II.2. Le registre électronique
médical
Depuis plusieurs années, la technologie occupe une
place de plus en plus grande dans tous les secteurs d'activité. Son
application au domaine de la santé commence à être
remarquée et quelques auteurs se sont penchés sur ce sujet. Nous
nous sommes basé sur les études portant sur les registres
électroniques médicaux qui constituent une partie importante de
l'informatique sanitaire.
L'une des principales raisons qui revient lorsque le
problème de la non utilisation des TICs dans le secteur de la
santé dans les pays en développement est posé, est le
coût élevé de ces technologies. Il est vrai que
l'utilisation de nouvelles technologies en santé favorise l'apparition
de coûts supplémentaires, mais depuis quelques décennies,
nous avons remarqué que les prix des technologies telles que le
téléphone portable, ou l'ordinateur ont baissé (Sood,
Sanjay et al, 2008) (Schweitzer & Synowiec, 2010). Cela qui pourrait
laisser entrevoir la possibilité de l'utilisation à long terme de
ces technologies dans les pays à faible revenus. Aussi, depuis quelques
temps la mise en place de logiciel Open Source ont contribué à la
réduction considérable des coûts de l'utilisation sur le
long terme.
Dans une étude sur le coût bénéfice
de l'implémentation du registre électronique médical dans
l'offre de soins primaires, Wang et al (2003) ont comparé les
coûts et les bénéfices du registre papier et du registre
électronique. Ils ont trouvé que le bénéfice net de
l'utilisation du registre électronique sur une période de 5 ans
était de $86 400 par agent. Ces bénéfices proviennent
principalement de l'épargne faite sur les dépenses en
médicament, de l'utilisation améliorée des tests de
radiologie, d'une meilleure capture des charges, et d'une baisse des erreurs de
facturation. (Wang, et al., 2003)
Les registres électroniques médicaux sont assez
connus dans les pays développés et sont en voie d'expansion dans
les pays industrialisés d'Amérique latine et d'Asie, qui ont
enregistré des progrès notables dans le processus
d'informatisation de l'offre des soins à travers l'utilisation de
logiciel Open Source (Tolentino, Marcelo, Marcelo, & Maramba, 2005).
Cependant, dans les pays de l'Afrique subsaharienne, son développement
est encore balbutiant. Son utilisation est surtout en expansion dans les pays
de l'Afrique de l'Est et du Sud comme en Afrique du Sud, au Malawi, au Kenya,
en Tanzanie, en Ouganda et au Rwanda ; qui sont tous des pays anglophones.
Bagayoko et al (2010) affirmaient qu'aucun pays francophone ne disposait d'un
système d'information informatisé qui soit adapté aux
défis de l'offre de soins (Bakayoko et al, 2010).
Ainsi, Akanbi et al, (2012) dans leur étude sur
l'utilisation du dossier médical électronique en Afrique
subsaharienne ont trouvé que seulement 15 pays utilisaient et avaient
documenté son utilisation. Dans les publications sur ces pays, environ
91% ont rapporté l'utilisation d'un logiciel Open source. Les
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barrières à l'adoption du registre
électronique médical sont souvent le coût
élevé d'acquisition du logiciel ; A ce coût s'ajoute celui
de la maintenance. La pauvreté des infrastructures de réseau et
le fait que les agents de santé ne sont pas à l'aise avec son
utilisation alors que le dossier médical électronique est une
composante de l'informatique médicale constitut également des
barrières à son adoption (Akanbi, et al., 2012). Elle donne
l'opportunité aux formations sanitaires d'améliorer la
qualité des soins et de permettre la sécurité du patient.
Elle a le potentiel de réduire le coût et d'améliorer
l'efficience du lieu de travail (Font et al, 2001).
Ainsi, l'utilisation des dossiers électroniques a des
avantages distincts par rapport aux documents papier. Ceux-ci comprennent:
l'accès aux dossiers médicaux à distance, la
rapidité et la facilité d'extraction des données, et
l'élimination des ordonnances écrites à la main, ce qui
réduit l'apparition d'erreurs de prescription (Gaylin, Moiduddin,
Mohamoud, Lundeen, & Kelly, 2011). Les autres avantages sont l'accès
simultané aux dossiers des patients par plusieurs utilisateurs et la
capacité d'effectuer des requêtes de données pour informer
la prise de décision. Ces avantages potentiels du dossier
électronique ont permis sa large acceptabilité dans les pays
industrialisés (Bryce J, 2005)
Fleur Fritz et al (2015) dans le but d'étudier les
critères de succès de l'implémentation des registres
électroniques médicaux ont fait une revue des évaluations
et leçons apprises dans les pays africains publiées entre 1999 et
2013. Ils ont trouvé que plus de la moitié des registres
médicaux était axée sur une maladie spécifique
comme par exemple le VIH. Ils ont cité la ressource humaine
qualifiée comme un des facteurs de succès de
l'implémentation des registres électroniques (Fleur Fritz,
2015).
Dans une étude réalisée par (Sood S. P.,
2004), ils ont trouvé que plusieurs initiatives d'implémentation
de registres électroniques médicaux dans les pays en
développement n'aboutissent pas après une
période pilote à succès à cause du
manque de personnel qualifié. Misra U et al (2005) affirment dans leur
étude que la sous-utilisation des TIC dans les pays en
développement augmenterait avec le manque de personnel qualifié
(Misra U. et al, 2005).
Au Kenya, il a été développé en
2001 Le « Mosoriot Medical Record System » (MMRS) un
système de registre électronique médical installé
dans un centre de santé de premier niveau en zone rurale. Il a
été
adapté et associé plus tard au projet de lutte
contre le VIH SIDA et a été renommé AMRS. C'est ainsi que
Fraser et al (2004) ont dans une comparé avant et après
l'adoption du MMRS par le centre de santé. Ils ont trouvé que les
consultations des patients avec l'AMRS duraient 22% moins de temps qu'avant son
implémentation ; le temps que l'agent de santé consacre à
chaque patient a été réduit de 58% ; les patients ont
passé 38% moins de temps à attendre au centre de santé. La
MMRS a aussi facilité le processus de rapport obligatoire au
Ministère de la santé. (Fraser, Jazayeri, & Nevil, 2004)
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Nous pouvons également citer l'Open MRS en 2008 en
Tanzanie et en 2007 en Ouganda toujours pour l'administration du traitement ARV
pour le VIH SIDA. Cela a permis de suivre 11000 et 21 169 patients
respectivement en Tanzanie et en Ouganda. (Tierney et al, 2010)
Un autre logiciel dénommé DREAM est
utilisé dans plus de 10 pays africains dans la lutte contre le VIH/sida
et permet la gestion de plus de 73 000 patients atteints du sida. Ce logiciel
s'avère également très important dans le recueil de
données pour la recherche épidémiologique. Cependant,
l'une des principales difficultés que rencontre ce projet est le manque
de personnel qualifié (Nucita, et al., 2009) Il faut intégrer ce
système aux systèmes de santé des pays à faibles
ressources et il faut tenir compte des autres conditions de ces pays telles que
la malnutrition etc. (Nucita, et al., 2009).
Le système de santé publique brésilien
également dans la lutte contre le VIH SIDA, utilise un système
informatisé de registre électronique médical pour le
control de la logistique des médicaments appelé SICLOM afin de
délivrer le traitement ARV à plus de 100 000 patients à
travers le pays (Galvao, 2002).
En outre, l'utilisation du REC réduit les frais de
photocopie des fiches de consultation dans les zones rurales où l'on
assiste déjà souvent à un manque d'infrastructure propice.
Ce qui fait que le prix des photocopies est assez cher. (Joaquin A. Blaya,
2010)
Hagopian et al (2004) quant à eux, attirent notre
attention sur le fait que le manque de personnel médical qualifié
se fait au profit des pays développés. D'après la
commission des Nations Unies pour le commerce et le développement,
chaque professionnel de santé qui quitte l'Afrique coûte $184 000
ou 4 milliards de dollar au continent. (Hagopian. A., 2004)
Pour venir à l'utilisation de registre
électronique médicale dans la PCIME, à notre connaissance,
les seules études ayant été faites sur le sujet concerne
la Tanzanie et l'Inde.
