Ethnicité et pouvoir politique en côte d'Ivoire.( Télécharger le fichier original )par Harkité Hippolyte SIB Université Générale Lansana Conte/Conakry - Master II 2015 |
SECTION II : OBJECTIFSObjectif général Cette étude a pour objectif général de cerner les facteurs qui influent l'instrumentalisation des ethnies par les politiciens dans leur quête du pouvoir. Objectifs spécifiques - Décrire le mouvement migratoire des populations de la Côte d'Ivoire; - Expliquer comment la crise économique a créer des frustrations entre autochtones et allochtones en Côte d'Ivoire; -Analyser comment les politiciens mobilisent leurs entités ethniques d'appartenance et clientèles à des fins politiques en Côte d'Ivoire. CHAPITRE II. CADRE CONCEPTUELS ET THEORIQUES SECTION I : L'ETHNIE - GROUPE ETHNIQUE ET ETHNICITE17 Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. L'ethnie provient étymologiquement du grec ethnos' qui désignait pendant l'antiquité tous les peuples qui ne se conformaient pas à l'organisation politique et sociale des Cités-Etat de la Grèce antique. Les grecques considéraient les « ethnè » pluriel d'ethnos comme des tribus. D'où la signification de ethnè, Etat-tribus. Chez les Grecques, ce mot ayant une connotation réductrice rapprochait les ethnè des hommes primitifs. Plus tard, ce mot sera emprunté par les Pères de l'église en l'occurrence, les ecclésiastes pour désigner les peuples païens (Gaulme ; 1997). Ensuite, les anthropologues européens utiliseront l?ethnos ou ethnie pour désigner les peuples africains dits sauvages. Ces critères anthropologiques négatifs expliquaient la perception de la domination européenne sur les populations africaines jugées comme non civilisées. En outre, certains anthropologues trouvaient les ethnies africaines mal
structurées. Par contre parmi ces Le mot ethnicité ou "ethnicity" trouve quand à lui son origine en Amérique chez les Anglo-saxons. Les caractéristiques de l'ethnicité ont été défini plus tard comme étant dynamiques et interactionnelles. Un groupe ethnique de ce fait peut être décrit à l'intérieur et à l'extérieur. L'ethnie n'est pas fictive et se rapporte toujours à une histoire. C'est au XIX ème siècle, selon Martiniello (1995) que l'ethnicité eut une portée raciale suites aux débats scientifiques et politiques concernant l'unification et la séparation des groupes ethniques. Désormais les politiques et les scientifiques pour identifier les ethnies, ajouter les critères raciaux. Lapouge (1983) qui introduisit le mot ethnie dans les sciences naturelles réfute ces propos en définissant l'ethnie comme étant un phénomène naturel et factice. A ce propos, Poutignat et Streiff (1995 ;21), affirment que: Ces groupes sociaux, qu'il définit comme à la fois naturels et factices ne peuvent, selon lui, se confondre avec la race, et même ils en sont à peu près l'opposé, puisqu'il s'agit de groupements résultant de la réunion d'éléments de races distinctes qui se trouvent soumis, sous l'effet d'événements historiques, à des institutions, une organisation politique, des moeurs ou des idées communes. Webber et Breton (1992) soulignent aussi qu'il existe une distinction entre ethnie, race et nation. Car, l'appartenance raciale est fondée sur une communauté d'origine alors que l'appartenance ethnique se fonde sur la croyance subjective à la communauté d'origine. Quant à la nation, elle est basée sur la croyance de la vie en commun. Pour eux, l'ethnie se distingue nettement de la population et du peuple qui sont des entités qui englobent l'ethnie. L'ethnie se distingue 18 Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. profondément d'eux par des réalités sociologiques plus restreintes et délimitées comme la parenté mythique ou réelle, la religion et les fonctions sociopolitiques et économiques. En Afrique, pour Amselle (1985 ;32), l'ethnie durant la colonisation consistait à différencier les peuples dits civilisés des peuples non civilisés. Il existe de ce fait pour lui un lien très étroit entre ethnie et tribus malgré les changements d'espaces géographiques. Ainsi, il affirme que: Rien ne distingue en fait le tribalisme ou l'ethnicité africaine de la renaissance du régionalisme à laquelle on assiste en Europe. Dans les deux cas, ces mouvements de retour aux sources, d'authenticité s'enracinent dans la réalité urbaine, ils sont une projection citadine sur une réalité rurale et passée purement imaginaire. C'est bien l'éloignement social et géographique qui, aussi bien en Europe qu'en Afrique, permet de donner pureté et homogénéité à un milieu hétérogène et hiérarchisé. Pour appréhender la définition de l'ethnicité comme identité collective en Afrique et en particulier en Côte d'Ivoire, la définition de l'ethnicité de F. Barth semble être la plus pertinente. A savoir que le terme groupe ethnique sert en général dans la littérature anthropologique à désigner une population qui a une grande autonomie de reproduction biologique, de partage les valeurs culturelles fondamentales qui s'actualisent dans des formes culturelles