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La compétence des juridictions militaires congolaises face aux civils.

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par Joel BONGOLONGONDO
Université de Kinshasa - Licence en Droit 2013
  

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Conclusion Générale

L'étude des fondements théoriques et des modalités pratiques de l'exercice de la justice militaire face aux civils en République démocratique du Congo vient à la suite de la Constitution du 18 février 2006 et des instruments juridiques régionaux et internationaux ratifiés en ce jour. En effet, de manière pragmatique, il s'est agi tout au long de ce mémoire de voir ce qui est fondamentalement congolais dans la problématique de la compétence des Juridictions militaires telle qu'elle est organisée par le droit positif, de démontrer comment cette compétence ne peut plus se justifier aujourd'hui du fait de l'inconstitutionnalité des lois qui la régit. Mais au-delà on ne s'est pas empêché de s'interroger sur la pertinence logique de ce qui a conduit à l'institution de cette justice et de ses fondements.

Dans un Etat de Droit, la loi prévoit les voies et moyens de droit pour contester et même réduire à néant la décision d'une autorité judiciaire lorsque son action s'écarte de ce qui est prévu par la loi dont elle est appelée à faire application. Il y a nécessairement problème, lorsqu'il est recouru, par l'usage d'une liberté ou d'une prérogative légale quelconque, à une voie non prévue pour la finalité vers laquelle on l'utilise.335(*) C'est ce qui est prévue à l'article 162 de la Constitution de la République en la possibilité accordée aux citoyens de saisir le juge pour tout acte violant les lois du pays ou contre l'application de toute loi contraire à la Constitution.

Il est apparu que les origines de la justice militaire se situent historiquement sur le plan du droit positif écrit dans le décret du 22 décembre 1888 qui l'a instituée dès la création de la Force publique l'ancêtre des Forces armées de la République démocratique du Congo. En effet, les Juridictions militaires ont été créées avec la mission et dans l'intérêt de rétablir l'ordre public militaire et de renforcer la discipline au sein de l'Armée lorsque les sanctions disciplinaires prévues à cette fin se révèlent inefficaces. Question de temps et d'opportunité, on n'est pas allé dans les petits détails sur toute la question malgré que cela fût important.

Autorisé à juger les civils par les anciennes constitutions du pays, il a été expressément privé de cette faculté par le constituant de 2006 du moins pour le temps de paix. Toutefois, la lecture des instruments juridiques tant régionaux qu'internationaux relatifs aux droits de l'Homme, ne lui permet pas même à titre d'exception de continuer à diriger son action dans ce sens. Le faire, équivaudrait directement à la violation du droit interne qui intègre lesdits instruments dans l'arsenal juridique du pays.

Mais dans la pratique, on constate que le juge militaire continue à agir à l'égard des civils, en application des lois devenues non seulement fondamentalement et formellement inconstitutionnelles, mais aussi inappropriées par rapport à l'évolution sociale. Aujourd'hui, toute action qu'elle émane des institutions ou des individus, tourne autour de la considération de la personne humaine. L'élaboration des lois et leur application vont ainsi dans le même sens et on parle de l'humanisme et de l'humanisation tant des lois que des peines.

Humaniser en ce sens, c'est veiller à l'assainissement de la légifération nationale, en adaptant les lois pénales à la dynamique internationale. Il s'agit concrètement de dépouiller l'arsenal juridique interne de tous les textes « obsolètes », c'est-à-dire complètement dépassés et visiblement en marge des instruments juridiques internationaux quant à l'approche des matières réglementées. Humaniser, c'est aussi mettre en oeuvre un éventail de mécanismes susceptibles de sécuriser toutes les personnes traduites en justice.336(*)

Il apert donc en ce sens que, le jugement des civils pour toute infraction de quelque nature que ce soit, revienne à leur juge naturel qui de part ses atouts et sa collégialité répondant aux critères universels de l'administration de la justice, lui offre des garantis à un procès équitables. Les juridictions militaires composées des officiers dépendant de l'Armée et de la Police, n'ont pas leur place dans la répression des faits pénaux commis par des personnes qui pourtant doivent être protégées.

Permettre aux juges assesseurs militaires pour juger les civils mêmes dans les matières qui ne requièrent pas nécessairement une expertise ou technicité militaire, c'est provoquer une situation où on n'évite pas la possibilité, pour un pouvoir, le cas du commandement militaire, d'exercer des pressions sur d'autres par des interférences. Les organes ou autorités doivent être mutuellement indépendants.337(*)

S'il est nécessaire que les civils qui commettent des infractions dirigés contre l'Armée et la Police et ceux qui commettent des infractions aux moyens d'armes de guerre notamment les vols à mains armées, des mouvements insurrectionnels avec port d'armes et munitions, soient jugés par ceux qui connaissent et ont la maitrise sur la manipulation d'armes et munitions de guerre; de le ferenda, le législateur pourra élargir les compétences du Parquet militaire, lui permettant d'instruire sous l'oeil vigilent du juge concerné, tant pour les infractions commises par les militaires que celles commises par les civils, à la condition de renvoyer l'inculpé par une décision de renvoi devant son juge naturel.

