1.3.2. Rôle des huiles essentielles dans la
plante
Différentes suppositions ont été
avancées sur le rôle des huiles essentielles pour les plantes.
Nous nous contenterons d'en énumérer quelques-unes :
- D'après Verschaffelt et Stahl (1915)
(in Figueredo, 2007), les huiles essentielles constituent un moyen de
défense contre les microorganismes pathogènes, les champignons,
les insectes et les herbivores en modulant les comportements de ceux-ci
vis-à-vis des plantes.
- Lutz (1940) estime que les constituants des
huiles essentielles sont des modérateurs des réactions
d'oxydation intramoléculaire protégeant la plante contre les
agents atmosphériques. Cette théorie suppose que certains de ces
composés se comporteraient aussi comme source d'énergie à
la suite d'une baisse de l'assimilation chlorophyllienne.
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- Nicholas (1973) considère que les
monoterpènes et sesquiterpènes jouent des rôles aussi
variés qu'importants dans la relation des plantes avec leur
environnement. Ces travaux ont montré que, par exemple, le
1,8-cinéole et le camphre inhibent la germination des organes
infectés ou la croissance des agents pathogènes issus de ces
organes.
- Enfin, Croteau (1986) a montré que
les huiles essentielles auraient un rôle de mobilisateur d'énergie
lumineuse et de régulateur thermique au profit de la plante. Ces
essences volatiles réguleraient la transpiration diurne en absorbant les
rayons ultraviolets par leurs constituants insaturés. La présence
et la teneur en huiles essentielles dans les plantes seraient donc en rapport
avec la photochimie.
Outre ces aspects, les HE contribuent à
l'équilibre des écosystèmes, attirent les abeilles et des
insectes responsables de la pollinisation (Kurt, 1983).
1.3.3. Facteurs de variabilité des HE
Divers recherches sur les huiles essentielles ont
montré que la composition chimique de celles-ci est très
fluctuante (Ghanmi et al. 2010). En effet, elle dépend d'un
grand nombre de facteurs d'ordre naturel (génétique,
localisation, stade végétatif, sol, climat, etc. ...). Il y a
d'autres facteurs qui sont liés à la durée de distillation
et la méthode utilisée pour l'extraction des huiles essentielles.
Ces deux derniers facteurs dépendent de la nature du matériel
à distiller. Dans cette présentation on se limitera
essentiellement aux facteurs liés à la plante et son
environnement.
- Diversité selon l'organe
végétal
Chez une même espèce, il arrive que la
composition chimique de l'huile essentielle diffère d'un organe de la
plante à un autre. Guignard (1983) souligne que l'écorce de la
cannelle (Cinnamomum zeylanicum B.) fournit un extrait où
l'aldéhyde cinnamique est majoritaire. Les feuilles donnent une huile
riche en eugénol, tandis que le camphre prédomine dans l'essence
des racines.
- Influence de la période de récolte, du
climat et du sol
La teneur des différents constituants de l'huile
essentielle d'une espèce donnée peut varier au cours de son
développement et de son stage végétatif. Par exemple, chez
Coriandrum sativum L., le fruit mûr contient 50% plus de linalol
que le fruit vert (Crouteau, 1988).
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Gauthier et al. (1988) ont constaté que la
composition chimique de trois provenances de myrte marocaines varie en fonction
du stade végétatif. L'a-pinène et le 1,8-cineol augmentent
en début du cycle de végétation. Puis, à partir de
la floraison, l'a-pinène diminue fortement et le 1,8-cineol continue
à augmenter pour subir une légère diminution en fin de
végétation.
Bruneton (1987) a constaté que la menthe poivrée
récoltée en début de floraison a une huile essentielle
riche en néomenthol et en menthone tandis qu'en fin de floraison cette
huile est riche en menthol.
D'après Fluck (1963), le climat et le sol ont une
influence plus importante pour les espèces végétales dont
l'organe sécréteur d'huile essentielle se situe au niveau des
poils glandulaires (Lamiaceae, Verbenaceae,
Geraniaceae, Rutaceae) que pour celles dont l'huile est
produite dans les formations schizogènes des feuilles, calices ou tiges
(Lauraceae, Asteraceae).
- Existence de variétés chimiques ou
chémotypes
Au sein d'une même espèce la composition chimique
de l'huile essentielle peut être différente: on parle alors de
races chimiques ou de chémotypes. Il s'agit d'un polymorphisme chimique.
Une espèce peut être homogène au niveau de son caryotype et
produire des huiles essentielles de compositions différentes. Le cas du
thym (Thymus vulgaris L.) avec ses 7 chémotypes est sans doute
le plus connu (Duval, 2012), on peut aussi citer le cas de l'Ocimum
gratissimum L., qui peut présenter 5 chémotypes:
eugénol, méthyl-eugénol, linalol, b-caryophyllène,
et géraniol (Charles et Simon, 1992).
Au Maroc, Fechtal et al. (2001) mentionnent deux
races chimiques de romarin, celle de la région rifaine est riche en
a-pinène, avec une teneur variant entre 33,1 et 50% alors que celle de
la région orientale est riche en 1,8-cineole dont la teneur varie entre
41 et 63%.
Le Lippia multiflora récoltée au Togo a
révélé les chémotypes à citral, à
thymol (acétate de thymyle), à para-cymène et à 1-8
cinéole (Inouye et Abe, 2003).
Enfin, Charchari et Boutekedjret (1994) ont
démontré que le rendement en huile essentielle et la teneur en
principaux constituants de l'Artemisia herba-alba assa
récoltée en Algérie diffèrent selon le lieu de
végétation de la plante. Ils observent deux chémotypes
suivant la région de récolte: le type à a-thuyone
caractérisant l'huile essentielle de la plante provenant de
Ghardaïa et celui à a-thuyone-camphre et
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chrysanthénone caractérisant celle de la plante
récoltée à Biskra, à Bordj Bou Arreridj et à
Laghouat.
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