Ethnicité et pouvoir politique en côte d'Ivoire.( Télécharger le fichier original )par Harkité Hippolyte SIB Université Générale Lansana Conte/Conakry - Master II 2015 |
SECTION II : CONTEXTE HISTORIQUEA la suite de la conférence de Berlin entre 1884-1885 qui consacra le partage de l'Afrique entre puissances européennes, la France organisa une expédition décisive sur la Côte d'Ivoire entre 1887 et 1889. Le capitaine Binger qui dirigea cette expédition réorganisa la structure administrative et commerciale de la Côte d'Ivoire dès son arrivée. Ce qui fit de lui le gouverneur officielle de la colonie de Côte d'Ivoire en 1893. Il fit en outre intégrer le pays en 1902 à l'AOF. Les expéditions de pacifications entre 1898 et 1913 à l'intérieur de la Côte d'ivoire et les conquêtes contre la 48 Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. résistance de Samory Touré furent l'oeuvre du capitaine Marchand, du lieutenant-colonel Monteil et d'Angoulvant. C'est l'illustre savant ethnographe de la colonisation française en Afrique M. Delafosse, qui accomplit ce travail d'inventaire d'identification ethnique de l'ensemble du territoire ivoirien sur des bases asymétriques entre anthropologie et linguistique. Il subdivisa l'ensemble du territoire par la reconnaissance de six grandes familles ethniques dont les Krou, les Lagunaires, les Agni, les Mandé, les Dioula et les Sénoufo. Chacune étant le regroupement des plusieurs ethnies ayant des origines et des traits socioculturels dont la langue en commun. Ainsi, le groupe Mandé à la tête de la pyramide avec les Dioulas étaient considérés comme des agents économiques du progrès, dépositaire d'une tradition de commerce à longue distance. Car les Dioula s'installaient dans les divers postes administratifs créés par les autorités. Ils participaient de la sorte à l'urbanisation. Le Sénoufo est également valorisé et réputé être un bon agriculteur et travailleur. Il incarnait la figure idéale d'une main-d'oeuvre forte et docile. Ce groupe Mandé représente un élément indispensable au passage d'une économie côtière à une économie de traite touchant l'ensemble de la colonie. Ensuite, vinrent les Agni et les Baoulé dont l'anarchie patriarcale était considérée comme tempérée par l'importance des souverains, du protocole et par une économie tournée vers les échanges. Les Agni étaient parmi les peuples forestiers les mieux considérés parce qu'ils participaient déjà à la mise en valeur coloniale, en exploitant notamment l'huile de palme et le caoutchouc. En revanche, les colons soulignèrent simplement la faible organisation politique du groupe ethno-linguistique Akan. De leur côté, les Krou identifiés comme résolument anarchiques occupent le bas de la hiérarchie ethnique avec quelques nuances qui permettent d'alléger les jugements négatifs comme chez les Bakoué réputés être intelligents et vigoureux. Par contre, les Bété paraissaient les moins colonisés dans la mesure où ils se sont d'abord farouchement opposé aux colons jusqu'en 1913. Ce fait accumulé ensuite à leur mode de vie, leur ont valu les disqualifications d'êtres primitifs, fourbes et paresseux. Cette subdivision ethno-linguistique a contribué à l'établissement de la colonie ivoirienne et même aux tracés des frontières. C'est dans ce sens que les administrateurs coloniaux, d'après M Delafosse, ont entériné les lacunes de celui-ci à travers un système initial d'appellations et de représentations territoriales. Les grandes familles ethno-linguistiques et les identités ethniques ont été immédiatement stéréotypées et hiérarchisées face à leur aptitude à être colonisés. Cette 49 Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. distinction ethnographique se repérait aussi bien de manière fonctionnelle en mettant en évidence certains groupes ethniques et en rendant presque invisibles d'autres. Ce qui a engendré de nos jours un paysage ethno-linguistique subdivisé en 4 groupes composés d'une soixantaine d'ethnies. Le groupe Mandé localisé dans le Nord-Ouest du pays, appelé aussi mandingue, compte les Malinké, les Bambara, les Dioula, les Foula, etc. Au centre-ouest, l'ethnie des Dan réside dans la zone montagneuse du pays, principalement autour de Man. Ensuite, Le groupe Krou se localise au Centre-Sud et au Sud-Ouest. Les principales populations de cet ensemble ethnique sont les Bété. En plus, Le groupe Gour ou Voltaïque se situe au Nord-Est, ce groupe est composé de Lobi et Sénoufo. Enfin, Le groupe Akan se localise à l'Est, au centre et au Sud-Est se trouvent les Akan que l'on divise en Akan du Centre principalement les Baoulé, en Akan frontaliers dont les Agni, Abron, etc. Et les Akan lagunaires composées des Ebrié, Abouré, Adioukrou, Appolloniens, etc. En 1998 l'Institut Nationale des statistiques, classifiait linguistiquement les quatre groupes ethnolinguistiques, à la tête du classement les Akan 39,3 %, ensuite, les Mandé 28,1%, après les Krou 23,0% et enfin les Voltaïque (9,6 %) (Research Rapport N3 ; 2008). Quant aux limites des frontières de la Côte d'ivoire, elles furent sujettes à de nombreuses discussions et critiques entre les colons Britanniques et Français et entre la Côte d'Ivoire et ses pays limitrophes. Ces frontières furent tracés en fonctions des intérêts économiques (Nassa ; 2006), ethniques et de défense de la France. Ces tracées de frontières ont ténu compte de l'hydrographie, orographie et de la fertilité des terres cultivables. De la sorte que, ce n'est qu'en 1903 que des frontières artificielles furent définitivement tracés entre la Côte d'Ivoire et le Ghana. La frontière avec la Guinée fut établie en 1906. Celle avec le Libéria fut définitive en 1907 et avec le Burkina Faso en 1932. La plus récente fut celle avec le Mali fut tracée en 1945.
Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. Source : MNSA ; 2007 Jusqu'en 1920 la culture du café-cacao a été l'apanage du groupe Akan. Force est de préciser que les Kru en l'occurrence les Bété en 1940 pratiquaient individuellement cette culture. En 1944, Félix Houphouët Boigny, jeune médecin issu d'une famille d'agriculteur fonde le Syndicat Agricole Africain en vue de défendre les intérêts des agriculteurs ivoiriens. Ensuite, le 19 octobre 1946 à Bamako, il fonde le Parti Démocratique de Côte d'Ivoire-Rassemblement Démocratique Africain (PDCI/ RDA), qui recouvre l'ensemble des pays de l'AOF. Pour favoriser un développement harmonieux de cette culture, Félix Houphouët Boigny a demandé aux colons d'instaurer des lois visant à sanctionner tout agriculteur de café-cacao dont l'exploitation agraire est inférieure à 3 hectares. C'est ainsi que les Bété travaillants individuellement (non coopérative) ont arrêté la production de la culture de café-cacao qui n'atteignait pas la superficie des 3 hectares. Pour mettre en valeur cette colonie selon la logique de la colonisation, la France mis a profit l'exploitation des terres fertiles de la Côte d'Ivoire. Ce travail exigeait de ce fait un maximum de main-d'oeuvre, d'ouvriers agricoles pour produire gratuitement une quantité importante de café, de cacao, de bananes, de palmier à huile et de caoutchouc. Ainsi, les paysans voltaïques habitués aux travaux champêtres sur des terres arides et pauvres, paraissaient importants aux yeux des colons et des exploitants agricoles français. C'est ainsi que commence la déportation des hommes valides composés en majorité de jeunes célibataires vigoureux de la Haute Volta actuel Burkina Faso vers les plantations en Côte d'Ivoire. Ces 51 Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. acheminements de main-d'oeuvre s'effectuaient dans le cadre d'un système des travaux forcés. Les administrateurs coloniaux recrutèrent gratuitement en Haute Volta des travailleurs pour les chantiers comme les routes, les bâtiments, le chemin de fer, les ponts et les exploitations agricoles en Côte d'ivoire. En 1932, la colonie de la Haute Volta ne servait qu'à fournir de la main-d'oeuvre à la Côte d'Ivoire. En 1932, les colons français de Côte d'Ivoire se plaignaient des tracasseries de l'administration militaire de la colonie de la Haute Volta pour acheminer la main-d'oeuvre dans leurs plantations. Après une forte pression des colons de Côte d'Ivoire sur Paris, ceux-ci obtiennent la dissolution de la colonie de la Haute Volta en rattachant ses parties les plus peuplées comme le Centre, l'Ouest et le Sud à la colonie de Côte d'Ivoire qui constitua un seul territoire. On parlera désormais de la Haute Côte d'Ivoire et de la Basse Côte d'Ivoire. En 1946 la nouvelle constitution française accorda le droit de créer des syndicats, des associations, des partis aux colonisés. C'est alors que le premier parti politique en Haute-Volta, l'Union pour la Défense des Intérêts de la Haute-Volta (UDIHV) fut crée sous l'instigation de l'Empereur des Mossis en 1946. Son programme se limitait à la revendication de la reconstitution du territoire de la Haute-Volta. Ainsi, aux toutes premières élections législatives du 21 octobre 1945, le Moogo- Naaba Saaga II oppose son candidat le Baloum Naaba Touga au candidat de la basse Côte d'Ivoire, Félix Houphouët Boigny. Félix Houphouët-Boigny, le Baloum Naaba et Ouezzin Coulibaly étaient tous des candidats au premier tour. Au second tour de l'élection législative, Houphouët-Boigny réussit à obtenir le désistement de Ouezzin Coulibaly en sa faveur. Ce fut avec 13 750 voix contre 12 900 que Félix Houphouët-Boigny obtient l'unique siège de député de la Côte d'Ivoire. Mais, le 4 septembre 1947, le député sénateur Lallerêma Henri Marcel Guissou obtient le vote à Paris, par l'Assemblée Nationale française, de la loi rétablissant la colonie de Haute-Volta dans ses limites de 1932. Entre 1947 et 1957, le RDA le parti transnational créé par Félix Houphouët Boigny se rapproche des autres partis locaux comme l'ex-UDIHV devenu le PSEMA. Il fait des alliances électorales pour pouvoir reconquérir du terrain. Houphouët-Boigny signa de ce fait un accord secret le 29 avril 1957 à Abidjan avec le capitaine-député français vivant en Haute Volta, Michel Dorange, pour constituer le premier gouvernement du territoire de la Haute Volta. Par des manoeuvres politiques, Félix Houphouët Boigny nomma le chef du premier gouvernement Ouezzin Coulibaly qui sera remplacé après son décès par Maurice Yaméogo qui, à son tour deviendra le Président de la République de la Haute Volta en 1960. 