Ainsi, Adam T et al, ont évalué l'utilisation de
la prise de décision informatisée dans une zone rurale du Tamil
Nadu, en Inde. L'étude a porté sur un système d'aide
à la décision pour alléger le fardeau des agents de
santé peu nombreux. L'application a offert son aide pour les
non-médecins à recueillir des informations sur les patients,
à offrir des conseils de prévention, et le traitement
identifié pour les cas simples, entre autres tâches. L'un des
algorithmes utilisés est le protocole PCIME. Cette étude a
montré que l'aide apportée par l'application a eu un impact
positif sur le nombre de patients vus ainsi que sur la qualité des soins
offerts. (Adam, T; et al, 2005)
Mitchell et al (2013) en étudiant l'utilisation de la
PCIME électronique en Tanzanie, ont trouvé que le livret de
tableau PCIME est rarement utilisé pendant les consultations des
patients. De 24 consultations sur papier qu'ils ont observé, seules 10
se sont référées au livret de tableau sur papier. Leur
compréhension
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de la non référence au livret de tableaux durant
les consultations, était que cela est vrai dans la plupart des
dispensaires parce que le livret de tableau prend trop de temps à
utiliser et les agents de santé se familiarisent rapidement avec le
processus de la PCIME. (Mitchell, 2013).
L'utilisation à long terme de la PCIME
électronique dépend donc probablement de la durée qu'il
ajoute à une visite du patient. Lors de l'entrevue de sortie, un
clinicien a expliqué que le livret de tableaux de la PCIME n'est pas
suivi, car il est lent. Il affirme également que l'utilisation de la
PCIME électronique était beaucoup plus rapide parce qu'il n'y
avait pas de pages à tourner et il n'y avait pas de longue
réflexion était nécessaire pour déterminer la
question suivante. Ila admis que l'expérience permettait de
réaliser rapidement la PCIME, mais a cité l'oubli des questions
comme un inconvénient majeur. (Mitchell, 2013)
Mitchell et al (2013) ont trouvé également que
s'ils pouvaient améliorer le traitement avec la PCIME
électronique, ou réduire les coûts de supervision, ils
s'attendent à ce que cela compense le coût d'acquisition des PDA.
Cependant, une analyse plus détaillée est nécessaire pour
faire des réclamations substantielles sur le
coût-bénéfice. (Mitchell, 2013)
Dans le rapport de suivi d'implémentation du REC au
Burkina Faso, il a été trouvé que dans les districts
où le REC est utilisé, l'application de la PCIME était de
100%, tandis qu'une étude antérieure avait montré que
seulement 8,2% des enfants de moins de cinq ans était pris en charge
selon le protocole de la PCIME (Yaméogo et al, 2011). Ce qui pourrait
laisser dire que le REC est un bon outil d'application de la PCIME.
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III. Méthodes III.1. Site
d'étude
L'étude s'est déroulée dans la
région de la Boucle du Mouhoun, dans le district de Tougan. Nous avons
choisi de mener notre étude dans le CSPS du village de Kassan
situé à 7 km de la ville de Tougan.
Dans la commune urbaine de Tougan, se trouve également
le CMA et le district sanitaire. Et comme dans toutes les villes, elle dispose
de services tels que les banques, les hôtels, les représentations
de certaines ONG, les stations-services etc. Il existe également dans la
ville un centre de santé confessionnel. Toutefois, la majeure partie de
la population vit en dessous du seuil de pauvreté et la principale
activité
des ménages est l'agriculture et l'élevage.
Notons que Tougan se situe dans la Boucle du Mouhoun qui
est reconnue comme étant le grenier du Burkina pour les
conditions favorables à la diversification de la production agricole
dont elle bénéficie de par sa situation climato
géographique.
Kassan quant à lui est un petit village situé
également dans le district sanitaire de Tougan et à 7km de la
ville comme mentionné plus haut. La population est rurale et vit
essentiellement de l'élevage et de l'agriculture. Les principales causes
de consultation des enfants de moins de cinq ans tout comme dans la ville de
Tougan sont le paludisme, les IRA, la malnutrition, la diarrhée. Le CSPS
de Kassan est un petit CSPS qui comptait en 2014, 3 agents de santé un
infirmier breveté qui est le major, une accoucheuse auxiliaire et un
agent itinérant de santé. Le CSPS de Kassan s'alimente en
énergie grâce aux plaques photovoltaïques fournies par Tdh
avec le REC. Le CSPS disposent de forage leur permettant d'avoir de l'eau.
Le CSPS de Kassan dispose d'un bâtiment pour le
dépôt MEG, un bâtiment pour le PEV et le dispensaire et un
bâtiment pour la maternité. Notons que l'accès à ce
district est très difficile surtout en saison pluvieuse.
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