1-1-3-Le cadre social de
gestion des conflits comme élément de fabrication des
perceptions différenciées du statut du comité.
Selon Dago, la responsabilité de la gestion de conflits
fonciers inhérents à un terroir donné nécessite une
connaissance approfondie de l'histoire des terres et même des
micro-histoires des parcelles du point de vue des renouvellements de cycles
domestiques. Pour lui, cela implique également que cette
responsabilité soit confiée à un acteur individuel de la
même appartenance sociale et reconnu par tous. Cela sous-tend
également selon lui que cet acteur soit imprégné des
principes sacrificiels qui participent à la
régénération de la terre mais aussi à la
reproduction de la société. Sur ce, il décrit que les
acteurs membres du comité ne sont pas des garants de la tradition
foncière du village de Bouakako. Ils ne ressortent pas de l'univers
social du village propriétaire du patrimoine foncier objet des conflits.
Pour lui, c'est un comité déterminé par la recherche de
profit quant à des formes de légitimation de la corruption au
sein de son système d'arbitrage.
En fait, le cadre social décrit par Dago traduit une
perception différenciée du statut du comité de gestion des
conflits. Celle-ci vise à déclasser les membres
associés du point de vue de leur statut. Ces derniers sont construits
comme des acteurs incompétents et extérieurs à la
réalité propre de l'univers social de Bouakako.Cette
perceptionlégitime des questions de réappropriation du pouvoir de
gestion des conflits fonciers par les populations de Bouakako. La revendication
du pouvoir de gestion est également empreinte de la
représentation sociale de la rente foncière14(*). C'est une stratégie de
captation des ressources additionnelles qui se traduit par l'exclusion des
collectivités territoriales des prérogatives15(*) rattachées à
l'extraction de l'or.
En outre, le verbatim de Dago est sous-tendu par un autre
postulat qui structure la régulation des terres du terroir villageois.
En effet, le discours de sens commun au niveau de ce village
déconstruit le statut de chef de terre de l'autorité de la
chefferie locale pour justifier l'absence de l'autorité
coutumière face à une inégale détention
foncière au profit des migrants et l'accroissement de l'appropriation
privative de la terre par Newcrest.
Ainsi donc, il s'observe des relations de conflit,
d'opposition mais aussi de concurrence entre les acteurs membres de la
chefferie villageoise de Bouakako et ceux du comité quant à la
gestion de ces conflits. Ces relations dichotomiques sont aussi perceptibles
entre autochtones, allochtones, allogènes,multinationale et CDL Mine. Du
point de vue de pratiques symboliques, cette codification des rapports sociaux
entre les acteurs renvoient à l'externalisation de la rente
foncière, la surenchère d'arbitrage et l'externalisation de la
gestion des conflits.
Extrait du discours de Dago :
« Au niveau du
comité, ce sont de grands voleurs. Ils prélèvent 10% sur
les revenus des compensations des parcelles objet de conflits avec les pauvres
individus. Comment confier l'arbitrage des conflits fonciers à des gens
qui ne connaissent même pas nos terres, les limites de ces terres et leur
histoire ! Les gens du village qui ont des terres à Hiré et qui
n'ont la maitrise de la limite de ces terres ont été volés
par le comité. Ce sont des millions que ce comité a volé
aux gens ici. Il faut quelqu'un de sure qui peut prendre la place de
l'autorité coutumière, connaitre tous les propriétaires
terriens et l'histoire sur chaque parcelle ».
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* 14Les membres du
comité de gestion des conflits sont également pour la plupart les
représentants du CDL Mines. Il s'agit des collectivités
territoriales. Cette structure a pour mission de gérer les ressources
additionnelles de l'activité minière affectées au
développement de la localité.
* 15 Nous entendons par
là les avantages liés à la gestion des conflits ainsi
qu'aux fonds dégagés par la société minière
pour le développement économique et social de la
localité.
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