II.2. Une chasse de plus en plus moderne ou
commerciale.
La chasse commerciale est pratiquée, à
l'intérieur des communautés villageoises, par différents
acteurs dans un but clairement affiché de production de revenus
monétaires, en plus de la satisfaction des besoins nutritionnels de leur
famille. C'est, actuellement, le type de chasse pratiquée par l'immense
majorité des ruraux, avec une intensité variable d'une
localité à l'autre. Sur la base de la loi n° 94/01 du 20 Janvier
1994, portant régime des Forêts, de la Faune et de la Pêche,
il s'agit ici de toute chasse en marge de la légalité du fait
soit de l'utilisation d'armes ou des méthodes de chasse
prohibées, soit du fait du manque d'autorisation préalable de
l'administration (chasse avec fusils).
La chasse au piège est pratiquée (le
câble d'acier) par la plupart des ménages en saison des pluies, le
fusil est aussi utilisé par certains, mais plus en saison sèche.
La chasse au fusil se fait essentiellement avec des fusils à canons
lisses (calibre 12 surtout) et les fusils à canons rayés
(carabines), il est possible de rencontrer des fusils de fabrication
artisanale. La chasse au fusil est faite par les propriétaires de
fusils, mais le plus souvent par des individus à qui les
propriétaires de l'arme louent le fusil ou l'acte de chasse soit
à prix d'argent soit à prix de gibier. Cette deuxième
option est fréquemment pratiquée lorsque l'arme est
confiée à un Pygmée Baka. La chasse au fusil se pratique
aussi bien de jour que de nuit. Contrairement à la chasse diurne qui
permet au chasseur de sélectionner son gibier, la chasse nocturne est
non sélective, les espèces prélevées par cette
chasse sont tous les Céphalophinae, les Buffles (Syncerus
caffernanus), les Sitatunga (Tragelaphus spekei), les Viverridae
(Viverra civetta, nandinio binotota...), la Panthère
(Panthera pardus) et les Manidae (Manis gingantea, M.
Tetradactyla).
67
Les produits de cette chasse sont une source de revenus pour
les populations locales. Ils sont vendus soit aux autres membres de la
communauté villageoise soit aux passants. Ces produits sont vendus soit
directement au village, soit écoulés dans un village important ou
une ville proche ou vendus à un revendeur.
II.3. Une chasse dont les produits sont destinés de
plus en plus à la commercialisation.
En dehors de la satisfaction des besoins en protéine,
les produits de la chasse sont destinés à la vente. Le commerce
des produits fauniques est très développé dans la
région. Ces produits sont vendus soit à l'état frais soit
boucané. La destination des produits de la chasse dans notre zone
d'étude s'illustre à travers le graphique suivant :
78%
11%
11%
VENTE
AUTOCONSOMMATION LES DEUX
Source : Enquête de terrain, 2011.
Figure N°11: Destination des produits de la
chasse.
Il ressort de ce graphique que 78 % soit 50 personnes sur 64
chassent pour satisfaire leurs besoins en protéines et vendre une
partie. 7 personnes sur 64, soit 11 %, ne chassent rien que pour satisfaire
leur besoin en protéines. Ceux-ci sont généralement des
personnes âgées et ceux qui tendent les pièges dans leur
plantation pour attraper les animaux qui ravagent les cultures. Le reste 11 %
chassent uniquement pour vendre. Cette catégorie est constituée
de trois chasseurs professionnels et de quatre jeunes qui chassent pour
satisfaire leur besoins financiers. Ce commerce est fait aussi bien par les
hommes que par les femmes.
Généralement les hommes ramènent le
gibier de la forêt et l'exposent à côté de la route
sur des poteaux ou les claies, pour que les passants puissent mieux
l'apprécier. Si le gibier n'est pas frais, ils le font sécher
dans les séchoirs (voir la photo ci-dessous).
Généralement, ils utilisent les séchoirs qui se trouvent
dans les cuisines de leurs épouses. Pour que l'on sache qu'on vend le
gibier dans une maison, on accroche une patte de l'animal sur un poteau.
68
A
B
C
B
Source : Cliché Tatuebu, 2011.
Photo N°6 : Un chasseur avec le gibier
exposé sur le séchoir à Djadom. On observe
sur la photo ce chasseur ( A) qui a des gigots de gibier «Sanglier''(B)
qu'il vend sur son séchoir (C)
Le prix de vente des produits de la chasse varie en fonction
de l'espèce et de sa taille. Ce prix se négocie entre les deux
parties. Les espèces les plus capturées et les plus vendues sont
composées du «singe», de la «biche», des
«hérissons», du «lièvre»...comme le montre le
tableau n016 (les espèces les plus chassées dans
l'interzone). Avec l'utilisation du fusil, les espèces
protégées figurent aussi parmi les captures des chasseurs. Les
acheteurs ici sont généralement des passants. Mais, parmi
ceux-ci, il y a aussi les femmes dites "bayam sallam" qui viennent des
localités environnantes. La place des revenus tirés de la chasse
au sein des ménages s'illustre à travers le tableau ci-dessous
:
Pour estimer les revenus qu'un chasseur peut tirer de cette
activité, nous avons utilisé les informations sur le nombre de
captures journalières et le prix de vente de l'espèce dans la
localité qu'il nous donnait ; nous avons fait un bref
résumé dans le tableau ci-dessous :
Tableau N°10: Quelques animaux chassés dans
l'interzone et le prix de vente.
