'agira pour l'entrepreneur de nécessité de cibler et d'évaluer ses compétences managériales. Pour ce faire, établir un bilan de compétences semble

69

indispensable. Notre travail nous apprend néanmoins qu'il convient de renforcer les compétences clés. Nous dressons ici une liste non exhaustive des compétences indispensables à qui veut s'engager dans la voie de l'entrepreneuriat.

· La gestion économique et financière

Cela passe par le fait de pouvoir élaborer un budget et de le défendre, mais également de le suivre, d'être en mesure de construire et de suivre un plan de trésorerie.

· La gestion du risque

La capacité de gérer la qualité et les risques de son activité se mesure, d'une part, par l'évaluation des méthodes et des procédures de travail mises en place et, d'autre part, par l'anticipation des risques prévisibles. Plus l'entrepreneur sera réactif, plus il deviendra expert dans ces gestions cruciales.

· La planification

En effet, si ce domaine est inconnu pour l'entrepreneur, il rencontrera rapidement de grandes difficultés. Il devra impérativement se former afin d'atteindre un niveau de base puis, au fil du temps, maitriser la mise en oeuvre de plans d'action et de différents outils de planification.

· La gestion des conflits

L'entrepreneur doit être en capacité de gérer, au sein de son équipe et avec se partenaires, les conflits et tensions diverses. En analysant sa capacité à désamorcer les conflits et en adoptant des attitudes affirmatives, l'entrepreneur de nécessité s'armera contre des écueils à venir. Se positionner en tant que médiateur, mais également en figure d'autorité capable de dire non et de fixer des limites et des objectifs, permettra à l'entrepreneur de créer un climat de travail positif et pérenne.

· La communication externe

La prise de parole en externe sera également un savoir à maîtriser car le chef de projet devra être en mesure de contacter ses fournisseurs, ses clients ou encore la presse ou de prendre la parole lors de débats publics. Plus son expertise en la matière d'animation et de prise de parole sera grande, meilleure sera l'impression qu'il fera sur ses collaborateurs et pourra leur inspirer confiance.

· 70

Le développement personnel

La capacité à se remettre en question, à accepter ses faiblesses et à apprendre à les gérer et à les compenser est la clé du développement personnel d'un entrepreneur désirant améliorer ses compétences. En opérant un auto-audit, l'entrepreneur de nécessité pourra repérer les émotions entravant sa réussite et adapter son comportement afin de s'améliorer. Il s'agira également de travailler son intelligence émotionnelle (Salovey - Mayer).

· Les techniques de négociation

La maîtrise des capacités de négociation de l'entrepreneur impulseront à son entreprise une énergie nouvelle. En effet, s'il sait défendre ses idées et projets de la meilleure manière, ses collaborations n'en seront que meilleures. Il devra par ailleurs savoir négocier avec les institutions et les particuliers. Voici quelques points clés pour toute bonne négociation :

- Avoir un haut niveau d'exigence de base afin de préserver sa marge de manoeuvre ;

- Ne pas avoir peur de se montrer ambitieux ;

- Préparer ses arguments ;

- Penser aux contreparties que l'on souhaite pour chaque concession faite ;

- Contrôler la discussion, son début et sa fin.

- Savoir valoriser son savoir-faire.

· La préparation de CV

Qui parvient à préparer un curriculum vitae efficace possède des qualités utiles à la réussite d'une entreprise : savoir mettre en valeur les points forts d'un parcours, parvenir à être concis et précis sans perdre en pertinence, reconnaître ses qualités et la plus-value que l'on peut apporter à une structure ou à une collaboration. Pour les entrepreneurs de nécessité, des formations existent pour s'améliorer sur cette pratique. Citons, entre autres, le Pôle Emploi offrant des sessions explicatives et pratiques pour apprendre à maîtriser cet outil.

b) Outils pour développer la compétence managériale

Depuis les années 80, le management tridimensionnel est de rigueur dans les entreprises. Celui-ci « prend en compte l'Homme dans sa globalité : deux mains pour travailler, un coeur

71

pour ressentir, mais aussi une tête pour penser, anticiper et créer46 ». Afin de développer ce style de management, l'approche systémique est un outil efficace. Celui-ci se concentre sur la finalité du système, la réalisation de l'entreprise dans notre cas, et sur les interactions au sein de cette dernière. En renforçant sa responsabilité hiérarchique et en prenant soin des subordonnés, le manager améliorera les quatre points clés du management, à savoir l'organisation, la planification, la commande et le contrôle :

Figure 11 : Qu'est-ce que manager ?

Ainsi, en priorisant ses fragilités à renforcer et en usant des bons outils et d'une organisation claire, l'entrepreneur désirant améliorer sa compétence managériale pourra agir rapidement et donner à son entreprise un nouveau souffle.

Les grilles d'évaluation dites à 360° sont des outils efficaces pour le développement de la compétence managériale. Elles ont l'avantage d'évaluer les compétences du manager et de l'ensemble des acteurs présents dans son environnement : le rôle de la hiérarchie, des pairs, des subordonnés et des clients sont analysés. Grâce à ça, le manager saura comment il est perçu par ses collaborateurs et tous pourront prendre conscience de leur mode de fonctionnement afin de l'améliorer par la mise en place de stratégies particulières.

46 CREPIN, Daniel, « L'approche systémique : pour manager plus efficacement, un nouvel outil de lecture des organisations », Recherche en soins infirmiers, 2007/4 (N° 91), p. 97-105 : [En ligne : https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2007-4.htm-page-97.htm].

72

D'autre part, afin de développer ses capacités décisionnelles, l'entrepreneur de nécessité a à sa disposition un ensemble d'outils. Le schéma ci-dessous les rassemble :

Figure 12 : Outils d'aide à la décision47

L'arbre décisionnel est l'un des outils pratiques des plus simples. En effet, en partant d'une question problématique pour l'entreprise, le manager listera les avantages et les inconvénients de chacune de ses décisions potentielles. Les arguments objectifs et subjectifs ainsi dressés lui permettront de prendre du recul sur les bénéfices et les risques liés à ses actions.

Enfin, le développement du leadership passera également par l'amélioration de la vision et de la stratégie managériale, de la motivation du leader et de ses équipes ainsi que sur le perfectionnement du système en fonction de son environnement. Des sessions de brainstorming pourront, par exemple, consolider l'esprit d'équipe et développer la créativité du groupe et son efficacité collective et, ainsi, renforcer la place du manager.

2. Le mentorat pour renforcer le sentiment d'auto efficacité

Des études ont montré que le fait d'avoir un mentor présente des effets positifs pour l'entrepreneur naissant. Pour rappel, quatre sources permettent à l'entrepreneur de développer son auto-efficacité entrepreneuriale : (une expérience active de maitrise, une expérience indirecte ou vicariante, persuasion verbale venant d'autrui, un été physiologique

47 HR Scope, « Leadership : 12 outils incontournables », publié le 30 janvier 2015 : [En ligne : https://fr.slideshare.net/HRSCOPE/leadership-12-outils-incontournables].

73

et émotionnel stable....). Le mentorat va influencer deux de ces facteurs durant la phase de démarrage de l'activité, celui de l'expérience indirecte ou vicariante et celui de la persuasion venant d'autrui. Ensuite lorsque le mentoré aura développé une certaine expertise il en sera d'avantage stimulé grâce à sa nouvelle expérience active maitrisée, et ainsi augmentera son auto-efficacité entrepreneuriale.

Les entrepreneurs qui auront une croyance forte en leurs aptitudes n'hésiteront pas à faire face aux tâches qui se présenteront à eux, et pourront envisager cela davantage comme un défi. Au contraire, ceux qui auront une croyance faible en leurs capacités vont plutôt se sentir menacé et n'affronteront peut-être pas la tâche (Robertson et Sadri,1993). L'auto-efficacité occupe une place centrale à la performance des gestionnaires. Si l'on suggère que le mentor lance un défi atteignable au mentoré, cela aura pour conséquence d'augmenter son auto-efficacité entrepreneuriale et pourra ainsi l'aider à enrichir ses compétences. De nombreuses études ont établi un lien entre le fait d'avoir un mentor et le sentiment d'auto-efficacité48. Puisque le mentorat peut influencer de manière positive le sentiment d'auto-efficacité entrepreneurial de l'entrepreneur de nécessité nous suggérons que son développement serait bénéfique à la performance des entreprises.

48 Nandram, 2003 ; Ozgen et Baron, 2007. https://www.cairn.info/revue--de-l-entrepreneuriat-2011-3-page-13.htm

74

CONCLUSION

A l'heure où les politiques économiques prennent le parti d'encourager l'entrepreneuriat par la mise en place de mesures incitatrices et facilitatrices, il convient de s'interroger sur les dispositifs d'accompagnement qu'ils instaurent pour aider les citoyens dans leur démarche. En effet, comme nous l'avons mis en évidence dans notre travail, il existe deux types d'entrepreneurs : ceux qui s'engagent dans un projet d'entreprise en raison d'une opportunité, et ceux qui sont contraints par leur environnement (entrepreneurs de nécessité). Les premiers sont caractérisés par un sentiment d'auto efficacité fort, en raison notamment d'expériences actives de maîtrise (compétences pour des tâches nécessaires à la réalisation du projet) ou d'expériences indirectes (existence de modèle de réussite dans l'entrepreneuriat). Les seconds quant à eux affichent une auto efficacité affaiblie par le manque d'expérience et un réseau moins développé. Pourtant ils parviennent, eux aussi, à mener à bien leur projet d'entreprise. Dans certains cas, ils réussissent à obtenir des résultats conformes à leurs attentes initiales, et à tirer une satisfaction de leur expérience entrepreneuriale. Il nous semble donc que si le sentiment d'auto efficacité influence l'intention entrepreneuriale, il n'est évidemment pas le seul à agir sur la trajectoire de l'entreprise. La capacité de l'individu à adapter ses ressources et compétences ainsi que ses aspirations à son environnement constitue un élément majeur dans le processus entrepreneurial et conditionne la réussite de celui-ci. Aussi il nous semble important qu'un entrepreneur ne maîtrisant pas tous les enjeux du processus entrepreneurial puisse bénéficier d'un bilan de compétence. Cela permettrait de cibler les expériences qui lui font défaut et participerait au développement nécessaire de ses compétences managériales. Par ailleurs, l'accompagnement des porteurs de projet par le mentorat est un outil qui mériterait d'être approfondi car il participe à renforcer les croyances de l'individu en ses capacités.

Dans une société où se joue une révolution du monde du travail, où le contrat de subordination tend à ne plus être la norme, où l'uberisation incite les travailleurs à s'engager dans l'entrepreneuriat par nécessité plus que par opportunité, l'enjeu est de mieux accompagner les porteurs de projet et de leur donner les outils nécessaires à la compréhension de leur environnement et au développement de leurs compétences.

75

BIBLIOGRAPHIE

BANDURA, Albert, Auto-efficacité : le sentiment d'efficacité personnelle, Liège : De Boeck,

2002.

BAUM, J.R., « The relation of Traits, Competencies, Motivation, Strategy, and Structure to Venture Growth », University of Maryland, 1995.

BAYAD, Mohamed, EL FENNE, Akram, FERRY, Aurélien, « Porteurs de projet en recherche d'un nouvel emploi et entrepreneuriat : sortir de la dichotomie

opportunité/nécessité », Revue de l'Entrepreneuriat, vol. vol. 15, no. 3, 2016, pp. 205-229 : [En ligne : https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2016-3-page-205.html].

BEGLEY, T. & BOYD, D., « Psychological Characteristics Associated with Performance in Entrepreneurial Firms and Smaller Businesses», Journal of Business Venturing, 1987, Vol. 2, pp 79-93.

