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La compétence des juridictions militaires congolaises face aux civils.

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par Joel BONGOLONGONDO
Université de Kinshasa - Licence en Droit 2013
  

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B. Dispositions internationales consacrées en Droit interne.

Il est de bon droit que les instruments juridiques régionaux et internationaux ratifiés comme le réaffirme le Peuple congolais dans le préambule et l'exposé des motifs de la Constitution, font partie de l'arsenal juridique interne. C'est ainsi que l'incompétence des juridictions militaires congolaises face aux civils, se recrute notamment dans les dispositions contenues dans ces différents instruments juridiques.

En effet, le 1er considérant de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme adoptée par la résolution 217 A de l'Assemblée Générale des Nations Unies dans sa troisième session du 10 décembre 1948, les peuples des Nations Unies dont la République démocratique du Congo fait partie, considèrent : « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. »180(*)

L'on s'interrogera cependant si l'organisation, le fonctionnement et le rattachement de la justice militaire à un organe de l'Armée et du Ministère de la défense avec sa spécialité d'être le prolongement du Commandement militaire pour le renforcement de la discipline au sein des Forces armées et de la Police nationale, correspondent au principe sus-venté de la DUDH.

Ainsi aux termes de l'article 5 de la DUDH, nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. On se demande si la boucherie du Code pénal militaire dans ses multiples dispositions qui prévoient la peine de mort ne se heurte pas contre cette disposition. Car, aucun traitement et aucune peine, n'est cruel ni inhumain ou plus dégradant que la peine de mort laquelle tout être humain redoute a en horreur. Mais le Code pénal militaire qui définit les infractions qui ne doivent être jugées que par les Juridictions militaires prévoit abondamment ces peines.

En revanche, l'article 10 de cette même déclaration prévoit que : « toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »181(*)

Nul n'ignore que la Justice militaire congolaise est le prolongement du Commandement militaire, elle est une des branches de l'Armée et que de ce fait, elle ne saurait ni être impartiale, ni garantir le droit à un procès équitable comme le prévoit cet article.

Pour sa part, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l'Assemblée Générale des Nations Unies dans sa Résolution 2200 de la vingt et unième session du 16 décembre 1966, ratifié par la République démocratique du Congo le 23 mars 1976, dans son article 6 au point 2 prévoit que : « dans les pays ou la peine de mort n'a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves, conformément à la législation en vigueur au moment où le crime a été commis et qui ne doit être en contradiction avec les dispositions du présent pacte ni avec la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Cette peine ne peut être appliquée qu'en vertu d'un jugement définitif rendu par un tribunal compétent. »182(*)

Il est clair que le Code pénal militaire congolais dont les infractions relèvent de la compétence exclusive des juridictions militaires (article 217) prévoit la peine de mort même pour les peines les moins graves. Dans le préambule du statut de Rome de la CPI, ratifié par la République Démocratique du Congo le 30 mars 2002 suite au Décret-loi no 013/2002, les parties ont eu à l'esprit qu'au cours de ce siècle, des millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont été victimes d'atrocités qui défient l'imagination et heurtent profondément la conscience humaine.183(*)

Les parties ont en outre souligné que la CPI dont le présent statut porte création est complémentaire des juridictions criminelles nationales.184(*) Malgré, comme on le voit, que le fait pour le statut de qualifier les crimes des plus graves comme défiant l'imagination et heurtant profondément la conscience humaine, ne les a pourtant pas punis de mort et cela qu'ils aient causé quels dégâts.

C'est ce qu'on peut lire dans l'article 77 qui prévoit ceci : « la Cour peut prononcer contre une personne déclarée coupable d'un crime visé à l'article 5 du présent statut (crime de guerre, crime contre l'humanité et le crime de génocide) l'une des peines suivantes :

a) Une peine d'emprisonnement à temps de 30 ans au plus;

b) Une peine d'emprisonnement à perpétuité si l'extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient. »185(*)

Il est cependant regrettable que la République démocratique du Congo qui a expressément prévu ces crimes dans le Code pénal militaire puisse continuer à garder une telle législation qui prévoit des peines aussi graves même pour des infractions qui ne défient pas l'imagination comme ceux de la CPI.

Les États africains en ce qui leur concerne par l'entremise de la Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples ratifié par la République démocratique du Congo alors Zaïre le 20 juillet 1987 sous l'ordonnance-loi no 87-027, ont réaffirmé leur attachement aux libertés et aux droits de l'Homme et des peuples contenus dans les déclarations, conventions et autres instruments adoptés dans le cadre de l'Organisation de l'Unité Africaine, du Mouvement des Pays Non-alignés et de l'Organisation des Nations Unies.

Ainsi, il est prévu ce qui suit à l'article 5 de cette Charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples : « tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d'exploitations et d'avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites. »186(*)

La question des peines et des traitements cruels, inhumains ou dégradants méritent d'être vue avec un oeil des droits de l'Homme en mettant l'accent sur le respect de la dignité de la personne humaine. En fait, il est sans doute qu'aucune peine n'est plus cruelle, plus inhumaine ou plus dégradantes que la peine de mort ou même la peine de servitude pénale à perpétuité en considération des conditions de vies dans les milieux carcéraux de la République démocratique du Congo. Et si les État du monde s'insurgent contre les traitements cruels, inhumains ou dégradants, ils redoutent sans doute la mort qui est une élimination qui prive la société de ses membres. La loi pénale militaire tant de fond que de forme ne s'inscrit pas dans cette logique et par conséquent, le fait pour les Juridictions militaires de juger les personnes et les faire appliquer ces lois, constitue un non-respect et une violation pure et simple des engagements internationaux et régionaux par le pays de Lumumba.

L'article 7, point 1 litera d de ladite charte demande à ce que toute personne soit jugée dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale. Malheureusement, l'article 209 du Code judiciaire militaire auquel les magistrats instructeurs militaires trouvent refuge en violation des droits et libertés garantis aux détenus. En effet, cet article dispose que : « si l'instruction de l'affaire doit durer plus de quinze jours et que le magistrat instructeur militaire estime nécessaire de maintenir l'inculpé en détention, il en réfère à l'Auditeur militaire. Celui-ci statue sur la détention provisoire et décide sur sa prorogation pour un mois; et, ainsi de suite, de mois en mois, lorsque les devoirs d'instructions dûment justifiés l'exigent. Toutefois, la détention préventive ne peut être prorogée qu'une fois si le fait ne paraît constituer qu'une infraction à l'égard de laquelle la peine prévue par la loi n'est pas supérieure à deux mois de servitude pénale. Si la peine prévue est égale ou supérieure à six mois, la prolongation de la détention préventive ne peut dépasser douze mois consécutifs. Dépassé ce délai, la prorogation est autorisée par la juridiction compétente. »187(*)Par la référence à cette disposition, il est une pratique malheureuse qui a élu domicile dans les Parquets militaires au fait que même si rien n'exige le maintien du prévenu en détention quant à la procédure, mais parce que le magistrat a été négligeant ou n'a pas eu le temps de poursuivre l'enquête, il se contente simplement de couvrir sa défaillance par la prorogation de cette détention préventive au détriment alors de l'inculpé.

Le devoir dont les Nations africaines par l'entremise de leurs Chefs d'États et Gouvernements se sont fait, mérite d'être pris en compte concernant l'incompétence en vigueur des juridictions militaires. En effet, comme on va le comprendre, l'article 26 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des peuples prévoit ce qui suit : « les États parties à la présente charte ont le devoir de garantir l'indépendance des tribunaux et de permettre l'établissement et le perfectionnement d'institutions nationales appropriées chargées de la promotion et de la protection des droits et libertés garantis par la présente charte. »188(*)

On ne le dira jamais assez, les juridictions militaires sont soumises au Commandement militaire de qui elles reçoivent des instructions, font partie des services des Forces armées et dépendent aussi du Ministère de la Défense nationale. A cela s'ajoute le principe de la subordination hiérarchique auquel les magistrats militaires sont soumis. Ce qui ne permet jamais à ces juridictions de fonctionner conformément à cet instrument d'intégration régionale. Deux situations peuvent amener à mettre à l'écart une possibilité éventuelle de l'indépendance de la Justice militaire : d''abord le fait que tous les magistrats doivent être revêtus de la qualité de militaire et sont de ce fait des militaires à part entière soumis à la hiérarchie du Commandement et ensuite le fait qu'il est prévu dans la composition du siège, l'existence des juges assesseurs recrutés parmi les officiers de l'Armée et de la Police ne justifiant nullement d'une formation suffisante en Droit moderne, soumis eux aussi aux Commandants des Unités dans lesquels ils sont administrés.