possédant une entité patente, qui constitue un champ de communication et d'interaction et un mode d'appartenance qui le distingue lui-même et qui est distingué par des autres en tant qu'il constitue une catégorie distincte d'autres catégories de même sorte. Comme le précisent Poutignat et Streiff (1969 ;19 ): Ce qui différencie en dernier ressort l'identité ethnique d'autres formes d'identité collective, c'est qu'elle est orientée vers le passé (...). Mais ce passé n'est pas celui de la science historienne ; c'est celui que se représente la mémoire collective. C'est une histoire mythique ou du moins légendaire dans laquelle certains souvenirs deviennent des symboles de ces significations imaginaires sociales. Pour étudier les groupes ethniques, il faut tenir compte des frontières qu'occupent ces groupes ethniques. Pour Pierre Bourdieu dans sa théorie de l'ethnie comme représentation sociale, les critères comme la langue, les dialectes ne sont que des représentations mentales qui ne sont que des actes de perception, d'appréciation de reconnaissance des membres du groupe ethnique. En outre, pour comprendre la lutte des groupe ethnique, Bourdieu (1980 ; 22) affirme que: 19 Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. Les luttes à propos de l'identité ethnique ou régionale c'est-à-dire à propos de propriétés stigmates ou emblèmes liés à l'origine à travers le lieu d'origine et les marques durables qui en sont corrélatives, comme l'accent, sont un cas particulier des luttes des classements, luttes pour le monopole du pouvoir de particulier des luttes de classements, luttes pour le monopole du pouvoir de voir et de faire croire, de faire connaître et de faire reconnaître, d'imposer la définition légitime des divisions du monde social et, par-là, de faire et de défaire les groupes: elles ont en effet pour enjeu le pouvoir d'imposer une vision du monde social à travers des principes de division qui, lorsqu'ils s'imposent à l'ensemble d'un groupe, font le sens et le consensus sur le sens, et en particulier sur l'identité et l'unité du groupe, qui fait la réalité de l'unité et de l'identité du groupe. Ainsi, le discours ethnique régional tente de véhiculer une idéologie qui sert à prouver la légitimité du groupe ethnique et le monopole du pouvoir politique. Le groupe ethnique étant un lieu de refuge pour ses membres répond aux attentes de ceux-ci au besoin de conquérir le pouvoir pour atteindre ses objectifs. Le groupe ethnique adapte son identité au fur et à mesure tout en assurant sa pérennité et recours à la mobilisation de ses membres en cas de conflits ou de revendication. La solidarité au groupe ethnique passe par l'usage de la subjectivité culturelle qui différencie les groupes ethniques. C'est dans cette perspective que Poutignat (1995) pour comprendre les causes de l'interaction conflictuelle ethnique trouve capital de connaître les frontières des différents groupes ethniques et leurs conditions économiques, environnementales et sociopolitiques. Pourtant l'organisation sociale des groupes ethniques, les alliances et la parenté rendent la délimitation de ces frontières ethniques assez complexes. Vidal (2000) quant à lui, utilise l'approche de passion instituée pour comprendre l'ethnicité de la Côte d'ivoire. Selon lui, les passions sont un ensemble de valeurs que les membres d'un groupe ethnique intègrent dans leur corps, leurs perceptions et imagination pouvant caractériser des sentiments d'honneur, d'amour de la propriété foncière et du village. En effet l'occupation foncière des autochtones par les allochtones constitués en majorité de migrants Burkinabés et Maliens ont contribué à la crispation de certains groupes ethniques qui avec les différentes crises économiques comme le PAS et la dévaluation du Franc CFA, ont eu difficilement accès à leurs terres qui étaient déjà occupées par les migrants étrangers. C'est ainsi que Martiniello (1995 ;35) préfère quant à elle étudier l'ethnie au niveau macro, méso et micro sociale et définit l'ethnicité comme: 20 Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. Une des formes majeures de différenciation sociale et politique, d'une part et d'inégalités structurelles dans la plupart de sociétés contemporaines d'autre part. Elle repose sur la production et la reproduction de définitions sociales et politiques de la différence physique, psychologique et culturelle entre des groupes ethniques. Ceux-ci développent entre eux des relations de différents types (coopération, conflits, compétition, domination, reconnaissance). En définitif, nous pouvons affirmer que l'ethnicité en Côte d'Ivoire est une construction historique qui a pris de l'envergure suite à la transformation des situations socio-économiques qu'a connu la Côte d'Ivoire et à l'orientation politique de chaque Président ivoirien. Ainsi, l'ethnicité sous Houphouët Boigny ne fut pas la même sous Henry Konan Bédié ni sous Gueï Robert, Gbagbo Laurent et encore moins sous Alassane Ouattara. |
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