La compétence des juridictions militaires congolaises face aux civils.( Télécharger le fichier original )par Joel BONGOLONGONDO Université de Kinshasa - Licence en Droit 2013 |
Section 2ème : Les droits mis en jeu.Les droits mis en jeu au cours d'un procès pénal, sont les Droits reconnus à tout être humain, entendus comme les droits inhérents à la vie humaine et spécialement protégés en tant que tels si bien que le législateur ne peut y porter atteinte. En d'autres termes, il s'agit des droits que chacun détient en tant qu'être humain.290(*) Comme il a été relevé ci-haut, la juridiction pénale ne siège que pour juger une personne ou des personnes dont chacune a au moins une histoire, une culture, une identité et appartient à un groupe social ou une communauté. Et que dans bon nombre de cas, la personne est poursuivie pour des faits qui ont porté atteinte aux droits garantis directement à une personne ou à des personnes même indirectement. Il résulte de cette considération que la décision du juge pénal touchera d'une part sur les droits de la personne poursuivie et d'autre part sur les droits de la victime ou des victimes. C'est ainsi que les droits à la vie, à la liberté, au patrimoine, à un procès équitable, à la resocialisation et à la réparation du préjudice subi sont mis en jeu et mérite une attention particulière. §1er : Au niveau du Prévenu.Tout homme a droit à la vie et à tout ce qui est inhérente à cette vie qui est sacrée et doit à tout prix la protéger; peu importe l'état ou le rang de la personne. L'assassin, le voleur, le pilleur, l'instigateur, l'insurgé, l'incitateur, le violeur n'est pas à écarter de cet aspect de choses. C'est un être humain qui a droit à la vie et doit tout de même en jouir malgré ses écarts, ses inadaptations et ses revirements sociaux. C'est à ce prix que l'avenir de l'humanité comme il convient de le soutenir avec BANDINTER Robert, s'inscrit dans le respect de la vie qui est sacrée (article 16 de la constitution congolaise). Celui qui prend la vie d'autrui commet le pire des sacrilèges.291(*) A. Menace de la mauvaise conception du Droit pénal sur les droits de l'Homme.Lorsqu'une personne est condamnée à la peine de la honte et horrible qu'est la peine de mort, sa vie part et son droit de jouir à la vie est bafoué, en cas d'emprisonnement à vie désignée au nom de la servitude pénale à perpétuité au Congo-Kinshasa, c'est la jouissance à la vie et à la liberté qui partent emportant ainsi aux uns et aux autres le droit qui leur est reconnu d'avoir un mari, une femme, un enfant, un frère, un membre de la communauté qui doit d'ailleurs être un homme libre; mais quelle liberté par ce qu'il risque de croupir dans les ténèbres de prison; en cas de condamnation temporaire, c'est tout un projet de société qui part emportant toute garantie à un avenir meilleure, des emplois à perdre, des études à interrompre, des mariages voués à l'instabilité, des foyers déstabilisés. Et en cas de condamnations aux amendes, c'est tout un patrimoine qui subit, pourtant c'est une succession future qui est menacée alors qu'il faut la protéger si du moins on pense aux droits de l'enfant qui peut être est encore dans le sein maternel. Poète, tu parleras la langue de la justice pour ceux dont on aveugle la vue au fer des barreaux. Mais tout cela, O Dieu! Au nom de la justice, et de l'autre côté on crie aux droits de l'Homme, quel homme? Qui parmi les parlementaires (législateur), les juges, les victimes, les accusateurs, les spectateurs, les amoureux des sentences odieuses n'est pas assassin, meurtrier, voleur, violeur, détourneur, instigateur? Peut-être par ce qu'on est protégé, on n'a pas été attrapé, on est au-dessus de la loi par défaut et on est intouchable. Et si l'État avait l'oeil de Dieu? Comme on le voit, le procès pénal est très délicat et constitue une menace aux droits de l'Homme envisagés dans l'ensemble, ces droits de l'Homme tant vantés de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud, que vais - je dire dans ce monde?292(*) Le rôle traditionnel des droits de l'Homme, c'est de protéger du pénal, protéger la personne contre les menaces que fait planer l'intervention du droit pénal sur ses droits. En Europe historiquement, vous le savez aussi note Françoise TULKENS, la fameuse déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 a formulé des principes de base destinés à protéger l'individu contre ce qu'on appelait à l'époque la répression d'un pouvoir sans borne et sans limite. Et plus progressivement rapporte-t-elle, ces principes se sont inscrits dans le droit positif de nombreux pays, et punis dans tous les textes universels et régionaux portant reconnaissance des droits fondamentaux et qui ont jalonné l'histoire du vingtième siècle. Alors l'ensemble de ces garanties dit-elle encadrent, limitent l'intervention pénale dans ses quatre points cardinaux : l'infraction, l'auteur, la peine, le procès. Et on peut dire que ces garanties représentent aujourd'hui, ou, des valeurs universelles. Et ça fait du patrimoine commun.293(*) Loin de prétendre à l'idée de faire perdre au Droit pénal son caractère sanctionnateur, toutefois devrait être évitée l'idée de limiter le droit pénal ou la justice pénal à un seul aspect; plus qu'un droit sanctionnateur, il se veut aujourd'hui par la resocialisation du coupable, un instrument de protection et de promotion des droits et libertés fondamentaux garantis aux personnes humaines de toute race, de tout rang et de tout sexe. Réprimer, condamner, oui. Mais hélas! Il faut qu'en instituant une juridiction pénale, tenir compte de la nature et de la valeur sociale indéniable de l'être humain. C'est-à-dire que l'organisation de la répression devant ainsi tenir compte de l'humanisation de la peine et de l'humanisme dans le déroulement de l'instance. Étant une institution destinée à réguler les rapports des hommes vivant en société, la justice pénale doit être adaptée à leurs spécificités socioculturelles, et aux caractéristiques physiques et matérielles de leur environnement(...). Parmi les traditions, il en est qui se présente comme immuables intangibles, et qui caractérisent profondément un peuple au point tel que s'y attaquer équivaudrait à combattre l'identité même de ce dernier.294(*) De ce point de vue, les juridictions militaires congolaises telles qu'elles fonctionnent aujourd'hui tenant compte des lois qui leur attribuent des compétences et dont elles sont appelées à appliquer en même temps, ne sauraient remplir cet autre rôle de la justice pénale dans un État de droit où les droits de l'Homme sont censés être protégés, ce qui est du reste le souhait des femmes et des hommes qui en sont membres. Faut-il encore relever que plusieurs aspects démontent l'incompatibilité des juridictions militaires congolaises en ce qui concerne la promotion et la protection des droits de l'Homme. En effet, ces juridictions à ce que l'on dit et selon ce que renseigne l'expérience, font de la peine de mort leur cheval de bataille. Ceci n'est moins vrai qu'une simple affirmation d'autant plus que non seulement qu'il y a soixante et un articles du Code pénal militaire congolais qui prévoient expressément la peine de mort avec des dispositions qui obligent à la juridiction de la prononcer, mais aussi cette peine a plusieurs fois été prononcée même par des juridictions militaires instituées à l'échelon international. Pour s'en convaincre, le Tribunal Militaire International de Nuremberg a prononcé douze condamnations à mort, trois peines d'emprisonnement à vie (...), tout comme ce dernier, le Tribunal Militaire de Tokyo est plus considérée comme un tribunal des vainqueurs contre les vaincus, et non comme un tribunal équitable et indépendant et il fut très politique.295(*) Encore, le Comité des droits de l'Homme des Nations Unies a noté que l'existence dans des nombreux pays, des tribunaux militaires ou d'exception qui jugent des civils « risque de poser de sérieux problèmes en ce qui concerne l'administration équitable, impartiale et indépendante de la justice ». Très souvent d'après le Comité, « lorsque des tels tribunaux sont constitués, c'est pour permettre l'application de procédures exceptionnelles qui ne sont pas conformes aux normes ordinaires de la justice. S'il est vrai que le Pacte n'interdit pas la constitution de tribunaux de ce genre, les conditions qu'il énonce n'en indiquent pas moins pas moins clairement que le jugement de civils par ces tribunaux devrait être très exceptionnel et se dérouler dans des conditions qui respectent véritablement toutes les garanties stipulées à l'article 14. »296(*) C'est le souci de la sauvegarde et de la protection des Droits de l'Homme qui motive ce genre d'observations et recommandations. Cependant, le cas de la République démocratique du Congo ne peut que susciter et émettre des doutes sur l'administration d'une véritable justice. Le cas le plus frappant est celui récent du tribunal militaire de garnison de Lubumbashi qui pour plaire à qui on se demande, s'est précipité pour condamner sommairement quatre étudiants, à mort en violation de tous les principes de garantie à une justice équitable. En effet, le 13 septembre 2013, ce tribunal a, à la suite d'un procès organisé suivant la procédure de flagrance, condamné quatre personnes civiles, tous étudiants, à la peine de mort aux motifs qu'elles se seraient rendues coupables des infractions de détention d'armes de guerre et d'association de malfaiteurs, lit-on dans Kongo Times.297(*) Il s'agit des étudiants Ngonga Kanku Jean, Mongwelega Nyakwako Éric, Lokoba Lwasondela et Kigana Lukisa. Le procès a été organisé en plein air, sur la place de la société nationale de chemin de fer du Congo (SNCC), dans la commune de Lubumbashi, en présence des autorités politico-administratives locales dont le Ministre provincial de l'intérieur, l'Inspecteur provincial de la Police et le Maire de la ville, rapporte Kongo Times! Si par faute de preuve l'on peut se réserver de toute affirmation, l'on pourra plutôt s'interroger sur les injonctions qui pouvaient peser sur le juge avant de statuer surtout que le verdict était tant attendu par cette foule hybride. Violation des droits de l'Homme dans ce procès flou? Le Président de l'ONGDH ACAJ précité a souligné avec force dans ce site web que les condamnés ont été privés du droit de se faire assister de conseil de leur choix. Ceux qui les ont assistés a-t-il dit, leur ont été commis d'office par le tribunal sans possibilité d'en apprécier leur compétence et expérience par rapport à la gravité des faits leur imputés. D'après cette ONGDH, des mesures d'instruction supplémentaires qu'ils avaient sollicitées dont la descente sur terrain et comparution de témoins à décharge ont été écartées par le Tribunal sans aucune motivation objective. Deux de condamnés ont déclaré à ACAJ avoir été torturés lors de leur garde à vue à la Police du 09 au 10 octobre 2013, pour les contraindre à avouer les faits mis à leur charge. Le Tribunal avait comme relève ce rapport, arbitrairement refusé contre toute attente des prévenus de procéder à toutes mesures utiles pour la manifestation de la vérité, et des preuves pouvant conduire au non-lieu ont été arbitrairement écartées. Les auteurs de torture n'ont jamais été interpellés.298(*) * 290 J.DENNELY, Qu'est-ce que les Droits de l'homme ?, cité par AMISY HERADY, op.cit., p. 126. * 291 R. BADINTER, Contre la peine de mort, Fayard, Paris, 2006, p. 12. * 292 KALONJI Bill Clinton, Chanson populaire, Album Miracle, in Les Marquis de Maison Mère, N'diaye Productions, Kinshasa 2005, inédit. * 293 F. TULKENS, art.cit., p. 86. * 294 J.P. FOFE DJOFIA MALEWA, op.cit., p. 421. * 295 E.J. LUZOLO BAMBI LESSA et N.A. BAYONA ba MEYA, op.cit., pp. 667-668. * 296 Observation Générale no 13 relatif aux Droits civils et politiques, Nations Unies, in M.WETSH'OKONDA KOSO, op.cit., p. 21. * 297 http//:www.Kongo Times! Info, consulté le 18/10/2013, 08 heures 16'. * 298 In idem loco. |
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