III PROBLEMATIQUE
La richesse biologique et minière de la partie Sud du
Cameroun et particulièrement, du Sud-est Cameroun suscite, de nos jours,
de nombreuses convoitises et enjeux. Il s'agit pour les populations de trouver
les moyens pour assurer leur survie, pour les exploitants forestiers de
rechercher les essences précieuses, pour le gouvernement et les ONG de
conservation d'instaurer et de veiller à une exploitation durable de ces
ressources. Il s'est tenu en Mars 1999 à Yaoundé un sommet des
chefs d'Etat d'Afrique centrale sur la conservation des forêts du bassin
du Congo, sanctionné par la déclaration de Yaoundé. A la
suite du sommet de Yaoundé, considérant leur intérêt
commun à conserver l'écosystème forestier du bassin du
Congo et son importance régionale et planétaire, les
gouvernements du Cameroun, du Congo et du Gabon avec certaines ONG de
conservation (WWF, WCS, UICN) ont travaillé à la mise en place de
la tri nationale Dja-Odzala-Minkébé (TRIDOM). Le TRIDOM est
né d'un accord de coopération entre les gouvernements de la
République du Cameroun, République du Congo et la
République du Gabon en février 2005. Cet accord de
coopération marque l'engagement de ces pays à mettre en oeuvre un
système de gestion participative du complexe
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TRIDOM et son interzone dans l'optique de maintenir les fonctions
et la connectivité
écologiques dans la zone et d'assurer la conservation
à long terme de son système des aires
protégées.
La TRIDOM est une zone forestière tri nationale qui
comprend 10 aires protégées :
? Dja, Nki, Boumba-Bek, Mengame ,Nkom (Cameroun) ;
? Odzala-Kokoua , Lozi (Congo) ;
? Minkébé, Ivondo, Mwagne (Gabon).
Ces aires protégées sont reliées entre
elles par un vaste interzone qui relève territorialement et
juridiquement de chacun de ces pays. Toutes les aires protégées
du complexe sont réservées à la conservation et les
activités humaines sont, soit interdites, soit restreintes. L'interzone
est divisée en plusieurs zones : zones de production forestière,
zones de chasse sportive, zones de chasse communautaire, zones d'agroforesterie
et les zones d'exploitation minière1; ou de
développement de toute activité compatible avec la conservation.
L'interzone doit être gérée dans le but de promouvoir la
conservation et l'utilisation rationnelle des ressources naturelles en vue de
répondre au besoins des populations locales en matière de
développement et de la réduction de la pauvreté en les
impliquant dans la gestion des ressources naturelles.
L'interzone Réserve du Dja parc national de Nki est
entourée de plusieurs aires protégées : Réserve de
la Biosphère du Dja (R B D), parc national de Nki et parc national de
Minkébé (Gabon). Cette zone était une concession de
conservation. Sa mise en exploitation a été gelée pour
servir de corridor de déplacement des grands mammifères entre les
aires protégées transfrontalières du Cameroun
(Réserve de biosphère du Dja et Parc national de Nki...), du
Congo (Parc national d'Odzala...) et du Gabon (Parc national de
Minkébé...). Dans le plan indicatif d'utilisation des terres
forestières du Sud Cameroun, elle fait partie du domaine forestier
permanent (Usongo & al 2007). Des options de gestion de cette zone ont
été proposées par la Direction de la Faune et des Aires
Protégées (DFAP)2 en 2006 et le WWF en
(2007)3. Cette interzone est d'une importance capitale pour la
réussite du projet Tridom. Elle est considérée comme un
« site prioritaire de la biodiversité » par le WWF ; ceci
parce que :
? C'est une zone très riche en biodiversité
floristique (Ngalla, 2007 cité par le Usongo & al, op. cit) et
animale (Nzooh, op.cit) ;
1 COMIFAC, 2005 : Accord de coopération,
Article 1 et 2
2 DFAP, 2006 : Proposition de gestion des UFA
gelées en exploitation pour la conservation
3 Usongo &al, 2007 : Orientation
stratégiques pour la gestion du massif forestier Ngoila-Mintom
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? C'est le couloir de migration des éléphants
entre la forêt de Ngoila et la RBD, entre le parc national de Nki et le
massif forestier de Souanké-Sembé (Congo), entre le Sud-Ouest de
l'interzone et le parc national de Minkébé (Usongo & al,
2007).
Cette forêt est un espace-ressource social,
économique et culturel pour les Baka qui vivent dans la zone. Elle fait
également l'objet de plusieurs sollicitations de la part des immigrants
installés dans la zone. Cette présence humaine entraîne une
exploitation ressources naturelles et le développement de nombreuses
activités. L'exploitation des ressources forestières est
régie par une réglementation qui obéit aux normes et aux
conventions internationales de protection de l'environnement. Mais, sur le
terrain, l'exploitation n'est pas toujours conforme à la
règlementation en vigueur. En effet, de nombreuses menaces (l'extension
des espaces agricoles au détriment de la forêt, la chasse sous ses
différentes formes, l'exploitation minière, l'exploitation
industrielle du bois...) planent sur la forêt Ngoyla -Mintom (Usongo
& al, op. cit ; COMIFAC, 2008).
Le sud-est du Cameroun en général et l'interzone
Réserve du Dja-parc national de Nki offre le paysage d'une région
très pauvre et très enclavée. Les populations de cette
région du pays dépendent largement des activités
d'exploitation des ressources forestières et fauniques pour leur
subsistance. De plus, ces populations sont directement affectées par la
mise en place du TRIDOM. La mise en place de l'interzone du TRIDOM se superpose
aux territoires traditionnels de chasse, de cueillette et d'agriculture dont
les milliers de pygmées Baka et plusieurs autres populations
installées dans la région dépendent (John Nelson, 2005).
Ces projets imposent de nouvelles règles d'utilisation de la forêt
qui constitue leur espace vital ; ils affectent également leur
possibilité d'y accéder et d'utiliser les ressources sur
lesquelles est fondée leur vie.
Dans ce massif forestier où certains secteurs
appartiennent au domaine forestier permanent, des activités anthropiques
s'implantent. L'installation anarchique des populations dans la partie
occidentale du massif4 pèse sur la biodiversité et le
maintien de la connectivité écologique entre les aires
protégées du TRIDOM. Le braconnage s'intensifie dans certains
secteurs du massif.
4 « Suivant le plan de zonage indicatif de la zone
forestière du Cameroun (Décret n095-678-PM du 18 décembre
1995), aucune bande agro-forestière n'a été prévue
entre Mintom et Lélé. Avec la réouverture de la route
Mintom- Lélé -Mbalam, il y a dans certains secteurs une intrusion
des activités anthropiques dans le domaine forestier permanent. »
Usongo &al, 2007.
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Vivant dans une zone très enclavée et n'ayant
pour support d'activités que la forêt, la réussite de la
conservation de cette zone nécessite une bonne contribution des
populations locales. Compte tenu du fait que leurs activités ne sont pas
sans conséquences sur la conservation, nous avons formulé une
question de recherche qui nous permettra de mieux analyser les impacts des
activités des populations sur la conservation.
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