3.2.1.1- Genre et recours
thérapeutiques
La structuration de la vie sociale dans le monde rural fait du
sexe une variable de contrôle du comportement sanitaire, étant
donné que selon nos enquêtes, les femmes sont les plus
touchées par le paludisme. En effet, tout autant que la connaissance
d'une maladie ou d'un évènement dérive de
l'expérience sociale et varie en fonction de la structure sociale, il en
est aussi de même du choix thérapeutique dans ce milieu rural
où il existe une différenciation des rôles dans les
rapports à la santé et en fonction du statut social et du
sexe.
Ainsi la vulnérabilité des femmes, comme nous le
savions résulte dans le monde rural de leur participation au
système de production et de reproduction. Ce qui justifie leur
degré d'implication et d'intervention dans le choix thérapeutique
pour la quête de guérison à la survenue de ces pathologies.
Elles sont à la fois des grandes « actrices » et les «
consommatrices » des ressources thérapeutiques. A titre
illustratif, le tableau ci-dessous, donne un aperçu de
l'itinéraire thérapeutique des enquêtés en fonction
du sexe en cas de paludisme et de fièvre jaune.
Tableau 4 : Distribution des recours
thérapeutiques en fonction du sexe et des maladies
|
|
Recours
thérapeutiques
|
Maladies
|
Sexe
|
Moderne
|
Traditionnelle
|
Mixte
|
Auto traitement
|
Non Réponse
|
Total
|
Effectifs
|
%
|
Paludisme
|
Hommes
|
69,23%
|
17,31%
|
9,61%
|
3,85%
|
0%
|
52
|
100%
|
Femmes
|
94,12%
|
5,88%
|
0%
|
0%
|
0%
|
34
|
100%
|
Fièvre jaune
|
Hommes
|
48,08%
|
42, 31%
|
1,92%
|
0%
|
7, 69%
|
52
|
100%
|
|
Femmes
|
64,71%
|
26,47%
|
2,94%
|
0%
|
5,88%
|
34
|
100%
|
Source : données du terrain, Mars-Avril
2012 à Diarrabakôkô
L'examen de ces données statistiques relève que
la médecine moderne constitue le premier recours des
enquêtés et plus chez les femmes, surtout en cas de paludisme. En
effet, sur les 34 femmes enquêtées, 94,12% disent avoir recours
à cette médecine en cas de paludisme et 64,71% en cas de
fièvre jaune. Tandis que sur les 52 hommes, 69,23% y ont recours en cas
de paludisme et 48,08% en cas de fièvre jaune. Il en résulte que
les femmes de par leur fragilité et leur exposition à la
maternité sont les plus vulnérables, surtout à la survenue
du paludisme. Par conséquent les agents de santé leur apportent
une attention particulière, en témoigne ces discours :
« Aujourd'hui les docteurs nous appellent pour qu'on
sensibilise surtout les femmes enceintes à aller au dispensaire »
(entretien avec S.M, le 09/04/2012, Diarrabakôkô).
« Le paludisme est la première cause de
consultation et de mise en observation ici à Diarraba kôkô
(...). Il touche les personnes les plus vulnérables que sont les enfants
de 0 à 5 ans, les femmes enceintes, les personnes âgées
(certainement dû à la vieillesse) et les sujets neufs (les
européens)» (entretien avec M, le , 14/04/2012,
Diarrabakôkô).
En sus, à l'image de la structure démographique
nationale (Recensement général de la population 2006) les femmes
sont les plus nombreuses dans cette localité. Elles représentent
52,54% de la population de Diarrabakôkô. Non seulement, en plus
d'être les plus nombreuses, elles sont les plus vulnérables
surtout en milieu rural à cause de leur maternité qui les
contraint à fréquenter le CSPS plus que les hommes.
Par ailleurs, si on note une abstention à
l'auto-traitement chez les enquêtés en cas de fièvre jaune
ce n'est pas le cas du paludisme pour lequel 3,85% des hommes y ont recours. Ce
qui est compréhensible lorsqu'on s'inscrit dans la relation de pouvoir
au sein du foyer et dans le milieu rural où la décision n'est pas
individuelle. Contrairement aux femmes, les hommes ont plus tendance à
recourir surtout en cas de fièvre jaune à la médecine
traditionnelle, soit 42,31% contre 26,47% pour les femmes, et moins en cas de
paludisme, soit 17,31% contre 5,88%. Ce qui laisse percevoir l'ancrage de la
représentation de la fièvre jaune comme forme grabataire du
paludisme dont la gestion biomédicale pourrait entrainer la mort.
Certes, la prise en compte de ces données permet de
conclure partiellement que l'influence du sexe sur le recours
thérapeutique passe par la vulnérabilité des individus
face à un épisode pathologique ainsi que par leur interaction
avec le réseau social. Mais si cette influence parait être
manifeste, elle ne doit pas pour autant occulter le facteur
niveaud'éducation dans la mesure où certains auteurs (Fournier et
Haddad 1995, Leclerc, Fassin et al. 2000, Ridde 2007) ont déjà
montré que les populations rurales sont moins instruites et moins
réceptives à la médecine moderne. De ce fait, il est
intéressant de voir le lien existant entre le niveau scolaire ou
culturel (variable tant présentée par bon nombre d'auteurs comme
un puissant déterminant du comportement sanitaire) et les
itinéraires thérapeutiques à Diarrabakôkô.
|