BRÉCHET, Jean-Pierre et SCHIEB-BIENFAIT, Nathalie, « L'entrepreneuriat confronté au pluralisme théorique: la nécessité d'une Project-Based View », Revue de l'Entrepreneuriat, Vol. 10, 2011, p. 29-44.

COLLECTIF, 2004, De l'apprentissage social au sentiment d'efficacité personnelle. Autour de l'oeuvre d'Albert BANDURA, l'HARMATTAN, 175 : [En ligne : https://ent2d.ac-bordeaux.fr/disciplines/hotellerie/wp-content/uploads/sites/46/2018/05/BANDURATheorie.pdf].

COWLING M., BYGRAVE W. (2003), Entrepreneurship and Unemployment: Relationship Between Unemployment and Entrepreneurship in 37 Nations Participating in the Global Entrepreneurship Monitor , Babson College, p.544.

CREPIN, Daniel, « L'approche systémique : pour manager plus efficacement, un nouvel outil de lecture des organisations », Recherche en soins infirmiers, 2007/4 (N° 91), p. 97-105 : [En

76

ligne : https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2007-4.htm-page-97.htm].

DEPROST, Pierre, LAFFON, Philippe, IMBAUD, Dorothée, « Rapport : Evaluation du régime de l'auto-entrepreneur », Inspection Générale des Finances / Inspection Générale des Affaires Sociales, Mars 2013, p.17, publié sur igf.finances.gouv.fr

DIAMANE, Mounia, SALAH, Koubaa, « Les approches dominantes de la recherche en entrepreneuriat », 2016 : [En ligne : https://www.researchgate.net/publication/311738962Lesapprochesdominantesdela rechercheenentrepreneuriat].

FAYOLLE, A. et LASSAS-CLERC, N., « Compréhension de l?engagement d?un individu dans le

processus de création d?entreprise par une étude de cas », 4ème Congrès International de l?Académie de l?Entrepreneuriat, Paris, 2005.

FAYOLLE, A., NAKARA, W., « Création par nécessité et précarité: la face cachée de l'entrepreneuriat ». Cahier de recherche n° 2010-08 E4. 2010.

FILION, L., BORGES, C. et Simard, G., « Etude du processus de création d?entreprises structuré en quatre étapes », Cahier de recherche n°2006-11, Octobre 2006, 8ème Congrès

International du CIFEPME, Fribourg, Suisse, 2006.

GAUDRON, Jean-Philippe , « L'échelle des sentiments d'auto-efficacité aux décisions de carrière - forme courte : une adaptation française pour lycéens », L'orientation scolaire et professionnelle [En ligne], 42/2 | 2013, mis en ligne le 07 juin 2016, consulté le 06 décembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/osp/4108

GIACOMIN, Olivier, JANSSEN, Frank, et GUYOT, Jean-Luc. Entrepreneurs de nécessité et d'opportunité: quels comportements durant la phase de création? Revue de l'Entrepreneuriat, 2016, vol. 15, no 3, p. 181-204.

77

HERNANDEZ, Émile-Michel, « Les trois dimensions de la décision d'entreprendre », Revue française de gestion, 2006/9 (n° 168-169), p. 337-357 : [En ligne : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-9.htm-page-337.htm].

JILINSKAYA, Mariya, Approche psychométrique et différentielle de la mesure du leadership par la méthode à 360°. Artefact et réalité dans l'hétéro-évaluation, Paris Ouest, Octobre 2012 : [En ligne : https://bdr.u-paris10.fr/theses/internet/2012PA100112diff.pdf]. LUSTHAUS, Charles, Améliorer la performance organisationnelle: manuel d'auto évaluation, IDRC, 1998, 168 p.

MESSEGHEM, Karim et SAMMUT, Sylvie, « Accompagnement du créateur : de l'isolement à la recherche de légitimité », Revue de l'Entrepreneuriat, Vol. 9, 2010, p. 82-107.

MOUMEN, Sylvie, « Auto-évaluez votre leadership ! », publié le 10 juin 2014 sur lemotducoach.com : [En ligne : http://lemotducoach.com/auto-evaluez-votre-leadership/].

NAGELS, M. (2016). L'auto-efficacité, une ressource personnelle pour s'autoformer. Apprendre par soi-même aujourd'hui. Les nouvelles modalités de l'autoformation dans la société digitale (p. 65-79). Paris :

OMRANE, Amina, FAYOLLE, Alain, ZERIBI-BENSLIMANE, Olfa, « Les compétences entrepreneuriales et le processus entrepreneurial : une approche dynamique » : [En ligne : https://www.strategie-aims.com/events/conferences/3-xviiieme-conference-de-l-aims/communications/179-les-competences-entrepreneuriales-et-le-processus-entrepreneurial-une-approche-dynamique/download].

RONDIER, Maïlys, « A. Bandura. Auto-efficacité. Le sentiment d'efficacité personnelle. Paris: Éditions De Boeck Université, 2003 », L'orientation scolaire et professionnelle, septembre 2004, p. 475-476.

SAWMA, Sarah, LEVY-TADJINE, Thierry. « A propos de la désirabilité et de la faisabilité entrepreneuriales perçues pour les jeunes femmes libanaises : une enquête exploratoire », 2010.

78

TAYLOR, K. M., & BETZ, N. E. (1983). Applications of self-efficacy theory to the understanding and treatment of career indecision. Journal of Vocational Behavior, 22, 63-81. TESSIER-DARGENT, Christel et FAYOLLE, Alain, « Une approche typologique de l'entrepreneuriat de nécessité », RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, n° 22, juillet 2016, p. 74-92.

TESSIER-DARGENT, Christel, « Les paradoxes de l'entrepreneuriat de nécessité : Strapontin ou tremplin? » in Entreprendre & innover, 2014, no 1, p. 24-38

TOUNES , A., « L'intention entrepreneuriale des étudiants : le cas français », Revue des Sciences de gestion, Direction et Gestion, Mai/Juin, n°41 (2006), p. 219.

ANNEXE N°1 : GUIDE D'ENTRETIEN DES ENTREPRENEURS

Données statistiques : - Genre

- Âge

- Niveau d'étude

- Environnement familial et géographique - Durée de l'entretien

79

L'entrepreneuriat de nécessité

Objectif : Comprendre les motivations de l'entrepreneur

Pourquoi êtes vous devenu entrepreneur ?

· Quelle était votre situation avant de vous lancer dans cette aventure ?

· Quel est votre cursus scolaire?

· Quand et comment avez vous décidé de devenir entrepreneur ?

· À quelle point désiriez vous que cette aventure se concrétise ? Pourquoi ?

· Comment imaginiez vous la vie d'un entrepreneur ? (idées préconçues, croyances, barrières)

· Que recherchiez vous à travers la réalisation de cette expérience ?

· Quelles compétences faut-il pour devenir entrepreneur ?

· Est-ce que cela s'apprend et comment ?

Evaluation du sentiment d'auto efficacité

Objectif : Evaluer le sentiment d'auto-efficacité

Dans quelle mesure considériez vous que le projet était faisable ?

· Quelles qualités sont requises, selon vous, pour créer une entreprise ?

· Quelle connaissance du monde de l'entreprise aviez vous avant d'initier votre projet ?

· Quelles expériences personnelles aviez-vous dans la réalisation des tâches à accomplir pour devenir entrepreneur ? Montage de projet ? Compétences administratives ? Compétences de gestion ?

· Que signifie être efficace dans le processus de création puis dans la pérennisation de l'entreprise ?

· Quels exemples de réussite dans l'entrepreneuriat dans votre entourage ?

· De quel soutien bénéficiez vous ?

· À quels obstacles imaginiez vous être confronté ?

· Comment gérez vous l'imprévu, les difficultés ? (comment réagissez vous face à un stress ?)

· Quelles étaient vos attentes de résultats au lancement du projet ?

80

Evolution du sentiment d'auto-efficacité au cours du projet

Objectif : déterminer le rôle de l'auto-efficacité dans le projet entrepreneurial

Comment la perception de la faisabilité a-t-elle évoluée ?

· Quels obstacles avez vous surmonté et comment ?

· Quelle(s) compétences pensez vous avoir acquises depuis la création de votre entreprise ? Comment décririez vous aujourd'hui vos connaissances en terme de savoir faire et de savoir être ?

· Avez vous bénéficié d'un accompagnement dans la réalisation de votre projet ? Qu'en avez vous pensé ? (A-t-il répondu à vos besoins, a-t-il renforcé votre motivation ? votre croyance en la faisabilité ?)

· Avez vous bénéficié de formation ou d'accompagnement quelconque depuis la création de votre entreprise ? Lesquelles ? Pourquoi ?

· Quel bilan dressez vous de votre expérience ? (attentes en adéquation avec la réalité ?)

· Comment est votre motivation aujourd'hui en comparaison avec ce que vous ressentiez au début du projet ? Pourquoi ?

· Quel niveau de satisfaction ressentez vous vis-à-vis de votre projet ?

81

ANNEXE N°2 : GUIDE D'ENTRETIENS DES ACCOMPAGNATEURS

L'entrepreneuriat de nécessité

Objectif : Comprendre les motivations de l'entrepreneur

Pourquoi devient-on entrepreneur de nécessité ?

· Quel est le profil « type » d'un entrepreneur de nécessité et celui d'un entrepreneur d'opportunité (formation, environnement)?

· Pourquoi, selon vous, distingue-t-on généralement les entrepreneurs de nécessité des entrepreneurs d'opportunité (entrepreneur classique)?

· Comment prenez vous en compte ce facteur dans votre accompagnement ?

Evaluation du sentiment d'auto efficacité

Objectif : Evaluer la connaissance des déterminants de l'auto-efficacité

· Connaissez vous le concept d'auto efficacité ? Qu'est ce que cela signifie pour vous ? Donnez moi votre propre définition

· Interrogez vous les entrepreneurs que vous accompagnez sur leur sentiment d'efficacité personnel ? Comment ? (attentes, objectifs fixés, utilisation d'une échelle d'évaluation...)

· Quels sont les facteurs qui influencent l'envie d'entreprendre ?

· Quelles sont les qualités nécessaires à l'entreprenariat ?

· A quels obstacles les entrepreneurs de nécessité sont-ils confrontés dans leur démarche ?

Evolution du sentiment d'auto-efficacité au cours du projet

Objectif : Déterminer les éléments pouvant agir sur le sentiment d'auto-efficacité.

Comment peut-on renforcer le sentiment d'auto-efficacité au cours du projet entrepreneurial ?

· En quoi consiste votre accompagnement lors du montage de projet ?

· Poursuivez vous l'accompagnement après la création de l'entreprise ? Pourquoi et comment?

· Quelles recommandations émettez vous pour renforcer la faisabilité du projet ?

82

ANNEXE N°3 : EXEMPLE D'ENTRETIEN D'UN ENTREPRENEUR

Données statistiques :

- Genre M

- Âge 38 ans

- Niveau d'étude Bac + 1

- Environnement familial et géographique : Divorcé , deux enfants , métropole lilloise

- Secteur d'activité : Santé

- Durée de l'entretien : 43 minutes

L'entreprenariat de nécessité : Qu'est ce que cela signifie pour vous ?

Objectif : Evaluer comment l'interlocuteur se positionne vis-à-vis de l'entreprenariat

Pourquoi êtes vous devenu entrepreneur ? (Distinction de l'opportunité et de la nécessité)

· Quelle était votre situation avant de vous lancer dans cette aventure ? Quand et comment avez vous décidé de devenir entrepreneur ?

Ma situation, j'étais employé. J'ai entrepris par opportunité. Il y a deux parties, il y a eu la fois où j'étais entrepreneur où je me suis lancé dans l'entreprise tout seul et après il y a l'entreprise familiale. L'entreprise familiale c'est complétement subi, je suis né dedans et je ne vois pas comment je pourrais avoir ma place ailleurs d'une certaine manière ou difficilement. Et il y a l'autre partie où j'ai entrepris en 2015, et là c'était parce qu'il y avait une opportunité. J'étais dans mon boulot, je faisais un truc et là je me suis dit tiens il y a un « biz )) à faire. Ce que j'ai trouvé bah tout le monde me le demande. Tous les clients me le demande, tout le monde cherchait à avoir ce produit donc je me suis lancé, c'était dans le domaine de la santé, l'emballage. Un process industriel en machine.

· À quelle point désiriez-vous que cette aventure se concrétise ? Pourquoi ?

Je le désirais fortement mais je n'avais pas les capacités donc j'étais plutôt dans la logique d'une auto efficacité faible. C'est à dire que j'ai de grandes ambitions mais en fait il m'était impossible de déceler que je n'avais pas les capacités organisationnelles pour pouvoir le mener à bien. J'ai réussi un tant soit peu, mais juste un temps parce qu'à un moment donné la réalité a rencontré la fiction et je me suis arrêté. Je me suis dit arrête toi avant que ça te coûte de l'argent vraiment, je sais pas que je puisse avoir un passif complétement dingue et qu'il m'oblige encore à ce jour à rembourser les dettes.

· Quelles compétences faut-il pour devenir entrepreneur ?

Il me manquait de la gestion. Moi à la base c'était un tableau « débit-crédit )) pour la facturation tout bêtement pour savoir enregistrer les factures. Je savais manipuler les tableurs EXCEL mais pas dans la forme gestionnaire. De là je faisais mes prix de vente de

83

produits en fois 2, je ne calculais pas les tout ce qui pouvait être frais intermédiaires de gestion, de placement enfin tout ce qui pouvait être des coûts et charges variables quoi. Charges fixes, je les connaissais, je les intégrais mais les charges variables je ne savais même pas ce que ça voulait dire. Il faut de l'empathie aussi. Savoir admettre ses erreurs et rebondir dessus, c'est complétement imbriqué dans les compétences sociales ça. Il faut être socialement intégrable et performant humainement et économiquement. C'est complétement lié à l'humain quoi.

· Est-ce que cela s'apprend et comment ?

Il y a une fibre mais ça s'apprend, c'est à dire que tu n'as pas vraiment la fibre mais tu as une bonne idée et puis il y a les compétences de base. Il y a de très mauvais entrepreneurs pour vous prédire mais qui ont les compétences et donc ils réussissent. Parce qu'ils ont l'intelligence au moins pour vous dire « voilà le panel de compétence nécessaire c'est celui-ci » et ils le gardent en tête et quand ils constatent qu'il y a un défaut sur un des segments de ce panel de compétences, je sais pas de gestion, commercial, de management etc, hé bah les mecs ils ont quand même la jugeote d'y aller même s'ils n'ont pas ça dans le sang quoi. Ils ont une certaine intelligence, une certaine méthode et ils sont capable de réussir parce qu'ils sont capable d'analyser les nécessités d'une compétence managériale ou même d'entrepreneur et donc en fait de mettre à profit leurs capacités mais dès qu'ils en trouvent la limite, ils savent aussi aller chercher ailleurs de quoi combler ces manques. Bah oui si tu n'as pas de compétences techniques, tu te trouves un technicien. J'en connais un aujourd'hui, le mec humainement il est super, techniquement il est assez limité et toutes les compétences il les acquiert. J'étais d'ailleurs avec un de ses collaborateurs, on dirait que c'est un petit mec qui a démarré comme ça dans un coin mais aujourd'hui il vient de débaucher le directeur commercial d'un de ses plus gros concurrents. On m'a demandé de me mettre dans son équipe mais c'est une petite boite, je ne sais pas par quoi il l'a appâté. De toute façon tu peux aller voir le chiffre d'affaire, il faisait 1,6 millions de chiffre d'affaire il y a deux ans, il en fait 4 millions aujourd'hui. Il est venu de rien. Quand je l'ai connu en 2014 il démarrait sa boite quoi.

· Quelle(s) différence(s) y a-t-il selon vous entre l'entrepreneuriat de nécessité et l'entrepreneuriat d'opportunité ?

Pour moi il n'y a pas de différence entre les entrepreneurs parce qu'il faut toujours une opportunité pour pouvoir entreprendre. Alors tu peux le faire par nécessité et non par choix mais pour moi il y a toujours une opportunité qui se présente ou quelque chose, il y a un déclic, un truc eurêka tu vois. Là il y a un truc à faire, là forcément il y a une opportunité qui est venue quoi, qui a été créé par la personne ou qui est venu d'elle-même.

· Que signifie être efficace dans le processus de création puis dans la pérennisation de l'entreprise ?

C'est vraiment pour moi d'avoir identifié toutes les nécessités de ton domaine d'activité, de ton modèle économique et puis mettre ça en parallèle avec les nécessités de base de gestion d'une entreprise et de faire matcher les deux quoi. Quand on parle de modèle économique, moi je pense plus à la partie technique, aux besoins de l'activité technique

84

elle-même après greffée aussi ça dans une logique de management, de gestion. Faire matcher ça, ça veut dire aussi faire matcher les compétences nécessaires c'est à dire identifier ses propres lacunes et les compenser soit en se formant comme je le fais, soit aller les chercher ailleurs, faire du consulting, embaucher des mecs compétents.

· Quel est votre cursus scolaire ?

Avant d'entreprendre je n'avais pas de diplômes mais j'avais déjà une expérience. Je faisais de la gestion commerciale, j'avais des tableurs EXCEL, des calculs de devis. C'est compliqué donc j'estimais qu'en capacité de calculs, de gestion ça allait. Je faisais de la gestion de projet mais freestyle quoi, je pensais que le freestyle ça fonctionnait partout quoi.

· Quand avez-vous décidé de devenir entrepreneur ?

En fait dans mon poste, je commençais à avoir fait le tour, je me disais « barre toi, barre toi mais vu comment t'es naturellement c'est pas pour rien », partir dans une nouvelle boite encore employé ? bof, donc il faut trouver un truc.