L'article 30 se veut plutôt créateur d'un organe. En effet, cet article prévoit ce qui suit : « il est créé auprès de l'OUA une Commission Africaine des Droits de l'Homme et des peuples ci-dessous dénommée « la Commission », chargée de promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique. »189(*)

Cette commission comme l'ont voulu les États africains, a pour mission aux termes de l'article 45, de formuler et élaborer, en vue de servir de base à l'adoption de textes législatifs par les Gouvernements africains des principes et des règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de l'Homme et des peuples et des libertés fondamentales notamment. Cela implique que les législations des pays membres doivent être conformes ou s'adapter aux Directives et recommandations de cet Organe qu'ils ont dû créer.

C'est en vertu de cette compétence que la Commission a consacré dans ses Directives suscitées le droit des civils à ne pas être jugés par un tribunal militaire. Elle a de ce fait énoncé que les tribunaux militaires ne peuvent en aucune circonstance juger des civils en précisant que ces tribunaux ont pour seul objet de connaître des infractions d'une nature purement militaire commise par le personnel militaire.

Soucieuse de sauvegarder et de promouvoir les droits de l'Homme comme elle se montre du moins dans sa volonté, la République démocratique du Congo a ratifié la Charte Africaine des droits et du bien-être de l'enfant par le décret-loi no 007/01 du 28 mars 2001. En effet, l'article 19 de ladite Charte prévoit que : « tout enfant a droit à la protection et aux soins de ses parents et, si possible, réside avec ces derniers. Aucun enfant ne peut être séparé de ses parents contre son gré, sauf si l'autorité judiciaire décide (dans le cadre de droit civil si on peut le dire ainsi), conformément aux lois applicables en la matière, que cette séparation est dans l'intérêt même de l'enfant (allusion faite à la peine de mort infligée à un parent ou une femme enceinte. »190(*)

De ce fait, tout État partie à cette charte ne saurait échapper à la violation de ses dispositions s'il continue à maintenir dans son arsenal juridique comme le cas du Code pénal militaire congolaise, la peine de mort avec cette particularité que la loi dans certains cas oblige aux juges de la prononcer. Il ne saurait pas non plus penser au bien-être de l'enfant lorsque la peine de mort peut à tout moment menacer les parents, ceux-là même qui sont appelés à protéger les enfants. C'est ce qui continue à mettre en cause la crédibilité et l'équité de la Justice militaire par rapport aux peines applicables et à leur conformité à la législation régionale ou internationale.

En revanche, dans l'article 30, les États parties se sont engagés à prévoir un traitement spécial pour les femmes enceintes et les mères des nourrissons et de jeunes enfants qui ont été accusés ou jugés coupables d'infraction à la loi pénale et se sont engagés en particulier à :191(*)

a) Veiller à ce qu'une peine autre qu'une peine d'emprisonnement soit envisagée d'abord dans tous les cas lorsqu'une sentence est rendue contres ces mères;

b) Établir et promouvoir des mesures changeant l'emprisonnement en institution pour le traitement de ces mères;

c) Créer des institutions spéciales pour assurer la détention de ces mères;

d) Veiller à interdire qu'une mère soit emprisonnée avec son enfant;

e) Veiller à interdire qu'une sentence de mort soit rendue contre ces mères;

f) Veiller à ce que le système pénitencier ait essentiellement pour but la reforme, la réintégration de la mère au sein de sa famille et la réhabilitation sociale.

Il est clair qu'en ratifiant cet instrument, la République démocratique du Congo s'engageait sans entrave à s'y conformer et à promouvoir les droits qui y sont énumérés. Pourtant comme on peut le constater, le cortège des dispositions du Code pénal militaire prévoyant ou imposant l'application de la peine de mort ou de la servitude pénale à perpétuité n'est ni favorable à l'application de cet instrument régional ni en conformité avec l'esprit et la lettre que les États parties ont voulu pour ledit instrument. Aucun article d'une loi dans notre législation ne prévoit un mécanisme d'application effective de cette disposition à l'égard des mères qui y sont concernées et qu'elles sont remballées dans sus-épinglées qualifiées d'attrape-tout.

* 180 In JORDC, Cabinet du Président de la République, 43ème année, Numéro spécial, 5 décembre 2002, p.7.

* 181 In idem loco p.9.

* 182 In JORDC, op.cit., p.9.

* 183 In idem loco p.169.

* 184 Ibidem.

* 185 Article 77 du Statut de Rome, In JORDC, p. 218.

* 186 In. JORDC, p. 246

* 187 Article 209 CJM.

* 188Article 26 de la Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples, in JORDC, P.250.

* 189Article 30 de la Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples.

* 190 Article 19 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.

* 191 Article 30 de la Charte des droits et du bien-être de l'enfant.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon