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Le rôle disciplinaire des OPA durant la vague de rachats des années 80 aux USA.

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par Antoine SUZZONI
Université de Nice Sophia Antipolis - DEA MASTER 2 2004
  

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Section 3 :L'implication des clauses anti-OPA dans le déclin de la vague de rachats

Quelle est réellement la part de responsabilité des pilules dans le déclin de la vague d'OPA ?

§1 La remise en question des clauses en tant que principale cause de la baisse du nombre de rachats

C'est un débat qui a été vif , aujourd'hui encore il n'est pas tout à fait clos .

C'est durant le deuxième semestre de l'année 1989 que le nombre de rachats a considérablement baissé aux USA, cette date correspond à la généralisation des clauses et lois anti-OPA . Si nous regardons les statistiques, nous constatons que jusqu'en 1986 seul 6% des entreprises américaines étaient protégées par une mesure anti-OPA (loi ou clause) alors qu'en 1989  87% des entreprises étaient protégées par une loi ou une clause anti-OPA . Pour Coffee (1991), Pound (1992) et d'autres, cités par Danielson et Karpoff (1998) ce sont les clauses et les lois anti-OPA qui ont mis fin à la vague de rachat des années 80 . En augmentant le coût des rachats ces mécanismes auraient découragé les offreurs.

Comment et Schwert ne sont pas d'accord avec cette explication, dans leur article de 1995 ils ont mis en évidence le fait que beaucoup de managers attendaient que l'OPA soit imminente pour adopter une ou des pilules empoisonnées et ils ont montré que la présence de pilules n'affectait pas vraiment la probabilité de succès de l'OPA . Heron et Lie (2000) sont d'accord avec cette analyse puisque selon eux, la présence de pilules augmente le pouvoir de négociation de la firme cible, ce qui permet d'obtenir une prime de rachat plus élevée mais n'affecte pas la probabilité de réussite de l'OPA. Ainsi l'adoption tardive d'une pilule, non seulement ne dissuaderait pas l'offreur de lancer son OPA, mais en plus n'aurait pas d'impact sur la probabilité de réussite de l'offre. Ainsi même si personne ne conteste le fait que les clauses augmentent les coûts des rachats ni que ces clauses aient empêché une partie des rachats, pour Comment et Schwertz (1995) la généralisation des clauses et lois anti-OPA n'est pas la principale cause du déclin de la vague de rachats à la fin des années 80 . Ils donnent d'autres éléments d'explication.

§2 Les autres causes évoquées

Même s'ils n'ignorent pas l'impact qu'a pu avoir la généralisation des clauses et des lois anti-OPA en 1988 ; Comment et Schwert (1995) évoquent la récession qui débuta en juillet 1990 (NBER) et soulignent qu'en août 1989 le congrès américain vota une réforme des institutions financières visant à restaurer la confiance (Financial Institution Reform Recovery and Enforcement Act). Cette réforme pénalisa les détenteurs d'obligations à fort rendement (junk bonds) et ordonna leur vente,  simultanément, les autorités de régulation interdisaient aux banques commerciales de participer à des transactions où la dette représentait plus de 75% des actifs. Le marché des junk bonds s'effondra en septembre 1989 lorsque le principal émetteur révéla l'étendue de sa crise de liquidités.  L'effondrement de la valeur du portefeuille de la banque Drexel entraîna sa faillite et sa dissolution en février 1990 .

Cette réforme est très certainement responsable de l'effondrement des prêts octroyés au secteur non financier par les banques commerciales. Le montant total des prêts accordés en 1989 s'élevait à trente trois milliards de dollars, en 1990 il n'était plus que de deux milliards ; or nous savons que les banques commerciales étaient les principaux financeurs des rachats (Comment et Schwertz 1995).

La réforme des institutions financières (août 1989) et l'intervention des autorités de régulation marquèrent la volonté du gouvernement américain d'en finir avec les rachats financés par la dette, cette réforme coïncide avec le déclin de la vague d'OPA (deuxième moitié de 1989). Ainsi, il semblerait que les clauses n'aient pas joué un rôle déterminant dans la sensible diminution du nombre de rachats en 1989. S'il est difficile d'évaluer avec précision la part de responsabilité des clauses anti-OPA dans le déclin de la vague de rachats, ce qui est incontestable c'est qu'elles ont entravé le fonctionnement du marché du contrôle des entreprises, en augmentant les coûts des rachats, et ainsi favorisé l'enracinement des managers .

Au début des années 80 l'économie américaine est entrée dans une ère nouvelle.

Cette vague d'OPA a marqué le début d'un processus à l'origine d'un changement durable dans le comportement des managers ; ils sont passés d'une stratégie de rétention et de réinvestissement du free cash-flow à une stratégie de réduction de la taille de leurs entreprises et de distribution de dividendes. Si ils ont renoncé à une partie de leur pouvoir et de leurs prérogatives, c'est parce que le marché les y a contraint. Le nombre élevé d'offres hostiles est lié au fait que les intérêts des actionnaires et des managers n'étaient pas alignés .

Galvanisé par l'utilisation des junk bonds et par la progression des investisseurs institutionnels dans le capital des grandes firmes cotées, le marché du contrôle des entreprises a été suffisamment puissant pour transformer l'industrie américaine et ainsi rendre les entreprises plus compétitives face à la montée en puissance de la concurrence étrangère. Durant cette décennie, les offreurs ont démontré que les entreprises américaines étaient inefficientes. Leur compétitivité était en train de s'effondrer tandis que les concurrents étrangers, notamment japonais, devenaient de plus en plus dangereux.

Même si elles ont été douloureuses socialement (entre 1983 et 1987 4.6 millions de salariés perdirent leur emploi), les restructurations mises en oeuvre étaient inéluctables ; l'industrie américaine devait se moderniser afin de faire face à la concurrence étrangère.

Cette vague a aussi et surtout marqué le début de la shareholder value en tant que principe de gouvernance. Pour Holmstrom et Kaplan (2001), «La shareholder value est devenue dominante dans les années 80 et 90 , au moins en partie, parce que  le marché a un avantage comparatif dans la mise en oeuvre des réformes structurelles que la dérégulation et le changement technologique nécessitent. » Concernant la persistance de la shareholder value après la vague d'OPA, Kaplan (1997) cité par Denis et Kruse (2000), pour expliquer le très faible nombre d'OPA hostiles lors de la résurgence des OPA dans les années 90, invoque le fait que les managers et les conseils d'administration ont retenu les leçons des LBO des années 80 . C'est certes un élément d'explication, mais ce qui a très certainement permis à la shareholder value de perdurer et de se diffuser dans le monde entier, c'est l'utilisation massive des stock options. Elles ont permis, tant que faire se peut, d'aligner les intérêts des managers avec ceux des actionnaires .

D'après la théorie de la shareholder value, le fait que les entreprises maximisent la valeur pour l'actionnaire est profitable à l'économie dans son ensemble parce que les actionnaires vont réaffecter les dividendes qu'ils reçoivent de manière efficiente. La dernière bulle spéculative et ses conséquences nous incite à prendre cette affirmation avec circonspection . Même si durant cette vague d'OPA le marché a montré sa supériorité par rapport aux managers en réaffectant efficacement les ressources ; on ne peut décemment parler de l'efficience des marchés.

Le marché est, en quelque sorte, un mal nécessaire !

Je tiens à remercier Jacques Ravix pour ses conseils avisés.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery