Chapitre 5 : INFLUENCES DE DÉBOISEMENT SUR LE
MILIEU NATUREL ET LA CARTOGRAPHIE DES ÉTATS DE SURFACE
L'objet du présent chapitre est l'analyse des
influences de la mutation du milieu naturel sur les états de surface
à partir des cartes de végétation du bassin
d'approvisionnement énergétique de la ville de N'Djaména
multidatées.
A. Méthodologie d'analyse
de l'évolution des états de surface
Après avoir choisi notre zone d'étude qui est le
bassin d'approvisionnement de la ville en bois-énergie (72.980
Km2), nous nous appuyons sur les travaux de GRONDAR (1964), PIAS
(1960) et deux autres séries des données
complémentaires :
· Des observations de terrain : description de
transects (sols, états de surface, végétation, etc.), et
la cartographie d'état de végétation de 1960 et de
1964 ;
· Des interprétations de la carte de
végétation produite à partir d'images satellitales Landsat
(Mai 2001) en cinq scènes dont la carte de position des images
satellitales présentées en annexe II.
ü P 184 RO53 couvrant la zone de Bongor ;
ü P 183 RO52 couvrant la zone de Massenya ;
ü P 183 RO53 couvrant la zone de Bousso ;
ü P 184 RO52 couvrant la zone de
N'Djaména ;
ü P 184 RO51 couvrant la zone de Massakoy.
L'objectif est de réaliser une confrontation de ces
sources d'information entre elles et avec les facteurs supposés de
l'évolution. Ces données sont de qualités inégales.
Toutefois, on peut les utiliser pour l'interprétation du couvert
ligneux, de l'occupation du sol et de leur évolution des zones
exondées et de zones inondables.
B. La dynamique des états
de surface des zones exondées.
Les zones exondées correspondent aux terres
émergées sablo-limoneuses des sommets cuirassés.
Très peu cultivées dans les années 60, où on
pouvait enregistrer 990,1 mm de précipitations par an, les états
de surface correspondaient à une savane arbustive homogène et
à des fourrés et steppes à mimosacées
très fournies d'arbustes (acacia, sieberiana, Acacia senegalensis,
combretum glutinosum, etc.). au nord du 12ème
parallèle (à la limite de N'Djaména). Au Sud, une
forêt claire et boisée à combrelacées
(Anogeissus, Terminalia, avincennioïdes, etc.) s'y installaient
jusqu'au sud de Bongor sur une ligne Bongor-Am-Timan.
Même si, sur la figure 19, des sommets
cuirassés n'apparaissent pas, la mémoire collective des anciens,
fait mention des surfaces nues appelées « naga ». Le
terme de « naga » utilisé par les arabes et dont
l'équivalent en fufulbé est « Hardé »
désigne cet aspect de paysage et caractérise donc aussi le sol
que la végétation qu'il porte (PIAS), 1970). La monotonie de ce
paysage est parfois interrompue par la végétation dense qui
longe les cours d'eau où occupent les multiples petites mares en eau
pendant la saison des pluies. Ces surfaces s'élargissent le plus souvent
aux abords immédiats des voies de communication, des champs de village
ou de brousse et autour de la ville de N'Djaména
Sur la carte de 2001, ces états de surface se
répartissent en deux groupes en fonction de la distance aux habitations
(tableaux 19 et 21).
Tableau 19: Inventaire
forestier du bassin par formation végétale (année
2001)
|
Distance sélectionnée
|
Formation végétale
|
Superficie totale
ha %
|
< 50 Km
ha %
|
< 100 Km
ha %
|
< 150 Km
ha %
|
Savane boisée
|
675.000
|
0,93
|
0
|
0,00
|
5625
|
0,47
|
22.500
|
1,11
|
Savane arborée
|
1659375
|
22,76
|
5625
|
1,25
|
101.250
|
8,43
|
410265
|
20,30
|
Savane arbustive
|
2784375
|
38,19
|
67.500
|
15,00
|
54.000
|
4,49
|
1293750
|
64,01
|
Arbres isolés
|
360.000
|
4,94
|
28125
|
6,25
|
67.500
|
5,62
|
151875
|
7,51
|
Plantation
|
5625
|
0,08
|
0
|
0,00
|
0
|
0,00
|
0
|
0,00
|
Surfaces vides
|
2413125
|
33,10
|
348750
|
77,50
|
973125
|
80,99
|
142875
|
7,07
|
Total
|
7290000
|
|
450000
|
|
1201500
|
|
2021265
|
|
Source : Auteur, enquête, avril-mai 2001
En comparaison avec l'inventaire forestier du paysage de 2001,
on constate au tableau 20 suivant une évolution régressive des
formations végétales de l'ordre de 6,20% pour la savane
boisée, 1,46% pour la savane arborée et de 0,24% pour les savanes
arbustives.
