CHAPITRE II : CONSTRUCTION
SOCIALE DU PALUDISME ET DE LA FIEVRE JAUNE
La maladie et l'interprétation qu'elle présente
débordent la seule arène médicale. En effet, toute maladie
et par extension toute infortune donne lieu à de multiples
interprétations à savoir : celle du soignant, qui renvoie
à la culture savante, celle du malade qui renvoie à son
enracinement dans une culture donnée (Dacher 1992 ; Bonnet 1988 ;
Fainzang 1986). Dit autrement, cela renvoie à son «modelage
culturel». A cet effet, construire la maladie revient donc à porter
une particulière attention aux différentes modalités de la
penser et de la soigner, car elle n'est pas seulement une réalité
biologique, mais aussi une réalité sociale qui demande
d'être comprise et analysée. Comme le note Kalis «
l'organique ne prend son sens que relié au social » (1997 :
108).
I-Construction
biomédicale du paludisme et de la fièvre jaune
La médecine savante, dans son référent
biologique, désigne et nomme une entité nosologique «
disease » (en anglais) qui peut être socialement reconnue
ou pas. En ce sens, la maladie est prise comme une catégorie objective
dont l'interprétation et la détermination des facteurs
étiologiques s'inscrivent dans une approche éthique. Dans cette
perspective, le paludisme est une maladie potentiellement mortelle transmise
par des moustiques. Les scientifiques, selon Santé actu 2007: 24, ont
découvert en 1880 la véritable cause du paludisme, un parasite
unicellulaire appelé plasmodium. Ils ont ensuite
découvert que le parasite était transmis d'une personne à
une autre par les piqûres de moustique anophèle femelle.
Il existe quatre types de paludisme humain : le plasmodium vivax, le plasmodium
malaraie, le plasmodium ovale et le plasmodium falciparum. Ce sont le
plasmodium vivax et le plasmodium falciparum qui sont les
plus courants au Burkina Faso. Cependant, il convient de mentionner que la
prophylaxie même du paludisme fondée sur des bases scientifiques a
été possible lorsqu'à la suite de « Laveran, prix
Nobel en 1907, qui a découvert le parasite du paludisme, Manson avait
démontré en 1978, à Shanghai, qu'un moustique, le
« culex », hébergeait les formes larvaires
microscopiques (ou microfilaires) de la filaire. Grassi découvrait en
Italie, le responsable de la transmission du paludisme humain,
l'anophèle «du grec anopheles dangereux»
(Lapeyssonnie 1988: 44-45). De plus, le paludisme est perçu comme une
maladie de « l'ancien régime » qui aurait marqué
l'histoire « puisque les textes assyriens, chaldéens,
égyptiens, védiques et chinois le mentionnent sans
ambigüité. Il n'a pastoujours été l'apanage des
tropiques : Les grecs l'ont connu, Hippocrate en donne la première
description clinique 400 ans avant notre ère. De 1939 à 1945,
pendant les six ans qu'a duré le second conflit mondial, il a donc
tué plus de monde que les faits de guerres, les bombardements et les
camps de concentration réunis ! (Lapeyssonnie 1988 : 40-41) ». Mais
aussi du « nouveau régime » car il constitue de nos jours le
premier motif de consultations, d'hospitalisations et la cause de nombreux
décès dans les formations sanitaires du Burkina Faso voire de
l'Afrique subsaharienne. Au Burkina Faso, il constitue un problème de
santé publique et reste une endémie stable dans tout le pays avec
une recrudescence saisonnière (mai - octobre). Il se caractérise
cliniquement par un groupe de symptômes tels que la fièvre, les
céphalées, et les troubles digestifs.
Par ailleurs, tout comme le paludisme, la fièvre jaune
relève aussi de la famille des fièvres. Mais dans la conception
biomédicale la fièvre jaune est une maladie différente du
paludisme car son agent causal est un moustique non transgénique,
Aides. Comme le note Lapeyssonnie « le virus amaril (de amarillo
« jaune », en espagnol). Celui-ci, véhiculé par
d'autres moustiques, les aèdes (ou stegomyia), d'un « jauneaux
» à un sujet sain, déterminait chez les malheureux une
hépatonéphrite le plus souvent mortelle (1988 : 48)». A son
origine, elle fut également appelé « mal de siam ».
C'est aussi une maladie de « l'ancien régime » car « elle
n'a fait parler d'elle en Afrique que près de 300 ans plus tard,
exactement en 1778, avec l'épidémie qui décima les troupes
britanniques stationnées à Saint-Louis au Sénégal.
De toutes les maladies « pestilentielles », comme on a longtemps
appelé la peste, la variole, le choléra, le typhus et la
fièvre jaune, cette dernière est celle qui présente le
potentiel de diffusion et de transfert à distance le plus
élevé » (Lapeysonnie 1988 :49). De plus, les signes
cliniques de cette pathologie se caractérisent par une hémorragie
au niveau des gencives et la fièvre. Mais il est à signaler que
cette maladie n'est plus une question alarmante aujourd'hui puisqu'elle est en
voie de disparition suite à de la généralisation de la
vaccination antiamarile .De tout ce qui précède, il reste que le
paludisme et la fièvre jaune forment des « éco
pathogènes » du fait qu'ils sont étroitement liés
à certains caractères climatiques, hydrographiques, et
biologiques de la zone concernée. L'aire d'extension de
l'activité de ces vecteurs dépend du contexte social (lieu de
vie) et aussi de la densité de la population.
Cependant, dans le cadre de cette étude, nous mettrons
plus l'accent sur la construction profane de ces deux pathologies à
partir d'une analyse sociologique qui nous enseigne de prendre en compte la
conception populaire de la maladie lorsqu'il existe une médecine
savante.
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