Déterminants de l'auto efficacité entrepreneuriale

Objectif : Identifier les déterminants de l'auto-efficacité entrepreneuriale

· Comment imaginiez-vous la vie d'un entrepreneur ? (Idées préconçues, croyances, barrières) Que recherchiez-vous à travers la réalisation de cette expérience ?-

J'idéalisais rien puisque je viens d'une famille d'entrepreneur donc je savais ce que c'était. Je savais la charge de travail que ça demandait. Enfin l'asservissement. Je cherchais à prouver à moi même que j'étais capable de faire la même chose comme mes parents et mes grands-parents, ma famille même parce qu'ils sont tous entrepreneur chez moi. Ils ont tous crée quelque chose. Plus ou moins bien réussi mais ils ont tous crée quelque chose.

· Quelles qualités sont requises, selon vous, pour créer une entreprise ?

Première chose : l'humilité, la résilience, je pense que c'est même avant l'humilité et puis de la méthode. Savoir se conditionner aussi, c'est vraiment faire de l'introspection, de la remise en question. La résilience c'est un peu ça, mais la résilience c'est quand t'es en face de l'échec. La résilience elle doit être proactif, il ne faut pas attendre l'échec pour poser des questions.

· Quelles étaient vos attentes de résultats au lancement du projet ?

Réussir à gagner assez bien ma vie pour arrêter de travailler au plus tôt. Mon objectif dans la vie c'est de trouver un moyen de faire des choses que j'aime, pas rien foutre quoi. En tout cas par un levier qui est celui que j'aurais trouvé par rapport à une opportunité de générer assez de tranquillités pour faire ce que j'aime. On sait toujours

85

que faire ce qu'on aime, s'il y a une logique business qui se greffe dessus ça ternit un peu le tableau. A moins que ça génère tellement d'argent que tu ne te poses même plus la question de la logique de productivités. Une logique de productivité qui rentre quand tu greffes l'économie qui est souvent pervertie et casse le rêve.

· Dans quelle mesure considériez-vous que le projet était faisable ?

C'était faisable. En fait, l'erreur que j'avais faite c'était d'avoir écouté ma famille. J'avais une logique moderniste d'un manager. J'avais cherché quand même sur le net, j'avais muri la chose. J'avais un business plan béton, avec un investissement de fou avec au moins 400 000€ à mettre sur la table pour embaucher un ami ingénieur, acheter des machines, acheter 2 ou 3 premières machines que je pouvais avoir à crédit de la part de mon fournisseur qui est un pote aussi et pour pouvoir faire de la prospection en direct et faire de la vente et avoir un showroom, tu vois un truc bien costaud quoi. De là, j'ai écouté quelqu'un de ma famille qui m'a dit « mais nan, te mets pas autant d'argent à dos, commence petit, fait un bureau de représentation de ton fournisseur et puis aucun besoins en fond de roulement, tu fais que acheter les machines la bas et les revendre. Tu peux même les faire fabriquer au besoin comme ça tu n'as pas besoin d'investissement et tu prends ta marge dessus ». Mais en fait en faisant ça c'était du pur commercial, et moi je n'avais pas fait la relation entre ce modèle pure commercial et moi, mon envie qui était oui du commerce mais de la technique et de la qualité technique, du SAV tout ça. En fait, je m'appuyais sur les capacités techniques, les personnels de mon fournisseur qui était à l'autre bout du monde. C'était un modèle qui n'était pas en relation même aux besoins économiques d'ici. On a besoin de sécurité, de SAV, de pouvoir si on a un problème claquer des doigts et trouver une solution technique surtout pour des machines qui valent entre 20 000€ et 1 000 000€. Je suis parti sur le projet que ma famille m'avait conseillé et c'est pour ça que je me suis planté, j'ai pas écouté mon coeur, j'ai écouté des personnes qui pour moi avaient plus d'expériences et qui pouvaient analyser mieux que moi le marché. Je faisais confiance à leur expérience alors qu'ils n'avaient pas analysés mieux que moi le marché, ils étaient pas dans le métier. Ils avaient des connaissances dans ce métier mais pas du produit que je vendais, des contraintes particulières du modèle économique que je voulais mettre en place et là grosse erreur. J'ai bossé 4 ans. La 4ème année je n'ai plus rien vendu et donc j'ai préféré m'arrêter quand j'étais à +1000€ sur mon compte. En fait, j'avais mis 10 000€ de capital de départ. Je commençais à rogner mon capital, je me suis dit oula récupère ton capital avant que ton capital devienne zéro il va se passer 3 minutes. Il y a les frais de cessation d'activité, je ne savais pas mais ça fait 3000€ par ci, 1000€ par-là etc ... Il me restait plus que 1000€ pour m'acheter une bagnole quand je suis parti vivre ailleurs.

· Quelle connaissance du monde de l'entreprise aviez-vous avant d'initier votre projet ?

J'avais toutes les connaissances, à part en gestion pure. Techniques : je connaissais mon produit, pas pointu comme un technicien mais j'avais une vision globale de la qualité de mon produit. Des avantages, des inconvénients de mon produit. J'avais le carnet d'adresse, et j'avais les banques qui me suivaient. Elles me disaient « monsieur, vous voulez 400 000 bales, pas de souci, je vous les donnes » peut-être pas à ce point-là mais c'était les banques qui venaient me solliciter pour me prêter de l'argent. C'est rarement comme ça. Les

86

banquiers connaissaient des gens que je connaissais, ils connaissaient aussi des relations personnelles qui avaient une certaine confiance en le back ground autour de moi de réussite professionnelle. Ils avaient vu mon business plan, ils ont dit oui, on vous suit et c'est là où je me suis rétracté, ils n'ont pas compris quoi. La banquière en plus j'avais de bon contact avec elle en plus, elle m'aurait dit monsieur votre business c'est de l'or et allez-y ne changez pas de modèle, j'aurais écouté la banquière.

· À quels obstacles imaginiez-vous être confronté ?

Je n'imaginais pas d'obstacle, mais j'en ai rencontré dans tout ce qui est administratif, je me suis dit je vais commencer à embaucher, URSSAF aie aie . C'était un peu nébuleux. Un peu sur les sociétés j'avais un peu perçu parce qu'à chaque fois les modif avec la CSG-CRDS. Je dirais tout ce qui est fiscal et administratif j'avais peu de compétences là-dessus. Les compétences en gestion c'est ça, il faut quand même à un moment se faire violence et puis en faire quoi.

· Comment gérez-vous l'imprévu, les difficultés ? (Comment réagissez-vous face à un stress ?)

Je faisais de l'introspection « pourquoi tu prends ça comme une difficulté » Les difficultés que j'ai pu constater dans ma carrière, les autres dirigeants que j'ai côtoyés, « je me suis dit pourquoi lui il le prend bien et moi je le prends mal ? ». C'était surtout en prospection où t'as un business qui tourne et à un moment le business se casse la gueule, tu dois retourner faire de la prospection, c'est un peu faire pitié, tu as besoin d'activité. Tu dois aller solliciter des gens et t'es pas forcément dans les dispositions psychologiques les meilleurs. Comment tu te donnes la niaque pour y aller mais pas faire pitié en fin de compte, paraître sérieux et fiable quoi.

· Quels exemples de réussite dans l'entreprenariat dans votre entourage ?

Plein, il y a 3 créations d'entreprise pharmaceutiques. Il y en a eu une qui a périclité mais il gagnait tellement d'argent qu'il a arrêté de bosser pour sa boite et puis de claquer son fric. Sa boite s'est cassé la gueule pour finir et c'est normal. 2 autres qui tournent bien : la nôtre et une autre, celle de mon oncle. J'ai des amis qui en ont une dans le sud mais qui risque d'être racheté par les américains.

· De quel soutien bénéficiez-vous ?

J'ai du soutien mais en fait à l'époque quand j'ai créé ma boite, j'avais déjà fait le choix du modèle économique bureau de réorientation et eux ils m'ont dit « ne fait pas un bureau de représentation comme ça, fais un bureau de réorientation plutôt comme ça. Nous on a l'expérience. » Commercialement et au niveau de l'image il y avait une autre forme à mettre. Je ne les ai pas écoutés et je suis resté sur le conseil de la personne familiale la plus proche de moi.

Développement du sentiment d'auto efficacité

Objectif : déterminer les facteurs qui contribuent au développement du sentiment d'auto efficacité

· 87

Quels obstacles avez-vous surmonté et comment ?

J'étais en déséquilibre parce que comme j'avais les dents longues et je n'avais pas les capacités réelles, en tout cas j'avais des grosses lacunes sur certaines capacités nécessaires à réussir l'entrepreneuriat. Quand je vois ce que j'ai fait c'est « mais où tu trouves ça ». Au moment où je suis tombé face à ça, face à ce problème de décalage entre réelles capacités et réelles ambitions bah heureusement que j'avais une femme qui m'a aidé à faire ma gestion et qui dans le cas de figure où j'ai commencé à avoir une baisse de chiffre d'affaire et devoir aller prospecter bah elle est allée avec moi dans les salons quoi, limite elle m'a pris par la main. C'est là où je me suis rendu compte que commercialement, vu que j'avais choisi le mauvais modèle économique j'avais perdu foi en mon produit et là c'était perdu aussi. Grosso modo il me manquait aussi un truc c'est un peu le côté commercial. Ce que beaucoup de commerciaux type vente porte à porte, ils savent très bien qu'ils savent très bien qu'ils ont un produit pas terrible qu'ils vont emballer dans du papier de soie et ils vont réussir quand même et ça ça me manquait. Aujourd'hui j'ai réussi à peu le développer mais en tout cas au moins à amoindrir ce sentiment. Il faut que je croie en mon produit et ça bah en fait je n'ai pas eu assez de temps en tant qu'entrepreneur pour pouvoir surmonter ça mais aujourd'hui tout ça c'est lié à une mauvaise capacité d'analyse de ces caractéristiques pour pouvoir les resservir dans un discours commercial donc forcément quand j'ai été mis à mal dans un point négatif et que entrer dans une logique bégnine ça allait mais dès que c'était un point noir et qu'il fallait que je mette de l'effort bah voilà. Mais en fait c'était l'expérience, je manquais d'expérience, aujourd'hui il y a des produits que je fabrique qui sont avec des trucs un peu commerciaux pour dire que ça va sauver le monde, je n'en crois rien du tout mais j'arrive à en faire la promotion. Je n'avais pas identifié qu'en fait c'était facile mais avec l'expérience ça devient naturel.

· Quel bilan dressez-vous de votre expérience ? (Attentes en adéquation avec la réalité ?) -

Peut -être une leçon que je peux donner c'est « écoutez-vous vous même ». Ça c'est un truc, je pense dans mon cas de figure que j'avais déjà des exemples mais quand tu as envie d'entreprendre tu te documentes, à moins que tu te lances comme ça et là t'es vraiment con mais là ça ne vaut vraiment pas le coup. Si tu te documentes un peu et tout ça, tu as quand même une vision qui est bonne, qui est circonstanciée. Qui est vraiment adaptée à ce que tu veux faire tout ça. Si tu fais l'introspection bah forcément tu fais bien les choses. C'est pas les « bons conseils » des autres qui doivent planter ton analyse puisqu'ils sont en dehors du contexte, ils ont une analyse extérieur qui vaut le coup d'être écouté mais ils n'ont pas toutes les données que toi tu peux avoir. Même si tu les exprimes entre ce que tu as comme idée en tête, ce que tu es capable d'exprimer, il y a 70% de pertes, ça il faut le savoir mais il faut d'abord s'écouter soi-même. Si tu le sens que c'est bon l'instinct il est là quoi. Si j'étais resté sur ma première idée, j'aurais réussi c'est certain. Quand je vois le truc et quand je vois le marché aujourd'hui j'aurais mieux réussi. J'étais en logique Apple, c'est à dire design in California, made in China. J'avais vu ce truc-là, c'était vraiment l'idée. L'idée aurait été de commencer autrement mais mon objectif c'était ça. Prendre du made in China et de le transformer en made in California parce que je n'avais pas la capacité de Design. Le Design il existait et il était bon. C'était déjà des copies de Design made in california quoi.