Tableau 20: Inventaire
forestier du bassin par formation végétale ( année
1960)
Formation végétale
|
Superficie
|
Taux de régression
|
Ha
|
%
|
Savane boisée
|
4186700
|
57,4
|
6,20
|
Savane arborée
|
2429900
|
33,3
|
1,46
|
Savane arbustive
|
673400
|
9,3
|
0,24
|
Source: Djangrang Man-na
![](Approvisionnement-de-la-ville-de-N-Djamena-en-bois-energie-Ses-influences-sur-le-milieu-naturel23.png)
Figure 19 Carte de la végétation du
bassin d'approvisionnement de la ville de N'Djaména en
bois-énergie en 1960
![](Approvisionnement-de-la-ville-de-N-Djamena-en-bois-energie-Ses-influences-sur-le-milieu-naturel24.png)
Figure 20: Carte de la végétation du
bassin d'approvisionnement de la ville de N'Djaména en
bois-énergie en 2001
Tableau 21: Inventaire
forestier, sous total formation forestière selon les
distances
Distance
|
Surface (ha)
|
%
|
< 50 Km
|
73125
|
1,00
|
< 100 Km
|
646875
|
8,87
|
< 150 Km
|
1726875
|
23,69
|
TOTAL
|
4516875
|
-
|
Source : Auteur, enquête, avril-mai 2002
Jusqu'en 2001, la formation forestière n'a
trouvé refuge que dans les fourrés denses aux limites circulaires
qui doivent leur existence à une situation privilégiée
(mise en défens). Par ailleurs, la relative fermeture de ces couverts
denses, les protège d'une exploitation abusive, de même que la
situation hydrique favorable améliore la résistance aux
sécheresses.
Dans les petites dépressions, où subsistent des
plages d'horizon A encroûté (croûte structurale), un tapis
de petites graminées vivaces (sporobolus festivus) se maintient
en saison pluvieuse, parfois associé à un arbuste rabougri
(combretum micranthum ou guiera senegalensis). Alors qu'on
pouvait compter de centaines de millier de couronnes de ces grands arbustes
à l'hectare en 1964 (GRONDAR, 1964), on ne trouve en 2001 que 426
à l'hectare de survivants dont la couronne est réduite à
quelques branches. La dégradation du bilan hydrique des sols
encroûtés et érodés, ainsi que la surexploitation
par émondage et pour le besoin de bois de feu est la cause de cette
disparition des arbres, laissant ainsi les sols sans protection.
Dépourvus de végétation, ces sols subissent une
érosion linéaire intense sous la forme des ravins.
Les sommets cuirassés très
dégradés posent donc deux problèmes majeurs :
· La production d'un ruissellement intense, dû aux
croûtes grossières et d'érosion éolienne et
pluviale ;
· Et l'absence de production végétale
suffisante proche de N'Djaména entretenu par les nouveaux acteurs
économiques de plus en plus nombreux.
Dans les zones les plus éloignées (150 Km de
N'Djaména vers le sud), les états de surface actuel à
couvert arbustif sont peu différents de ceux de 1964. Toutefois, on voit
apparaître sur la figure12, des sols nus.
Ainsi, au fur et à mesure que les besoins en
énergie domestique se font pressants, les dommages causés sur les
massifs forestiers actuels, grandissants, les surfaces nues subissent des
processus d'érosion plus marqués que par le passé. Il faut
prendre en compte la faible capacité en eau des sols, l'existence et des
sécheresses successives.
En conclusion, les formations des sommets cuirassés
n'ont qu'une faible capacité de résistance face à une
exploitation intense comme la coupe du bois accouplée d'une situation de
sécheresse. Là où elles sont dégradées, il
apparaît illusoire d'envisager leur réhabilitation avec les moyens
actuels de l'Etat.
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