Cela revient à dire que si un civil commun une infraction à caractère purement militaire, l'instruction préparatoire pourra se faire au Parquet militaire sous le contrôle du parquet ordinaire équivalent ou approximativement supérieur pour éviter les interférences du commandement militaire, et à la clôture de l'instruction, si le magistrat militaire chargé de la cause estime qu'il des indices de culpabilité susceptible à établir la condamnation, renverra simplement son inculpé devant son juge ordinaire compétent. En cas de connexité d'une même infraction ou des poursuites contre les civils et les militaires en participation, c'est la juridiction ordinaire compétent du rang le plus élevé qui connaitra de l'affaire, ce à la lumière de la disposition de l'article 100 de la loi organique du 11 avril 2013 sur les juridictions de l'ordre judiciaire.

Ainsi donc, rien ne peut justifier une quelconque hypothèse de traduction des personnes civils devant le juge des Forces armées qui du reste n'est en réalité qu'un disciplinaire plutôt qu'un juge de pure justice.

Cependant, il convient d'affirmer avec force qu'aux regards des dispositions du droit positif interne et des instruments juridiques internationaux qui d'ailleurs font partie du droit interne au nom du monisme congolais, les civils ne peuvent pas en temps de paix tout comme en temps de guerre malgré l'hypothèse des circonstances exceptionnels, être déférés devant une juridiction militaire. Cela se justifie par le fait que la Constitution de la République dans son article 156 alinéa 1er, a expressément limiter la compétence des Juridictions militaires. Cela aussi se justifie du fait de déphasage des Codes pénal et judiciaire militaires à l'évolution du Droit constitutionnel congolais et du Droit international en la matière. Aussi, fort est de rappeler l'incidence des dispositions de ces deux codes contenant la peine de mort et celles obligeant de la prononcer dans certains cas, sur la protection et la promotion des droits et du bien-être de l'Homme (hommes, femmes et enfants nés et à naître) devenues un cheval de bataille pour tous les États modernes et civilisés.

De ce fait donc, tout civil qui se verra traduit devant un juge militaire pour quelque motif que ce soit, si ce juge ne le renvois pas devant un juge ordinaire compétent, et se verra appliquer une disposition condamnant à la peine de mort, devrait saisir le juge constitutionnel pour l'inconstitutionnalité tant de la compétence du juge que de la loi lui appliquée. C'est ce qui est démontré sans conteste dans les lignes qui composent cet opus.

Enfin, l'assainissement de la justice tant civil et que militaire, consistera pour sauvegarder l'image d'un État de droit et aussi un État démocratique, en l'abolition pure et simple de la peine de mort, peine de la honte et de pire sacrilège qui fait du juge un assassin légaliste en commettant lui-même un crime contre celui qu'il qualifie de criminel par sa décision. Le toilettage de toute disposition légale donnant la possibilité de condamnation à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants s'avère indispensable.

Cicéron n'avait-il pas raison de dire que «  si l'âme ne pressentait rien pour l'avenir et si les frontières qui tiennent enclos l'espace de la vie servaient aussi de limites à toutes ses pensées, l'homme ne s'épuiserait pas à de si durs labeurs, il ne se tourmenterait pas dans tant de soucis et de veilles, il n'exposerait pas si souvent jusqu'à sa vie? »338(*)

En somme, l'évolution moderne des idées en faveur d'une plus grande justice et d'un meilleur respect de la liberté et de la dignité de la personne humaine exige un nouvel aménagement du Droit pénal militaire.339(*) Et la Justice militaire, doit rester dans les limites des camps militaires sans sortir de ses limites. Les civils n'ont pas besoin d'un juge militaire, juge de discipline, le droit n'étant nullement la morale.

* 335 D.KALUBA DIBWA, op.cit., p. 477.

* 336 L. MUTATA LUABA, op.cit., pp.14-15.

* 337 A.D. NTUMBA LUABA LUMU, op.cit., p.338.

* 338 CICERON, « Plaidoyer pour le poète A. Licinius Archias », 29, in Le Vade mecum de 6ème Littéraire., INILU, 1990, P.16.

* 339 R.GASSIN, Avant-propos, in Général N. LIKULIA BOLONGO, op.cit., p. VI.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand