L'encadrement juridique du contentieux de la sincérité des comptes au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Joachim Ivan GWOS Université de Yaoundé 2 - Master recherche 2014 |
B. L'éparpillement des compétences de la Chambre des comptes et l'inexistence de la Cour des comptes au CamerounLe Conseiller Maître à la Chambre des comptes de la Cour Suprême du Cameroun, Philippe THEUMOUBE,dans un exposé portant sur le particularisme de la Chambre des comptes,a réitéré au nom de cette juridiction la nécessité d' « une nouvelle écriture de la loi de 2003 qui intégrerait toutes les compétences288(*) ». Selon le Conseiller Maître, « l'exercice de ces compétences dispersées dans plusieurs lois et règlements rapprochent la Chambre des Comptes de la Cour Suprême de la conception originale du contrôle des comptes publics (...) des Directives CEMAC289(*) ». « Sans l'être sur le papier, la Chambre des Comptes exerce des prérogatives assez proches de celles d'une Cour des Comptes version CEMAC, en réalité proche d'une Cour des Comptes selon l'INTOSAI », précise-t-il plus loin. Dans le même sens, n'eut été l'esprit du texte et la finalité générale du contrôle des comptes de l'Etat, l'application de la loi de 2003 n'est non seulement plus adaptée aujourd'hui, mais encore il faut qu'elle soit reformée. Par ailleurs, la juridiction camerounaise des comptes est une chambre à l'intérieur d'une Cour de justice, la Cour Suprême. C'est un réel problème. En effet, la Constitution en vigueur au Cameroun dispose que « Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême, les cours d'appel, les tribunaux.290(*) » Il n'existe toujours pas de Tribunaux Régionaux des Comptes au Cameroun. L'article 79 alinéa 3 de la loi de 2003 est en le fondement291(*). Toutefois, le Cameroun est membre de la CEMAC depuis le 16 mars 1994, date de la conclusion du Traité CEMAC. En tant que membre de cette communauté, les référentiels normatifs de la CEMAC sont d'application directe au Cameroun, conformément à l'article 3 alinéa 2 de la loi de 2007 qui dispose que la loi de finance « prend en compte les directives de convergence des politiques économiques et financières résultant des conventions internationales et régionales auxquelles la République du Cameroun adhère. » Dans ce sens, il ne serait pas impertinent de se demander pourquoi l'article 72 de la Directive communautaire CEMAC sur les lois de finances292(*) est mis en veille. Ceci est d'autant plus vrai que sur le fondement de ces articles 72 et 3 alinéa 2 susvisés, il devrait y avoir une Cour des Comptes au Cameroun. C'est dans ce sens que le Conseiller Maître propose « l'internalisation des Directives CEMAC par la Création d'une Cour des Comptes de pleine juridiction au Cameroun.293(*) » Au surplus, il y a lieu de réitérer le vieux problème que la Chambre des comptes à signifier au Parlement dans son premier rapport annuel. Dans une des recommandations du Premier rapport annuel de la Chambre des comptes de la Cour Suprême du Cameroun, la juridiction financière pose le problème, non résolu à ce jour, qui suit. « Au terme de la loi organique du 21 avril 2003, les comptes des entreprises du secteur public et parapublic sont justiciables de la Chambre des Comptes. Bien que compétente pour les contrôler, la Chambre ne peut les juger en l'absence de comptable public dans ces structures. Des lors, elle se limite a la formulation des observations dans un rapport adresse aux organes de tutelle. Pour tenir compte de cette situation, la Chambre recommande la reformulation des articles 2 et 8 de la loi précitée de la manière suivante : 1- Article 2 nouveau : 1) La Chambre des Comptes contrôle et juge les comptes ou les documents en tenant lieu des comptables publics patents ou de fait : - de l'Etat et de ses Etablissements Publics ; - des Collectivités Territoriales Décentralisées et de leurs Etablissements Publics. 2) La Chambre des Comptes contrôle et formule ses observations sur les comptes des entreprises du secteur public et parapublic. 3) Elle statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures des comptes. 4) Elle connaît de toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la loi294(*) (...) » Les raisons d'ordre externe sus présentées, ne sont assurément pas toutes identifiées. Néanmoins, elles ne sont pas moins problématiques quant àla densification des décisions de justice sur la sincérité des comptes. Les raisons d'ordre interne amènent à envisager autrement, la tendance qu'a le juge des comptes à mettre l'accent sur le contrôle et le jugement de la conformité des comptes aux lois et règlementations en vigueur au Cameroun. * 288 THEUMOUBE (P), LE PARTICULARISME DE LA CHAMBRE DES COMPTES A L'INTERET DE LA COUR SUPREME DU CAMEROUN : INTERET ET ENJEU, « C'est pour cela que la Chambre des Comptes a proposé, au cours d'un atelier, soit une nouvelle écriture de la loi de 2003 qui intégrerait toutes les compétences », p. 7. * 289 Idem. * 290 Art 37 al. 2 de la Constitution. * 291« La Chambres des Comptes exerce les attributions des juridictions intérieures des comptes en attendant leur mise en place. » * 292 Art 72, Directive UEAC sur les lois de finance, op cit: « Le contrôle juridictionnel des opérations budgétaires et comptables des administrations publiques est assuré par une Cour des Comptes qui doit être créée dans chaque Etat-Membre. Cette Cour des Comptes est une juridiction et ses membres ont le statut de magistrat. Elle est indépendante par rapport au Gouvernement et au Parlement et autonome par rapport à toute autre juridiction. Elle décide seule de la publication de ses avis, décisions et rapports. Elle est l'institution supérieure de contrôle de chaque Etat. » * 293 THEUMOUBE (P), « LE PARTICULARISME DE LA CHAMBRE DES COMPTES A L'INTERET DE LA COUR SUPREME DU CAMEROUN : INTERET ET ENJEU », p. 7, op cit. * 294 V. Premier rapport annuel de la CDC, p. 90 et 91. |
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