52 Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. Cependant, en 1958, le Générale De Gaulle lance un référendum pour une "Communauté franco-africaine", accordant plus d'autonomie aux États africains pour éviter l'indépendance. Félix Houphouët Boigny mène campagne en ce sens et entraîne avec lui tout les pays du RDA, à l'exception de la Guinée d'Ahmed Sékou Touré. Félix Houphouët Boigny devient alors le Premier Ministre de la Côte d'Ivoire en avril 1959. Suite à la pression de la Fédération du Mali, le mouvement de décolonisation touche aussi la Côte d'Ivoire. Ainsi, Félix Houphouët Boigny proclame l'indépendance de la Côte d'Ivoire le 7 août 1960 et devient le Président. Mais dans les années 60 la Côte d'Ivoire devient un pays attirant une importante main-d'oeuvre agricole. Les statistiques officielles des services de la main d'oeuvre de Ouagadougou révèlent l'importance des ouvriers agricoles Burkinabè en Côte d'Ivoire. Ainsi en 1956, 60 000 travailleurs sont enregistrés au départ pour les plantations ivoiriennes. Entre 1957 et 1962, 16 000 travailleurs en moyenne par an. Selon les statistiques de Bilon et Breloupe (1997), entre 1957 et 1962, on dénombrait au total 156 000 travailleurs enregistrés. Autres que les Voltaïques, nombreux sont pour des raisons politiques et les guerres interethniques, de nombreuses populations qui ont migré du Libéria, du Bénin de la Sierra Léone en destination de la Côte d'ivoire. En Guinée Conakry, les persécutions sous le régime de Sékou Touré de 1958 à 1984 ont entraîné le départ de près de 2 millions d'habitants vers la Côte d'Ivoire. Plus tard la révolution du Capitaine Thomas Sankara a aussi poussé des cadres Burkinabé à s'installer en Côte d'Ivoire. En outre, La pauvreté des zones sahéliennes et désertiques due aux aléas climatiques et à la fragilité de l'écosystème qui engendrent la famine ont poussé de nombreux Maliens et Nigériens à migrer vers la Côte d'ivoire. De plus, L'attraction économique que procure la culture du café-cacao a favorisé, le développement de nouveaux fronts pionniers au Centre-Est, Centre-Ouest et Sud-Ouest chez le groupe Kru à l'occurrence les Bété. Ces nouveaux fronts pionniers vont aussi attitrés la main d'oeuvre Voltaïque. Enfin, pour des raisons économiques, nombreux sont les populations d'autres nationalités qui exercent dans l'informel et dans l'agriculture en Côte d'Ivoire. De nos jours, le flux migratoire en destination de la Côte d'ivoire reste assez important. C'est dans cette perspective que Alain Bonnassieux (2009 ; 27) affirmait que: Bien qu'un nombre croissant de jeunes africains cherchent à quitter le continent, les flux migratoires en Afrique de l'Ouest restent nettement plus importants. 53 Mémoire de Master 2. Thème : Ethnicité et
Pouvoir Politique en Côte d'Ivoire. Selon l'Institut National de Statistiques, en 1998, la Côte d'Ivoire comptait 4.000.047 étrangers en provenance du monde. Mais la présence des populations en provenance de l'AOF en l'occurrence du Burkina paraît la plus importante. Depuis l'indépendance du pays, le taux de croissance annuelle du stock des immigrants varie entre 1,8 % et 4,4 % (Bouquet ; 2003). Dès 1960 jusqu'en 1978, la Côte d'Ivoire a connu une croissance essentiellement liée au boom des exportations de café, cacao et du bois. Mais entre 1978 et 1986, la filière café-cacao sombre. La crise s'amorce en 1979 avec l'effondrement des cours du café et du cacao qui chutent. Les termes de change se détériorent (Eric ; 1999). Pour palier à toutes ces difficultés financières, l'Etat Ivoirien fit appel à l'endettement extérieur avec les institutions de Bretton-Woods. La Côte d'Ivoire s'engage ainsi, dans une longue période de programmes de stabilisation et de réformes structurelles, jalonnés par des chocs extérieurs. Cette crise va favoriser l'éveil du multipartisme en 1990 pour dénoncer la gestion économique de l'Etat. Le 07 décembre 1993 après 33 ans de règne, Félix Houphouët Boigny Meurt. Henry Konan Bédié le Président de l'Assemblé lui. |
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