48
2-4-2 le poids des dépenses en transport des
ménages sahéliens.
Le poids des dépenses de transport dans le budget
ménage est souvent apprécié à travers les
enquêtes du budget consommation. Ainsi l'enquête ménage
UEMOA réalisée en 1996 indique que les dépenses transport
dans les villes sahéliennes sont de : 11.2 à Bamako, 8.2 à
Dakar, 11.8 à Niamey et 16.8 à Ouagadougou. Ces chiffres
confirment dans une certaine mesure la théorie de ZAHAVI sur la
constance du budget transport variant entre 3 et 15%. Mais ces chiffres ne
doivent cependant pas cacher une réalité : le coût
onéreux de transport collectif pour les ménages sahéliens.
En effet, comme le constatent D. OLVERA, D. PLAT et P. POCHET «la
faible marge des habitants pauvre apparait clairement lorsqu'on met en regard
le coût d'un usage régulier des transports collectifs et
l'étroitesse des budgets domestiques ». Ainsi à Niamey
en 1996, le coût mensuel de vingt aller-retour en transport collectif au
tarif de base de 150FCFA dépasse le sixième du salaire
médian des actifs et atteint pratiquement le douzième du revenu
médian des ménages. Cela traduit tout simplement la
difficulté pour un actif à revenu faible de payer au quotidien
les prix de transport. Des études récentes montrent que ce
phénomène est le même dans presque toutes les villes
africaines avec une dépense transport a la hausse de l'ordre de 20%,
infirmant ainsi ZAHAVI. A Conakry et à Douala les pauvres consacrent
respectivement 19% et 20% de leur revenu, en transport collectif ; les
non-pauvres eux consacrent respectivement 12 et 16% de leur revenu (SITRASS,
2004).
Les durées de déplacement sont
particulièrement longues dans les pays africains en
général, du fait des mauvaises conditions de déplacement :
mauvaises gestion de la circulation, routes dégradées,
congestion, etc. les temps de transports sont élevés et tournent
entre 80 et 100 mn, bien plus que les 60 mn annoncées selon le paradigme
de la constance du budget temps transport de ZAHAVI.
2.4.3. Les moyens de transport utilisés par les
sahéliens pour accéder aux services urbains
L'accès à l'emploi, au travail, aux
études, aux hôpitaux, en un mot aux services urbains suppose une
mobilité minimale. C'est une question d'intégration, d'insertion
sociale; voire de survie pour certains citadins. En dépit des
difficultés évoquées, les citadins sahéliens se
déplacent et utilisent différents types de modes de transport.
49
Mais la mobilité motorisée des citadins
sahéliens se résument pour la plupart à la composante
obligée de la mobilité quotidienne que nous avons
évoqué dans le premier chapitre. C'est-à-dire aux
déplacements domicile-lieu de travail ou d'études. D. OLVERA,
D. PLAT et P. POCHET (2007) soulignent d'ailleurs que ces
déplacements représentent 40 à 50% du total des
déplacements, devant la sphère domestique ; tandis que la
sociabilité suscite de l'ordre d'un déplacement sur quatre.
Tableau 2.8 : Répartition des déplacements selon
les trois types de motifs en semaine (%)
|
Bamako (1995)
|
Niamey (1999)
|
Ouagadougou (1993)
|
Vie professionnelle
|
48
|
41
|
47
|
Vie sociabilité
|
27
|
29
|
28
|
Vie domestique
|
25
|
30
|
25
|
|
Source : D. OLVERA, D. PLAT, P. POCHET dans GODARD les
transports et la ville en Afrique au sud du Sahara, 2002
La sociabilité joue un rôle important au Sahel,
elle est peut être même sous estimée sur ce tableau. En
effet, les visites familiales sont nécessaires pour l'intégration
de la personne dans le réseau familiale, et encore indispensables pour
les pauvres afm de profiter des aides des différents membres de la
famille ; surtout qu'en Afrique le mot famille à un sens élargi.
Les déplacements pour motif domestique quant à eux, peuvent
être nombreux : accompagnement, achats, prières quotidiennes,
etc.
2.4.3.1. Les modes de transports doux a) La marche
à pied
La marche à pied, moyen naturel de déplacement
est incontestablement le mode de transport le plus utilisé au sahel.
Pour la plus grande partie des citadins, la marche à pied
représente le seul moyen de déplacement réellement
accessible. Cette pratique de la marche comme le souligne GODARD (2009)
correspond selon le cas à des déplacements de courtes distances
lorsque les équipements et services de bases sont implantés
à proximités dans les quartiers, mais aussi à des
déplacements plus longs imposés par l'impossibilité
d'accéder aux transports motorisés, pour des raisons
financières le plus souvent. Mais le marché de l'emploi
accessible à pied est souvent trop restreint surtout pour les pauvres
qui vivent en périphérie ou les transports collectifs sont
parfois inexistants. L'accessibilité aux services
50
urbains est pour eux très limitée. C'est cette
catégorie de population que MERLIN (1991) qualifie « d'exclus
de système de transport », pour GODARD (2005), ce sont «
les exclus de la mobilité motorisée »
La marche est très présente dans les villes
africaines. Ainsi dans les capitales sahéliennes, le taux de
déplacement piétonnier varie de deux sur cinq (Ouagadougou)
à trois sur quatre (Dakar). A Niamey, un jour ordinaire plus de la
moitié des jeunes de plus de treize ans ne se déplace qu'à
pied (L.D. Olvera). Aussi, près de 20% des déplacements
piétonniers effectués à Bamako et Ouagadougou, près
de 15% à Niamey durent ainsi plus d'une demi-heure (Didier PLAT,
2003)
Tableau 2.9 : Part de la marche à pied dans les
déplacements pour la population de 13 ans et plus en%
|
Année
|
Déplacement à pied
|
Bamako
|
1993
|
57
|
Dakar
|
2000
|
74
|
Niamey
|
1996
|
69
|
Ouagadougou
|
1992
|
42
|
|
Source : D. OLVERA, D. PLAT, P. POCHET, M. Sahabana, la
marche à pied dans les villes africaines. Transport. 2005. n°
429
Les exclus de la mobilité motorisée sont donc
contraints à une mobilité essentiellement pédestre. La
marche est pourtant un exercice difficile même sur des courts trajets.
L'absence des infrastructures surtout en périphérie,
l'encombrement des trottoirs quant ils existent, le manque d'éclairage
et l'insécurité, sont là des paramètres qui
pèsent sur les piétons sahéliens. La marche quant elle est
choisie n'est pas mauvaise en soi. Elle est même économique et
écologique puisque faisant partie des modes de transport doux et
propres. Mais au sahel, la marche ne découle pas très souvent
d'un véritable choix modal ; c'est au contraire un moyen de
déplacement plutôt subi que désiré, et son
utilisation s'effectue encore dans des conditions difficiles et
pénibles.
b) L'utilisation de la bicyclette.
Contrairement à la marche, la bicyclette est peu
utilisée dans les villes africaines (Ouagadougou fait figure d'exception
avec un taux de 10% en 1992) malgré ses nombreux avantages pour les
trajets de courte distance. A Niamey par exemple, 2% seulement des
51
déplacements l'utilisent en 1996. La bicyclette a une
image négative en Afrique. De ce fait son utilisation est souvent
associée à la pauvreté, à un mode de vie rural et
à la «régression sociale ». En outre cette
identité culturelle associée à la bicyclette, son
utilisation comme moyen de transport efficace pour accéder aux services
urbains est souvent limitée dans les villes sahéliennes, du fait
des obstacles que GODARD et TEURNIER (1992) résument comme suit :
· Climat défavorable, avec à la fois la
chaleur et les difficultés particulières en saison de pluies;
· Topographie contraignante dans les villes qui ont un
site vallonné ;
· Structure urbaine étendue, entrainant de trop
longue distance de déplacements ;
· Cout d'achat de la bicyclette de l'ordre de 50 000
CFA, supérieur à la majorité des salaires mensuels ;
· Etat dégradé de la voirie, limitant les
possibilités de circulation ;
· Insécurité et risque de vol
2.4.3.2. Les modes de transport collectif
L'offre des transports étant insuffisante, le
transport collectif à un poids assez limité dans les
déplacements des citadins, par rapport à la marche, principale
mode de déplacement dans les villes sahéliennes. Les transports
collectifs représentaient seulement 22% des déplacements des
citadins à Dakar (2000), 17% à Bamako (1993), 11% à Niamey
(1996) et 3% à Ouagadougou (1991)
a) L'utilisation d'autobus
L'accès aux services de transport par autobus est
très faible dans les villes sahéliennes. La part des autobus dans
les différents moyens de transports urbain est de 1% à Bamako, 3%
à Dakar et 8% à Ouagadougou (AICD, 2008). La faible
densité du réseau des routes revêtues, ajoutée
à la croissance incontrôlée, au mauvais revêtement
des routes et à l'étroitesse des rues, laissent supposer que la
portée géographique des autobus est gravement limitée. Les
tarifs sont également élevés par rapport au pouvoir
d'achat d'une famille urbaine moyenne, en conséquence de quoi
l'utilisation des autobus est proportionnellement faible. A Dakar par exemple
le tarif pour les bus est de 150 FCFA contre 75 FCFA pour les cars rapides.
Les familles moyennes ne sont capables de se payer
généralement qu'un seul aller-retour par jour en autobus, alors
que pour les ménages les plus pauvres même ce niveau de
mobilité de base
52
est inaccessible. Dans certaines villes, les autobus sont
très peu nombreux pour répondre à la demande de
déplacement des citadins. Ainsi nous verrons qu'à Niamey, bien
que les bus soient moins chers que les autres moyens de transport collectif,
ils restent cependant très insuffisants.
b) L'utilisation accrue des minibus
Les citadins sahéliens utilisent de plus en plus les
minibus pour accéder aux services urbains. Les minibus constituent
d'ailleurs dans la plupart des villes africaines le principal moyen de
déplacement collectif. Ces minibus ont proliféré en
comblant le vide laissé par le transport par grands autobus. La part des
minibus dans les transports urbains est de 10% à Bamako, 73% à
Dakar. Ces minibus sont pourtant loin d'être un moyen de transport
parfait. En fait, ils présentent des inconvénients
évidents du point de vue de l'intérêt public. (AICD,
2008)
· Congestion de la circulation : Les minibus
représentent actuellement presque 50 % de l'ensemble du trafic
motorisé sur certains axes. Leur prolifération est la cause d'une
forte congestion, particulièrement aux heures de pointe ;
· Sécurité et émissions : La
plupart des minibus sont vieux, mal entretenus et roulent pendant de longues
heures à vitesse réduite ;
· Imprévisibilité des itinéraires,
horaires et tarifs : Les exploitants des minibus font varier les tarifs en
fonction de la demande et changent d'itinéraires à
volonté.
c) Les taxi- moto
Utiliser un taxi-moto pour satisfaire ses besoins de
déplacements, n'est plus étonnant en Afrique. C'est même
assez fréquent dans plusieurs villes africaines. Le taxi moto est un
moyen de transport collectif dont l'utilisation est autorisée et
réglementée. Contrairement en France ou ce mode de transport est
choisi pour décongestionner le trafic, en Afrique le
développement de ce mode de transport est le résultat d'une
conjugaison de plusieurs facteurs :
- l'incapacité du système de transport en
commun à satisfaire la demande de mobilité des populations ;
- l'accroissement de la pauvreté, du chômage des
jeunes, poussant ces derniers vers ce métier générateur de
revenu ;
53
- le faible pouvoir d'achat des populations : ne pouvant
utiliser que ce moyen de transport généralement moins cher.
- l'insuffisance et le mauvais état des
infrastructures routières, entrainant la non desserte de certains
quartiers par le transport en commun.
Dans plusieurs villes ouest africaines comme Cotonou,
Lomé ou encore certaines villes du Nigéria, les taxi-moto
représentent l'essentiel des transports urbains. Au sahel, ce
phénomène gagne de plus en plus de terrain. D'ailleurs depuis
plusieurs années le kabu-kabu, taxi-moto est le principal moyen
de transport collectif dans les villes secondaires du Niger. Et comme nous
l'avons précisé, DILLE (2002) à fait cas de ce mode de
transport qui est le seul moyen de déplacement collectif à Konni,
une ville moyenne du Niger.
Dans certaines capitales sahéliennes comme Ouagadougou
et Bamako, l'utilisation des motocyclettes privées est courante.
À l'origine, les services offerts par les motocyclettes permettaient de
relier les zones résidentielles aux grands axes routiers où les
passagers pouvaient trouver des taxis ou des autobus. Actuellement, on retrouve
les motocyclettes sur les routes principales et même dans le centre
ville. La souplesse, le service porte à porte et aussi leur
accessibilité en font le succès de ce moyen de transport.
Cependant les moto- taxi présentent plusieurs inconvénients :
· Les conducteurs des motocyclettes sont souvent jeunes
et inexpérimentés. Les accidents sont fréquents et souvent
mortels ;
· Impact sur la santé : L'activité de
taxi-moto est un métier à haut risque pour la santé du
conducteur et pour les populations, avec des maladies causées par le
contaminant comme le plomb ;
· Impact sur l'environnement : Les huiles usées
et les vieilles carrosseries des motos constituent une agression à
l'écosystème à travers la fumée
dégagée qui pollue l'air par les gaz d'échappement ou par
le plomb
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