4-2-Les rapports dialectiques
entre les multinationales minières et les communautés
locales
Le déplacement de populations dans les projets miniers
entraine le risque de désarticulation sociale et devient ainsi facteur
de l'émergence des conflits. C'est la perspective abordée par
Downing (2002) dans l'analyse de sa notion de géométrie sociale.
Pour celui-ci, le déplacement des populations comporte le risque de la
désarticulation sociale quant à la rupture des relations
symboliques de celles-ci à leur espace. Il évoque en particulier
les enjeux soulevés par ces mécanismes à savoir la perte
de terres, le chômage, la perte d'habitation, l'insécurité
alimentaire, la perte d'accès à des ressources de
propriétés communes, l'augmentation de la morbidité et de
la mortalité.Toutes ces situations selon cet auteur favorisent la
croissance des conflits. Car les transformations de l'ordre socio-temporel des
populations déplacées provoquent des revendications à n'en
pont finir. Il insiste particulièrement sur la dimension culturelle de
ces groupes sociaux qui est le plus souvent évacuée au profit de
la dimension économique.En définitive, la rupture des dimensions
culturelles et symboliques utilisées ici par l'auteur pour expliquer
le rapport des peuples autochtones à l'espace comme facteur de la
croissance de conflits est un atout à la l'explicitation de la question
qui guide cette investigation.De plus, l'aspect économique
privilégié dans les mesures de compensations ainsi que les
éléments structurelsqui le déterminent constituent un
autre apport à la compréhension de la question centrale de cette
étude. Cependant, ces aspects énumérés par l'auteur
ne suffisent pour comprendre le phénomène
étudié.
Le Meur (2010) abonde dans un autre sens. Les conflits
fonciers sont au croisement des trajectoires politiques, foncières et
minières. Selon l'auteur, le poids omniprésent de longue
durée de l'activité minière surl'arène locale
entraine la modification des trajectoires individuelles et collectives et la
croissance des conflits. Ainsi, pour Le Meur, analyser les déterminants
sociaux de la persistance des conflits fonciers dans les fronts miniers telle
que la Nouvelle Calédonie nécessite de se replacer dans une
perspective sociohistorique.La profondeur historique du secteur minier et des
industries minières sur l'espace s'accompagne d'une diversité de
relations qui se noue. Ces relations entre opérateur minier principal et
les acteurs et institutions de la localité sont à l'oeuvre des
modalités de transformations des interfaces entre industries
minières et arènes locales.On peut dès lors comprendre
selon l'auteur queles situations de conflits et de corruptions qui s'observent
dans les fronts pionniers miniers s'inscrivent dans une dynamique
relationnelle, produit historique des interactions entre acteurs (partis
politiques, autorités coutumières, associations, entreprises,
administrateurs, notables locaux). De cette manière, les
référents et les répertoires de justifications de
l'autochtonie, de contrôle des rentes, de logiques de compensations, de
développement économique ne sont autres que l'éclatement
d'antagonismes socio politiques et fonciers inhérents à
l'histoire de groupes sociaux et qui sont amplifiés par les
opérateurs miniers. Ces tensions encastrées dans les rapports
sociaux se révèlent au fil des temps parfois en de violentes
revendications politiques et culturelles et s'appuient sur des enjeux
particuliers en l'occurrence les enjeux fonciers et miniers.Il importe à
présent de rappeler que la dimension socio historique et la
démarche ethnographique mobilisées par l'auteur pour expliquer
les situations de conflits à l'oeuvre dans les fronts miniers apportent
des éléments de précisions à la question centrale
de cette étude. Les dimensions symboliques et relationnelles
mobilisées permettent également de faire un pas de plus dans
l'avancement des connaissances. Toutes fois, il convient de préciser
que la thèse défendue par l'auteur quant à la mise en
évidence du contexte historique pour analyser les situations en cours
dans les fronts miniers ne suffit pas pour apporter une satisfaction à
cette étude. D'un point de vue temporel, le phénomène de
l'exploitation minière appréhendé dans le cadre de cette
recherche est récent à Hiré-Watta. Dès lors,
d'autres éléments pouvant conduire à la
compréhension de la question méritent d'être
convoqués.
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