III.4 - La contribution de Mont-Bouët à la
fiscalité locale37
La municipalité librevilloise a au fil des
années, vu sa situation financière se détériorer
à cause des marchés et des nombreux besoins en équipement
et en services que l'accroissement de la population urbaine a
générés. Se sont ajouté des difficultés
liées à la diminution des reversements de recettes par
l'État et à l'unicité de caisse qui occasionne des
problèmes de trésorerie à la municipalité.
Le marché de Mont-Bouët et les autres
marchés librevillois constitue un gisement important en termes de
ressources au travers des loyers, des droits de place, des patentes et autres
taxes38. Dans la réalité, le marché c'est
transformé en véritable gouffre financier.
Les raisons de cette faible contribution financière
sont presque au fil des années toujours les mêmes :
- l'évaporation des sommes recouvrées par les
collecteurs, (mise en circulation de faux tickets, entente entre les
commerçants et les collecteurs pour s'acquitter partiellement des droits
de place, etc.) ;
- le manque de moyens et les difficultés pratiques de
recouvrement : les collecteurs, le plus souvent, ne disposent ni des plans du
marché, ni des listes des commerçants ou de leurs emplacements.
En l'absence d'une autorité reconnue et respectée, ils
éprouvent généralement de grandes difficultés dans
l'exercice de leurs fonctions, selon les secteurs ;
- l'absence de contrôle et de suivi régulier des
recettes réalisées par chaque collecteur ;
Cependant, on n'explique pas le faible taux de recouvrement
par le seul fait de collecteurs indélicats. Si l'on prend en exemple,
l'état de recouvrement de l'exercice 2001/2004, nous avons
constaté que le marché de Mont-Bouët au niveau de Libreville
est celui qui a rapporté le plus à la trésorerie
municipale avec 234.781.000 Frs CFA (environ 357.353,12 Euros). Dans le
même exercice, avec plus 200.080.000 Frs CFA (environ 304.535,769
Euros39) qui reste à recouvrer, Mont-Bouët est aussi le
marché qui doit le plus à Mairie de Libreville. Selon les
registres municipaux, le recouvrement journalier sur le marché
s'établi aux alentour de 2.000.000 Frs CFA (3.000 Euros environ),
même si ce qui n'est pas le cas tous les jours40.
37 Taxes et impôts perçues par la
collectivité locale pour faire face à ses dépenses.
38 Délibération n°002/2004/CL-CM :
Réglementant la location des kiosques et stands dans les
marchés
municipaux (voir annexes).
39 1 € = 657 Frs CFA.
40 Mairie de Libreville : Services des marchés,
2006.
III.4.1 - Avoir une place sur le marché
![](Logiques-d-amenagement-d-un-marche-urbain-ou-construction-du-risque-environnemental-L-exemple-du72.png)
57
« Obtenir une place sur le marché est un obstacle
bien plus grand que d'obtenir des marchandises ». Ce constat souligne la
difficulté pour un commerçant d'avoir accès aux
marchés centraux, qu'il s'agisse de Dakar, d'Abidjan, de Lomé,
d'Accra, de Libreville, Yaoundé, etc. est plus que jamais
d'actualité (Lewis et Robertson, 1976)41.
Pourtant, la congestion de ces marchés par des vendeurs
ambulants "illégaux" donnant à penser que les Autorités
ont souvent renoncé à en réguler l'accès sous
l'effet de la pression des commerçants, en particulier, et de l'opinion
publique, en général, peut sembler paradoxale. En
réalité, obtenir une place régulière sur le
marché central reste l'objectif premier de tous ces vendeurs
"illégaux" très conscients de la précarité de leur
situation.
Mais à ces comportements corporatistes, acceptés
comme des règles du jeu inhérentes à la réalisation
de certaines activités commerciales, sont venues s'ajouter des pratiques
dues à la concurrence exacerbée que se livrent les marchands pour
obtenir une place sur un marché déjà lourdement
saturé.
Ceci explique l'opacité qui entoure encore,
aujourd'hui, les conditions réelles d'attribution d'un emplacement sur
les marchés centraux d'Afrique en général et de celui de
Mont-Bouët en particulier et dont l'arbitraire est constamment
dénoncé par les commerçants eux-mêmes : « Plus
de démocratie et d'équité dans la distribution des places
», tel est l'un des souhaits majeurs en matière de gestion des
marchés.
Les règles d'attribution des places de
marché42, sont partout transgressées et le
marché de Mont-Bouët en est un exemple. Nous avons pu constater
qu'entre le nombre d'installations sur le marché et le nombre de
vendeurs, de même que la liste d'attributaires que l'on peut trouver
auprès de la municipalité n'a qu'un lointain rapport avec la
réalité.
41 B.S. Lewis & C. Robertson (1976) « Women
in Africa : Studies in social and economical change »,
Hafkin and Bay, SUP.
42 Sous-location de locaux interdite, un seul
attributaire par emplacement.
![](Logiques-d-amenagement-d-un-marche-urbain-ou-construction-du-risque-environnemental-L-exemple-du73.png)
58
III.4.1.1 - La sous-location et la revente de pas
porte43
Bien qu'étant prohibée par les règles
d'attribution de place sur un marché, la sous-location et la revente de
pas-de-porte sont des pratiques généralisées sur
pratiquement tous les marchés.
Les installations les plus couramment sous-louées sont
les boutiques et les hangars. A Mont-Bouët, on observe une situation assez
exceptionnelle : celle de la sous-location généralisée des
« stands » (étals maçonnés). La sous-location de
ce type d'installation se pratique entre attributaires nationaux «
propriétaires non commerçants absentéistes » et
commerçants étrangers.
Deux éléments principaux sont à souligner
à cet effet, dans presque tous les cas recensés sur le terrain
(informations obtenues auprès du commerçant), le sous-locataire
paye sa redevance au service du marché en plus du loyer qu'il reverse au
propriétaire des lieux, les montants de la sous-location
représentent toujours une charge beaucoup plus lourde que le paiement de
la redevance mensuelle ou du droit de place. Les montants de la sous-location
varient suivant le type d'installation, sa localisation dans le marché
et les produits vendus par le sous-locataire.
- La cession
La cession d'installations est aussi une pratique courante.
Elle aurait été particulièrement fréquente entre la
fin des années 1980 et le début des années 1990, dates qui
marquent, sur le marché, l'essor important des vendeurs de produits
manufacturés (produits "riches").
- La multipropriété
Il est très courant qu'un vendeur dispose de plusieurs
installations de vente à travers des prête-noms. Nous avons pu
constater que ces cas de multipropriété concernent exclusivement
les commerçants de produits manufacturés à forte valeur
ajoutée et les commerçants de produits alimentaires de
première nécessité (riz, sucre, farine, sel, etc.).
- Le partage des installations
La pratique inverse de partage d'une installation par
plusieurs vendeurs est tout aussi répandue. Deux causes distinctes sont
à l'origine de cette situation : la saturation du marché et donc
l'impossibilité d'obtenir un emplacement, de même que la
nécessité de partager les frais d'installation et d'exploitation
de l'installation.
43 Revente de pas porte : Compensation
financière versée au propriétaire avant l'entrée
dans les lieux et
dont il est difficile de déterminer les contours.
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