4- Etat de la question
La complexité de la question foncière peut
se percevoir au travers de la multiplicité des enjeux qui la
composent et des dynamiques qui la traversent. L'évolution des
contextes socio-économiques, politiques et institutionnels,
nationaux et internationaux fait apparaître de nouveaux acteurs dans
l'arène foncière locale et accroit les défisfonciers.
Dès lors, resituer les rapports fonciers aux multiples échelles
où ils apparaissent est un enjeu scientifique, tant plusieurs champs
disciplinaires s'enchevêtrent au coeur même du « champ
foncier ». Le rapport foncier devient à cet effet, un
« fait social total » (Le Roy :1991a, p.22).
Cette interdisciplinarité offre une panoplie
d'approches et de divergences de point de vue de ce phénomène
social. Cependant, dans le souci de trouver une juste
appréciationà l'élucidation de la question
spécifique de cette étude, des auteurs susceptibles d'apporter
une satisfaction à la compréhension de celle-ci ont
été mobilisés. Dans ce sens,le soin été pris
soin de les associerselon les similitudes de leurs points de vue mais aussi en
fonction de leurs dissemblances. Ainsi, l'état de cette question tourne
autour de trois (03) axes majeurs à savoir :
L'exclusion de communautés locales dans la
régulation foncière ; les rapports dialectiques entre
multinationales minières et populations locales ; les dynamiques
sociales comme facteur de la recrudescence de conflits fonciers.
4-1-L'exclusion des populations
locales dans la régulation de l'accès à la
terre : un facteur de conflit
La perspective abordée par Koné M. (2006)
consiste à montrer comment la question de l'articulation entre
reconnaissance juridique et sociale des droits fonciers se transforme en une
forme de légitimation de l'autochtonie et devient un moyen
d'activationde conflits fonciers. En d'autres termes, la formalisation des
droits fonciers vers des propriétés individuelles
véhiculées par l'Etat révèle une politique
systématique, mieux un instrument idéologique d'exclusion de
catégories sociales (autochtones : femmes et jeunes, allochtones et
non nationaux) sur l'accès à la terre. L'auteure part de la
promulgation de la loi foncière 98-750 consécutive à la
formalisation des droits pour expliquer la dynamique de
l'idéologieproriétariste induite par celle-ci. Cette
loi prétendant s'appuyer sur les autochtones pour la validation sociale
des droits fonciers a entrainé la dislocation de normes foncières
endogènes telles que le tutorat. Au point que, dans les logiques
locales, la reconversion de ce code foncier a consisté en la
réappropriation de terres déjà cédées ou
vendues aux migrants. Ainsi, au lieu de sécuriser l'accès
à la terre de tous, cette loi a contribué à
insécuriser des droits fonciers. Il est important de relever que
l'auteure à travers cette étude diachronique nous a permis de
faire des avancées considérables. Par ailleurs, le rapport
dialectique entre reconnaissance juridique et social dans la régulation
foncière comme facteur de la persistance des conflits fonciers n'est pas
suffisant pour répondre à notre question. Mieux, le contexte
socio politique évoqué par l'auteure ne s'inscrit pas dans le
cadre de cette recherche.
Chauveau et Lavigne -Delville (2012) abordent la question
dans un autre registre. Pour ces auteurs, la vision juridique ou technique
mise en avant par l'Etat dans la régulation foncière est facteur
de l'insécurité des droits fonciers et de croissance de conflits.
Ces auteurs prônent plutôt une approche socio-politique et
relationnelle du foncier dans le rapport droit moderne/droit coutumier.Le fait
que lessystèmes d'immatriculation foncière excluent les registres
des arrangements locaux ou des transactions que les acteurs effectuent entre
eux accroit les conflits. Les politiques foncières que prônent
l'Etat empreintes d'une vision évolutionniste des droits vers des
propriétés individuelles mettent ainsi à l'écart
les représentants des droits traditionnels et les modes locaux de
gestion foncière. Car les systèmes de gestion traditionnelle de
la terre ont leur évolution propre en fonction des contextes
socioéconomiques, politiques et démographiques. A cet effet,
selon ces auteurs, les considérer comme statiques relève de
fausses évidences. Il convient toutes fois de préciser que
l'approche relationnelle et socio-politique mobilisée par ces auteurs
pour justifier la question de la recrudescence des conflits fonciers en milieu
rural a été utile dans l'appréhension du
phénomène étudié. Cependant, ces auteurs restent
confinés dans le rapport dichotomique régulation étatique/
régulation coutumière. Analyser les déterminants sociaux
de la persistance des conflits fonciers dans les fronts miniers
nécessite une mise en exergue des rapports dialectiques entre
multinationales minières et populations locales. D'autres auteurs
répondant par conséquent à cette thématique
méritent d'être convoqués.
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