III-SYSTEMES MEDICAUX
PLURALISTES ET ITINERAIRE THERAPEUTIQUES
3.1-Expériences de la
maladie et itinéraires thérapeutiques dans le village de
Diarrabakôkô
Dans un contexte marqué par une diversité des
systèmes médicaux et d'alternatives thérapeutiques,
l'expérience de la maladie et la recherche de guérison agissent
comme des déterminants au choix thérapeutique. La guérison
survenue après une quelconque thérapie peut être la source
d'une « fidélisation » thérapeutique ou d'un changement
thérapeutique. Autrement dit, l'itinéraire thérapeutique
n'est pas figé. Et, il se caractérise le plus souvent comme une
trajectoire, une mobilité par rapport à son propre
itinéraire antérieure. Ainsi, cette mobilité
thérapeutique traduit l'autonomie des individus à l'égard
de leurs dispensateurs et leur donne le libre arbitre dans leurs conduites sur
le marché thérapeutique. « Les dispensateurs n'ont ici
qu'un contrôle marginal sur la demande des services et sur les
itinéraires thérapeutiques de leurs patients. Ils n 'ont pas la
capacité de fidéliser leur client tout au long de
l'épisode de la maladie » (Fournier et Haddad 1995 : 295)
Cependant, il convient de mentionner que ce libre arbitre est
toutefois soumis à l'influence d'un faisceau de facteurs que sont :
facteurs sociodémographiques et économiques (sexe, niveau
d'éducation, la profession, le revenu), la nature des pathologies
étudiées et leur perception par les enquêtés, enfin
les caractéristiques des services disponibles et leur perception. Ainsi,
la prise en compte de ces facteurs relève de la convergence et de la
diversité des expériences vécues de ces pathologies. Ce
qui permet de déterminer le rapport des individus à leurs
services médicaux. Dès lors, la question se pose de savoir, en
cas de paludisme et de fièvre jaune, et pour quelles raisons, les
enquêtés s'adressent à une médecine plutôt
qu'à une autre.
3.1.1- Itinéraires
thérapeutiques dans le village de Diarrabakôokô
Dans le contexte sanitaire du village de
Diarrabakôkô, nous avons recensé les ressources de
santé suivantes qui ne sont pas exploitées de la même
manière ni avec le même degré par les enquêtés
:
Ø La médecine moderne préventive,
curative et promotionnelle à travers la présence d'un CSPS
Ø La médecine traditionnelle composée
d'herboristes, des guérisseurs agriculteurs ou chasseurs dozo et des
guérisseurs devins.
Ø Auto-traitement, tantôt avec les plantes,
tantôt avec les médicaments, mais moins fréquente chez
les enquêtés.
Ø La thérapie mixte qui résulte de la
co-utilisation des deux premières médecines.
Mais le constat de terrain révèle que la
médecine moderne et la médecine traditionnelle s'imposent dans ce
marché thérapeutique comme les deux principales ressources
auxquelles les enquêtés ont recours de façon
alternée en cas de paludisme et de fièvre jaune. Mais dans
l'ordre de succession de ces ressources, la médecine savante apparait
comme le premier recours des enquêtés à la survenue de ces
pathologies. En effet, 98,84% des 86 personnes enquêtés disent y
avoir recours en cas de paludisme et 90,62% en cas de fièvre jaune. Il
est à signaler que ces forts taux de fréquentation des
enquêtés observables au début des maladies se justifient
par la précision de diagnostic du fait qu'elle dispose de
matériels de pointes. Un enquêté témoigne :
Il faut aller au dispensaire d'abord et si tu sais c'est
quelle maladie, arrivé à la maison tu complètes avec ce
que tu connais ». Moi-même je pars là-bas souvent parce que
nos aliments, le sucre qu'on mange beaucoup, on a besoin d'eux pour voir le
sang, prendre la tension et la température (entretien avec B.Z, le
10/040201, Diarrabakôkô).
Ainsi, sur la base de ce constat, nous convenons avec Saint de
Savin qui « reconnait que seul le médecin qui dispose de toutes les
ressources de la science peut et doit faire le diagnostic. Il a à sa
disposition, la radio, les analyses de sang, d'urines et encore bien d'autres
moyens. (...) Il est bien rare qu'un malade vienne voir directement un
guérisseur» (Saint Savin 1960 : 21). Ce qui n'est toujours pas le
cas dans le contexte Burkinabé voire même africain.
Du reste, il convient de mentionner que l'acceptation et
l'adoption de ce choix thérapeutique relève d'une logique de
réductions du coûts du traitement, de conformité et de
satisfaction des exigences d'un principe biomédical dicté par les
agents de santé, qui est celui du recours systématique à
une formation sanitaire dès qu'un problème de santé se
pose. Mais si ce choix parait être manifeste, il ne doit pas pour autant
occulter le recours à la médecine traditionnelle qui est une
« médecine compréhensive » articulée autour des
gestes symboliques, de la satisfaction morale et est plus proche de la
population, car faisant partie de leur environnement socioculturel. De ce fait,
observons la trajectoire thérapeutique des enquêtés en
fonction des facteurs précédemment évoqués.
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