Nom scientifique
|
Nom en français
|
Qté attrapée /jour
|
Prix/1 en Fcfa
|
Cephalophus monticola
|
Céphalophe. bleue
|
1
|
5000
|
Cephalophus n.
nigrifons
|
Céphalophe. à front noir
|
1
|
6000
|
Gorilla gorilla
|
gorille
|
1
|
2 500 le gigot
|
Pan troglodytes
|
Chimpanzé
|
1
|
3 500 le gigot
|
|
69
Panthera pardus
|
Panthère
|
1
|
3 500 le gigot
|
Tryonomys swinderianus
|
Aulacode
|
2
|
3000
|
Francolinus sp
|
Perdrix
|
4 à 6
|
600
|
Cercopithecus neglectus de
|
Singe
|
2
|
2000
|
Cercopithecus nictitans
|
Hocheur
|
2
|
2000
|
Manis tricuspis
|
Pangolin à écailles
|
2
|
4 000
|
|
Porc-épic
|
3
|
1500
|
|
Hérisson
|
2
|
2000
|
|
Lièvre
|
3
|
1500
|
|
Sanglier
|
1
|
1500 le gigot
|
|
Source : Enquête de terrain, 2011.
Les revenus tirés de la vente des produits de la
chasse sont très importants. Les Baka , peuple réputé pour
la chasse, et certains bantous affirment qu'ils préfèrent la
chasse par rapport à l'agriculture parce que c'est moins fatiguant et
cela rapporte plus en terme de revenus. Après analyse des données
de ce tableau nous avons évalué le revenu moyen annuel d'une
personne qui fait la chasse. La méthode que nous avons utilisée
est une méthode hypothético-déductive. Après avoir
demandé l'espèce la plus capturée et la moyenne par jour
auprès de chaque personne enquêtée, nous lui avons
demandé le prix de vente de l'espèce retenue. Nous avons retenus
une seule espèce par personne. Nous avons multiplié ce chiffre
par six jours dans la semaine ensuite le prix de revenu par la moyenne de
capture journalière. Nous avons par la suite retenu 50 semaines pour une
année au lieu de 52 semaines. Ceci parce qu'il y a d'autres jours qu'ils
consacrent aux activités comme l'agriculture, même si les
pièges sont en forêt.
Parmi la population enquêtée, nous avons choisi
la gent masculine. Nous avons donc retenu les 64 personnes qui font la chasse
dans notre population enquêtée. Parmi les 64, nous avons choisi
ceux dont les produits sont destinés à la vente et la
consommation soit 50 personnes et ceux dont les produits sont destinés
uniquement à la vente soit sept. Ce qui fait un total de 57 personnes.
Le revenu moyen annuel issu de la chasse est estimé à 1 004 737
Fcfa, soit un revenu mensuel estimé à 83 730 Fcfa.
Comparativement au revenu moyen mensuel tiré de l'agriculture que nous
avons estimé à 75 970 Fcfa ; nous constatons que la principale
activité qui procure plus de revenu dans la majorité des
ménages de la zone est la
70
chasse. Selon Martial Nkolo et al (op.cit) « le
niveau des revenus tirés du braconnage est plus élevé que
les revenus agricoles ». De ces données, nous pouvons
réaliser le graphique suivant sur les sources de revenus des personnes
enquêtées :
Principales sources de revenus des
populations
Chasse agriculture commerce Pêche PFNL
exploitation
minère
90 000
80 000
70 000
60 000
50 000
40 000
30 000
20 000
10 000
0
Source : Enquête de terrain, 2011.
Figure N°12: Principales sources de revenus des
populations de l'interzone.
De ce graphique, il ressort que la chasse occupe la
première place en ce qui concerne les retombées
financières dans l'interzone. En terme de nombre de personnes
impliquées, elle vient après l'agriculture car la population
féminine qui est en majorité agricole n'exerce pas la chasse. De
plus, une activité comme la cacaoculture est aussi bien pratiquée
par les hommes que les femmes. Nous constatons ensuite que l'agriculture vient
en deuxième position au niveau des sources de revenus, puis vient le
commerce, la pêche, la vente des PFNL...
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