Approvisionnement de la ville de N'Djamena en bois-énergie. Ses influences sur le milieu naturel.( Télécharger le fichier original )par Man-na Djangrang Université de Bangui - Maîtrise 2002 |
C. La dynamique des états de surface des zones inondablesVers le Sud de N'Djaména, le long de la route principale (N'Djaména-Bongor), les cuirasses, vastes plaines sont recouvertes par un sol très argileux à horizon hydromorphe. La végétation est une savane herbeuse piquetée de quelques arbustes. La fonction de cet espace est le pâturage de saison sèche (CLANET 1989), la culture de Béré béré (sorgho blanc de décru) et autres cultures pluviales. Depuis le début des années quatre vingt, la sécheresse, le surpâturage, le défrichement et les coupes abusives de bois de feu ont entraîné la réduction et la modification de la flore et du couvert végétal ligneux qui se confinent désormais dans les cuvettes. Pendant les années très sèches, comme 1984 (226,1m), 1973 (314,7m3) les sols sont restés nus. Marqués par des croûtes structurées 28(*) et d'érosion, les sols nus détériorent les conditions d'installation de végétation boiseuses et herbeuses, vite coupés et/ou détruits par les animaux de plus en plus nombreux. D. InterprétationAprès avoir établi une typologie des formations forestières, il est possible de suivre l'évolution des différentes unités par relation aux faits physiques (climatiques et édaphiques) et anthropiques suivant les figures 19 et 20. Aujourd'hui, l'aspect de la plupart de ces formations est modifié. La savane arborée est devenue une steppe arbustive entrecoupée de la strate herbeuse. Les coupes de bois et les défrichements ont redoublé d'intensité aux dépens du couvert végétal ligneux dense. Ces actions se signalent par des regroupements d'arbustes séparés, par des espaces vides (savanes parcs). Dans les années 1960, les zones dénudées ne se localisaient que sur certains milieux particuliers : aires de pâturage à proximité des points d'eau et des puisards. En 2001, on constate une progression importante du sol nu souvent en périphérie des habitats (mise en culture et exploitation de bois de feu). Les seuls espaces encore peu touchés sont les bas-fonds, les cuvettes qui ne sont pas en situation de recevoir d'intenses ruissellements, sensibles à l'érosion pluviale. En effet, toutes les formes de dégradation de l'environnement que nous avons observé dans le bassin ont des effets nocifs sur la production alimentaire, car, on constate que l'érosion des sols est en train de miner lentement la productivité des surfaces cultivées. Dans les zones d'irrigation, la saturation en eau (par irrigation) et l'excès de salinité (par évaporation intense due à un ensoleillement très élevé) font chuter les rendements. Nous ne pourrons pas présenter un tableau détaillé de ces pertes, car ces données n'existent pas. Au moins espérons-nous que cet exposé aidera à attirer l'attention sur les caractères dangereux pris par les effets de l'érosion du sol sur la production agricole si des mesures de protection ne sont pas adoptées. La culture itinérante sur brûlis (jachère prolongée), pratiquée traditionnellement par les paysans du bassin d'approvisionnement énergétique de la ville pour garder au sol une certaine fertilité ne plus respectée sous la pression des densités de la population toujours plus fortes. Aujourd'hui, les paysans remettent la même parcelle en culture tous les 5 à 10 ans. Autrefois ils attendaient de 20 à 25 ans (CLANET, 1982). Comme le cycle de mis en jachère se raccourcit et que le couvert végétal diminue, l'érosion et la dégradation des sols s'accélèrent. Aussi, le déboisement a des effets négatifs de diverses sortes. Il affecte directement les cycles hydrographiques en favorisant le ruissellement de l'eau et perturbant le recyclage de l'eau de pluie. Les effets de ce processus ont été illustrés, en 1988, lorsque les régions riveraines du Chari et du Logone se sont retrouvées plusieurs jours engloutis sous les eaux. Cette inondation devrait détruire des cultures pluviales. Avec la poursuite du déboisement, le bois de chauffe va être de plus en plus rare. Les villageois devront donc brûler davantage de bouses de vache séchées et des résidus des récoltes, ce qui privera le sol, non seulement d'éléments fertilisants, mais aussi des matières organiques utiles pour maintenir une bonne structure du sol. De tous les changements que les paysans du bassin d'approvisionnement ont déclenchés, celui du climat est le plus perturbateur. Il fait certes suite à une succession des phases contrastées constatées depuis la dernière ère géologique : Pendant le quaternaire, (Il a duré environ 3 millions d'années) de nombreux épisodes de glaciations se sont alternés depuis 400.000 ans. Elles correspondaient dans les régions tropicales à de succession des phases plus sèches entrecoupées des phases humides (SCHNEIDER et al., 1991). Les climats anciens du bassin d'approvisionnement sont intégrés dans le système paléo climatique de l'Afrique Centrale. Les travaux de CHAPELLE (1986) sur les variations climatiques au Tchad et leur conséquence sur l'implantation des peuplements tchadiens, le fait correspondre aux trois transgressions de la mer paléo-tchadienne à partir du 18è siècle. Au cours de la moitié du 18è siècle, le Bahr el Gazal coulait jusqu'au Koro-Toro. La période allant de 1851 à 1874 était particulièrement humide au cours des années 1920 et 1930. Pour CHAPELLE, les phases humides sont entrecoupées de nombreuses phases sèches. Nous retenons entre autres : · La sécheresse de 1828 à 1831 qui a entraîné la famine dans le Ouaddaï géographique ; · Celle de 1896, baptisé l'année de soif ; · Enfin celles de 1967-1968, 1973-1974, 1983-1984 survenue au Sahel avec l'assèchement de ¾ de la superficie du Lac-Tchad (13.000 Km2 aujourd'hui). La baisse de la pluviométrie au cours des sécheresses a atteint des niveaux exceptionnels en 1973 à N'Djaména (314,7 mm, soit 50% de moins que la normale). L'isohyète 800mm a enregistré un déplacement de l'ordre de 150 Km en zone soudanienne et l'isohyète 200mm à plus de 300 Km en zone sahélienne avec des conséquences sur le couvert végétal, les sols et les hommes (morts d'hommes et de bétail, famine, migration, etc.). BOUQUET (1974). Ces observations confirment celles de COUREL (1984) qui conclut que d'une manière générale, l'évolution de la pluviométrie après le début du siècle a été marquée par la succession de périodes excédentaires et déficitaires d'inégales. Les travaux de GIRAUD et ROSSIGNOL (1973), GODARD, TABEAUD (1993) ont montré que les déficits ou les excédents ne sont pas périodiques, mais récurrents. Utilisant des sources très diverses, BRUEL avait esquissé une carte pluviométrie et considère le territoire tchadien comme recevant une hauteur des pluies variant de 1000mm au sud à 200mm jusqu'à la latitude de 15° Nord. La carte d'isohyètes de DARNAULT préfigure les cartes actuelles avec une décroissance régulière des isohyètes de 1000 m à Fort-Archambault (Sarh) à 500 mm au Nord de Fort-Lamy (N'Djaména). Au même moment, AUBREVILLE (1948) distingue pour le Tchad, trois types de climat (Figure 21) : climat sahélien (0-3-9) au nord, climat sahélien (4-3-5) au centre et le climat soudanien (4-1-7). Cette subdivision mérite aujourd'hui d'être rectifié quant on tient compte du décrochage depuis les années 1970 des isohyètes de 50 à 180 mm vers le sud, malgré quelques légères améliorations observées au cours de la décennie 1990. Cette tendance est illustrée par trois normales pluviométries établies par la Direction des ressources eau et de la météorologie (DREM) (Figure 22). Il s'agit des normales de 1960 (1931-1960), 1975 (1946-1975) et de 1990 (1961-1990). Une des conséquences de cette régression des précipitations est la caractérisation du territoire tchadien en trois zones bioclimatiques qui constituent autant des domaines climatiques que des zones d'expression différentielles du phénomène de la mutation du milieu naturel et l'augmentation de températures globales à N'Djaména observée pendant ces dernières années. La conjonction des facteurs climatiques (sécheresses récurrentes et les mauvaises répartitions des pluies dans le temps et, anthropiques (croissance des besoins en terres arables agricoles et en produits ligneux, surpâturage, etc.) ont entraîné de sérieuses dégradations du milieu naturel du bassin et un changement climatique marqué par un réchauffement global des températures. Pour sauver ce milieu, quelques actions doivent être entreprises. L'examen de ces mesures est consigné dans le chapitre suivant. Figure 21 : Carte des secteurs bioclimatiques actuels Figure 22: Variabilité spatio-temporelle de la pluviométrie moyenne annuelle de 1931-1990 * 28 Une croûte structurale est une formation plus ou moins durcie dans le sol. |
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