·

88

Avez-vous bénéficié d'un accompagnement dans la réalisation de votre projet ? Qu'en avez-vous pensé ? (A-t-il répondu à vos besoins, a-t-il renforcé votre motivation ? votre croyance en la faisabilité ?)

En amont j'avais rencontré l'instance régionale d'aide à la création d'entreprise, ça ne m'avait pas du tout plu comme démarche parce qu'en fait il était là le conseiller « si tu veux j'te fais un crédit à 0%. ». C'est pas ce que je voulais, moi je voulais que dans le bassin économique locale être aidé au niveau des ressources. Savoir ce qui était complémentaire à mon projet. Je n'avais pas eu des réponses à toutes mes questions. Ah si pour faire tes flyers, tes cartes de visites « j'ai un ami qui fait de la communication », je m'en fou de ça, il y a vistaprint, donc j'ai abandonné. Une mise en garde que je pourrais faire c'est tu as besoin de formation, tu vas faire de la formation mais tu ne donnes pas ton business plan. Tu dis ton business à personne. Ça à renforcer ma motivation et ça à modifier ma vision. Modifier ma vision, c'est là où c'est compliqué, c'est les aides, les conseils tout ça. Si c'est des entrepreneurs, il faut vraiment que les gens mesurent leurs propos. Ne pas catégoriser. Moi dans mon cas de figure j'étais vraiment inexpérimenté. J'étais jeune, influençable. De là, l'envie de bien faire m'a fait chambouler le principe. J'avais toujours la même niaque mais ils me l'avaient renforcés parce qu'ils m'ont dit qu'ils croyaient en mon projet. Mais j'ai retenu « je crois en ton truc mais fait le pas comme ça »Je ne me suis pas rendu compte que je pervertissais mon projet.

· Avez-vous bénéficié de formation ou d'accompagnement quelconque depuis la création de votre entreprise ? Lesquelles ? Pourquoi ?

Je m'étais connecté avec ce truc de création d'entreprise local qui proposait de la formation mais en fait quand j'ai vu que ça ne pouvait pas m'apporter quoi que ce soit pour le business en soit, je me suis dit ça ne sert à rien. Si eux conseiller en gestion d'entreprise ils ne sont pas capables d'identifier que le poids des entreprises c'est d'avoir un tissu économique local et d'avoir des facilités pour ton business, ils servent à quoi ? Ils sont mauvais en gestion aussi. Comment des mecs mauvais en gestion peuvent m'apprendre à la gestion. La comptabilité ils avaient un programme de comptabilité qui les aidait à le faire, et une femme qui les aidait à le faire. Des trucs tout bêtes. La plupart ont appris par leurs experts comptables. Ma mère s'est formée sur le tas, avec cet expert-comptable à l'époque qui nous avait accompagné dans la croissance de l'entreprise, aujourd'hui lui il a un cabinet géant mais ma mère est encore là à corriger certaines de ses erreurs.

· Quelle(s) compétences pensez-vous avoir acquises depuis la création de votre entreprise ? Comment décririez-vous aujourd'hui vos connaissances en termes de savoir-faire et de savoir être ?

Il faut être au maximum concis. Il faut savoir quand tu dois être concis et quand tu peux te laisser aller à des familiarités. Être au service mais pas être asservi. Moi les clients je les gères comme ça aujourd'hui. Il y a des moments je suis dedans, mais je ne peux pas l'être à 100%. Quand ils manifestent le besoin, il faut répondre mais après dans le quotidien, tu ne dois pas être tout le temps présent pour eux quoi. Il faut que tu jauges selon tes disponibilités quoi. Les mecs le comprennent très bien. Par contre quand il y a un problème ou quoi que ce soit, tu dois être présent quand même. Déjà juste identifier

89

un besoin, le catégoriser et savoir quel niveau de réponse au niveau de l'urgence mettre en place, ça ça m'a appris. J'estime ne jamais être assez performant à ce niveau là parce qu'il y a toujours des trucs que tu te dis bah rien qu'hier, j'avais promis un truc à u mec mais hier soir je me suis dit oula j'ai complétement oublié. Mais même lui, son besoin a évolué, son urgence à évolué mais il comprend tout à fait. Il sait que je suis busy. Tous mes clients savent que je suis pris.

· Comment est votre motivation aujourd'hui en comparaison avec ce que vous ressentiez au début du projet ? Pourquoi ?

Je suis tout aussi motivé mais il y a une part de désillusion qui est récurrente. En fait tous les points négatifs, je les ai identifiés dans mon activité. Les choses que t'aime soit pas faire dans l'activité, dans le quotidien, soit des choses qui se passent mal de manière récurrente par exemple en ce moment ce sont des problèmes de production et à l'affut de client ça se passe bien mais au moment où tu ne t'attends pas tu te prends un « skude » en te faisant traiter d'amateur alors tu as envie de dire mais pourquoi je fais ça quoi. C'est eux que tu remets en question. Attend est ce que j'aime encore entreprendre dans cette boite, est ce que ces personnes pour qui je me donne elles en valent le coup ? Soit je dégage les personnes ou soit moi je dégage quoi. Il y a toujours ces interrogations, je suis un peu idéaliste, donc en fait quand il y a des tracas comme ça qui se passe ça me casse le rêve un peu.

· Quel niveau de satisfaction ressentez-vous vis-à-vis de votre projet ?

Total satisfaction, je viens de loin, je n'avais pas de diplômes. Je vois ce que je fais aujourd'hui, mes clients m'adorent. Aussi j'en connais beaucoup plus grâce à l'expérience, cela me permet d'être beaucoup plus efficace au quotidien.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand