Centre Universitaire de Formation
Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de
des Enseignants & des Formateurs
|
l'Education et de la Communication
|
Mémoire de thèse
MASTER 2 mention Éducation, Formation,
Communication spécialité Ingénierie de
l'Intervention en Milieu Socio-Educatif
(IIMSE 2)
« Les finalités éducatives des
professionnels et les enjeux liés à la résilience dans
l'accompagnement socio-éducatif »
Une étude de cas au Lycée Ettore Bugatti
(Illzach) et au SAJ (Neuf-Brisach)
MANY Holly Figaro Anne HERRMANN-ISRAEL Sous la Direction
de Loïc CHALMEL 16 juin 2016
1
1
Attestation d'authenticité
Ce document rempli et signé par l'étudiant doit
être inséré dans tous les mémoires après la
page de garde.
Nous, soussignés : MANY Holly Figaro & HERRMANN-ISRAEL
Anne
Etudiants de : MASTER 2 Sciences de l'Education (2015-2016)
Etablissement : Université de Haute-Alsace
Certifient que le texte soumis ne comporte aucun passage ou
schéma copié sans qu'il soit fait explicitement
référence aux sources selon les normes de citations
universitaires.
Tout plagiat réalisé par un étudiant
constitue une fraude au sens du décret du 13 juillet 1992 relatif
à la procédure disciplinaire dans les EPCSCP. La fraude par
plagiat relève de la Signatue des étudants,
compétence de la section de discipline de
l'Université. En général la sanction infligée aux
étudiants qui fraudent par plagiat s'élève à un an
d'exclusion de tout établissement d'enseignement supérieur.
2
Tout passage ou schéma copié sans qu'il soit
fait explicitement référence aux sources, selon les normes de
citation universitaires, sera considéré par le jury ou le
correcteur comme plagié.
Formulaire d'information sur le
plagiat
Dans le règlement des examens validé par
la CFVU du 2 octobre 2014, le plagiat est assimilé à une fraude.
Cette information est présentée à chaque étudiant
de l'Université
Formulaire d'information sur le plagiat
de Haute-Alsace susceptible de rédiger un
document long de type thèse, mémoire ou rapport de stage. Le
formulaire signé devra obligatoirement être intégré
au document.
Le plagiat consiste à reproduire un texte, une partie
d'un texte, des données ou des images, toute production (texte ou
image), ou à paraphraser un texte sans indiquer la provenance ou
l'auteur.
Le plagiat enfreint les règles de la déontologie
universitaire et il constitue une fraude. Le plagiat constitue également
une atteinte au droit d'auteur et à la propriété
intellectuelle, susceptible d'être assimilé à un
délit de contrefaçon.
En cas de plagiat dans un devoir, dossier, mémoire ou
thèse, l'étudiant sera présenté à la section
disciplinaire de l'université qui pourra prononcer des sanctions allant
de l'avertissement à l'exclusion. Dans le cas où le plagiat est
aussi caractérisé comme étant une contrefaçon,
d'éventuelles poursuites judiciaires pourront s'ajouter à la
procédure disciplinaire.
Nous soussignés MANY Holly Figaro et
HERRMANN-ISRAEL Anne Etudiants à l'Université de
Haute-Alsace en : 2016
Niveau d'études : MASTER 2
Formation ou parcours : Sciences de l'Education
spécialité Ingénierie de l'intervention en milieu
socio-éducatif
Reconnaissons avoir pris connaissance du formulaire d'information
sur le plagiat.
2
Fait à Mulhouse, le Signatures :
3
3
« C'est pour la liberté que Christ nous a
affranchis. » (Galates 5 v. 1)
« Nous renversons tous raisonnements et toute hauteur qui
s'élève contre la connaissance de Dieu et nous amenons toute
pensée captive à la connaissance de Christ. » (2
Corinthiens 10 v.5)1
« Le pédagogue sort de la norme, il pose tout le
temps des questions. Il dérange. Les scientifiques n'aiment pas les
pédagogues. Car, les pédagogues sont nécessairement
nomades, infidèles et impertinents »
Loïc Chalmel
1 Tirés de la Sainte
Bible, version Louis Segond.
4
4
REMERCIEMENTS
Nous voulons remercier tout d'abord Dieu notre Père,
par Jésus-Christ, notre Seigneur, qui nous a donné la force de
pourvoir accomplir nos deux années de Master et d'aboutir à ce
projet de Mémoire de fin d'études. A Lui soit toute la gloire et
nous Lui en sommes reconnaissants. Nous remercions également les membres
de notre famille et de notre communauté ecclésiastique qui nous
ont apporté leur soutien tant sur le plan moral que spirituel depuis le
début de ce projet.
Un grand remerciement à M. Loïc Chalmel pour avoir
eu foi en « Nous » et pour le soutien qu'il nous
accordé. Grâce à lui, nous avons découvert ce que
c'est le « bonheur pédagogique », le plaisir
d'apprendre et celui de faire de la recherche.
Nous remercions également nos tuteurs de stage, M.
Neher Frédéric et M. Jenny François, pour les marques de
respect, de bienveillance, de bonté dont ils nous ont fait preuve et
pour l'attention qu'ils nous ont prodigués dans l'élaboration de
ce travail. In fine, un remerciement aux personnels éducatifs du
Lycée Ettore Bugatti et du SAJ de Neuf-Brisach pour leur accueil, aux
étudiants de notre promotion pour leur solidarité et aux
enseignants du Département des Sciences de l'Education de
l'Université de Haute-Alsace pour leur dévouement et leur
engagement.
Merci à tous ceux qui ont participé à ce que
nous sommes devenus aujourd'hui.
« Presque toujours, c'est une minorité
créatrice et engagée qui a rendu le monde meilleur »
Pasteur Martin Luther King Junior
5
5
ABRÉVIATIONS & ACRONYMES
ANESM : Agence Nationale de l'Evaluation et
de la qualité des établissements et services
Sociaux et Médico-sociaux
AMP : Aide-médico-psychologique
AEMO : Accompagnement éducatif en
milieu ouvert
APAMAD : Association Pour l'Accompagnement et
le Maintien A Domicile
ATOSS : Administratif, Techniciens, Ouvriers,
de Service et de Santé
BTS : Brevet de technicien
supérieur
CAMPS : Centre d'Action Médico-sociale
Précoce
CARAH : Centre d'Accueil et de Rencontre pour
Adultes Handicapés
CAP : Certificat d'aptitude
professionnelle
CDAPH : Commission des Droits et de
l'Autonomie des Personnes Handicapées
CDES : Commission Départementale de
l'Education Spéciale
CFA : Centre de Formation des Apprentis
CMPP : Centre
Médico-Psycho-Pédagogique
COM COM : Communauté des Communes
6
6
COTOREP : Commission Technique d'Orientation
et de Reclassement Professionnel
CPE : Conseiller Principal d'Education
DDASS : Direction Départementale des
Affaires Sanitaires et Sociales
ESAT : Etablissement et Service d'Aide par le
Travail
ES : Educateur Spécialisé
ESSAD : Service d'Education Spéciale
et de Soins A Domicile
FAS : Foyer d'Accueil
Spécialisé
IES : Institut d'Education Sensorielle
IME : Institut Médico-Educatif
ITEP : Institut Thérapeutique,
Educatif et Pédagogique
MAS : Maison d'Accueil
Spécialisée
ME : Moniteur-éducateur
MRS : Maison de Retraite
Spécialisée
MDPH: Maison Départementale des
Personnes Handicapées
RASED : Réseau d'Aides
Spécialisées aux Elèves en Difficulté
SAJ : Service d'Accueil de Jour
SAMSAH : Service d'Accompagnement
médico-social pour Adultes Handicapés
SAVS : Service d'Accompagnement à la
Vie Sociale.
7
7
SAS : Dispositif d'orientation des
élèves dans le cadre de la lutte contre le décrochage
scolaire au lycée Bugatti.
SIVOM : Syndicat Intercommunal à Vocation
Multiple SSIAD : Services de Soins Infirmiers A Domicile
TABLE DES MATIÈRES
Attestation d'authenticité
Formulaire d'information sur le plagiat
Remerciements
Abréviations et acronymes
Table des matières
INTRODUCTION .. 14
PARTIE I : QUESTIONNEMENTS EMPIRIQUES
17
1.1 Many Holly, enseignant 18
1.2 Herrmann Anne, éducatrice
spécialisée 22
PARTIE II : APPROCHE
THÉORICO-DESCRIPTIVE 30
2. Champ de l'Education scolaire : Il
était une fois... le Lycée Ettore Bugatti 31
8
8
2.1. Le Lycée Ettore Bugatti à Mulhouse : Un
regard historico-critique.....................37 2.2. Le Lycée
Ettore Bugatti
aujourd'hui..............................................................43
2.2.1. Espace et environnement rural : Les locaux
|
44
|
2.2.2. Organisation et fonctionnement du Lycée Ettore
Bugatti
|
.47
|
2.2.3. Les offres de formation proposées
|
.52
|
2.2.4. Population et environnement socio-économique
|
.55
|
2.2.4.1. Le Lycée dans le quartier Drouot-Jonquilles
|
60
|
2.2.4.2. Recrutement des élèves et orientations
|
62
|
2.2.4.3. Recrutement des enseignants
|
...64
|
2.3. La problématique du décrochage scolaire
au Lycée Ettore Bugatti...................67
2.3.1. Le décrochage scolaire :
Généralités ...68
2.3.1.1. Le monde intérieur des décrocheurs 71
2.3.1.2. Les parents des élèves décrocheurs
.76
2.3.1.3. Les conséquences du décrochage scolaire
77
2.3.2. Les dispositifs de lutte contre le décrochage
scolaire en France .78 2.3.3. Décrochage et difficulté
scolaire au Lycée Ettore Bugatti : Etat des lieux...80
2.3.3.1. Les causes du décrochage scolaire au
Lycée Ettore Bugatti..81
2.3.3.2. La politique d'accompagnement des élèves
en difficultés....85
2. Champ de l'Education spécialisée :
Description d'une dynamique socio-éducative..91 2.1.
Identité du
Service.......................................................................................91
2.1.1. Les repères historiques 91
2.1.2. Le projet associatif .94
2.1.3. Missions du Service à l'égard des personnes
en situation de handicap ..95
9
9
2.1.4. Cadre administratif et juridique
2.1.5. Les textes de références,
l'évaluation
|
..96
97
|
2.1.5.1. Lois, ordonnances, décrets
|
97
|
2.1.5.2. Les recommandations
|
.100
|
2.1.5.3. Les schémas régionaux et
départementaux
|
.102
|
2.1.5.4. L'évaluation Interne
|
103
|
2.1.6. Localisation, contexte socio-économique
|
.103
|
2.2. Description de la
population........................................................................110
2.2.1. Axe quantitatif
2.2.2. Axe qualitatif
|
110
..111
|
2.3. Fonctionnement et
organisation...............................................................
|
112
|
2.3.1. Nature et modalités d'admission et d'accueil
|
.112
|
2.3.2. Principes d'accueil et d'accompagnement
|
.113
|
2.3.2.1. Le respect des droits et la protection des personnes
|
113
|
2.3.2.2. La qualité de vie et le quotidien du SAJ
|
.113
|
2.3.3. L'ouverture sur l'environnement
|
115
|
2.3.4. Les professionnels et compétences mobilisées
|
..115
|
2.4. La personnalisation de
l'accompagnement................................................
|
123
|
2.4.1. Professionnels-usagers
|
124
|
2.4.1.1. Une pédagogie de l'accompagnement
|
124
|
10
10
2.4.1.2. Une pédagogie du Projet .128
2.4.2. Chef de Service-Professionnels socio-éducatifs
.131 2.5. Analyse de l'organisation selon
Mintzberg......................................................135
Synthèse et problématique de
recherche...............................................................
|
139
|
PARTIE III : QUESTIONNEMENTS THEORIQUES
|
140
|
3. Conceptualisation de l'accompagnement
|
..141
|
3.1. L'accompagnement ....141
3.1.1. Un regard
historique.........................................................................141
3.1.2.
Généralités......................................................................................143
3.1.3. Les formes
d'accompagnement............................................................145
3.1.3.1.
|
Le counseling
|
....145
|
3.1.3.2.
|
Le sponsoring
|
....146
|
3.1.3.3.
|
Le mentoring
|
146
|
3.1.3.4.
|
Le compagnonnage
|
....146
|
3.1.3.5.
|
La médiation
|
147
|
3.1.3.6.
|
Le tutorat
|
.148
|
3.1.3.7.
|
Le coaching
|
.152
|
3.1.3.7.1.
|
Le coaching scolaire
|
...155
|
3.1.3.7.2.
|
Synthèse des formes d'accompagnement
|
...158
|
11
11
3.1.4. Les modèles
d'accompagnement..........................................................159
3.1.4.1. Le modèle maïeutique 159
3.1.4.2. Le modèle initiatique ..160
3.1.4.3. Le modèle d'accompagnement thérapeutique
160
3.1.5. Analyse des formes et modèles d'accompagnement
existant au Lycée Ettore
Bugatti 162
3.1.6. Analyse des formes et modèles d'accompagnement
existant au SAJ de Neuf
Brisach...............................................................................................165
3.1.6.1. Des usagers ....165
3.1.6.2. Des professionnels socio-éducatifs ....168
3.1.7. L'accompagnement, une finalité
pédagogique ? 173
3.2. Conceptualisation du « Moi social
» 175
3.2.1. Généralités et
caractéristiques du « Moi social » 175
3.2.2. Le « Moi social » (ou « Didactique
») dans l'éducation scolaire 179
3.2.3. Le « Moi social » (ou « Pression
sociale normative ») dans l'éducation
spécialisée.................................................................................
...187
3.3. Conceptualisation du « Moi »
.196
3.3.1. Pédagogie et « Moi » par opposition
à la « Didactique » / « Moi social » dans lechamp
scolaire.................................................................................199
3.3.2. L'accompagnement au « Moi » dans le champ
d'éducation spécialisée.......206 3.3.3. La
résilience dans l'action éducative : Entre le « Moi social
» et le « Moi
» ? 210
12
12
3.3.3.1. Dispositifs favorisant la résilience au
Lycée Ettore. Bugatti
3.3.3.2. Dispositifs favorisant la résilience chez les
personnes en situation de
handicap accueillies au SAJ de Neuf-Brisach
|
215
..219
|
3.3.3.3. Facteurs favorisant la résilience
|
.220
|
3.4. Problématique de recherche
|
222
|
PARTIE IV : METHODOLOGIE DE RECHERCHE
|
223
|
4. Perspective méthodologique
|
.224
|
4.1. Démarche de recueil synthétique d'indices
et d'indicateurs 226
4.2. Construction méthodologique 232
4.2.1. Condensation du matériau 233
4.2.2. Analyse du matériau condensé et
synthétisé .....233
4.2.3. Mise en relation et comparaison des données de
Bugatti et de Neuf Brisach.233 4.3. Méthodologie Lycée Ettore
Bugatti, Mulhouse.................................................234
4.3.1. Condensation du matériau, par la réduction et
synthétisation des données...234
4.3.2. Synthèse et résultats des observations
critériées : Choix de l'outil .235
4.3.3. Analyse et interprétations des observations
critériées 248
4.3.3.1. Synthèse et résultats de l'entretien
collectif auprès enseignants :
Choix de l'outil 250
4.3.3.2. Analyse et interprétations des entretiens
directifs auprès des
élèves décrocheurs 255
13
13
4.3.3.3. Synthèse et résultats de l'entretien
collectif auprès des
enseignants : Choix de l'outil 265
4.3.3.4. Analyse et interprétations de l'entretien
collectif avec les
enseignants 266
4.4. Méthodologie SAJ, Neuf-Brisach 271
4.4.1. Choix de l'outil et élaboration de la grille
d'entretien 271
4.4.1.1. Bilan des pré-tests 271
4.4.1.2. Professionnels socio-éducatifs 272
4.4.1.3. Chef de Service 279
4.4.2. Condensation du matériau 281
4.4.2.1. Professionnels socio-éducatifs du SAJ 281
4.4.2.2. Chef de Service 310
4.4.3. Analyse du matériau condensé 322
4.5. Mise en relation des données 329
4.6. Conclusion méthodologique 330
4.7. Hypothèses de recherches 331
4.8. Perspectives de recherches 333
CONCLUSION GENERALE 335
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .337
REFERENCES NUMERIQUES 345
14
14
RESUME 349
ABSTRACT .350
INTRODUCTION
Ce Mémoire est le fruit d'un travail réflexif et
coopératif entre un professionnel de l'éducation scolaire et
religieuse (Holly MANY) travaillant auprès de jeunes en
difficultés scolaires et une travailleuse sociale issue de
l'éducation spécialisée (Anne HERRMANN-ISRAEL) travaillant
auprès d'un public en situation de handicap. En effet, les
réflexions et échanges menés de part et d'autre sur les
problématiques inhérentes à nos champs professionnels
respectifs nous ont amenés à prendre conscience des enjeux qui
portent sur les finalités éducatives dans l'accompagnement des
personnes à besoins spécifiques, tant dans le milieu scolaire que
socio-éducatif. Ainsi, les lectures exploratoires effectuées sur
ce sujet en Master 1 par Mme Herrmann-Israël, éducatrice
spécialisée au CARAH de Munster, lui ont permis
d'appréhender la nécessité de la présence active
d'un tiers (éducateur spécialisé ou enseignant)
auprès d'un accompagné à besoins spécifiques, que
nous nommerons « soutien à la résilience ».
Celle-ci a suscité l'émergence d'un questionnement autour des
pratiques professionnelles et des finalités
15
15
relatives à l'accompagnement des personnes au regard de
leur handicap et des élèves face à l'échec
scolaire.
De fait, sur la base de nos explorations empiriques et
théoriques, nous pensons que les moyens et les méthodes
pédagogiques ainsi que le but visé, inhérents à la
« pratique d'accompagnement », joueraient un rôle
prépondérant dans l'émergence de la «
résilience » lors d'un évènement ou d'une
situation problématique vécue, soit par un adulte en situation de
handicap soit par un jeune en processus de rupture avec le système
éducatif (décrochage scolaire). Ce postulat de base reste
à vérifier et c'est ce que nous comptons faire, en juxtaposant
nos recherches sur un même projet de Mémoire de fin
d'études de Master 2 Sciences de l'Education, spécialité
« Ingénierie de l'intervention en milieu socio-éducatif
». Ainsi, nos questionnements sont les suivants : Quelle est la
finalité de l'accompagnement d'un professionnel de « l'Education
» ?
Dans le cadre de ce travail, nous effectuerons nos stages dans
deux endroits différents. Madame HERRMANN développera ses
investigations au SAJ2 de Neuf-Brisach et Monsieur MANY travaillera
sur un projet de recherche entrepris depuis décembre 2015 par le
LISEC3 de l'Université de Haute-Alsace sur le
décrochage scolaire au Lycée Ettore Bugatti d'Illzach.
Sur le plan épistémologique, nous avons fait le
choix de nous positionner dans une démarche inductiviste
sophistiquée ou apostérioriste-aprioriste (Chalmers & Alan.F,
1987). Nous savons selon J. Creswell cité par Albarello (2011 p. 17),
qu'il existe en sciences humaines cinq grandes approches qualitatives, telles
que la recherche narrative, la phénoménologie, la théorie
ancrée, l'ethnographie et l'étude de cas. Ainsi, notre approche
sera à la croisée des méthodes « ethnographie
» et « étude de cas » appartenant à
l'école inductiviste. Néanmoins, celle-ci sera beaucoup plus
proche de « l'étude de cas », d'où le titre de notre
mémoire : « Les finalités éducatives et l'impact
sur la résilience dans l'accompagnement socio-éducatif. Une
étude de
2 Service d'accueil de jour.
3 Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de
l'Education et de la Communication.
16
16
cas au Lycée Ettore Bugatti (Illzach) et au SAJ
(Neuf-Brisach) ». Le but d'une telle approche consiste à
examiner et à comprendre les motifs d'un phénomène
lié à un contexte particulier (Ibid., p. 27). Ainsi, nous
travaillerons essentiellement avec des indicateurs recueillis à partir
d'observations empiriques, des lectures exploratoires et d'enquêtes
réalisées sur le terrain qui nous permettront de construire du
sens en reliant « la complexité du matériau empirique
avec le monde de la théorie » (Albarello, 2011 p. 129).
Par voie de conséquence, ce travail répond
à la commande de notre Directeur de mémoire, Monsieur Loïc
Chalmel, qui nous a recommandé de mettre en valeur l'environnement
socio-économique de notre lieu de recherche (SAJ Neuf-Brisach et
Lycée Ettore Bugatti) afin de dégager une meilleure
compréhension du cadre conceptuel. Le pédagogue suisse Pestalozzi
déclara un jour « qu'il faut trouver la simple
vérité écrite dans notre propre existence »
(Goussot, 2014). En outre, nous voulons également, à travers
cette étude, faire de nos vécus, expériences et histoires
personnelles les témoins de cette vérité écrite,
mêlant ainsi l'objectivité à la subjectivité pour
tenter d'étudier l'humain dans son effroyable complexité.
Au risque de trahir une certaine conception objectiviste en
sciences humaines, nous privilégierons dans notre approche une
éthique de conviction (Chalmel, 2015) au détriment d'un
positionnement scientifique absolu. Par ailleurs, François
Dépeleteau4 déclare ceci : « A notre avis,
les recherches en sciences humaines et les jugements de valeur sont
parallèles comme les rails d'un chemin de fer même s'ils ne se
touchent pas directement, ils mènent à la même destination.
A cet effet, on ne peut concevoir les sciences humaines sans leur
utilité pour ce qui concerne les jugements de valeur ». En
clair, nous nous situons du point de vue épistémologique et
conceptuel dans l'école de pensée des pédagogues à
l'instar de Rousseau, Pestalozzi, Freinet, Montessori, Decroly, Jean Houssaye,
Phillipe Meirieu, Loïc Chalmel, etc. Nous revendiquons notre appartenance
à cette école dont nous voulons être les héritiers
pour les générations futures. Nous sommes avant tout des
praticiens, éducatrice spécialisée et éducateur
scolaire, cherchant à théoriser nos propres pratiques (Houssaye,
1992) dont l'objectif ultime est de « comprendre »,
4 Dépeleteau (2010). La
démarche d'une recherche en sciences humaines. De Boeck,
p.119.
Questionnements
empiriques
Partie I
Nous nous inscrivons tout au long de notre étude dans
un paradigme descriptif et compréhensif afin de pouvoir aboutir à
plusieurs hypothèses et élaborer une problématique, ce qui
représentera la partie conclusive de notre travail. In fine,
nous présenterons dans la dernière partie de cette étude
un projet d'ingénierie des compétences à l'attention des
professionnels de l'éducation et du social à partir du diagnostic
effectué sur nos lieux de stage respectifs.
17
et ce mémoire est le reflet de cette idéologie
pédagogique. Ainsi, nous ferons appel à plusieurs champs
disciplinaires afin de consolider nos étayages théoriques et
d'asseoir notre postulat de base.
18
18
PARTIE I :
QUESTIONNEMENTS EMPIRIQUES
1.1 MANY Holly, étudiant Master 2 Sciences de
l'Education Profession : Enseignant et pasteur
19
19
Quand je suis rentré, il y a de cela deux ans, en
Master de Sciences de l'éducation, je ne savais pas exactement à
quoi m'attendre. La définition même du mot «
éducation » m'était complètement inconnue.
Cependant, durant les 6 dernières années, j'ai eu une
expérience significative dans le champ socio-éducatif par le
truchement des métiers d'assistant d'éducation et d'enseignant
que j'ai exercés dans un établissement ZEP (Zone éducative
prioritaire). Les formations que j'ai suivies dans le cadre de mon travail ne
suffisaient guère à étancher ma soif d'apprendre, de
comprendre et connaitre les rouages du processus d'apprentissage. Ainsi, j'ai
été donc interpellé par les problématiques de
l'échec scolaire, des troubles d'apprentissage et l'insertion
socio-professionnelle des jeunes de Mulhouse. Et ce n'est pas non plus un
hasard que je me sois intéressé à ces sujets, puisque que
j'ai connu moi-même une enfance et une scolarité difficile
marquées par la solitude, l'abandon et des troubles de comportement et
d'apprentissage. Au début de ma scolarité à l'école
primaire, aucun instituteur n'aurait parié que ce cancre timide assis au
fond de la classe obtiendrait un jour un baccalauréat de série
« S » et poursuivrait ses études à l'Université.
Il était question de médicaliser mon échec scolaire
tellement les troubles cognitifs étaient importants. Aussi longtemps que
je me souvienne, je me rappelle encore que les pronostics établis par
mon entourage de l'époque (famille) étaient très
défavorables, car on pensait que mon niveau d'étude ne pourrait
dépasser la classe de CM2. Alors, par quel miracle ai-je pu arriver en
Terminale, diront-ils plus tard ? Néanmoins, si la foi en Jésus
Christ a toujours été pour moi une source de paix, de force et
d'enrichissement, il m'arrivait souvent de me demander quels sont les
mécanismes qui ont été mis en place pour faciliter ma
résilience. Quels ont été les facteurs qui ont
influencé de manière positive mon apprentissage ? Quelles ont
été les personnes qui ont été pour moi «
un soutien de résilience » ? Ainsi, je crois à ce
dicton qui dit « Aide-toi et le ciel t'aidera ». En effet,
si le miracle de la résilience scolaire s'est produit dans ma vie, il a
fallu certainement des personnes ayant concouru à des méthodes,
des pratiques éducatives ayant contribué à ma
réussite scolaire. Après mon baccalauréat, je me suis
orienté vers les sciences dures, peut-être dans le but de prouver
quelque chose à mon entourage ou à soi-même, mais je suis
resté insatisfait, frustré, malgré les certifications
obtenues en chimie et techniques biologiques (DUT) et des expériences
acquises en industrie pharmaceutique.
20
20
Ensuite, je me suis orienté vers les sciences humaines
et à partir de là, j'avais vraiment le sentiment que je devenais
« moi » et non « un autre ». Après
avoir obtenu une Licence en langues étrangères appliquées,
je me suis retrouvé dans un collège classé ZEP
situé, qui plus est, dans un quartier difficile et connu à
Mulhouse pour ses violences urbaines.
Dans un premier temps, j'ai occupé un poste d'assistant
d'éducation puis d'enseignant dans cette structure sans formation de
base en Sciences de l'Education. Les années passées dans cet
établissement ont été pour moi une richesse sur le plan
humain mais aussi un choc sur le plan éducatif et émotionnel. Sur
le terrain, j'ai vécu des expériences tant positives que
négatives. Je me suis heurté à des écueils pour
lesquels je n'étais ni préparé ni formé. Je me suis
retrouvé face à des jeunes adolescents en grande détresse
psychologique, en difficulté sociale et scolaire. Mes collègues
et moi avions été impuissants face à ce déferlement
d'élèves en souffrance.
Les armes qui nous semblaient les mieux adaptées et
ceci par manque de connaissance, pour pouvoir endiguer ces maux qui nous
asphyxiaient, déprimaient, désenchantaient étaient :
La didactique, la répression et l'exclusion. J'avais honte de
mal faire mon travail, j'étais démuni, frustré et mes
lèvres brûlaient de questions pour lesquelles je n'avais pas de
réponse. Et pourtant, je rêvais de voir ces jeunes réussir
et de s'insérer dans la société, car quelque part,
j'étais attaché à « ces petits monstres
» qui rétrospectivement me renvoyaient au « moi
enfant difficile ». Durant ce parcours, un des élèves
que j'ai accompagné a particulièrement attiré mon
attention et serait un des éléments déclencheurs
m'incitant à entreprendre des études de Master en Sciences de
l'éducation. Ce garçon, que je nommerais « Julien »
était en classe de cinquième et avait un comportement
inapproprié, exécrable. Il ne suivait pas les cours. Il
était très agressif envers ses camarades, les enseignants et
l'équipe éducative. Et pourtant en le côtoyant de
près, Julien semblait être un garçon aimable, sensible et
intelligent. Suite à une agression physique perpétrée
à l'encontre d'une enseignante, ce jeune fut exclu définitivement
de l'établissement. Les années suivantes, il semblerait qu'il
soit passé d'établissements en établissements, pour
finalement intégrer une école de la « deuxième
chance », qu'il quittera sans avoir terminé son parcours de
formation. Jusqu'à ce jour, je ne peux dire avec exactitude ce qu'est
devenu ce Julien. Cependant, il est fort probable que « mon ancien
élève » se retrouve
21
21
à la rue, sans emploi, errant dans le quartier de la
ZUP avec des grands frères (malfrats), comme c'est le cas pour la
plupart des élèves difficiles que j'ai accompagnés dans ce
collège.
Dans notre système éducatif actuel, les cas
similaires à celui de Julien sont légion, comme le montrent
plusieurs études de l'OCDE ou de l'Insee. Une étude de 2013 du
Ministère de l'Education Nationale et du Ministère de
l'Enseignement Supérieur et de la Recherches5 montre que le
nombre de décrocheurs actifs en France s'élève à
près de 140.000 jeunes par an. En 2012, on a recensé en Alsace
4699 jeunes (2957 dans le Bas -Rhin et 1742 dans le Haut - Rhin) ayant
quitté le système scolaire. Parmi eux, on comptabilise 683
jeunes, soit près de 19% de cette population, âgée de 16
à 25 ans qui sont injoignables, perdus de vue. J'étais souvent
outré, bouleversé et chagriné de voir mes anciens
élèves qui auraient pu poursuivre leurs études au
lycée, faire (probablement) le guet pour le compte de dealers en dessous
des cages d'escalier d'immeuble ou des coins de rue de certains quartiers
mulhousiens malfamés.
Ainsi, les cours du professeur Loïc CHALMEL en Master de
Sciences de l'Education spécialité « Ingénierie
de l'intervention en milieu socio-éducatif », m'ont permis de
mettre des mots sur des concepts et comprendre les problèmes
d'apprentissage rencontrés non seulement dans ma propre enfance mais
aussi sur mon lieu de travail en tant qu'éducateur et enseignant. J'ai
découvert la « pédagogie » que je confondais
souvent avec la « didactique ». Les travaux que j'ai
réalisés durant ma première année de Master m'ont
permis de faire le lien entre la pédagogie et la résilience,
entre la résilience et la reconstruction identitaire du « moi
». Ainsi, l'an dernier, lorsque Monsieur Chalmel m'a proposé
de participer à un projet de recherches sur la «
persévérance scolaire » des élèves
décrocheurs dans le cadre d'un partenariat entre l'Université de
Haute Alsace et le Lycée professionnel Ettore Bugatti d'Illzach, j'ai
tout de suite accepté.
Depuis novembre 2015, avec une équipe de 8 personnes
constituée d'élèves de Master 1 & 2 de Sciences de
l'Education de notre Université, nous avons été
mobilisés pour mener ce projet.
5 Rapport no 2013-095-novembre 2013
22
22
Notre travail consiste à réaliser des
enquêtes et investigations auprès des élèves,
anciens élèves, et le personnel éducatif du Lycée
Bugatti afin de pouvoir dans un premier temps dresser un profil type du
décrocheur. L'équipe est dirigée par Mme Ben Abid Zarrouk,
enseignante chercheuse en Sciences de l'Education au département de
Sciences de l'Education de l'Université de Haute-Alsace. Le professeur
Loïc Chalmel, nous a appris qu'une « représentation »
ne peut se construire qu'à partir d'une «
expérience concrète », une « mise en
situation réelle » et « une immersion » de
l'espace de recherches qu'on souhaite étudier. Ce projet me servira de
socle de base pour l'élaboration de notre thèse de mémoire
de fin d'études sur les finalités éducatives dans
l'accompagnement des personnes à besoins spécifiques.
Ainsi, dans notre enquête, nous nous focaliserons sur
les élèves ayant bénéficié du SAS, qui est
un dispositif d'accueil et d'accompagnement destiné aux
élèves de première année de CAP favorisant
l'inclusion scolaire et la découverte des métiers. Notre
étude nous permettra de mieux connaitre le public visé, de porter
un regard analytique sur l'accompagnement qui leur a été
proposé afin de pouvoir élucider les finalités
éducatives. Les questions qu'on pourrait se poser sont : Comment
l'accompagnement peut-il aider un jeune à rebondir ? Et selon quelles
finalités ? Quelle posture préconiser face à
l'élève en difficulté ? La didactique ou la
pédagogie ? Pour répondre à ces questionnements, nous
utiliserons le modèle ci-dessous comme le fil conducteur de notre
approche réflexive et de notre démarche méthodologique. -
Nous souhaiterions par le biais de ces investigations faire émerger les
représentations tant des professionnels que des accompagnés sur
la finalité et le but de l'accompagnement éducatif dans le
système scolaire. Nous espérons que nos recherches apporteront
des éléments de compréhension sur la problématique
du décrochage scolaire et les causes qui en découlent. Ce travail
nous permettra de questionner les actions qui ont été mis en
oeuvre par le personnel éducatif du lycée pour favoriser la
persévérance scolaire et la résilience des
élèves présentant des risques de décrochage. Le
tableau ci-après illustre bien les problématiques
émergentes de notre questionnement.
"Moi"
"Moi social"
23
Pédagogie
Didactique
Conformisme normatif
Finalités éducatives
e
sociales
Lycéen à risque de
décrochage Enseignant
Finalités individuelles
Développement de l'individualité
Risques d'abus
23
Accompagnement
Figure 1 : Modèle représentatif des
problématiques émergentes dans notre questionnement.
1.2 HERRMANN-ISRAEL Anne, étudiae Master 2
Sciences de l'Education Accompagnement
Profession : Éducatrice
spécialisée
Mon parcours personnel a mis en exergue la confrontation
récurrente à une forme de soumission normative et complaisante
à diverses entités (éducatives, religieuses et
sociales).
J'ai observé que, quelle que soit l'étape du
processus éducatif, l'objet de l'éducation scolaire vise des
finalités sociales, universelles à tout élève
scolarisé en France, par la connaissance et l'apprentissage de savoirs,
de savoir-faire et de savoirs-êtres...Cadre de référence
globalisant, qui me semble ne pas tenir compte de l'individualité de
l'élève et qui s'est construit dans un accompagnement empreint de
normes (éducatives, institutionnelles et sociales) et de postures
formatives à tendance prédominante des enseignants. Au final, ce
système éducatif semble façonner des « persona
», extérieures à leur personnalité et à
leur « intérieur », leur « moi »,
tel un masque posé sur leur visage lors de représentations
théâtrales, jouant des rôles attendus. A chacune de leurs
représentations, leur masque change et ils tentent de s'adapter à
la demande et au cadre formatif. De fait, les élèves ont-ils
conscience de cette « forme de fabrication
24
24
normative sociale » ? Et éprouvent-ils le
désir de renoncer à cette subordination qui leur parait
enfermante, de renoncer à plaire et à adhérer à ce
qui semble se désintéresser de leur individualité qui
tente de leur plaquer quelque chose qui ne leur correspond pas ? Cette
éducation normative désintéressée de la
singularité et de l'individualité des élèves,
enseignée par le corps enseignant lui-même soumis et
formaté au colossal système scolaire de l'Education Nationale, me
semble avoir d'importantes conséquences psychologiques,
éducatives et sociales chez les futurs citoyens et professionnels, et
les groupes ou systèmes auxquels ils vont appartenir, avec lesquels ils
devront collaborer.
Dans un même registre, de mon parcours professionnel se
sont dégagés des constats mitigés révélant
la réalité imparfaite des enjeux du travail social et de celle de
l'autorité légitime censée y impacter les valeurs
éthiques. Dans le cadre de la formation d'éducateur
spécialisé, des questionnements ont surgi par rapport aux abus de
pouvoir et aux malversations à l'égard des usagers et des
professionnels : « Comment est-il possible de vouloir préserver
un statuquo dans une structure éducative, en ignorant et en niant les
abus verbaux d'une éducatrice ou d'un agent technique (rencontré
en stage dans un FAS6) ? Quelles devraient être les
finalités éducatives et cognitives pour des jeunes en
difficultés sociales et scolaires scolarisés admis en
internat/IMP7, et comment les y intéresser ? Les astreindre
aux règles institutionnelles est-il un moyen efficace pour les amener
à construire du sens pour leur vie et à développer leur
individualité ? ». A ce sujet, mon éducatrice
référente de mon stage avait souhaité que je liste
l'ensemble des règles institutionnelles auxquelles les jeunes devaient
se soumettre. Au final, elle avait été choquée, car ces
dernières s'élevaient à plus d'une trentaine d'injonctions
en termes de « Il ne faut pas », « il est interdit de
», « il faut », etc. Pour la plupart, ces jeunes se
désintéressaient totalement de l'école et de ses
règles, et semblaient n'avoir qu'une envie : franchir des obstacles
(souvent interdits), essayer de nouvelles choses dans des domaines qui les
intéressaient (les voitures, les médias, le sport, etc.). Le
Directeur de l'établissement arrivait
6 Foyer d'Accueil spécialisé. Les
diverses anecdotes suivantes relèvent d'expériences vécues
dans des structures établies dans le Haut-Rhin.
7 Institut Médico-Pédagogique.
25
25
souvent inopinément dans le lieu de vie pour «
faire la loi », et il arrivait que certains éducateurs
giflent et punissent l'un ou l'autre jeune.
Ces observations ont mis en évidence l'existence d'un
conformisme contraint dans les pratiques d'accompagnement et le
caractère insensé et abusif des finalités
éducatives dans l'accompagnement des publics à besoins
spécifiques.
L'intrigue de mon questionnement a été mise en
exergue lors d'une expérience complexe dans un SAJ du Haut-Rhin
auprès de personnes adultes en situation de handicap mental.
Embauchée comme éducatrice spécialisée à
mi-temps, j'y ai travaillé dans un contexte nébuleux, qui m'a
impliquée personnellement et qui a contribué à la
poursuite des études en Master pour en comprendre les méandres et
les enjeux de la situation.
Accueillies en journée, les adultes en situation de
handicap bénéficient d'un accompagnement (en collectif et en
individuel, dans les moments informels ou formels (entretiens individuels) lors
d'ateliers et d'activités favorisant leur maintien, leur acquisition ou
progression dans divers domaines (autonomie fonctionnelle, socialisation,
etc.). Bien qu'ayant observé une richesse et une diversité de
compétences professionnelles au sein d'une équipe dynamique
souhaitant bien faire, mes observations relatives à l'accompagnement de
la personne ont fait l'objet de constatations déroutantes. En, effet,
les finalités éducatives de l'accompagnement des usagers visaient
un conformisme collectif intra-équipe à des règles et
à des principes (parfois rigides et fermés) agissant sous la
forme de pressions implicites. Ces pratiques étaient exercées par
une partie de l'équipe éducative, qui provenaient des
idées reçues, telles que : les personnes accompagnées ne
doivent pas être assistées et gâtées; elles doivent
faire des efforts pour réduire leur handicap ; certaines personnes, en
situation de handicap ou non, ne sont pas aimables du fait de leur comportement
ou d'une caractéristique qui leur est propre et elles sont «
interdites de séjour dans le système8 »;
les personnes extérieures à la structure peuvent gêner le
travail éducatif ; l'éducateur est un accompagnant qui
contrôle et il est en position d'expert.
8 Phrase énoncée par le psychanalyste,
Monsieur H.
26
26
Pour anecdote, lors de l'ultime réunion du 12 janvier
2016, les observations du psychanalyste Monsieur H.9 parlent
d'elles-mêmes : «Le mode de fonctionnement de l'équipe
est particulier, on a intérêt de prendre rang », «
il y a des parades structurées en binômes », des
« susceptibilités », « des jeux de regard
où on ne peut pas faire n'importe quoi », « un
décalage en termes de valeurs », un fonctionnement «
manichéen », le « non-droit à l'erreur
», « la parole non-libre », « la
difficulté à accueillir l'étranger ».
Il en résultait ainsi des pratiques arbitraires,
suspicieuses et paternalistes, mettant les personnes à rude
épreuve, parfois sous couvert d'un humour décalé. Somme
toute, les professionnelles « s'imposaient... en imposant » des
attitudes, des représentations, des choix aux personnes accueillies et
leurs postures pouvaient être proches de l'abus verbal : injonctions,
attitudes grossières, infantilisantes, voire dominantes. Au fil du
temps, je me suis rendue compte que leurs finalités éducatives se
résumaient ainsi : Amener la personne à un « certain
» savoir, un savoir-faire et un savoir-être afin de devenir une
« bonne » personne (qui en quelque sorte corresponde
à leur idéal). De fait, je réalisais aussi que ces
pratiques pouvaient faire l'objet de risques majeurs pour les personnes (la
dépendance des personnes, la dévalorisation, la crainte,
l'anxiété, le sentiment d'échec, etc.), qui pouvaient
être renforçateurs des désavantages liés au handicap
manifeste et inhibiteurs de leur individualité.
Après réflexions, à travers mon
Mémoire de stage dans ce SAJ et grâce eux enseignements
dispensés en cours de l'année en Master 1, j'ai
réalisé que ce sous-groupe de l'équipe éducative
représentait un sous-système fortement loyal entre chacun de ses
membres, établi par des règles et des codes
corrélés à leurs principes, auxquels les usagers et les
professionnels devaient se soumettre.
A plusieurs reprises, j'ai tenté d'en discuter avec des
membres de l'équipe qui semblaient plus ou moins ouverts à un
retour réflexif. J'ai tenté d'en informer la Direction, qui a
joué la carte de l'indifférence face au problème de fond,
invoquant indirectement, un négativisme et un
9 Intervenant en Supervision d'équipe, ayant
stoppé les séances avec l'équipe.
27
27
désintérêt -peut-être s'agissait-il
d'une lassitude- face à la récurrence de mes remises en question,
et les difficultés de retour réflexif pour ce qui concerne une
partie de l'équipe. Pour répondre à la tension manifeste,
la Directrice a proposé qu'à chaque début de
réunion éducative, le Chef de Service propose un « kiff
» (autrement dit une anecdote positive, sorte de clin d'oeil
vécu professionnellement au sein de la structure) que les membres de
l'équipe éducative partagent, afin de les impacter d'une note
positive. Cette non-prise en compte des enjeux et du problème de fond
m'a posée question quant à la question de l'accompagnement des
professionnels par les cadres supérieurs.
Poursuivant mes investigations, j'ai découvert que le
développement, le renforcement et la prise d'autorité de ce
sous-système s'étaient progressivement opérés en
corrélation avec le contexte institutionnel ambiant : absence d'outils
méthodologiques et d'évaluation efficiente des projets, absence
de management et de « contrôle/supervision » (au-delà
des objectifs opérationnels du projets et bien plus au niveau de
l'approche épistémologique de l'accompagnement), manque de
position et de contenant institutionnels, dilution et dispersion des
responsabilités, etc. Par conséquent, l'absence d'implication et
de retour réflexif institutionnels ont déterminé ma
quête compréhensive et analytique des réels outils de
soutien et d'accompagnement au sein d'une structure socio-éducative.
Pour comprendre et dépasser ce contexte
problématique, j'ai implicitement recherché des acteurs
potentiellement attentifs à la situation institutionnelle et à
mon malaise au sein de la structure -ce qui a été le cas pour un
seul professionnel mais marginal lui aussi, car « non conforme
»-. Et il a fallu que je me tourne vers des personnes de confiance
extérieures, professionnelles ou non. C'est cette « forte
accommodation, face aux situations fortement délétères
» que Cyrulnik & Jorland (2012, p.67) énoncent dans le
processus de résilience, et qui « mettent à contribution
des modes de protection relevant de ressources internes et externes au sujet,
notamment l'environnement affectif et social. », qui ont
favorisé ma résilience. Aussi, cette expérience a mis en
évidence que la présence des différents garde-fous face
aux abus de pouvoir (projet de Service, réunions, entretien individuel
professionnel, autres entretiens, bilan des risques psychosociaux, etc.)
peuvent s'avérer stériles, non seulement lorsque le
système se
28
28
protège, protège ses intérêts sans
s'ouvrir à d'autres et se défend contre celui qui ose y toucher,
mais aussi lorsqu'aucune alternative n'est proposée qui permette aux
membres du groupe de douter de leurs représentations (ce qui
favoriserait le changement)10.
C'est ainsi que j'ai découvert qu'au sein de cette
organisation régissaient deux systèmes normatifs
hétérogènes et sans liens apparents, mais de même
nature. D'une part, il s'agissait du premier sous-système
(développé par manque de management et de position
institutionnelle) au sein de l'équipe éducative exigeante de
conformisme par un « accompagnement » injonctif et normatif - voire
coercitif- et d'autre part, d'un second type de conformisme relié
à l'autorité du système, la Direction, faisant
référence à des prescriptions, des attitudes et des
postures également normatives, arbitrairement exigeantes et
immodérées à l'égard du personnel, dont les
finalités seraient à creuser.
Ce dernier a mis en évidence le caractère soumis
et résigné des professionnels qui s'alignaient facilement
malgré leur désaccord et pouvaient également se retrouver
dans ce jeu de théâtre où la persona (masque) changeait et
s'adaptait selon le contexte et le statut des personnes en face, pour ne pas
perdre la face et être reconnus de leur hiérarchie. De fait,
lorsque le professionnel non conformiste et détaché de cette
pression normative ne s'y acclimatait pas, il avait « tout à perdre
» face à l'autorité et se retrouvait marginalisé, tel
que Chalmel (2015, p.13) le décrit par le « Moi marginal
», mais il gardait sa propriété, son
individualité, sa liberté.
Au final, nos observations empiriques ont mis en exergue la
problématique d'un même type d'entité normative exigeante
de conformisme à caractère social et à risques coercitifs,
établie dans différentes entités sociales, et qui semble
aboutir à un même postulat : elles briguent des finalités
sociétales, prescrites par un « Moi social »
(Chalmel, 2015, p.10)11, au détriment de
finalités individuelles qu'il identifie par le « Moi
».
10 Enseignements de Monsieur Chalmel, Master 2.
11 In Thérapie et Education. De quoi et
de qui parle-t-on ? .Coll. Soins : sens, postures, pratiques. Ed. Univ. De
Lorraine.
29
29
De fait, l'éducation au développement de
l'individualité de la personne semble balayée au profit d'une
éducation et d'un accompagnement à finalités sociales
ambitionnant son devenir comme « une bonne personne autonome et
travailleuse », et plus précisément comme un
élève, un chrétien, un citoyen, un professionnel qui soit
« bon », soumis, docile, etc. En extrapolant, j'ai
observé d'autres types de « Moi social » dans divers
domaines (scientifiques, culturels, économiques, militaires, etc.) dont
les finalités (plus implicites qu'explicites, pour certaines) visent le
statut honorable, le pouvoir, la richesse, le rendement, la
célébrité12 -auxquels les personnes subalternes
se plient et dont les individualités ne sont pas prises en compte.
Finalement, je m'interrogeais aussi sur les rapports existants
entre une pression normative de la part d'un système social (au sein de
la hiérarchie, dans notre cas de figure) et l'individualité d'un
membre de ce système (le travailleur social). Quelle est cette
entité normative ? De quelle entité visant l'individualité
des personnes parle-t-on ? Ont-ils conscience de l'éducation vers le
« Moi social » et leur « Moi » ? Quelles
attentes le travailleur social exprimerait-il à l'égard de sa
hiérarchie s'il réalisait vouloir développer son «
Moi » dans le cadre professionnel, libre de ce conformisme social
? De quel type d'accompagnement à son individualité s'agirait-il
pour le travailleur social, et aurait-il un impact positif sur son travail, sur
l'équipe avec laquelle il collabore et sur les personnes qu'il
accompagne ?
D'autre part, si le professionnel subsiste dans cette
quête au « Moi social », quelles sont les
conséquences manifestes, et est-il capable d'accompagner l'usager vers
le développement de son « Moi » ? S'il en est
capable, quel type d'accompagnement la Direction peut-elle prodiguer aux
professionnels pour qu'eux-mêmes puissent accompagner les usagers vers
leur propre
dividualité ? Quel type daccompagnement a
favorisé la résilience des professionnels dans
Pression sociale normative
leur propre contexte normatif social ? Etc.
12 In Documentaire Demain
(2015). Réalisateurs : Cyril Dion, Mélanie Laurent.
César du Meilleur Documentaire.
Risques d'abus
Conformisme normatif
Finalités éducatives sociales
Personnes Professionnels
vulnérables
Développement de
Pédagog
l'individualité
Finalités individuelles
Pédagogie
30
"Moi social" Accompagnement "Moi"
30
Figure n°2 : Modèle représentatif des
problématiques émergentes dans notre questionnement
31
Partie II
Approche théorico-descriptive
PARTIE 2 :
32
32
APPROCHE THÉORICO-DESCRIPTIVE
Champ scolaire : Présentation du Lycée
Ettore Bugatti : 2. Il était une fois...Le Lycée Ettore Bugatti
13
Le Lycée Ettore Bugatti est un établissement
d'enseignement professionnel situé dans la commune d'Illzach. Cet
établissement a vu le jour le 20 octobre 1946 sous l'auspice du Syndicat
des Garagistes de Mulhouse et Direction de l'Enseignement Technique. Il fut
créé sous le nom de Centre d'Apprentissage pour les
Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile
et logé dans l'enceinte d'une ancienne usine de textile au
44 rue Lavoisier à Mulhouse dans les quartiers Briand et Franklin. La
création d'un Centre de formation de l'automobile à Mulhouse fut
le fruit de l'initiative des acteurs privés et publiques de
l'époque dont l'objectif principal était de répondre aux
besoins de main d'oeuvre qualifiée des garagistes locaux. Dans un
entretien accordé à au journal Est Matin de 1949, M. Ostertagi,
le premier directeur du centre déclara ceci au quotidien :
« Croyez-moi, ce qu'il faut à la France, ce ne
sont pas seulement des intellectuels et des scientifiques, ce qu'il faut, ce
sont avant tout de bons ouvriers qualifiés qui sachent travailler avec
conscience, avec, comme le dit une de nos affiches : Ordre,
propreté, précision, réflexion et méthode.
»
Dans son allocution, il précisa que les jeunes
nouvellement intégrés en Centre de formation sont
pris en main attentivement, suivis et conseillés
et rajouta ceci, toujours dans le même ordre d'idée
:
13 Ces informations proviennent de documents des
archives de Mulhouse. Extrait du journal Est Matin du 2 juin 1949 et extrait du
journal d'Alsace du 17 juillet 1947.
33
33
« Oui et ce fut un tort, nous avions trop de «
bricoleur » en France. Heureusement qu'un pas a été fait en
avant. D'ailleurs, vous allez pouvoir vous rendre compte de visu des efforts
que nous faisons dans ce sens ».
Il faut souligner que les Centres d'apprentissage prirent
naissance en France à partir du Décret du 3 novembre 1939, dont
l'objectif était de répondre aux besoins de main d'oeuvre des
industries de guerre. La formation en centre était donc
accélérée et n'aboutissait pas à l'obtention d'un
diplôme. Cependant, il faudra attendre la promulgation de la loi du 21
février 1949 pour que les Centres d'apprentissage adoptent un nouveau
statut leur permettant non seulement de former des ouvriers et employés
qualifiés de l'industrie mais aussi de les préparer sur une
durée de trois ans au diplôme de CAP. 14
Au tout début, la gestion du Centre d'Apprentissage
pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile,
était assurée par seulement 5 personnes15,
composée probablement d'agents, de professeurs et du directeur. Le
personnel enseignant avait pour obligation de participer à des stages de
perfectionnement de courte durée dans les Ecoles normales nationales
d'apprentissage. En outre, des sessions régionales de deux à
trois jours étaient organisées autour de l'enseignement technique
et pédagogique16. Cependant, trois ans après
l'inauguration du Centre, on comptait près de 300 apprentis en formation
et 11 professeurs spécialisés. Les cours s'étalaient sur
une durée de trois ans et étaient sanctionnés au terme de
ces trois années par un diplôme d'Etat de CAP (examen à
l'appui). Le déroulement des études se déroulait à
temps complet en première année puis à temps réduit
les deux dernières années sur un quota horaire de 8h par semaine.
Il existait deux sections de formation destinées aux apprentis. Ceux-ci
pouvaient s'inscrire soit en Mécanique automobile (mécanique,
électricité, carrosserie) ou soit en Mécanique
générale (ajustage et tournage). Un examen d'entrée
était exigé à tous les candidats voulant intégrer
le centre de formation. Ceci dit, on considérait que l'examen
d'entrée
14 Extrait du bulletin officiel de l'éducation
nationale du 2 mars 1950, No. 8. Service des archives de Mulhouse.
15 Document interne Lycée Bugatti
16 Extrait du bulletin officiel de l'éducation
nationale No 7 du 24 janvier 1946. Service des archives de Mulhouse.
34
était excessivement facile et consistait à
contrôler leur connaissance en dictée et en calcul. Ce test avait
pour but d'orienter professionnellement les nouvelles recrues afin
d'éviter qu'ils se retrouvent dans l'obligation de changer de cursus en
cours d'apprentissage17.
|
|
Image 1. Extrait du service des archives de Mulhouse. 11
septembre 1954.
|
|
34
Une fois acceptés, ces jeunes garçons
âgés de 14 à 20 ans devaient d'abord faire un essai de
trois mois intitulé stage de préapprentissage18. Un
enseignement technique mais surtout pratique était dispensé et
ils étaient initiés également à un enseignement
général en grammaire, histoire et mathématiques. Le
Bulletin Officiel de l'Education nationale du 24 janvier 1946 voulait que les
enseignements généraux soient en harmonie avec les enseignements
techniques. Selon les informations recueillies de ce bulletin officiel, il
était nécessaire, voire indispensable de concilier savoir
généraux et savoirs techniques dans le programme
pédagogique du Centre, comme le montre ce paragraphe :
« Il convient aussi de veiller à ce que les
enseignements professionnels, les enseignements généraux et les
activités dirigées soient harmonisées afin que l'un ne
soit pas sacrifié à l'autre. Nous devons former des hommes et non
seulement de bons manuels. »
17 Extrait d'un courrier du Directeur adjoint du
Centre au maire de Mulhouse le 28 juin 1954. No 3453/35-AO/JH. Archives de
Mulhouse.
18 Extrait du Bulletin Officiel de l'Education
nationale No 7 du 24 janvier 1946. Service des archives de Mulhouse.
35
35
En effet, les spécialistes de l'Education de
l'époque croyaient qu'il était possible d'intéresser ces
enfants inscrits en Centre d'apprentissage, à des activités
intellectuelles autres que les travaux manuels, si la pédagogie
était bien adaptée et tenait compte de leur profil
d'apprentissage19. En clair, on proposait déjà
à l'époque une pédagogie différenciée.
En 1957, dix ans après l'ouverture du Centre
d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de
l'Automobile, celui-ci fut transféré au 42 rue Lavoisier de
Mulhouse dans bâtisses d'une usine désaffectée et devint
le Collège Technique Industriel (CET) de Mulhouse
sous la direction de M. Hautval. Ce nouveau statut de
collège technique, permettait désormais au centre de dispenser un
enseignement polyvalent et de former non seulement des ouvriers-employés
qualifiés de l'industrie mais aussi des techniciens, agents de maitrise
et chefs de service. Durant l'année académique 1966-67, on
estimait que le nombre de demande d'admission s'élèverait
à 1000 candidats par année.
Cette même année, certaines candidatures ont
été refusées par faute de place car la capacité
d'accueil de l'établissement était limitée à 630
élèves. La plupart des candidats venaient du Sud du
Département du Haut Rhin20. Le nouveau bâtiment disposa
de 9 salles de classe au lieu de 4 et de 2840 m2 au lieu de 450 et d'un
internat pouvant accueillir 150 pensionnaires21. Le collège
technique industriel (CET) proposait deux nouvelles formations en
électromécanique et électronique. Ces sections
étaient ouvertes également ouvertes pour les jeunes filles
sortant des classes de 5e et 4e. Une formation sur deux
ans pour les métiers cités précédemment
était aussi accessible pour les garçons et les filles sortant de
la 3e22. Par ailleurs, les jeunes finissant l'école primaire
pouvaient intégrer
19 Extrait du Bulletin Officiel de
l'éducation nationale No 7 du 24 janvier 1946, p. 4. Service des
archives de Mulhouse
20 Extrait du service des archives de Mulhouse.
Journal « les dernières nouvelles du 19 septembre 1968.
21 Extrait du journal d'Alsace du 22 avril 1967.
22 Extrait du journal « Les dernières
nouvelles du Haut Rhin » du 1er Juin 1967.
36
36
directement le CET, comme le montre la coupure de presse en infra
du journal d'Alsace du 14 mai 1964.
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Image 2. Photo du nouveau Collège industriel
Technique de Mulhouse, 42 rue Lavoisier.
|
Il faudra attendre 1991 pour que le Collège Technique
Industriel de Mulhouse devienne le Lycée professionnel
Ettore Bugatti. Ce changement de dénomination s'effectua
en vue de s'adapter à l'évolution de la société et
d'être conforme aux nouvelles exigences formulées par les
politiques éducatives. Il faut savoir que les collèges techniques
industriels furent équivalents aux collèges du secondaire. Les
premiers dispensaient un enseignement technique tandis que les seconds visaient
un enseignement général. Les réformes de l'enseignement
technique et professionnel entreprises dans les années 1980,
supprimèrent les collèges techniques industriels qui devenaient
des lycées professionnels et techniques accueillant les
élèves à partir de la seconde23. In fine, il
faudra retenir certaines dates importantes marquant l'évolution et le
développement du Lycée Ettore Bugatti pendant ces 70
années d'existence à Mulhouse 24:
? 1957 : Transfert du Centre
d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de
l'Automobile au 42 rue Lavoisier de Mulhouse dans bâtisses
d'une usine désaffectée.
23 Jean Charles Lambert, inspecteur de
l'éducation nationale enseignement technique. Sotec 2006, approche
historique et épistémologique enseignement professionnel, p.9.
24 Extrait de document archivé au Lycée
Bugatti. Voir en page annexe.
37
Le nouvel établissement fut baptisé sous le nom de
Collège Technique Industriel de Mulhouse.
Image 3. Un jeune apprenti manipulant une machine
au collège technique industriel 42 rue Lavoisier. Extrait du journal
« les dernières nouvelles du 19 septembre 1968.
Image 4. Un jeune apprenti travaillant en atelier
sous le regard de son professeur au collège technique industriel 42 rue
Lavoisier. Extrait du journal « les dernières nouvelles du 19
septembre 1968.
37
? 1975 : Création des filières
CAP conducteurs routiers, CAP dessinateurs en construction électrique et
BEP électrotechnique.
? 1985 : Création de la filière
BAC professionnel
? 1986 : Création de la filière
BEP carrosserie.
? 1987 : Inauguration d'un nouveau
bâtiment (le site actuel) à Illzach, 8 rue des jonquilles
par Mme Michèle ALLIOT-MARIE, secrétaire d'Etat
chargée de l'enseignement25. ? 1989 :
Création de la filière BTS Exploitation des Véhicules
à Moteur, qui est devenue
aujourd'hui BTS Maintenance et Après-Vente
Automobile.
25 Page web consultée:
http://discours.vie-publique.fr/notices/873168400.html
38
38
? 1991 : Le Collège
Technique Industriel de Mulhouse devint le
Lycée Ettore Bugatti. ? 2002
: Le label « Lycée des métiers » fut
attribué au Lycée Ettore Bugatti. Celui-ci
atteste de la qualité et des modes diversifiés
des formations destinés à des jeunes ou
adultes en formation initiale ou continue. 26
2.1 Le Lycée Ettore Bugatti à Mulhouse : Un
regard historico-critique
Ne serait-il pas important de souligner que les quartiers
Briand et Franklin, territoires sur lesquels le Lycée Ettore
Bugatti fut implanté à l'origine, ont été
créés entre 1853 et 1910 selon un modèle anglais par le
patronat industriel de l'époque, car l'expansion de la révolution
industrielle exigeait un aménagement spécifique du territoire
facilitant la proximité de la main d'oeuvre avec les lieux de production
!? De cette nouvelle politique territoriale, de nombreux logements pour
ouvriers (avec accession à la propriété) ont
été construits. Cependant, à partir des années
1950, les logements et les espaces publics devenaient inadaptés et les
investisseurs privés s'intéressaient de moins en moins à
ces territoires au profit de nouveaux quartiers établis au centre-ville
de Mulhouse et ses périphéries27. En outre,
l'après-guerre engendra une grave crise économique. Une masse de
jeunes se retrouvaient sans emploi et la ville qui comptait 105.000 habitants
en 1914 étaient passés à 87.000 en 194628. Il
fallait redynamiser les espaces et donner un nouveau souffle à la ville
de Mulhouse. Dans une missive datant de mars 1947 du Conseil National du
Patronat Français à un député de Paris, il est
mentionné ceci :
En effet, un pays ruiné comme le nôtre par
les années de guerre et d'occupation qui se trouve en compétition
avec de puissantes nations qui ont bénéficié de ces
mêmes années pour accroitre leur potentiel de production et les
capitaux dont
26 Cf. C. n° 2001-261 du 17-12-2001
(B.O. n° 47 du 20-12-2001). Texte adressé aux rectrices
et recteurs de l'académie.
27 CUCS 2007-2009 p. 41-42.
39
39
elles disposent, nul redressement économique n'est
concevable sans une effort puissant et efficace de l'ensemble de la
production.
C'est dans ce contexte socio-économique difficile que
le Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et
Réparation de l'Automobile connu aujourd'hui sous le nom de
Lycée Ettore Bugatti, fut créé et s'est
développé dans le paysage mulhousien au cours de ces
dernières années. Cet établissement représente un
symbole fort de résilience de la vie économique et
industrielle de Mulhouse. L'idée phare de cette époque
d'après-guerre consistait à reconstruire la France, en
relançant l'économie par l'éducation et la formation des
jeunes. L'industrie automobile représentait l'avenir et offrait de
très belles perspectives en termes d'emploi pour la jeunesse. On
constate que les acteurs socio-politiques semblaient se soucier
sincèrement, de la formation de ces jeunes issus pour la plupart, de la
classe ouvrière, comme nous le montre un extrait de ce journal d'Alsace
du 22 avril 1964 :
Pour le collège technique industriel de la rue de
Lavoisier, ce développement a été relativement rapide. La
formation tournée vers les carrières de l'automobile a
évolué sur le plan technologique, mais les effectifs des
élèves se sont stabilisés dans cette branche, tandis que
de nouvelles spécialités étaient créées
selon les besoins de branches industrielles en expansion. Révolu le
temps où le C.A.P d'ajusteur semblait devoir convenir à tout,
caduque la terminologie qui faisait de chaque mécanicien un «
serrurier ».
Par ailleurs, nous pensons qu'il est fort probable, que
l'installation en 1946 du Centre d'Apprentissage pour les Métiers
d'Entretien et Réparation de l'Automobile dans les quartiers
ouvriers de Briand Franklin, s'insère dans une logique de
proximité avec les garages et entreprises industrielles mais aussi pour
répondre aux besoins en matière d'éducation et d'insertion
professionnelle des populations vivant sur ces territoires. Par ailleurs,
depuis les années 1950, la grande majorité des entreprises
mulhousiennes sont concentrées dans la partie sud de la ville et de son
agglomération et ceci jusqu'à nos jours comme l'indique la carte
ci-dessous.
Durant ces années, des zones industrielles et de
commerce ont été créés dans la partie Sud de
Mulhouse et de ses agglomérations dans un souci d'aménagement de
la région, car faute de
40
40
place, car « il devenait impossible de
réserver des terrains industriels sur Mulhouse même
»29. Ces travaux ont été
réalisés sous le mandat d'Emile Muller, maire de Mulhouse de 1956
à 1981.
Partie Nord de Mulhouse et agglomération : Ancien
bassin potassique. Sites miniers fermés aujourd'hui. Revenus des
ménages moins élevés que la partie Sud de
Mulhouse.
Partie Sud de Mulhouse et agglomération :
Proximité avec l'Allemagne et la Suisse. Zone transfrontalière.
Plus on va vers le sud de Mulhouse plus les revenus des ménages sont
élevés. Les quartiers les plus cossus se retrouvent à
l'extrême sud de Mulhouse.
Figure n°3 : Cartographie de la ville de
Mulhouse30.
Par ailleurs, toute cette partie Sud de Mulhouse est
située à proximité de l'Allemagne et de la Suisse, ce qui
favorise une forte dynamique économique transfrontalière
31 par rapport à la partie nord constituant le bassin
potassique de cette région. En somme, nous pouvons donc déduire
que l'emplacement actuel du Lycée Ettore Bugatti à Illzach, qui
se situe dans la partie
29 A 155, Mulhouse 1953-1965 12 années
d'activités municipales p. 20. Service des archives de Mulhouse.
30 CUCS 2007-2009 p. 7C
31 Ibid p. 7
41
41
Sud de l'agglomération mulhousienne, suit probablement
une logique de proximité entre le lieu de formation et entreprises de
l'automobile, du transport et de la logistique, compte tenu des offres de
formation que l'établissement propose actuellement (ce qui a
été confirmé par le Proviseur du lycée lors d'un
entretien).
Si travailler dans l'industrie représentait l'avenir
pour les jeunes issus la classe pauvre, d'où la nécessité
de leur donner un accès libre et gratuit à une formation
qualifiante, il faudra également souligner qu'il existe depuis belle
lurette une dichotomie dans l'histoire de l'éducation en France.
Plusieurs données historiques sur le sujet nous apportent certains
éclaircissements. A priori, l'installation d'un centre de formation aux
métiers de l'automobile en 1946 dans les quartiers ouvriers de Briand et
Franklin ne relèveraient pas du hasard. Ainsi, une étude de
François Dubet en 1991 sur les lycées nous montrent qu'en France,
la tradition veut que les établissements réputés
être de « bons lycées », qui de surcroit
dispensent souvent un enseignement général et destinés
à des élèves qualifiés de bons , «
sont placés au centre d'un quartier intellectuel, près des
universités, maisons d'édition et café où l'on peut
toujours croiser un intellectuel »32, par rapport aux
lycées professionnels considérés d'un point de vue
élitiste, comme des lycées « poubelles » sont
situés, par contre, à la périphérie des
villes33. Ces derniers ont la réputation d'accueillir ce
qu'on appelle « les mauvais élèves » ou encore
ceux qu'on considère qui « bons pour des métiers manuels
». Quoiqu'en Alsace, la mentalité semble un peu
différente. Selon les propos de Monsieur Neher, Proviseur du
lycée Ettore Bugatti, il existe dans la région une certaine
valorisation des diplômes professionnels tels que le C.A.P. Ceci semble
tellement vrai, que pendant longtemps, le Lycée Ettore Bugatti a joui
d'une très bonne réputation dans le Haut-Rhin de par sa
qualité d'enseignement technique, son professionnalisme et son
sérieux.
Du reste, on remarque qu'au début du XIXe
siècle, les avancées et les progrès de l'industrialisation
en Europe ont incité les acteurs privés et publiques à
créer des écoles
32 (Dubet, 1991, p. 34)
33 (Dubet, 1991, p. 91)
42
42
professionnelles qui deviendront plus tard des lycées
techniques, afin de pourvoir à une demande de main d'oeuvre
qualifiée, de contremaitres, chefs d'atelier, dans l'industrie (Sagnes,
1995, p. 24). De cette initiative naitront d'une part, des écoles
professionnelles prestigieuses comme Pont et Chaussée,
l'École des mines, l'École polytechnique,
visant à former des cadres supérieurs de l'industrie (Ibid.,
p.24). Ainsi, les recherches historiques montrent que les industriels
mulhousiens ont été reconnus pour être des avant-gardistes
dans la création d'établissements professionnels et techniques
prestigieux. Par exemple, en 1898, Mulhouse disposait déjà d'un
grand nombre d'établissements élitistes tels que
l'École de Chimie (1822), l'École de Dessin
(1829) et les Écoles supérieures de Tissage et de la
Filature (1864)34.
D'un autre côté, il existait parallèlement
des écoles professionnelles moins prestigieuses, accessibles à la
plèbe, ayant pour objectif de former des ouvriers et des employés
qualifiés de l'industrie35. Ainsi, il faudra retenir que
Mulhouse fut reconnue par Charles X en 1828 comme la capitale de l'industrie
française36. Elle fut l'une des premières villes de
France en 1853, à se lancer dans la création d'écoles
professionnelles visant à former des ouvriers qualifiés pour les
métiers industriels, sous l'impulsion du ministre de l'instruction
publique Fortoul et du recteur de l'Académie de Strasbourg, alors que le
reste de la France était encore au stade embryonnaire en la
matière37.
En effet, le système scolaire français à
l'origine, a toujours fonctionné à deux vitesses. Il y avait
l'école populaire pour les enfants d'origine modeste et l'école
élite pour les enfants issus de milieux aisés (Sagnès,
1995). Il y avait toujours eu en quelque sorte, « une sélection
des individus en fonction de leur système social et des grilles de
valeurs les caractérisant » comme si la réussite
scolaire d'un enfant dépendait essentiellement de son QI ou de son
origine sociale
34 (Oberlé, 2002, p. 45)
35 (Ibid., p.24)
36 Annuaire historique de Mulhouse, 2011, Tome 22 p.85
37 (Ibid., p.43)
Le petit Lycée
Grandes écoles
Cadres d'entreprise
43
(Pasquier, 1986, p. 75). Malgré le caractère
unique et égalitaire prônée par Jules Ferry, on distinguait
clairement l'école des « bons » pour ceux qui sont
issus de classe aisée et l'école des « moins bons
» pour ceux qui sont issus de classe ouvrière. Pour bien
illustrer cette image de notre système éducatif, le philosophe
français Antoine Destutt De Tacy déclara ceci à l'aube du
XIXe siècle (Ibid., p.26) :
« Nous avons deux systèmes complets
d'instruction publique. Les écoles primaires et les apprentissages des
différents métiers, voilà l'éducation de la classe
ouvrière. Les écoles centrales et spéciales, voilà
l'éducation de la classe suivante, et je ne conseillerai pas plus
à donner celle-ci à un enfant destiné à être
artisan que donner la première à celui qui doit devenir homme
d'état ou hommes de lettres »
En effet, l'Ecole républicaine laïque de la
IIIe république « n'a jamais été
unique et égalitaire sur le plan institutionnel comme le
prétendait souvent nos coreligionnaires politiques de gauche ou de
droite » (Sagnes, 1995,p. 12). Car la pensée de Jules Ferry de
l'école consistait à ouvrir l'école à toutes les
couches mais en séparant les enfants issus de familles aisées des
enfants d'ouvriers et de paysans (Ibid., p.12).
Ecole primaire
École
Professionnelle
Ouvriers
Enfants du peuple, enfants
Enfants de
la
bourgeoisie
|
43
Figure n°4 : L'organisation du système scolaire,
selon Jules Ferry.
44
44
La littérature nous montre que la finalité
éducative de l'école républicaine de Jules Ferry n'a
jamais été démocratique voire égalitaire. Il faudra
souligner que ce système a duré pendant longtemps jusqu'à
la Ve république, où l'on préconisa une
école unique avec un programme scolaire national unique,
promouvant l'égalité des chances pour tout le monde mais
restant soumise à une forme d'élitisme républicain
(Sagnes, 1995, p. 16). Une déclaration du Ministre Christian Beullac
dans le courrier de l'Education de 1978 appuie clairement cette assertion
à travers ceci : « Le collège unique, ce n'est pas le
collège uniforme, c'est le lieu où doit se réaliser
l'égalité des chances » (Ibid., p.19). En effet, le
système scolaire aujourd'hui est certes plus égalitaire, mais
adopte un fonctionnement dichotomique...En d'autres termes, il existe une
école accueille pour les meilleurs, l'élite, et une autre pour
les « mauvais élèves ». Entre les deux, on
retrouve un système intermédiaire destiné à la
classe moyenne (Université). D'ailleurs, près de 30% du budget de
l'État pour l'Education est alloué aux Grandes Ecoles
(Fauconnier, 2004). Les questions qui découlent de notre
réflexion sur ce système éducatif sont : Est-il possible
de faire cohabiter les deux systèmes ensemble en créant des
passerelles entre eux ? N'existe-t-il pas des méthodes
pédagogiques comme celles de Feuerstein permettant à un enfant de
pallier de très grandes difficultés d'apprentissage ? Car, cette
méthode permet d'améliorer le déficit intellectuel d'un
public à niveau intellectuel faible et d'accroitre sa capacité
d'adaptation en utilisant des règles de pensée, des
procédures intellectuelles, des processus d'acquisition et d'utilisation
des connaissances38 . Alors, pourquoi en faire économie d'une
telle méthode dans les classes spécifiques ou filières
professionnelles de collège ou au de lycée ?
2.2 Le Lycée Ettore Bugatti aujourd'hui 39
Aujourd'hui, le Lycée Ettore Bugatti, résulte de
la fusion de deux établissements scolaires : Le site actuel Bugatti
à Illzach et le Lycée Camille Claudel, situé jadis dans le
quartier Brustlein de Mulhouse. Le Camille Claudel était un petit
établissement d'enseignement professionnel proposant des formations
à vocation professionnelle dans le secteur de la logistique.
38 Revue française de pédagogie no. 122,
janvier-février-mars 1998, 121-161.
39 Rapport compte rendu réunion avec M. Neher le 4
décembre 2015.
45
40 Image 6 : Site Bugatti Illzach 41
avant la fusion
Image 5 : Site Camille Claudel
quartier Brustlein
45
La fusion des deux structures se fera en deux étapes.
Dans un premier temps, elle sera administrative en 2008, puis en 2013 le site
Claudel sera définitivement fermé, et l'ensemble des formations
de celui-ci seront transférées dans l'enceinte du Bugatti. Par
voie de conséquence, 250 élèves furent rajoutés
à l'effectif initial du lycée. Ainsi, l'établissement
accueille aujourd'hui environ 700 élèves avec un personnel de 100
enseignants, 10 assistants d'éducation et 3 conseillers principaux en
éducation sans compter les agents techniques et administratifs.
2.2.1 Espace et environnement scolaire : Les locaux
Malgré la fusion des deux établissements en 2013
sur le site d'Illzach, l'établissement offre un cadre agréable et
chaleureux pour les élèves. Pour pallier l'insuffisance des
salles de cours et face à la difficulté d'exiguïté de
l'espace, des blocs modulaires ont été construits dans la cour
afin d'accueilli le surplus des élèves.
40 Image extraite du site web du CNCDH (Commission nationale
consultative des droits de l'homme).
http://www.cncdh.fr/fr/ong/pole-camille-claudel-du-lycee-ettore-bugatti-mulhouse-academie-de-strasbourg
41 Image extraite du site web de la ville d'Illzach.
http://ville-illzach.fr/newsletter-de-mars-2013
Blocs modulaires
Cour Lycée Bugatti
46
Entrée Lycée Bugatti
En 2015, des espaces de détente ont été
aménagés à l'intérieur du lycée et un patio
à l'extérieur dans le souci de procurer un certain confort aux
élèves fréquentant l'établissement.
Espaces de détente
Patio extérieur
46
Images 7-12 : Photos extérieures et
intérieures au Lycée E. Bugatti, Mulhouse
La plupart des salles de classe sont logés dans
l'enceinte du bâtiment. On les retrouve au rez-de-chaussée (salle
info, salles cours atelier), au premier et second étage puis les autres
salles sont à l'extérieur dans des blocs modulaires. Un service
self de restauration ouvert du lundi au vendredi en période scolaire est
également à la disposition du personnel du lycée, des
internes et externes. Le lycée Ettore Bugatti dispose également
d'un internat de 35 chambres pouvant
47
accueillir près de 120 internes et doté de trois
foyers socio-éducatifs. A l'heure actuelle, les chambres sont
occupées par une soixantaine de jeunes lycéens et de 3
lycéennes. Les internes bénéficient d'un forfait
comprenant non seulement l'hébergement mais également des repas
le matin, le midi et le soir.
|
|
Foyer socio-éducatif internat
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Chambre d'internat
|
Cafétéria
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Image 13-15 : Photos de salles de l'internat.
L'établissement est doté d'un centre de
documentation et d'information (CDI) à destination des
élèves. A côté de celui-ci, se jouxte le LATI (Lieu
d'Accueil Temporaire Individualisé) qui est un espace pédagogique
ayant pour mission d'accueillir et accompagner des élèves en
rupture scolaire. Puis, à l'aile droite de l'établissement, nous
retrouvons les ateliers de carrosserie (soudure et montage), de peinture
(poncer, astiquer, préparation des produits), de mécanique
automobile, de logistique et le quai des routiers disposant de 6 camions pour
les cours de conduite routière.
47
Atelier de carrosserie Atelier de peinture
Images 16-17 : Photos des ateliers.
48
48
Dans cette zone, on retrouve les vestiaires des
élèves disposant chacun d'un casier, un magasin fournissant les
matériels nécessaires de travail pour les élèves
(Ex : bleu de travail, etc.). L'établissement reçoit
régulièrement de la part des constructeurs automobiles de la
région, des dons en matériels comme des pièces de voiture,
des véhicules personnels et véhicules poids lourd, qui sont
utilisés dans les ateliers à des fins pédagogiques. Il
existe des partenariats d'apprentissage avec ces constructeurs notamment avec
l'usine PSA Peugeot-Citroën qui est l'un des plus donateurs du
lycée. En outre, l'établissement dispose d'une équipe
sportive scolaire (Team Bugatti) offrant aux élèves de
BTS42 passionnés de voitures de compétition la
possibilité de devenir pilote de voiture sportive. Le club se
réunit tous les mercredis au CDI à 12h45. Celui-ci participe
à diverses compétitions régionales comme le Slalom de
Franche Comté en 2015 et fut représenté par 3 pilotes
du lycée. Parmi eux, on comptait un ancien élève de BTS,
un élève de première année de BTS et une
enseignante de lettres-histoire43. Par ailleurs, plusieurs
activités culturelles sont mises en place tout au long de l'année
pour les élèves telles l'art urbain, lecture de romans ou
manga, club magie, concours orthographe, lycéens au cinéma,
Bugatti en stop motion, semaine des talents, journal du sport automobile,
voyages scolaires, parcours culturel et artistique44.
2.2.2 Organisation et fonctionnement du Lycée
Ettore Bugatti
La Direction générale du lycée est
assurée par le proviseur M. Frédéric Neher. Celui-ci est
un représentant de l'Etat dont la mission consiste à coordonner
les activités internes de l'établissement. Il anime,
préside le Conseil d'Administration et détient un pouvoir
disciplinaire sur les élèves et un pouvoir administratif sur
l'ensemble du personnel de l'établissement travaillant sous son
autorité (Regnier, 2012, p. 54). Son mandat lui confère des
responsabilités
42 Brevet d Technicien Supérieur.
43 Bulletin d'information de sport automobile, GTI
à Bugatti, No 12 du 17 Juin 2015.
44 Projet d'établissement 2015-2016.
49
49
d'ordre civil, pénal et administratif qui sont
déléguées aux différents de son personnel de
direction, d'enseignement, d'encadrement et d'éducation (Ibid.,
p.49). A cet effet, il répond aux besoins de surveillance,
d'organisation et de fonctionnement de l'établissement. En cas de
délit, l'exercice de ses fonctions l'oblige à saisir dans un
délai immédiat le procureur de la République (Ibid.,
p.49).
Le proviseur est assisté par son adjoint M. Patrice
Vezine, qui s'occupe de l'enseignement général, la gestion des
emplois du temps et des classes (Ibid., p. 53). Dans la ligne
hiérarchique, le chef des travaux M. Bruno Metennier est la
troisième personne la plus importante de l'établissement.
Celui-ci a pour mission de gérer et d'organiser l'enseignement
technique. Sur le plan organisationnel, le lycée Bugatti se divise en 5
parties fonctionnelles selon le modèle de Henry
Mintzberg45.
1. Un sommet stratégique qui
constitue le centre décisionnel (Proviseur, Proviseur adjoint travaux)
de l'organisation. Toutes les grandes décisions de l'organisation seront
prises à partir du sommet stratégique.
2. Une ligne hiérarchique qui est
constituée de personnes (Chef des travaux, Gestionnaires, CPE) ayant
pour mission de transmettre et faire appliquer les décisions du sommet
hiérarchique.
3. Une technostructure composée de
personnes (Proviseur Adjoint, Chef des travaux, Secrétaires
administratifs, Adjoints administratifs, Assistants chef de travaux,
CPE46) qui ont pour rôle de planifier le travail,
répartir les tâches et contrôler si les règles de
l'organisation sont respectées ou si les tâches confiées
aux travailleurs ont été bien réalisées.
45 Henri Mintzberg est un spécialiste de la
Sociologie des Organisations. Dans les années 70, il publie l'un des
plus importants ouvrages de sa carrière intitulé « Structure
et dynamique des organisations » à partir duquel, il
préconisera la théorie de la contingence des organisations.
46 Conseil Principal d'Education.
50
50
4. Le support logistique est la composante
de l'organisation (Personnels ATOSS ou administratifs, techniciens, ouvriers,
de service et de santé) qui s'occupe essentiellement de la logistique,
des services techniques, d'entretien de l'organisation. Au Lycée Bugatti
et comme dans tout lycée professionnel, les agents de service de
santé et social (infirmier, médecin, assistant social) sont
intégrés dans cette composante.
5. Un centre opérationnel
constitué de personnes travaillant dans l'organisation et en
contact direct avec les usagers ou les élèves (Enseignants, CPE,
Assistants d'éducation, Agent d'accueil, Documentalistes, etc.).
· Proviseur Adjoint
· Chef des travaux
· Assistants chef des travaux
· Secrétaires administratifs
· Adjoints administratifs
· CPE
|
Proviseur
Proviseur Adjoint (Sommet
hiérarchique)
|
· Chef des travaux
· Gestionnaire
· CPE
|
|
|
|
|
|
(Ligne hiérarchique)
|
|
|
|
|
(Technostructure)
|
|
· ATOSS (Personnels administratifs, techniques,
ouvriers, de santé et social) (Support logistique)
|
|
51
51
· Professeurs d'enseignement général
· Professeurs d'enseignement professionnel
· Professeurs Documentalistes
· CPE
· Assistants d'éducation
· Agent d'accueil
Figure n° 5 : L'organisation (Centre
opérationnel) du Lycée E.
Bugatti (Mulhouse) selon le modèle
de Mintzberg.
En se fondant sur le modèle Mintzberg, nous pouvons
déduire que le lycée Bugatti se situe dans une configuration de
type professionnel. En clair, ce type de structure met en évidence un
système de classement des professionnels travaillant de manière
autonome mais soumis à un contrôle de leur profession.
Schéma 6 : Modèle professionnel de
MINTZBERG47. Exemple de structures de type professionnel
(Hôpitaux, université, service d'action sociale, etc.)
Selon Mintzberg, les structures de type professionnel sont
décentralisées et bureaucratiques. Elles dépendent
fortement de la qualification de son centre opérationnel (Enseignants,
CPE, assistants d'éducation, agent d'accueil, Documentalistes) pour son
bon fonctionnement. D'où la nécessité, de porter une
attention particulière en termes de formation à cette composante
de cet établissement dans le cadre de la lutte contre le
décrochage scolaire, comme c'est le cas
47 Cours sociologie des organisations de M. Dominique KERN. 2014
Master 1 IIMSE UHA
52
dans ce lycée professionnel (ce que nous verrons en
détail ultérieurement). En outre, notre projet
d'ingénierie de formation visera principalement les professionnels du
centre opérationnel, notamment les enseignants d'enseignement
général ou technique. Par ailleurs, on remarque dans
l'organisation structurelle du lycée que la technostructure est
très importante. Il est à noter que dans le modèle de
Mintzberg, la technostructure représente la partie moins importante
d'une structure de type professionnel. Comme indiqué
antérieurement, elle a pour rôle de planifier le travail,
répartir les tâches et contrôler si les règles de
l'organisation sont respectées ou si les tâches confiées
aux travailleurs ont été bien réalisées. En somme,
nous pouvons déduire, sur les bases théoriques de Mintzberg, que
ce système est fortement régulé, contrôlé,
laissant très peu de place à des incertitudes tant dans la
gestion administrative que dans la gestion du personnel.
·
Proviseur Adjoint
· Chef des travaux
· Assistants chef des travaux
· Secrétaires administratifs
· Adjoints administratifs
· CPE
52
Figure n° 7 : La Technostructure, selon
Mintzberg.
Sur le plan hiérarchique, le modèle que nous
avons mis en évidence en supra, ne correspond pas à la
réalité. La structure organisationnelle du Lycée Bugatti
n'est pas si pyramidale que nous le montre le schéma Mintzbergien.
Cependant, le sommet hiérarchique
composé du Proviseur, Proviseur adjoint, Chef de travaux,
restent en tout état de cause, l'organe décisionnel de
l'institution et entretient de manière formelle des rapports
d'autorité hiérarchique entre eux et avec les personnels de
l'établissement. Du reste, il existe plutôt des relations de
coopération formelle ou informelle entre les agents de
différentes composantes, que ce soit au niveau de la
technostructure (Secrétaires administratifs,
Adjoints administratifs, etc.), du support logistique
(Personnels ATOSS) et du centre opérationnel (Enseignants,
Documentalistes, Assistants
53
53
d'éducation). Par exemple, les CPE faisant partie de
la ligne hiérarchique n'ont pas de rapports
d'autorité, sauf les assistants d'éducation, avec les enseignants
ou les documentalistes qui sont pourtant dans le centre
opérationnel, se situant tout en dessous, à la base
de notre modèle. Néanmoins, on retrouve d'une composante à
l'autre quelques glissements dans le modèle que nous avons
établi. Ainsi, les CPE exercent leur fonction dans une configuration
triangulaire. Ils sont à la fois dans la ligne hiérarchique, la
technostructure et le centre opérationnel. Ceci s'explique par le fait
qu'ils ont non seulement un statut de personnel de direction, mais qu'ils ont
aussi pour mission la gestion des élèves, la planification et le
contrôle assignés aux assistants d'éducation
exerçant sous leur autorité. Cette même situation se
présente pour le Proviseur adjoint qui est à la fois dans le
somment hiérarchique en tant que directeur et dans la technostructure en
tant que planificateur (gestion des emplois du temps des enseignants et des
classes).
2.2.3 Les offres de formation proposées par le
Lycée Ettore Bugatti
Le Lycée Ettore Bugatti propose des formations uniques
dans le Département du Haut Rhin. Les formations ciblent
particulièrement les secteurs de l'automobile, du transport48
et de la logistique. Les élèves sont formés à
différents métiers tels que carrossiers, carrossiers peintre,
conducteur routier, spécialistes en exploitation de transport
(professionnels de bureau). Aujourd'hui, avec la désindustrialisation,
le marché de l'emploi mulhousien tend à un développement
accru du secteur tertiaire particulièrement en transport et en
logistique. En effet, ces entreprises recrutent de plus en plus des candidats
sortant des filières de logistique et de transport et l'offre d'emploi
sur le marché du travail est en constante progression selon les propos
du proviseur M. Neher et du chef des travaux. Cependant, la plupart des jeunes
formulant une demande d'admission au lycée se montrent peu
attirés par ces métiers et affiche une préférence
plus marquée pour les métiers d'automobile, qui de surcroit,
dispose de très peu de places disponibles. Ainsi, les offres de
formation proposées par le lycée se déclinent comme suit
:
48 Le transport se définit comme
l'organisation du déplacement de la marchandise (Viain, P.)
54
1) Le CAP (Certificat d'aptitude
professionnelle)
Crée le 25 septembre 1919 avec la loi
Astier49, le CAP (Certificat d'aptitude professionnelle) est un
diplôme de niveau V homologué par le ministère de
l'éducation nationale ayant pour objectif de former sur une durée
de deux ans, à un métier spécifique dans les secteurs
industriels, commerciaux et des services, les élèves terminant
leur 4ème cycle de Collège (classe de
3e)50. A l'issue de la formation de CAP, les apprentis
doivent maitriser les techniques propres aux métiers pour lesquels ils
sont formés51. Le diplôme leur atteste un premier
niveau de qualification professionnelle leur permettant d'avoir un accès
direct dans la vie active et d'entreprendre ultérieurement une poursuite
d'étude en baccalauréat professionnel du même domaine de
spécialisation52. Le Lycée de Bugatti possède 5
sections de CAP préparant des apprentis aux métiers des secteurs
de l'automobile, du transport53, de la logistique tels que
carrossiers, carrossiers peintre, conducteur routier, spécialistes en
exploitation de transport (professionnels de bureau). Le CAP en
mécanique générale fut créé en 1947 dans
l'établissement et se déroulait sur une durée de 3 ans au
lieu de 2 ans comme c'est le cas aujourd'hui. Ainsi, les sections de CAP sont
réparties comme suit :
? 1 section de CAP peinture en carrosserie
? 1 section de CAP réparation en carrosserie
? 1 section de CAP maintenance de véhicules automobiles
? 1 section de CAP opérateur en logistique
? 1 section de CAP conducteur livreur
marchandise54
49 Page web consultée :
http://histoire-education.revues.org/930
50 Page web consultée :
http://www.education.gouv.fr/cid2555/le-certificat-d-aptitude-professionnelle-cap.html
51 Page web consultée :
http://eduscol.education.fr/pid23236-cid47637/le-certificat-d-aptitude-professionnelle-cap.html
52 Ibid.,
http://eduscol.education.fr/pid23236-cid47637/le-certificat-d-aptitude-professionnelle-cap.html
53 Le transport se définit comme
l'organisation du déplacement de la marchandise. Définition de
Monsieur Vlain, P. inspecteur de l'éducation nationale. Propos recueilli
lors d'un entretien.
54 Page web consultée :
http://www.lycee-bugatti.net/Wordpress/?page_id=11
54
55
55
Par ailleurs, il est important de souligner que dans le cadre
de ce mémoire, notre étude se focalisera essentiellement sur les
élèves de CAP ayant bénéficié d'un
accompagnement du dispositif SAS55. En effet, il faut souligner que
selon les propos des enseignants et du chef des travaux, les diplômes de
CAP offrent très peu de perspectives d'embauche. Les employeurs
n'embauchent quasiment plus des jeunes avec un CAP, sauf en logistique, ou l'on
peut retrouver dans certains cas, des élèves recrutés
après leur CAP à cause de leur sérieux et leur motivation
durant leur période de stage. Toujours selon les dires du personnel
éducatif, il y a 20 ans, le diplôme de CAP avait plus de valeur.
De nos jours, le niveau a nettement baissé et les élèves
sont de moins en moins autonomes et appliqués dans leur travail sachant
que l'Alsace reste quand même l'une des régions valorisant le plus
ce type de diplôme par rapport au reste de la France. Par voie de
conséquence, les élèves ayant obtenu le CAP poursuivent
généralement leurs études en Bac Pro ou font un
apprentissage dans un CFA.
2) Le Baccalauréat professionnel
Le baccalauréat professionnel fut créé
en France en 1985 dans le but de former des techniciens d'atelier, ouvriers et
employés hautement qualifiés56. En 1989, les sections
de Bac Pro et de BTS furent créées au Lycée Bugatti.
Celui-ci est un diplôme national de niveau IV préparé sur
une durée de deux ans. Celui-ci permet aux titulaires d'exercer une
activité professionnelle qualifiante dans les secteurs industriels,
commerciaux et des services57. Une poursuite d'études est
possible en BTS (Brevet de technicien supérieur). L'admissibilité
des élèves se fait sur dossier à partir de la
3e. Le Lycée Ettore Bugatti propose de 6 sections de
baccalauréat professionnel dans le secteur de l'automobile, du transport
et de la logistique.
? 1 section de Bac Pro réparation des
carrosseries.
55 SAS : Dispositif de lutte contre décrochage
scolaire mis en oeuvre au lycée Bugatti depuis 2014.
56 Page web consultée :
http://media.education.gouv.fr/file/47/8/5478.pdf
57 Page web consultée :
http://eduscol.education.fr/pid23236-cid47640/le-baccalaureat-professionnel.html
56
56
· 1 section de Bac Pro maintenance des véhicules
automobiles, option véhicules particuliers.
· 1 section de Bac Pro maintenance véhicules
automobiles, option véhicules de transports routiers.
· 1 section de Bac Pro transport
· 1 section de Bac Pro conducteur routier transport
marchandises
· 1 section de Bac Pro logistique
Par rapport aux diplômes de CAP, le Bac Pro et le BTS
offrent de meilleures perspectives d'embauche aux élèves en fin
de formation.
3) Le BTS (Brevet Technique
Supérieur)
Le BTS (Brevet Technique Supérieur) a vu le jour en
France le 2 août 1962. Il faudra attendre l'année 1989 pour que
s'ouvre la première section de BTS au Lycée Ettore Bugatti. Le
BTS est un diplôme d'enseignement supérieur qui se prépare
sur une durée de deux ans après l'obtention du
baccalauréat. Ce diplôme de niveau de III permet aux titulaires
d'exercer des activités professionnelles dans les secteurs de
l'industrie et du commerce. Une poursuite d'étude est possible en
licence professionnelle58. L'établissement propose une seule
section de BTS Après-Vente Automobile. Les titulaires de ce BTS peuvent
occuper les postes suivants à la fin de leur formation : 59
· Réceptionnaire, conseiller technique dans une
surface après- vente et vente automobile
· Chef d'unité, d'équipe.
· Technicien diagnostique
· Conseiller technique pour un constructeur
58 Page web consultee:
http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20183/brevet-de-technicien-superieur-b.t.s.html
59 Page web consultée :
http://www.lycee-bugatti.net/Wordpress/?page
id=96
57
57
? Expert automobile.
4) Autres formations
A partir de la rentrée 2016, le Lycée Ettore
Bugatti proposera une nouvelle formation de Conducteur Voyageurs de Tourisme en
partenariat avec « la Fédération Nationale du transport
de voyageurs et plus de 30 entreprises partenaires ». Celle-ci se
prépare sur une durée de 11 mois et peut être suivie en
formation initiale ou continue. A l'issue de la formation, le stagiaire recevra
un titre professionnel. Il faudra souligner également que toutes les
offres de formation citées précédemment (CAP, Bac Pro,
BTS) sont disponibles en formation continue et gérées
administrativement par l'organisme GRETA Sud-Alsace. In fine, il est important
de souligner que l'établissement possède un fichier près
de 700 entreprises avec lesquelles celui-ci collabore
régulièrement pour l'accueil en stage des
élèves.
2.2.4. Population et environnement
socio-économique
La population estudiantine est hétéroclite et
composée majoritairement de garçons représentant 90% de
l'effectif total des élèves. On retrouve des jeunes issus de
divers horizons, de différents quartiers de Mulhouse ou de villages
d'Alsace. Ainsi, le lycée dispose d'un internant pouvant accueillir 120
élèves, destinés à ceux qui sont
éloignés géographiquement. Pour l'année
académique 2015-2016 le paysage sociodémographique de
l'établissement se présente comme suit sur l'ensemble des
élèves inscrits en CAP et Bac Pro :
58
Provenance des élèves inscrits en Bac Pro
et CAP
Année 2015-2016
42, 04 %
29,39 %
28,57 %
M2A hors Mulhouse
Mulhouse Centre
Communes du Haut Rhin et Bas Rhin Hors Mulhouse M2A
58
Figure n° 8 : Provenance des élèves
inscrits en Bac Pro et CAP durant l'année 2015-2016.
Nous avons ciblé cette population
d'élèves puisque celle-ci présente le taux de
décrochage le plus élevé de l'établissement,
particulièrement ceux qui sont en CAP. Ainsi, à la demande du
proviseur M. Frédéric Neher, nous avons focalisé notre
étude sur ces élèves. Une enquête effectuée
auprès des élèves de CAP en 2013 par Monsieur Joel
Gaillard, chercheur à l'université de Lorraine, montre que la
très grande majorité, environ 99% des élèves
inscrits en CAP sont issus de milieux modestes. Ce sont
généralement, des enfants d'ouvriers, d'employés et
d'artisans. Sur cette population d'élèves inscrits cette
année en CAP on retrouve près de 17,97
59
% provenant de classes SEGPA60 et 4, 69 % viennent
de classes ULIS-collège61. En effet, la grande
majorité des élèves de CAP inscrits pour l'année
académique 2015-2016 sont des collégiens issus de cursus
d'enseignement général. Nous n'avons pas pu obtenir les chiffres
des années précédentes mais selon la Direction, tout porte
à croire que la tendance est toujours la même ces trois
dernières années. Pour avoir une image plus précise de
cette population, nous avons dépouillé quelques données
statiques de l'enquête réalisée par le professeur Joel
Gaillard au mois de décembre 2015 auprès de 127
élèves inscrits en première année de CAP au
Lycée Ettore Bugatti. La situation se présente comme suit :
60 Au Collège, SEGPA (Section d'enseignement
général et professionnel adapté) accueille des
élèves présentant des difficultés scolaires graves
et persistantes auxquelles n'ont pu remédier les actions de
prévention, d'aide et de soutien. Source :
http://eduscol.education.fr/cid46765/sections-d-enseignement-general-et-professionnel-adapte.html.
61 Ulis-collège (Unité
localisée pour l'inclusion scolaire). Dispositif permettant d'accueillir
des élèves présentant des troubles des fonctions
cognitives ou mentales, des troubles spécifiques du langage et des
apprentissages, des troubles envahissants du développement (dont
l'autisme), des troubles des fonctions motrices, des troubles de la fonction
auditive, des troubles de la fonction visuelle ou des
troubles multiples associés (pluri-handicap ou
maladies invalidantes). Source :
http://eduscol.education.fr/cid53163/les-unites-localisees-pour-l-inclusion-scolaire-ulis.html.
59
60
Figure 8. Figure 9.
60
Figure 10. Figure 11.
Figures 8-11 : Résultats de l'enquête
réalisée par le professeur Joel Gaillard au mois de
décembre 2015 auprès 127 élèves inscrits en
première année de CAP au Lycée Ettore Bugatti.
Dans la foulée, nous avons pu constater
également que, sur un effectif de 245 élèves inscrits en
CAP et en Bac Pro pour l'année académique 2015-2016, on constate
que 42,04 % viennent d'établissements situés dans le Haut Rhin et
le Bas Rhin, 29,39 % viennent d'établissements
61
situés dans Mulhouse-Centre et 28,57% viennent
d'établissements situés dans la M2A (Mulhouse
agglomération) desservant les communes telles que : Brunstatt,
Habsheim, Illzach, Kingersheim, Lutterbach, Pfastatt, Pulversheim, Riedisheim,
Rixheim, Wittelsheim, Wittenheim, Zillisheim. Il faudra noter
également, depuis 2000 les communes de Mulhouse, Kingersheim,
Wittenheim, Illzach, Wittelsheim ont un profil « ouvrier
» et furent touchées de plein fouet par une crise
économique, engendrée par la fermeture de plusieurs sites
industriels62.
Selon les statistiques du Contrat de ville nouvelle
génération 2015-2020, on remarque que la plupart des communes de
la M2A (Mulhouse agglomération) regorgent de quartiers en
difficulté socio-économique. Ainsi, 25% de la population de ces
territoires vit sous le seuil de la pauvreté. Une carte de 2009 sur de
l'Agence d'urbanisme de la région mulhousienne présente la
situation des ménages de la M2A en infra :
62 Contrat de ville 2015-2020, p.24
61
62
62
Figure 12 : Revenu des ménages du Canton de Mulhouse
en 2009.
Nous observons que les revenus des ménages de Mulhouse
et d'Illzach sont les plus faibles de la M2A (Mulhouse agglomération).
Si on se réfère au tableau sur la provenance des
élèves inscrits en Bac pro et en CAP pour l'année
2015-2016, il est important de souligner que 96 % de ces élèves
émanent d'établissements de Mulhouse et de la M2A. Nous n'avons
à ce jour, les données sur l'origine sociale de ces
élèves, mais il est très fort probable qu'ils soient
originaires des quartiers de Mulhouse et de la M2A.
2.2.4.1 Le Lycée Bugatti dans le quartier de
Drouot-jonquilles
Comme cela a été mentionné
antérieurement, en 1991 le Collège technique industriel de
Mulhouse devint le Lycée Professionnel Ettore Bugatti et fut
transféré dans de nouveaux locaux situés au 8 rue des
jonquilles dans le quartier de Drouot à Illzach. Ce quartier fut
créé en 3
63
étapes successives entre 1930 et 1950, dans le but
d'accueillir la main d'oeuvre étrangère particulièrement
des immigrants d'Algérie63. A partir, des années des
années 1960, Drouot devint un quartier de relogement où des
résidences HLMO (Habitation à Loyer Modéré
Ordinaire) furent construites, afin de reloger des personnes en situation
précaire mal logées, vivant dans des habitats insalubres des
quartiers de l'Europe au centre-ville de Mulhouse. En 1999, soit 8 ans
après l'installation du Lycée Ettore Bugatti, ce quartier devint
la ZUS (Zone urbaine sensible) la plus fragile de la M2A avec un des taux de
chômage les plus élevés de l'agglomération
mulhousienne.
De cette même année, les statistiques montrent
que 17% des personnes habitant ce territoire sont des « ouvriers
» et 47% d'entre elles sont « sans diplôme
»64. Entre 2000 et 2006, le quartier a connu une forte
augmentation des violences urbaines, de trafics et ainsi qu'une augmentation
des difficultés scolaires au Collège St Exupéry,
particulièrement en maths pour les élèves de
6e. De nos jours, la situation sociale de ce quartier n'a pas
beaucoup évolué, puisque celui-ci présente des «
indicateurs sociaux alarmants avec notamment une présence importante
de jeunes, de femmes, multi-culturalité importante et violences urbaines
récurrentes »65. En outre, 31,3 % des familles
d'Illzach sont monoparentales contre 41,3 % à Mulhouse66. Il
faut savoir que la situation socio-économique du quartier de
Drouot-jonquilles reflète cette même tendance de fragilité
des populations vivant à Illzach, Mulhouse et Wittenheim. Les
indicateurs socio-économiques de ces 3 communes montrant la
fragilité de cette population se présentent de la manière
suivante 67 :
? Un taux de pauvreté monétaire
élevé
63 CUCS Mulhouse 2007, p.47
64 Ibid., p. 48
65 Contrat de Ville Mulhouse 2015-2020, p. 29.
66 Ibid., p.18
67 Ibid., p. 67
63
64
64
· Des difficultés d'insertion sur le marché
du travail très fortes pour les jeunes
· Un faible niveau de formation et de qualification
professionnelle de la population en décalage croissant avec les
exigences des entreprises
· Une porte d'entrée des primo-arrivants
notamment dans les quartiers de Briand-Franklin et Vauban-Neppert. Le taux des
immigrants étrangers ne cesse d'augmenter sur ces territoires.
· La raréfaction des postes d'ouvriers non
qualifiés de l'industrie.
· La maitrise insuffisante de la langue
française, créant une dépendance linguistique à
leur communauté d'origine.
· La maitrise insuffisante des codes culturels de la
république française engendrant des problèmes de «
savoir-être ».
· Des problèmes d'illettrisme et
d'analphabétisme.
· Un manque d'information sur les opportunités
à saisir.
Il faut savoir que dans le cadre de notre recherche cette
année, nous avons identifié et observé 23
élèves présentant des risques de
décrochage scolaire et d'importantes difficultés scolaires. Pour
pouvoir les identifier, nous nous sommes concertés avec les proviseurs
et les CPE de l'établissement en tenant compte également des
indicateurs suivants (Paredes, 1993) :
· Peu d'engagement dans les activités scolaires
· En conflit constant avec les enseignants
· Sentiment d'orientation scolaire subie
· L'ennui (pendant les cours)
· Difficultés d'apprentissage
· Difficultés personnelles
· Déficit d'attention
Parmi ces élèves, nous avons constaté que
près de 56% résident à Mulhouse et ses
agglomérations (Wittenheim, Wittelsheim, Rixheim). En fin de compte, les
questions qu'on peut se poser sont les suivantes : Quel impact l'environnement
socio-économique peut-il avoir
65
65
sur le lycée ? Est-ce que celui-ci peut affecter la
scolarité des élèves au lycée ? Nous nous
pencherons sur ces questions ultérieurement, à la fin de ce
chapitre.
2.2.4.2 Recrutement des élèves et orientations
Le recrutement des élèves se fait à
partir des classes de 3e et passe obligatoirement par un
système d'affectation informatique intitulé AFELNET (Affectation
des élèves par le net). Cette procédure a
été mise en place en 2008 par le ministère de
l'éducation nationale dans toutes les académies. Celle-ci
concerne particulièrement les élèves de 3e
émanant des établissements publics et privés sous contrat.
Elle a pour but de remplacer le mode recrutement des établissements qui
se faisait jadis par un système de sélection manuelle. En fait,
l'admission d'un élève dans une filière au Lycée
Ettore Bugatti relevait de la décision prise par une commission
éducative pilotée par le chef d'établissement. Ainsi, les
élèves étaient recrutés et orientés sur
dossier après délibération de la commission. En clair,
l'établissement choisissait lui-même ses élèves.
Depuis 2008, la procédure d'affectation devient informatisée et
le système AFFELNET vise à répondre à trois
objectifs principaux 68:
a) La procédure d'affectation se réalise
à partir de critères précis dans un souci de
transparence.
b) Les affectations sont attribuées en fonction des
performances scolaires des élèves et les prérequis de la
formation demandée.
c) Dans la procédure d'affectation, on tient compte de
la correspondance entre les voeux de la famille et la capacité d'accueil
des établissements.
Ainsi, le déroulement de procédure d'affectation
s'opère en deux tours, l'un au mois de mai et l'autre en septembre. Il
incombe ainsi aux familles de remplir les dossiers d'affectation de leurs
enfants en tenant compte de la règle suivante : « 1 voeu = 1
établissement /1 voie d'orientation ». Les modalités,
barèmes et critères d'acceptabilité d'une affectation
diffèrent d'une académie à
68 Page web consultée :
http://www.portail-orientation.fr/questions-orientation-college/8-qu-est-ce-que-la-procedure-affelnet
66
l'autre. Par exemple, dans l'académie de Strasbourg les
élèves ont droit à 3 voeux, tandis qu'à Paris ils
ont droit à 6. Une fois les voeux formulés par ordre de
priorité, le logiciel trie les dossiers en fonction de critères
pondérés retenus par l'académie. L'affectation de
l'élève est considérée comme définitive si
le lycée obtenu correspond aux voeux formulés par la famille et
aucun appel n'est possible si celle-ci désire changer de voeu ou
d'établissement.
Il faut savoir qu'avec un tel système, les
élèves répondant le mieux aux critères et
barèmes fixés par l'académie seront ceux qui auront plus
de chance d'obtenir dès le premier tour l'établissement et
l'orientation correspondant à leur choix. Les autres, moins
côtés en termes de points ou de performances scolaires
(résultats en maths, français, langue vivante et
compétences en communication, habileté manuelle, etc.) seront
relégués au second tour en septembre. Et si malgré cela,
ils ne trouvent pas d'affectations, une proposition leur sera faite en fonction
des places restantes disponibles. En cas de refus par l'élève de
la proposition d'affectation, celui-ci peut faire appel à une commission
spécifique. Ainsi, selon Monsieur Neher, près de 200
élèves chaque année se retrouvent en septembre sans
affectation et plusieurs élèves peuvent se retrouver
affectés par défaut dans une filière non souhaitée.
Par ailleurs, il faut savoir également que la plupart des
élèves souhaitant s'inscrire au Lycée Ettore Bugatti sont
souvent très peu informés sur les offres de formation. Ainsi, un
bon nombre d'entre eux s'orientent vers des filières pour lesquelles ils
ont des connaissances partielles sur le déroulement de la formation et
le métier proposé. Ceci n'est pas sans conséquence sur
leur scolarité, risque d'engendrer des frustrations et peut provoquer un
phénomène de « décrochage construit »,
puisque l'élève a le sentiment de ne pas être à sa
place, ne retrouvant pas ni ses marques ni ses repères. Ainsi, le
dispositif du SAS permet de pallier ce problème et mieux accompagner les
élèves dans leur orientation. Nous traiterons ce point en
profondeur par la suite dans cette étude.
66
2.2.4.3 Recrutement des enseignants
67
67
Les enseignants en lycée professionnel peuvent
être recrutés soit par voie de concours ou soit en tant que
contractuels. Le concours exigé pour devenir professeur titulaire de
lycée professionnel est le CAPLP (Certificat d'aptitude au professorat
de lycée professionnel). Cependant, dans un lycée professionnel
comme celui du Bugatti ou tant d'autres, on identifie 3 types d'enseignants.
Nous retrouvons dans un premier temps, les professeurs de sections
d'enseignement général (langues vivantes-lettres,
lettres-histoire et géographie, mathématiques- physique chimie).
Ceux-ci sont recrutés par concours ou en tant que contractuels et
doivent justifier d'un diplôme de Master 2 ou être inscrits dans un
cursus de Master 1. Puis, nous retrouvons les professeurs de sections
professionnelles (Arts appliqués, Biotechnologies, Économie et
gestion, Génie mécanique, Industries graphiques). Ces derniers
peuvent être recrutés avec ou sans concours mais doivent justifier
d'un diplôme post secondaire sanctionnant au moins deux années
d'études (BTS, DUT...) et accomplir obligatoirement 5 années de
pratique professionnelle en lien avec la matière qu'ils veulent
enseigner.
In fine, nous retrouvons les enseignants des secteurs
des métiers (Conducteurs d'engins, Conducteurs routiers, Modelage
mécanique, Réparation et revêtement en carrosserie, Cycles
et motocycles, etc.). Ceux-ci peuvent être recrutés en tant que
contractuels ou sur concours mais doivent justifier d'un diplôme de
niveau IV (Bac) et accomplir obligatoirement 7 années de pratique
professionnelle69. Cette dernière catégorie est connue
au Lycée Ettore Bugatti sous le nom de « professeurs d'atelier
». Leur enseignement est beaucoup plus axé sur la pratique
mais ils dispensent également 4 à 8 heures de cours
théoriques en lien avec les cours en atelier.
La plupart des enseignants de l'établissement,
particulièrement ceux des sections professionnelles et des
métiers viennent du monde de l'entreprise. Certains d'entre eux
devraient faire face à la difficulté grandissante des
élèves en étant démunis en termes de formation. Par
ailleurs, il faudra souligner que les enseignants (toutes les sections
confondues) recrutés par voie de concours dans l'académie de
Strasbourg suivent pendant une année une
69 Page web consultée:
http://www.education.gouv.fr/cid51611/conditions-d-inscription-au-concours-externe-du-caplp.html
68
68
formation orientée plus vers la didactique que la
pédagogie à l'ESPE (Ecole Supérieure du Professorat de
l'Éducation) de Sélestat. Dans notre prochain chapitre sur la
conceptualisation, nous tacherons d'établir la différence entre
les concepts « didactique » et « pédagogie
». Cependant, ceux qui sont recrutés directement sans concours
ne suivent aucune formation. Au Lycée Bugatti, on recense très
peu de contractuels. La grande majorité des enseignants exercent leur
métier en tant que titulaires. Le référentiel de
compétences du bulletin du 25 juillet 2013 de l'Éducation
Nationale décline les compétences que doivent acquérir les
professeurs de lycée professionnel en 5 grands axes 70:
Compétences visées
|
|
Objectifs opérationnels
|
C1. Maitriser les savoirs opérationnels leurs
didactiques
|
·
|
Connaître de manière approfondie sa discipline ou
ses
domaines d'enseignement. En situer les repères
fondamentaux, les enjeux épistémologiques et
les problèmes didactiques.
|
|
·
|
Maîtriser les objectifs et les contenus d'enseignement,
les exigences du socle commun de connaissances, de compétences et de
culture ainsi que les acquis du cycle précédent et du cycle
suivant.
|
|
·
|
Contribuer à la mise en place de projets
interdisciplinaires au service des objectifs inscrits dans les programmes
d`enseignement.
|
C2. Maîtriser la langue française dans
le
|
·
|
Utiliser le vocabulaire professionnel approprié en
|
cadre de son enseignement
|
|
fonction des situations et en tenant compte du niveau des
élèves.
|
C3. Construire, mettre en oeuvre et
|
·
|
Construire des situations d'enseignement et
d'apprentissage dans un cadre pédagogique lié au
métier
|
|
animer des situations d'enseignement et d'apprentissage
prenant en compte la
|
|
visé, en travaillant à partir de situations
professionnelles réelles ou construites ou de projets professionnels,
culturels ou artistiques.
|
|
·
|
Entretenir des relations avec le secteur économique
dont relève la formation afin de transmettre aux élèves
les
|
70 Voir plus en détails en page annexe.
69
69
diversité des élèves
|
|
spécificités propres au métier ou à
la branche
professionnelle.
|
|
·
|
Favoriser le développement d'échanges et de
partages
|
C4. Organiser et assurer un mode de
|
|
d'expériences professionnelles entre les
élèves.
|
fonctionnement du groupe favorisant
|
·
|
Contribuer au développement de parcours de
|
l'apprentissage et la socialisation des
|
|
professionnalisation favorisant l'insertion dans l'emploi
|
élèves
|
|
et l'accès à des niveaux de qualification plus
élevé.
|
|
·
|
Mettre en oeuvre une pédagogie adaptée pour
faciliter l'accès des élèves à l'enseignement
supérieur
|
|
·
|
En situation d'apprentissage, repérer les
difficultés des élèves afin mieux assurer la
progression
|
C5. Evaluer les progrès et les acquisitions
|
|
des apprentissages.
|
|
des élèves
|
·
|
Construire et utiliser des outils permettant
l'évaluation des besoins, des progrès et du degré
|
|
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d'acquisition des savoirs et des compétences.
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Analyser les réussites et les erreurs, concevoir et
mettre en oeuvre des activités de remédiation
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et de consolidation des acquis.
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Faire comprendre aux élèves les principes de
l'évaluation afin de développer leurs capacités
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d'autoévaluation.
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Communiquer aux élèves et aux parents les
résultats attendus au regard des objectifs et des repères
contenus ans les programmes.
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Inscrire l'évaluation des progrès et des acquis des
élèves
dans une perspective de réussite de leur
projet d'orientation.
|
Tableau n° 13 : Référentiel de
compétences de l'Éducation Nationale relatif aux enseignants en
Lycée
professionnel.
Il faudra souligner qu'une étude de l'OCDE en 2013
montre que la formation des enseignants en France est trop académique
(didactique) et met très peu d'accent sur le savoir-faire en
70
formation initiale71. Cette enquête souligne
que 90% des enseignants s'estiment bien ou très bien formés par
rapport au contenu de la matière enseignée contre 40% qui se
sentent insuffisamment formés à l'accompagnement ou au «
volet pédagogique du métier ». Le nouveau
référentiel de compétence mis en place par
l'Éducation Nationale s'inscrit dans une logique de réforme de la
formation des enseignants.
2.3 La problématique du décrochage scolaire
au Lycée Ettore Bugatti
L'année académique 2012-2013 a été
l'une des années la plus difficile pour l'établissement. Ce fut
également l'année de la fusion avec le Lycée Camille
Claudel et on constata à une augmentation de la difficulté
scolaire. Il faut savoir que bien avant cette fusion, la situation
éducative et l'image du lycée s'étaient beaucoup
détériorées. Un bilan interne des 6 dernières
années, montrait que les enseignants ont le sentiment que le
lycée sombre dans le déclin. Les enseignants de l'ancien
lycée Claudel se sentaient complètement désorientés
et les locaux se dégradaient. Qui plus est, le projet de reconstruction
de l'établissement sur un autre site fut avorté, ce qui a
davantage attisé les sentiments de colère et de frustration chez
les enseignants. Durant cette même année 2012-2013 le lycée
atteignit un taux de décrochage élevé de 21%
des élèves des filières de CAP et Bac pro.
On enregistra pour l'année académique 2013-2014 près de
400 exclusions de cours entre fin novembre et
début décembre, 160 exclusions temporaires
et 7 exclusions définitives. Il
faut savoir, selon les chiffres qui nous ont été donnés
par la direction du lycée, que la ville de Mulhouse compte près
de 500 jeunes qui décrochent chaque année du système
scolaire.
Sur le plan institutionnel, le décrochage scolaire se
définit comme étant « le processus selon lequel un
élève finit ou abandonne le cursus de formation dans lequel il
s`était inscrit sans avoir obtenu de diplôme et n'ayant pas
trouvé d'autres alternatives de formation lui permettant de
s'insérer professionnellement 72». Selon les
chiffres du SIEI (Système interministériel
71 Série «Poliques meilleures» France
2015 (c) OCDE 2015 p. 13-14.
72 Définition institutionnelle du
décrochage donnée par M. Neher le proviseur du Lycée
Bugatti.
70
71
71
d'échanges d'informations) on comptabilise à
Mulhouse un taux de décrochage annuel moyen de 6,7%. Ce qui
représente le taux le plus élevé en Alsace par rapport
à la moyenne nationale. Alors, que nous dit la littérature
scientifique sur ce problème ?
2.3.1 Le décrochage scolaire :
Généralités
Un récent rapport du ministère de
l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement
supérieur et de la recherche (Rapport no 2013-095-novembre 2013)
confirme que le nombre de décrocheurs actifs en France
s'élève à près 140.000 jeunes par an. En 2012, on a
recensé en Alsace 4699 jeunes (2957 dans le Bas -Rhin et 1742 dans le
Haut -Rhin) qui ont quitté le système scolaire. Parmi eux, on
comptabilise 683, soit près de 19% de cette population,
âgée de 16 à 25 ans qui sont injoignables, qu'on a perdu de
vue73. Une récente étude de l'Insee montre qu'un
décrocheur coûterait 30.000 euros par an à l'état,
ce qui équivaut à une dette annuelle 30 milliards d'euros dans
les caisses publiques74.
Dans un rapport de la Région Alsace intitulé
« Plan régional pour des expérimentations d'actions en
faveur des 16 à 25 ans perdus de vue », on distingue trois
types de public en décrochage scolaire75 :
? Les décrocheurs : Ce sont des
élèves présentant des risques de décrochage
scolaire mais qui ne sont pas sortis du système scolaire et
fréquentent régulièrement ou irrégulièrement
un établissement scolaire. Ils sont considérés à
risque parce qu'ils affichent à travers leur comportement un
désintérêt pour l'école (absentéisme,
attitude
73
http://www.region.alsace/sites/default/files/fichiers/actualite/planregionalpourdesexperimentationsd
actions.pdf.
74
http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/FPORSOC13a_VE1_educ.pdf
(Institut national de la statistique et des études
économiques).
75
http://www.region.alsace/sites/default/files/fichiers/actualite/plan
regional pour des experimentations d actions.pdf. p.3
72
passive, etc.). Dans le cadre de ce travail, nous
mènerons nos observations et enquêtes sur ce type de public.
? Les décrochés : Il s'agit de jeunes
âgés de plus de 16 ans qui ont quitté le système
scolaire sans avoir obtenu de diplôme ou trouvé une autre solution
de formation.
? Les invisibles ou perdus de vue : Ils sont
âgés entre 16 et 25 ans et ont pour particularité d'avoir
non seulement quitté le système scolaire mais refusent tout
accompagnement par une plateforme locale de suivi ou de réseau
d'accompagnement et d'insertion professionnelle.
(Effectifs et taux de décrochage parmi les
élèves de 16 à 24 ans. (Sources : Insee Analyse Alsace
n° 16 - Juillet 2015, p. 2).
72
|
Figure n°14 : Cartographie des effectifs et des taux de
décrochage élevés à Strasbourg et à
Mulhouse.
|
73
73
Il faudra noter qu'en 1970, on estimait que 70% des
français avaient le certificat d'études primaires et pouvaient
accéder facilement avec ce diplôme au marché de l'emploi
(Fauconnier, 2004). Cependant, la situation a commencé à changer
à partir des années 80 avec le développement des services
informatiques. En conséquence, il a fallu trouver un moyen pour repenser
la formation des travailleurs peu qualifiés dans un monde où les
outils informatiques prenaient de plus en plus de place dans les entreprises,
particulièrement dans l'industrie. Le travailleur dont les
compétences reposaient sur la répétition de gestes
professionnels devrait dès lors, avoir une certaine maitrise de
l'information tout en sachant résoudre des problèmes et savoir
communiquer (Giry. M, 1994).
Dans le processus de production, les capacités
physiques du travailleur ou de l'ouvrier furent moins sollicitées et
l'on faisait plutôt appel à son raisonnement logique, sa
capacité d'abstraction. Dans cette optique, les manoeuvres
répétitives et mécaniques s'estompèrent
progressivement dans le milieu du travail et donnèrent place à
l'arrivée de techniques de manipulation par l'informatique. Les outils
traditionnels techniques qui furent longtemps considérés comme la
matière première du travailleur allaient se voir
substituées par des claviers et des moniteurs d'ordinateurs. Le
travailleur allait devoir se plier à de nouvelles exigences en vue de
s'adapter à son environnement de travail et devenir autonome dans ses
prises de décision. Ainsi, Marcel Giry dans son livre «
Apprendre à raisonner, apprendre à apprendre »
(1994, p. 9) nous montre qu'il fallait que le travailleur réponde
à certains critères pour pouvoir répondre aux exigences de
son employeur, parmi lesquelles on peut citer :
o Des savoirs plus théoriques
o Des aptitudes cognitives plus développées
o Une plus grande souplesse intellectuelle
o Des capacités d'abstraction accrues
L'exigence d'une société postmoderne
évoluant à un rythme effréné et exigeant plus de
performance physique et intellectuelle engendre de très grandes
difficultés en termes d'insertion
74
74
professionnelle aux publics à besoins
spécifiques n'ayant pas de diplôme ou ne parvenant pas à
s'adapter au fonctionnement du système mondial actuel. En
conséquence, la révolution informatique des années 1980
engendra une hausse du chômage de ce type de population touchant
particulièrement les jeunes. Sur le plan strictement cognitif, les faits
mentionnés précédemment, font partie de l'une des causes
majeures du décrochage scolaire de la plupart des élèves
en grande difficulté scolaire.
2.3.1. 1 Le monde intérieur des décrocheurs
Les récentes études effectuées sur le
décrochage scolaire montrent que le public masculin est beaucoup plus
touché par ce phénomène (Bowlby & Mc Mullen, 2002).
Cette propension au décrochage chez les jeunes garçons s'explique
par le fait que ces derniers externalisent beaucoup plus leur malaise tandis
que les filles internalisent leurs souffrances (Marcotte, Fortin, Potvin et
Papillon, 2002). La gestion de conflits internes se gère de
manière différente chez le sujet masculin et féminin.
Cependant, il est à souligner que tous les décrocheurs de sexe
masculin ne présentent pas de troubles de comportements (Kronick et
Hagis, 1990). Certains sont silencieux (internalisent) et respectueux dans leur
environnement scolaire mais présentent de sérieuses
difficultés à l'apprentissage. On constate que les
décrocheurs ont connu généralement par le passé
plusieurs ruptures dans leur parcours scolaire, social et familial (Danielle
Zay, 2005). Leur parcours est souvent jalonné par des changements
d'établissements dû à des déménagements
(rupture sociale) qui leur coupe du voisinage, du quartier dont ils
sont habitués. Les exclusions scolaires rompent le cercle amical qui a
été construit (rupture scolaire) pendant leur
scolarité. A cela on peut rajouter les séparations des parents,
les placements en foyer (rupture familiale) représentant une
des causes majeures du décrochage scolaire chez les jeunes adolescents
sans pourtant oublier dans certains cas, qu'un climat scolaire négatif
(moqueries, violence, maltraitance, etc.) peut constituer un frein
à l'apprentissage et favoriser le décrochage chez un jeune
adolescent (Bennacer, 2000). En revanche, un milieu scolaire positif diminue
les risques du décrochage (Janozc, 2006).
75
Rupture scolaire
Décrocheur
Rupture sociale
Climat scolaire malsain
Rupture familiale
75
Figure n°15 : Le cycle des ruptures augmentant le
risque de décrochage chez l'élève.
Ainsi, le décrocheur est un apprenant en situation
d'échec dont les causes peuvent être multifactorielles. En
conséquence, le portrait-robot de l'élève «
décrocheur » peut présenter de multiples facettes
et varier d'un contexte socioéducatif à un autre. En effet, la
littérature montre que les facteurs de risque de décrochage d'un
établissement scolaire situé en zone urbaine ne seront
forcément les mêmes dans un établissement scolaire en zone
rurale. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi de faire une «
étude de cas » qui découle d'une démarche
inductiviste (apostérioriste) dans le cadre de notre recherche. Ce choix
nous semble beaucoup plus pertinent puisqu'il nous permet d'étudier le
phénomène du décrochage scolaire lié à un
contexte particulier, celui du Lycée professionnel Ettore Bugatti
d'Illzach, qui est le seul lycée automobile du département du
Haut Rhin.
Sur le plan psychanalytique, le décrocheur se
présente comme celui qui est en proie à des conflits entre son
« Moi » et l'idéal du « Moi social
» (H. Danon Boileau, 2010). Ces conflits intérieurs peuvent
engendrer non seulement des difficultés personnelles mais aussi des
difficultés inhérentes à apprentissage (Battin Pearson et
Al., 2000). Ainsi, de nombreux décrocheurs semblent présenter des
lacunes d'habiletés sociales qui se manifestent par des comportements
« déviants » (Jimmerson, 2002). Une autre
étude de Marcotte en 2006, montre que les difficultés
persistantes de ces sujets peuvent avoir une incidence sur leur santé
mentale, les conduisant pour la plupart à long terme dans un état
dépressif.
76
Une étude de Lagrange (2001) montre que les
élèves décrocheurs manifestent très peu
d'intérêt pour l'apprentissage et rencontrent plus de
difficultés en mathématiques et en français. Face à
l'institution scolaire, le décrocheur développe diverses postures
telles que le retrait, l'invisibilité sociale, la provocation,
l'affrontement à l'autorité de l'enseignant, crise,
révolte, comportements ludiques et de prestance vis-à-vis ses
camarades de classe (Danielle Zay, 2005). En effet, d'un point de vue
systémique, le mal-être intérieur de l'élève
n'est pas sans conséquence sur son environnement.
Les conflits intérieurs de l'élève en
décrochage scolaire influent de manière significative sur son
espace d'apprentissage. Aussi, il est important de souligner que
l'apprentissage est un processus mental impliquant des émotions (Manil,
2014). Ainsi, plus les difficultés personnelles (sociales, familiales,
etc.) de l'élève augmentent, plus la tâche de l'enseignant
risque de devenir difficile. En clair, une relation conflictuelle
s'établit entre l'élève et le professeur si ce dernier ne
tient pas compte du versant psycho-affectif de ce dernier dans le processus
d'apprentissage. Les conflits internes de l'élève face à
son échec ou son malaise peuvent déborder non seulement dans la
salle de classe mais toucher aussi toutes les composantes de l'environnement
scolaire, tels que les autres élèves et le personnel
éducatif de l'établissement (Directeur, CPE, assistant
d'éducation, etc.). Face à ses frustrations,
l'élève est incapable de s'atteler au processus d'apprentissage.
Il exprime donc un sentiment de rejet des enseignants ou du système
scolaire.
élève en difficulté (conflits
internes)
Enseignant en difficulté
(conflits externes)
Enseignant en difficulté
Personnel éducatif
en difficulté
Elève en difficulté
76
Figure n° 16 : Les répercussions des conflits
internes de l'élève sur son environnement
77
77
Paredes (1993) montre qu'il existe des signes
révélateurs pouvant nous indiquer si un élève
présente un risque de décrochage tels que : Peu d'engagement dans
les activités scolaires, en conflit constant avec les enseignants,
sentiment d'orientation scolaire subie, l'ennui (pendant les cours),
difficultés d'apprentissage, difficultés personnelles,
déficit d'attention. Aussi, nous devons souligner que le rôle des
parents est souvent déterminant dans la réussite ou
l'échec de l'élève. Par ailleurs, un sondage
réalisé en Juillet 2002 auprès des français par la
BVA montre que 49% des sondés pensaient que leur réussite sociale
dépendait du soutien de la famille, contre 20% mettant en avant
l'entreprise dans laquelle ils ont travaillé et 19% pensant que leur
réussite dépendait entièrement de l'école
(Fauconnier, 2004 p. 33). Par exemple, on constate que les enfants
évoluant dans des familles ou les parents sont inactifs
présentent un plus grand risque au décrochage (Frydel &
Lèbre, 2015) comme nous le montre le tableau ci-après.
78
Source : Insee Analyse Alsace n° 16
Taux de décrochage (en %)
25
20
15
10
5
78
0
CAP Baccalauréat professionnel Baccalauréat
général
ou technologique
Inactifs, retraités et non renseignés
Employés, ouvriers
Cadres et professions intellectuelles supérieures
Professions intermédiaires, artisans, agriculteurs
- Juillet 2015 p. 4
Tableau n°17 : Tableau représentatif des taux de
décrochage scolaire en fonction de la situation des parents des
élèves.
Lecture : 10 % des élèves de baccalauréat
professionnel dont les parents sont inactifs décrochent. Cette part
passe à 5,4% pour les enfants d'ouvriers, 4,1% pour les professions
intermédiaires et 4,2%pour les enfants de cadres et
79
79
professions intellectuelles supérieures. (Sources :
MEN, Système interministériel d'échanges d'informations
(SIEI 2012-2014). 76
2.3.1. 2 Les parents des élèves
décrocheurs
Les parents des publics décrocheurs sont souvent pris
pour cible à tort ou à raison comme responsables de
l'échec de ces derniers. En effet, la littérature montre que la
plupart des parents d'élèves en échec scolaire ne sont pas
si désintéressés, comme on le prétend par la
scolarité de leurs enfants (Clerget, 2000). Au contraire, les
études montrent que ceux-ci vivent l'échec de leurs enfants comme
leurs propres échecs. En général, ils ont aussi
eux-mêmes quitté le système scolaire quand ils
étaient jeunes et s'inquiètent de l'avenir professionnel de leurs
progénitures. Leur déscolarisation antérieure alimente en
eux la hantise de l'enfant futur délinquant ou repris de justice. Face
à cette situation de peur de l'avenir, ils utilisent leur propre peur
par des moyens souvent coercitifs (corrections physiques, chantage) pour
inciter leurs enfants à travailler, espérant les remettre sur le
droit chemin, celui de la réussite. Cette méthode s'avéra
contre-productive puisqu'un enfant en difficulté nécessite une
attention particulière (plus de bienveillance) et un soutien affectif
indéfectible (Danielle Zay, 2005). Les parents des décrocheurs se
sentent coupables de l'échec de leurs enfants (Daniel Gayet, 2004) et
éprouvent un sentiment d'insécurité lié au fait de
ne pas pouvoir assumer correctement leurs taches éducatives (G.
Bergonnier-Dupuy et C. Borusseau, 2003).
Selon les théoriciens de l'éducation, une
éducation est réussie quand celle-ci répond à deux
exigences : La première sur le plan civique, c'est-à-dire assurer
l'insertion sociale du sujet et la seconde sur le plan individuel,
c'est-à-dire assurer l'équilibre de la personnalité
(Daniel Gayet, 2004). Lorsque ces deux exigences sont défaillantes dans
l'éducation d'un jeune, on peut parler dans ce cas-là
d'échec parental en matière éducative. En revanche, on
peut parler de réussite scolaire quand l'enfant est socialement
intégré, équilibré et s'associe aux valeurs
intrinsèques de la citoyenneté.
76 Ibid, Insee Analyse Alsace n° 16 - Juillet
2015 p. 4
80
80
En clair, généralement, les parents des
décrocheurs ne parviennent pas à les accompagner dans leur
processus d'apprentissage non pas par mauvaise foi ou par manque
d'intérêt mais parce qu'ils sont dépourvus des
capacités psychiques et intellectuelles pouvant répondre aux
besoins affectifs et éducatifs de leurs siens. Dans cette même
foulée, il parait judicieux que des instances éducatives puissent
proposer aux élèves en difficulté sociale et scolaire un
enseignement pédagogique adapté aux profils de ces derniers. Nous
retenons par ailleurs, que les parents des décrocheurs n'appartiennent
pas toujours à des milieux défavorisés (Beck, 1978).
Certains sont très aisés mais trop occupés pour s'inscrire
dans une démarche éducative active auprès de leurs
enfants. Leur investissement parental est donc trop insuffisant pour pouvoir
garantir la réussite scolaire de ceux-ci (Epstein, 1999).
Figure n°18 : Le cycle d'échecs
2.3.1. 3 Les conséquences du décrochage scolaire
Le décrochage scolaire entraine des conséquences
au niveau scolaire, familial, social et psychologique. Le décrocheur qui
n'est pas pris en charge peut développer des troubles qui devront
être pris en charge par les autorités sanitaires et pouvant nuire
sérieusement à l'ordre public. Sur le plan économique, un
décrocheur coute 230'000 euros à l'Etat tout au long de sa vie.
Parmi les conséquences qui peuvent découler du décrochage,
nous pouvons retenir les risques suivants (Blaya, 2003) :
? Comportements suicidaires
? Perte d'estime soi engendrant des comportements
extrêmes
? Relations difficiles et conflictuelles avec ses pairs
? Troubles dépressifs (9,5 %)
81
81
? Troubles d'attention (23, %) ? Comportements agressifs (16,4%)
? Délinquance (31, 1 %) ? Augmentation du chômage
2.3.2 Les dispositifs de lutte contre le
décrochage scolaire en France
En France, il existe une politique de prévention contre
le décrochage scolaire. Chaque instance de l'état, qu'il s'agisse
de la ville, des collectivités territoriales ou de l'éducation
nationale, tente de mobiliser ses ressources afin d'accompagner les jeunes en
échec scolaire. Les différentes missions de lutte contre le
décrochage ont pour tâche de trouver des solutions
d'accompagnement pour des jeunes décrocheurs ou pour ceux qui ont
quitté le système éducatif classique (Blaya, 2010).
Concernant les jeunes du secondaire, qui constituent la population qui fait
l'objet de cette étude, nous présenterons de manière
succincte quelques dispositifs mis en place par l'Etat dans la lutte contre le
décrochage et l'échec scolaire.
? RAR (Réseau d'ambition
réussite)
Ce dispositif est créé en 2006 par l'Education
Nationale (Circulaire no 2006-058). Il a pour objectif de permettre aux
élèves issus de quartiers défavorisés, rencontrant
des difficultés d'apprentissage et ayant un retard de deux ans à
l'entrée du second degré, de pouvoir être
intégrés dans un environnement favorable à la
réussite. Ainsi, par ce dispositif, les risques de rupture sont
atténués entre l'élève en difficulté et
l'établissement scolaire dans lequel il évolue. Cependant, il est
intéressant de constater, qu'un bilan de synthèse du
Ministère de l'Education Nationale daté de juin 2010, stipule que
le public accueilli dans ces dispositifs n'a pas évolué depuis
quatre ans ni dans un sens d'amélioration ni dans un sens de
détérioration.
? RASED (Réseaux d'aides spécialisés
aux élèves en difficulté)
Les RASED, créés en 1990, par le
Ministère de l'Education Nationale, interviennent auprès des
élèves en difficulté sur demande des enseignants. Dans son
manuel sur le décrochage scolaire Catherine Blaya explique que «
les réseaux sont composés de trois types d'intervenants qui
sont
82
82
des enseignants spécialisés dans les
difficultés d'apprentissage ou dans les difficultés d'adaptation
scolaire ou encore par des psychologues scolaires » (Blaya, 2010, p.
126). Le psychologue scolaire effectue un bilan psychologique de
l'élève en concertation avec les parents de celui-ci. L'objectif
de ce bilan est de permettre une analyse des besoins de l'élève
afin de mieux répondre à ses difficultés d'apprentissage.
Dès l'école primaire, l'élève peut
bénéficier de cet accompagnement. Les intervenants des RASED sont
mobiles et se déplacent d'établissements en établissements
ou d'une circonscription à une autre sous l'autorité d'un
inspecteur académique. L'un des soucis majeurs de ce dispositif
réside dans le fait que les accompagnants ou intervenants ne font pas
partie de l'équipe pédagogique in situ. L'aide apportée
par ces derniers ne peut toucher de manière superficielle que certaines
problématiques inhérentes au décrochage ou à
l'échec scolaire des sujets. D'autant plus, je cite « des
moyens insuffisants de postes menacent la pérennité des RASED
alors qu'ils s'inscrivent tout à fait dans une démarche de
prévention précoce préconisée par les mêmes
décideurs qui ne le subventionnent pas suffisamment » (Blaya,
2010, p. 126).
? Les dispositifs relais
Il s'agit de l'un des rares dispositifs, mis en place par deux
ministères : Le Ministère de l'Education Nationale et le
Ministère de la Justice (Protection judiciaire de la jeunesse). Il est
régi par la Circulaire n°2006-129 du 21 août 2006. Le
dispositif existe sous forme de classes, d'ateliers ou d'internats relais et
est destiné exclusivement aux élèves du second
degré. La durée de relais s'étend sur une période
de 12 mois maximum pour ceux qui sont inscrits en classes relais et 16 semaines
pour ceux qui sont en ateliers relais. Ce projet vise les élèves
à problématique de violence, de décrochage et
d'échec scolaire. Leur admission se fait après examen de leur
dossier et en accord avec l'élève concerné et ses parents.
L'objectif principal de ce dispositif est de permettre la réinsertion
sociale et scolaire de ces jeunes à travers une démarche de
rééducation à la citoyenneté. Plusieurs
professionnels interviennent dans le cadre des dispositifs relais tels que des
éducateurs spécialisés, des personnels associatifs, des
animateurs socio culturels, des personnels de la santé et des personnels
de services sociaux (Blaya, 2010). En effet, l'efficacité d'un tel
dispositif ne présente pour l'instant une certaine
83
83
garantie par manque d'infrastructure. Le texte de Loi de base
régissant l'organisation des dispositifs relais stipule que les locaux
de ces derniers doivent être rattachés physiquement et
administrativement aux établissements scolaires afin de garantir un
meilleur suivi des élèves en difficulté. Or, les travaux
réalisés sur ces structures (Blaya, 2003) montrent qu'une
classe-relais peut être implantée dans un magasin
désaffecté à Paris. Depuis sa création en 2006,
7900 élèves ont pu bénéficier de ce dispositif.
Selon les chiffres officiels de 2010 du Ministère de l'Education
Nationale, 77% des bénéficiaires des dispositifs relais
réintègrent leur établissement scolaire d'origine. Les
questions que l'on peut se poser sont les suivantes : Quel est le sort des
bénéficiaires pour qui ce dispositif a été un
échec ? Et pourquoi sur les 60.000 décrocheurs ou
élèves en situation d'échec scolaire, 7900 ont
été admis aux dispositifs relais (Blaya, 2010) ?
? Projets de réussite éducative
(PRE)
Les projets de réussite éducative ont pour but
de promouvoir l'égalité des chances. Ils sont destinés aux
jeunes et familles des zones urbaines sensibles âgés de 2 à
16 ans. Les enfants inscrits dans ce dispositif bénéficient d'un
accompagnement social, scolaire, éducation artistique et culturelle,
soutien à la parentalité, en dehors des heures de cours (Blaya,
2010). Régis par la loi du 18 janvier 2005, les projets de
réussite éducative (PRE) manquent le soutien et pilotage du
gouvernement.
2.3.3 Décrochage et difficulté scolaire
au Lycée Ettore Bugatti : Etat des lieux
Ainsi, la difficulté scolaire s'est accrue au fil des
années à un point tel qu'au Lycée Bugatti, cela a eu un
impact négatif sur le recrutement des élèves. En
conséquence, l'image de l'établissement s'est
écornée auprès des jeunes de la région. Et
pourtant, nous avons vu précédemment dans l'historique de
l'établissement que celui-ci jouissait d'une très bonne
réputation à Mulhouse. Le lycée fut pendant longtemps
auréolé d'un prestige académique par rapport à la
qualité de sa formation et le sérieux des élèves
qui le fréquentaient. Fort de son succès depuis sa
création en 1946, le « label » des métiers lui
fut décerné en 2002. Selon Monsieur Neher, le Proviseur de
l'établissement, on constate que les élèves accueillis
dans
84
84
l'établissement sont de moins en moins
compétents et motivés dans leur apprentissage. Ce constat a
été effectué sur 3 critères bien précis :
1. Le pourcentage de réussite au Bac pro.
2. Le taux de passage d'une classe à l'autre.
3. Le nombre d'élèves n'ayant pas obtenu de
diplôme.
Les résultats des élèves au Bac Pro
restent très médiocres. Par exemple, l'an dernier, on enregistra
moins de 60% de réussite aux examens de bac pro sachant que la
difficulté scolaire est beaucoup plus importante chez les
élèves de CAP. On constate également, toujours selon
Monsieur Neher, un problème de métacognition,
c'est-à-dire un manque de prise de conscience des
élèves des savoirs acquis pendant leur formation, entre autres. A
cela, on rajoute des problèmes d'ergonomie cognitive, ce qui
revient à dire que certains élèves n'arrivent pas à
faire le lien entre ce qu'ils ont fait en cours et ce qu'ils font en stage.
Pour faire face au problème de décrochage scolaire, de nombreux
dispositifs d'accompagnement ont été mis en oeuvre depuis 2013
par l'équipe éducative, comme nous le verrons en détails
ultérieurement à la fin de ce chapitre.
2.3.3. 1 Les causes du décrochage scolaire au Lycée
Ettore Bugatti
La littérature scientifique nous montre que les causes
du décrochage scolaire peuvent être multifactorielles. Ce que nous
allons voir beaucoup plus en détails dans la partie «
questionnements théoriques » de notre étude.
Cependant, en se fondant sur les indicateurs de notre approche descriptive et
en tenant compte des informations qui nous ont été fournies par
la direction de l'établissement, nous pouvons déterminer
certaines causes apparentes inhérentes à des faits qui sont
d'ordre structurel, organisationnel, systémique et
pédagogique. Nous comprenons par ce constat, qu'il existe une
relation de cause à effet à la problématique de
décrochage scolaire dans cet établissement. Comme on vient de le
dire, les causes qu'on va élucider sont apparentes et factuelles. La
liste est loin d'être exhaustive et à ce stade de l'étude,
nous n'avons pas encore les résultats des enquêtes
effectuées auprès des élèves et enseignants,
85
85
qui nous permettront de déceler peut-être de
nouvelles pistes. Ainsi, les différentes indications contenues dans
cette partie descriptive nous emmènent à déterminer les
causes suivantes :
A. Cause structurelle : La fusion
La fusion en 2013 du Lycée Camille Claudel avec le
Lycée Ettore Bugatti a engendré des difficultés au niveau
structurel, organisationnel et administratif. Le projet de construction d'un
nouvel établissement fut abandonné par la région. Il
fallait alors, transférer les 250 élèves du Camille
Claudel ainsi que les enseignants et les sections de formation. L'espace
occupé par les élèves devenait exigu et d'autant plus, la
population d'élèves du Camille Claudel (filière
logistique) était réputée comme très difficile. Les
enseignants tant que les élèves du Camille Claudel eurent
beaucoup de peine à trouver leurs repères dans leur nouvel espace
éducatif. De ce fait, La population estudiantine avait
considérablement changé. La difficulté scolaire existant
déjà au Camille Claudel fut en quelque sorte
transférée au Bugatti. La loi de Pareto, très
utilisée en marketing, nous montre qu'il suffit seulement 20% de causes
pour produire 80% d'effets. Selon ce principe, on comprend que c'est une
minorité de causes ou d'intrants qui entraine la majorité des
conséquences (Koch, 2007). Avant 2013, la situation éducative au
Lycée Bugatti commençait déjà à se
dégrader. Donc, l'arrivée d'une population en grande
difficulté dans l'établissement faisait qu'augmenter les
problèmes du lycée, ce fut la goutte d'eau qui fait
déborder le vase...
B. Cause organisationnelle : L'affectation et
l'orientation des élèves
Nous avons vu que depuis 2008, la procédure
d'affectation ou de recrutement des élèves est devenue
informatisée (Affelnet77) et que les lycées ne peuvent
recruter directement leurs élèves comme cela se faisait jadis. En
fait, certaines formations sont plus demandées que d'autres, c'est le
cas par exemple de la section mécanique. Ainsi, certains
élèves peuvent se retrouver par défaut dans une section de
formation non souhaitée soit par manque de places ou soit à cause
d'une performance scolaire médiocre. Tout compte fait, c'est un logiciel
informatique
77 Affelnet : Affectation des élèves via
le net.
86
86
qui positionne ces élèves sur une filière
en fonction de leurs voeux et de certains critères ou barèmes
préétablis par l'académie. On doit se rappeler que cette
procédure d'affectation a été mise en place par les
académies dans un souci de transparence et d'équité
vis-à-vis des élèves accueillis en lycée. On
reproche donc à celui-ci sa mécanicité. Car le fait, qu'un
élève se retrouve dans une formation par défaut, peut
affecter de manière négative sa motivation durant l'année
scolaire (risque de décrochage).
En outre, beaucoup d'élèves sont très peu
informés sur les offres de formation proposées par le
lycée. Ils possèdent pour la plupart une connaissance partielle.
Cela soulève également un problème de communication
externe. Ainsi, pour y remédier, des journées « Portes
ouvertes » sont organisées et le dispositif SAS (orientation
décalée) a vu le jour en 2014 dans le but de permettre aux
élèves non seulement de découvrir les métiers mais
aussi de prendre connaissance des différentes activités
proposées dans les sections de formation.
C. Cause systémique : L'environnement
socio-économique
Comme cela a été indiqué
antérieurement, près de 57 % des élèves inscrits
cette année en CAP et Bac pro viennent de Mulhouse et de M2A (communes
de l'agglomération) et la très grande majorité de ceux-ci
sont issus de familles très modestes et de CSP 78
défavorisées. Pour l'heure, nous ne savons exactement si la
tendance a été la même ces trois dernières
années mais il très fort probable que cela fût ainsi. En
conséquence, il faudra souligner selon un rapport de l'Observatoire
national des zones urbaines sensibles (ONZUS) en 2012, la ville de Mulhouse se
caractérise par 79« une population jeune, peu stable
et mobile et se trouvant souvent dans une situation fragile ». Ce
constat est aussi valable, à mesure moindre, pour les villes d'Illzach
et de Wittenheim à en croire ce même rapport. Une étude de
l'Agence d'urbanisme de la région mulhousienne en 2014 montre qu'entre
2005 et 2013, on a enregistré une progression de 20%
d'élèves issus de CSP défavorisées dans les
collèges publics. Et sur l'année académique 2012-
78 CSP : Catégorie socio professionnelle.
79 Contrat de ville 2015-2020 p. 129
87
87
2013 le rapport précédent souligne que 37% des
élèves de 3ème des collèges publics de Mulhouse
étaient en retard scolaire d'au moins une année.
Par ailleurs, cette étude montre une certaine
fragilité de la situation éducative dans les collèges de
Mulhouse en 2012. Cette fragilité est liée à plusieurs
facteurs sociaux tels que « problèmes associés de
socialisation et de maîtrise du français, mobilité, voire
volatilité des élèves, liens familles/école,
situation d'isolement et de précarité des parents,
problème de maîtrise du français, monoparentalité,
etc. ». Ainsi, tout ceci entraine des conséquences sur la
scolarité des jeunes et fragilise les institutions scolaires de Mulhouse
et de ses agglomérations. Par ailleurs, faudra-t-il souligner qu'un
état des lieux effectué par l'ORSAL en 2013 (Observatoire
régional de la santé d'Alsace) montre que la situation sociale de
Mulhouse et de ses proximités s'était dégradée en
s'appuyant sur les indicateurs suivants :80
? Un taux de chômage élevé.
? Un taux de couverture par les prestations sociales (RSA,
CMU-C, AAH)81 plus élevé que la moyenne
régionale.
? Une population active dominée par les métiers
de l'industrie à faible qualification. Sachant que le profil industriel
s'estompe progressivement à Mulhouse et que le secteur tertiaire se
développe de manière fulgurante. Elle représente
aujourd'hui 73% du marché de l'emploi.82
? Des conditions de vie dégradées et
émergence d'affections physiques ou psychiques
génératrices de souffrance.
In fine, d'un point de vue systémique, nous savons
qu'un système influe sur d'autres systèmes. Un problème au
sein d'un système peut s'expliquer par un problème existant dans
un autre
80 Ibid., p. 129
81 RSA : Revenu de solidarité active. CMU-C
: Couverture maladie universelle complémentaire. AAH : Allocation aux
adultes handicapés.
82 Ibid., p. 20
88
88
système83. En clair, cela veut dire, si nous
reprenons cette fameuse citation du météorologue Edward Lorenz,
« le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut provoquer
une tornade au Texas ». En l'occurrence, nous pouvons donc
émettre l'hypothèse que l'environnement socio-économique a
contribué à la problématique du décrochage scolaire
des élèves au Lycée Ettore Bugatti.
D. Cause pédagogique : Entre didactique et
pédagogie
Le proviseur du Lycée Ettore Bugatti nous explique lors
d'un entretien que la plupart des enseignants n'ont pas reçu à la
base une formation pédagogique. Celui-ci souligne également qu'il
manque un fondement en sciences de l'éducation dans le cursus de
formation des chefs d'établissement. Comme cela a été
mentionné antérieurement, la plupart des enseignants du
lycée sont des anciens professionnels du monde de l'entreprise. Nous
avons vu également que le référentiel des
compétences du bulletin officiel de l'Education Nationale de 2013
destiné aux professeurs des lycées professionnels est
orienté beaucoup plus vers la didactique que la pédagogie. Nous
tenons à préciser que ce référentiel aborde
beaucoup d'éléments pédagogiques, néanmoins le
cadre s'insère dans une logique didactique. En effet, la population
estudiantine en lycée professionnel a beaucoup évolué
ainsi que les dispositions par rapport à l'apprentissage. Ainsi, les
enseignants sont confrontés à de nouveaux défis pour
lesquels ils n'étaient préparés à savoir : Comment
éduquer l'enfant post-moderne dans une société postmoderne
? Comment enseigner à des élèves en souffrance ? Comment
amorcer la résilience chez les décrocheurs ? Quelle posture
adopter face à l'élève en difficulté ? De ce fait,
plusieurs axes d'accompagnement élaborés par l'équipe
éducative seront proposés aux élèves afin de
pourvoir répondre efficacement aux besoins des élèves,
surtout à ceux qui sont difficulté.
83 Cours de D. Kern « Approche
systémique » Master 2 IIMSE Université de Haute Alsace.
2015.
89
89
2.3.3. 2 La politique d'accompagnement des élèves
en difficulté au Lycée Ettore Bugatti
Il est important de donner une définition de la
difficulté scolaire. Qu'est-ce qu'un élève en
difficulté ? Sur quel critère se fonde-t-on pour repérer
un élève en difficulté ? Dans le rapport du
Ministère de l'Education Nationale et du Ministère de
l'Enseignement Supérieur et de la Recherche intitulé «
le traitement de la grande difficulté au cours de la
scolarité obligatoire», il est mentionné qu'il n'existe
pas de définition précise que l'on pourrait attribuer à la
notion de difficulté scolaire, puisque ce concept varie selon la
situation d'un élève à un moment donné de sa
scolarité.
Dans cette même étude, on souligne
néanmoins la différence entre un élève en
difficulté et celui qui est en grande difficulté.
L'élève en difficulté est considéré comme
celui qui est capable de surmonter ses problèmes d'apprentissage et d'y
remédier à court terme quand une aide particulière lui a
été apportée (remédiation). En revanche, on parle
d'élève en très grande difficulté quand celui-ci
est dans l'incapacité de répondre aux attentes de l'école,
tant au niveau intellectuel que comportemental. Cette explication semble
correspondre parfaitement à la situation des élèves
décrocheurs du Lycée Ettore Bugatti. En conséquence,
l'équipe éducative a mis en oeuvre toute une batterie de
dispositifs de prévention et de lutte contre le décrochage
scolaire durant l'année académique 2014-2015 dans le but de mieux
accueillir et mieux accompagner les élèves pour
un mieux vivre ensemble. Il faudra se rappeler également qu'au
commencement, 3 ans après la fondation de l'établissement en
1949, le leitmotiv scandé par le directeur de l'époque fut ceci :
L'élève doit être pris en main attentivement,
suivi et conseillé. On suppose que c'est dans ce
même d'ordre d'idée, que l'Inspection Académique a
suscité en 2013 un mouvement de réaction du corps éducatif
face à la gravité de la situation, qui fut
déterminé à lutter contre le fléau du
décrochage en se donnant pour objectif de remettre l'élève
au centre du système scolaire. Ainsi, des groupes de travail se sont
constitués mobilisant des enseignants et le personnel de la vie scolaire
dans l'espoir de recueillir des données sous forme de diagnostic pour la
mise en place de dispositifs de prévention et de « lutte pour
la persévérance scolaire » en guise d'utilisation du
terme « lutte contre le décrochage scolaire »
utilisé plus fréquemment dans la littérature par les
spécialistes en Sciences de l'éducation.
90
90
Ces rencontres ont suscité d'utiles réflexions
menant l'équipe éducative à réfléchir sur le
rapport de l'enseignant avec l'élève en vue d'une
amélioration des pratiques éducatives et pédagogiques.
Dans cette optique, on vise à adopter une posture qui fait sens pour la
personne de l'élève comme l'écoute
et la considération. Une
politique de formation est donc mise en oeuvre pour le personnel
éducatif, en vue d'harmoniser les pratiques et de modifier surtout le
rapport de l'élève au système scolaire. L'enseignant
devient donc de ce fait, le moteur de la lutte pour la
persévérance scolaire.
La question que se pose Monsieur Neher, proviseur du
Lycée Bugatti, est : Comment peut-on développer des pratiques
inclusives ? On ne peut pas changer les élèves, néanmoins
nous pouvons permettre qu'ils aient un regard positif sur l'école
à travers l'enseignant, dixit le proviseur. Les notions- : «
écoute » « bienveillance
» et « considération »
de l'autre sont mises en avant dans la lutte contre le
décrochage scolaire. Toutefois, on assiste encore aujourd'hui à
la résistance de certains enseignants qui assimilent la notion de
bienveillance au laxisme. A
ce sujet, la politique de l'établissement est pourtant très
claire : L'élève doit être accueilli,
considéré avec les exigences de l'institution à laquelle
il appartient. En effet, l'ensemble des dispositifs mis en oeuvre ces deux
dernières années ont été définis selon 5
axes d'orientation pédagogique 84:
Axe no1 Mieux accueillir,
mieux accompagner. L'objectif est d'améliorer les conditions
d'installation des élèves dans leur formation, renforcer
l'individualisation de l'accompagnement des élèves et valoriser
l'établissement afin de renforcer l'attractivité de ses
formations. Plusieurs dispositifs et projets ont pris naissance à partir
de cet axe comme :
a) Dispositif d'accueil et de découverte
professionnelle (SAS)
Ce dispositif est destiné aux élèves de
première année de CAP de métier de l'automobile et de la
logistique, qui représentent le public le plus touché par le
décrochage scolaire dans l'établissement. Le personnel
éducatif du lycée le baptise SAS selon la définition
attribuée par
84 Voir en annexe le document du Lycée Bugatti
présentant les 5 axes.
91
91
le Larousse i.e. « enceinte ou passage clos, muni de
deux portes ou systèmes de fermeture dont on ne peut ouvrir l'un que si
l'autre est fermé et qui permet de passer ou de faire passer d'un milieu
à un autre en maintenant ceux-ci isolés l'un de l'autre
»85. Celui-ci joue un rôle
prépondérant dans la persévérance scolaire. Sa
mission consiste à prime à bord d'accueillir
l'élève en le faisant découvrir l'établissement,
les formations et l'accompagner dans le choix de ses orientations. Le SAS a une
double fonction d'accompagnement reposant sur deux principes : Accueillir
l'élève et l'orienter. Comme cela a été
mentionné précédemment, les élèves sont
souvent très peu informés des offres de formation
proposées par l'établissement. Qui plus est, ils peuvent se
retrouver par défaut dans une section de formation par défaut ou
par faute de places. Ainsi, le SAS offre une seconde chance à
l'élève. Son voeu pour une formation lui est attribué
définitivement ou peut se voir modifier, après avoir
découvert pendant les six premières semaines de la rentrée
scolaire, les disciplines et ateliers pédagogiques proposés par
le lycée sous l'égide de deux professeurs référents
ayant pour mission de l'accompagner pendant tout le processus. Pendant ce temps
de découverte, on encourage l'élève à construire
son projet professionnel avec son professeur référent.
L'accompagnement du SAS offre plusieurs avantages aux élèves :
? Se sentir bien accueilli
? Se sentir écouté
? Se sentir bien orienté dans sa formation
? Se sentir en confiance vis-à-vis des adultes de
l'établissement
Depuis la mise en place de dispositif d'accompagnement en
2014, on constate lors des enquêtes effectuées auprès des
élèves après le SAS, que 98% d'entre eux affirment qu'ils
ont été bien accueillis dans l'établissement. On constate
également que le climat scolaire est devenu plus serein avec une nette
amélioration des relations professeur/élève. On enregistre
donc moins de
85 Ismahane BELHAIMEUR, Samia CHIBOUT, Youssef
SERGHINI (2015). Le dispositif « SAS » est une innovation du
lycée E.Bugatti : Un outil pour la persévérance scolaire
destiné aux élèves de seconde préparant un
certificat d'aptitude professionnelle. Mémoire Master 1 stage de
laboratoire sciences de l'éducation. Université de Haute
Alsace.
92
92
fiches d'incidents ou de comportements et moins d'exclusions
de cours. La direction de l'établissement pense que le SAS a joué
un rôle majeur dans la lutte pour la persévérance scolaire
au Lycée Ettore Bugatti. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi
pour cette étude de mener nos enquêtes auprès des
élèves ayant bénéficié du SAS pour pouvoir
comprendre les liens existant entre l'accompagnement et la résilience.
Pour l'heure, une équipe de recherche composée d'étudiants
de Master 1 en sciences de l'éducation à l'Université de
Haute Alsace, interroge le versant d'efficacité du dispositif.
b) Le dispositif du « LATI »
Le « LATI » (lieu d'accueil
temporaire individualisé) est espace d'accueil des élèves
exclus de cours. Ce dispositif propose un accompagnement individualisé
suivi d'un programme éducatif élaboré par un animateur
visant une prise de conscience de l'élève par rapport à
son comportement et une remise à niveau en cas de besoin. En effet, ce
dispositif propose une remédiation pour la réussite
scolaire des élèves et leur intégration.
Axe no2 Mieux apprendre.
Enseigner autrement pour amener chacun à un haut niveau de qualification
et à la réussite aux examens. Dans cet axe, on met l'accent sur
la différenciation pédagogique, c'est-à-dire apporter une
aide adaptée répondant aux besoins de l'élève. On
développe également des pratiques pédagogiques innovantes
pouvant contribuer à la réussite de l'élève telles
que la pédagogie du projet86, la pédagogie
inversée 87 et l'utilisation du numérique
éducatif (moodle, e-twinning88, etc.) Ainsi, on retrouve des
dispositifs comme :
a) Le DALyA
86 Apprentissage basé sur le
développement d'un projet réalisé par les
élèves et impulsé par l'enseignant.
87 Système de classe inversée.
L'élève suit les cours à la maison via des vidéos
postés sur le web et effectuent en salle de classe des travaux à
partir d'un accompagnement individualisé.
88 Plateforme de communication et de formation
à distance.
93
93
Ce dispositif sert à accompagner les
élèves allophones. Les élèves
bénéficient de 2h supplémentaires de cours de FLE
(Français Langue Étrangère) par semaine. Celui-ci
piloté par un professeur référent.
b) L'unité Localisée d'Intégration
Scolaire (Ulis-pro)
Ce dispositif permet d'accompagner les élèves
relevant d'une situation d'handicap. Le but est de favoriser un égal
accès à la formation et l'insertion professionnelle.
Axe no3 Mieux apprendre en
entreprise. Permettre aux élèves de développer des
compétences au contact des professionnels et faire des langues un atout
pour l'insertion professionnelle. L'objectif est de développer des
partenariats avec le monde de l'entreprise et permettre aux
élèves de mieux s'insérer sur le marché du travail.
On apprend aux élèves à prendre connaissance du
marché de l'emploi en leur donnant accès à l'information
et en les formant à la recherche d'emploi.
Axe no 4 Mieux vivre
ensemble. L'objectif est d'améliorer le climat scolaire par la
réorganisation des espaces socio-éducatifs et par la promotion de
la culture pour tous dans l'établissement. Ainsi, des espaces de
détente (patio, foyer internat, etc.) ont été
aménagés pour favoriser l'accueil des élèves et
leur assurer un bon confort. Des actions culturelles sont mises en place tout
au long de l'année afin de favoriser l'égalité des chances
telles que concours de mathématiques, concours d'orthographe, club
échec, club magie, art urbain, lycéens au cinéma,
création de web radio, etc.
Axe no5 Mieux
encadrer. Refonder la gestion des ressources humaines et
renforcer les pratiques de coopération professionnelle. Par ce principe,
on vise à développer des partenariats avec structures
d'insertion, de formation et de recherche universitaire afin de pouvoir
proposer des solutions pédagogiques aux enseignants et mieux accompagner
les élèves.
Conclusion
Tous les axes qui ont été définis
précédemment résument le projet d'établissement du
lycée. Ainsi, depuis l'année académique 2013-2014, le
personnel éducatif de l'établissement a pris un
94
ensemble de mesures visant à lutter contre le
décrochage scolaire. Pour l'année académique 2014-2015, le
taux de décrochage est passé à 15%, soit 6 points de moins
par rapport à l'année précédente.
Ce qui représente en termes d'effectif, 89
élèves ayant quitté l'établissement sans solution
de formation sur les 592 inscrits régulièrement au cours de
l'année. Les efforts qui ont été mis en place semblent
être très concluants et l'équipe éducative aspire
à un changement de cap par un accompagnement plus spécifique et
individualisé des élèves en difficulté. Par
ailleurs, les questionnements soulevés antérieurement, nous
emmèneront à définir plusieurs concepts comme
l'accompagnement dans l'action éducative, le « Moi »
et la résilience afin de parvenir à une compréhension des
finalités éducatives recherchées par le Lycée
Ettore Bugatti dans la lutte contre le décrochage scolaire.
Champ de l'Éducation
spécialisée : Présentation du SAJ
Neuf-Brisach
2.1 Identité du Service
2.1.1 Les repères historiques
C'est en 1996 qu'un recensement effectué par le
Directeur Général, Monsieur Schneider, a fait l'objet d'un
rapport confirmant la présence de plus d'une centaine de personnes en
situation de handicap et/ou en
|
|
94
Image n°18 : Bâtiment du SAJ, Neuf-Brisach.
95
95
difficultés sociales se retrouvant dans des impasses en
recherches de solutions, dans le secteur de Neuf-Brisach.
Après un même constat portant sur l'absence de
structures d'accueil et d'accompagnement à l'égard de ce public
à besoins spécifiques, une réflexion relative à la
recherche de solutions pour leur porter aide et assistance a été
prise en compte par le SIVOM89 HARDT NORD devenu SIVOM du Pays de
Brisach (regroupant vingt-deux communes du Bassin de vie de Neuf-Brisach, son
siège social étant basé à Volgelsheim, 16 route de
Neuf-Brisach). Au vu du résultat de l'enquête, il a
été établi que le Bassin de vie de Neuf-Brisach devait se
doter d'un ensemble d'établissements et services assurant la prise en
charge des personnes en situation de handicap, destinés à
répondre à l'ensemble des besoins exprimés par les
personnes en situation de handicap du territoire du SIVOM et au-delà,
dans un second temps.
Le 20 mai 2000 fut fondée l'Association
Solidarité du Rhin, avec pour premier objectif la création d'un
Atelier Protégé, qui s'est vue confirmer un rôle de
gestionnaire et qui a pris la dénomination de « Association
Solidarité du Rhin Handicap et Travail » (ASRHT) en date du 24
octobre 2002. C'est également à cette date qu'a été
fondée l'Association Solidarité du Rhin Médico-Sociale
(ASRMS), avec l'objectif de créer et de gérer des
établissements et structures à caractère
médico-social. L'Arrêté Préfectoral N°02-00376
du 1er octobre 2002 a décidé l'autorisation de
création d'une Structure d'Accueil de Jour (SAJ) pour personnes adultes
en situation de handicap à Neuf-Brisach, d'une capacité de quinze
places (Simultanément à la création du SAVS90,
le 01/10/2002). Son Conseil d'Administration est composé de quatorze
élus et de trois membres de droit : un représentant de la commune
de Biesheim, siège des associations et promoteur du dispositif, ainsi
que deux représentants pour le SIVOM Pays de
89 Syndicat Intercommunal à Vocation
Multiple
90 Service d'Accompagnement à la Vie
Sociale.
96
96
Brisach (devenue depuis lors COMCOM91 du Pays de
Brisach, porteur du dispositif), ainsi que de trois représentants des
parents et familles.
En 2003 a été créée le
CAT92 de Biesheim, Rue Bulay (68600), à 16 km de Colmar. Et
faisant suite à l'appel d'offre de la DDASS93, l'association
a repris le CAT de Marbach en janvier 2004 ainsi que le CAT d'Eguisheim, 6 rue
de la 1ère Armée (68420), site qui a été
réhabilité entre 2008 et 2010.
Suite à divers dysfonctionnements au sein du SAJ et du
SAVS, Monsieur Jenny François, embauché en tant que Chef de
Service le 03/09/2013, constata la dégradation manifeste des deux
Services. L'ancien Chef de Service avait quitté le Service depuis une
année après une rupture conventionnelle de contrat. L'association
avait décidé de ne pas le remplacer pendant cette année
(sa rémunération servant à l'indemnité de rupture
du Contrat), chargeant le Directeur Général, Monsieur Schneider,
d'assurer l'intérim durant cette période, jusqu'à
l'embauche du nouveau Chef de Service pour le SAJ et le SAVS. Un contexte
délétère et toxique régnant dans le SAJ (et le
SAVS) fit l'objet d'un point de situation (au 02/10/2013) par Monsieur Jenny,
un mois après son arrivée. Celui-ci décrit « une
équipe fortement éprouvée par certains
évènements, conduites et pratiques dont la pertinence
éducative, la moralité du Service ou pire encore, la
légalité n'a pas manqué d'interpeller voir de choquer,
sans que le Chef de Service ne vienne rappeler le cadre d'intervention.
»
La gestion informatique était inexistante (absence de
saisie informatique des dossiers des usagers, absence de procédure
garantissant la sauvegarde des données informatiques disponibles) et la
gestion des matériels, d'une grande complexité (absence
d'inventaire, outils stockés au domicile du moniteur en charge de
l'atelier « Bois », indisponibilité ou perte de
matériels, mauvaise gestion des achats, etc.). Le non-respect des
consignes d'hygiène et de
91 Communauté des Communes
92 Centre d'Aide par le Travail (actuellement
dénommé ESAT : Etablissement et Service d'Aide par le
Travail.)
93 Direction Départementale des Affaires
Sanitaires et Sociales.
97
97
sécurité était relevé
(dysfonctionnements de stockage des aliments, mauvaise gestion des espaces
Cuisine et Salle à manger : entretien, nettoyage, conformité aux
normes de sécurité, etc.).
Force était de constater qu'aucune trace en
matière de procédures, réalisée par le
prédécesseur n'était visible, et un climat de suspicion de
l'équipe régnait de la part de l'équipe envers
l'association gestionnaire (sentiment d'abandon et climat
délétère entre membres de l'équipe). Le
départ de l'ancien Chef de Service et l'absence provisoire des
personnels concernés avait contribué à ressouder les
membres de l'équipe mis à mal dans les conflits, les intrigues et
les manoeuvres malveillantes. Le Service n'était pas investi dans une
dynamique institutionnelle ni dans sa mission pédagogique. La mission
prioritaire de Monsieur Jenny comprenait la réalisation prioritaire de
l'Evaluation Interne des deux services et la réactualisation du Projet
de Service de ces deux structures.
Le 25 septembre 2014 a été prononcée la
liquidation de l'entreprise adaptée (licenciement de plus d'une centaine
de personnes), qui a précipité la décision de mouvements
de rapprochements vers des associations socio-éducatives de taille plus
importante. Un protocole d'accord a été signé en octobre
2015 avec les représentants de l'ARSEA94 (Regroupement par
apport fusion au 1er janvier 2016), qui a été
déplacé par Avenant à septembre 2016. Depuis début
janvier 2016, les deux Services (SAJ et SAVS) commencent à adopter la
configuration telle qu'elle sera appliquée en 2017.
2.1.2 Le projet associatif
Selon le Projet associatif, l'Association Solidarité du
Rhin Médico-Sociale a pour objet la promotion de la personne en
difficulté, notamment celle en situation de handicap, par elle-
94 Association Régionale
Spécialisée d'Action sociale, d'Education et d'Animation.
98
98
même, son environnement familial et professionnel. Ses
valeurs portent sur l'humanisme et l'éthique professionnelle, tout en
étant attachée :
? Aux valeurs individuelles (d'autonomie,
d'affirmation de soi, de liberté de penser, de conscience et
d'expression, de responsabilité, par une reconnaissance de la
dignité, des ressources de la personne et de son projet de vie).
? Aux valeurs collectives de respect de l'autre, de
solidarité, d'égalité et de citoyenneté, de
tolérance, par une participation de chacun aux actions le concernant,
aux institutions ouvertes à tous et par un refus de tout dogmatisme.
Intitulée dans le titre de l'association, la
solidarité, identifiée comme un pilier de l'association est
inscrite dans une volonté d'expression entre les
générations, entre les usagers, entre les élus, les
administrations et partenaires associatifs « pour que la
société garantisse la compensation qu'appelle le handicap
», soutient le projet de Service en date de septembre 2014.
Association visant une finalité de développement de la personne
dans toute sa dimension (sociale, professionnelle, etc.) dans un esprit de
tolérance et de respect des différences, elle réunit des
personnes (élus locaux et bénévoles) issues de
différents secteurs d'activité et dotés de
compétences diversifiées et complémentaires). Les
orientations initiales du projet associatif s'inscrivent dans une offre
diversifiée d'accueil et de travail répondant au degré
d'autonomie des personnes accompagnées. Le projet associatif fait
également état d'une recherche constante d'évolution en
fonction des données inhérentes aux besoins des personnes en
difficultés. De ce fait, actuellement, elle contribue et participe avec
les élus à l'élaboration d'un Plan Directeur (phase 2)
relative aux champs de l'hébergement, du vieillissement et de la
retraite des personnes en difficultés socioéducatives sur le
territoire. L'originalité de cette association tient à la
dynamique et à la diversité des acteurs
hétérogènes issus d'un même territoire.
2.1.2 Missions du Service à l'égard des
personnes en situation de handicap
Le SAJ offre un accompagnement en journée, à
titre permanent, temporaire ou selon un mode séquentiel (à temps
complet ou partiel), susceptible de répondre à une
diversité de situations ou problématiques déclinées
par la Circulaire n° DGAS/SD3C/2005/224 du 12 mai 2005 relative
99
99
à l'accueil temporaire. Il contribue à la
réalisation du projet de vie de personnes adultes en situation de
handicap (moteur, sensoriel, psychique, polyhandicap et troubles de
santé invalidants, sous réserve d'une autonomie suffisante), afin
de développer ou de maintenir leurs acquis et leur autonomie, et de
faciliter ou préserver leur intégration sociale. La mission du
SAJ, validée par le Conseil Général dans le
Référentiel des Services d'Accueil de Jour pour personnes en
situation de handicap (17 juin 2011)95, poursuit un double-objectif
général :
· Un lieu d'accueil et d'accompagnement
personnalisé favorisant le maintien ou le développement de
l'autonomie fonctionnelle, des capacités intellectuelles, gestuelles et
sociales des personnes accueillies,
· Un lieu d'expertise, d'évaluation et
d'orientation en vue de définir/préciser le projet
personnalisé des bénéficiaires.
Selon l'esprit de la Circulaire n° DGAS/3D3C/2005/224 du
12/05/2005 relative à l'accueil temporaire des personnes
handicapées, l'accueil de jour constitue également :
· Une modalité d'aide aux aidants aux fins de
prolonger le maintien à domicile dans de bonnes conditions,
· Une période de distanciation et de
réadaptation pour l'institution accueillant la personne
handicapée,
· Une modalité d'essai ou
d'expérimentation dans l'accompagnement de la personne
handicapée,
· L'articulation entre deux projets d'accompagnement de
la personne handicapée,
95 Repéré le 02 mars 2016 à :
http://www.solidarite.haut-rhin.fr/Cache/30-08-11
11-
42PH REFERENTIEL ACCUEIL JOUR.pdf
100
100
· Une réponse à certaines situations
d'urgence.
Les conditions d'accueil de la personne en situation de handicap
au SAJ sont les suivantes :
· Être âgé de 20 ans sans limite
d'âge. (Dérogation possible pour les moins de 20 ans ou pour les
primo-demandeurs de plus de 60 ans dont le handicap n'était pas reconnu
avant 60 ans).
· Une orientation par la MDPH96, ou
susceptible de l'être.
· Etre volontaire, motivé et non travailleur.
· Etre en capacité de rallier le SAJ dans de
bonnes conditions (tant au sens de la fatigabilité, de la
durée/distance de trajet que du mode de transport adapté).
· Une autonomie permettant la participation aux
activités en groupe.
Le Projet d'établissement stipule également le
comportement adapté du demandeur pour une vie collective
équilibrée et harmonieuse.
2.1.3 Cadre administratif et juridique
L'agrément est celui d'une structure de type FAS
fonctionnant sous le régime du semi-internat à raison de 223
jours d'ouverture pour l'année 2015, pour un accueil de 15 places, les
accueils étant séquentiels de 1 à 5 jours par semaine. Le
taux occupationnel prévisionnel est estimé à environ 90%,
ce qui équivaut à 3345 jours d'activités
théoriques. Le Service est financé par le Conseil
Départemental du Haut-Rhin sous forme d'une dotation annuelle globale,
qui a été fixée à 292 261 €. L'orientation des
personnes en situation de handicap vers le SAJ est prononcée par la
C.D.P.A.P.H.97, au sein de la M.D.P.H de Colmar. La personne morale
du SAJ
96 Maison Départementale des Personnes
Handicapées.
97 Commission des Droits et de l'Autonomie des
Personnes Handicapées
101
101
est l'A.S.R.M.S. dont le siège est situé Rue
Bulay, 68600 Biesheim, représentée par Monsieur Schneider, en
charge de l'exécution de la gestion administrative et financière,
des compétences de l'ASRMS). Madame Czaja est en charge de
l'exécution de la partie pédagogique et technique, des
compétences de l'ARSEA.
Adresse SAJ, 2 rue des Déportés, à
Neuf-Brisach (68600). Tél. :
0389720825
SIREN : 447 540 295
SIRET : 447 540 295 00022
Catégorie juridique : 9260 Association de
droit local
APE : 8810 C
Gestionnaire ASRMS. Siège ZI Rue Bulay,
68600 Biesheim
Agrément Capacité d'accueil de 15
places depuis le 01/10/2002
Date de création 03/03/2003
Date de décision Arrêté
Préfectoral N°02-00376 du 01/10/2002, portant sur
autorisation de création d'un Centre d'Accueil de Jour
pour personnes adultes handicapées à Neuf-Brisach d'une
capacité de 15 places.
Référentiel
Délibération du Conseil Général
n°CP-2011-6-4-2 validant le
Référentiel des SAJ pour personnes en situation de
handicap.
|
Mode de tarification Dotation globale
fixée par le Conseil Départemental du Haut-
Rhin
Tableau n°19 : Tableau représentatif des
données administratives du SAJ de Neuf-Brisach.
2.1.4 Les textes de références,
l'évaluation
2.1.4.1 Lois, ordonnances, décrets (Annexes 1)
? Code de l'Action Sociale et des Familles : art. L312-1,
D312-8 à D312-10, L314-1, R314-1 et L133-4 relatif au secret
professionnel.
? Loi n°2000-3211 du 2 avril 2000 relative aux droits des
citoyens dans leurs relations avec les administrations.
102
102
? Loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action
sociale et médico-sociale et ses décrets d'application.
? Loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales.
? Loi n°2005-102 du 11 février 2005 relative
à l'égalité doits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées et ses décrets
d'application.
? Circulaire n° DGAS/SD3C/2005/224 du 12/05/2005 relative
à l'accueil temporaire des personnes handicapées.
En matière de Législation, la reconnaissance du
handicap a été règlementée par la Loi du 30 juin
1975 par le biais du premier dispositif d'évaluation, de reconnaissance
et d'ouverture aux droits et d'orientation pour les personnes
handicapées (CDES et COTOREP)98. Elle fixe pour la
première fois d'une manière globale le cadre juridique de
l'action des pouvoirs publics, en matière de prévention et de
dépistage du handicap, d'obligation éducative pour les enfants et
adolescents handicapés, d'accès aux institutions et de maintien
autant que possible dans un cadre ordinaire de travail et de vie. Dans les Lois
2002-2 et 2005-102, le Législateur reconnaît la personne en
situation de handicap comme un être de besoins et un être de
droits. La Loi du 11février 2005 a eu pour ambition un changement
culturel et social, souhaitant aux personnes en situation de handicap une place
digne et un rôle citoyen manifeste, et elle définit le handicap
comme suit :
« toute limitation d'activité ou restriction
de participation à la vie en société subie dans son
environnement par une personne en raison d'une altération substantielle,
durable ou définitive, d'une ou plusieurs fonctions physiques,
98 Commission Départementale de l'Education
Spéciale, Commission Technique d'Orientation et de Reclassement
Professionnel.
103
103
sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un
polyhandicap ou d'un trouble de la santé invalidant.
».99
C'est également au coeur de cette Loi pour
l'égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées qu'émerge un projet
de société basé sur la notion d'inclusion sociale.
Celui-ci vise des objectifs spécifiques en matière de
participation au mieux de leurs capacités et de leurs souhaits à
la vie sociale, d'autonomie la plus large possible par l'affirmation de leur
droit d'énoncer et de réaliser leurs projets,
d'égalité des chances (Discrimination positive) et de
libre-circulation dans l'espace public et un usage préliminaire des
services et opportunités (Accessibilité de l'environnement,
à l'école, dans l'emploi). Le Législateur a impulsé
une nouvelle représentation du handicap, en mettant en place divers
moyens (réduction des restrictions inhérentes à
l'environnement) leur permettant de réaliser leur vie et leur avenir au
possible. Par ailleurs, la notion de projet de vie a été promue
comme fondement d'une nouvelle conception de l'accompagnement des personnes en
situation de handicap.
Créée en 1980, la CIH100 a défini
le handicap en trois concepts :
? La déficience, comme un «
dysfonctionnement, une altération d'une fonction physique ou
psychique » (liée à un traumatisme, à une
anomalie génétique, etc.).
? L'incapacité : La «
limitation du fonctionnement et des capacités » (se
déplacer, se lever, communiquer, s'orienter).
? Le désavantage, telle « la
limitation ou l'empêchement d'accomplir un rôle social ordinaire
» (travailler, avoir des loisirs, ...).
99 Repéré le 02 mars 2016 à :
http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/RM2013-
163P Avancee en ages des PH TOME II DEF.pdf
100 Classification Internationale des Handicaps. Informations
repérées le 02 mars 2016 sur le site :
https://informations.handicap.fr/art-classification-874-6029.php
104
104
En 2001, l'OMS101 a proposé de
réviser cette définition en précisant quatre
catégories distinctes : La fonction organique (mentale,
sensorielle, etc.), la structure anatomique (du système
nerveux, liée au mouvement, etc.), l'activité et la
participation (communication, mobilité,) et les facteurs
environnementaux (produite et système technique, soutien et
relation, etc.). Les handicaps les plus fréquents chez les personnes
accueillies en SAJ comprennent le handicap moteur (Spina bifida, paralysies,
infirmité motrice cérébrale), le handicap sensoriel
(malentendant), le handicap psychique (Schizophrénie,
bipolarité,), le handicap mental (Trisomie 21, troubles envahissants du
développement dont le trouble du spectre autistique) et les maladies
invalidantes (Sclérose en plaque, maladies rares). Sans compter les
comorbidités (cognitifs, conatifs, du comportement, etc.) et
fragilités personnelles (la fragilité émotionnelle,
l'image de soi dévalorisée, etc.), qui peuvent aboutir à
la dépression.
2.1.4.2 Les recommandations
L'éthique des valeurs, ajoutée à
l'éthique de la responsabilité de chaque professionnel (Organisme
gestionnaire, Direction, professionnels) sont engagés au SAJ à
travers plusieurs dispositifs (Projet d'établissement, règlement
de fonctionnement, l'analyse des pratiques et autres outils de communication et
d'expression) qui ont été élaborés par le Chef de
Service. Le projet de Service stipule les recommandations, comme suit :
? Le questionnement éthique dans les
établissements et services sociaux et médico-sociaux.
? L'élaboration, la rédaction et l'animation du
projet d'établissement ou de service.
? La mise en oeuvre et la conduite de l'évaluation
interne dans les établissements et services visés à
l'article L.312-1 du Code de l'Action sociale et des familles.
101 Organisation Mondiale de la Santé, op.cit.
105
105
? La mission du responsable d'établissement et le
rôle de l'encadrement dans la prévention et le traitement de la
maltraitance.
? Les attentes de la personne et le projet
personnalisé.
? L'ouverture de l'établissement à/sur son
environnement.
? La bientraitance : Définition et repères pour la
mise en oeuvre.
? Le fait de concilier vie en collectivité et
personnalisation de l'accueil et de l'accompagnement.
Dans une approche théorique, l'accueil et
l'accompagnement de l'adulte en situation de handicap s'inscrivent dans un
champ empreint de représentations sociétales et
évolutives. Considéré comme «
déshérité de la nature : aveugle, sourd-muet,
dégénéré, arriéré, instable
» comme l'appelle Bourgeois (1978), dont « l'identité
sociale s'écarte au réel de ce qu'elle est au virtuel »
(Goffmann, 1975), il fait l'objet de « discréditation
» et de « stigmatisation ». Cet « Autre
», ainsi nommé par Ricoeur (1996), a connu un long processus
d'appellations allant de l'idiotie, à la débilité,
à l'inadaptation et au handicap, ce qui l'a catégorisé
dans la case « anormale » par rapport à la case
« prototype humain » considéré comme «
normal », selon Gardou (1999). Cette norme sociale a
réduit la singularité de la personne empreinte de ses propres
caractéristiques, et elle signifie que la définition du handicap
repose bien sur celle de la société, de ses constructions
structurelles et éthiques. « Il n'y a pas de handicap, de
handicapés en dehors de structurations sociales et culturelles
précises ; il n'y a pas d'attitudes vis-à-vis du handicap en
dehors d'une série de références et de structures
sociétaires », selon Steichen (2003).
Ces notions de « norme » et de «
catégorisation » opposent, marginalisent, enferment,
écartent les personnes porteuses de handicap non seulement dans un
« espace social clos » selon Garou (2005), mais aussi de la
société individualiste et narcissique française,
idéaliste et exigeante de perfection et de performances, autrement dit,
est fortement empreinte du « Moi social ». Le même
auteur (2015, p.2) dénonce ainsi une « forme de
délitement communautaire » qui induit
106
106
la difficulté pour les personnes vulnérables et
fragiles à trouver leur place et leur sens dans cet univers.
Forte de l'ensemble de ces éléments, la question
de l'éthique du handicap se pose obligatoirement pour que la pratique
professionnelle prenne tout son sens. Ricoeur (1990, p.202) revendique une
visée éthique par « une vie bonne » (pour soi
dans le sens d'une éthique personnelle), « avec et pour les
autres » (le soi s'aperçoit lui-même comme « un
autre parmi les autres », ibid., p.225), « dans des
institutions justes. » (Pour une vie collective juste et humaine). La
personne en situation de handicap est ainsi à considérer comme
sujet (tout comme soi-même), acteur d'une histoire qui s'intègre
à l'histoire des êtres humains. Une histoire qui commence par le
« je » (celui de la subjectivité), d'un sujet qui
veut être libre (Ricoeur), dont la liberté doit se manifester
concrètement (acteur), à condition que « l'autre
» croit avec elle. « On entre véritablement dans
l'éthique, quand à l'affirmative pour soi de la liberté
s'ajoute la volonté que la liberté de l'autre soit »,
affirme Imbert (2000, p.9). Il va de soi que ces références
éthiques concernent également les cadres à l'égard
des professionnels.
Tout professionnel socio-éducatif est prescrit aux
références suivantes :
? La déontologie, « l'ensemble des
règles morales qui régissent l'exercice d'une profession ou les
rapports sociaux de ses membres. »
? La morale, qui concerne « les règles ou
principes de conduite, la recherche d'un bien idéal, individuel ou
collectif, dans une société donnée.»
? L'éthique, « la science qui traite des
principes régulateurs de l'action et de la conduite morale. »
102
102 Tiré du document Promouvoir la
bientraitance, Journées de formation, (n.d.). Gentner Fabrice,
Oxalls Formation.
107
107
L'ARSEA définit cette dernière comme «
la recherche de la meilleure réponse possible dans la rencontre avec
une personne singulière, dans une situation particulière,
à un moment donné, dans un lieu donné et que, par
conséquent, nous ne retrouverons pas à l'identique
».103
2.1.4.3 Les schémas régionaux et
départementaux
? Programme Interdépartemental d'Accompagnement des
Handicaps et de la Perte d'Autonomie (PRIAC).
? Le Conseil Départemental du Haut-Rhin, notamment du
Schéma Départemental des Personnes Handicapées
2009-2013.
? La Maison Départementale des Personnes
Handicapées. 2.1.4.4 L'évaluation Interne
Conformément aux préconisations de
l'évaluation interne, le SAJ de Neuf-Brisach a réalisé une
enquête de satisfaction dont les résultats témoignent de la
qualité de l'accueil, du respect des droits, de l'efficacité du
programme hebdomadaire des ateliers, et de la pertinence des dispositions
prises par l'Association (avec le soutien de la COMCOM du Pays de Brisach) en
matière de transport.
Dans la continuité de l'Evaluation interne qui a eu
lieu courant 2014, l'Evaluation externe a été
réalisée les 18 et 19 mai 2015 par les consultants de l'ECE ESTES
Consulting, de Strasbourg. Elle a abouti à des conclusions positives, de
par la finalisation de certains axes d'améliorations relevés lors
de l'évaluation interne qui résultent d'un impact positif sur
l'organisation et les prestations proposées par le Service. Elle
relève aussi la richesse et la structuration des activités
proposées par le SAJ, et elle a qualifié différentes
actions de remarquables :
103 Tiré du document Le référent
Bientraitance de l'établissement ou du Service, ARSEA Alsace-
Bientraitance Cadres, 15-16/11/2011, Sélestat, p.29.
108
108
? La qualité des écrits professionnels
traduisant le respect des droits et démontrant l'évolution de la
personne,
? La pédagogie de projet autour des ateliers,
réalisée empiriquement (analyse des besoins) et
développée dans la définition des objectifs, de la mise en
oeuvre de l'action et des modalités de l'évaluation.
La procédure de renouvellement des arrêtés
d'autorisation de fonctionnement du SAJ de Neuf-Brisach a fait l'objet d'un
renouvellement à compter du 3 janvier 2017.
2.1.6. Localisation, contexte
socio-économique
Le Canton de Neuf-Brisach est une ancienne division
administrative française, située dans le Département du
Haut-Rhin, en région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine. Il faisait
partie de la première circonscription du Haut-Rhin et regroupait 17
communes. Depuis les élections départementales de 2015, ces
dernières rejoignent le Canton d'Ensisheim, qui totalise 38 communes. Le
Département du Haut-Rhin a été redivisé en 17
cantons, sous l'autorité de 34 conseillers Départementaux.
109
Canton d'Ensisheim, dont le Chef-lieu est Neuf-Brisach.
109
Schéma n° 20 : Redécoupage des cantons
du Haut-Rhin. (Sources :
www.haut-rhin.fr)
Le canton d'Ensisheim fait partie de l'espace
péri-urbain de Colmar, formé de deux petits pôles
essentiels (Neuf-Brisach et Fessenheim qui bénéficie d'un grand
employeur, l'Electricité de France) et des communes
multi-polarisées étendues sur de grandes aires. Ces deux
pôles représentent des zones d'influence de par leur
activité et l'emploi, une grande partie des résidents des
communes environnantes exerçant un emploi au sein de l'un des
pôles. Mais comme pour l'ensemble du Haut-Rhin, ce territoire s'inscrit
dans un contexte défavorable sur le plan économique (Augmentation
du taux de chômage, progression vers le travail frontalier). La
densité la plus importante de la population du Canton se concentre
autour de ces petites villes, avec une variabilité entre 100.1 et 300
habitants au km2 (alors qu'aux alentours, leur nombre d'habitants
varie entre 4 et 100 habitants au km2), l'indice de jeunesse
étant également fort sur ces pôles. Leur
fréquentation touristique est nettement inférieure aux grands
pôles (Mulhouse, Colmar, Ungersheim), à raison d'une moyenne de
1000 visites par an. Concernant les personnes en situation de handicap, le taux
d'invalidité représente le maximum sur la région
limitrophe à l'Allemagne, de Neuf-Brisach au nord de Fessenheim (entre
5,2% et 13,5% de la
110
110
population), alors que les autres zones péri-urbaines
du Canton sont plus faibles (entre 3% et 5,1%). Dans ce Canton, seul le secteur
de Neuf-Brisach comprend une implantation d'équipements et de services
en faveur des personnes en situation de handicap.104
|
|
La cité fortifiée de Neuf-Brisach est
située dans la plaine alsacienne à 2 km de la frontière
allemande. Elle se trouve à une quinzaine de kilomètres au
sud-est de la ville de Colmar.
|
Neuf-Brisach
Frontière allemande
|
Figure n°21 : Carte géographique et
routière environnant la ville de Neuf-Brisach.
(Sources :
recoin.fr)
104 In Rapport du Territoire de Vie Florival-Vignoble-Plaine du
Rhin (2014-2019)
111
111
|
Chef-d'oeuvre de Vauban, site unique en Europe, classé
au Patrimoine mondial de l'Unesco, la ville de Neuf-Brisach est une ville
fortifiée, qui offre une vision remarquable du système de
défense du XVIIème siècle. Elle a été
construite en 1699 par Vauban sur l'ordre de Louis XIV pour assurer la
sécurité de l'Alsace.
|
Image n°19 : Vue aérienne de
Neuf-Brisach.
|
(Source :
Tourisme-alsace.com)
SAJ Neuf-Brisach
Figure n° 22 : Plan de la ville de Neuf-Brisach.
(Sources : Neuf-Brisach, sur
recoin.fr)
112
112
La place forte de la ville a été choisie pour sa
typologie de site de plaine ainsi que pour la représentation de son
système de défense très abouti, dont la construction en
étoile est bien visible vue du ciel. Le patrimoine architectural se
découvre à travers ses fortifications, ses remparts et ses tours
bastionnées intactes, construites de tenailles et de
contre-gardes.105
Images 20-21 : Photos de la porte d'entrée de la
ville de Neuf-Brisach et des murs d'enceinte.
L'Association A.R.M.R.S. a privilégié
l'implantation du Service à Neuf-Brisach, en raison de sa position de
Chef-lieu du canton et de sa proximité avec les infrastructures
administratives et commerciales, susceptibles de servir de support
pédagogique (Démarches, achats, participation aux animations
locales, etc.).
Le Service d'Accueil de Jour est localisé au 2 rue des
Déportés à Neuf-Brisach, une petite ville de 2000
habitants, située à 10 mn de Colmar et aux portes de l'Allemagne
(15 mn), le bâtiment de 262 m2 loué à un
particulier et réparti sur deux niveaux, a été
rénové en fin d'année 2015. Il dispose d'une terrasse
donnant sur un espace gazonné et un petit jardin (100m2),
d'un accès aux personnes à mobilité réduite
dès l'entrée principale et vers le sous-sol du SAJ (par un
siège
105 In le site de l'Office de Tourisme de
Neuf-Brisach.
113
élévateur). Les locaux sont mis aux normes et
sécurisés. Le Service dispose aussi de deux minibus dont l'un est
équipé d'une rampe d'accès, d'une marche et d'un
système facilitant le transport des personnes à mobilité
réduite.
Entrée principale extérieur Entrée
principale intérieure
Images 22-23 : Photos de l'entrée principale
113
Espace Cuisine Espace Salle à manger
Vue de la terrasse sur le jardin extérieur Vue du
jardin sur la terrasse.
Images 24-27 : Photos des espaces donnant lieu sur le
jardin extérieur.
114
Couloir principal Salle Télévision
Images 28-29 : Photos des bureaux et salles du
rez-de-chaussée.
Au sous-sol
115
Bureau des éducatrices Salle
d'activités
115
Buanderie Atelier Bois
Images 30-33 : Photos des salles du sous-sol.
Bien que les pièces semblent juste suffire à la
capacité d'accueil autorisée, on peut observer qu'elles ont
été optimalisées dans l'organisation et le fonctionnement
du SAJ. Le rangement semble être une pratique constante effectuée
par les professionnels et les personnes accueillies, et l'aménagement
des pièces a été configuré selon leurs
fonctionnalités et finalités, de sorte que chaque acteur de
l'organisation puisse y trouver du sens.
2.2 Description de la population accueillie
2.2.1. Axe quantitatif
116
116
Pour l'année 2014, le taux d'occupation a
été de 85 %, chiffre établi selon la formule de calcul
pour le taux d'occupation de l'OHRAS. A la date du 31 décembre 2015, le
public accueilli compte 16 personnes, dont 3 nouvelles admissions (deux
personnes sortant de l'ImPro et une personne orientée par le SAVS de
Neuf-Brisach) et 5 sorties (une personne orientée en EHPAD, une personne
à domicile sans accompagnement et trois personnes orientées en
FAS). Les absences sont essentiellement dues aux problèmes de
santé de deux personnes accueillies (Pathologie invalidante et
problèmes psychiatriques), ce qui révèle un fort taux de
présence de l'ensemble des usagers au SAJ.
Le public accueilli est représenté de 31% de
sexe féminin (majoritairement âgées de moins de 30 ans) et
de 69% de sexe masculin (une tendance marquée vers la quarantaine puis
vers la vingtaine d'années). Un mouvement de rajeunissement de la
population accueillie a été constaté, puisqu'en l'espace
de trois ans, elle est passée de 20% de personnes âgées
entre 20 et 29 ans à 50%. Un peu plus de 60% des personnes accueillies
sont sous mesure de protection juridique, et elles sont majoritairement
célibataires et hébergées dans leur famille.
Le mode de transport pour se rendre au SAJ représente
70% en Transport collectif adapté et 30% en véhicule/marche
à pied. Le Service dispose de deux minibus 9 places, dont l'un a
été remplacé en fin 2015.
Les frais de transport (aller-retour vers la structure), les
frais de restauration et d'animations externes spécifiques restent
à la charge des personnes. Le Transport domicile/SAJ est d'une part,
financé par la Communauté des Communes du Pays de Brisach
(Subvention annuelle de fonctionnement) et d'autre part par les personnes
utilisant ce mode de transport (3€/aller-retour). Les repas sont
livrés en liaison chaude et froide. En 2015, 2650 repas ont
été servis, avec un coût de 5,60€ par repas.
2.2.1 Axe qualitatif
La typologie des handicaps s'articule comme suit : 1/3 de
personnes ayant des troubles psychiatriques, 1/3 des personnes en situation de
déficience intellectuelle et le tiers restant comprenant divers
handicaps (Troubles du spectre autistique, polyhandicap, déficiences
117
117
viscérale et motrice). Concernant les troubles
associés, 50% des personnes sont en situation de déficience
(motrice, viscérale, sensorielle) et 50% n'ont pas de handicap
secondaire. 50 % des effectifs accueillis au SAJ sont également
accompagnés dans le cadre du SAVS. Pour exemple, Monsieur C. est
accueilli au SAJ dans l'objectif d'apprentissages de la gestion domestique et
il est accompagné par les conseillères du SAVS dans le cadre
d'une re-visitation et d'un renforcement de sa protection juridique.
2.3 Fonctionnement et organisation
2.3.1. Nature et modalités d'admission et
d'accueil
Les modalités d'accueil sont définies dans le
Projet Personnalisé de la personne. Elles nécessitent
flexibilité et adaptabilité pour rester en phase avec
l'évolution de chaque projet.
L'admission définitive au SAJ de la personne en
situation de handicap est prononcée par le Directeur
Général après décision de la CDAPH106.
Si le premier entretien (en présence de la personne accompagnée
du représentant légal et de la personne de son choix, ainsi que
du Chef de Service et de la coordinatrice du SAJ) est positif, la personne peut
effectuer un stage de découverte lui permettant de découvrir et
de participer à la vie quotidienne du SAJ, et permettant
également à l'équipe éducative d'évaluer la
pertinence de l'accueil de la personne. En cas d'accord réciproque, un
entretien d'admission avec la personne constituera l'élaboration de son
dossier. C'est alors que son admission fera l'objet d'une première
période d'adaptation (1 mois), au cours de laquelle les deux parties
restent libres de mettre fin à leurs engagements réciproques),
suivi - si l'admission est concluante- de l'élaboration du Contrat de
séjour et du Projet Personnalisé.
Quant à la procédure de fin d'accueil, la fin ou
l'interruption d'un accueil peut intervenir, en cas de :
106 Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes en
situation de Handicap.
118
? Souhait d'arrêt de l'accueil par la personne.
? Absences répétées pour convenances
personnelles (rendant caduc les termes du Contrat de séjour),
manquements graves et répétés au règlement de
fonctionnement.
? Demande de réorientation plus adaptée, par la
personne, son représentant légal ou le SAJ (qui accompagne les
démarches nécessaires à la nouvelle orientation).
2.3.1 Principes d'accueil et d'accompagnement
2.3.1.1 Le respect des droits et la protection des personnes
Reposant sur les valeurs portées par l'Association
ainsi que sur celles qui ont inspiré le Législateur lors de la
rédaction de la Charte des Droits et des Libertés des Personnes
accueillies, l'un des principes d'accompagnement est établi sur la
notion de respect des droits : Droits à l'information, droit de
renonciation (à la poursuite de l'accueil au SAJ), protection,
le respect de l'intimité et de la dignité, et le respect de la
vie privée.
Les actions suivantes effectuées par les professionnels
en poste au SAJ participent à la protection des personnes :
- La formation initiale de l'équipe encadrante.
- Les ressources théoriques et pratiques : Soutien de
la psychologue, outils adaptés (Communication multimodale
Makaton, fauteuil roulant, etc.).
o Un accompagnement de proximité (favorisant la
prévention des risques de maltraitance, de débordements)
o Un accompagnement de sensibilisation (aux effets des
conduites addictives, à l'importance de l'hygiène).
118
2.3.1.2 La qualité de vie et le quotidien du SAJ
119
D'après le Projet d'Etablissement, la promotion de la
qualité de vie au SAJ constitue un facteur de bientraitance
comme support pédagogique garantissant une plus grande efficacité
du Service dans la réalisation de ses missions et dans
l'évolution du degré d'autonomie de la personne. L'ensemble du
fonctionnement du Service a été conçu sur ce principe
favorisant une organisation du quotidien, telle que :
- La disponibilité auprès des personnes
accueillies : accueil dès avant l'ouverture du Service pour celles
qui se présenteraient avant 9h, présence éducative
auprès de la personne restée après l'heure de fermeture,
les temps de convivialité et d'échanges (réunions
mensuelles et d'usagers, boîte à idées)
corrélés à la disponibilité et de l'écoute
active par l'équipe éducative.
- Les activités estivales (sorties, pique-niques,
loisirs et activités culturelles) - L'intimité et le respect
de la personne
- Une configuration de locaux intérieur et
extérieur : adaptés et sécurisés. - Un service
de transport peu coûteux et adapté.
Ouvert du lundi au vendredi de 9h à 16h, le Service
accueille les personnes dès leur arrivée pour un temps de
rencontre d'une demi-heure autour d'un temps convivial (café, lecture du
journal, etc.). Les ateliers sont investis entre 9h30 et 12h,
entrecoupés d'une courte pause.
Le repas est servi à midi par la maîtresse de
maison, encadré par une éducatrice qui anticipe et accompagne un
binôme (deux personnes accueillies) dès 11h30 (Préparation
des tables et de l'entrée).
|
LUNDI MARDI MERCREDI JEUDI VENDREDI
|
9h-9h30 9h30-12h 12h-13h
13h-14h 14h-16h
119
Accueil, avec PAUSE (Café, jeux,
etc.)
ATELIER (A 11h30: Services Repas et
Table par deux personnes)
REPAS
PAUSE
ATELIER
120
120
Tableau n°23 : Tableau représentatif du programme
quotidien au SAJ de Neuf-Brisach.
Le Service propose une palette d'activités, comprenant
une quinzaine d'ateliers (Couture, Bozarts, bois, etc.) en interne et en
externe (à l'instar de l'atelier Informatique ayant lieu en
co-intervention avec et dans les locaux du Club Informatique de Biesheim,
etc.), des sorties et divers partenariats (Collège de Volgelsheim,
etc.). L'organisation des séances d'ateliers est planifiée en
réunion d'équipe le mardi (16h-18h) et elle est proposée
à l'ensemble des personnes chaque vendredi pour la semaine à
venir.
2.3.2 L'ouverture sur l'environnement
Dans le Projet d'Etablissement, elle est définie par
les relations partenariales, complémentaires et nécessaires au
bon fonctionnement du Service. Celles-ci visent également les
finalités d'inclusion sociale des personnes et de sensibilisation
à certaines difficultés potentielles (accessibilité,
financement). Les partenariats se définissent comme suit :
- De types institutionnels : MDPH, Conseil
Départemental, Etablissements médico-sociaux, association Parents
et Amis, etc.
- Dans le cadre de l'organisation du quotidien :
Traiteur, fromager et boulanger de la ville, autres commerces, le
propriétaire du SAJ.
- Dans le cadre des activités :
Médiathèque de Biesheim, association « Quatre pattes pour un
sourire », etc.
- Dans le cadre de la prise en charge individuelle des
personnes : SAVS, Médecins
généralistes et spécialistes, Im Pro, ESAT,
APAMAD107 Section Handicap, etc.
2.3.3 Les professionnels et compétences
mobilisées
107 Association Pour l'Accompagnement et le Maintien A
Domicile.
121
121
L'Association a opté pour une adhésion à
la Convention Collective Nationale de Travail des Etablissements et Services
pour Personnes Inadaptées et Handicapées du 15 mars 1966 (CCNT
66) pour ce qui concerne la gestion de son personnel. Le recrutement se fait
sur la base d'un profil qui s'inscrit selon les exigences du Cahier des Charges
du Service rédigé par le Conseil Départemental du
Haut-Rhin. Les personnes sont embauchées en fonction de leur
diplôme initial, de leurs compétences reconnues et de leur
expérience, et sur les critères de motivation, de polyvalence et
d'adaptabilité. Chaque membre du personnel exerce sa fonction dans le
cadre de la fiche de poste susceptible d'évoluer dans le temps.
FONCTION Type de CONTRAT EQTP
Directeur Général CDI 0.25
Chef de Service CDI 0.50
Educatrice spécialisée CDI 1
Monitrice-éducatrice CDI 1
Auxiliaire de vie CDI 1
Auxiliaire de vie CDI 0.50
Agent administratif CDI 0.40
Psychologue clinicienne CDI 0.11
Agent de service polyvalent CDI 0.57
Tableau n°24 : Tableau représentatif des
fonctions, types de contrats et équivalents en temps plein des
professionnels salariés au SAJ.
122
122
Suite à l'accord du Service Tarification du Conseil
Départemental datant du 17 avril 2015, le Service a
procédé à l'embauche à mi-temps d'un Agent de
Service Polyvalent chargé de la cuisine, du temps de repas et de
l'entretien des locaux (Octobre 2015), et il a également pu
acquérir un minibus. Toutefois, la demande de création d'un temps
supplémentaire de 0,02 ETP du poste de psychologue (soit 2 heures par
mois) par le Chef de Service, n'a pas été retenue. En 2015,
quatre actions de formation ont été menées pour dix
membres du personnel : Sauveteur-Secouriste du Travail (SST),
AFNOR108 « Bonnes pratiques d'hygiène en cuisine
relais », Réduction du stress par la pleine conscience,
Promouvoir la bientraitance.
Depuis fin 2014, la psychologue clinicienne du Service anime
des séances d'analyse des pratiques avec l'équipe
éducative à raison de 2h/mois. Elles ont pour objectif
l'amélioration de la qualité du Service et de l'accompagnement
des personnes, la conciliation de la prise en charge individuelle et collective
et la prévention des faits de maltraitance.
Selon le Projet d'établissement, la dynamique du
travail d'équipe constitue le support majeur garantissant la bonne
exécution des missions confiées par l'Association. Hormis les
temps de présence auprès des personnes accueillies,
l'organisation du travail prévoit des temps de réflexion et de
rédaction nécessaires au bon fonctionnement du Service (Projet
personnalisé, projet, réunion de synthèse) et des
entretiens individuels avec les personnes accueillies.
Les réunions hebdomadaires comprennent une
réunion de service (mardi de 16h-18h : information institutionnelle,
planning, organisation, point de situation des personnes accueillies, etc.) et
une réunion de synthèse (mercredi de 16h-18h : Synthèse et
conception du Projet Personnalisé, réalisée par le
référent et réfléchie en équipe
éducative) avec la psychologue du Service. Une réunion
hebdomadaire (les lundis matin) a également lieu entre la coordinatrice
et le Chef de Service, pour traiter des affaires courantes nécessitant
un positionnement du Chef de Service et permettant à la coordinatrice de
transmettre les
108 Association Française de NORmalisation.
Fonction
Chef de Service
Equipe éducative
Psychologue clinicienne
123
informations et prises de décisions à
l'équipe éducative, qui appliquera les éventuelles
décisions.
123
Missions
|
- Le promoteur d'une relation éducative adaptée au
cadre
institutionnel et au projet de service.
- Le garant de la cohérence des activités en
fonction des moyens
alloués.
|
- La gestion du fonctionnement quotidien du Service (Accueil
des personnes, repas, départ)
- L'accueil et l'accompagnement éducatif des personnes
accueillies.
- L'élaboration, la mise en oeuvre et le suivi des
projets
personnalisés des personnes.
- La conception et la réalisation d'activités,
d'ateliers ou de
sorties à vocation éducative.
|
- Proposer un suivi psychologique aux personnes accueillies,
à
travers des entretiens individuels ou en présence d'un
tiers (éducatrice, parents, etc.).
- Adopter un regard clinique sur leur situation ou leurs
comportements, à l'occasion d'une réunion
d'équipe ou de synthèse.
|
124
124
- Assurer une fonction de tiers « ressource »
à l'équipe d'encadrement, à travers une approche
théorique des pathologies et problématiques
rencontrées.
|
Tableau n° 25 : Tableau représentatif des
fonctions d'encadrement et d'éducation en lien avec leurs
missions.
|
Date
d'arrivée, EQTP109,
|
Qualifications, parcours
|
Fonction en poste
|
Fonction supplémentaire
|
Mr J.F.
|
03/09/2013 1 EQTP
|
Educateur spécialisé. VAE Chef de
Service (Caferuis)
|
Chef de Service
|
Chef de Service à
0.50 EQTP au SAVS110
|
Mme S.
L.
|
28/01/2008 1 EQTP
|
Formation de Moniteur- éducateur. VAE
Educateur spécialisé (2011)
|
Educateur spécialisé
|
Coordinatrice, suivi des stagiaires
|
Mme G.
I.
|
09/01/2013 1 EQTP
|
Moniteur-éducateur. Réflexion en cours pour une VAE
d'éducateur spécialisé.
|
Moniteur-éducateur
|
Responsable de la thématique : Autisme
(CRA111) et Bientraitance.
|
Mme C.S.
|
01/10/2008
0.5 EQTP (jusqu'à 2012) puis 1 EQTP
|
Aide à la Vie Sociale. Inscrite au Plan
de formation du Service pour le diplôme de
moniteur- éducateur.
|
AMP (ME depuis 01/01/16)
|
Accompagnatrice des personnes
|
109 EQTP : Equivalent Temps Plein.
110 Service d'Accompagnement à la Vie Sociale.
111 Centre de Ressource Autisme.
125
125
|
|
|
|
élues au CVS112, référente de
l'outil Makaton113
|
Mme S.
|
15/10/2012
|
Aide à la Vie Sociale.
|
AMP
|
Chauffeur
|
P.
|
0.50 EQTP
|
Réflexion en cours pour
|
|
(Transport des
|
|
(Educatif) et
|
une VAE du diplôme de
|
|
personnes au SAJ:
|
|
0.40 EQTP
|
moniteur-éducateur.
|
|
arrivée et départ)
|
|
(Transport)
|
|
|
|
Tableau n°26 : Identité professionnelle du
Chef de Service et des membres de l'équipe éducative à la
date du 31/12/2015.
Dans le cadre de nos investigations au SAJ, nous nous
intéressons spécifiquement au référentiel de
compétences de la profession de moniteur-éducateur (étant
donné que Mesdames S. et G. ont toutes deux
bénéficié de cette formation), afin d'interroger les
finalités éducatives de l'accompagnement enseignées. Il ne
nous a pas semblé utile de procéder au même type
d'investigations pour ce qui concerne le Chef de Service, puisqu'il a
bénéficié d'une VAE dans le cadre d'un
CAFERIUS114 ainsi que d'une longue expérience de la fonction
de Chef de Service (il y a plus d'une quinzaine d'années) après
avoir effectué la formation d'éducateur spécialisé.
Selon l'Arrêté du 20 juin 2007 relatif au diplôme d'Etat de
moniteur-éducateur, cette formation de 950 heures d'enseignement
théorique (et de 980 heures de formation pratique) se répartit en
quatre domaines de formation :
112 Conseil de la Vie Sociale
113 Première professionnelle du Service, à avoir
bénéficié d'une formation à l'outil de
communication multimodal Makaton.
114 Validation Des Acquis et de l'Expérience.
Certificat d'Aptitude aux Fonctions d'Encadrement et de responsable
d'Unité d'Intervention Sociale.
126
DOMAINE de compétences
n°1 Accompagnement social et
éducatif spécialisé
n°2 Participation à
l'élaboration et à la conduite du
Projet éducatif spécialisé
n°3 Travail en équipe pluri
professionnelle.
n°4 Implication dans les dynamiques
institutionnelles.
DOMAINE de formation
126
Tableau n°27 : Domaines de compétences relatifs
à la formation de moniteur-éducateur.
Afin de vérifier les finalités éducatives
en présence dans la pratique d'accompagnement exigée aux
moniteur-éducateurs, dans un premier temps, nous analyserons
partiellement la présentation du métier de
moniteur-éducateur, et en second lieu, le domaine de compétences
qui nous intéresse plus particulièrement, le DOMAINE de
compétences n°1.
Dans la fiche suivante, la première phrase identifie
l'intervention du moniteur-éducateur avec les finalités suivantes
: « le développement de leurs capacités de
socialisation, d'autonomie, d'intégration et d'insertion, en fonction de
leur histoire et de leurs possibilités psychologiques, physiologiques,
affectives, cognitives, sociales et culturelles ».
Il est intéressant d'observer que le professionnel est
en charge d'amener la personne à développer son potentiel, notion
qui est corrélée à trois reprises sur quatre avec des
aspects citoyens (socialisation, intégration, insertion) dans la
même phrase ainsi que dans les chapitres suivants.
Les finalités individuelles sont
répertoriées à trois autres reprises (hormis la notion de
« développement » en introduction) par les termes :
Acteurs de leur développement, adaptés aux
projets personnalisés, Préserver leur autonomie.
Si l'on prend en compte ces indications, les finalités
éducatives identifiées semblent davantage prôner des
finalités sociales. Nous observons toutefois qu'il n'est pas question de
savoir, de
127
127
savoir-faire ou de savoir-être en lien avec les
compétences des personnes accompagnées, ce qui ne signifie
toutefois pas que les enseignements théoriques et/ou pratiques ne les
dispensent
pas...
128
128
Tableau n° 28 : Définitions de la profession de
moniteur-éducateur et contexte de l'intervention. (Sources :
129
129
https://www.legifrance.gouv.fr)
Dans le Domaine de compétences 1 «
L'accompagnement social et éducatif spécialisé
», quatre axes sont dégagés en termes de savoirs (Cf.
ANNEXES 4) :
1 Instaurer la relation
2 Aider à la construction de
l'identité et au développement des capacités
3 Assurer une fonction de repère et
d'étayage dans une démarche éthique
4 Animer la vie quotidienne au sein de
l'établissement ou du service
Tableau n°29 : Tableau identifiant les quatre axes
relatifs au Domaine de compétences 1 : « L'accompagnement social et
éducatif spécialisé » de la profession de
moniteur-éducateur.
L'axe « Aider à la construction de
l'identité et au développement des capacités »
comporte cinq compétences (sous la forme de savoirs, de savoir-faire et
de savoir-être), en termes d'observation, d'interrogation et de mise en
oeuvre et en lien avec l'individualité de la personne
(potentialités, handicap, obstacles, l'expression et la communication).
Les compétences citées sont identifiées par des verbes
d'action, qui relèvent non seulement de l'état actuel de la
personne en situation de handicap (repérage, respect, interroger, etc.)
mais aussi d'une dynamique visant un but (mobiliser, proposer, mettre en
oeuvre, favoriser). Ce dernier indique le caractère progressif de
l'accompagnement en lien avec le « Moi »,
l'individualité de la personne (potentialités, la progression, le
respect de ses droits et ses aspirations, l'expression et la communication).
Nous y observons ainsi que, d'une part, les finalités
visées considèrent des savoirs, savoir- faire et
savoir-être, sous forme de compétences qui seront
évaluées et s'inscrivent ainsi dans un cadre normatif («
Moi social »), et d'autre part, les moniteur-éducateurs
semblent bénéficier d'enseignements visant les finalités
éducatives de l'accompagnement au « Moi », avec tout
de même une incertitude au vu de la présentation initiale de la
profession et du domaine
130
130
d'intervention. Dans l'état, nous ne distinguons pas de
modélisation, ni de cadre d'apprentissage visant cette finalité.
In fine, il semble complexe de conclure à une tendance à
l'enseignement d'une des deux finalités éducatives en
matière de formation des moniteur-éducateurs. Pour ce faire, il
serait plus judicieux d'investiguer auprès de chaque formateur...
2.4 La personnalisation de l'accompagnement
2.4.1 Professionnels-usagers
2.4.1.1 Une pédagogie de l'accompagnement
Cette notion itérative de « personnalisation
de l'accompagnement » tout au long du Projet d'établissement
révèle l'importance de la personne au centre des pratiques
professionnelles dans cette structure. Elle y est énoncée dans
plusieurs champs d'action : lors de la phase d'accueil de la personne, dans le
cadre de son projet personnalisé, dans sa participation individuelle et
collective. La mise en oeuvre du projet personnalisé est
formalisée par la volonté des professionnels d'encourager d'une
part, la participation et l'implication de la personne au moyen d'outils
adaptés (supports tels que l'outil de communication multimodale Makaton,
entretien semi-directif, mimes) et d'autre part, la nomination d'une personne
référente, interlocutrice privilégiée favorisant la
cohérence du parcours et de son accompagnement.
Le Projet d'établissement souligne le
caractère adaptatif de la prise en charge en fonction du
handicap, des besoins et des attentes des personnes. Les actions de
l'équipe éducative se définissent comme suit :
- Personnalise la fréquentation du Service. Les
accueils à temps plein ou séquentiel sont
autorisés.
- Se rencontre régulièrement, en présence
de la psychologue clinicienne pour faire un point quant à la
situation de la personne et procède, le cas échéant,
à des réajustements.
- Met en place un soutien personnalisé et des
entretiens individuels.
- Procède à des rappels
réguliers, tient un discours plus spécifique, avec
la personne concernée par le projet, en fonction de la situation.
131
131
- Met en place des ateliers spécifiques en
fonction du Projet personnalisé. Propose des stages adaptés
à l'extérieur.
- Fait appel à des partenaires ou à des tiers
en cas de besoin.
- Aide la personne à se comprendre, à se
regarder, à prendre conscience de sa situation.
- Adapte la façon d'échanger avec la
personne (utilisation du dialecte, de gestes)
- Adapte des demandes qui sont différentes en fonction
des personnes.
- Aborde les sujets sensibles et difficiles à
aborder par les personnes.
- Met en place un matériel adapté en
fonction des handicaps et des difficultés de la personne (assiette
creuse, déambulateur, set de table de couleur, porte-manteau
adapté, etc.).
Le Projet d'établissement identifie également le
caractère participatif (individuel et au sein du collectif) et
le détaille à travers une diversité de verbes d'action
corrélés à la personne accueillie au SAJ. Le fait que la
question de la participation individuelle et collective soit valorisée,
impulsée et recherchée est un indicateur positif en faveur de
l'accompagnement des personnes accueillies.
|
Objectifs
|
Pratique éducative
|
Finalité de l'action : La personne
|
Pré-accueil
|
Libre-choix de l'accueil
|
Sollicitation
|
S'exprime, fait part de ses attentes et de son projet.
|
Projet
Personnalisé
|
Elaboration du Projet
Personnalisé
|
Accueil de la personne
|
S'entretient avec sa référente et en cas de besoin,
avec le Chef de Service.
|
Participation au quotidien
|
|
1. Avant la sollicitation : Evaluation des potentiels.
|
|
132
132
|
Participation
|
2. Proposition de
|
Participe et la mobilise à
|
|
individuelle quotidienne
|
participation : Capacités et habitudes de vie prises en
compte, encouragement.
|
l'accueil du matin, au repas, aux activités.
|
|
|
3. Au quotidien : suscite leur intérêt, accompagne
la personne pour qu'elle soit force de proposition.
|
Est plus ou moins réceptive. Certaines proposent une
activité ou un moment festif.
|
|
|
4. Organisation d'activités : encouragement à la
participation.
|
Participation aux activités.
|
|
Participation
|
Implication de
|
Accompagner les personnes à
|
Préparer l'ordre du jour.
|
collective
|
la personne lors
|
concrétiser la réunion
|
Une personne anime la
|
|
de la réunion
|
mensuelle :
|
réunion.
|
|
mensuelle
|
-Organiser la rencontre. -Compléter l'ordre du jour avec
la personne.
|
Une personne est secrétaire et fait le compte-rendu, avec
le soutien d'une éducatrice.
|
|
|
-Aider à réaliser le compte- rendu avec la
personne.
|
Une personne élue titulaire et une personne élue
suppléant
|
|
|
|
au CVS.
|
|
Implication au
|
Accompagnement aux
|
Propositions de toutes les
|
|
Conseil à la Vie Sociale (CVS)
|
élections.
|
personnes d'inscrire des points à l'ordre du jour.
|
|
|
|
Les personnes élues au CVS font un retour aux autres
personnes.
|
|
|
Soutien des deux personnes élues au CVS.
|
Participer collectivement au CVS.
|
133
133
|
|
Sollicitation des personnes, en cas de changement ayant
trait à la configuration du Service.
|
|
Tableau n° 30 : Tableau représentatif des
objectifs des champs d'action corrélés à la pratique
éducative et aux finalités visées pour les personnes
accueillies.
Dans cette conciliation entre accompagnement individuel et
collectif 115 a été émise une volonté de
promotion de l'autonomie individuelle des personnes :
- Les ateliers ont été construits
à partir de plusieurs projets personnalisés, avec une
diversité d'activités.
- Le rythme du Service a été
adapté à chaque personne, afin de ne pas la mettre en
difficulté et de lui proposer des rythmes qu'elle ne peut pas tenir et
de la fatigabilité, dès lors que cela est possible pour
l'encadrement.
- L'objectif des activités proposées
est de favoriser la réalisation des projets de toutes les personnes
accueillies, l'équipe s'employant à la compréhension et
à l'explication des différences de prises en charge aux
personnes.
De ce fait, alors que l'organisation de l'action
éducative prenait progressivement forme, les éducatrices ont
souhaité élaborer empiriquement un diagnostic en termes
d'évaluation des besoins et des souhaits des personnes accueillies, dans
l'idée d'y répondre à travers des activités
spécifiques. C'est ainsi qu'ont été créés de
nombreux ateliers éducatifs variés, également en lien avec
les aspirations et idées des éducatrices.
Cette analyse des besoins s'est révélée
gagnante et a progressivement participé à la satisfaction et
à la progression des personnes accueillies. Le Service a souhaité
proposer un fonctionnement
115 Identifié dans le Projet d'établissement.
134
134
flexible et dynamique, impulsant non seulement le libre-choix
des personnes et l'interchangeabilité des séances d'ateliers (qui
favorisent la diversité hebdomadaire, l'initiative et l'innovation),
mais également l'adaptation aux événements ponctuels.
Aussi, lors des réunions du mardi, l'équipe
éducative organise ensemble le planning des ateliers de la semaine
suivante. Les informations relatives à l'organisation du planning
hebdomadaire sont ensuite relayées le vendredi (de la même
semaine) sous forme de pictogrammes sur le tableau ci-contre par une personne
accueillie et avec le soutien d'une éducatrice.
Image n°34 : Tableau d'affichage hebdomadaire
identifiant les personnes en fonction de leurs activités, de leurs
services et des jours de la semaine.
Ce fonctionnement souple et dynamique permet à une
personne accueillie dans un atelier les deux premières semaines et qui a
finalisé sa création (en milieu de matinée) lors de la
troisième semaine, de changer d'atelier dans la même
matinée. Par ailleurs, de par la diversité de ses
activités, il suscite et encourage la motivation des personnes, ce qui
peut éventuellement expliquer le faible taux d'absentéisme des
personnes accueillies au SAJ. Il est également à noter que cette
configuration est adaptée à la problématique de deux
personnes accueillies, dont le
135
135
projet personnalisé propose un rythme ajusté et
une faible participation aux activités. (Repos et détente en
salle Télévision).
2.4.1.2 Une pédagogie du Projet
Nous évoquions le fait que la pédagogie du
projet autour des ateliers impulsée par Monsieur Jenny a
été relevée positivement lors de l'évaluation
externe. Cette consolidation méthodologique du programme a
été poursuivie dans le but d'une meilleure lisibilité et
d'une optimisation de l'évaluation de la progression des personnes
accueillies. Dans le cadre des ateliers et avec la participation de
l'équipe éducative, Monsieur Jenny a proposé cette
approche pédagogique donnant une finalité aux apprentissages
acquis ou à acquérir, qui détermine des résultats
tangibles à obtenir et des échéances à respecter.
Elle implique la participation active de tous les acteurs concernés par
le projet, qui s'accordent collégialement sur les modalités de sa
mise en oeuvre, et elle préconise également la prise
d'initiatives et d'autonomie.
Les objectifs du programme des ateliers se déclinent en
trois catégories d'objectifs. Les premiers objectifs
généraux se réfèrent au
Référentiel du Conseil Départemental du Haut-Rhin
définis plus haut dans la partie 1.1.2. (Missions du Service). S'ensuit
la catégorie des objectifs transversaux, qui détermine
les objectifs visés dans l'ensemble des ateliers, à savoir :
? Evaluer les degrés de compétences et
d'autonomie ainsi que les marges de progressions auprès des personnes
accueillies,
? Favoriser leurs relations et interactions
? Stimuler leurs fonctions cognitives
La dernière catégorie est axée sur les
objectifs opérationnels, traduits concrètement au niveau
de l'organisation et des résultats attendus pour répondre aux
objectifs généraux. Ceux-ci sont spécifiés selon
chaque atelier et développés à partir d'une trame «
Projet » proposant 7 items : L'analyse des besoins, les objectifs
opérationnels de l'atelier, la mise en oeuvre pratique de l'atelier, les
personnes accueillies, les moyens humains et matériels, les partenariats
envisagés et les modalités d'évaluation (quantitative et
qualitative). Les objectifs opérationnels ont été
élaborés avec les finalités suivantes :
136
136
- La pérennisation (l'atelier étant
élaboré à long terme),
- La transférabilité (à d'autres
contextes de vie des personnes en situation de handicap) - Son
caractère pratique (mesurable).
Ils feront l'objet d'évaluation dans les bilans de
projets d'ateliers en fin d'année et serviront à évaluer
les objectifs personnalisés des personnes accueillies (Projet
Personnalisé). C'est à ce stade que j'ai été
investie de fonction-ressource auprès de chaque membre de
l'équipe éducative pour identifier deux à trois objectifs
opérationnels propres à chaque atelier :
Médiathèque, Bois, Bouge Ton Corps, Bozarts,
Calcul-écriture, Cuisine-Services, Culinaire, De fil en aiguille, Heure
qui tourne, Hygiène-santé, Intimité, Jardin, Le juste
prix, Makaton, Makaton spectacle, Multimédias, Quatre pattes pour un
sourire, Sociabilus. (Annexe 2116).
Le premier schéma « Vie pratique » (Annexe 2)
donne une idée des objectifs opérationnels proposés dans
cinq ateliers (Cuisine-Service, Calcul-écriture, Heure qui tourne,
Culinaire, Le juste prix) reliés à un même
thème : « Vie pratique ». La fiche « Projet
d'atelier » (Annexe 3) représente l'un des projets d'atelier, dont
les objectifs opérationnels ont été récemment
élaborés par une éducatrice en charge de l'atelier
Culinaire.
Il est à noter que ces finalités
éducatives (Objectifs opérationnels de chaque atelier) ont fait
l'objet d'un travail collaboratif entre ma fonction-ressource (demandée
par le Chef de Service) et chaque éducatrice responsable de l'atelier,
et à ce stade, elles n'ont pas encore été toutes
validées par le Chef de Service. La finalisation de ces projets
d'ateliers est encore en cours. Dans notre partie conceptuelle relative
à l'accompagnement, nous interrogerons la nature des finalités
visées : Correspondent-elles à celles de l'accompagnement au
« Moi » ou à celles du « Moi social
» ?
116 Annexe 2 : Schématisation des objectifs
opérationnels en fonction des ateliers.
137
137
De fait, ce modèle pédagogique sert non
seulement de support méthodologique au travail d'accompagnement des
personnes accueillies, mais aussi de fil conducteur mémoriel pour une
meilleure optimisation des activités et pratiques professionnelles. Par
conséquent, il induit une précision de l'évaluation des
compétences et du degré d'autonomie des personnes ainsi que les
finalités éducatives visées. J'ai observé plusieurs
caractéristiques inhérentes aux pratiques professionnelles des
éducatrices responsables d'atelier : le réalisme face aux divers
degrés de compétences et d'autonomie des personnes,
l'adéquation et l'adaptation des méthodes, la constance et la
finesse des moyens en lien avec les finalités éducatives.
Celles-ci sont coordonnées à une approche éthique et
valorisante. Sur l'ensemble du stage, j'ai été
régulièrement stupéfaite de l'ambiance détendue
constatée sur l'ensemble des groupes d'ateliers : les personnes
étaient « agréablement » attablées et
affairées à leur occupation, et elles semblaient satisfaites et
contentes d'y participer. Les notions de rendement et de performance semblaient
également inexistantes. Force a été de constater des
résultats tangibles positifs en termes de progression dans des
compétences jusque-là faibles, à l'exemple de la mise de
table, du déchiffrage basique de l'heure, etc. Lors de ce stage, mes
observations ont relevé un ensemble d'indices qui me semblent
correspondre davantage à l'accompagnement au « Moi »
qu'au « Moi social », vues les différentes pratiques
professionnelles centrées autour de la personne, d'ordre éthique
et éducatif (visant des compétences à développer
pour soi-même et à pouvoir transférer dans un autre
contexte). Notre enquête se proposera de déterminer la
compréhension du « Moi social » et du « Moi
» dans les pratiques professionnelles au sein du SAJ, en lien avec
leurs modélisations.
2.4.2 Chef de service-professionnels
La question de la personnalisation de l'accompagnement
est également corroborée à la fonction du Chef de
Service en poste envers les professionnels. Les observations suivantes ont
suscité ma réflexion :
1. Sa disponibilité auprès
des professionnels socio-éducatifs (et de stagiaire), à
travers des rencontres régulières ou spontanées (temps de
réunions de service et des synthèses, entretiens et points de
situation, soutien de proximité, etc.).
138
138
2. Sa posture éthique, non seulement
observée de façon empirique mais également
théorique dans le cadre de l'élaboration du Projet
d'établissement dont on observe la récurrence des
références éthiques. A ce titre est mentionnée une
partie « Lutte contre la maltraitance et la promotion de la
Bientraitance » faisant lien avec la mission du Chef de Service, qui
est de promouvoir cette recommandation de l'ANESM par diverses actions
(plaçant la personne accueillie au centre de l'accompagnement mais
également garant d'une position institutionnelle à l'égard
des professionnels) :
- Dès son accueil, par la remise des
documents en rapport à ses droits et la possibilité d'être
sollicité en cas de difficulté d'accompagnement.
- Des outils adaptés assurant une prise en charge
bienveillante, par le biais des synthèses, des recadrages, des points de
situation et des réunions hebdomadaires.
- La fonction de tiers institutionnel du Chef de Service,
garant et superviseur des informations et des actes professionnels.
- Les temps de rencontres entre le Chef de Service et ses
collaborateurs favorisant les échanges et propositions de solutions
adaptées, et prévenant les risques d'usure professionnelle, de
maltraitance, etc.
- La présence des stagiaires, favorisant le
questionnement des pratiques professionnelles.
Force a été de constater que la dimension
éthique semble être l'un des fondements au coeur des pratiques
professionnelles du Chef de Service au SAJ. L'approche respectueuse et
valorisante entre usagers et professionnels semble aussi marquée
transversalement, quels que soient les statuts, les fonctions et les formes de
gestion et de prises en charge des personnes. J'ai pu l'observer lors des
activités, dans la dimension relationnelle et éducative
interpersonnelles, mais également au niveau hiérarchique entre
professionnels lors de gestions de crises (recadrage, etc.).
3. L'accompagnement des professionnels en conciliation
avec les fonctions inhérentes à son poste. Outre la fonction
de gestionnaire, le Chef de Service a mis en oeuvre sa première
fonction
139
139
en tant que manager, celle qui relève de la fonction
politique et sociale (plutôt que celle de la gestion et du
contrôle), dont le rôle est « d'emballer,
c'est-à-dire d'entraîner avec lui d'autres acteurs dans un projet
commun (...) et pour ce faire, (d') agir sur des ressorts psychosociaux et
culturels qui s'avèrent extrinsèques à l'organisation
elle-même. » (Loubat, 2014)117. Selon
Haberey118, « le management des ressources humaines cherche
à développer les ressources en présence et à les
articuler de façon à générer des compétences
individuelles et collectives qui puissent répondre aux besoins de
l'organisation et à ses objectifs. » Dans cette optique,
lorsqu'il a été question de réorganisation ou de
changement de cap avec l'équipe éducative, j'ai observé
des modalités d'intervention d'ordre démocratique ou
participatif. Ni autocratique (dans lequel il décide et obtient ce qu'il
veut), ni dans le laissez-faire (comme nous avons pu l'observer dans notre
questionnement empirique où le responsable n'était pas dans une
position hiérarchique et assumait plutôt une part administrative
et coordinatrice entre acteurs), selon les situations, il semble tantôt
solliciter et prendre en compte les opinions des collaborateurs, tout en
décidant parfois des choix effectués tout en informant sur la
décision, sa teneur et les raisons du choix (Démocratique),
tantôt associer les membres de l'équipe éducative à
la décision à prendre et les faire participer à son
élaboration119(Participatif). Selon Monsieur Jenny, cette
dernière forme de management est celle qu'il mobilise le plus souvent au
sein de l'équipe, car elle permet à chacun de trouver du sens
dans sa pratique professionnelle (selon ses valeurs, ses
représentations, etc.), de construire une forme de cohésion
autour d'un projet collectif, qui permet de développer une «
culture organisationnelle », décrit comme « un
modèle d'assomptions de base, qu'un groupe donné a
découvert, inventé et développé... »
(Schein, 1985)120. C'est cette pratique du manager valorisant les
différences entre les membres du groupe
117 Loubat, J-R (2014). Penser le management en action
sociale et médico-sociale. 2nde édition, Ed.Dunod.
118 Haberey V., Le management Lean, un régime
efficace pour un nouvel élan ?, Mémoire de fin
d'études Master 2 en Management des organisations sociales, 2015.
119 Selon les cours du Master de Management des
organisations sociales, année 2014-2015. Université de Caen
(FOAD).
120 In Haberey (Op.cit.).
140
140
et produisant la négociation, qui réduit la
normativité (ibid.). Encore faut-il que le manager vise les
finalités éducatives visant le « Moi » et non
le « Moi social » des personnes (professionnels et usagers)
dans les institutions sociales...
Mettant aussi en exergue ses compétences techniques et
sa vision d'ensemble du champ d'opération, son champ d'action
professionnel (organisation du travail et gestion des ressources humaines)
s'est inscrit dans une recherche de conciliation entre le projet
institutionnel, la négociation et l'animation entre acteurs («
styles personnels des uns et des autres », «
créer des références communes », ibid.),
à travers une méthodologie stimulante et réflexive des
pratiques des professionnels. Cette conception du management
développée par Loubat semble manifestement mobilisée chez
le Chef de Service dans l'accompagnement des professionnels
socio-éducatifs et leurs finalités individuelles. Il a su les
inscrire dans une démarche de progression, à travers certaines
fonctions et propositions spécifiques (coordinatrice,
responsable/thèmes, VAE121, etc.).
J'ai eu l'occasion de découvrir le contenu des
Entretiens Individuels Professionnels (annuels) des éducatrices et la
qualité des temps de rencontre Chef de Service/éducatrice. Il est
intéressant de relever qu'il a pris en compte la situation
professionnelle et personnelle de chaque éducatrice, tout en suscitant
l'émergence de leur prise de conscience à l'égard de leurs
propres ressources et de leurs difficultés (compétences,
potentiels, axes d'amélioration) dans une approche réflexive et
valorisante. Cela montre qu'il a manifesté une posture éthique et
un intérêt particulier à l'observation et l'écoute
réflexive de son personnel, au cadre de confiance, à la recherche
du développement des potentiels de chacune, etc. Dans cette
réflexion empirique, j'ai observé la qualité de la
relation du manager avec les personnes issues ou non du SAJ, comme un vecteur
de bienveillance et d'humanitude favorisant une qualité de vie, qu'il
prône d'ailleurs dans le Projet d'Etablissement. Cette qualité
relationnelle (entre le Chef de Service et les
121 Validation des Acquis de l'Expérience
141
141
professionnels) est également entretenue de temps en
temps lors de rencontres extérieures au SAJ dans un cadre plus informel
(Dîner au restaurant).
Le manager en poste au SAJ de Neuf-Brisach semble correspondre
aux caractéristiques identifiées par Loubat (ibid., p.121). Selon
lui, un manager est un « coach » actuellement davantage
considéré en regard de son efficacité que par son statut.
Il s'agit d'un « entraîneur », d'un « homme
de conseil et d'expérience » fournissant les outils, les
méthodes, les techniques, d'un « animateur d'hommes
», « exemplaire » qui motive et valorise...,
auquel on exige une vue d'ensemble sur quatre champs d'opérations avec
son équipe : La consultation, la négociation, la
responsabilisation, la délégation. (Ibid., p.122). Sachant
que les personnels accompagnants en question sont « centrés sur
un objet-tiers (le projet), (...) en tension entre l'intersubjectivité
au sens strict et une réelle visée d'aider au positionnement
réflexif d'autrui. » (Paul, 2009), leur accompagnement par un
tiers est nécessaire dans sa fonction productive d'un résultat
mesurable et dans leur développement personnel (Samurçay &
Rabardel, 2004). Paul (2009) souligne le fait que « l'accompagnement
est caractérisé par un emboîtement des postures : celui qui
accompagne doit nécessairement être accompagné.
». Selon elle, l'accompagnement du professionnel a vocation à se
centrer sur les enjeux cognitifs vécus par les professionnels et non
plus seulement sur tout ce qui se rapproche du projet en lien avec le champ
socio-éducatif.
Au fil de ces investigations et en lien avec mes propres
questionnements relatés dans la première partie empirique, j'ai
souhaité comprendre non seulement les champs d'action, le profil et les
fonctions du Chef de Service en poste au SAJ, mais également sa pratique
d'accompagnement des professionnels socio-éducatifs, qui seront
d'ailleurs corroborés ou infirmés dans notre enquête
méthodologique. J'y ai observé diverses compétences, une
posture éthique, un vecteur « moteur » (dans le
fonctionnement et le développement de l'organisation), qui colorent le
travail d'équipe, elle-même tinctoriale dans ses pratiques
d'accompagnement des personnes. A ce titre, la personnalisation de la «
politique » de l'accompagnement des professionnels et par-delà des
usagers au SAJ de Neuf-Brisach impulsée par le Chef de Service semble
viser des finalités éducatives vers leur individualité,
leur Moi. Elle semble correspondre d'une part, à la
142
142
qualité de la relation favorisant un cadre de confiance
et à une forme de soutien de proximité (Valorisation et
encouragement vers le développement de compétences), et d'autre
part, à différents types de postures (Une posture éthique,
une posture hiérarchique visant son efficacité et non son statut,
et une posture centrée sur le sujet et ses enjeux cognitifs, lors de
responsabilisations ou délégations, et non sur le projet.).
2.5 Analyse de l'organisation selon Mintzberg
D'après le modèle d'analyse de Mintzberg,
l'analyse de l'organisation du SAJ au niveau des fonctions professionnelles
correspond au modèle d'organisation professionnelle.
Tableau n°31 : Schéma du modèle
d'organisation professionnelle de Mintzberg.
En règle générale, une structure
socio-éducative relève du modèle d'organisation
professionnelle, de par son type bureaucratique et sa configuration
investissant une petite
143
143
Technostructure, une ligne hiérarchique et une
importante fonction de Support logistique assurant la coordination entre les
membres de la base opérationnelle, le Centre Opérationnel.
Dans ce SAJ, le contexte problématique a
nécessité l'impulsion et le dynamisme d'une fonction de type
managériale qui semble avoir infléchi une nouvelle orientation
vers les réelles missions inhérentes aux SAJ, faute de quoi
l'organisation aurait encore probablement été
empêtrée dans ses écueils.
L'analyse du modèle d'organisation professionnelle selon
Mintzberg s'inscrit comme suit :
1. D'une dynamique associative essoufflée jadis forte
de son Conseil d'Administration (investi à plus d'un titre), l'organe
hiérarchique garant et promoteur des valeurs idéologiques
concerne actuellement la fonction du Chef de Service, Monsieur Jenny.
Quant au Sommet stratégique, il est aussi totalement
assuré par la fonction du Chef de Service en place, par des fonctions de
contrôle, de direction, de ressources et de gestions diverses. La
fonction du Directeur, Monsieur Schneider, se caractérise par sa
présence (lors de chaque nouvelle admission de personnes au SAJ) -et par
l'animation du Conseil de Direction jusqu'au 1er octobre 2015
(Réunissant le Président, le vice-président,
l'Attaché de Direction, le Chef de Service administratif financier, le
Directeur de l'ESAT et le Chef de Service du SAJ et du SAVS).
2. Bien qu'à 0.50 ETP au SAJ, Monsieur Jenny assure
également la Ligne hiérarchique, faisant
fonction d'encadrement, intermédiaire entre le Sommet
hiérarchique et le Centre opérationnel ainsi que celle de
transmissions et d'applications des décisions (qui relèvent du
Sommet stratégique).
3. La Technostructure est composée de
personnes faisant fonction de standardisation, de planification, de
méthodologique et de contrôle, dans le but du respect de la
conformité aux règles et tâches exigées. Elle
concerne les différents intervenants extérieurs
(Sécurité -Plan de maîtrise sanitaire, accordant la
Certification AFNOR -, les Evaluations interne et externe, la psychologue en
GAP, etc.). Toutefois, à son arrivée dans un contexte de «
no man's land », Monsieur Jenny a dû procéder
rapidement à diverses restructurations (tant l'organisation était
délétère) et il s'est enquis de compétences
spécialisées extérieures, pour pouvoir poursuivre
144
144
l'accueil le plus élémentaire du SAJ. C'est
à ce titre qu'il a dû s'auto-mandater d'une fonction de
contrôle, pour pouvoir fabriquer du « tiers institutionnel
» à travers l'élaboration du Manuel de
procédures, du Règlement de Fonctionnement, de la
rédaction du Projet de Service.
4. Le Support logistique est la composante
de l'organisation (Agent administratif, agent de service, chauffeurs du
minibus) qui s'occupe essentiellement de la logistique, des services techniques
et de l'entretien de l'organisation. Celle-ci est également sous
l'autorité de la Ligne hiérarchique, qui a dû
réorganiser l'ensemble des services nécessaires à une
organisation stable et optimale du Service.
5. Le Centre opérationnel est
constitué de personnes qualifiées en rapport avec la mission du
SAJ et en contact direct avec les usagers (Educatrice
spécialisée, monitrice-éducatrice, auxiliaires de vie
-dont l'une d'entre elles qui a fait l'objet d'une VAE
moniteur-éducateur).
La fonction d'éducatrice spécialisée a
été étoffée d'une fonction de coordination par la
fonction hiérarchique (Monsieur Jenny), afin d'optimiser l'organisation
des plannings des professionnels et des activités. Cette fonction
afférente à Madame S. semble être un facteur
d'efficacité dans le fonctionnement de la structure, car elle favorise
non seulement la communication entre usagers-équipe
éducative-Chef de Service et l'organisation complexe du quotidien, mais
elle garantit aussi la mise en application des décisions
hiérarchiques et induit, de fait, le bon déroulement des actions,
la bonne cohérence du travail d'équipe, etc.
Depuis l'arrivée du nouveau Chef de Service, Monsieur
Jenny, nous observons une forte implication et une diversité de ses
fonctions dans l'organisation et dans la mobilisation des ressources
matérielles et humaines, dont l'organisation technique et le
modèle social ont impliqué plusieurs fonctions de management dans
la structuration du temps et de l'espace, la répartition des ressources,
la gestion des relations interpersonnelles, le soutien des acteurs de
l'organisation et la projection de l'organisation dans l'avenir (fonctionnement
et pérennisation).
Il a démontré un impact manifestement positif au
sein de l'organisation, faisant preuve d'un re-dynamisme et de la promotion
d'une culture de Service, d'une position et d'un contenant institutionnels -
fortement manquants-. Pour étoffer le propos, un travailleur social au
SAVS
145
145
de Neuf-Brisach (Monsieur Jenny y étant
également le Chef de Service) déclarait que depuis
l'arrivée de son Chef de Service de type coach (qui
énonçait régulièrement le cadre d'intervention
-légitimant les fonctions professionnelles à reléguer
à une approche éthique-, et invoquait la «
sécurité comme tiers » garant de leurs
interventions socio-éducatives), ses pratiques professionnelles et son
bien-être ont qualitativement progressé.
Ainsi, mobilisé dans un système « en
reconstruction » dont les acteurs déstabilisés «
restants » ont nécessairement eu besoin de retrouver
confiance en leur hiérarchie, en l'organisation et en eux-mêmes,
le leader en poste a su s'adapter et impulser une nouvelle dynamique
progressive par des formes de management adaptatif et participatif, tel un
« art de mobiliser des énergies en vue d'atteindre un objectif
commun » (Loubat, 2014), les « énergies »
étant les ressources propres au « Moi » des acteurs de la
structure... Par ailleurs, l'ancien contexte et système pathologique ne
semblent pas correspondre à un cadre social normatif, puisque, selon les
retours des travailleurs sociaux, les acteurs travaillaient chacun selon leurs
propres règles dans un système manifestement identifié par
l'absence de cadres et de normes arbitraires.
Synthèse et problématique de
recherche
Forts de nos questionnements empiriques et analytiques, il
serait intéressant de procéder à une investigation
auprès des professionnels en poste, d'une part, sur la
compréhension du « Moi social » et du « Moi
» dans leurs pratiques professionnelles, et d'autre part, sur
l'opérationnalisation de leurs pratiques visant des finalités
éducatives vers le « Moi » des personnes sont-elles
opérationnalisées. Au final, nous avons synthétisé
les éléments conjoints et nous souhaitons mener notre
enquête auprès de deux types de publics :
y' Le public à besoins spécifiques (les
accompagnés), y' Le public des professionnels (les accompagnants).
Par ailleurs, trois questions principales de recherche en
émanent :
? Qu'est-ce que l'« accompagnement » ?
146
Partie III
Questionnements théoriques
? Conceptualisation
? Les finalités des pratiques d'accompagnement des
lycéens en risques de décrochage, des adultes en situation de
handicap et des professionnels qui les accompagnent, visent-ils
l'éducation au « Moi social » ou au « Moi
» ? Comment sont-elles opérationnelles dans l'accompagnement
au « Moi » ? Et quelles sont les répercussions sur la
résilience des personnes ?
147
147
PARTIE III :
QUESTIONNEMENTS THEORIQUES
3. Conceptualisation de l'accompagnement :
3.1 L'accompagnement
3.1.1 Un regard historique
Le terme « accompagnement » est apparu sous
la forme latine «ac » (vers), « companio
» ou « cum (avec), pains (pain) ». Evocation
faisant référence au partage (du pain) avec le « compain
» (ancien français, 11ème siècle) qui
signifie « compagnon », celui qui accompagne ou le compagnon
de voyage.
L'une des premières pratiques d'accompagnement a
été toutefois découverte bien avant l'an 1200 sur des
rouleaux de papyrus. Elle proviendrait de la pratique du compagnonnage apparue
un millénaire avant Jésus-Christ lors de la construction du
Temple de Jérusalem commanditée par le Roi Salomon, fils du Roi
David, en signe de reconnaissance à Dieu pour la sagesse, la
148
148
prospérité et la paix. Le compagnonnage a vu le
jour grâce à une étonnante « hiérarchie
ouvrière 122» (De Castéra, 2002, p.7)
soutenue par la coopération de milliers d'ouvriers du Roi de Tyr,
Hiram.
En 1239 apparaît le vocable « contrat de
pariage »123 signifiant accompagnement, dans lequel deux
parties d'inégales puissances s'appropriaient une terre commune pour
viser une parité. En 1606, le terme « accompaignement
» est nommé par Jean Nico dans le sens d'« aller
ensemble, être assidu envers, faire cortège ».
L'étymologie d'accompagnement accorda ainsi une
terminologie temporelle (aller vers), relationnelle (se joindre
à quelqu'un), partagée (Répartir, de
manière équitable) et intentionnelle, sans compter la
dimension temporelle et opérationnelle (pour aller où il va,
en même temps que lui), selon Paul (2009, p.96).
Son vocable a suppléé les termes «
prise en charge » et « aide » (qui
désigne les notions de bénévolat, de caritatif,
d'assistanat) de par sa terminologie (professionnelle, technique, visant
l'autonomie de la personne, selon Paul, 2004124.
Vers la fin du XXème siècle, suite à la
faillite des grands intégrateurs (famille, religion, école,
travail, idéologie collectiviste) entre 1950 et 1970
évoqués par Paul (2004)125, l'accompagnement a
été mis en oeuvre à travers des dispositifs de formations
pour adultes (dans les années 1970), puis dans une visée de
projets (individuels et non plus linéaires ou collectifs) une
décennie plus tard.
122 Sainte bible, 1 Rois 9 : 15.
123 In Paul (n.d.), Trésor de la Langue Française,
volume 12, p.999.
124 In Paul, M. (04/2004), Le concept d'accompagnement,
Note de synthèse effectuée à partir de l'intervention
de Maela Paul, R Bourgogne, Dijon.
125 Paul, M. (2004). L'accompagnement : Une posture
professionnelle spécifique. Paris : L'Harmattan.
149
149
C'est dans les années 1990 face au développement
de la responsabilité individuelle, de la crise
généralisée des identités sociales et
professionnelles et dans un monde qui ne se tient plus fermement selon
l'expression de Paul (2009, p.103) que l'accompagnement est devenu «
une offre qui permet d'encadrer les autonomies menacées, de les suivre,
voire de les guider, dans leurs cheminements, quelque peu chaotiques.
»126, si tant est que l'accompagnant a cette «
capacité de se tenir soi-même » (op.cit.)
L'accompagnement a ainsi quitté l'approche
traditionnelle, où l'individu se conformait aux autorités dont il
dépendait (autorité parentale, autorité religieuse, etc.)
vers une démarche intra et inter personnelle de l'individu.
Ce changement a induit des « situations de dialogue,
d'interlocution, d'intersubjectivité » auprès
d'individus (professionnels ou non) pour la recherche de critères de
positionnement personnel, qui supposent une connaissance de soi et sa propre
gouvernance (Olivier, 2008, p.103)127. A ce titre, la notion
d'accompagnement tente d'être « un remède à la
perte de cette tierce référence » et de «
fédérer » (ibid).
En termes d'accompagnement professionnel, auparavant
fondé sur le principe d'une relation dissymétrique entre les deux
personnes, d'une approche experte de l'accompagnant (théorie-pratique,
contenu du savoir, posture empathique), l'accompagnement professionnel se
présente actuellement sous la forme d'une relation plus
égalitaire, dans une posture réflexive (visant le processus) et
basée sur les savoirs d'action (Paul, 2009). Ceux-ci sont centrés
sur l'autonomisation de la personne par sa propre compréhension du sens
des actions, avec une approche coopérative de l'accompagnant. (Op.cit.,
p.101)
Selon le même auteur, le recours à
l'accompagnement professionnel « peut contribuer à
opérer un tournant dans une vie et avoir des retombées
au-delà de l'individu sur son environnement
126 Boutinet et al., in Gonnin-Bolo, A. (2010). Recherche et
formation. L'accompagnement dans la formation. N°62. P.17.
Collectif.
127 In Paul, M. (2009).
150
150
relationnel et social. », promouvant la
responsabilisation de la personne (par l'articulation
activité-réflexion) avec le risque toutefois d'exercer «
le contrôle des subjectivités » (Blaevoet, 2004).
3.1.2 Généralités :
Pratique temporaire à caractère discontinu ou
continu, généralisée à tout individu (ou groupe)
quel que soit son âge et sa préoccupation, l'accompagnement se
présente à tout moment de la vie, qu'il soit d'ordre explicite
(dès la vie in-utero par l'accompagnement de la future maman,
jusqu'à sa fin de vie lors de la cérémonie d'adieu,
dispositif, etc.), ou implicite (rencontres ou situations fortuites).
Pour l'enfant, la parentalité est une forme
d'accompagnement non pérenne, si tant est que les parents
dépassent « la logique d'appropriation narcissique »
(« Je t'aime parce que j'ai besoin de toi ») ou oedipienne
(« J'ai besoin de toi parce que je t'aime ») de leur enfant,
selon Coum (2008, p.12). Au moment où le jeune s'apprête à
quitter le nid familial, il s'agit pour eux d'être capables de «
couper le cordon sans couper les ponts (affectifs)» affirmait
Bourguignon128, en raison du processus naturel d'individualisation
« reconnaissant l'autonomie et l'indépendance de chacun, et
plus particulièrement des enfants ». (Maunaye, 2001, p.44).
L'accompagnement parental s'oppose donc à toute forme de possession de
l'enfant, puisque ce dernier est destiné à devenir lui-même
adulte, autonome et indépendant, qui accompagnera à son tour sa
progéniture, et ainsi se perpétue naturellement le processus
d'individualisation cyclique de chaque individu.
Enoncé que nous pouvons transposer dans le champ des
sciences humaines (social, médical, éducatif, etc.) pour tout
binôme accompagnant/accompagné, praticien/patient,
professeur/apprenant, etc.
128 In Maunaye (2001), p.44.
151
151
Notion indicative de par son vaste champ ne relevant ni d'une
science ni d'une théorie appliquée selon Paul
(n.d.)129, l'accompagnement est relié à diverses
pratiques différenciées (conseil, orientation, aide, formation,
protection juridique, etc.) qui « peuvent s'acter sans accompagner
», à différents dispositifs (placements
éducatifs, de formation, de soins, etc.) et à des formes
sémantiques (culinaire, musicale, militaire, touristique, etc.)
désignant différentes notions de rajout, de soutien, de
protection, de guide, etc. Culturellement parlant, la pratique d'accompagnement
prend un caractère plus ou moins sacré selon l'environnement
culturel dans lequel la personne évolue. En Islam, accompagner ses
parents vieillissants en prenant soin d'eux représente un «
honneur et une opportunité de croissance spirituelle ».
Dans les pays africains subsahariens, le mourant est accompagné de
manière festive par son groupe d'appartenance, dans le but de le
divertir et de soulager le groupe émotionnellement. En Europe, on
observe également des coutumes culturelles à caractères
solidaires et coopératifs manifestant des formes tangibles
d'accompagnement, notamment dans certains groupes sociaux originaires d'Europe
de l'Est, d'Afrique, etc.
3.1.3 Les formes d'accompagnement
Ce faisant, il y a
hétérogénéité des formes d'accompagnement
actuellement. Ainsi, nous avons retenu dans notre étude les sept formes
d'accompagnement plus courant dans la littérature scientifique.
Celles-ci sont déclinées et définies comme suit :
3.1.3.1 Le counseling
Issu du latin consilium, le counseling évoque
la notion de « résolution, plan, mesure, dessein, projet
» associée aux « gestes et valeurs » qui
les gouvernent. Associée au verbe « conseiller »
signifiant « guider quelqu'un dans sa conduite » puis «
indiquer quelque chose à quelqu'un »130, cette
logique de counseling se rapproche de la méthodologie du projet avec les
formes
129 In Paul, Ce qu'accompagner veut dire,
Carriérologie, n.d.
130 Paul (n.d.), Ce qu'accompagner veut dire, Revue
Francophone Internationale Carriérologie, In
http://www.carrierologie.uqam.ca/volume09
1-2/07 paul/
152
152
consensuelles et cognitives qu'elle suppose. Parsons (1908)
l'intègre dans sa pratique d' « orientation professionnelle
» et elle sera reprise par Rogers dans les années 1970 avec
l'idée d'une relation structurante et dynamique visant la progression,
le développement de la personne. Il intègre le counseling
à chaque étape du processus de la personne, avec l'idée de
relation engagée, réciproque, liée et empreinte d'affects.
Selon Paul (2002), le counseling est une pratique d'accompagnement de type
« relation d'aide », caractérisée par la
centration sur des personnes « normales », la prise en compote de
leur développement à l'occasion d'une «
situation-problème, la mobilisation de leurs ressources,
l'intégration de l'interaction personne-environnement. »
3.1.3.2 Le sponsoring
Il renvoie à la notion « d'aide
matérielle financière » accordée à titre
individuel ou collectif par une entreprise « à des fins
publicitaires ». Elle est aussi doublement reliée à
l'idée de parrainage, du latin classique « sponsor »
(signifiant répondant, caution) et du latin religieux « parrain
d'un néophyte ». D'une part, être parrain ou sponsor
implique un engagement réciproque et relationnel et d'autre part,
projette vers l'avenir « avec un gage d'appartenance»
(p.93).
Paul (2002) évoque le sponsoring comme un moyen de
faciliter les relations entre les jeunes entrants dans la vie professionnelle,
à travers le soutien du parrain.
3.1.3.3 Le mentoring
Selon Houde (1996) 2, il s'est
développé suite au délitement social, pour soutenir les
jeunes à entrer dans la vie adulte et à tisser des liens
intergénérationnels, avec le concours des aînés.
Autrefois raccordé au conseiller « sage et
expérimenté » (Paul, 2009) puis à celui de
« percepteur » d'un enfant ou d'un homme, ce type
d'accompagnement relève de la « solidarité
153
153
intergénérationnelle » qui
considère l'accompagnement estudiantin vers l'accomplissement
professionnel et la compréhension des « valeurs
professionnelles » du futur employeur. La mission de
l'aîné soutient douze « fonctions »
spécifiques : « accueillir, guider, enseigner,
entraîner, répondre de, favoriser, être le
modèle, présenter des défis, conseiller, donner du
feed-back, soutenir, sécuriser. » (op.cit.) La relation
s'installe dès le commencement, s'axe autour d'une
réciprocité affective « et conditionne le modeling
». Les interactions liées à la dynamique de changement et de
nouveauté approfondissent symétriquement la relation, et au
final, l'objectif est l'autonomie de la personne. Paul (2002) définit la
relation au centre du mentorat, par la réciprocité et la
solidarité entre les générations, par « une
attraction interpersonnelle » ainsi que sa temporalité (le
temps d'une stage/formation).
3.1.3.4 Le compagnonnage
Comme nous l'évoquions, il prend sens dans le
regroupement de corporations dans le but de transmettre les techniques,
l'entraide et « une filiation de l'ordre du sacré »
(op.cit.). Lieu de formation et de perfectionnement d'un métier manuel
des futurs artisans, ce type d'accompagnement vise « l'appropriation
d'un héritage » (Castéra, 1996) 2 à
retransmettre à son tour. La relation entre l'accompagnement et
l'accompagné, que Castéra nomme une « forme de
pédagogie, s'inscrit dans le « cum » (avec). Les
fonctions du compagnonnage s'articulent autour de l'initiation à la
technique, à la pratique et à la morale, que Guèdes
(1992)2 nomment « la main, l'esprit, le coeur ».
Paul (2002, p.50) l'identifie comme d'une part, « une force
exécutive, la puissance d'agir, l'oeuvre concrète et manifeste,
de l'autre, la puissance d'aimer, de sentir et de comprendre, conjuguées
par le travail comme service rendu aux hommes. » Selon Paul (2009),
les valeurs du compagnonnage (l'apprentissage, la pratique, la transmission) et
l'accompagnement sont significativement liées, d'une part par la
pratique relationnelle de l'ancien avec (et non sur) l'apprenti dans un but de
facilitation des apprentissages (Notion de « parole partagée
» qui constitue « en visée éthique guidant
l'action.»), et d'autre part, à travers les mécanismes
d'appartenance (à «un être-avec » et à
un « être-ensemble ») et d'entretien («
tenir, maintenir l'individu dans la vie sociale ».).
3.1.3.5 La médiation
154
154
Cette pratique, qui est également une forme
d'accompagnement (hormis dans les situations litigieuses, s'interroge au niveau
du tiers (Paul, 2002, p.50) et de la posture -et non de la pratique- (Le
Bouëdec, 2001). Les études montent que depuis belle lurette, les
sociétés ont toujours fonctionné avec des «
figures de médiation » comme par exemple « la
fonction d'Hermès entre les dieux et les hommes » dans la
civilisation grecque (Paul, 2004 p. 43) ou la fonction de Jésus Christ
en tant que médiateur entre Dieu et les hommes dans le
christianisme131. L'institutionnalisation de la médiation a
connu son essor en France en 1973 « avec la création des
médiateurs de la république » (Ibid., p. 43). Riquez
(2000) montre qu'à partir des années 90 « les fonctions
médiatrices » affichent une meilleure visibilité dans
les différents aspects de la vie sociale (op.cit.). Ainsi, il
existe deux types de médiation :
? La médiation sociale qui consiste à
intervenir dans différents litiges et résoudre des
problèmes. Celle-ci vise le « vivre ensemble » par un
processus de dialogue, d'écoute, de confrontation entre les individus
d'un environnement afin de créer et restaurer des liens «
grâce à la présence d'un tiers » (Paul, 2004
p. 44). Ce type de médiation s'applique dans différents
systèmes comme : La famille, l'école, l'entreprise, la
santé, la justice (Ibid., p.44).
? Puis, on retrouve la médiation éducative
dont l'application repose sur les concepts de psychologie constructiviste
développé par Piaget et Vygotsky (Ibid., p. 45). Sur le plan
éducatif, celle-ci vise à transformer « un sujet passif
de savoir en sujet acteur » (op.cit.). Ce type de
médiation s'intéresse non seulement à l'interaction
sociale mais aussi aux pratiques de remédiation cognitive, notamment
celle de Feu Erstein (op.cit.). Le but de cette forme de
médiation est de favoriser le développement de l'autonomie du
sujet en situation d'apprentissage en tenant compte de sa personnalité
psychique et cognitive. En clair, selon Feuerstein (1993) la médiation
éducative a pour objectif « d'amener l'individu sujet passif et
reproducteur à devenir actif et créateur, c'est-à-dire
à changer son rapport par rapport au monde » (Paul, 2004 p.
46).
131 Sainte Bible, version Louis Segond. 1 Timothée 2 :
5.
155
155
3.1.3.6 Le tutorat
Il est issu du latin tueri, signifiant
protéger, tel « un gardien, un défenseur ».
Cette notion est doublement connotée dans le registre horticole comme
fonction de soutien « de jeunes plantes ou arbre pendant les premiers
temps de leur croissance » et dans le registre juridique comme
fonction de tutelle, tel un veilleur gestionnaire de biens par un tiers d'une
autre personne. Le tutorat comme fonction de maître d'apprentissage a
été légiférée par la Loi du 24
février 1984 redéfinissant le rôle du tuteur comme «
encadrant du stagiaire » (suite à l'essor des formations
en alternance puis à distance). Il relève de l'apprentissage et
se caractérise par un dispositif de formation et d'insertion
professionnelle, en jonglant entre production et éducation. Selon Paul
(op.cit., p.94), « c'est moins la relation entre un professionnel
expérimenté et un novice en apprentissage qui permettra de saisir
sa spécificité que le dispositif auquel il appartient.
»
D'après les cours de formation132 validant
la fonction de tuteur de proximité, tuteur référent et
maître d'apprentissage, les objectifs de la formation visent
l'appropriation de la fonction tumorale, le développement des
compétences pour accueillir et intégrer un stagiaire ou un
salarié au sein d'un collectif de travail, l'identification des besoins
d'accompagnement, ainsi que la connaissance d'outils d'accompagnement aux
savoirs, savoir-faire et savoir-être. Elle définit le tutorat dans
le cadre historique du compagnonnage, et le tuteur comme aidant psychologique
et pédagogique dans un mode horizontal de partenariat où la
hiérarchisation diminue entre lui et le stagiaire. Les
différentes pratiques d'accompagnement du tuteur envers le stagiaire
comprennent la prise en compte du parcours et des besoins de formation du
stagiaire, l'optimisation du cadre (expériences), la notion
d'apprentissage réciproque, le laisser-faire suivi du
réajustement, la nécessité d'un cadre de confiance et
d'une posture bienveillante envers le stagiaire, etc. « Le guide
pratique pour mieux agir » définit13 fiches pratiques
progressives :
132 Tuteur de stage et maître d'apprentissage. Promotion
2014-2015. ESTES. Strasbourg.
·
156
156
L'analyse de la demande : Nature de l'accompagnement
au tutorat (Type de formation, éléments du programme,
connaissances ou compétences à acquérir,)
· La préparation de l'accueil du stagiaire :
Conditions, objectifs, de stage, intérêts et objectifs
personnels du stagiaire, mode d'organisation, ...
· Le plan d'action : Missions, activités
à exercer, moyens, contraintes, etc.
· L'expérience du stagiaire et les
compétences visées : A cette étape doivent être
identifiés les connaissances (savoirs), les capacités pratiques
(savoir-faire) et l'attitude et comportement au travail (savoir-être),
déjà acquis et à acquérir, dans le cadre de la
Formation en Centre de formation et dans l'entreprise.
· Le bilan périodique : De la
1ère phase d'accueil, de la place et des rôles investis dans
l'équipe, intérêts et ou questions suscitées chez le
stagiaire, observations.
· La détermination du parcours de formation
: Sont notés les compétences à acquérir, en
lien avec les situations professionnelles de formations correspondantes et le
calendrier.
· La préparation d'une situation
professionnelle de travail, indiquant les tâches à
réaliser, les objectifs, informations, consignes et contrôles
à effectuer.
· L'évaluation des compétences :
Les tâches qui ont été réalisées, les
difficultés rencontrées, les compétences
maîtrisées et à développer.
· L'intégration professionnelle, faisant
mention de la dimension :
-Individuelle : Maîtrise de soi,
adaptabilité, disponibilité, etc.
-Sociale : Ponctualité, assiduité.
-Relationnelle : Sens de l'autre, écoute,
amabilité, esprit d'équipe, etc. -Professionnelle :
Application, initiative, respect des règles, etc.
· L'évaluation finale : Atteinte des
objectifs fixés et justification des écarts, synthèse des
compétences acquises et de la relation théorie/pratique, faits
significatifs, commentaires du stagiaire et du tuteur de stage.
157
157
? La fiche de mission du tuteur/formateur de
terrain, indiquant la mention « Mieux se connaître pour agir
mieux et progresser » : Objectifs de la mission, activité,
conditions d'exercice et observations.
? L'évaluation/audit de l'accompagnement
tutorat, qui fait le bilan plus approfondi des phases
antérieures.
Il est important de souligner également que depuis les
années 90, le tutorat a évolué vers une forme rapprochant
celle du « mentorat » dans le milieu scolaire en ayant pour
objectif principal « d'accompagner l'immersion progressive de
l'enseignant débutant dans un établissement scolaire »
(Paul, 2004 p.36). Dans le cours « Personnalisation de
l'accompagnement » (ibid.) de la formatrice, Madame B., la notion de
personnalisation est définie comme l'adaptation au stagiaire
(lui-même lié à son projet d'apprentissage) par le tuteur,
le but étant de favoriser l'investissement de l'apprentissage du
stagiaire « à sa façon ». Autrement dit, de
« l'aider à faire ses choix, à forger la construction de
sa propre autonomie et sa propre identité professionnelle »,
de « lui donner une ligne de conduite que lui s'approprie en fonction
de ce qu'il est » tout en citant les schèmes de Piaget,
l'Ennéagramme, l'apprentissage expérientiel, le Cycle de Kolb,
ainsi que des « outils de personnalisation » (Cahier de
liaison, la didactique professionnelle,). Cet objectif est confirmé dans
le cours d'un formateur, Monsieur D.W., qui énonce la démarche
pédagogique tutorale par la coresponsabilité et la
coréalisation entre le stagiaire et le tuteur, avec le but d'en «
faire un professionnel autonome ». Selon lui, deux
éléments se révèlent essentiels à
l'acquisition à cette autonomie :
? Les compétences, identifiées par le
savoir (la connaissance), le savoir-faire (la pratique et le savoir-être
(la communication, le relationnel, les attitudes), circonscrites dans un
contexte, dans un temps donné. Un autre formateur, Monsieur G.,
rajoutait l'idée de « ressources personnelles », de
« personnalité », pour développer ces
compétences.
? Les capacités, citées comme des
ressources acquises en tant que connaissances pratiques.
Dans ce cadre, le tutorat est une pratique d'accompagnement
prônant un processus d'individualisation, conduisant toutefois vers des
finalités didactiques (Savoir, savoir-faire,
158
savoir-être, évaluation, performance, etc.).
In fine, lors d'un entretien réalisé avec le professeur
Loïc Chalmel de l'Université de Haute-Alsace sur la question du
tutorat, celui-ci s'exprima de la manière suivante :
« Déjà il y a une
antériorité d'un terme sur l'autre. D'abord, le tutorat qui est
une notion étrange pour l'éducation latine, car le tutorat trouve
son origine dans le monde anglo-saxon, qui est très connoté d'un
point de vue théologique. Puisqu'il y une parenté entre la
direction de conscience et le tutorat. Dès l'apparition de la
réforme, sous l'influence de l'église méthodiste qui est
une manière d'acculturer au monde anglo-saxon et de l'église
morave originaire de la république tchèque aujourd'hui, on a
considéré l'importance d'aider l'individu d'être bien
considéré, ce qu'on appelle la cure d'âme, un
accompagnement qui a plus de la valeur. C'est un espace de parole et de
construction qui se sont sécularisés et aujourd'hui, on appelle
le tutorat mettant en scène la dualité d'un expert et un
élève : guider l'élève pour lui éviter les
pièges. Dans le tutorat, on a une relation asymétrique. Un
tutorat est un guide et l'autre suit le guide. Et le tutorat est une
manière de faire le relais entre différents espaces scolaires,
familiaux, etc. Le tutorat est un créateur de pont, mais il y a un lien
de dépendance entre le tutorat et l'élève.
L'accompagnement est une histoire très ancienne également, mais
ne présuppose pas l'existence d'un guide. L'étymologie dit «
à côté». Il essaie de permettre à l'autre de
poser à la fois son ressenti, ses expériences et il a
essentiellement un rôle de miroir : de permettre à l'autre de
marcher. L'accompagnement n'anticipe pas la marche de l'autre, mais il essaie
de permettre à l'autre de prendre conscience des différents
problèmes et de les résoudre par lui-même. La
différence, c'est qu'on ne sort pas du tutorat. L'accompagnement est un
espace temporaire. »
Ces affirmations démontrent que le tutorat se situe
dans une approche didactique et dans un lien de dépendance entre
l'enseignant et l'élève (ou l'éducateur et la personne
accompagnée) et que l'accompagnement s'inscrit dans une relation
pédagogique qui tient compte de l'individualité de la personne
accompagnée.
158
3.1.3.7 Le coaching
159
159
Il trouve son origine dans l'étymologie du terme
« cocher », le « conducteur d'un véhicule
tiré par un ou plusieurs chevaux. », associant
l'accompagnement à une notion dynamique (changement, déplacement)
et il signifie également une personne qui accompagne un voyageur d'un
point à un autre. La littérature nous montre que le coaching vit
le jour aux Etats Unis dans le milieu sportif dans les années 50-60
(Oller, 2012). L'entraineur ou le coach à cette époque, avait
pour mission d'aider le champion à développer des
capacités et des performances sportives. Dans la relation existant entre
le coach sportif et le champion, on prenait en compte non seulement la
dimension physique (performance) mais aussi la dimension psycho affective
(ibid. Oller). Il faudra rappeler également que les années 50-60
ont marqué la fin d'une société paternaliste,
hétéronome, où la culpabilité, la transgression de
l'interdit, les normes générant angoisse et anxiété
faisaient partie intégrante de la construction identitaire de
l'être humain (Guillemot & Vial, 2011, p. 3). La nouvelle
société émergeante de cette période adoptera la
postmodernité comme style de vie marqué par l'individualisme et
l'autonomie. Dès lors, on parlera d'épanouissement personnel et
de développement de soi inscrivant l'individu dans une démarche
active impliquant la dimension motivationnelle et celle du projet (Ibid.
Guillemot & Vial). En tout état de cause, le coaching qui fut jadis
l'apanage du monde sportif instilla les entreprises dans les années 90
pour devenir aujourd'hui un mode de management ayant pour but «
d'aider des salariés à atteindre des objectifs ou à
trouver des solutions des solutions aux problèmes en fixant une
trajectoire à suivre jusqu'au résultat » (Ibid.
Guillemot & Vial, p. 9). Le coaching renvoie au modèle
maïeutique et s'illustre aussi dans le champ sémantique sportif qui
soutient « les principes d'entraînement justifié par un
défi de changement » (Paul, 2009), de performance et de
valorisation pour son propre développement potentiel (Queuniet, 2001).
Il renvoie également à « l'apprentissage
transformationnel » défini par Hargrove (Payette, 2002),
souhaité par la personne (dans son contexte professionnel) pour un
changement comportemental ou cognitif. A ce titre, le coaching s'illustre par
une relation basée sur « la formation par modeling dans la
mesure où ce qui a été vécu pourra être
reproduit » (Lenhardt, 1993), au moyen d'une méthodologie par
objectifs dans un processus d'entraînement individuel
encouragé.
160
160
Ainsi, le coaching devient non seulement une forme
d'accompagnement individualisé mais aussi une réponse à
l'homme post-moderne. On doit souligner que le métier de «
coach » hormis le secteur sportif n'est pas
institutionnalisé comme la plupart des métiers puisque l'exercice
du métier en lui-même ne nécessite pas l'obtention d'un
diplôme particulier et n'est soumis à aucun contrôle
pédagogique de l'Etat. Les « coachs privés »
sont en général des professionnels travaillant à leur
compte, issus du monde de l'entreprise et ayant occupé différents
postes tels que manager, assistante de gestion, analyste financier,
ingénieur en informatique, commerçant, responsable administratif,
etc. On constate que bon nombre d'entre eux ont été formés
par des instituts privés (Ibid., p. 5). Cependant, en Suisse, Belgique
et Luxembourg il existe des formations universitaires au coaching
dispensées par des départements des sciences de
l'éducation (Ibid., p. 6).
Par ailleurs, on constate que la plupart des «
coachs » sortant d'un cursus de formation privée utilisent
des méthodes provenant de la psychologie comportementale comme l'Analyse
transactionnelle, la PNL (Programmation NeuroLinguistique) et des techniques de
gestion mentale (Oller, 2012). En effet, nous trouvons dans la
littérature différents vocables faisant référence
au métier du coaching comme : Formation, management, thérapie
conseil, consultance, développement personnel, mentoring, tutorat, team
building. Ainsi, il est important de souligner qu'il n'existe pas de
référentiel de compétences type pour le métier du
coaching. Ce qui caractérise le coaching des autres métiers
d'accompagnement est bien ses fonctions et son rôle. Aujourd'hui, on
retrouve la pratique du coaching dans le champ de l'accompagnement social,
paramédical et scolaire. Le rôle principal du coach étant
d'accompagner les personnes afin de contribuer à leur
développement et épanouissement personnel, il vient en aide au
coaché à sa demande dans une optique d'accompagnement visant des
objectifs portant sur « un projet » (Ibid., p. 5). Les
pratiques du coaching sont très liées au concept de projet. A cet
effet, le coach ne transmet pas un savoir, il n'est ni un enseignant ni un
expert.
Sa démarche ne consiste pas à donner une
solution à un problème donné mais de permettre au «
coaché » de problématiser sa situation personnelle afin de
pouvoir se projeter (Ibid. Guillemot
161
161
& Vial, p. 1). Le coach a donc pour mission d'aider le
« coaché » à corriger ses comportements et guider ses
compétences pour une efficacité dans la résolution des
problèmes. En effet, le coaching vise l'émancipation, le passage
d'acteur à auteur par la maturation. Selon la société
française de coaching, le coach n'a en aucun cas pour fonction de
formater les individus mais plutôt de contribuer à leur
développement de manière libre et consciente dans leurs choix en
relation avec l'environnement (Ibid. Guillemot & Vial, p. 3). Enfin, le
coaching n'a pas pour but de transmettre un savoir quelconque à
l'individu mais de permettre à celui-ci de « signer ce qu'il
vit de l'endosser avec son style, son rythme, son profil psychologique, ses
problèmes et ses interrogations » (Le Bouëdec, Du Crest,
Pasquier, Stahl, 2001, p.50).
Le coach
|
Le psychologue
|
N'est pas un expert en problèmes
psychiques
|
Est un expert en psychopathologie
|
N'a pas pour vocation d'apaiser la souffrance psychique
de la personne accompagnée
|
A pour vocation d'apaiser la souffrance psychique du patient
|
Aide à l'amélioration d'une situation par
la responsabilisation
|
Etablit un diagnostic de la situation du patient en vue de lui
proposer une solution
|
Donne les moyens
|
Propose ou prescrit des solutions
|
Apprend l'accompagné à se
débrouiller
|
Indique une thérapie à suivre au patient
|
Incite l'accompagné à l'innovation
personnelle, à la créativité
|
Accompagne le patient vers la guérison
|
Ecoute, accepte et ne juge pas
|
Ecoute et prescrit
|
Pousse l'accompagné vers une démarche
d'action
|
Pousse le patient vers une démarche
d'introspection
|
Pose systématiquement la question : Comment
?
|
Pose systématiquement la question : Pourquoi ?
|
|
162
162
Tableau n°32 : Différences singulières
entre le coach scolaire et le psychologue
3.1.3.7.1 Le coaching scolaire
La problématique de l'échec scolaire aura pour
conséquence une diversification des pratiques scolaires et des
méthodes pédagogiques (Oller, 2012). Dans le contexte actuel de
l'époque dans laquelle nous vivions, il faut savoir que l'école
devient un passage obligé que l'enfant doit emprunter afin de
s'insérer professionnellement et d'assurer son avenir (Van
Honsté, 2011, p. 2).
Par ailleurs, pour pallier la difficulté scolaire des
apprenants, les institutions scolaires mettront en place toute une panoplie de
dispositifs de rattrapage, remédiation, cours particuliers et tutorat
afin d'aider les élèves à surmonter leurs
difficultés. Ces activités de remédiation mises en oeuvre
par certains établissements scolaires ne sont pas toujours efficaces ou
ne répondent pas souvent aux besoins des élèves en
difficulté. En outre, celles-ci peuvent stigmatiser davantage certains
élèves en grande difficulté en engendrant chez eux des
sentiments de stress, de découragement, de culpabilité et de
baisse de l'estime de soi (Ibid., 2011).
C'est ainsi qu'on verra foisonner sur le marché
scolaire ces dernières années une multitude d'offres de soutien
scolaire visant un accompagnement individuel de l'élève. Dans
cette logique d'offres de soutien et d'accompagnement scolaire, on compte parmi
celles-ci le coaching scolaire ou le management éducatif. La
littérature présente le coach scolaire comme un professionnel du
coaching privé qui a pour mission d'accompagner l'élève
dans un projet de scolarité (Ibid. Van Honsté, p. 7).
Le coach scolaire se décrit comme un professionnel de
l'éducation ayant « des connaissances approfondies des
différents profils d'apprentissage, des pédagogies
différenciées, du fonctionnement du cerveau humain et des
relations humaines » (Ibid. Van Honsté). Il faut souligner que
le coach scolaire n'a pas pour vocation d'enseigner des matières
scolaires. Son rôle consiste à accompagner l'élève
dans son apprentissage en lui donnant des outils lui permettant de s'approprier
une matière. Par son action auprès de l'élève
accompagné, le coach
163
163
scolaire vise le travail sur soi, en faisant à
l'élève prendre conscience de ses capacités et lui donnant
les outils nécessaires pour réussir.
Sur le plan méthodologique, le coach scolaire
s'inscrit dans une démarche émique tenant compte de l'individu
dans sa globalité. Les méthodes de coaching scolaire aident
l'élève à forger sa personnalité en lui permettant
de prendre conscience de ses atouts, ses points faibles. L'élève
coaché parvient à force de travailler sur soi à renforcer
sa motivation et gérer son stress. Il faudra aussi noter qu'aujourd'hui
très peu de recherches scientifiques se sont intéressées
à la thématique du coaching scolaire comme forme d'accompagnement
individualisé. Et pourtant, il va sans dire, au regard de la
littérature, que le coaching scolaire démontre bien son
efficacité auprès des élèves puisque celui-ci joue
un rôle prépondérant dans l'accompagnement, l'optimisation
des atouts, la prise de conscience de ses ressources et la conduite au projet
(Ibid. Van Honsté).
Il est important de souligner que le travail du coach
scolaire est distinct sur certains points méthodologiques de celui d'un
conseiller ou d'un formateur. Le coach est à la base
un accoucheur, il aide le « coaché » à
accoucher ses idées, à trouver en lui-même le potentiel lui
permettant de résoudre ces problèmes. En effet, la philosophie du
coaching est fondée sur le principe de la maïeutique.
Ainsi, le coach scolaire intervient auprès de l'élève en
tant que catalyseur et facilitateur de changement de modèles cognitifs
(Van Honsté, 2011). Par voie de conséquence,
l'élève coaché n'est pas assisté, car il est
lui-même acteur dans une démarche communicationnelle dont
l'objectif est de favoriser l'autonomisation et le responsabiliser
(Ibid. Van Honsté, p. 2).
De nombreux écrits montrent que le coaching intervient
de nos jours non seulement dans le monde sportif s'étend
également dans le champ scolaire, artistique, social,
paramédical, etc. Ainsi, quel que soit le domaine d'action dans lequel
on l'applique, le principe de base reste toujours le même et illustre
très clairement ce que dit le proverbe chinois de Lao-Tseu : «
Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui
apprends à pêcher, il mangera toujours »
164
Dans cette perspective, le coach scolaire ne vise pas
seulement la pédagogie, il tient compte également de la vie
familiale, affective et des projets scolaires de l'élève
accompagné. Il est un médiateur entre l'école,
l'élève et les parents (Ibid. Van Honsté). Ses
actions auprès de l'élève coaché vont lui permettre
d'améliorer certains points relevant de la situation éducative
comme :
? L'attitude face aux études et à
l'échec
? Un comportement adapté à la réussite
éducative
? La confiance en soi
? La motivation
? La méthodologie de travail
En définitive, le travail du coach scolaire vise
essentiellement à résoudre par différentes méthodes
des problèmes de blocages inhérents à l'apprentissage. La
littérature montre que certains confondent le métier du coach et
celui du psychologue. Il faudra souligner que même si les coachs
s'inspirent et utilisent les méthodes de psychologie comportementale,
ils ne sont pas pour autant des thérapeutes comme le montre le tableau
en supra sur la différence entre le coach et le psychologue.
3.1.3.7.2 Synthèse des formes d'accompagnement
Forts de ces éléments conceptuels, nous
proposons de synthétiser les différentes formes d'accompagnements
relatés auparavant dans le schéma qui suit :
164
Tableau n°33 : Tableau synthétique et
récapitulatif des 7 formes d'accompagnement (Paul, 2004 p. 53)
Tutorat
Encadrement Adaptation Réajustement
Production . Insertion Coresponsabilité
Coréalisation
Formation. Connaissance des savoirs, savoirs-faire,
savoirs-
être
d'aide, Orientation,
Counseling Accueil,
Conseil, Relation
guidance, adaptation
Sponsoring
Soutien financier
Parrainage Appartenance
Transmission savoir faire,
filiation, formation, apprentissage
Compagnonnage
Médiation sociale
Litiges et résolution de
problèmes. Dialogue, écoute, confrontation. Restauration
des liens
Mentorat Transmission Guidance Filiation Orientation
projet Actualisation de soi
Optimalisation Rendement Controle
Développement personnel
Efficacité Valorisation. Passage d'acteur à
auteur.Performance
Coaching
Médiation
remédiation cognitive . Développement
de l'autonomie et à l'action-création
Education et
Médiation éducative
165
165
3.1.4 Les modèles d'accompagnement
La question de l'accompagnement se révèle
essentielle (en ce qu'elle est au coeur de l'action avec la personne, quelle
que soit la modalité d'accompagnement) et
particulièrement
166
diversifiée (selon les prestations et les services
assurés). Elle illustre le fait que l'accompagnement s'inscrit sur une
plateforme dynamique impliquant « la diversité desdemandes d'aides
», « la pluralité des rôles »
joués par le tiers ou les tiers, la « conjugaison des logiques
(apprentissage, développement, formation, remédiation ou
résolution) », « la variabilité des temps
impartis », « une qualité relationnelle »,
« un jeu constant entre distance/proximité,
présence/absence ». (Paul, 2004, p.54). Les modèles
suivants conceptualisés par Paul (2004, p.54) sont
révélés dans diverses pratiques actuelles
d'accompagnement, pouvant intervenir de manière fortuite ou non à
n'importe quel stade de la vie de la personne ou lors d'une situation
personnelle relevant d'un caractère problématique ponctuel
(rupture, embûche, traumatisme, choix, etc.).
3.1.4.1 Le modèle maïeutique
Paul (ibid.) identifie le modèle d'accompagnement
maïeutique, qui vise la connaissance et le développement de
soi de la personne, à certains stades de sa vie ou lors d'une situation
qui pose problèmes. Selon le même auteur, la maxime que Socrate
s'est appropriée « Connais-toi toi-même et tu connaitras
l'univers et tes dieux » ouvre une perspective d'accouchement de
l'homme par lui-même à travers son intériorisation et son
autonomisation, avec le soutien d'un « facilitateur »
(dialogue, propre expérience) et au final, par le biais d'un processus
d'interaction et de réciprocité entre les deux (coaching,
éducateur, etc.). Cette méthode maïeutique, du grec «
art d'accoucher », repose sur « l'interrogation
» et propose « d'amener l'interlocuteur à prendre
conscience de ce qu'il sait implicitement, à l'exprimer et à le
juger». Elle part donc de la centration et de la prise en compte de
l'individualité de la personne à travers un processus vers le
développement de son « Moi », dans lequel elle est
auteur et acteur.
166
3.1.4.2 Le modèle initiatique
167
167
Proposé par Paul, il est également une
méthode d'accompagnement des personnes qui, partant du non-savoir, du
commencement, souhaitent ou se retrouvent à vivre une modification et
une modulation de leur vie. A travers l'initiation à des mystères
favorisant des apprentissages, le soutien d'un accompagnateur sera garant du
sens et du cadre d'initiation (contexte). Ce modèle initiatique est issu
d'Homère et de l'Odyssée dont la maxime est « Se faire
et en faisant se faire autant que Se faire de se défaire »
(op.cit.). Il vise la transmission par l'héritage et la socialisation
par le changement de statut (passif à actif) par un compagnon de marche
(op.cit.) vers une appartenance à un groupe social. Ce modèle
rappelle le rôle du patriarche d'antan, qui transmettait les valeurs
à sa descendance, la pratique du compagnonnage, etc.
3.1.4.3 Le modèle d'accompagnement
thérapeutique
Cet autre modèle proposé par Paul (ibid.) fait
intervenir un tiers de proximité ou d'un accompagnant professionnel dans
le but de retrouver un mieux-être (psychique, physique, etc.). Ce type
d'accompagnement est fondé sur la « parole hippocratique
» du nom d'Hippocrate, qui relève de l'engagement (et de la
compétence) du praticien à « dialoguer, interroger et
écouter » le patient considéré comme «
responsable devant oeuvrer à sa guérison ». Ce
dernier est au centre de sa préoccupation, avec l'idée «
de ne pas nuire » (Primium non nocere)133, de
viser l'efficacité et l'efficience (Richez, 2006), de ne faire aucune
différence entre les personnes (niveau et origine sociales, etc.), dans
un souci éthique. Du grec «thérapeutès »
signifiant « serviteur » « qui prend soin de »,
« le soin des maladies », l'accompagnement dans un modèle
thérapeutique vise une pratique d'adoucissement, d'abolition des maux de
l'âme, du corps ou de l'esprit (médecin, psychologue, naturopathe,
etc.). Dans cette optique, il fonde l'accompagnement du patient comme suit :
? Le thérapeute est le détenteur du savoir et le
prescripteur des soins
? Le patient est l'objet des soins à travers un
traitement contre la maladie, et ses conséquences physiques,
psychologiques et sociales ne sont pas prises en compte.
133 Richez, Y. (2006), p.
168
Accompagnement dont les indices semblent corroborer aux
finalités du « Moi social ». Nous nous
intéresserons davantage à l'accompagnement thérapeutique
du patient (ETP) développé par Chalmel (2015) dans le cadre de
l'accompagnement à finalités pédagogiques. Ce
modèle innovant réinterroge et « transforme tout autant
la pratique du soin que les acteurs eux-mêmes » (ibid., p.148).
Son objet d'étude développe le soin (au sens de «
prendre soin de l'autre ») « dans ses aspects
interindividuels, sociaux et politiques » (op.cit, p.2), comme suit
:
? Le patient n'est plus objet mais sujet des soins qui lui sont
délivrés.
? La démarche de prescription laisse place à une
démarche de médiation par l'éducation. ? L'objectif n'est
plus seulement de lutter contre la maladie, mais de prendre en compte les
conséquences physiques, psychologiques et sociales. (Ibid., p.6)
Ce modèle inhérent à la pratique du soin
peut être transposé aux sciences éducatives et sociales
dans les pratiques pédagogiques de l'enseignant, du travailleur social
et de tout professionnel « soignant ». Non seulement il se
préoccupe de la singularité de la personne dans son contexte
propre qui soit au maximum « aux commandes » de sa propre
pratique, mais il est fondé sur « l'alliance
thérapeutique » entre le patient et le soignant,
développée par Chalmel (2015, p.11) à partir de la
problématique d'exclusion des patients (le « Moi social
» fracassé du patient qui induit sa marginalisation, du fait
de sa non-conformité aux valeurs sociales), qui n'est pas prise en
compte par le corps médical.
Ce modèle d'accompagnement prend ainsi en compte le
contexte existentiel de la personne et pas seulement sa pathologie. A ce titre,
nous notons que ce modèle d'accompagnement pédagogique recoupe
les mêmes problématiques : L'éducation au « Moi
social » au détriment de celle du « Moi »
des patients, un risque d'exclusion du patient de par sa maladie qui n'est plus
conforme aux normes sociales dont il dépendait et un accompagnement au
coeur de finalités éducatives individuelles. Nous
développerons en détail ultérieurement les concepts de
« Moi » et « Moi social » dans l'action
éducative.
168
3.1.5 Analyse des formes et modèles
d'accompagnement existant au Lycée Ettore Bugatti
169
169
Nous avons vu dans la partie descriptive que le personnel
éducatif du Lycée Ettore Bugatti avait inscrit dans le projet
d'établissement une batterie de dispositifs ayant pour objectif de
lutter contre le décrochage et favoriser la persévérance
scolaire des élèves. Nous avons observé également
que ces dispositifs furent créés à partir de 5 axes
d'action fondés sur 3 concepts directeurs dans la politique
éducative de l'établissement qui sont :
· L'écoute de l'élève
· La considération de l'élève en tant
que personne
· La bienveillance
Ainsi, nous rappelons que ces 5 axes d'action de la lutte
pour la persévérance scolaire ont été
définis comme suit :
· Axe no1 Mieux accueillir,
mieux accompagner.
· Axe no2 Mieux
apprendre.
· Axe no3 Mieux apprendre
en entreprise.
· Axe no 4 Mieux vivre
ensemble.
· Axe no5 Mieux
encadrer.
Ainsi, le tableau en infra montre les 5 axes d'action de lutte
pour la persévérance scolaire, les dispositifs avec leurs
fonctions et les formes et modèles d'accompagnement correspondants.
Cette analyse nous permettra d'avoir une vision plus précise de la
politique éducative en termes d'accompagnement menée dans
l'établissement contre le phénomène du décrochage
scolaire.
|
Dispositifs
|
Fonctions
|
Formes
d'accompagnem ent
|
Modèles
d'accompagnement
|
Axe 1
|
SAS
|
-Accueil -Orientation -Actualisation des choix
|
Counseling
|
Initiatique
|
170
170
Mieux accueillir, Mieux accompagner
Axe 3 Mieux apprendre
en entreprise
Axe 4 Mieux vivre ensemble
Axe 2 Mieux apprendre
(Suite axe 3)
Axe 5 Mieux encadrer
Espace détente Foyers éducatifs Culture Jeux- compétition- ateliers Sport automobile
DALyA Ulis-pro
LATI
Mentorat
Médiation éducative
Médiation éducative Mentorat
Tutorat
Médiation sociale
Mentorat
Maïeutique
Initiatique
Initiatique
Initiatique
Initiatique
d'orientation
de l'élève -Guidance -Encadrement -Adaptation -Filiation (2
professeurs référents)
-Accueil -Remédiation -Résolution de
conflits
-Accueil -Innovation pédagogique -Remédiation -Adaptation
-Différenciation pédagogique -Transmission
-Filiation
-Insertion
professionnelle -Adaptation -Orientation -Formation
-Production
-Créer des liens entre
élèves -Amélioration du climat
scolaire -Confort -Égalité des chances
-Partenariat avec structure d'insertion, de formation
et de recherche universitaire afin
171
171
de mieux accompagner
les élèves. -Guidance des partenaires -Transmission
de savoirs ou d'informations des partenaires -Actualisation
Tableau n°34 : Tableau récapitulatif des
dispositifs d'accompagnement au Lycée Bugatti en lien avec les formes et
modèles d'accompagnement.
En effet, notre analyse nous a permis de vérifier
à travers les 5 axes d'action de lutte contre le décrochage
scolaire les formes et modèles d'accompagnement qui sont
pratiqués par les professionnels du lycée. Ainsi, il est
important de souligner qu'on relève 4 formes d'accompagnement
présentes dans les pratiques éducatives sur les 7 formes que nous
avons définies précédemment : Counseling, Mentorat,
Médiation (sociale et éducative), Tutorat.
Nous avons constaté également que le poids des
actions éducatives mises en oeuvre par l'établissement repose
entièrement sur un modèle initiatique d'accompagnement. La
question qu'on peut soulever est la suivante : Est-ce que la formation du
personnel éducatif est adaptée ou actualisée par rapport
aux formes et modèles d'accompagnement précités ? En
outre, on pourrait se demander s'il ne serait pas intéressant
d'intégrer quelques aspects du « coaching » sous une
forme plus pédagogique que didactique dans l'accompagnement des
élèves du Lycée Ettore Bugatti. Du reste, nous savons au
regard de la littérature que le coaching scolaire contribue au
développement personnel de l'élève en l'aidant à
supprimer des blocages de l'apprentissage. Ceux-ci peuvent provenir de
différentes sources. Ils peuvent être liés à des
problèmes de pédagogie non adaptée, des problèmes
cognitifs, psychopathologiques, psychoaffectifs, environnementaux, etc. In
fine, nous pensons que cette forme d'accompagnement auprès des
élèves en difficulté scolaire peut offrir des perspectives
intéressantes sur le plan anthropologique. Car le coaching implique le
« Moi » avec « l'autre ». Il ne s'agit
pas simplement d'une réalisation mais une coopération englobant
des aspects communicationnels
172
et spatio-temporels. Dans cette optique, on pourrait donc
aussi envisager d'intégrer le coaching dans le cursus de
formation des enseignants en lycée professionnel afin de pouvoir mieux
accompagner les élèves dans leur projet de scolarité.
D'autant plus, Maela Paul (2004) souligne que l'accompagnement n'est pas une
démarche linéaire. Selon elle, l'accompagnateur doit toujours
ajouter quelque chose à autre. Elle précise également que
les indicateurs clés de l'accompagnement sont : L'écoute, l'aide
et l'accueil. Ainsi, nous retrouvons ces éléments non seulement
dans le projet d'établissement du Lycée Ettore Bugatti dans la
lutte pour la persévérance scolaire mais également dans
les dispositifs qui ont été mis en place comme le SAS ou le
LATI.
3.1.6 Analyse des formes et modèles
d'accompagnement existant au SAJ de Neuf Brisach 3.1.6.1 Des
usagers
Dans la partie théorico-descriptive, nous avons
observé que le SAJ de Neuf-Brisach propose un dispositif portant d'une
part, sur l'accueil et sur la personnalisation de l'accompagnement des
personnes accueillies, et d'autre part, sur l'expertise, l'évaluation et
l'orientation du projet des personnes accueillies. Celui-ci est fondé
sur trois concepts directeurs :
? La promotion de la personne en difficulté,
notamment celle en situation de handicap, par son environnement, en
l'occurrence institutionnel. (projet associatif)
? La promotion de son autonomie individuelle, par la
personnalisation de l'accompagnement à caractères adaptatif
(en fonction du handicap, des besoins et des attentes des personnes) et
participatif (entre conciliation individuelle et collective).
Dans le cadre de la prise en charge globale des personnes
accueillies par l'équipe éducative, quatre champs d'actions
socio-éducatives sont mis en oeuvre :
? La gestion du fonctionnement quotidien du Service (Accueil des
personnes, repas, départ)
172
? L'accueil et l'accompagnement éducatif des personnes
accueillies.
173
? L'élaboration, la mise en oeuvre et le suivi des projets
personnalisés des personnes.
? La conception et la réalisation d'activités,
d'ateliers ou de sorties à vocation éducative.
173
Champs d'actions
|
|
Fonctions
|
|
Formes
d'accompagne-ment
|
Modèles d'accompagne- ment
|
|
|
|
|
|
Initiatique
Maïeutique
|
La gestion du fonctionnement quotidien du
Service
|
|
-Accueil
-Encadrement
-Guidance, Adaptation -Relation d'aide, Conseil
-Remédiation cognitive
-Développement de l'autonomie et à l'action.
|
|
Counseling
Médiation éducative
|
|
|
-Accueil, Conseil -Relation d'aide -Orientation, Guidance
-Adaptation
|
|
|
|
L'accueil et
l'accompagnement
éducatif des personnes accueillies
(Individuel)
|
|
|
Counseling
|
Initiatique
|
|
-Education et remédiation cognitive
Développement de l'autonomie et à l'action
-Litiges et résolution de problèmes
-Dialogue, écoute, confrontation
-Restauration des liens
-Développement personnel -Valorisation
-Passage d'acteur à auteur
-Insertion, Encadrement -Adaptation, réajustement
- Coresponsabilité, coréalisation.
|
|
Médiation éducative
Médiation sociale
Coaching
Tutorat
|
Maïeutique
Initiatique
Maïeutique
Initiatique
|
-Orientation - Conseil -Adaptation
-Education et remédiation cognitive
-Développement de l'autonomie et à
l'action-création.
-Litiges et résolution de problèmes
-Dialogue, écoute, confrontation
-Restauration des liens
-Développement personnel -Valorisation,
émancipation -Passage d'acteur à auteur
-Insertion
-Adaptation, réajustement -Connaissance des savoirs-,
savoir-faire, savoirs-être.
-Orientation - Conseil -Adaptation
-Education et remédiation cognitive
-Développement de l'autonomie et à
l'action-création.
-Développement personnel -Valorisation, Emancipation
-Passage d'acteur à auteur
174
-Connaissance des savoirs-, savoir-faire, savoirs-être.
L'élaboration, la
mise en oeuvre et le suivi des projets
personnalisés des personnes
La conception et la réalisation
d'activités,
d'ateliers ou de sorties à vocation
éducative
(Collectif)
Initiatique
Maïeutique
Initiatique
Maïeutique
Initiatique
Initiatique
Maïeutique
Maïeutique
Counseling
Médiation éducative
Médiation sociale
Coaching
Tutorat
Counseling
Médiation éducative
Coaching
174
175
175
|
|
-Insertion
|
Tutorat
|
Initiatique
|
|
-Adaptation, réajustement
|
|
|
|
-Connaissance des savoirs-,
savoir-faire, savoirs-être.
|
|
|
Tableau n°35 : Tableau récapitulatif des
dispositifs d'accompagnement des professionnels socio-éducatifs au
SAJ
|
de Neuf-Brisach, en lien avec les formes et modèles
d'accompagnement.
|
3.1.6.2 Des professionnels socio-éducatifs
Dans la partie théorico-descriptive, nous avons
observé que le Projet Associatif du SAJ de Neuf-Brisach missionne le
Chef de Service selon deux concepts directeurs :
- Promoteur des recommandations éthiques (ANESM)
en lien avec l'ensemble des professionnels en poste dans la structure.
- Garant d'une position institutionnelle à
l'égard des professionnels, avec la mise en relation de leur
bien-être dans le cadre professionnel (Rencontres et échanges,
prévention des risques d'usure professionnelle, etc.).
Dans le cadre de ses champs d'actions issus du Projet
d'établissement et relatifs à l'accompagnement des professionnels
socio-éducatifs, nous les définirons comme suit :
? La gestion du fonctionnement quotidien du Service
? La fonction de tiers institutionnel, garant et superviseur des
informations et des actes professionnels.
? L'accompagnement éducatif des professionnels
? Le promoteur d'une relation éducative adaptée au
cadre institutionnel et au projet de
service.
176
Champs d'actions
La gestion du fonctionnement quotidien du
Service
La fonction de tiers institutionnel,
garant et superviseur des informations et
des actes professionnels.
L'accompagnement
éducatif des professionnels
Formes
d'accompagnement
Counseling
Médiation éducative
Médiation éducative
Médiation sociale
Coaching
176
Fonctions
-Accueil
-Ecoute, Conseil -Guidance
-Education et
remédiation cognitive -Soutien, Conseil
-Négociation, Consultation, Collaboration
-Education et
remédiation cognitive -Soutien, Conseil
-Négociation, Consultation, Collaboration
-Développement de l'autonomie et à
l'action-création. -Soutien, Conseil -Accueil
-Résolution de problèmes
-Dialogue, écoute, confrontation.
-Management, -Contrôle, supervision -Performance,
-Optimalisation -Efficacité, -Valorisation, Conseil -Passage d'acteur
à auteur, responsabilisation -Délégation
-Développement -Orientation
Modèles d'accompagne- ment
Initiatique
|
Maïeutique
|
Maïeutique
Initiatique
Maïeutique
|
177
Counseling
Médiation éducative
Médiation sociale
Coaching
Le promoteur d'une relation éducative
adaptée au cadre institutionnel
et au projet de service.
|
-Accueil
-Ecoute, Conseil -Guidance
-Education et
remédiation cognitive -Soutien, Conseil
-Négociation, Consultation, Collaboration
-Développement de l'autonomie et à
l'action-création. -Soutien, Conseil -Accueil
-Résolution de problèmes
-Dialogue, écoute, confrontation.
-Management, -Contrôle, supervision -Performance,
-Optimalisation -Efficacité, -Valorisation, Conseil -Passage d'acteur
à auteur, responsabilisation -Délégation
-Développement -Orientation
Initiatique
Maïeutique
Initiatique
Maïeutique
|
177
Tableau n°36 : Tableau récapitulatif des
dispositifs d'accompagnement du Chef de Service au SAJ de Neuf-Brisach, en lien
avec les formes et modèles d'accompagnement.
178
178
ACCOMPAGNEMENT
Formes d'accompagnement :
|
Des usagers par les éducatrices
|
Des éducatrices par le Chef de Service
|
|
|
Counseling
|
4
|
2
|
Médiation éducative
|
4
|
3
|
Médiation sociale
|
2
|
2
|
Coaching
|
3
|
2
|
Tutorat
|
3
|
/
|
Modèles d'accompagnement :
|
|
|
Initiatique
|
|
|
Maïeutique
|
9
|
4
|
|
7
|
5
|
Tableau n°37 : Tableau synthétique des formes
et des modèles d'accompagnement des personnes en situation de handicap
et des éducatrices au SAJ de Neuf-Brisach.
Dans les pratiques professionnelles d'accompagnement des deux
types de publics au SAJ, l'analyse des résultats montre l'absence nette
de certaines formes d'accompagnement (Compagnonnage, mentorat et sponsoring,
qui sont à tour de rôle énoncés sur les principes de
filiation, de transmission et de parrainage) et une récurrence commune
d'autres formes d'accompagnement (Counseling, médiation éducative
et sociale, coaching). Ces dernières s'inscrivent dans une dimension
relationnelle et éducative, entre la gestion de la communication, la
guidance, la formation et le développement de la personne. Seul le
tutorat apparaît dans les pratiques professionnelles des
éducatrices et non dans celle du Chef de Service. Cela peut se
comprendre par la différence des finalités professionnelles, dont
les missions principales des éducatrices sont en lien avec les usagers
(Prise en charge des personnes, apprentissages, etc.) alors que celles du Chef
de Service sont en rapport avec l'ensemble du fonctionnement du SAJ. Ses
fonctions ne relèvent pas de formations ni
179
179
d'apprentissages à proprement parler (Modèle
d'accompagnement initiatique), mais davantage d'orientation et de
développement personnel (Modèle d'accompagnement
maïeutique). Il est à noter que le tutorat et le coaching ont
été identifiés de manière concomitante dans le
cadre des pratiques professionnelles au SAJ, ce qui ne signifie pas que tous
les professionnels du SAJ les pratiquent systématiquement. En outre, les
formes d'accompagnement des professionnels peuvent être tout à
fait variables d'une structure à l'autre, telle qu'une absence totale de
coaching et une forte représentativité du tutorat, par
exemple.
Dans l'ensemble, la médiation éducative est la
forme d'accompagnement la plus répandue et pratiquée au SAJ par
l'ensemble des professionnels, notamment en raison du cadre institutionnel qui
procède d'une organisation empreinte d'une dynamique interrelationnelle
et constamment en développement et en réajustements/remises en
question des actions professionnelles. Par ailleurs, cette forme
d'accompagnement maïeutique, qui se situe au niveau de l'accompagnement
des usagers mais également des professionnels, s'inscrit
également dans deux axes spécifiques : La personne en rapport
à l'autre (représentations de part et d'autre, interaction
sociale) et en rapport à soi (retour réflexif vers
l'action et la création).
En termes pragmatiques, on peut s'interroger sur la
capabilité des professionnels à opter (ou à oser opter)
pour un processus maïeutique, alors que les personnes en situation de
handicap ne sont pas forcément en situation de capabilité ni de
réalisation ou d'appropriation du processus. D'une part, cela
soulève l'importance de la prise en compte de l'individualité de
la personne professionnelle par un tiers professionnel (l'accompagnant, que
nous identifions Chef de Service), mais également des espaces de
rencontres et de réflexions favorisant le développement de sa
posture interculturelle : le non-jugement, la déconstruction de ses
représentations et la compréhension, puis la reconstruction pour
un travail social coopératif134. Et d'autre part, on peut
s'interroger à nouveau sur la pratique professionnelle de la
médiation éducative en rapport avec les finalités
éducatives : Les fonctions pratiquées (Education et
remédiation cognitive, soutien et conseil, de négociation, de
consultation, de collaboration, etc.)
134 Référence aux propos de Madame
Duschêne-Lacroix, présidente de Nova Tris (Uha.fr).
180
180
visent-elles effectivement la démarche maïeutique
par la prise en compte de l'individualité de la personne (Feuerstein,
1993), représentative du « Moi » ? Ou cette approche
est-elle corroborée par les représentations et idéologies
de l'accompagnant (qui vise in fine une éducation citoyenne au «
Moi social ») ?
Enfin, nous remarquons la représentativité plus
importante du modèle initiatique auprès des accompagnements
socio-éducatifs, qui pourrait présager d'un accompagnement au
« Moi social » des personnes, de par l'importance du cadre
de référence (statut de l'accompagnant, finalités
éducatives sociales, etc.).
De ces analyses respectives, nous relèverons deux fils
conducteurs intéressants :
? Les pratiques du counseling, du tutorat et de la
médiation (sociale et éducative) sont les points de
convergence dans les pratiques d'accompagnement des lycéens en risque de
décrochage scolaire du Lycée Bugatti et des personnes en
situation de handicap accueillies au SAJ de Neuf-Brisach.
? La pratique du coaching semble être un point
de divergence marquant entre les pratiques des enseignants du Lycée
Bugatti et celles du cadre en poste au SAJ. De ce fait, Monsieur Many a
relevé l'idée de l'intégrer dans la pratique
professionnelle des enseignants.
3.1.7. L'accompagnement, une finalité
pédagogique ?
Forts de tous ces éléments théoriques,
l'accompagnement serait un espace-temps de proximité entre deux
personnes faisant route ensemble : l'une étant un soutien pluriel pour
l'autre personne montrant le chemin. Dans le processus d'accompagnement, nous
relèverons différents axes intéressants135
inhérents à la dimension pédagogique:
135 Références à l'enseignement «
Théories de l'apprentissage », Monsieur Chalmel, Master 1.
181
181
? L'aspect contextuel et subjectif : Celui-ci est
propre à l'accompagné, dont les modèles construits sont en
lien avec ce qui se rapporte à lui-même (Ressentis,
expériences, histoire, etc.), et non à ce que l'accompagnant ou
le système social (dans lequel il vit) impose normativement selon des
références sociales.
? L'aspect humain et non les savoirs acquis : Il
marque clairement le fondement pédagogique de l'accompagnement, en ce
que l'accompagnant doit prendre en compte la personne dans sa globalité,
comprendre les interactions, gérer
l'hétérogénéité, et par conséquent,
accepter de l'accompagner selon la personne et son propre rapport au savoir. La
différenciation est de mise, alors que la didactique est inscrite dans
un processus de généralisation et d'universalité des
savoirs.
? La pratique pédagogique : L'accompagnant est
un praticien, qui s'immerge dans le contexte, l'environnement de
l'accompagné. Il se remet en question, questionne et re-questionne sa
pratique en lien avec les modèles théoriques (Psychanalyse,
histoire, sociologie, etc.). Il cherche constamment à comprendre et
à théoriser sa pratique en posant des actes. Pour l'accompagnant
pédagogue, l'échec est une valeur et son positionnement est
d'ordre éthique.
Ces caractéristiques démontrent également
une nette distinction entre l'accompagnement didactique et l'accompagnement
pédagogique, le premier relevant d'une éducation visant les
normes sociales et centré sur la question des savoirs
(généralisables et mesurables), et le second, focalisé sur
l'éducation visant la personne et son individualité, avec
l'importance de la dimension humaine et théorico-pratique. C'est que
nous verrons plus en profondeur par la suite dans ce chapitre.
182
182
3.2 Conceptualisation du « Moi social »
3.2.1 Généralités et
caractéristiques du « Moi social »
Selon Durkheim 136, tout individu est marqué
par un ensemble de facteurs de son groupe social («
l'éducation, l'expérience, les règles et la
connaissance ») qui le rendent « limité et agrandi
». Gilson (1985, p.77) cite Bergson qui affirme que « la
contrainte sociale » a pour caractéristique essentielle de
s'introduire dans la conscience individuelle, de lui devenir intérieure
sous la forme du « Moi social ». Ce philosophe
français a identifié le « Moi social » comme
une entité sociale intégrée au « Moi propre
» à chaque individu appartenant à cette
société. Hinshelwood, R.D. (2007) le définit par
l'incarnation d'une idée principale fondée à partir «
d'attitudes, de croyances sociales et de figures dominantes » qui
deviennent au final « un élément constitutif de
l'individu ». Celui-ci s'identifie à un ensemble de croyances
et de leadership cohérent avec l'idée en question. Proposition
que Chalmel (op.cit.) semble réfuter de par une différenciation
entre le « Moi social » (Entité visant une
normativité sociale) et le « Moi individuel » (ou
« Moi » correspondant à la singularité et
l'unicité propre à chaque individu).
Selon Chalmel (ibid.), l'apport de Rousseau, grand
défenseur de l'éducation du « Moi » versus
« Moi social », a permis d'introduire le « Moi
social » dans le système éducatif, à partir de
principes normatifs selon lesquels l'enfant doit être
éduqué comme citoyen, ce qui implique un processus de
dénaturation « Moi » de l'enfant par un
système encodé de normes sociales, « culturelles par
essence » (ibid). Selon lui, le « Moi social » est
un « pluriel idéologique » (Chalmel, 2015, p.7) issu
d'un système social normatif, fondé sur les bases de la
« doctrine politique organisant une société
donnée dans ses dimensions socio-économiques » et des
« idées reçues faisant office de théories
» du système. Ainsi, dans cette étude, nous posons
comme postulat que le concept « Moi social » est synonyme de
« Pression sociale normative »
136 In Terrier, J. (2012).
183
dans le champ de l'éducation spécialisée
et de « didactique » dans le domaine de l'éducation
scolaire comme l'illustre le schéma ci-dessous.
Pression sociale normative (Éducation
spécialisée)
Conformisme
Jugement
normatif
Evaluation Performance
Contraintes sociales
Pensée unique
Moi social
Didactique
(Éducation scolaire)
183
Figure n° 38 : Schématisation du « Moi
social ».
Que ce soit « la pression sociale normative
» ou la « didactique », chacun de ces concepts
représente un seul et même système « Moi social
» apparaissant sous différentes formes en fonction du
sous-système dans lesquels ils se retrouvent : Famille, école,
entreprise, lieu de culte, association, etc. Selon Chalmel, le « Moi
social » sous forme de « didactique » est beaucoup
plus présent dans le système scolaire des pays latins que les
pays scandinaves. En effet, celui-ci explique que les pays de langue latine
à l'instar de la France, sont très friands de didactique et sont
ancrés dans ce système depuis très longtemps.
Daniel Pasquier (1986, p. 56) montre que l'enfant
étranger scolarisé en France est écartelé entre son
« Moi » sa culture, et le « Moi social »
de la culture française. Celui-ci poursuit sa réflexion en
démontrant que la France est l'un des rares pays ou « l'enfant
étranger pour devenir français doit non seulement s'approprier
des éléments de la culture d'accueil (enculturation) mais doit
aussi abandonner les éléments de sa culture familiale
(déculturation) » Le « Moi social »
fonctionne toujours selon un système d'encodage et décodage,
d'enculturation et d'acculturation ne tenant pas compte du capital culturel,
linguistique et social « Moi » de l'individu (Ibid., p.87).
C'est alors qu'on comprend que le « Moi social »
dénature l'individu en tant que personne, spolie son « Moi
» afin de fabriquer des citoyens répondant certes, à de
très bonnes valeurs républicaines mais aussi dominés par
un système idéologique, politico-
184
184
économique et social très contraignant et
normatif. De fait, le « Moi social » est inscrit dans un
carcan de normes et d'exigences sociales à l'égard de tout
individu appartenant à son système, et il vise l'éducation
de l'individu à des finalités citoyennes (intégration
sociale) et non individuelles (éducation de l'individu).
En parlant d'individualité, il est important de souligner que «
la France est un pays très fort en investissement éducatif
sur le plan collectif mais aussi est l'un des pays ou la dotation pour chaque
élève individuel est plus faible qu'ailleurs »
(Meirieu, 2000 p. 95). Par ailleurs, cela interroge non seulement la nature et
des limites afférentes à la pression sociale qui domine sur les
« Moi » individuels, mais aussi à celle des
conséquences inhérentes à cette «
dénaturation du Moi » énoncée par Rousseau
(Ibid).
Chalmel énonce le caractère normatif de cette
finalité éducative, provoquant la frustration et
l'altération des aspirations du « Moi » des personnes
mais également leur ostracisme. Dans ce sens, « plus un
système est normatif, plus il génère lui-même son
propre échec ». Des études en marketing affirment
également que plus « un système est simple plus il est
efficace et que toutes les organisations, plus particulièrement celles
qui sont grandes et complexes sont fondamentalement inefficaces et gaspilleuses
» (Koch, 2007 p. 115-122). Ainsi, la simplicité favorise
l'efficacité et la qualité tandis que la complexité
engendre la frustration et le stress. En effet, le « Moi social
», en tant que système, encourage la complexité
à travers la normativité, ce qui engendre selon Chalmel le risque
de marginalisation et d'exclusion des individus « non-conformes
».
185
185
Figure n°39:
Schématisation des enjeux du processus relatif au Moi
social et au Moi. (Sources : Chalmel, 2015, p.13.)
Hinshelwood, R.D. (2007) estime que «
l'adhésion rigide exigée comporte une perte de la
capacité de penser de façon réaliste » et que
« l'individu a beaucoup à perdre sur le plan psychologique s'il
s'oppose aux forces sociales qui sont exercées sur lui ». Dans
l'éducation au « Moi social », le cadre est normatif
et imposé par un expert de la connaissance et du savoir, qui exige la
conformation sociale et le respect des critères de réussite
(évaluation ou contrôle, performances) à un
savoir, un savoir-faire et un savoir-être. Les
risques potentiels sont l'échec (non admis), la coercition, la
dépendance, la dénaturation de l'individu, la pression sociale
normative. Dans une correspondance de Saint Paul 137aux
églises romaines au 1er siècle après
Jésus Christ, celui-ci fait mention du « Moi social »
qu'il caractérise par l'esprit du siècle présent :
137 Saint Paul, figure emblématique du christianisme.
Ses écrits se retrouvent dans la bible, notamment dans le Nouveau
Testament.
186
186
« Ne vous conformez pas au siècle
présent, mais soyez transformés par le renouvellement de
l'intelligence afin de discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui
est bon, agréable et parfait. »
Sainte Bible (Edition Bible on line moteur 4.08.01), Romains 12 :
2
Une mauvaise interprétation de ce texte a produit des
dérives de toutes sortes dans l'histoire de l'église, incitant
des personnes de foi chrétienne à l'ascétisme et à
la réclusion religieuse. Et pourtant, ce que l'auteur met en exergue
dans ce texte est avant tout d'adopter une posture de questionnement par
rapport au « siècle présent » au regard de la
foi et de ne pas se laisser formater sans discernement dans un système
idéologique. En d'autres termes, Saint Paul encourage les
chrétiens à faire ce que Monsieur Chalmel demande à ses
étudiants de faire dans tous ses cours : Se poser les bonnes
questions. Un autre exemple très imagé du « Moi
social » dans les écritures bibliques se retrouve dans
l'extrait du passage suivant :
Saül fit enfiler sa tenue à David. Il
plaça sur sa tête un casque en bronze et le revêtit d'une
cuirasse. David mit l'épée de Saül par-dessus ses habits et
voulut marcher, car il n'avait encore jamais essayé, mais il dit
à Saül : « Je ne peux pas marcher avec cette armure, je n'y
suis pas habitué. » Et il s'en débarrassa.
Sainte Bible (Edition Bible on line moteur 4.08.01), 1 Samuel
17 : 38-39
Le texte montre que le roi Saul a voulu revêtir David,
son serviteur de son accoutrement et de son armure, mais David n'a pas pu
marcher. En effet, le « Moi social » revêt les
individus d'une autre personnalité et leur met sous un joug pesant qui
les empêche d'évoluer ou de devenir eux-mêmes. C'est ce qui
arrive à l'enfant dès qu'il arrive à l'école
maternelle jusqu'à la fin de sa scolarité ; on ne tient pas
compte de ses ressources personnelles afin de pouvoir l'aider à
progresser et réussir, mais on l'appesantit de savoirs auxquels il
attribue souvent ni sens ni utilité.
Ainsi, après avoir exposé les
généralités et les principales caractéristiques du
« Moi social », nous allons tenter de le localiser et le
définir dans le champ de l'éducation spécialisée et
dans
187
187
le champ scolaire tout en tenant compte du contexte dans
lequel nous effectuons cette étude, i.e. le SAJ du Neuf-Brisach et le
Lycée Ettore Bugatti.
3.2.2. Le « Moi social » ou « Didactique
» dans l'éducation scolaire
En effet, le « Moi social » semble
être une entité répandue dans tout milieu éducatif
notamment dans le milieu scolaire, car dès l'accueil de l'enfant
à l'école, celui-ci est amené à être
éduqué selon un savoir, un savoir-faire et un savoir-être
normé par l'Education Nationale. Par conséquent, cela signifie
que tout notre système socio-éducatif est régulé
selon les principes du système « Moi social ».
Historiquement, l'école républicaine a vu le jour dans un
contexte réactionnaire face aux institutions ecclésiales qui
détenaient le monopole de l'éducation des enfants (Meirieu,
2000). L'un des objectifs de Jules Ferry et de ses affidés appartenant
au cénacle des lumières, fut d'arracher la France à
l'emprise de l'Église. Chalmel (2000 p. 298) explique ceci dans son
ouvrage intitulé « La petite école dans l'école
» : La construction de la IIIe république se
fait dans le cadre d'une importante laïcisation de la
société française, en opposition ouverte avec
l'église catholique et les partis cléricaux. En clair, les
instigateurs de l'école laïque et obligatoire ont voulu que «
chaque village soit doté d'une école républicaine dans
laquelle les instituteurs, formés comme des séminaristes
laïques, puissent instiller dans l'esprit des générations
à venir les valeurs universelles des lumières, de la nation et du
progrès » (Meirieu, 2000 p. 81). Comme cela a
été mentionné antérieurement, l'école
républicaine de Jules Ferry ne s'inscrivait pas dans une logique
égalitaire. L'école républicaine formait de deux types de
citoyens : Les enfants issus du peuple et ceux issus de la bourgeoisie ou de la
haute société. En effet, le système scolaire mis en oeuvre
par Jules Ferry visait un élitisme républicain (Ibid.,
p. 83). L'idéal républicain a donc pour finalité
éducative la fabrique « des meilleurs » et ce n'est
pas non plus une coïncidence si 30% du budget de l'enseignement
supérieur est alloué aux étudiants des grandes
écoles qui représentent seulement 6% de l'effectif des
élèves inscrits au supérieur (Fauconnier, 2004 p. 33).
D'ailleurs, Les résultats d'une enquête internationale montre que
la France, en matière d'éducation, aurait volontairement
négligé les premières années de scolarité
qui permettraient à l'élève de maitriser l'acquisition des
savoirs fondamentaux, c'est-à-dire lire, écrire, compter (Morel
S., 2014). Or, une maitrise de ces savoirs
188
favoriserait la réussite scolaire et réduirait
ipso facto l'échec scolaire. Ainsi, un extrait de cette étude
soulève la problématique suivante : « La France n'aurait
pas prêté une attention particulière suffisante à
l'apprentissage des connaissances de base et cela expliquerait les
piètres performances et le caractère très
inégalitaire de son système éducatif 138
». Le système scolaire tel qu'on le conçoit aujourd'hui, a
toujours tiré « les bons élèves vers le haut et
ceux qui ne sont pas bons vers la sortie » ou vers le bas (Meirieu,
2000 p. 84).
En clair, le système éducatif
préconisé par les politiques éducatives françaises
se fondent essentiellement sur une philosophie de performance
(évaluation-notes-diplôme) qui s'articule avec la culture
du monde du travail dans une société postmoderne comme le montre
les schémas ci-après.
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Performance
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Evaluation
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Diplôme
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Schéma du système scolaire classique
Evaluation
Travail
Diplome
Performance
188
Schéma du monde de l'entreprise
Schéma n°40 : La performance, finalité
éducative et professionnelle
138 La médicalisation de l'échec scolaire, Stanilas
Morel 2014, p. 60.
189
189
Jean Houssaye (1992) dans sa thèse intitulée
« le triangle pédagogique » pointe du doigt ce
système, qu'il considère comme rigide, stable, normatif,
créateur de règles, bureaucratique, protégé,
dirigé et orienté. C'est ce que nous appelons le « Moi
social » sur un plan idéologique-philosophique et «
didactique ». Dans l'éducation scolaire, ce système
dénature le « Moi » de l'enfant en transformant
celui-ci en « Moi social » au détriment de sa
personne, sa culture et son individualité propre. De l'école
maternelle jusqu'à la terminale le parcours scolaire de l'enfant est
jalonné et orienté par la didactique constituée d'un
ensemble de méthodes, programmes, contenus et évaluations. La
culture éducative française privilégie encore aujourd'hui,
que ce soit dans les lycées ou les collèges un savoir livresque
où les connaissances sont évaluées par des examens «
couperet » (Fauconnier, 2004 p. 68). D'un autre
côté, on constate que « les scandinaves n'utilisent
quasiment pas de notes dans le secondaire et que le système
éducatif américain est organisé autour du concept de
motivation dont le but est de faire émerger des vocations et des talents
» (ibid., p. 69). En effet, le « Moi social » ou
« Didactique » laisse peu de place à
l'épanouissement et la valorisation du « Moi » de
l'élève. Une étude de l'OCDE en 2013 montre que la
formation des enseignants en France est trop académique ou encore
didactique et met très peu d'accent sur le savoir-faire ou
l'enseignement des compétences en formation initiale. Cette
enquête souligne que 90% des enseignants s'estiment bien ou très
bien formés par rapport au contenu de la matière enseignée
contre 40% qui se sentent insuffisamment formés à
l'accompagnement ou à la pédagogie appliquée aux
matières enseignées139. Ce qui représente
« la proportion la plus élevée des 34 pays »
ayant participé à cette étude comme nous le montre le
tableau ci-après.
139 Série «Poliques meilleures» France 2015 (c)
OCDE 2015 p. 13-14
190
190
Figure n°41 : Enquête OCDE auprès des
enseignants
Note : Les pays sont classés par ordre
décroissant du pourcentage d'enseignants du premier cycle du secondaire
qui estiment avoir été« très peu
préparés » ou « pas du tout préparés
» quant à la pédagogie appliquée à la ou aux
matières enseignées
(Sources : OCDE, OCDE-TALIS 2013, tableaux 2.3 et
2.4,
http://dx.doi.org/10.1787/9789264214293-fr.)
140
Selon cette même étude, on constate que le niveau
d'instruction de la population française a considérablement
augmenté au cours de ces 40 dernières années. Ainsi, les
diplômés de l'enseignement supérieur représentent
43% parmi les 25-34 ans contre 39 % pour la moyenne OCDE et 20 % parmi les
55-64 ans contre 24 % pour la moyenne OCDE. Malgré la
démocratisation de l'accès à l'enseignement, la France
reste l'un des pays les plus inégalitaires de l'OCDE en matière
d'éducation au cours de ces dix dernières années. On
constate que « le système éducatif français est
maintenu par les élites ». Ceux qu'on considère comme
de « bons élèves » représentent «
1/3 des effectifs scolarisés de 15 ans ». En revanche,
l'étude poursuit en soulignant que « les élèves
issus de familles défavorisées sont trois fois plus susceptibles
de
140 Ibid., p. 14
191
191
devenir des décrocheurs que ceux qui issus de
milieux aisés »141. Fauconnier (2014 p. 68)
souligne que le système didactique établi en France tire les
meilleurs vers le haut et d'un autre côté « soutient les
plus faibles étant soutenus par des tuteurs ou renforcés par des
engrais ». En clair, les élèves de SEGPA ou de
lycée professionnel sont condamnés à rester dans une voie
professionnelle et n'ont quasiment aucune chance de pouvoir intégrer un
jour une Grande Ecole. En effet, le « Moi social » ou «
Didactique » dans notre système éducatif se
caractérise par « un apprentissage autoritaire et douloureux
» (Ibid., p. 76). Ainsi, l'école républicaine met en
exergue la discipline et les épreuves au détriment d'un «
apprentissage adapté et facilité » (op.cit.).
Toujours, selon Fauconnier (2004 p. 78) le « Moi social » ou
la « didactique » tient son origine depuis
l'Antiquité à partir de l'école de Platon avec la
finalité « une quête éperdue de pureté et
de perfection » (op.cit.). Cette école est disciplinaire,
théorique, livresque, didactique. Elle ne laisse aucune place aux
émotions et met l'enseignant ou l'expert dans une posture d'expert,
celui ou celle qui maitrise un savoir et qui a le pouvoir. Pour Platon, l'homme
civilisé est un intellectuel qui « contient ses sentiments
d'une main de fer et qui maitre de soi » (Ibid., p.79). De cette
approche, Platon met en exergue la « prééminence de la
pensée sur le ressenti, les émotions, l'apprentissage pratique et
privilégie la raison, l'abstrait et l'enseignement théorique
» (op.cit.).
La conception platonicienne induite en « Moi social
» ou « didactique » a un impact
considérable sur l'école républicaine et la
société française. Celle-ci a engendré pendant des
siècles et encore aujourd'hui des générations de personnes
enfermées dans un raisonnement dogmatique manquant cruellement de
souplesse d'esprit (Ibid., p. 91). Fauconnier (2004 p. 93) explique que ce
système éducatif « prépare les citoyens à
l'arrogance et ne les prépare pas à affronter l'échec
». En clair, le décrocheur ou le décroché n'a
jamais été préparé à faire face à son
échec, son crash social. Fauconnier (2004) poursuit sa réflexion
en pointant du doigt une école française « pétrie
de l'insolente conviction d'être dépositaire et vectrice de la
vérité universelle ». Ce qu'on obtient finalement comme
résultat d'un tel système, selon le l'auteur
141 Série «Poliques meilleures» France 2015 (c)
OCDE 2015 p.3
192
192
cité précédemment, c'est la fabrication
« d'esprits rigides qui sont de surcroit de mauvais perdants refusant
de se mettre en cause ou de se questionner ».
Tout cela emmène à une forme de sectarisme
intellectuel que Fauconnier (2004 p. 81) traduit par la phrase suivante :
« Si j'ai raison et que tu ne penses pas comme moi tu as tort
». Par voie de conséquence, Fauconnier montre que le «
Moi social » ou la « Didactique » met l'accent
sur la compétition, l'arrogance, l'autoritarisme, la passivité de
l'élève au détriment de l'engagement, de l'émotion
et du profil psychologique de la personne, de son « Moi ».
En effet, l'auteur souligne que tout cela a également des
conséquences néfastes sur la santé mentale des
français engendrant « un climat social déprimant
». Notons que la dépression est la maladie psychique la plus
répandue en France, touchant plus de 3 millions de personnes selon une
étude de Inpes en 2007142.
À la vue de certains indicateurs
présentés par Fauconnier (p. 81) sur la conception
idéologique de l'école Platonicienne, nous avons dressé le
schéma suivant sur la finalité éducative du « Moi
social » ou « didactique » :
Conception
Individualisme Spéculation/déduction Raisonnement
hypothético déductif Tête /Raison Ingénierie
de la formation
Compétition/ remédiation
Tête bien pleine culture de
supériorité
Intelligence abstraite
Savoir théorique
Dogmatique
Sélection
142
http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er860.pdf
p. 2
193
193
Finalité = Raffinerie, fabrique des meilleurs
Figure n°42 : Conception platonicienne, la
didactique
En définitive, l'élève en
difficulté scolaire qu'il soit un « décrocheur
» ou un « décroché » est une victime du
« Moi social ». C'est celui ou celle qui ne parvient pas
à se conformer au système, à entrer dans ce moule afin de
devenir un citoyen républicain performant. L'élève
décrocheur n'a donc pas retrouvé sa place dans ce système
et a connu un « crash social ». On pourrait relier le
vocable « crash » aux termes souvent employés par les
spécialistes en éducation comme : Décrochage scolaire,
fracas scolaire, échec scolaire, etc. Le « Moi » du
décrocheur a été dénaturé par le
système scolaire en « Moi social ». Après le
crash, le « Moi social » est fracassé, il n'existe
plus et devient un « Moi Marginal ». A ce stade de
marginalité, l'élève peut sortir complètement du
système scolaire ou peut être présent physiquement en
étant absent avec son esprit. Il faut souligner également que
notre système éducatif ne prépare pas l'enfant à
gérer ou confronter l'échec.
Ainsi, Chalmel (2015 p. 11) précise ceci : «
Ni l'école, ni la famille, ni les institutions sociales, ne nous
apprennent à tomber. L'échec n'a aucune valeur dans l'ascension
sociale ». En conséquence, l'élève
décrocheur ou en échec scolaire se retrouve fracassé,
brisé dans son for intérieur par le système. Ainsi,
celui-ci nécessite d'un accompagnement spécifique pouvant l'aider
à rebondir et vivre une expérience de résilience en tenant
compte de son « Moi » (Modèle op.cit., Chalmel,
2015)143. Il faudra souligner également que les concepts
savoir, savoir-faire et savoir-être préconisés
comme finalités éducatives dans la formation professionnelle
relèvent de la conception Platonicienne ou de la « didactique
» (Chalmel, 2015). En effet, sur le plan didactique, ces trois
concepts peuvent se définir comme nous le montre le tableau
ci-après.
143 Cité en début de partie sur le Moi social, page
153.
194
194
Didactique (Moi social)
|
Savoir
|
Somme de connaissances à assimiler.
L'apprenant doit apprendre pour apprendre. La plupart des
notions apprises en cours ne font pas sens pour l'apprenant et celui-ci ne
parvient pas faire le lien entre le savoir acquis et le concret.
|
Savoir-faire
|
Somme de représentations mentales à
réactualiser par l'apprenant face à une
tâche selon une procédure spécifique et
préétabli
découlant soit de l'expérience ou
d'un référentiel de compétences construit par des
experts. Dans cette configuration une seule et même méthode
s'impose : Celle qui est préconisée par la procédure. Se
limite à un geste professionnel. 144
|
Savoir-être
|
Ensemble de convenances sociales à
respecter selon une culture d'entreprise ou la
politique d'organisation. Dans ce cadre,
l'apprenant apprend à réagir à
son environnement de travail en fonction des normes implicites ou explicites
imposées.
|
Tableau n°43 : Principes de base de la
didactique
144 (Le Boterf, 2000 p. 76)
195
195
In fine, aucun de ses concepts ne tient compte des aspirations
personnelles ou du « Moi » de l'apprenant. Dans ce
système, l'apprenant doit être confronté en permanence
à une déstructuration de son « être »
pour se conformer aux exigences du « Moi social ». Dans son
ouvrage sur l'éducation thérapeutique, Chalmel (2015 p.14)
précise que le « savoir est universel, invariable et que la
compétence est inhérente à un contexte ou un
problème particulier ». En d'autres termes, être bien
formé ne signifie nullement « être expert ou
détenteur d'un savoir ». En l'occurrence, la personne bien
formée est celle qui sera capable de résoudre un problème
en tenant compte du contexte. Or, dans notre système scolaire
fondé essentiellement sur la didactique on constate qu'on continue
encore aujourd'hui à « évaluer les quantités de
savoirs ou des performances et non des compétences » (Ibid.,
p. 14). Ainsi, notre réflexion nous ouvre à de nouvelles
perspectives en matière éducative qui nous emmènent
à poser la question suivante : Est-ce que l'école doit enseigner
le savoir ou les compétences aux élèves
? A partir de ce questionnement, nous tenterons de définir le concept
« Moi » par opposition au « Moi social »,
et nous définirons également le concept «
pédagogie » par opposition à la «
didactique » dans le champ de l'éducation
spécialisée et le champ scolaire.
3.2.3 Le « Moi social » ou « Pression
sociale normative » dans l'éducation spécialisée
Dans le cadre d'une évaluation en Master 1 de Sciences
de l'Education à l'Université de Haute-Alsace, nous avons
analysé une séquence d'un film intitulé « Quatre
minutes » qui nous a rendu attentifs à ce paradoxe
invraisemblable entre ce qu'une personne meurtrie, l'héroïne du
film, Jenny (une prisonnière et jeune musicienne prodige), devait «
produire » -et devenir- pour différents « Moi social
» (identifiés dans le film par le cadre institutionnel
carcéral et sa professeure de piano, une octogénaire
également abîmée par la vie), alors qu'elle n'avait qu'un
souhait : être libre et s'exprimer à travers le piano («
Moi »). Plusieurs scènes montrent qu'il lui interdisait de
jouer du piano en-dehors du cadre règlementaire (Sans la professeure,
sans les mains détachées, avec des mains qui ne soient pas
abîmées, dans un rythme musical qui ne soit ni
effréné, ni enjoué), ce qui était à
l'inverse de ce que Jenny souhaitait. Celle-ci manifestait avec d'autant plus
de force son souhait et son besoin de laisser libre court à son
expression, quels que soient son apparence, le contexte et le cadre.
196
196
Somme toute, il est aisé d'imaginer une
corrélation entre cette pianiste prodige et les personnes adultes en
situation de handicap mental, pour lesquelles la vulnérabilité
induit un risque de formatage et de coercition par les personnes « non
handicapées », à la différence entre autres que
les personnes en situation de handicap ne sont pas toujours conscientes de leur
individualité et de leurs aspirations.
D'autre part, sauf cas exceptionnel, les personnes en
situation de handicap ont toutes été baignées dans un
processus d'éducation empreinte de « Moi social » en
raison des interactions à minima avec les personnes qui les ont
élevées, éduquées (au niveau scolaire, familial,
etc.) et qui ont été leur modèle intégrateur.
Qu'elles aient vécu leur petite enfance dans le cocon «
familial » ou « institutionnel », le processus
éducatif s'est construit sur un modèle citoyen inhérent au
« Moi social », qui a impliqué une soumission «
naïve » aux exigences sociales normatives. Leur développement
personnel à travers ce système a pour finalité une bonne
intégration sociale, l'acceptation et la reconnaissance sociale, etc.,
avec le risque d'atrophie du « Moi » -puisqu'il
n'apparaît pas dans le processus-. Selon la norme d'éducation,
« une intégration sociale réussie » est
conditionnée par un processus de conformation des aspirations du «
Moi » aux exigences normatives du « Moi social
».
Dans ce sens, ces personnes sont marginalisées
dès le départ par leur handicap et se heurtent à ce que
Chalmel appelle un « crash social ». Malgré leurs
aspirations à être comme les autres et à être
acceptées par le « Moi social » dont certaines
ressentent parfaitement les attentes et les exigences des pairs/professionnels
ainsi que les enjeux, elles vivent d'importantes frustrations et
désavantages liées à leur handicap, avec une conscience
fine de l'impossibilité de s'épanouir dans un système de
« Moi social » et ceci même avec le soutien d'un
tiers. Car, leur « état » ne correspond pas à
la norme sociale. Pour la plupart, elles ne pourront accéder à
une formation professionnelle (l'ESAT étant déjà un
dispositif « favorable » à la stigmatisation
lorsqu'on en pointe son intitulé), ni à l'apparence d'un «
bon niveau de vie » (Ressources importantes, « bon niveau
social », etc.). Quant à celles qui occupent un emploi hors du
dispositif spécialisé, leurs retours mitigés
évoquent souvent les frustrations liées au regard d'autrui
désignant la différence, l'infériorité,
l'insignifiance ou la faiblesse. Cette impossibilité de
conformité aboutit à « une
197
197
exclusion » du système « Moi
social » vers la construction d'un nouveau type de « Moi
» que Chalmel dénomme le « Moi marginal »
(op.cit., p.10).
En effet, le « Moi social » est à
l'image d'une montagne d'exigences et de normes que leur handicap ne peut ni
affronter ni dépasser. De fait, elles se retrouvent assujetties à
une forme d'enfermement imposé dont elles ne peuvent s'extraire et sont
tourmentées par un ensemble de frustrations ingérables et
répétitives. La dépression risque fortement de s'imposer
comme une forme de relâchement et de désespoir (« Je n'y
arriverai jamais, je n'existe pas. »), auxquels s'ajoutent souvent
d'autres troubles (alimentaires, émotionnels, etc.) et in fine
l'effacement progressif des aspirations et des ressources du « Moi
» -déjà peu affermi à la base-.
Par ailleurs, si un professionnel parvient à discerner
la problématique de la personne et cherche à renforcer son «
Moi » intérieur à travers des méthodes
pédagogiques, la difficulté reste néanmoins de taille en
ce qui concerne la renaissance du « Moi » qui a
été dénaturé et affaibli par le « Moi
social » Il est donc nécessaire pour cette personne d'entamer
dans un premier temps un travail de deuil concernant cette quête
imaginaire et impossible de conformité au « Moi social
», sachant que des mécanismes de défense tels que le
déni risquent de rentrer en jeu, avant même que le sujet n'entame
le processus de deuil. En somme, la finalité de tout ce travail de deuil
n'est pas la guérison (Chalmel, 2015 p.12) comme chez certains patients
malades ou la restitution de la vie sociale antérieure du sujet qui a
connu un « crash social » mais plutôt un processus de
réappropriation du « Moi » conduisant celui-ci
à un processus de construction identitaire et de résilience
(Pourtois, Desmet, & Humbeeck, 2012). C'est aussi à cette
étape que se jouent les forces en présence, entre un processus de
questionnements (provoquant les doutes) et le déni quant aux propres
représentations de la personne en situation de handicap. A ce stade
d'accompagnement vers le deuil du « Moi social » chez la
personne en situation de handicap, l'enjeu devient énorme et complexe en
raison des facteurs suivants :
? La faible estime de soi, le sentiment récurrent
d'échec,
? L'absence de désirs et de projections vers une
appropriation à soi, pouvant être lié à la
dépression, à la méconnaissance de ce qui touche son
individualité, au sentiment de vide intérieur, aux
problématiques du handicap, etc.
198
198
? La complexité de l'environnement relationnel et «
médiatisé » du « Moi social »
-incluant aussi les soutiens de résilience-.
Dans un premier temps, cela signifie également que le
processus d'accompagnement tendant à la résilience de la personne
est un long chemin, qui nécessite beaucoup de persévérance
et de soutien de proximité de la part de l'accompagnant, comme un «
étayage en termes de soutien méthodologique et personnel de
l'espace à franchir entre intention et action, entre compétence
et mise en oeuvre » (Paul, 2002).
En second lieu, cela démontre l'importance de la «
qualité » de la posture du soutien de résilience mais
également des finalités éducatives qu'il souhaite viser
pour la personne.
Aussi, lorsqu'il a été question de mener
l'enquête auprès de ce public à besoins spécifiques
afin de vérifier leur propre perception de leur accompagnement à
l'un des deux « Moi », il s'est avéré complexe
d'en ressortir une compréhension éclairée qui ne soit pas
induite par un ensemble de facteurs internes et externes liés au «
Moi social » (chez les personnes). Mon expérience
d'accompagnement auprès de ces personnes vulnérables a
révélé maintes fois que, pour la plupart d'entre elles,
elles sont extrêmement craintives intérieurement et liées
au regard et au retour des personnes non handicapées (d'autant plus
celles qui les accompagnent). D'autre part, il aurait non seulement
été extrêmement laborieux de les amener à prendre
conscience du type d'accompagnement dont elles bénéficient, mais
aussi de leurs attentes ou aspirations -sans compter le manque de temps
manifeste-. C'est pourquoi, notre enquête porte sur des investigations
liées à la compréhension et à la présence du
« Moi social » et du « Moi » des
professionnels socio-éducatifs qui les accompagnent.
Comme nous l'avons évoqué, le « Moi
social » est manifestement intégré dans la
mentalité française, et l'institution sociale, à
proprement parler des professionnels socio-éducatifs et des cadres, ne
semble pas y échapper. Il se développe quels que soient les
champs d'actions et les contextes institutionnels, bien que certains favorisent
sa présence et son renforcement (idéologies à tendance
sectaire, didactique, etc.). Dans notre questionnement empirique, il a
été
199
199
question de la présence et du renforcement du «
Moi social » dans un contexte favorisant la prise de pouvoir
dû à l'absence de position managériale et
institutionnelle.
Néanmoins, la question de l'accompagnement dans les SAJ
s'avère très variable selon les structures d'accueil, et nos
observations montrent une tendance didactique des professionnels à
amener les personnes à entrer dans la configuration des
savoirs, des savoir-faire et du savoir-être, à les
connaître et à les vivre. Pour certains professionnels, leurs
représentations se traduisent à travers le regard de
l'a-normalité des personnes et il se manifeste par des
difficultés d'acceptation de leur attitude inconvenante, leur
infirmité déplaisante, leur folie expressive, leurs comportements
à risques face aux personnes « normales ». Ces
dernières activent alors leur rôle en mode vigilance et
contrôle, de peur de déstabiliser l'environnement social «
commun ». Cette configuration constitue un facteur favorisant un
accompagnement au « Moi social » par des injonctions
à ce que les personnes sachent être adaptées socialement,
à être modérées, décentes, passives, etc. Et
par voie de conséquence, à ne plus pouvoir « être
elles-mêmes ». Nous avons aussi observé d'autres modes
de fonctionnement induisant des finalités au « Moi social
» à l'égard des personnes qui se construisent selon des
modes de pensée ou idéologies, tels que « Les personnes
et mon professionnalisme seront mieux acceptés et reconnus si mon
travail d'éducateur les rend socialement adapté »,
«Le handicap des personnes doit être de moins en moins visible
pour pouvoir être citoyen. », « Je dois
contrôler et veiller sur les comportements des personnes afin qu'elles ne
dépassent pas le cadre que je fixe. », etc. In fine,
la posture didactique semble visible et manifestement présente dans les
pratiques professionnelles de certains travailleurs sociaux (à travers
la position d'expert, la pression normative, etc.) qui visent le but suivant :
Amener la personne à un « certain » savoir, un savoir-faire et
un savoir-être afin de devenir une personne qui corresponde à leur
idéal-ou à celui du système-. De fait, ces pratiques
peuvent faire l'objet de risques majeurs pour les personnes (la
dépendance des personnes, la dévalorisation, la crainte,
l'anxiété, le sentiment d'échec, etc.),
renforçateurs des désavantages liés au handicap manifeste
et inhibiteurs de leur individualité.
200
200
Qu'en est-il du « Moi social » au niveau de
la posture du cadre supérieur en lien avec les travailleurs sociaux ?
Nous observons un environnement autour de l'institution et du travailleur
social qui, d'après Honorez145, est en tension, dans un
contexte où l'Economie française s'inscrit dans une «
rationalisation des moyens » et l'action sociale, dans une «
individualisation des réponses aux attentes des (usagers devenus)
clients » (Loi 2002) avec des exigences de résultats. Cette
rationalisation des moyens dans les institutions médico-sociales
prend-elle l'allure du taylorisme146 ? Est-elle liée à
la nouvelle configuration des propositions actuelles de postes des cadres, qui
promeut les éducateurs spécialisés comme Chefs de Service
(en poste dans plusieurs structures) et qui propose la direction de plusieurs
établissements à un seul Directeur ? Pour les cadres, les
difficultés sont de taille dans un contexte de crise de l'action
sociale, qui « est profondément remise en cause en termes
d'efficacité, de rationalité et également de
légitimité par l'Etat, les mouvements sociaux, les professionnels
eux-mêmes et les usagers. » (Ibid.), ajoutant qu'il s'agit
d'être innovants, réactifs, « avec des solutions à
court terme tandis que le développement durable nécessite de
penser et d'inscrire l'action dans le long terme. » De cette crise
surgit, selon lui, « une nouvelle psychosociologie à laquelle
les établissements devront s'adapter » aux revendications des
personnels et usagers (flexibilité, mieux-être personnel) et
à la réalité contextuelle (démographique,
culturelle et ethnique, le développement durable, etc.). A ce titre, on
peut s'interroger sur ces revendications des personnels invoquant un
mieux-être, seraient-elles en lien avec leurs ressources
matérielles et/ou en rapport avec un mal-être professionnel niant
leur individualité professionnelle et personnelle ?
Cette configuration institutionnelle risque fortement
d'induire un « manque d'orientations claires, de recentrage et la
présence de flous institutionnels, fonctionnels ou autres »
(ibid.) provoquant de nombreux dysfonctionnements, tels que la perte ou la
recherche de sens, la rotation du personnel, les difficultés ou
faiblesses managériales et de communication intra-
145 In Communication pour le Congrès 2011 de l'AIFRIS. In
site
http://aifris.eu/03upload/uplolo/cv830_57.pdf
146 « Méthode d'organisation scientifique du
travail industriel visant à assurer une augmentation de la
productivité (...)» In Centre National de Ressources
Textuelles et Lexicales.
201
201
équipe, la dissémination des pouvoirs, les
exigences, etc. Les risques peuvent être considérables dans le
système de l'organisation sociale. Comme nous l'avons observé, ce
dernier peut alors basculer dans une forme de pression normative voire
coercitive (« Moi social ») selon les propres cadres de
références (idéologies, principes, représentations,
etc.) des travailleurs sociaux, du fait également de l'absence de
management, de formation professionnelle (VAE sans formation initiale) ou
d'espaces de parole (Supervision, analyses des pratiques, etc. avec un tiers
favorisant le retour réflexif). Néanmoins, malgré ces
espaces de paroles possibles (pour défricher, déconstruire et
reconstruire de manière coopérative), nous avons observé
qu'il arrive que des membres soient implicitement ou explicitement exclus et
amenés à une place extérieure au système, prenant
ainsi une position de « Moi marginal ». Cette position prend
la forme muette (par l'incapacité ou l'impossibilité de parler)
ou la forme syndicale (où tout argumentaire et revendication sont alors
vains), lorsque le système normatif du « Moi social »
est en position de force, se renforce et qu'il n'y a pas d'alternative
proposée. Le processus d'engagement dans ce système normatif par
les membres du système se fait de manière différente selon
les individus. Les uns ont pu y être entraînés (sans
véritable prise de conscience), d'autres ont choisi
délibérément d'y adhérer (de peur d'être
exclus ou par conviction progressive de la légitimité des normes
sociales prescrites) et d'autres membres plus conscients de la situation
normative ont joué la politique de l'autruche.
Par conséquent, le travail d'équipe risque
d'étioler la reconnaissance des compétences des pairs et la
confrontation à la différence, et il fait l'objet de pertes de
sens, de cohérence, etc. par l'absence de solidarité, de
stimulations, d'ajustement réciproques et de partages des
représentations et des valeurs. Chaque membre de l'équipe se
retrouve à jouer un « persona » qui adhère et
se soumet aux injonctions normatives sociales. Dans notre questionnement
empirique, nous avons observé que les professionnels en proie au «
Moi social » et « livrés à eux-mêmes
» ont tenté de maintenir le cap selon leurs propres ressources
et principe idéologiques. La marginalisation des personnes non conformes
s'est étendue et la dynamique du travail d'équipe ainsi que la
qualité de l'accompagnement ont entraîné le
développement d'un formatage vers le « Moi social »
des personnes prises en charge et des professionnels. Les conséquences
manifestes auprès des professionnels provoquent non seulement des
pressions
202
202
normatives coercitives à l'égard de l'ensemble
des personnes (de la structure), mais induisent également la
fragilité des professionnels (générée par des
doutes, des interrogations, des symptômes d'épuisement,
etc. et in fine, à
l'étiolement de leur propre « Moi ») et le rejet
conduisant au « Moi marginal » des professionnels non
conformes.
Dans la théorie systémique147, un
système est toujours ouvert et évolutif, empreint d'interactions
(implicites et explicites) entre sous-systèmes et comprenant
différents types de gestion (informations et leur accessibilité,
la communication, l'histoire et les mythes, etc.). Dans cette situation-type,
le système s'est construit à travers la domination d'une
mentalité idéologique à finalités éducatives
sociales, qui s'est progressivement refermé sur lui-même et
opérant sa structure organisationnelle de manière
indépendante, selon des compétences hiérarchisées
et des prescriptions de règles de fonctionnement. La rencontre d'un
« marginal sécant » (Aapellation d'une personne
passerelle en relation entre les systèmes) proposant une alternative
à cette mentalité normative, peut faire l'objet de
reconsidération, de déconstruction et de reconstruction des
représentations des membres du système, sous certaines conditions
propres à la configuration des systèmes « fermés
».
Au niveau hiérarchique dans une organisation sociale,
les finalités du « Moi social » peuvent
également être mises en exergue par les fonctions de Direction.
Dans ce cas, cette dernière accorde de l'importance au règlement,
aux cadres de références (performance des professionnels,
contrôle et évaluation, contenus et exigences imposées sans
prise en compte du professionnel et de son individualité, etc.-) et aux
attendus (perfection, efficacité, rendement, etc.). La Direction
s'inscrit alors dans une posture d'expert, donnant une importance
marquée à son statut (hiérarchique). Une relation
asymétrique est renforcée par l'indifférence à
l'individualité du professionnel (à ses compétences,
à son identité, à ses affects, à sa
subjectivité ... ou pourrions-nous dire, à son humanitude, dans
certains cas). Le « Moi social » signe ainsi
147 Références aux enseignements «
L'approche systémique » de monsieur Kern, Master 2.
203
une diversification de comportements et d'actions qui sont
empreintes de dénaturation du « Moi » des
professionnels, ces derniers cherchant à plaire, à être
acceptés et reconnus par leur hiérarchie dont les standards
d'approbation socioprofessionnelle se situent dans les dimensions de rendement
et d'efficacité professionnels (et non de leur bien-être et de
leur développement professionnel et personnel), voire d'autres
indicateurs subjectifs. D'autre part, ces conduites adoptent alors une
uniformité de comportement face aux exigences et à la pression
normative, ce qui laisse à penser que leur liberté s'inscrit dans
un cadre de référence niant ou rejetant toute forme de
résistance. J'ai observé qu'en situations de tension montante ou
de crise avérée, la Direction a pris une posture empathique et
adaptative face aux professionnels, acceptant cette fois un processus de
convergence visant l'individualité du professionnel tout en osant la
relation. Aussi, le « crash social » de la personne peut
favoriser la perception et la prise en compte de la subjectivité et de
l'individualité du professionnel, mais l'on peut d'une part,
s'interroger sur la temporalité de cet « accompagnement
» par la hiérarchie et d'autre part, sur la prise de
conscience des finalités visées par la hiérarchie à
l'égard du professionnel, à long terme.
Pour prolonger la réflexion relative à la
présence du « Moi social » au niveau institutionnel,
il ses finalités peuvent être relevées en termes de
performances et de reconnaissance sociales (la performance du Service, le taux
de remplissage excédentaire, la meilleure argumentation possible pour
l'obtention de budgets, le Projet d'établissement finalisé
épais de 300 pages, etc.), en termes de statuts hiérarchiques par
une position de supériorité et de reconnaissance sociale (selon
les secteurs : médical, psychiatrie, social,
etc. et dont les conséquences
résultent fort souvent de conflits interdisciplinaires). Le «
Moi social » y est agissant et favorise grandement la
complexité et la difficulté du travail socio-éducatif et
plus encore, de l'accompagnement de la personne centré vers son
individualité et son bien-être.
203
3.3. Conceptualisation du « Moi »
204
204
Selon Cuvillier (1954)148, l'individu biologique
est un « être original » (il n'existe pas deux
individus identiques) et « solidaire » (toutes ses parties
sont interdépendantes et coopèrent à la vie de
l'ensemble). En philosophie, la notion d'individu se définit comme un
« être humain en tant que réalisant son type et
possédant une unité et une identité extérieure de
nature biologique » et se définit comme « sa
personne, soi-même, sa santé, son corps.
»149. Toutes ces formes d'appropriation de l'individu
représentent le « Moi » qui a un « soi
» et qui est aussi un être pensant : « quisnam sim ego
ille, qui jam necessario sum » (littér. Ce que je suis,
moi qui suis certain que je suis) de Pascal, faisant
référence à la fonction cognitive humaine «Cogito
ergo sum » (Littér. Je pense donc je suis). Platon le
définit de « subjectivité » et Socrate, «
d'appréhension spontanée que nous avons dans nos
pensées, de nos tendances, de nos désirs, de ce qui est de nous
et pas de nous, de ce que nous admettons comme étant notre
personnalité ou ce que nous rejetons comme étant en quelque sorte
parasite. »150. Cela nous montre que l'esprit
inhérent au « Moi » de l'individu se débat
ainsi avec ce qui relève du rapport à l'autre, au monde, à
travers ses idées, ses impulsions, ses appréciations, sa
personnalité, etc. Ce « Moi » représente aussi
un être vivant « sentient » qui relève d'un
« principe métaphysique qui fait l'unité, le propre de
la personne par-delà la diversité de ses pensées, de ses
sentiments, de ses actes, c'est-à-dire la réalité
permanente et invariable considérée comme substratum fixe des
accidents simultanés et successifs qui constituent le moi empirique
» (Lal, 1960)151. Notion « d'expérience
vécue » que Durkheim152 relie à celle de
l'individualité et de la personnalité
(différenciées des autres individus) par leurs propres «
convictions, leurs préférences personnelles, etc. »
marquantes dans la singularité de chaque individu.
148 Cuvillier (1954). Cours de philosophie, Armand
Colin. In Wikipédia.
149 Selon le site du Centre Nationale des Ressources Textuelles
et Lexicales
150 Notes de séminaires de Lacan, 1954-1955, in
http://www.valas.fr/IMG/pdf/S2
LE MOI.pdf
151 In Centre des Ressources Textuelles et Lexicales
152 In Terrier, J. (2012).
205
205
Dans la conception psychanalytique, le « Moi
» fait référence à Castel & Haroche (2001,
p.151) à partir du principe « d'appropriation » de
soi dans l'énonciation du principe de propriété
privée (être propriétaire de soi) et à la
théorie Freudienne (Ibid). Cette dernière prend en compte la
dimension de la psyché de la personne, par l'activité psychique
inconsciente (échappant à des certitudes) et le conscient
où le « je » se formulent à travers le
langage, le dialogue et la communication. Pour Freud, le « Moi
»153 a cette possibilité de surgir à travers
la cure analytique, qui permet de reconquérir les blancs de son histoire
en établissant une continuité entre le conscient et
l'inconscient. Il est investi de trois phénomènes psychiques, par
leur évolution, leur économie (tendre vers une forme de paix
psychique pour réduire le conflit intrapsychique : entre l'individu et
son milieu ou à l'intérieur de lui-même), et leur
caractère spatial. Ce dernier a fait l'objet de deux classifications sur
l'organisation du psychisme : En premier abord, la première topique
(Représentation du conscient, du pré-conscient et de
l'inconscient), puis la deuxième topique. Il identifie cette
dernière sous forme de trois concepts. D'une part, le Ca -qui
est le pôle pulsionnel de la personnalité, avec les pulsions et
besoins biologiques, régis par le principe de plaisir. Ensuite, le
Moi, en contact avec le monde extérieur, avec des contenus
conscients et inconscients, régis par le principe de
réalité. Enfin, le Surmoi, une instance du Moi, qui est
en lien avec le désir et la loi.
Pour Lacan, le « Moi » développe
l'idée que le « je est un autre », « le
sujet est décentré par rapport à l'individu » et
que dialoguer avec ce « je » est complexe parce
qu'appartenant à une autre vérité, celle qui est
reliée à la libido, « le processus primaire ».
(ibid). Pour ce psychiatre et psychanalyste, l'identité du sujet
pourrait se définir dans « le stade du miroir » comme
« Je me vois donc je suis »154. Toujours en
tension entre un « je » (qu'il nomme « sujet de
l'inconscient » et un « Moi toujours social »
(posés par rapport au corps et à l'ordre social approuvé
par un adulte), elle se définit dans une « aliénation
active du sujet à une image » dans
153 In Cours de Psychopathologie, enseignés par Madame
Gavens, Master 1.
154 In site Lacan-Le stade du miroir-L2metz
206
206
le « stade du miroir ».155 Cette
« aliénation » au « Moi toujours social
» peut-elle être déstabilisée voire brisée
lorsqu'un autre, accompagnant dans une posture éthique, essaie de
permettre à ce « je » « de poser à la fois son
ressenti, ses expériences (où) il a essentiellement un rôle
de miroir : de permettre à l'autre de marcher » ? «
L'accompagnement n'anticipe pas la marche de l'autre, mais il essaie de
permettre à l'autre de prendre conscience des différents
problèmes et de les résoudre par lui-même »
(Chalmel, ibid)156 ?
Le « Moi » s'énonce aussi par
l'idée du capital humain (dont la théorie du capital humain a
été développée par Becker en termes de
finalités économiques), concept représentant l'ensemble
des connaissances, aptitudes, talents, expériences, qualifications
accumulées par un individu. Chaque individu a un capital social,
culturel, linguistique, etc. à un moment donné de son existence,
puisque celui-ci évolue constamment. Ce capital est par essence
relié à l'individualité de la personne, le « Moi
», puisqu'il en est propriétaire, auteur et acteur singulier.
Le « Moi » serait donc évolutif et en constante
modification.
Corrélé à divers éléments
du développement psychosocial de l'individu que Desmet (2012) situent
dans le cadre du processus de résilience, nous identifions le «
Moi » de l'individu selon le modèle théorique de
référence proposé. Il s'agit d'un «
référentiel spéculatif » représentant
l'identité de la personne en fonction de l'expression de ses «
besoins (affectifs, cognitifs, sociaux et conatifs) à travers les
processus d'affiliation, d'accomplissement, d'autonomie et d'idéologie
qui favorisent l'épanouissement et l'inscription au sein d'une
communauté humaine. » (ibid., p.10). Nous proposons de le
comprendre à travers un tableau relevé dans un ouvrage de
Desmet&Pourtois (2004), dans lequel les besoins conatifs
énoncés dans l'ouvrage L'éducation postmoderne
(1997) ont été remplacés par les besoins de
valeurs.
Ce modèle recense les quatre types de besoins
correspondant à des courants pédagogiques spécifiques qui
sont chacun reliés à un besoin fondamental. Le « Moi
» de la personne est ainsi
155 Dans le développement de l'enfant (In
Wikipédia).
156 Enseignements en Master 2.
207
207
corrélé à un processus identitaire qui se
construit à travers des axes affectif, cognitif, social et
idéologique.
Tableau n°44 : Modèle du paradigme des douze
besoins psychosociaux (Pourtois et Desmet, 2004). (Sources :
enseignement.be).
Aussi, l'identité, l'individualité, la
personnalité, le corps, l'âme, un capital affectif, cognitif,
social, idéologique, culturel, linguistique, empirique, etc.,
exprimés en termes de besoins, de tension, de processus, ... constituent
ainsi ce que nous appelons « Moi » de chaque être
humain.
3.3.1. Pédagogie & « Moi » par
opposition à la « Didactique » & « Moi social »
dans le champ scolaire
Dans le champ scolaire, le « Moi social »
ou la « didactique » est en opposition avec le «
Moi » puisque celui-ci ne tient pas en compte de l'aspiration
personnelle, propre de l'individu dans l'accompagnement. En revanche, la «
Pédagogie » se donne pour objectif d'accompagner le «
Moi » de l'apprenant dans le processus d'apprentissage. Le
concept « pédagogie » est souvent
208
208
confondu avec la « didactique » dont la
finalité consiste à transmettre un savoir, un savoir-faire et
savoir être tandis que la pédagogie se définit comme
l'art d'éduquer ou d'accompagner au savoir. Le Larousse la
définit comme « ensemble des méthodes utilisées
pour éduquer les enfants et les adolescents » et
l'APPAC157 la présente comme « l'art d'enseigner ou
les méthodes d'enseignement propres à une discipline, à
une matière, à un ordre d'enseignement ». Si la
première définition donnée par Larousse nous semble
à peu près juste, celle de l'APPAC, à notre sens n'est pas
tout à fait correcte.
La pédagogie n'est pas un art d'enseigner
comme le prétendent souvent la plupart des professionnels de
l'éducation. Au contraire, étymologiquement la pédagogie
se définit plutôt comme l'art d'accompagner. En effet, le mot
« pédagogue » vient deux mots grecs : Paidos
qui signifie « enfant » et Agein qui signifie
« conduire ». Dans l'antiquité, le pédagogue
était généralement un esclave qui conduisait l'enfant de
son maitre à l'école158. En outre, il faudra noter que
le terme « enseigner » renvoie toujours à
l'idée d'une transmission de savoir et non à un
accompagnement. Or, la transmission d'un savoir quelconque relève
particulièrement de la « didactique ». En clair,
celui ou celle qui enseigne se retrouve dans une posture d'expert par rapport
à l'apprenant, ce qui implique une relation verticale. En revanche,
celui ou celle qui accompagne dans une situation éducative ou
d'apprentissage est dans une posture d'accompagnant, de guide, ce qui suppose
une relation horizontale par rapport à l'apprenant. Ainsi, les valeurs
référentielles de l'accompagnant au « Moi » ne
procèdent pas d'un axiome professionnel spécifique mais bien d'un
support : La relation.
En somme, la pédagogie met en exergue la «
relation » avec l'apprenant dans une situation éducative
ou d'apprentissage alors que la didactique met plutôt l'accent sur «
la transmission », c'est-à-dire les moyens et les
méthodes pour transmettre un savoir. Ainsi, la pédagogie est un
art tandis que la didactique est une science. De ce fait,
tout le monde peut s'improviser
157 Association Professionnelle de Professeurs et Professeures
d'administration au collégial.
http://www.appac.qc.ca/pedagogie.php.
158 Définition de CNRTL (Centre National de Ressources
Textuelles et Lexicales).
209
« pédagogue » que ce soit l'avocat,
le parent, le médecin, l'éducateur, le pasteur, le prêtre,
le rabbin ou l'imam, etc. Car, « la pédagogie relève
d'une éthique, d'une manière d'être envers le monde et les
autres, ses valeurs de référence ne peuvent être
confisquées par un champ professionnel spécifique »
(Chalmel, 2015 p. 16).
Nous avons vu précédemment, que la «
Didactique » ou « Moi social » tient son
origine du point de vue idéologique de l'école Platonicienne.
Cependant, la « Pédagogie » quant à elle, tire
son origine de l'école d'Aristote. Car, pour ce dernier, « la
connaissance provient pour l'homme de ce qu'il voit, ressent et
expérimente par ses sens au contact du monde extérieur et des
choses matérielles » (Fauconnier, 2004 p. 78). L'école
aristotélicienne met donc en valeur les émotions et sensations
ressenties soit de l'intérieur ou de l'extérieur par l'apprenant
(op. cit.). Celle-ci tient en compte des mécanismes de transfert et de
contre-transfert dans la relation éducative. En l'occurrence, il ne
s'agit pas simplement de transmettre mécaniquement un « message
» à l'apprenant en situation d'apprentissage sans tenir compte
de ses émotions, ses capacités, son rythme et son profil
psychologique. Ainsi, le tableau ci-dessous illustre la conception
Aristotélicienne et sa finalité sur le plan éducatif
(Fauconnier, 2004 p. 81).
Conception
Ingénierie des compétences
Différenciation/ Explication/démonstration Métissage
Coopération
Travail en
groupe Observation/induction Raisonnement inductif
Coeur/ Émotion
Intelligence pratique
Tête bien faite
Pragmatique
Savoir agir
209
Finalité = Pépinière. Culture de
diversité.
210
210
Tête bien
faite Différenciation/ Explication/démonstration Métissage Coopération Travail
en groupe
Observation/induction
Raisonnement inductif
Intelligence pratique
Coeur/Emotion
Pragmatique
Savoir agir
Raisonnement hypothético
déductif Tête/ Raison
Compétition/reméidation
Spéculation/déduction
culture de supériorité
Intelligence abstraite
Savoir théorique
Tête bien pleine
Individualisme
Dogmatique
Sélection
Ingenierie des compétences
Ingénierie de la formation
Aristote Platon
Pédagogue VS Didacticien
Tableaux n° 45 : Tableaux des conceptions
idéologiques de pédagogie et de didactique.
Si le cadre didactique ou social normatif relève d'un
savoir, savoir-faire et savoir-être, la pédagogie quant
à elle relève d'une éthique, d'une manière
d'être envers le monde et les autres (Chalmel, 2015, p.16) reposant sur
trois principes fondamentaux : Ergonomie cognitive, savoir-agir et
éthique (Ibid., p. 14). Ces principes sont en rupture avec la
tryptique didactique du savoir, savoir-faire et savoir-être.
Selon Chalmel (2015, p. 14) les principes fondamentaux de la pédagogie
s'articulent autour de trois axes ou aptitudes : « Décrire,
modéliser159 et transférer ». Le
pédagogue a donc pour mission de faciliter le développement
intellectuel de l'apprenant en tenant compte de son « Moi »
ou de ses « ressources propres » tant sur le plan cognitif
qu'émotionnel. L'objectif est donc de permettre à ce que
l'apprenant puisse construire un savoir et développer des
compétences à partir de ses acquis propres ou talents. En ce
sens, la pédagogie s'inscrit dans une démarche de «
construction de sens » par rapport au « Moi »
de la personne dans son processus d'apprentissage. In fine, le tableau
ci-dessous définit les principes d'ergonomie cognitive, savoir-agir
et éthique préconisés par Chalmel dans l'action
éducative par opposition aux concepts de savoir, savoir-faire,
savoir être estampés par le système didactique.
159 Modéliser selon Chalmel (2015 p. 15) consiste à
reconstruire un ensemble d'éléments déconstruits.
211
211
Pédagogie (« Moi
»)
|
Ergonomie cognitive
|
Agencer et orienter les connaissances qui doivent être
inculquées à l'apprenant en tenant compte de son profil
d'apprentissage ou psychologique. Enseignement pratique et concret visant la
construction de sens pour l'apprenant.
|
Savoir-agir
|
Compétence qui consiste à savoir mobiliser,
combiner, transposer ses ressources individuelles
(connaissances, capacités) et de
réseaux. 160C'est-à-dire aptitude
à réaliser efficacement une action donnée, dans un
contexte donné 161.
|
Éthique
|
Agir avec les autres avec vérité, justice,
entraide, fraternité et bonté 162.
|
Tableau n°46 : Les trois principes pédagogiques
fondamentaux.
160 (Le Boterf, 2000 p. 77)
161 (Chalmel, 2015 p. 14)
162 (Pestalozzi, 2009 p. 16)
212
Par ailleurs, plusieurs institutions scolaires connues sous le
nom d'« École nouvelle » prirent naissance ces
dernières années en se référant essentiellement aux
principes pédagogiques et rejetant systématiquement les
méthodes didactiques des institutions scolaires classiques et
traditionnelles. Ainsi, les « Écoles nouvelles »
adoptent les courants de pensée préconisés par des
pédagogues réformateurs comme Comenius, Rousseau, Pestalozzi,
Dewey, Montessori, Decroly, Coussinet et Freinet. En effet, ces derniers
scandent un apprentissage centré sur l'élève par
opposition à la didactique, où l'apprentissage est plutôt
centré sur l'enseignant et son savoir. Ces pédagogues mettent
l'accent sur l'apprentissage par la recherche et l'expérience.
L'apprenant ou l'élève construit lui-même son savoir
à partir d'une situation éducative, qui le met en action et
l'incite à comprendre certains concepts par sa prise d'initiative.
Ainsi, nous retrouvons trois courants pédagogiques historiques
découlant des « Écoles nouvelles » et
parcourant encore aujourd'hui les différents réseaux
éducatifs tant en France qu'ailleurs dans le monde :
? La pédagogie différenciée ? La
pédagogie du projet ? L'éducabilité cognitive
Durant ces deux dernières années, le
Lycée Ettore Bugatti a intégré la «
pédagogie du projet » dans le cursus de formation des
élèves de CAP et de Bac pro. Au cours de l'année
académique 2015-2016, ces élèves ont réalisé
le « Le Projet 4L Trophy » qui consiste à mettre
à neuf une carcasse de voiture qui sera utilisée dans le cadre
d'une mission humanitaire au Maroc dont l'objectif est d'apporter des ouvrages
scolaires à des enfants de villages éloignés. Nous
reviendrons ultérieurement sur quelques détails de ce projet
pédagogique.
Didactique
212
Pédagogie
213
213
Savoir
|
Assimilation de
connaissances générales.
|
Ergonomie cognitive
|
Agencement des
connaissances de
manière spécifique et orientée.
|
Savoir-faire
|
Agir en fonction des normes et
procédures préétablies. Se limite
à un geste professionnel.
|
Savoir-agir
|
Agir efficacement en
fonction d'une
situation donnée,
dans un contexte
donné. Savoir mobiliser, combiner,
transposer ses ressources
individuelles
|
|
|
|
(connaissances,
capacités) et ses réseaux.
|
Savoir-être
|
Se comporter en
fonction des règles et convenances sociales
imposées par un système (Moi
social)
|
Éthique
|
Se comporter avec
les autres avec justice, équité,
vérité, entraide, fraternité et bonté.
|
Tableau n°47: Récapitulatif des deux tableaux
sur la différence en principes didactiques et principes
pédagogiques.
Il est important de souligner aussi que «
pédagogie » ne signifie pas absence de cadre ou de normes
dans l'action éducative. Dans tel cas, ce serait l'anarchie, la
destruction plutôt que l'accompagnement et la construction de la
personne. Par rapport à la « Didactique » ou «
Moi
214
214
social » celle-ci offre un cadre beaucoup plus
souple, moins restrictif et adapté à la personne
accompagnée. D'ailleurs, Chalmel (2015 p. 17) précise, en se
référant à Weber que la pédagogie fonctionne avec
un système de valeurs et est soumis à deux types d'éthique
:
1. Une éthique de conviction
préconisant une certaine fermeté (Position
hiérarchique par exemple) sur des principes idéologiques sans
transiger.
2. Une éthique de responsabilité, car
certaines situations nous obligent à ne pas faire de compromis sur nos
convictions pour pouvoir « survivre » ou défendre les
intérêts des usagers ou des professionnels.
De ce fait, la cohérence et la méthodologie
s'imposent à toute action pédagogique en dépit du fait que
la pédagogie laisse une très grande place à la
subjectivité et à l'expression du « Moi » en
matière d'accompagnement éducatif. In fine, en matière de
formation professionnelle, la didactique vise « l'ingénierie de
la formation » tandis que la pédagogie vise «
l'ingénierie des compétences ».
3.3.2. L'accompagnement au « Moi » dans le
champ d'éducation spécialisée
Il semble intéressant d'expliciter l'accompagnement au
« Moi » des personnes en situation de handicap en termes
d'équilibre, de limites. Ainsi, concernant leur maintien à
domicile par exemple, il s'agit de trouver un équilibre entre le respect
de leur libre-choix (souhait), leurs besoins (au vu de son autonomie),
l'environnement dans lequel elles évoluent (solidarité,
proximité des services sociaux, etc.), en naviguant entre
l'objectivité et la subjectivité du professionnel. Quels que
soient les différents types de services ou dispositifs163 se
déclinant à la fois en fonction de l'âge, du type de
déficience et d'autonomie et de l'évolution des personnes, le
maintien dans leur milieu ordinaire est privilégié -avec un
soutien professionnel-et cet objectif est pris « entre des injonctions
très contradictoires : l'autonomie d'un côté, le
bien-être de l'autre, et un troisième pôle est la protection
» (Hennion, p.44, op.cit.) de la personne. A ce niveau, accompagner
la personne « vulnérable » pour l'impliquer dans
un
163 FAS, SAJ, MAS, MRS ou le SAVS, le SAMSAH, SSIAD, ESAT,
etc.
215
215
consentement éclairé comme actrice de sa vie
implique que les professionnels l'accompagnent avec bienveillance et
discernement, avec cohérence et coopération, et avec le soutien
de son environnement social. Ces différents paramètres renvoient
également au fait qu'elle nécessite un soutien plus ou moins
diversifié de tiers, même lorsqu'elle est relativement
autonome.
Une des limites inhérentes à l'accompagnement
visant l'individualité de la personne réside dans le contexte
pluriel du travail socio-éducatif. Celui-ci comprend la connaissance
médico-sociale de ses problématiques (pathologie,
évolution, etc.), les partenariats (SAVS, mandataire de justice, etc.),
la dimension individuelle (intra-interpersonnelle, idéologique, etc.) et
professionnelle du travailleur social qui propose les finalités
éducatives, la contractualisation au sein d'un système
institutionnel lorsqu'elle est accueillie en SAJ, etc. Ce dernier
représente le cadre institutionnel, les projets et objectifs, les outils
et moyens, les méthodes, l'ensemble des exigences directes et indirectes
en termes de finalités vues par le Conseil Départemental (Taux de
remplissage, pertinence du SAJ, bilan annuel des activités), les cadres
du Service (la performance du Service : la progression du « taux de
remplissage », la meilleure argumentation possible pour l'obtention de
budgets, la performance des éducateurs, etc.), etc. L'ensemble de ces
facteurs peuvent influencer et développer le « Moi social
», qui a vocation à y être implicitement oppressant ou
culpabilisant pour les acteurs, mais aussi être des obstacles au
développement du « Moi » des personnes
accompagnées.
Dans un autre registre, pour que l'accompagnement de la
personne en situation de handicap vise sa propre individualité, il
arrive que le travailleur social l'amène dans ses retranchements, sous
forme « d'injonctions positives » pour qu'elle oser
dépasser ce qui l'enferme ou l'oppresse, ou pour qu'elle réalise
intérieurement le sens de sa situation. Ainsi, il arrive qu'il lui
demande explicitement une prise de risque plus grande pour développer
son autonomie. Force est de constater que les prises de risques sont
pléthores et diversifiées lorsque les finalités
prônent l'individualité de la personne. Et cette posture exige une
conscience fine et assurée de la démarche mais aussi une
confiance de l'accompagné envers l'accompagnateur. Pour le professionnel
visant un accompagnement au « Moi », la prise de risque est
encore une fois liée à des options idéologiques, des
valeurs et une éthique, que Weber (op.cit.) énonçait
d'« éthique
216
216
de responsabilité » et d'«
éthique de conviction »... avec un autre risque potentiel
: celui de déséquilibrer l'organisation du cadre institutionnel
(Repères et routine compromises, etc.).
Par ailleurs, sachant que les différences de handicap
et les degrés d'autonomie selon les personnes en situation de handicap
sont importants, la pratique d'accompagnement visant le « Moi
» est davantage complexifiée que dans le cadre d'un
accompagnement scolaire « basique ». Une personne porteuse
du spectre autistique ne pourra pas peindre un carré
prédéfini seule, alors qu'une personne du même âge
déficiente mentale moyenne en sera probablement davantage capable. Cela
implique un travail complexe d'adaptation aux personnes dans les pratiques
professionnelles d'accompagnement, au sein d'un collectif qui plus est.
La formation- : « Comprendre le fonctionnement de la
personne avec autisme. De la théorie à la pratique » a
mis en évidence le lien manifeste entre un accompagnement de
qualité, l'évaluation des troubles de la personne (Tests
d'évaluation fonctionnelle de l'intervention mesurant la communication,
le degré d'autonomie, le profil sensoriel) et la connaissance de
l'autisme. De ce fait, sachant qu'une personne à troubles autistiques
est atteinte d'altérations qualitatives des interactions, de la
communication, des intérêts et de comportements
stéréotypés et répétitifs, et qu'elle est
munie d'une hypersensibilité sensorielle, la pratique d'accompagnement
doit se prémunir de certains comportements qui pourraient contrarier ou
troubler la personne. Lors d'une évaluation au Centre Ressource Autisme
(Colmar), Hugo tapotait avec ses mains sur ses oreilles et ne suivait pas les
instructions des évaluateurs (lors de son diagnostic). Bien plus tard,
l'équipe soignante a réalisé qu'il entendait mieux les
flots de la rivière (sous-jacente à l'établissement) par
ce tapotement, bruit qu'il appréciait et recherchait à
écouter. Avec une personne présentant ce type de handicap, il est
également important de ne pas la regarder dans les yeux (en raison de la
somme d'informations éprouvées par la personne qui a une vision
kaléidoscopique), à décomposer la posture professionnelle
(Décomposer la phrase, parler lentement, respecter le temps de latence,
une demande après l'autre, marcher lentement), à ne pas
être dans l'ironie (Interprétation littérale), par exemple.
La formatrice, Madame Wilhelm, a insisté sur «
l'ergothérapie cognitive » en lien avec la
symbolisation
217
217
(Décomposer le temps d'une douche avec des
pictogrammes, par exemple) comme spécificité de l'accompagnement,
parce qu'elle marque un cadre visuel (et non le sens ni le contenant) qui donne
un repère sécurisant pour la personne porteuse de troubles
autistiques. Elle a proposé les six fondamentaux de l'accompagnement des
personnes autistes : La structuration du temps et de l'espace, l'apparition
de tâches, l'individualisation de l'accompagnement, la prise en compte
des aspects sensoriels et la vigilance somatique. La posture
professionnelle implique ainsi un travail sur la motivation des personnes, sur
le renforcement (Conditionnement), sur la transférabilité en
d'autres contextes et particulièrement une posture éthique -la
pratique pavlovienne pouvant présenter des risques d'abus à
l'égard de la personne, à notre sens-. Cela signifie bien que
l'accompagnement doit être individualisé mais bien plus encore...
Il doit être spécifique, singulier et corrélé
à l'individualité de la personne, pour que celle-ci puisse
investir ses apprentissages quel que soit le contexte, ce qui résultera
pour elle d'une meilleure autonomie et ainsi, une appropriation manifeste de
son individualité. Il en est de même de l'apprentissage de l'heure
pour les personnes déficientes intellectuelles. Pour certaines d'entre
elles, cette compétence cognitive relève d'un véritable
parcours du combattant pour comprendre le fonctionnement de la montre et le
déchiffrage de l'heure, apprentissage qui peut durer des
années... Force est de constater qu'en répétant, en
valorisant les progrès, en décomposant les étapes et en
les transférant dans d'autres contextes et sous d'autres formes (montre,
horloge, etc.), l'apprentissage du déchiffrage de l'heure est une
compétence acquise pour certaines personnes accueillies au SAJ de
Neuf-Brisach. Il faut également retenir un paramètre non
négligeable dans la finalité éducative visant le «
Moi » : la prise en compte de leur cadre de
référence, de leurs conceptions antérieures, de leurs
modèles et de leurs représentations, qui constituent le support
et le fondement de tout processus d'apprentissage -.
Au regard de tout ce qui a été
développé, nous concluons qu'un accompagnement
individualisé visant des finalités éducatives au «
Moi » de la personne ne peut s'extraire des connaissances et
spécificités inhérentes à sa problématique
personnelle, et que le professionnel est forcément amené à
prendre des risques et à devoir s'investir avec davantage d'alliance
pédagogique (en termes de temps, de recherches de compréhension,
d'anticipation, de proximité, etc.), parfois au détriment du
collectif.
218
218
Qu'en est-il du hiérarchique à l'égard
des professionnels socio-éducatifs ? Pouvons-nous en conclure qu'il
accompagne la personne ? C'est de toute évidence ce que préconise
Paul (2009) comme une nécessité et une finalité en lien
avec les enjeux cognitifs du professionnel (et non pas le projet)... sans
toutefois nommer la qualité de l'accompagnant : un tiers neutre, le
cadre du Service, etc. Dans notre questionnement théorico-descriptif,
nous avons observé que le « Moi » du professionnel
socio-éducatif comprend les différentes définitions
inhérentes à l'individualité de la personne,
étoffée de la dimension professionnelle liée à sa
fonction sur le terrain. Notre enquête déterminera davantage
l'opérationnalisation de ce type d'accompagnement.
3.3.3 La résilience dans l'action
éducative : Entre le « Moi social » et le « Moi »
?
La résilience correspond à un «
processus biologique, psychoaffectif, social et culturel qui é un
nouveau développement après un traumatisme psychique »
(Cyrulnik & Jorland, 2012, p.8). Du latin « resilientia
» traduit par les verbes « rebondir », «
se ressaisir », « se redresser » en langue anglaise, ce
concept illustre un processus activé par une personne fragilisée
par une détresse psychique (traumatisme, stress, blocage, etc.), qui est
« évolutif et qui résulte d'un échange interactif
et multifactoriel, situé au croisement entre l'individu, la famille et
l'environnement social » (ibid., p.67). Par ailleurs, la
résilience se définit également comme étant «
la capacité d'un individu à s'adapter avec succès
à un environnement social, scolaire et professionnel malgré des
conditions défavorables » (Larose, 2015, p.67). La
littérature scientifique montre que la résilience se construit
à partir de facteurs individuels et environnementaux (Ibid). En effet,
la famille, une structure, une organisation ou une institution scolaire peuvent
être des environnements de construction de résilience d'une
personne. Le concept de « résilience » est apparu en
sciences humaines dans le monde anglo-saxon dans les années 70 (Terrisse
& Larose, 2001 p. 31). Le terme a été emprunté des
sciences physiques et informatiques. Par exemple, en physique la
résilience se définit comme « La résistance des
matériaux suite à un choc ou à une pression continue
» (Ibid., p. 32). Et en informatique, la résilience se
définit comme « la dualité d'un système qui
continue de fonctionner malgré des anomalies d'éléments
constitutifs du système » (op. cit.). A partir de ces
définitions, les spécialistes en sciences humaines montrent
219
219
que la résilience se traduit comme «
l'état d'enfants, adultes, de familles, évoluant de
façon socialement acceptable malgré des évènements
douloureux tels que la maladie, le traumatisme, le stress, la naissance d'un
enfant en situation de handicap qui peuvent parfois déstabiliser et
briser définitivement d'autres individus » (Ibid., p. 31). En
effet, toute personne ayant connu un crash social ou fracas dans son «
Moi » intérieur doit entamer un processus de
résilience pour pouvoir se reconstruire. Une personne en situation de
handicap ou un élève en échec scolaire (décrocheur)
nécessite obligatoirement un accompagnement amorçant le processus
de résilience.
Pour la personne en situation de handicap, Jacques
Lecomte164 définit sa situation, comme ayant subi un
traumatisme consécutif à son handicap dans certains cas ou
étant de toute manière dans un processus de résilience par
le soutien des aidants (ce qui, à notre sens, n'est pas
systématiquement le cas en ce qui concerne les personnes lourdement
handicapées hébergées en MAS165, par exemple).
Dans son quotidien personnel et dans le cadre du SAJ, le processus de
résilience s'inscrit à travers deux axes principaux. D'une part,
comme nous l'évoquions, la situation de « crash social
» suivis d'un processus de deuil sont intimement liés à
la situation de la personne de par son handicap, et induisent de fait le
processus de résilience pour une finalité d'appropriation
à leur « Moi ». C'est la relation avec un tiers
aidant qui favorisera son développement personnel et son
épanouissement dans la société, également dans
l'idée de l'aider à retrouver sens à soi pour
satisfaire ses besoins d'affiliation, d'accomplissement, d'autonomie sociale et
d'idéologie (Pourtois & Desmet, ibid) à travers le
développement de compétences transférables, entre autres.
Cheminement éminemment long nécessitant la proximité et la
posture éthique d'un tiers... D'autre part, le second axe relève
ces mêmes situations d'incapacités, de blocages, de
détresse, etc. (une difficulté conjugale, un blocage manuel lors
d'une activité, une déprime persistante liée à sa
prise de poids, etc.), dans lesquelles
164 Lecomte J. (2005). Favoriser la résilience des
personnes handicapées mentales. Reliance, 2005/4 N°18,
15-20.
165 Maison d'Accueil Spécialisée.
220
220
l'accompagnement vers un processus à tendance
normative, ne sera pas résilient mais adaptatif au « Moi social
», comme nous l'évoquerons ultérieurement.
C'est à travers des rencontres durables ou ponctuelles,
« contribuant à l'activation d'un noyau de
sécurité et de confiance » (ibid., p.81) et ainsi
à travers des « interactions relationnelles effectives de
soutien à la résilience (encouragement, aide, écoute,
etc.) » (op.cit.), que la personne sera amenée à «
faire quelque chose de productif » de ses blessures, et à
développer les ressources internes de son « Moi »
(Cyrulnik & Seron, 2003, p.73). A ce titre, le soutien et l'écoute
active actent dans un « lieu de parole » ou la «
parole remaniée » de la personne résiliente, ce qui
lui permet de réintégrer sa fonction humaine, «
d'exister dans l'âme de l'autre » (Lap., 15). C'est
également à travers l'art sous toutes ses formes (Expression
théâtrale, dessinée, sculptée, etc.) qu'elle
peut exprimer son « Moi » où le traumatisme
vécu pourra être symbolisé et sublimé (ibid.,
p.16).
Selon Kauffmann (Ibid.), le « Moi » n'est
analysable qu'avec l'histoire individuelle et sociale élargie de
l'individu, il ne peut se défaire d'une certaine emprise sociale et a
développé « une autonomie subjective ».
Chalmel (2015, p.10) énonce que le « Moi » est
dissocié du « Moi social », en ce qu'ils sont
opposés par leurs finalités (le « Moi social
», « entité relative au corps social »)
dénature « l'entier numérique » le «
Moi » ou l'individu. Selon lui, il est possible de se
défaire du « Moi social » par l'éducation au
« Moi », à sa propre individualité, ou
lorsqu'un fracas (chômage, deuil, perte d'un emploi, etc.) du «
Moi social » déséquilibre et brise la construction
de cette bonne conformité et l'intégration aux normes sociales
(réussite et intégration sociale). En d'autres termes, une
personne en situation de handicap ou un décrocheur est un individu
fracassé par le « Moi social » et sa
réhabilitation nécessite l'enclenchement d'un processus de
résilience par l'éducation de son « Moi ». De
fait, résilience et éducation au « Moi » vont
de pair.
En fait, quand il y a un fracas chez l'individu, celui-ci perd
son identité sociale. Son « Moi social » construit
à partir d'un processus de dénaturation (système scolaire
et social) explose et sa vie change totalement. Comme il n'est plus en
capacité de se conformer aux normes sociales, il se retrouve exclu
socialement et son « Moi » est dans une position de
faiblesse et de
221
221
dénuement extrême, car il n'a pas fait l'objet
« d'appropriation de son individualité » mais de
« dénaturation ». La personne en situation de
handicap est un « Moi marginal » de par son handicap, du
fait de son « a-normalité sociale » et de sa
difficulté d'accommodation sociale. Et l'élève
décrocheur qui ne parvient plus à répondre aux exigences
de l'école, devient un « Moi » marginal, un
étranger, un intrus dans le système. Donc, deux options s'offrent
à ce dernier : Soit il décidera de sortir complètement du
système en s'enfermant dans la marginalité en refusant toute
forme d'aide ou de réintégration. C'est le cas de
décrocheurs perdus de vue. Ou soit il mettra tout en oeuvre de son
propre gré ou par la stimulation d'un tiers pour
réintégrer le système. Sa réintégration dans
le système ne signifie pas que celui-ci devient résilient, car
« le processus de résilience ne doit pas être confondu
avec l'adaptation ou la résistance invulnérable »
(Terrisse & Larose, 2001 p. 33).
L'adaptation ou la résilience peuvent être
stimulées par des intervenants extérieurs que Cyrulnik (1999)
nomme « tuteurs de résilience » (op.cit.).
Néanmoins, dans un souci pédagogique, nous
préférons utiliser le terme de « soutien à la
résilience » car le vocable « tuteur »
selon Chalmel (ibid.) implique une forme de dépendance, ce qui est
contraire à l'idéologie de l'accompagnement pédagogique
que nous prônons dans cette étude. Ainsi, pour pallier le
problème de décrochage scolaire ou d'échec scolaire, notre
système éducatif met en place des mesures de
réintégration scolaire, de raccrochage scolaire par le moyen de
« remédiation ». Il faut souligner que le terme de
« remédiation » étymologiquement signifie
« porter remède, guérir ». En effet, la
remédiation dont on fait souvent l'éloge relève du
système didactique (« Moi social ») l'objectif
n'étant pas de favoriser la résilience, mais
plutôt l'adaptation. Parce qu'en fait, on réutilise ou
répète sous une autre forme les mêmes méthodes
didactiques ou du « Moi social » pour pouvoir soulager ou
guérir le mal de l'élève ou de la personne en situation de
handicap. Cette dernière va s'inscrire dans un processus visant son
adaptation au « Moi social », en s'acclimatant aux
méthodes et pratiques visant des savoirs, des savoir-faire et un
savoir-être dans le but d'une intégration sociale. Elle ne sortira
pas de ce système didactique, malgré les méthodes et
moyens innovants et brillamment individualisés mis en oeuvre.
222
Dans ce cas-là, rien ne peut garantir une
reconstruction véritable de la personne. Ce n'est pas parce qu'un
décrocheur a suivi un ensemble de programmes de remédiation lui
permettant d'obtenir un diplôme à la fin de sa formation que cela
signifie qu'il ait connu « une résilience » et que
son problème de marginalisation ne resurgira pas une dizaine
d'années plus tard en milieu professionnel. Car selon Cyrulnik (1999),
la résilience doit permettre à l'individu fracassé de
« développer des capacités à se protéger
malgré les pressions dont il fait l'objet et de se construire une
existence riche et stable » (Terrisse & Larose, 2001 p. 33).
Dans ce même ordre d'idée, Cyrulnik (2012)
souligne que la résilience oblige l'individu fracassé à
faire le deuil de sa vie antérieure ou de son « Moi social
» en acceptant sa situation actuelle afin de pouvoir
développer son « Moi ». C'est à partir de
là, que la « pédagogie » intervient non avec
des méthodes de remédiation de la « Didactique
» ou du « Moi social », mais plutôt avec ce
qu'on appelle des méthodes de « Différenciation
» aidant l'individu fracassé à se reconstruire à
partir de ses blessures et de ses ressources propres (Manil, 2014). Les
schémas ci-dessous récapitulent la différence entre les
processus de résilience et d'adaptation.
Construction
Existence
riche
Moi
(Ressources intérieures)
Moi social
renforcé
répété
Résistance
Existence subie
Résilience
Différenciation
Adaptation
Remédiation
Pédagogie
Didactique
222
Figures n°48 : Schémas récapitulatifs de
la différence entre les processus de résilience et
d'adaptation.
223
223
Il faut savoir que la plupart des grands pédagogues
comme Pestalozzi, Decroly, Freinet, Korczak, Makarenko, La Garanderie, etc. ont
été eux-mêmes des résilients qui ont su «
transformer leur souffrance en une occasion d'apprentissage et de
libération de l'aliénation qui les tenaillait dans leur vie
» (Goussot, 2014 p. 21). Un accompagnement pédagogique
auprès des publics en difficulté doit aussi favoriser la
« construction de contextes d'apprentissage à partir des
histoires difficiles personnelles et parfois traumatiques » (Ibid.,
p.21). C'est ce que Cyrulnik (2002 p. 19) dénomme « la
résilience oxymoron » qui consiste à associer deux
termes antinomiques, le malheur avec le bonheur. D'ailleurs, il
considère la résilience comme « un merveilleux malheur
». Ainsi, en ce qui concerne l'échec scolaire, Alain Goussot
(2014) explique que « tout joue dans la construction de
l'accompagnement pédagogique ». Sur ce principe, Goussot
définit la résilience comme un concept pédagogique se
traduisant par un « processus d'apprentissage qui se construit dans
l'interaction entre différents niveaux de vie de chaque personne
blessée durant sa trajectoire ». Ainsi, le même auteur
souligne un certain nombre de vecteurs de résilience. En effet, pour
parler du concept de résilience, il est nécessaire de tenir
compte des termes suivants (Ibid., p. 21) :
1) Rencontre (Soutien ou accompagnant à la
résilience)
2) Médiation
3) Interaction
4) Compensation
5) Zone intrapsychique et inter-psychique de
développement proximal
6) Narration (Parler du vécu et du ressenti)
7) Dialogue
8) Dimension historico culturelle
9) Estime de soi
10) Compréhension
11) Connexion à soi-même
12) Connexion au monde
13) Coopération et inclusion
224
224
3.3.3.1. Dispositifs favorisant la résilience au
Lycée Ettore. Bugatti
Ainsi, dans les mesures prises et inscrites dans le projet
d'établissement du Lycée Ettore Bugatti contre le
décrochage scolaire, nous retrouvons ces termes à travers
certains dispositifs qui ont été mis en place comme nous le
montre le tableau suivant :
Vecteurs de résilience Dispositifs ou projets
mis en Objectifs du projet
oeuvre d'établissement à
atteindre
|
Rencontre, médiation,
|
Le SAS : Accueil des
élèves pendant les 4 premières semaines de la
rentrée. Chaque élève est accompagné par deux
professeurs référents l'aidant à
se repérer dans son environnement, tisser des liens
avec autrui.
Les alliances éducatives : Ce
projet est en cours d'élaboration. Il consiste à faire travailler
ensemble les enseignants de matière générale (Maths, etc.)
et les professeurs d'atelier (mécanique) dans un même cours.
L'objectif est de permettre aux élèves de faire le
|
Mieux accueillir, mieux
accompagner, mieux encadrer.
|
interaction
|
225
lien entre les cours théoriques et pratiques.
PAFI : Parcours aménagé de
formation initiale. Ce dispositif permet une entrée en douceur dans la
voie professionnelle à partir de la 3e .
Narration, dialogue LATI : Accueil des
élèves
exclus de cours et leur donnant la possibilité à
ceux-ci de s'exprimer et réfléchir sur leurs
comportements. Deux animateurs sont à leur
disposition.
Mieux accompagner, mieux vivre ensemble.
Mieux apprendre en entreprise. Mieux vivre ensemble.
Connexion au monde
Partenariats avec le monde de l'entreprise. Visite
d'entreprise. Sorties et voyages scolaires. Journal sport automobile, club
magie, de danse, etc. Ouverture à la culture. Espace de détente
(patio, foyer, etc.)
Coopération, inclusion et estime de
soi
4L Trophy : projet pédagogique axée sur la
valorisation. Sous l'égide de professeurs d'atelier, les
élèves ont pour mission de mettre à neuf une carcasse de
voiture qui sera utilisée au
Mieux apprendre, considération,
valorisation, écoute et bienveillance
225
226
Maroc dans le cadre d'une mission humanitaire
Tableau n°49 : Dispositifs favorisant la
résilience au Lycée Ettore Bugatti.
Le projet « 4L Trophy » mentionné en
dernière partie dans le tableau ci-dessus a été
réalisé cette année par les élèves de CAP
Automobile (Mécanique, peinture, carrosserie). Cette action
pédagogique vise non seulement à valoriser les
élèves mais aussi à construire du sens pour
l'élève. Selon Cyrulnik (2000 p. 22), le fait de participer ou
réaliser un projet permet à « l'individu fracassé
de s'éloigner de son passé, métamorphoser la douleur du
moment pour faire un souvenir glorieux et amusant ». Ce qui peut
être très bénéfique pour un élève en
échec et en souffrance scolaire. En outre, Kaempf (2003) explique que la
personne qui s'investit dans un rôle social ou humanitaire facilite sa
résilience à l'instar de ces élèves qui remettent
à neuf une carcasse de voiture qui sera utilisée pour une mission
humanitaire.
Le projet 4L Trophy en images
226
227
Début du projet : La carcasse Début des travaux
par les élèves
Étape intermédiaire du projet : Peinture Vers
l'étape ultime
227
Fin du projet : Voiture remise en état.
Objectif atteint : La voiture est en mission au
Maroc. Roule en bon état.
Images n° 35-40 : Le projet 4L Trophy.
3.3.3.2. Dispositifs favorisant la résilience chez les
personnes en situation de handicap accueillies au SAJ de Neuf-Brisach
Outre les diverses interactions favorisant la rencontre, la
connexion à soi-même, le dialogue, la narration, la
médiation, la compréhension etc. énoncés dans les
pratiques d'accompagnement par les professionnels -Entretiens avec la
psychologue clinicienne ou avec l'éducateur référent, les
activités, etc.-, un dispositif intéressant proposé par le
SAJ favorisant la résilience des personnes accueillies est celui du
partenariat avec le Club Informatique de Biesheim avec l'idée
228
228
de connexion au monde, de coopération et d'inclusion.
Il valorise l'estime de soi et favorise le développement intrapsychique
et inter-psychique (Plan social et psychologique) des personnes en situation
d'apprentissage et en interaction avec les membres du Club. Ce dispositif est
vecteur de résilience non seulement à travers une alliance
pédagogique entre l'accompagnant et l'accompagné -visant les
apprentissages multimédias (Powerpoint, Word, etc.)- mais aussi par la
place qui leur est accordée considérant leur individualité
et par-delà, leurs ressources et potentiels, dans l'idée
d'inclusion sociale. En ce qui concerne les professionnels
socio-éducatifs en poste au SAJ, on peut citer le dispositif «
Groupe d'Analyses de Pratiques » dont l'accompagnement est prodigué
par la psychologue clinicienne de l'établissement, rencontre permettant
la narration, la compréhension, la médiation et toutes autres
formes d'interactions et de mouvement réflexif entre membres de
l'équipe éducative.
D'après les retours des professionnels au SAJ, ces deux
dispositifs ont été positivement investis au SAJ et continuent de
favoriser le processus de résilience de certaines personnes et de
certains professionnels. A ce titre, plusieurs d'entre eux ont eu l'occasion de
raconter l'épanouissement personnel ou quelques petits progrès de
personnes en situation de handicap en termes d'estime de soi, de
développement de compétence-.
3.3.3.3. Facteurs favorisant la résilience
Ainsi, Mesten et Gamezy (1985) soulignent certaines
qualités internes qui se développent chez une personne
résiliente, telles que (Terrisse & Larose, 2001 p. 38):
· Autonomie
· Sentiment d'auto-efficacité
· Une bonne estime de soi
· Bonnes capacités cognitives
· Des compétences sociales
· Capacité de sentiments d'apathie ou
d'humour
· Un tempérament agréable
· Santé et forces physiques
· Stabilité émotionnelle
229
229
? La motivation et la foi
A cela, il faudra rajouter des facteurs extérieurs
favorisant le processus de résilience, car selon Garmezy et Werner,
celle-ci est « liée aux interactions entre environnement et
personnalité de la personne fracassée » (Ibid., p. 43).
En effet, l'environnement joue un rôle primordial dans le processus de la
résilience de la personne qui peut être déterminé
par les facteurs suivants :
? Influences de relations sociales positives
(voisinage, réseaux et supports sociaux, camarades de classe,
enseignants, lieux de culte, clubs sportifs, etc.).
? Aspects familiaux positifs (Bienveillance,
bientraitance, chaleur humaine).
? Personnalité de la personne (qualités
internes, dispositions ou ressources intérieures positives).
Ainsi, tout système ou organisation peut contribuer
à la résilience d'une personne en mettant en place des
dispositifs pédagogiques (non didactiques) adéquats. Qu'il
s'agisse de la famille, d'une association ou de l'école, celle-ci peut
développer un environnement favorisant la résilience de
l'individu fracassé. En outre, Cyrulnik (2000 p. 187) montre que «
paradoxalement c'est en dehors de la famille que les facteurs de
résilience sont plus faciles à trouver puisque souvent les
proches eux-mêmes blessés ont du mal à comprendre et
accompagner quelqu'un de la famille qui a été brisé
» En d'autres termes, il est plus facile pour un décrocheur de
devenir résilient par le biais d'une structure externe que par sa propre
famille ou ses proches. Concernant la personne en situation de handicap, il est
difficile d'en conclure ainsi, puisque chacune est immergée dans un
contexte et une histoire de vie singuliers... Toutefois, il est
intéressant de souligner que les parents de l'adulte en situation de
handicap sont inévitablement submergés par un ensemble de
facteurs complexes liés au handicap. Tréminitin166
énonce « la blessure insidieuse et la déchirure à
jamais ouverte liée à l'annonce du handicap », «
le chagrin et la douleur inconsolables », le «
désenchantement », « l'anéantissement et
le désespoir inguérissables ». Certains parents se
retrouvent dans
166 In Lien social repéré le 02 mai 2016 à :
http://www.lien-social.com/Parents-d-enfant-handicape
230
230
l'impossibilité de faire leur deuil et
s'épuisent, voire abandonnent le combat. D'autres, « pour ne
pas sombrer sous le poids de la dépression lancinante, se
réfugieront dans un fonctionnement protecteur ». L'auteur
rajoute que « les comportements adaptatifs possibles vont de la
négation du handicap à la sublimation, en passant par la
minimalisation, sa vérification infinie auprès de
spécialistes, voire la réparation par la conception d'une autre
enfant ». Comment des parents envahis psychiquement pourraient-ils
favoriser l'accompagnement de leur enfant adulte vers son « Moi
», malgré leur désir du « meilleur »
pour lui ? La question reste ouverte et ne revêt toutefois pas un
caractère universel.
Cependant, Kempfer (1999) explique que « le processus
de résilience n'est pas une construction simple mais complexe qui peut
évoluer au cours d'une vie » (Terrisse & Larose, 2001 p.
54). En tant qu'accompagnateur, éducateur et pédagogue, l'une des
premières valeurs incontournables dans une démarche
d'amorçage du processus de résilience est de « croire en
la personne comme sujet irréductible et digne de respect »
(op. cit) et comme sujet singulier, dont « le développement
identitaire peut se réaliser à travers la satisfaction des
besoins psychosociaux » (Pourtois & Desmet, 2012, p.11). Nous
pensons que ce processus de résilience ne peut se développer sans
l'implication d'un ou de plusieurs « soutiens de résilience
», qui, par leur posture éthique, l'amène à
travers une pratique pédagogique vers l'appropriation et la progression
de son « Moi ».
3.4. Problématique de recherche
Nos questions principales de recherche définies
à la suite de nos analyses théorico-descriptives comprenaient
:
1) Les finalités des pratiques d'accompagnement
des lycéens en risques de décrochage, des adultes en situation de
handicap et des professionnels qui les accompagnent, visent-ils le Moi social
ou le Moi ?
2) Quels sont les indicateurs qui témoignent d'un
accompagnement favorable au « Moi » des accompagnés par les
accompagnants ?
3) Comment se traduit leur accompagnement au « Moi
» ?
231
4) Quel type d'accompagnement favorise mieux la
résilience : un accompagnement dont la finalité est le « Moi
social » ou le « Moi » ?
Cependant, suite à la conceptualisation des concepts
« Accompagnement », « Moi social »,
« Moi » et « Résilience », nous
avons répondu à la seconde interrogation relative aux indicateurs
favorisant l'accompagnement. De ce fait, notre enquête fera
principalement l'objet des trois autres questions. Pour y répondre, nous
enquêterons auprès des lycéens présentant des
risques décrochage et des enseignants du Lycée Ettore Bugatti,
ainsi que des éducatrices et du Chef de Service en poste au SAJ de
Neuf-Brisach.
Partie IV
232
Méthodologie
? Enquêtes
? Résultats enquêtes
? Hypothèses
232
PARTIE IV :
233
233
METHODOLOGIE DE RECHERCHES
4. Perspective méthodologique
Notre démarche méthodologique s'inscrit dans une
perspective compréhensive dont le but consiste non seulement à
interpréter les données recueillies mais à faire
également émerger des représentations (Albarello, 2011).
Comme nous l'avons souligné dans la partie introductive de notre
étude, notre approche consiste à « comprendre,
correctement, précisément, en profondeur, une situation
donnée : Un système, une organisation, un groupe, etc. »
(Ibid., p. 110). En conséquence, nous n'accorderons pas
une priorité absolue à la question de la validité externe
ou à la généralisation des résultats de notre
recherche, car nous considérons, que le phénomène de
décrochage scolaire au Lycée Ettore Bugatti ne peut être
comparable à celui d'un autre lycée lambda de Mulhouse
ou ailleurs, sachant que ce dernier est le seul lycée professionnel
automobile du département du Haut Rhin. En outre, il est important de
noter que le public accueilli varie d'un établissement à l'autre
en fonction de l'environnement socio-économique. Ainsi, la
problématique du décrochage scolaire diffère d'un
établissement à un autre. De même, on ne peut pas
généraliser la situation du SAJ de Neuf Brisach à celle
d'un autre établissement du même acabit. Néanmoins, il est
important de souligner également selon Albarello (2011 p. 111) que
« des découvertes scientifiques majeures de Newton,
Galilée, Einstein, Bohr, Darwin, Freud, etc. ont été
effectuées à partir d'approche inductiviste (étude de cas)
sur des échantillons statistiquement non représentatifs ».
En clair, les résultats d'une recherche découlant d'une
approche inductiviste (aprioriste) peuvent être potentiellement
généralisables. Albarello (Ibid., p. 113) montre également
qu'une démarche inductiviste (apostérioriste) est «
aussi un moyen remarquable de réfutation d'un modèle
hypothético-déductif, théorique ou de falsification
(aprioriste) ». Ainsi, dans notre méthodologie, nous
travaillons essentiellement sur de petits échantillons : 12 personnes au
Lycée Ettore Bugatti et 5 professionnels du SAJ Neuf Brisach. Au total,
nous travaillons sur un échantillon de 17 personnes.
234
234
Dans notre approche, nous souhaitons dans un premier temps, de
manière séparée, présenter une analyse
synthétique des matériaux récoltés au Lycée
Ettore Bugatti et au SAJ afin de « rechercher du sens et effectuer un
dévoilement » (Ibid., p. 73) introspectif de la conscience
phénoménale des lycéens en risques de décrochage et
des professionnels éducatifs du Lycée Bugatti et
socio-éducatifs du SAJ de Neuf-Brisach. Par « introspection
», nous entendrons « le processus de conscience cognitive et
réflexive qui permet au sujet d'inspecter mentalement le cours de ses
pensées et d'organiser une réflexion consciente à propos
de ses états mentaux et de ses représentations »
(Pourtois & Desmet, 2012).
Les états mentaux sont définis comme «
les émotions, les représentations imaginaires, les croyances,
les sensations, les perceptions, les désirs et volitions ».
Quant aux représentations, elles apparaissent, se construisent et
s'organisent à partir d'éléments individuels, contextuels
et sociaux. Il s'agit de constructions mentales élaborées
dès la petite enfance, qui se complexifient au fur et à mesure et
qui sont actualisées dès qu'elles sont en rapport avec un support
qui les activent. Bouaziz (2007) 167définit plusieurs
facteurs entrant en jeu dans le concept de « représentation
» tels que l'évolution du monde, les conditions de vie,
l'éducation reçue, les modes de transmissions locales, la
solidarité, la citoyenneté, l'accompagnement social.
Dans l'action socio-éducative, les
représentations des professionnels sont susceptibles de changer dans la
temporalité en fonction d'autres facteurs institutionnels et contextuels
(Texte de loi, registre politique, changement, innovation, reformulation d'un
projet social ou d'un projet institutionnel, etc.) (op.cit). Par ailleurs,
Jodelet (2003, p.53) définit les représentations comme les
supports des conduites et de la communication sociale. Comme nous
l'évoquions, la posture interculturelle énoncée par Madame
Florence Duschêne-Lacroix 168 empreinte d'une approche
éthique, du non-jugement, d'une relation de confiance interpersonnelle
sont des vecteurs favorisant la déconstruction des
représentations, la compréhension, puis leur
167 Trémintin, J. (2007) La force des
représentations dans le champ du travail social. Lien social,
n°824.
http://www.lien-social.com/la-force-des-representations-dans
168 Directrice de Nova tris. Centre de compétences
transfrontalières UHA.
235
235
reconstruction au sein d'un travail coopératif. Ce
concept de « représentation » nous permet d'aborder
d'une part ce qui relève du champ social et cognitif dans la relation
entre l'individu et le monde (hommes et objets) et d'autre part ce qui
s'inscrit dans la pratique (actions) dans la relation entre l'individu et les
autres (Aimon, 1998). Quant à la « conscience
phénoménale », elle fait «
référence à la conscience d'un individu d'être
ou de vivre une expérience et de ressentir ce vécu avec ses
affects, ses sensations et ses émotions » (Vion-Dury, 2004).
Selon Chalmel169, une représentation peut évoluer par
la remise en question et le doute, provoquant incertitude et
déséquilibre. En effet, nous savons selon Bouaziz (2007) que
« les représentations influent sur la façon de penser,
de faire, et d'agir du travailleur d'un professionnel ». C'est ce que
nous nous évertuerons à rechercher principalement dans nos
données, à savoir les représentations des professionnels
en ce qui concerne l'accompagnement du « Moi » du «
Moi social » pour pouvoir déceler les finalités
éducatives dans les pratiques et répondre à la question
des enjeux de celles-ci sur la résilience des publics à besoins
spécifiques c'est-à-dire en difficulté scolaire ou
sociale.
4.1. Démarche de recueil synthétique
d'indices et d'indicateurs
A partir de nos observations empiriques sur le terrain,
l'approche théorico-descriptive et conceptuelle de notre étude,
nous chercherons à relever dans nos matériaux les indices et
indicateurs du « Moi », du « Moi social »
et de la « résilience ». Ainsi, les
éléments inhérents aux tableaux 59, 60 et des figures 57,
58 ci-après des pages suivantes nous permettront de les identifier.
|
MOI SOCIAL
|
MOI
|
Finalité éducative
|
Eduquer le citoyen
Normativité sociale, ordre social
|
Eduquer l'individu
Individualité de la personne
|
But
|
Amener la personne à ...
|
Amener la personne à...
|
169 Cours méthodologie de recherche (2016). Master 2
IIMSE. UHA
236
236
|
Etre/devenir une personne
citoyenne, à développer les normes sociales.
|
Etre/devenir soi, à développer son
individualité.
|
Représentations
|
Didactique
Sujet dépendant
|
Pédagogique, relationnel Sujet acteur
|
Support
|
Cadre institutionnel
Accompagnant tuteur expert
|
Relation éducative
Accompagnant co-acteur
|
|
|
|
Fondement
|
Le référentiel : les objectifs,
les buts.
Performances, d'efficacité, de rendement.
Exigence de perfection. Démarche de
qualité.
|
La personne-sujet :
Son expérience vécue ou son ressenti.
Ses modèles : Ses représentations subjectives
individuelles et collectives.
Ses principes : options idéologiques, valeurs,
éthique, désirs inconscients. La nature du rapport (aux
savoirs, au handicap, à l'apprentissage à l'autonomie, etc.)
|
Contraintes
|
Outils : Moyens, méthodes, techniques.
|
Relationnelles : Résistances
(Transfert), expérience propre, modèles, principes.
|
Moyens
|
Cadre de référence normatif
· Méthodologie imposée
· Contenus sans lien avec l'individu
· Echec non admis.
· Evaluation
|
Proposition du cadre en rapport avec la
personne
· Méthodologie proposée : Hodos (le
chemin)
· Contenu en lien avec l'individu : sa logique, sa
personnalité, son identité, ses compétences, son contexte
de vie, ses aspirations, etc.
· Relativité, rythme personnel, expression libre,
etc.
· L'échec est une valeur
· Climat, progression, valorisation, la confiance
|
Posture
|
Didactique :
· Feed-back: message-retour
|
Pédagogique :
|
|
237
237
|
·
·
·
|
Expert
Pression normative
Indifférence aux affects et à la
subjectivité de la personne.
|
·
·
·
|
Prise en compte des dimensions objective et subjective,
transfert. Soutien de résilience Coaching à l'autonomie
|
|
·
|
Scientifique.
|
|
accompagnée : Possibilité de
|
|
·
|
Visant son statut
|
|
franchir des obstacles
|
|
|
|
|
(interdits) et d'oser aller plus loin (Nouveautés, hors
cadre, etc.)
|
|
|
|
·
|
Éthique.
|
|
|
|
·
|
Visant son efficacité
|
Effets,
conséquences
|
·
|
Soumission, adaptation involontaire
|
·
|
Développement de l'expression de son
|
|
·
·
|
Dépersonnalisation, mise à distance/
méconnaissance et indifférence de son intérieur,
inhibition de l'individualité, pas de possibles (à soi)
Plaire aux autres, culpabilité
|
|
individualité (Ses aspirations, ses conceptions
antérieures, son cadre de référence, son contexte de vie
et environnement, son histoire, sa personnalité, ses potentiels,
etc.)
|
|
·
|
Joug, rébellion sociale
|
·
|
Sentiment de liberté corrélé à
|
|
·
·
|
Enfermement
Crainte, « suiveur »
|
·
|
ce qui anime la personne, Progression vers son
|
|
·
|
Renforce (les désavantages liés au handicap, la
peur de l'échec, etc.)
|
|
autonomie.
|
Tableau n°50 : Comparatif des principes directeurs du
« Moi social » et du « Moi »170.
170 Tirée du schéma « Les quatre niveaux
de contraintes en éducation », Chalmel, 2015, p.24.
238
ctique
|
Pédagogie
|
Assimilation de
connaissances générales.
|
Ergonomie cognitive
|
Agencement des
connaissances de
manière spécifique et orientée.
|
Agir en fonction des normes et
procédures préétablies. Se limite
à un geste professionnel.
|
Savoir-agir
|
Agir efficacement en
fonction d'une
situation donnée,
dans un contexte
donné. Savoir mobiliser, combiner,
transposer ses ressources individuelles (connaissances,
capacités) et ses réseaux.
|
Se comporter en
fonction des règles et convenances sociales
imposées par un système (Moi social)
|
Éthique
|
Se comporter avec
les autres avec justice, équité,
vérité, entraide, fraternité et bonté.
|
Dida
Savoir
Savoir-faire
Savoir-être
238
Tableau n°51 : Tableau représentatif des
connaissances, de l'agir et du comportement en fonction de la didactique et de
la pédagogie.
239
239
Facteurs favorisant le processus
de résilience171 de la personne
|
Indicateurs de résilience172, selon
les besoins psychosociaux
|
Rencontre (Soutien ou accompagnant à la
résilience)
Encouragement par un tiers
Créativité
Rêve
Passion
Médiation
Interaction
Compensation
Engagement social
Générosité
Zone intrapsychique et inter-psychique de
développement proximal
Narration (Parler du vécu et du ressenti)
Dialogue
Dimension historico culturelle
Estime de soi
Compréhension
La foi
Connexion à soi-même
Quête identitaire
Connexion au monde
Coopération et inclusion
|
Affiliation : Attachement, acceptation,
investissement
|
Accomplissement : Stimulation,
expérimentation, renforcement.
|
Autonomie sociale : Communication,
considération, structures.
|
Idéologie : Bien/Bon, vrai, beau.
|
Tableau n°52 : Tableau synthétique des facteurs
et des indices théoriques favorisant la résilience des
personnes.
171 Goussot (2014) et Cyrulnik (2000).
172 Pourtois & Desmet (2004).
240
240
· Imposition, exigences,
· Rendement, perfection, qualité
· Efficacité Actions
· Expert, tuteur guide
· Statut visé
· Indifférence aux affects, à la
subjectivité
· Relation asymétrique
Postures Conséquences
Moyens
· Soumission, adaptation involontaire
· Dépersonnalisation
· Inhibition, "suiveur"
· Culpabilité, crainte
· Rébellion sociale
· Dépendance
· Cadre de référence imposé
· Contenu sans lien avec l'individu
· Echec non admis
· Evaluation
Figure IVo 53 : Schématisation du «
Moi social», en fonction des actions, des moyens, des postures de
l'accompagnant et des conséquences sur l'accompagné.
241
241
· Co-acteur, vise l'efficacité Prise en compte des
dimensions objective et subjective, transfert.
· Soutien de résilience, coaching à
l'autonomie accompagnée.
· Ethique. Relation symétrique. Suit le guide
· Proposition, valorisation
· Co-action
· La relation éducative
· Le fondement subjectif de l'accompagné
Postures Conséquences
Actions
Moyens
· Cadre de référence proposé
· Contenu en lien avec l'individualité, la
subjectivité de la personne
· Echec admis
· Climat, progression, valorisation, confiance
· Développem ent de l'expression de
l'individualité ,
· Progression vers son autonomie
· Sentiment de liberté, espace temporaire
Figure No 54 : Schématisation du «
Moi », en fonction des actions, des moyens, des postures de l'accompagnant
et des conséquences sur l'accompagné.
4.2. Construction méthodologique
Pour construire notre démarche méthodologique,
nous nous référerons aux travaux de Luc Albarello (Choisir
l'étude de cas comme méthode de recherche), de Laurence
Bardin (L'analyse de contenu) et au cours de méthodologie de
Loïc Chalmel (UHA : 2016). Ainsi, notre cheminement
méthodologique sera construit en trois étapes (Albarello, 2011 p.
85) :
242
242
4.2.1 Condensation du matériau :
Il s'agit par-là de réduire et
synthétiser les données recueillies avant l'analyse. Nous
effectuerons une pré-analyse à travers une lecture flottant
(Bardin, 2014 p. 125) nous permettant de déterminer les données
qui nous semblent les plus pertinentes pour notre analyse.
4.2.2 Analyse du matériau condensé et
synthétisé :
Nous traiterons les résultats des données
condensées et les interpréterons. Nous utiliserons
également le logiciel Sphynx Quali pour le traitement et l'analyse de
certains de nos matériaux. Ainsi, à la fin de notre analyse nous
mettrons en évidence les points convergents, divergents et aveugles de
chaque matériau (celui de Bugatti et celui de Neuf Brisach).
A partir des éléments analysés dans nos
matériaux, nous chercherons à identifier notre traitement les
représentations du « Moi social » et du «
Moi », en trois axes :
? Les points de convergence se caractérisent
par un discours commun, indicateur d'une culture ou d'une identité
commune.
? Les points de divergence se repèrent par des
réponses tout à fait différentes, faisant débat et
sujet à controverse.
? Les points aveugles s'identifient par des
réponses paradoxales, incompréhensibles et complexes au fil du
questionnaire.
4.2.3 Mise en relation et comparaison des
données de Bugatti et de Neuf Brisach :
In fine, nous mettrons en relation les données
analysées du Bugatti et du Neuf Brisach afin de pouvoir les comparer en
mettant en évidence les points convergents, divergents et aveugles pour
pouvoir aboutir à une ou plusieurs hypothèses sachant que le but
de notre démarche visera à faire émerger des
représentations. Le schéma ci-après illustre les 3
étapes de notre construction méthodologique et la manière
dont nous comptons procéder :
243
Données du Lycée Bugatti
Données du SAJ Neuf Brisach
Condensation du matériau : Réduction
et synthétisation des données
Analyse du matériau condensé
et synthétisé
Condensation du matériau : Réduction
et synthétisation des données
|
Analyse du matériau condensé
et synthétisé
|
Mise en relation et comparaison des données de
Bugatti et de Neuf Brisach
243
Tableau n° 55 : Etapes de notre construction
méthodologique, en fonction des données relevées au
Lycée E. Bugatti et au SAJ de Neuf-Brisach.
244
244
4.3. Méthodologie Lycée Ettore Bugatti
4.3.1. Condensation du matériau, par la
réduction et synthétisation des données
Pour le Lycée Ettore Bugatti nous avons construit trois
outils d'enquête : Une grille d'observation critériée, une
grille d'entretien directif pour les élèves et une grille
d'entretien collectif pour les enseignants. Étant donné que nous
nous situons dans une démarche inductiviste (apostérioriste),
nous avons donc choisi de commencer notre enquête par des observations
empiriques afin de pourvoir relever des indices et des indicateurs nous
permettant par la suite de construire nos grilles d'entretien. Comme cela a
été indiqué antérieurement, nous ferons un tri des
données et nous nous focaliserons sur celles qui nous semblent plus
pertinentes pour notre recherche. Il faut savoir, en ce qui concerne le
Lycée Ettore Bugatti, que le temps que nous avons passé sur le
terrain (environ 2 mois 1/2) est largement insuffisant pour pouvoir
comprendre en profondeur les différentes facettes de la
problématique du décrochage scolaire.
Dans ce genre d'étude on montre que
généralement « il faut 2 à 3 mois pour se faire
une première idée globale de la situation et six mois pour
obtenir une idée précise de ce qui se passe » (Coenen,
2011, p. 52). En effet, notre étude pourra simplement permettre d'avoir
une idée globale et non précise de ce qui se passe en
réalité sur le terrain.
4.3.2. Synthèse et résultats des
observations critériées : Choix de l'outil
Nos observations ont été effectuées en
salle de classe ou en ateliers sur des élèves de Seconde CAP (2
CAP1, 2CAP2, 2 CAP3, 2CAP 4, 2 CAP5) et de Terminale CAP (TCAP1, TCAP2, TCAP3).
Nous avons donc choisi d'observer que les élèves
présentant des risques de décrochage scolaire. Le nombre de ces
derniers s'élèvent à 19 pour les classes de Seconde et de
Terminale CAP et la liste a été établie de manière
conjointe avec les CPE et les proviseurs de l'établissement en tenant
compte des critères suivants (Paredes, 1993) :
? Peu d'engagement dans les activités scolaires
? En conflit constant avec les enseignants ? Sentiment
d'orientation scolaire subie
245
245
? L'ennui (pendant les cours) ? Difficultés
d'apprentissage ? Difficultés personnelles ? Déficit
d'attention.
Ainsi, si nous nous basons sur la loi de Pareto (Koch, 2007),
nous savons qu'il est probable que chaque classe détient 4
élèves décrocheurs (le principe de 20/80 = 20
élèves x 20% et que 4 élèves par classe risquent de
décrocher d'ici la fin de l'année. A cet effet, nous avons fait
en sorte avec les équipes déployées par le
LISEC173 puisse observer au maximum ces élèves dans
les classes avant la fin d'année. Cependant, dans cette étude nos
observations se limiteront à 5 élèves par faute de temps
pour la réalisation des enquêtes et la rédaction du
mémoire. En conséquence, les données que nous avons
récoltées durant nos observations émanent d'un «
matériau en cours de récolte » puisque les
observations ont été poursuivies à partir des
données de ce même matériau par d'autres équipes sur
le terrain. En effet, les informations qui seront traitées sur un
échantillonnage de 5 élèves pourront nous donner dans un
premier temps « un début d'interprétation »
(Albarello, 2011 p. 85) que nous tenterons de confirmer grâce à
l'entretien collectif avec 6 enseignants de l'établissement.
La grille d'observation 174 a été
construite à partir de certains indices que nous pensions être
observables en classe et d'éléments indices que la
littérature scientifique nous fournit sur le comportement des
décrocheurs. Avant de procéder à la phase d'observations
directes en classe, nous avons d'abord entamé une phase de
pré-test. Suite à ce pré-test, nous avons pu apporter
certaines modifications à notre grille d'observation et nous avons
également compris que certains indices de celle-ci ne sont pas
observables. Les grilles sur lesquelles nous avons travaillé sont
anonymes sur demande de la direction de l'établissement. A
l'entête du
173 LISEC : Laboratoire interuniversitaire des sciences de
l'éducation et de la communication rattaché à
l'Université de Haute Alsace.
174 Nous nous sommes inspirés de la grille
d'observation du groupe E formation CAPA-SH (source web :
dsden89.ac-dijon.fr/docs/ash/E_grille_observation.pdf).
246
246
document, nous avons indiqué la matière, la
classe, l'heure et les sigles "EPR" (Elève présentant des
risques) pour identifier l'élève qu'on a observé.
Par ailleurs, nous nous sommes heurtés à
certaines difficultés dans l'entreprise de notre démarche qui ont
eu des répercussions sur la planification et le déroulement des
observations en termes de timing :
a) Problème déontologique en ce qui
concerne l'observation d'un élève dans une classe. En fait, les
élèves devraient être informés de notre
démarche ainsi que leurs parents. Nous n'étions pas
autorisés à les observer sans leur consentement par souci de
transparence vis-à-vis d'eux et des parents. La direction de
l'établissement a dû envoyer un courrier à chaque parent
d'élève des classes à observer pour les informer de la
situation et obtenir leur aval. En cas de désaccord d'un parent ou d'un
élève, il est interdit d'observer l'élève
concerné. En fin de compte, aucun élève n'a
manifesté d'opposition par rapport à cela.
b) Problème administratif. Les enseignants
devraient être informés de notre passage dans leur classe et
donner leur accord. Une assemblée générale a eu lieu en
janvier 2016 par laquelle l'information a été divulguée.
Aucun enseignant n'a refusé de nous accueillir.
c) Problème d'effectif et de
disponibilité. Nous étions environ 7 étudiants de
master en science de l'éducation à effectuer les observations.
Cependant, l'emploi du temps et les disponibilités de chacun ne nous ont
pas permis de suivre les 19 élèves à risque que nous avons
prévu d'observer. Si nous étions plus nombreux, peut-être
qu'on atteindrait cet objectif.
Ainsi, les observations effectuées par toute
l'équipe se sont déroulées sur une période de 10
semaines ce qui équivaut à 2 mois 1/2 en tenant compte seulement
les jours ouvrés hormis les vacances scolaires et les stages. Chaque
observateur devrait observer un élève pendant 7 séances de
cours toutes matières confondues. Cependant, nous avons accentué
nos observations dans les matières générales,
particulièrement en mathématiques et en français, puisque
la
247
247
littérature scientifique nous montre que les
élèves décrocheurs montrent plus de difficultés
durant ces cours (Zay, 2005). In fine, nous avons effectué 13
observations sur un échantillon de 5 élèves EPR
(Elève présentant des risques de décrochage) ce qui
représente 2,5 observations par élève. Comme cela
été évoqué précédemment, à
travers les résultats de cette grille nous avons pu relever des indices
et déterminer certains indicateurs qui nous permettront d'enquêter
auprès des élèves sur le « Moi », le
« Moi social » et la « résilience
», à savoir quelles représentations ils ont de
l'accompagnement et des pratiques des enseignants ? Quels sont les effets sur
la résilience ? Aussi, ces observations nous permettront de dresser un
portrait-robot de l'élève décrocheur au Lycée
Ettore Bugatti. Ainsi, pour traiter les données de nos grilles
d'observations, nous avons utilisé la technique de
pondération par intensité (Bardin, 2014 p. 142).
C'est-à-dire que nous avons mesuré par comptage,
l'intensité avec laquelle apparait chaque élément de la
grille (Ibid., p.142). Ainsi, nous avons obtenu les résultats
présentés dans le tableau ci-dessous en nous basant sur 9
variables : Communication verbale, attitude en classe, gestion du
matériel, relationnel vis-à-vis de ses paires, rapport au
travail, rythme de travail, comportement face à de nouvelles
activités, comportement face à l'échec et
compétences cognitives.
|
OUI
|
NON
|
COMMUNICATION VERBALE ET NON VERBALE
|
|
|
En classe, l'élève utilise un langage
|
|
|
Phrase complexe
|
|
|
Phrase simple
|
7
|
4
|
Phrase explicite et
compréhensible
|
6
|
4
|
Bonne articulation
|
2
|
2
|
Carence énonciative
|
3
|
3
|
Vocabulaire (Qualitatif)
|
|
|
248
248
Soutenu
|
|
4
|
Courant
|
|
4
|
Familier
|
10
|
1
|
Vocabulaire (Quantitatif)
|
|
|
Riche
|
|
1
|
Facilité d'adaptation dans toutes les
activités en atelier
(manipulation d'outils)
|
1
|
1
|
ATTITUDE EN CLASSE
|
Adaptée à la vie de
classe
|
3
|
8
|
Difficulté au respect des
règles
|
7
|
4
|
Gestion du matériel
|
Apporte son matériel
|
11
|
3
|
Organise son matériel
|
7
|
3
|
Sait utiliser son matériel
|
5
|
3
|
RELATIONNEL Positionnement vis-à-vis de ses paires
|
Intégré
|
10
|
3
|
Distrait
|
9
|
4
|
Meneur
|
8
|
5
|
Sociable
|
11
|
2
|
Rejeté
|
1
|
3
|
Fuyant et évitant
|
3
|
6
|
En retrait
|
2
|
6
|
Intéressé
|
1
|
2
|
249
249
Impulsif
|
2
|
1
|
Saut d'humeur
|
0
|
0
|
Besoin d'être sollicité
|
1
|
6
|
Distrait
|
9
|
4
|
Meneur
|
8
|
5
|
Sociable
|
11
|
2
|
Rejeté
Fuyant et évitant
|
1
|
3
|
3
|
6
|
En retrait
|
2
|
6
|
Intéressé
|
1
|
2
|
Impulsif
|
2
|
1
|
Saut d'humeur
|
0
|
0
|
Besoin d'être sollicité
|
1
|
6
|
Rapport au travail
|
Engagé
|
3
|
6
|
Persévérant
|
7
|
6
|
Contraint
|
0
|
5
|
Défaitiste
|
3
|
6
|
Rêveur
|
5
|
4
|
Endormi
|
5
|
5
|
Manque d'autonomie
|
6
|
5
|
Peu appliqué
|
10
|
2
|
Réfractaire
|
2
|
4
|
250
250
Bonne concentration
|
2
|
10
|
Indifférent
|
4
|
8
|
Discret
|
4
|
8
|
Rythme de travail
|
Confond vitesse et précipitation face aux
consignes
|
1
|
5
|
Vitesse normale de travail
|
3
|
2
|
Lent à démarrer le
travail
|
9
|
3
|
Bonne gestion du temps de travail
|
1
|
8
|
Se disperse
|
12
|
3
|
Observe au lieu d'agir
|
9
|
3
|
Comportement face aux nouvelles activités
|
Curieux
|
4
|
9
|
Besoin de motivation par
l'enseignant
|
3
|
4
|
Ne porte aucun intérêt
|
6
|
5
|
Comportement face à l'échec
|
Sait rebondir
|
6
|
4
|
Se décourage
|
3
|
8
|
Se résigne
|
1
|
5
|
Se bloque (bouderies....)
|
2
|
7
|
Indifférent
|
3
|
5
|
COMPETENCES COGNITIVES Restitution
|
251
1
9
A restitué rapidement son savoir et son
savoir-faire acquis des séances
précédentes
251
Tableau n° 56 : Résultats grille d'observations
des élèves.
Nous avons choisi de surligner en jaune les
éléments qui apparaissent plus fréquemment à partir
du chiffre 6 et ainsi de suite. Ceux-ci constituent les indices qui nous
semblent les plus pertinents pour notre enquête. Ainsi, par condensation
des éléments du tableau précédent, nous parvenons
à supprimer les éléments comptés en dessous de 6 et
nous obtenons les résultats suivants en tenant compte de 8 variables :
Communication verbale, attitude en classe, relationnel vis-à-vis de ses
paires, rapport au travail, rythme de travail, comportement face à de
nouvelles activités, comportement face à l'échec et
compétences cognitives. Nous avons supprimé la variable «
gestion du matériel » et ses sous variables.
COMMUNICATION VERBALE
|
OUI
|
NON
|
Phrase complexe
|
|
|
Phrase simple
|
7
|
4
|
Phrase explicite et
compréhensible
|
6
|
4
|
Familier
|
10
|
1
|
ATTITUDE EN CLASSE
|
|
Adaptée à la vie de
classe
|
3
|
8
|
Difficulté au respect des
règles
|
7
|
4
|
RELATIONNEL
Positionnement vis-à-vis de ses pairs
|
|
Intégré
|
10
|
3
|
Meneur
|
9
|
4
|
Sociable
|
8
|
5
|
Rejeté
|
11
|
2
|
Fuyant et évitant
|
3
|
6
|
252
252
En retrait
|
2
|
6
|
RAPPORT AU TRAVAIL
|
|
Engagé
|
3
|
6
|
Persévérant
|
7
|
6
|
Distrait
|
|
|
Défaitiste
|
|
|
Manque d'autonomie
|
6
|
5
|
Peu appliqué
|
10
|
2
|
Bonne concentration
|
|
|
Indifférent
|
4
|
8
|
Discret
|
4
|
8
|
RYTHME DE TRAVAIL
|
|
Lent à démarrer le travail
|
9
|
3
|
Bonne gestion du temps de travail
|
1
|
8
|
Se disperse
|
12
|
3
|
Observe au lieu d'agir
|
9
|
3
|
Comportement face aux nouvelles activités
|
|
Curieux
|
4
|
9
|
Besoin d'être stimulé par
l'enseignant
|
|
|
Ne porte aucun intérêt
|
6
|
5
|
Comportement face à l'échec
|
|
Sait rebondir
|
6
|
4
|
Se décourage vite
|
3
|
8
|
Se bloque
|
2
|
7
|
Indifférent
|
|
|
Compétence cognitive
|
|
Sait restituer rapidement son savoir et son
savoir-faire acquis des séances
précédentes
|
1
|
9
|
Tableau n° 57 : Résultats condensés grille
d'observations des élèves décrocheurs par l'équipe
de recherche
UHA.
253
253
Par ailleurs, nous avons utilisé le tableau
précédent sans les résultats, sous forme de grille et nous
avons demandé à 6 enseignants de l'établissement de la
remplir de manière spontanée. En effet, nous cherchons à
corroborer nos résultats ou les infirmer. Nous voulons savoir si ce que
nous avons observé correspond aux réalités du terrain.
C'est la raison pour laquelle nous avons sollicité ces professionnels
afin d'obtenir un deuxième avis. Le tableau ci-après affiche les
résultats obtenus. Sur 6 grilles distribuées 5 ont
été dûment remplies et remises en main propre.
Pour l'analyse des résultats, nous avons eu recours
à la technique de pondération par intensité
utilisée antérieurement. Étant donné que ce
nouveau matériau est moins dense que le précédent, nous
avons compté la fréquence des éléments à
partir du chiffre 2 que nous avons surligné en jaune dans la page
suivante :
254
COMMUNICATION VERBALE
|
OUI
|
NON
|
254
Phrase complexe
|
2
|
2
|
Phrase simple
|
1
|
3
|
Phrase explicite et
compréhensible
|
1
|
3
|
Familier
|
2
|
1
|
ATTITUDE EN CLASSE
|
|
Adaptée à la vie de
classe
|
2
|
2
|
Difficulté au respect des
règles
|
2
|
1
|
RELATIONNEL
Positionnement vis-à-vis de ses pairs
|
|
Intégré
|
1
|
2
|
Meneur
|
4
|
1
|
Sociable
|
3
|
1
|
Rejeté
|
3
|
|
Fuyant et évitant
|
3
|
|
En retrait
|
1
|
1
|
RAPPORT AU TRAVAIL
|
|
Engagé
|
|
2
|
Persévérant
|
|
2
|
Distrait
|
3
|
|
Défaitiste
|
5
|
|
Manque d'autonomie
|
2
|
1
|
Peu appliqué
|
1
|
1
|
255
255
Bonne concentration
|
1
|
2
|
Indifférent
|
3
|
|
Discret
|
|
1
|
RYTHME DE TRAVAIL
|
|
Lent à démarrer le travail
|
2
|
1
|
Bonne gestion du temps de travail
|
|
2
|
Se disperse
|
4
|
|
Observe au lieu d'agir
|
2
|
|
Comportement face aux nouvelles activités
|
|
Curieux
|
|
2
|
Besoin d'être stimulé par
l'enseignant
|
1
|
1
|
Ne porte aucun intérêt
|
5
|
|
Comportement face à l'échec
|
|
Sait rebondir
|
|
2
|
Se décourage vite
|
3
|
|
Se bloque
|
4
|
|
Indifférent
|
4
|
|
Compétence cognitive
|
|
256
Sait restituer rapidement son savoir et son
savoir-faire acquis des séances
précédentes
1
1
256
Tableau n° 58 : Résultats condensés
grille d'observations des élèves décrocheurs par les
enseignants.
Nous observons le comparatif des résultats de la grille
d'observations des élèves décrocheurs (équipe
recherche) et des résultats de la grille d'observations enseignants
comme suit :
|
Résultats équipe recherche
UHA
|
Résultats enseignants
|
COMMUNICATION VERBALE
|
OUI
|
NON
|
OUI
|
NON
|
Phrase complexe
|
|
|
2
|
2
|
Phrase simple
|
7
|
4
|
1
|
3
|
Phrase explicite et compréhensible
|
6
|
4
|
1
|
3
|
Familier
|
10
|
1
|
2
|
1
|
ATTITUDE EN CLASSE
|
Adaptée à la vie de classe
|
3
|
8
|
2
|
2
|
Difficulté au respect des règles
|
7
|
4
|
2
|
1
|
RELATIONNEL
Positionnement vis-à-vis de ses pairs
|
Intégré
|
10
|
3
|
1
|
2
|
257
257
Meneur
|
9
|
4
|
4
|
1
|
Sociable
|
8
|
5
|
3
|
1
|
Rejeté
|
11
|
2
|
3
|
|
Fuyant et évitant
|
3
|
6
|
3
|
|
En retrait
|
2
|
6
|
1
|
1
|
RAPPORT AU TRAVAIL
|
|
|
|
Engagé
|
3
|
6
|
|
2
|
Persévérant
|
7
|
6
|
|
2
|
Distrait
|
|
|
3
|
|
Défaitiste
|
|
|
5
|
|
Manque d'autonomie
|
6
|
5
|
2
|
1
|
Peu appliqué
|
10
|
2
|
1
|
1
|
Bonne concentration
|
|
|
1
|
2
|
Indifférent
|
4
|
8
|
3
|
|
Discret
|
4
|
8
|
|
1
|
RYTHME DE TRAVAIL
|
|
|
|
Lent à démarrer le travail
|
9
|
3
|
2
|
1
|
Bonne gestion du temps de travail
|
1
|
8
|
|
2
|
Se disperse
|
12
|
3
|
4
|
|
Observe au lieu d'agir
|
9
|
3
|
2
|
|
Comportement face aux nouvelles
activités
|
|
|
|
Curieux
|
4 9
|
|
2
|
258
258
Besoin d'être stimulé par l'enseignant
|
|
|
1
|
1
|
Ne porte aucun intérêt
|
6
|
5
|
5
|
|
Comportement face à l'échec
|
|
|
|
Sait rebondir
|
6
|
4
|
|
2
|
Se décourage vite
|
3
|
8
|
3
|
|
Se bloque
|
2
|
7
|
4
|
|
Indifférent
|
|
|
4
|
|
Compétence cognitive
|
Sait restituer rapidement son savoir et son savoir-faire
acquis des séances précédentes
|
1
|
9
|
1
|
1
|
Tableau n°59 : Comparatif résultats grille
d'observations des élèves décrocheurs (équipe
recherche) et résultats grille d'observations enseignants.
4.3.3 Analyse et interprétations des
observations critériées
En comparant les tableaux de nos observations et celles
remplies par les enseignants de manière intuitive, nous constatons que
les résultats diffèrent peu. Ainsi, nous pouvons à partir
des deux données recueillies d'une part d'autre, déterminer un
profil type de l'élève décrocheur de classe de Seconde et
de Bac pro du Lycée Ettore Bugatti comme nous le montre le tableau
suivant :
259
Profil type déterminé à partir de nos
observations
|
Profil type déterminé à partir de
l'intuition des enseignants
|
L'élève décrocheur parle avec des
phrases
|
L'élève décrocheur a un langage familier.
Il
|
simples, explicites et compréhensibles. Son
|
a des difficultés à respecter les règles.
Sur le
|
niveau de langue est familier. Il apporte et
|
plan relationnel, c'est un meneur qui peut être
|
organise son matériel scolaire. En classe
|
sociable, qui est parfois rejeté, fuyant et
|
l'élève est distrait mais intégré
dans le groupe
|
évitant. Par rapport au travail, il est
|
avec une parfaite sociabilité. Il est souvent
|
indifférent, défaitiste et manque
|
meneur, leader, celui qui influence. Par
|
d'autonomie. Il a un rythme de travail lent et
|
rapport au travail, il peut se montrer parfois
|
une mauvaise gestion de son temps de son
|
persévérant, mais manque d'engagement,
d'application, d'autonomie et de
|
temps de travail. Il se disperse et observe avant d'agir. Face
à de nouvelles activités, il
|
concentration. Son rythme de travail est lent, il se disperse
vite et observe au lieu d'agir. Il
|
ne porte aucun intérêt et ne fait preuve d'aucune
curiosité. Face à l'échec, il se
|
s'intéresse rarement aux nouvelles activités
|
décourage vite, se bloque ou reste indifférent
|
présentées en cours (nouvelle
séquence).
|
et ne sait pas rebondir.
|
Face à l'échec, il a du mal à rebondir,
il se décourage et se bloque. Sur le plan cognitif, il arrive rarement
à restituer le savoir et savoir-faire acquis au cours
précédent.
|
|
Tableau n° 60 : Tableau profil type
élève décrocheur.
Par ailleurs, les éléments présentés
dans le tableau précédent montrent des points convergents
divergents et aveugles :
Points convergents Points divergents Points aveugles
Langage familier Rejeté Parle avec des
phrases
simples explicites et compréhensibles
|
Meneur Fuyant Il a des difficultés
à respecter
les règles
259
260
260
Sociable Évitant Il arrive rarement
à restituer
le savoir et savoir-faire acquis au cours
précédent.
|
Manque d'autonomie
Manque de concentration
Observe au lieu d'agir
Rythme de travail lent
Porte aucun intérêt aux nouvelles
activités
Se décourage vite
Se bloque
Ne sait pas rebondir
Tableau n° 61 : Points convergents, divergents et
aveugles
In fine, l'ensemble des résultats obtenus nous montre
de manière globale que les élèves décrocheurs du
Lycée Ettore Bugatti rencontrent des difficultés sociales et
d'apprentissage. Cependant, il est important de noter que les observations nous
montrent une certaine intégration de ces élèves dans leur
milieu scolaire. En d'autres termes, la plupart de ces élèves ne
sont pas des décrocheurs internalisés, c'est-à-dire
présentant des signes de repli et d'enfermement sur soi. Les questions
qu'on peut se poser : Est-ce que ce comportement externalisé est
dû à un malaise face au système scolaire ou
l'établissement scolaire qu'ils fréquentent ? De ce fait, notre
enquête se poursuivra par une série d'entretiens directifs qui
nous permettront de faire émerger leurs ressentis, émotions,
représentations du système scolaire et des enseignants qui les
accompagnent. Dans quelle configuration éducative se retrouvent-ils ?
Sont-ils baignés dans
261
261
un système Didactique/Moi social ou
Pédagogique/Moi ? Nous avons pu relever également à
travers ces observations, certains indices comme « se décourage
vite, se bloque, ne sait pas rebondir, manque d'autonomie » qui sont
des signes ne favorisant pas la résilience. Les entretiens vont donc
nous permettre d'entrer un peu en profondeur et répondre à
certaines interrogations. Nous tenterons, à travers les
représentations des élèves de mettre en exergue les
pratiques d'accompagnement des enseignants et leurs finalités.
4.3.3.1. Synthèse et résultats des entretiens
directifs auprès des élèves décrocheurs : Choix de
l'outil
Nous avons choisi l'entretien directif pour enquêter
auprès de 6 élèves de Seconde CAP présentant des
risques de décrochage directif. Nous avons fait le choix des Seconde CAP
et non des Terminale CAP, parce que les classes de seconde ont
bénéficié de l'accompagnement SAS au début, qui est
un dispositif de persévérance et résilience scolaire. Nous
voulons par-là, la présence ou non d'indicateurs de
résilience chez ces élèves. Le but de ce type d'entretien
est non seulement de faire émerger des représentations mais il
sert également à contrôler et vérifier les
indicateurs relevés à travers nos observations empiriques et de
notre champ théorique comme nous le montre le tableau suivant :
Entretien
Recherche
|
Directif
|
Semi-directif
|
Libre
|
Collectif
|
Contrôle
|
X
|
|
|
|
Vérification
|
X
|
X
|
|
X
|
Approfondissement
|
|
X
|
X
|
X
|
Exploration
|
|
|
X
|
X
|
262
262
Tableau n° 62 : Tableau montrant les différents
types d'outils d'entretien et les objectifs visés en
recherche175.
Il faudra souligner selon Chalmel176 (2016) qu'en
méthodologie de recherche, l'entretien directif fait
généralement suite aux observations empiriques
réalisées sur le terrain. Ce type d'outil offre l'avantage
d'explorer plusieurs pistes en posant des questions dirigées et semi
fermées. En fait, dans ce type d'entretien nous attendons une
réponse exacte de l'interviewé. Notre grille d'entretien contient
59 questions balayant plusieurs champs comme le système scolaire, le
lycée, les enseignants, l'accompagnement et la résilience. Des
réponses obtenues, nous retiendrons seulement celles qui nous paraissent
pertinentes et qui font du sens pour notre étude. En outre, il faut
souligner que nous avons observé que les élèves de CAP
puisque ces derniers ont énormément de mal à verbaliser,
parler de manière claire de leurs ressentis et émotions. La phase
de pré-test sur 3 élèves de CAP a confirmé cette
tendance. Aussi, Cyrulnik (2000 p. 157) montre que « les jeunes sont
des témoins fiables lorsque les adultes leur posent des questions
pertinentes, il ne faut pas chercher à les influencer ou
répéter les questions car alors ils pensent qu'ils se sont
trompés et donnent une réponse différente à la
deuxième question ». En ce sens, l'outil de l'entretien
directif nous semble très approprié pour notre enquête
auprès de cette population d'élèves. En termes de
difficultés rencontrées, nous n'avons pas rencontré de
soucis de majeurs pour avoir ces élèves entretien. Ils
étaient tous très coopératifs. Ensuite, nous allons dans
un premier temps présenter les résultats d'analyse globale du
logiciel Sphinx Quali des entretiens directifs effectués auprès
de 6 élèves décrocheurs du Lycée Ettore Bugatti.
Nous avons trié, condensé ces résultats en fonction de
leur pertinence et du sens qu'ils revêtent. Ensuite, nous
procéderons à une analyse plus synthétique des
entretiens.
175 Nous nous sommes inspirés du tableau en provenance du
site web suivant
http://w3.gril.univtlse2.fr/francopho/lecons/entretien.html#Introduction
176 Cours méthodologie de recherche de M. Loïc
Chalmel
263
Résultats Analyse logiciel Sphinx
Quali
Orientations et sentiments
|
Orientation des réponses et
|
|
|
|
|
:
Documentation
100%
sentiments
263
Nettement positif
Plutôt positif
Partagé
Plutôt négatif
Nettement négatif
|
Longueur
Mots spécifiques
Contextes spécifiques
|
Positif
|
Négatif
|
29 mots
|
30 mots
|
Collège lycée math sport
|
Cours Prof élève
|
Classe n° 3
|
|
264
264
Sans opinion
La tendance dominante dans les réponses reflète
une orientation sans opinion. Vos réponses présentent une forte
proportion de réponses neutres ou ambiguës, l'analyse de
l'orientation n'est pas très polarisée.
Tableau n° 63 : Tableau Sphinx orientation des
réponses et sentiments
Dans ce tableau le logiciel analyse la fréquence des mots
positifs et négatifs utilisés par les élèves
pendant l'entretien.
|
Caractérisation selon l'orientation et les
sentiments
|
|
Effectifs
|
Longueur moyenne
|
Les 5 mots spécifiques
|
Nettement positif
|
6
|
20
|
math - sport - lycée - professeur - ...
|
Plutôt positif
|
12
|
34
|
Collège -lycée -règle
|
Partagé
|
4
|
33
|
math - sport - professeur - ...
|
Plutôt négatif
|
8
|
34
|
Cours - directeur - aide - pote
|
Nettement négatif
|
7
|
25
|
Prof - commande - erreur - chose - élève - ...
|
Sans opinion
|
21
|
14
|
primaire - collège - atelier - pote - chose - ...
|
Tableau n° 64 : Tableau Sphinx caractérisation
selon l'orientation et les sentiments
Dans le tableau ci-dessus, le logiciel met en relation les
émotions et la fréquence de mots spécifiques apparaissant
dans les entretiens.
265
265
Corpus lexical Sphinx
Mots
|
Occ.
|
Obs.
|
Cat
|
faire
|
55
|
25
|
Verbe
|
savoir
|
52
|
26
|
Verbe
|
aller
|
35
|
19
|
Verbe
|
collège
|
29
|
15
|
Nom
|
pouvoir
|
23
|
15
|
Verbe
|
dire
|
22
|
14
|
Verbe
|
aimer
|
16
|
10
|
Verbe
|
cours
|
15
|
13
|
Nom
|
prof
|
15
|
12
|
Nom
|
changer
|
15
|
8
|
Verbe
|
vouloir
|
14
|
11
|
Verbe
|
Tableau n° 65 : Tableau du corpus lexical.
Le tableau en supra présente les verbes d'action et les
mots les plus utilisés par les élèves pendant
l'entretien.
Lexique des concepts Sphinx
Concepts Obs.
Instruction et recherche 16
Débat 4
Emploi et salaire 4
Tableau n° 66 : Tableau du lexique des
concepts
Le tableau ci-dessus montre par ordre de priorité les
concepts utilisés par les élèves lors de l'entretien.
4.3.3.2 Analyse et interprétations des entretiens
directifs auprès des élèves décrocheurs
En se basant, sur l'analyse globale de Sphinx des tableaux 67 et
68 sur les opinions, nous constatons que ces élèves ont des
sentiments positifs en ce qui concerne le lycée et son fonctionnement
actuel (règlement intérieur), le collège qu'ils ont
fréquenté auparavant, les
266
enseignants de lycée, les cours de maths et de sport.
Ensuite, dans le tableau 69 sur le corpus lexical les mots qui viennent en
tête de liste et ayant enregistré plus d'occurrences sont :
faire, savoir, aller, collège, pouvoir, dire, aimer, cours,
prof, changer, vouloir, lycée, parler, apprendre, math.
Par ailleurs, le tableau 70 sur le lexique des concepts
utilisés nous retrouvons le concept « instruction et recherche
» qui a été observé 16 fois dans les entretiens.
En clair, les sentiments des élèves sur le système
scolaire sont partagés mais ils ne sont pas négatifs. Il y a
peut-être quelque chose qui se met place au niveau de la
résilience, de la réconciliation avec l'école en
dépit des comportements négatifs affichés en salle de
classe et de leurs difficultés d'apprentissage. On souligne dans les
résultats de Sphinx une recherche surtout d'action, de faire par rapport
peut -être au savoir et à l'apprentissage. Cependant, il est
à remarquer que ces élèves 246se sont très peu
exprimés sur l'école primaire. Et pourtant, nous leur avons
posé des questions pour essayer d'avoir leurs ressentis sur la
manière dont ils ont vécu cette première étape de
leur scolarité et les réponses obtenues sont plutôt vagues
et négatives comme suit :
- Je n'aimais pas y aller. Je n'ai jamais aimé
l'école
- Non pas trop de souvenirs, je me souviens que je me battais
beaucoup - Le directeur ne m'aimait pas
- Je me rappelle plus
Les questions qu'on peut se poser sont les suivantes : Est-ce
qu'il y a un fracas dans leur « Moi » à partir de la
primaire ? Est-ce que les blessures ont commencé à partir de la
primaire ? Qu'est ce qui a causé ces blessures et comment ont-elles
été infligées ? En effet, nous avons remarqué dans
les entretiens que dès le collège ces élèves
présentaient déjà des problèmes de comportement ou
des signes externes de décrochage scolaire. A la question 49 de notre
grille d'entretien qui a été posée à nos 6
interviewés : Quand t'étais au collège, quelles sont
les remarques que les professeurs te faisaient le plus souvent (dans les
bulletins, carnet, en classe) ?
Nous avons obtenu les réponses suivantes :
266
N.B Les codes E1, E2....désignent les élèves
interviewés
267
267
E1 Parle trop, dérange la classe, travaille pas,
fait n'importe
quoi
Perturbe les cours, parle avec les camarades, parle trop
E2
Trop agité
E3
Bavardages, comportement, travail
E4
Arrête de parler, perturbe la classe
Parle trop, pas motivé d'être en cours
E6
E5
Tableau n°67 : Réponses des
élèves interviewés.
En clair, ces réponses nous montrent, quelque part, les
difficultés de ces élèves n'ont peut-être pas
commencé au collège mais bien en primaire. Il est fort probable
que le fracas ait eu lieu au premier cycle. Par ailleurs, la littérature
scientifique montre que la plupart des élèves en échec
scolaire au second degré montrent des signes révélateurs
de leur fragilité dès la 6e (Zay, 2005). Il faudra
souligner que l'école n'est pas souvent la principale cause de
l'échec des jeunes mais elle participe dans leur construction
identitaire (« Moi social ») (Pourtois et Desmet, 2004).
Quand les institutions scolaires classiques n'adaptent pas les
pédagogies en fonction des besoins des élèves en
souffrance, elles finissent par provoquer l'effondrement identitaire (crash du
Moi social) de ces derniers. En clair le décrochage de
l'élève est construit par le système scolaire qui n'a pas
pu apporter les solutions adéquates à ses difficultés. Il
serait donc intéressant de vérifier l'hypothèse selon
l'hypothèse selon laquelle ces élèves sont
fracassés dès le début de leur scolarité.
Dans le tableau ci-dessous, nous présentons les points
communs, divergents, aveugles des élèves interviewés par
rapport aux concepts « Didactique/Moi social », «
Pédagogie/Moi » et « Résilience
». Voir pages 202-204.
|
Points convergents
|
Points divergents
|
Points aveugles
|
|
Je n'arrive pas faire le lien entre
les enseignements généraux
|
Je ne me sens pas obligé d'aller en cours
|
Je pense, j'espère que les cours me
serviront un jour (6 réponses sur 6)
|
Didactique/
|
(Maths, français, anglais, etc.) et ce que je fais en
stage. (6 réponses sur
|
(3 réponses sur 6)
|
|
|
6)
|
|
|
« Moi social »
|
|
|
|
|
Je me sens obligé d'aller en cours
|
|
|
|
(3réponses sur 6)
|
|
|
|
Quand j'effectue une tâche en
|
Je ne me sens pas écouté, compris par les
|
Je n'ai pas réussi à faire seul quelque chose
|
|
classe, en atelier ou en stage je
sens que j'ai droit à l'erreur. (6 réponses sur
6)
|
enseignants (1 réponse sur 6)
|
en stage que je n'ai pas appris en cours (5 réponses
sur 6)
|
Pédagogie/
|
|
Les enseignants ne font pas attention à
|
|
« Moi »
|
Je me sens écouté compris par les enseignants.
|
« Moi » (1 réponse sur 6)
|
Il y a rien qui me motive à aller en cours (3
réponses sur 6)
|
|
(5 réponses sur 6)
|
Les enseignants ne sont pas bienveillants avec les
élèves
|
|
269
269
|
Je sens que les enseignants font attention à « Moi
».
(5 réponses sur 6)
|
(1 réponse sur 6)
Je ne voudrais pas qu'on me laisse choisir mes cours et mon
emploi du temps
|
|
|
|
(2 réponses sur 6)
|
|
|
Les enseignants sont bienveillants avec les
élèves.
|
|
|
|
|
Je ne me sens pas bien accompagné au
|
|
|
(5 réponses sur 6)
|
lycée (1 réponse sur 6)
|
|
|
Je voudrais qu'on me laisse choisir
|
Je ne suis pas capable de trouver des
|
|
|
mes cours et mon emploi du temps
|
solutions face un problème sur mon lieu de stage
|
|
|
(4 réponses sur 6)
|
|
|
|
|
(5 réponses sur 6)
|
|
|
Je me sens bien accompagné au lycée (5
réponses sur 6)
|
|
|
270
270
|
Je me sens capable de faire seul tout ce qu'on me demande de
faire
sur mon lieu de stage ((6 réponses sur 6)
|
|
|
|
Je suis capable de trouver des solutions face un problème
sur mon lieu de stage
|
|
|
|
(5 réponses sur 6)
|
|
|
|
Je me sens encouragé par mes
|
Je ne me sens pas encouragé par mes
|
Je me sens capable de m'en sortir tout seul
|
|
proches et les enseignants (5
réponses sur 6)
|
proches et les enseignants (1 réponses sur
6)
|
face à un problème sans l'aide des autres (5
réponses sur 6)
|
Résilience
|
|
|
|
|
Je cherche à comprendre les
raisons pour lesquelles je n'ai pas réussi à
faire quelque chose
|
Il y a aucune activité qui me passionne dans la vie
(1 réponse sur 6)
|
Je ne sais pas si un jour je pourrai aider des jeunes qui sont
en difficulté (1 réponse sur 6)
|
|
(6 réponses sur 6)
|
Je ne souhaite pas aider un jour des jeunes en
difficulté (1 réponse sur 6)
|
|
271
271
|
J'ai un rêve que je voudrais
accomplir un jour (6 réponses sur 6)
|
|
|
|
Il y a des activités qui me
passionnent dans la vie (5 réponses sur 6)
|
|
|
|
Je voudrais un jour aider des
jeunes qui sont en difficulté (5 réponses sur
6)
|
|
|
Tableau n° 68 : Réponses des
élèves triées en points convergents, divergents et
aveugles en fonction du « Moi », du « Moi social » et de la
résilience.
Sur l'ensemble de nos entretiens nous constatons que la
plupart des réponses obtenues convergent vers la Pédagogie/
« Moi » et la Résilience. Nous avons relevé
très peu d'indicateurs sur la « Didactique/ Moi social
». Cela pourrait nous laisser penser que l'accompagnement que
bénéficie les élèves du Lycée Ettore Bugatti
est peut-être orienté beaucoup plus vers un système «
Pédagogie/Moi » que plutôt vers un système
272
« Didactique/Moi social ». Cependant, il
faudra souligner quelques points aveugles qui nous incitent à
approfondir notre réflexion et poursuivre notre enquête
auprès du personnel enseignant.
Dans la partie « Didactique/Moi social » du
tableau en supra, nous avons souligné le point aveugle suivant : «
J'espère, que les cours me serviront un jour
». Cette réponse surgit, en dépit du fait que
les élèves ont affirmé qu'ils n'arrivaient pas à
faire le lien entre les cours d'enseignements généraux (maths,
français, anglais, etc.) et les taches effectuées en stage. Ce
qui revient à dire que ces cours ont une finalité didactique
plutôt que pédagogique. On est plus dans une configuration de
transmission de savoir que plutôt dans l'ergonomie cognitive, qui est un
agencement des connaissances visant une finalité pratique. Et
malgré cela, il semble que les élèves veulent faire encore
« confiance au système » en
espérant que ces cours leur serviront à quelque chose.
272
Dans la partie « Pédagogie/Moi » on
note deux points aveugles :
1. Je n'ai pas réussi à faire seul
quelque chose en stage que je n'ai pas appris en cours : Ce point
soulève un problème pédagogique de « savoir agir
» par opposition au « savoir-faire » du système
didactique. En d'autres termes, on apprend à l'élève agir
en fonction d'un référentiel de compétences, d'un ensemble
de savoir-faire. En dehors de ce cadre, des savoir-faire appris en cours,
l'élève se retrouve dans l'impossibilité d'apporter une
solution à un problème rencontré sur son lieu de stage, ce
qu'on appelle en pédagogie le « savoir agir ».
2. Il y a rien qui me motive à aller en cours
: Malgré les efforts répétés du corps
éducatif en termes d'accompagnement, de « Pédagogie/Moi
», certains élèves n'éprouvent pas le
désir d'apprendre, d'aller en cours. Et pourtant, toutes les
réponses montrent que le lycée leur offre un cadre chaleureux et
une chance de réussir et s'insérer professionnellement. On
soulève par-là, un problème de motivation, d'engagement.
D'ailleurs, il n'existe aucune trace de « bonheur pédagogique
» des élèves dans nos entretiens. En clair, aucun de
ces élèves nous ont fait part d'un bon souvenir par rapport
à l'apprentissage dans leur passé scolaire. Ce manque de
motivation, d'engagement peut être lié à plusieurs facteurs
dont nous ne pourrons pas déterminer dans cette étude. Cependant,
il est peut-être probable que ce soit lié à un fracas
scolaire du passé, qui bloque par rapport à l'école.
Dans la partie résilience, nous soulignons deux points
aveugles mais nous ne retiendrons que l'un d'entre eux puisque celui nous
semble très pertinent :
- Je me sens capable de m'en sortir tout seul face
à un problème sans l'aide des autres : Ceci ne
correspond pas du tout à ce qui a été observé sur
le terrain. D'ailleurs, les résultats de nos grilles d'observations
montrent que ces élèves ne sont pas autonomes, ils se
découragent vite, se bloquent face à une difficulté. Lors
des entretiens, la plupart d'entre eux ont affiché un certain optimisme
en ce qui concerne l'accomplissement et la réalisation d'une
tâche. Comme cela a été évoqué
antérieurement, il y a un désir de réaliser, d'accomplir
chez ces élèves. Néanmoins, ce désir ne se traduit
pas en actes sur le terrain d'apprentissage. Est-ce qu'il manque des
éléments qui font sens pour eux dans les cours ? Ce qui est
clair, c'est retrouve dans leurs propos le concept de « motivation
intrinsèque ». Il est important de souligner que, la
littérature scientifique montre qu'il existe deux types de motivation :
La motivation intrinsèque et la motivation
extrinsèque.
274
Motivation
Extrinsèque
Intrinsèque
Satisfaction de soi par une activité
réalisée
Récompenses, compétitions punitions,
évitement
274
Figure no 69 : Schématisation de la
différence entre motivation extrinsèque et
intrinsèque
La motivation intrinsèque chez une personne
est stimulée par la satisfaction de soi suite à une
activité réalisée. Par exemple, le projet 4L Trophy
réalisé par les élèves sur une carcasse de voiture
qui a été mise à neuf pour une mission humanitaire, est un
très bon exemple d'activité pouvant stimuler la motivation
intrinsèque. En revanche, la motivation extrinsèque
est stimulée par la compétition, les récompenses, les
punitions, l'évitement. Ainsi, on constate plus les élèves
grandissent et plus leur motivation extrinsèque augmente, c'est
le cas pour les adolescents. Par contre, la motivation intrinsèque
des élèves est plus élevée en primaire
(Bourgeois E., 2007). C'est ce type de motivation qui apparait plus
fréquemment dans les entretiens qu'on a réalisés
auprès des élèves. Il faudra peut-être
préconiser une pédagogie orientée beaucoup plus vers la
motivation intrinsèque dans lutte contre le décrochage scolaire
au Lycée Ettore Bugatti. In fine, nous avons relevé de points
convergents, des facteurs majeurs favorisant la résilience comme :
? L'encouragement par un tiers
? Quête identitaire
? Passion
? Rêve
? Altruisme
275
Tableau n°70 : Tableau représentatif des types
d'entretien en fonction de critères de recherche.
275
4.3.3.3 Synthèse et résultats de l'entretien
collectif auprès des enseignants : Choix de l'outil Pour les enseignants
nous avons réalisé un entretien collectif avec 6 personnes. Ce
type
Entretien
Recherche
|
Directif
|
Semi- directif
|
Libre
|
Collectif
|
Contrôle
|
X
|
|
|
|
Vérification
|
X
|
X
|
|
X
|
Approfondissement
|
|
X
|
X
|
X
|
Exploration
|
|
|
X
|
X
|
d'entretien présente de nombreux avantages. Il permet
non seulement de vérifier des indicateurs mais offre également la
possibilité d'entrer en profondeur et d'explorer. Nous avons fait un
pré-test sur 2 personnes avant d'utiliser notre outil. Il est important
de souligner que l'entretien collectif est l'outil le plus complet en
matière de méthodologie de recherche comme nous le montre le
tableau ci-après :
Tous ces éléments positifs résident dans
le monde intérieur de ces élèves considérés
en difficulté et à risque au Lycée Ettore Bugatti. Ainsi,
nous allons enquêter auprès des enseignants afin de pouvoir
d'approfondir notre analyse.
Avant de procéder à l'interprétation des
résultats de notre entretien, nous allons présenter dans un
premier temps les résultats d'analyse du logiciel Sphinx :
Lexique corpus Sphinx
Mots
|
Occurrences
|
Observations
|
Catégorie
|
élève
|
74
|
6
|
Nom
|
faire
|
52
|
5
|
Verbe
|
dire
|
46
|
6
|
Verbe
|
276
aller
|
42
|
4
|
Verbe
|
pouvoir
76
|
35
|
6
|
Verbe
|
2
problème
|
25
|
2
|
Nom
|
savoir
|
24
|
4
|
Verbe
|
formation
|
18
|
5
|
Nom
|
devoir
|
18
|
4
|
Verbe
|
penser
|
14
|
3
|
Verbe
|
société
|
13
|
2
|
Nom
|
enseignant
|
12
|
4
|
Nom
|
adapter
|
12
|
3
|
Verbe
|
Tableau no 71 : Résultats d'analyse du
logiciel Sphinx.
Le tableau ci-dessus présente les mots (Nom, verbe) plus
fréquents utilisés par les enseignants pendant l'entretien.
Analyse Sphinx Orientation des
sentiments
|
Nettement positif
|
|
Positif
|
|
Négatif
|
|
|
|
|
Longueur
|
103 mots
|
|
641 mots
|
Plutôt positif Partagé
Plutôt négatif
|
|
|
|
|
Mots spécifiques
|
Élève bon travail pédagogie apprenant
|
|
Problème enseignant formation professionnel
|
Figure no 72 : Analyse Sphinx Orientation des
sentiments
4.3.3.4. Analyse et interprétations de l'entretien
collectif avec les enseignants
Les résultats Sphinx des tableaux 73 et 74 nous
montrent globalement que les enseignants éprouvent des sentiments
positifs par rapport aux élèves. En revanche, nous relevons que
les enseignants ont des sentiments négatifs sur leur formation et celle
des élèves. Le système d'enseignement est donc mis en
cause comme nous le montre ces extraits d'entretien :
Extrait 1 « Les années de formation des
élèves, ils n'ont pas assez »
277
Extrait 2 « Privilégier l'enseignement
professionnel »
277
Extrait 3 « Nous dans notre enseignement, on n'est pas
bon. Il y a quelque chose qui ne va pas »
Comme le montre le tableau 73 du lexique de corpus, le mot
« élève » est en tête de liste. En clair,
l'élève reste au centre des préoccupations des
enseignants. Quand on demande aux enseignants qu'est ce qui a changé de
manière significative par rapport aux élèves, nous
obtenons les réponses suivantes :
- Le comportement des élèves
- L'envie de faire
- La perte du goût de l'effort
- L'attitude des élèves
- Les élèves sont moins responsables
- Les élèves sont moins respectueux
vis-à-vis de l'institution
- Problème de société
- Les élèves ont évolué avec la
société
- Les parents sont très bien mais hyper
démunis
- L'éducation parentale
- Un public différent
A la question : Qu'est ce qui faudrait changer au
système éducatif aujourd'hui ?, les réponses obtenues
sont les suivantes :
- Plus de formation en milieu professionnel
- Créer des petites structures d'enseignement ou plusieurs
enseignants qui co-animent
- Etre plus à l'écoute des enseignants
- L'accueil des élèves
- Diminution des effectifs en salle de classe
- Prévention
- Travailler avec des petits groupes d'élèves
278
Par ailleurs, quand nous avons abordé la question du
cursus de formation des enseignants en lycée professionnel, les
interviewés nous ont indiqué plusieurs pistes
d'amélioration qui
278
devraient être pris en compte comme :
- Connaissance de l'environnement personnel des
élèves
- Connaissance des catégories socio-professionnelles
défavorisées
- Formation pédagogique orientée beaucoup plus
vers l'individu et non sur les techniques d'apprentissage
En effet, le mot « adapter » a
été utilisé 12 fois dans les entretiens. Les contextes
dans lesquels ce vocable a été employé nous laissent
comprendre que la plupart des enseignants sont conscients qu'ils doivent
s'adapter aux élèves. Par ailleurs, à la question «
quels sont les mots qui vous paraissent les plus importants dans votre pratique
professionnelle ? », nous avons obtenu les réponses suivantes :
P1
|
P2
|
P3
|
P4
|
P5
|
Efficacité
|
Individualité
|
Qualité
|
Cadre
institutionnel
|
Proposition d'apprentissage
|
Qualité
|
Ecoute
|
Evaluation
|
Efficacité
|
Efficacité
|
Evaluation
|
Considération
|
Performance
|
Relativité
|
Adaptation
|
Individualité
|
Relation horizontale avec l'élève
|
Compétence
|
L'échec est
une valeur
|
Individualité
|
Autonomie
|
|
Pédagogie
|
Qualité
|
Ethique
|
Elève
compétent
|
|
Former
|
Evaluation
|
Bienveillance
|
Passion
|
|
Autonomie
|
Adaptation
|
Ecoute
|
N.B les codes P1, P2... désignent les professeurs
interviewés
Tableau n° 73 : Tableau représentatif des mots
les plus représentés lors de l'enquête auprès des
enseignants.
Les réponses du tableau précédent
montrent que les termes utilisés pour décrire les pratiques
professionnelles appartiennent à un registre plus pédagogique
(« Moi ») que didactique (« Moi social
»). Parmi les termes liés à la pédagogie on
retrouve : Qualité, individualité, écoute,
279
proposition d'apprentissage, autonomie, passion, relation
horizontale avec les élèves, l'échec est une valeur,
adaptation, éthique, bienveillance, qualité,
considération, former. Et les termes 279
inhérents à la didactique (« Moi social
») sont : qualité, cadre institutionnel, performance,
évaluation. Cette tendance a été encore renforcée,
quand nous avons interrogé nos interviewés sur les
qualités d'un bon enseignant nous avons obtenu les réponses
suivantes :
Un (e) bon (e)
enseignant
(e) doit s'adapter à l'élève,
être à son écoute et bienveillant envers
celui-ci.
Un (e) bon (e)
enseignant
(e) doit s'adapter à l'élève, être
à son écoute et bienveillant envers celui-ci.
Un (e) bon (e)
enseignant (e) doit être capable de transmettre de
manière efficace un savoir être à l'élève.
Un (e) bon (e) enseignant (e) doit s'adapter à
l'élève, être à son écoute et bienveillant
envers celui-ci.
Un (e) bon (e) enseignant (e) doit s'adapter à
l'élève, être à son écoute et
bienveillant envers celui-ci.
Un (e) bon (e) enseignant (e) doit s'adapter à
l'élève, être à son écoute et bienveillant
envers celui-ci.
P1 P2 P3 P4 P5 P6
Tableau n°74 : Réponses des enseignants relatives
à la question des qualités d'un bon enseignant.
Seulement la réponse P3 dans le tableau
précédent est dans un registre didactique/Moi social.
Pour parachever notre investigation sur les finalités
éducatives, nous avons utilisé l'image de Penck, comme test
interprétatif pour pouvoir soustraire de nos interviewés (Bugatti
et SAJ Neuf Brisach) les représentations sur leurs finalités
éducatives par rapport aux concepts « Moi social/Didactique
et « Moi/Pédagogie » développés
dans cette étude.
Pour ce, nous nous sommes inspirés du modèle de
Hermann Rorschach sur le plan méthodologique. En effet, Hermann
Rorschach est un psychiatre suisse qui a inventé un test
interprétatif à partir de tache d'encre pour analyser les
troubles de personnalité. Dans l'image de Penck, ne nous essayons pas
d'analyser des troubles de personnalité, mais nous cherchons
plutôt à faire ressortir une image mentale claire et
précise de nos interviewés sur les systèmes « Moi
social/Didactique » et « Moi/Pédagogie
».
280
A
B
C
280
Image n° 42: Tableau de A.R.Penck. Un
système possible, 1965. Huile sur toile, 90X200 cm. Cologne et
New-York, Galerie Michael Werner.
L'image de Penck est issue de l'ouvrage L'art
brut177, l'oeuvre de ce peintre fait écho à une
expérience traumatisante de bombardements anglais et américains
sur sa ville natale (Dresde) à l'âge de 6 ans ainsi qu'aux faits
marquants de son pays (Division de l'Allemagne, contradictions entre les
systèmes politiques de l'Est et de l'Ouest). Peintre hors-norme faisant
fi des conventions, Penck a eu l'objectif de « réformer et
d'améliorer un système auquel il a conscience d'appartenir, de
lutter contre les injustices et pour une harmonisation des rapports entre
l'individu et la société. »178. Dans
l'image, il existe 3 systèmes (A, B, C). Le système A correspond
à un système où il y a plus de libertés, de choix,
c'est un système orienté vers le « Moi/pédagogie
». Les systèmes « B, C » sont des systèmes
normatifs, enfermants, ils correspondent au « Moi social/Didactique
». Plus de détails seront donnés sur l'image de Penck
dans la partie Analyse du Neuf Brisach.
Ainsi, quand nous avons présenté à nos
interlocuteurs l'image de Penck et que nous leur avons demandé quel
système qui leur semble plus approprié sur le plan
éducatif, nous avons obtenu les réponses suivantes :
177 Peiry, L. (2006). L'art brut. Ed. Flammarion,
p.246.
178 In
Paris-art.com.
281
281
P1 P2 P3 P4 P5 P6
A A C A A A
Tableau n°75: Les réponses de l'image de
Penck
En effet, la réponse A correspond à un
système pédagogique (« Moi ») et les
réponses B et C correspondent à un système «
didactique/moi social ». Comme nous l'avons vu le tableau de
réponses sur l'image de Penck, nous avons obtenu 5 réponses A et
une réponse C. Cependant, il faudra souligner que nous avons
remarqué dans la plupart des réponses qu'il existe une confusion
entre les concepts « Didactique/Moi social » et «
Pédagogie/Moi » (voir analyse grille collective en
annexe). Par ailleurs, une propension vers une finalité
pédagogique (« Moi ») est très
prononcée, ce qui explique les sentiments qu'exprimes les
élèves décrocheurs dans les analyses
précédentes sur les enseignements et l'accompagnement au
Lycée Ettore Bugatti.
4.4. Méthodologie SAJ Neuf-Brisach
4.4.1. Choix de l'outil et élaboration de la
grille d'entretien
Notre enquête cherche à comprendre si les
finalités des pratiques d'accompagnement des adultes en situation de
handicap et des professionnels qui les accompagnent visent et se situent vers
le « Moi social » ou le « Moi », et
comment cet accompagnement au « Moi » est
opérationnalisé dans les pratiques des professionnels au sein du
SAJ.
4.4.1.1. Bilan des pré-tests
Au départ, notre méthodologie de recherches a fait
l'objet d'une grille avec :
1. Entretien semi-directif (23 questions ouvertes).
2. Entretien directif (6 questions fermées).
3. Entretien semi-directif pour comprendre leurs
représentations, à travers deux supports (image et
vidéo).
Suite aux entretiens (pré-tests) réalisés
(Annexes 6), le bilan nous a amené aux constatations suivantes.
282
? Concernant les entretiens des professionnels
socio-éducatifs :
Nous avons réalisé d'une part, que les questions
de l'entretien semi-directif étaient trop 282
nombreuses et d'autre part, qu'il nous était difficile
de procéder à un entretien directif après l'entretien
semi-directif, en raison des échanges intentionnels que nous souhaitons
avec les personnes enquêtées. L'entretien semi-directif correspond
davantage à nos attentes d'éclaircissements et
d'approfondissements. Par ailleurs, certaines questions relatives à
l'entretien semi-directif ont été supprimées en raison de
leur inutilité, de leur caractère induisant trop la
problématique de recherche ou de leur sens incertain en lien avec notre
recherche. Dans l'entretien directif, certains indices ont été
précisés ou supprimés.
En ce qui concerne les entretiens semi-directifs avec les deux
supports (image et séquence vidéo), nous avons observé que
selon la personne enquêtée, l'attention est captivée par
certains aspects relatifs à l'image, ce qui nous a décidé
à la suivre dans son propre cheminement compréhensif, tout en
posant des questions pour un gain optimal Concernant l'entretien du Chef de
Service :
La question relative à l'accompagnement idéal
des professionnels socio-éducatifs par le Chef de Service a
été supprimée en raison de sa directivité,
notamment parce que cette notion semble complexe et peu connue. D'autre part,
certains termes ont été supprimés ou revisités
puisqu'ils brouillaient le sens de notre recherche ou étaient trop
imprécis.
4.4.1.2. Professionnels socio-éducatifs (Annexes 6)
Nous proposons une grille d'entretien semi-directif (10
questions ouvertes, 6 questions fermées, 2 questions ouvertes avec
supports).
Les professionnels socio-éducatifs
|
Items
|
Mesures
|
Travail, missions, rôles de
l'éducateur
|
En quoi consiste ton travail ? Quelle est une autre de tes
fonctions spécifiques ? Quels sont tes rôles ? Penses-tu
être plutôt un guide social ou la personne qui suit le guide (La
personne en situation de handicap) ?
|
283
283
|
Finalités
(éducatives, de l'apprentissage)
|
Qu'est-ce qui te paraît important pour atteindre un
objectif d'apprentissage ? Quelle est la finalité éducative que
tu vises avec la personne ? Si tu avais une baguette magique qui donne des
pouvoirs d'accompagnement, que lui demanderais-tu ? Quels termes te paraissent
importants : Le cadre institutionnel-L'efficacité/Réussir-
L'erreur est une valeur - La qualité -L'évaluation- -- Les
savoirs/Le savoir-être/Le savoir-faire-Le cadre de
référence-Ethique/Bienveillance/Ecoute
-Liberté-Pédagogie-La personne adaptée
socialement/Changement de comportement de la personne-Des compétences-La
construction de sens- Adapter/S'adapter-Les normes-La relation de
qualité-La créativité/ L'innovation-Le cadre
d'apprentissage-Les méthodes individualisées- Autonomiser-La
personne dans son individualité-Ses émotions/ressentis-
|
Pratiques en cas de refus, d'obstacles à
l'apprentissage
|
Lorsque la personne refuse ton apprentissage, comment
réagis-tu ?
|
Facilitateurs et solutions favorisant la
résilience /l'adaptation
|
Quels sont les facilitateurs pour amener les personnes à
progresser ? Quelles sont les solutions que tu préconises pour qu'une
personne en situation de handicap puisse
|
284
284
|
|
rebondir ou dépasser une situation personne difficile ?
|
Efficacité dans l'accompagnement
|
Que veux-tu qui soit efficace lorsque tu accompagnes la personne
? Qu'est-ce qui te paraît important dans un service effectué par
une personne : Le bon déroulement de l'action, le bon résultat,
l'autonomie progressive de la personne, le bon climat, la
transférabilité du service, la bonne performance de la personne,
la qualité de son bien-être ?
Qu'est-ce qui te parait important dans l'accompagnement d'une
personne : ses apprentissages, les compétences qu'elle développe,
ta manière de l'accompagner, tout ce qui touche à son
individualité, son évolution personnelle ?
|
Ergonomie cognitive, savoir agir,
éthique
|
Une personne en situation de handicap doit-elle connaître
les savoirs basiques ou les notions qui lui seront utiles dans son quotidien ?
Une personne en situation de handicap doit-elle pouvoir résoudre
certains problèmes rencontrés ou appliquer un savoir-faire
basique appris ? L'éducateur doit-il être capable de transmettre
de manière efficace un savoir-être à la personne en
situation de handicap ou doit-il s'adapter à elle, être à
son écoute et bienveillante ?
|
Place/relation à la personne
|
Comment te situes-tu par rapport à la personne : Tu sais
ce qui est meilleur, tu transmets un savoir, un savoir-faire, un
|
285
|
|
savoir-être, tu t'adaptes à la personne, tu
accompagnes vers un savoir, un savoir-faire, un savoir-être, tu guides
vers le chemin, tu accompagnes la personne qui me montre le chemin, tu indiques
les règles et les normes sociales, tu es lié à la personne
?
|
Les besoins des personnes en situations de
handicap
|
Quels sont les besoins des personnes en situations de handicap
?
|
Leurs représentations
|
Le cadre/ le système
|
Est-ce que tu distingues les trois groupes/systèmes ?
Lequel te paraît le plus approprié au niveau éducatif ?
Comment comprends-tu le cadre ? A quoi sert-il ?
|
Les attentes sociales et les enjeux
individuels
|
Que penses-tu de cette prestation
musicale ? Que penses-tu de la réaction du public et de la
professeure de piano ? Si tu avais été le Directeur de
l'Opéra, comment tu aurais réagi pendant ou après la
prestation de la pianiste ?
|
Tableau n°76 : Tableau récapitulatif de la grille
d'entretien semi-directif auprès des professionnels socio-
éducatifs.
Nous comparerons les réponses aux différents
indices relatifs au « Moi », au « Moi social
» et à la résilience. Les deux questions relatives aux
supports correspondent, comme suit.
285
a. Une image d'une peinture réalisée par
A.R.Penck
286
Issue de l'ouvrage L'art brut179, l'oeuvre
de ce peintre fait écho à une expérience traumatisante de
bombardements anglais et américains sur sa ville natale (Dresde)
à l'âge de 6 ans ainsi
286
qu'aux faits marquants de son pays (Division de l'Allemagne,
contradictions entre les systèmes politiques de l'Est et de l'Ouest).
Peintre hors-norme faisant fi des conventions, Penck a eu l'objectif de «
réformer et d'améliorer un système auquel il a
conscience d'appartenir, de lutter contre les injustices et pour une
harmonisation des rapports entre l'individu et la société.
».180
Système libre A :
Système B : Moi
Système C : Moi social de
type coercitif
179 Peiry, L. (2006). L'art brut. Ed. Flammarion,
p.246.
180 In
Paris-art.com.
287
Image 43 : A.R.Penck. Un système
possible, 1965. Huile sur toile, 90X200 cm. Cologne et New-York, Galerie
Michael Werner. (Sources : Peiry, L. (1997). L'art brut. Ed.
Flammarion.) 287
Dans le cadre de notre étude, il est intéressant
d'y identifier trois types de systèmes sociaux, que nous proposons de
définir comme suit :
|
Système libre
A
|
Système enfermant
B
|
Système enfermant
coercitif C
|
Lois, idéologies, moyens, attitudes
|
Solidarité, expression libre écrite, verbale,
gestuelle, langue libre et identique à un autre système
|
Enfermement, homogénéité de la
pensée
|
Coercition, destruction, expression « opposée
»
|
|
Celui-ci est libre
|
Celui-ci est enfermant
|
Système un non-enfermant
|
|
extérieurement et
|
physiquement et
|
(physiquement) des
|
Interprétations
|
intérieurement.
|
intérieurement pour les
|
individus, ce « Moi
|
|
Les individus
|
individus. On y observe
|
social » parle un langage
|
|
s'expriment
|
une position de
|
qu'aucun des autres
|
|
librement et
|
soumission et de
|
systèmes sociaux ne
|
|
utilisent des codes
|
désespérance des
|
semble connaître. Il est
|
|
d'autres systèmes
|
individus, et également
|
coercitif, barbare et
|
|
sociaux. Ils
|
une agitation d'une autre
|
destructeur à l'égard
|
|
proposent une
|
partie d'individus qui
|
d'individus qui semblent
|
|
alternative à
|
donne l'impression de
|
vouloir sortir de leur
|
|
l'enfermement et
|
chercher à fuir ce
|
propre système, sans
|
|
au meurtre : la
|
système social. La
|
pouvoir vérifier leur
|
|
solidarité.
|
grande pancarte, bien plus imposante que toutes les autres, rend
compte d'un cadre normatif et d'une
|
position face aux individus de leur propre groupe social. Ce
« Moi social » coercitif refuse-t-il d'accepter d'autres
|
288
|
|
exigence à la soumission
|
membres ? Ou son refus
|
288
|
|
de la pensée par les
|
est-il basé sur
|
|
|
individus.
|
l'identification du système des individus ? etc.
|
Tableau n°77 : Tableau proposant une
interprétation des différents systèmes relevés dans
le tableau de Penck en fonction du « Moi » et du « Moi social
».
Ce tableau propose une figuration parlante à travers
les pancartes et les trois systèmes sociaux. Chacun d'eux se
différencie de manière spécifique. Au final, les deux
types de « Moi social » sont enfermants et ils sont
représentés de différentes manières, telles que
nous les avons décrites antérieurement. Nous proposons de
repérer les indices suivants dans le chef-d'oeuvre de l'artiste, en lien
avec le « Moi social » et le « Moi »,
dont d'autres interprétations pourront aussi être relevées
par les personnes enquêtées.
Du point de vue des individus :
MOI A
|
MOI SOCIAL B
|
MOI SOCIAL coercitif C
|
Liberté, unicité, diversité
|
Enfermement
|
Liberté physique
|
Libre-choix
|
Cadre normatif
|
Cadre coercitif
|
Solidarité
|
Division, désespérance, fuite
|
Barbarie, haine
|
Expression libre
|
Expression limitée
|
Expression barbare
|
Du point de vue du leader du système :
MOI
|
MOI SOCIAL
|
MOI SOCIAL
|
Liberté, unicité, diversité
|
Imposition, conformisme
|
Liberté physique
|
Libre-choix
|
Cadre normatif
|
Cadre coercitif, barbare
|
Solidarité
|
Position de Chef, d'expert
|
Barbarie, haine
|
Expression libre diversifiée
|
Expression formatée et imposée
|
Expression barbare, directe
|
289
Tableaux n°78 : Tableau proposant des indices
corrélés aux trois systèmes repérés dans le
chef-d'oeuvre de
289
|
Penck en fonction du « Moi social » et du «
Moi ».
|
b. Un extrait d'une séquence du film
« Quatre minutes ».
Réalisateur : Chris Kraus (2008). Séquence « La
finale » (5 mn).
Personnages du film
|
Interprétation « Moi » et « Moi social
»
|
La pianiste Jenny
|
- Le jeu du piano
Il se déroule pendant un laps de temps, dans un cadre
de
référence (léger, doux et limpide). Elle
soumet sa prestation au « Moi social », selon les attentes
classiques du public et de la professeure de piano et normatives d'un
Opéra. Puis, sur le restant de sa prestation (plus des trois-quarts), il
s'effectuera hors-norme, sans le cadre de référence classique :
elle joue debout sur des parties extérieures au clavier, elle tape des
pieds, gratte les cordes du piano, etc. Elle joue selon son « Moi
».
- Fin de la prestation :
Jenny a tout donné d'elle-même (« Moi
» libéré). Et les représentants du « Moi
social » l'applaudissent. Jenny semble se moquer du public («Moi
social »), mais elle fait sa révérence devant sa
professeure (qui semble en faire de même plus indirectement).
Jenny est le symbole de la liberté (« Moi
») par son abstraction et son indifférence au « Moi
social » (public/carcéral). In fine, c'est le personnage qui
aura été le plus libre.
|
La professeure
|
Elle a accepté que Jenny libère son « Moi
», ne fustige pas et n'arrête pas Jenny dans son enthousiasme
débordant. Semblant réaliser le décalage entre les enjeux
et attendus entre le « Moi » de Jenny et le « Moi
social » (public), elle boit quelques verres de vin. Secrètement,
elle envoie un baiser affectif à Jenny.
|
Le public/ « Moi social »
|
Figure des attentes musicales, normatives et sociales d'un
Opéra classique.
|
290
Les policiers/ « Moi social
290
carcéral »
|
Figure des attentes, de la pression et du pouvoir coercitif et
normatif de l'univers carcéral
|
Tableau n°79 : Tableau représentatif des
personnages du film en lien avec une interprétation du « Moi »
et du
« Moi social ».
Cette scène marque véritablement une
différenciation entre les « Moi » en présence.
Nous proposerons à la personne enquêtée de se situer par
rapport aux « Moi » en présence : Comment
comprend-elle la scène ? Et quelle est sa compréhension du
comportement de Jenny, de la position de la professeure de piano, du public
?
4.4.1.3 Chef de Service
Items
|
Mesures
|
Missions, fonctions auprès des
professionnels
|
Quelles sont tes missions au SAJ ? Quelles sont tes fonctions par
rapport à l'équipe éducative ?
|
Attendus des professionnels
|
Quelles sont tes attendus par rapport au travail des
éducateurs ?
|
Besoins chez les professionnels
|
Quels sont les principaux besoins qui te paraissent manifestes
chez les professionnels socio-éducatifs ?
|
Pratiques /Innovation, doutes, blocages/
non-adhésion du professionnel
Solutions préconisées
|
Lorsque tu décides de passer une étape importante
en matière de développement de projet et qu'il s'agit d'amener
l'équipe éducative vers une direction innovante, qu'est-ce qui te
paraît important ? Comme tu procèdes lorsque les personnes doutent
de la proposition de passer une nouvelle étape/Service ?
|
Facilitateurs favorisant le développement des
compétences des professionnels
|
Quels sont les facilitateurs pour amener le professionnel
socio-éducatif à développer sa pratique professionnelle
?
|
Finalités éducatives
|
A l'égard des professionnels : Dans ta fonction
d'accompagnement, comment tu comprends le terme « finalité
éducative » à l'égard des professionnels
socio-éducatifs ?
Des professionnels/Personnes en situation de handicap :
Quelles sont les finalités éducatives des éducateurs par
rapport aux personnes accueillies ?
|
291
|
Encercle les mots qui te paraissent les plus importants dans ta
pratique professionnelle comme finalité éducative, auprès
des professionnels socio-éducatifs :
|
|
La construction de sens - Le cadre institutionnel - La
réussite sociale
|
|
- L'erreur est une valeur - La qualité du travail bien
fait -
|
|
L'évaluation des pratiques professionnelles -- Les
savoirs/Le savoir-être/Le savoir-faire de l'éducateur - Les
performances de l'éducateur-
|
|
L'individualité de l'éducateur - Le Chef de
Service, expert en savoirs-
|
|
Ethique/Bienveillance/Ecoute -Pédagogie --
Développement des compétences de l'éducateur --
L'efficacité du Chef de Service - Les savoirs/Le savoir-être/Le
savoir-faire de l'éducateur - Adapter le professionnel au cadre de
référence- Affects et ressentis- Les normes sociales- La relation
éducative - La créativité/ L'innovation -
|
|
Autonomiser- Ses émotions/ressentis-Le statut du Chef
de Service-
|
|
L'efficacité de l'éducateur-
|
|
A travers le développement d'un projet effectué par
un éducateur, qu'est-ce qui te paraît le plus important : Le bon
déroulement de l'action, le bon résultat du projet, l'autonomie
progressive de l'éducateur, le bon climat, la
transférabilité de la compétence développée
par l'éducateur, la bonne performance de l'éducateur, la
qualité de son bien-être ? Le Chef de Service guide-t-il
l'éducateur en lui montrant les compétences à
développer ou l'éducateur guide le
|
|
Chef de Service, selon les compétences qu'il souhaite
développer ?
|
|
En tant que Chef de Service, qu'est-ce qui doit être
efficace dans l'accompagnement de l'éducateur : ses apprentissages, les
compétences qu'il développe, ta manière de l'accompagner,
tout ce qui touche à son individualité, son évolution
personnelle ?
|
|
Comment tu comprends la relation éducative ? Comment te
situes-tu
|
La relation éducative
|
dans ta relation avec le professionnel : Tu sais ce qui est
meilleur, tu transmets un savoir, un savoir-faire, un savoir-être, tu
t'adaptes au professionnel, tu accompagnes vers un savoir, un savoir-faire, un
savoir-être, tu guides vers le chemin, tu accompagnes le professionnel
qui me montre le chemin, tu indiques les règles et les normes
professionnelles sociales, tu es lié au professionnel ?
|
|
L'éducateur doit-il connaître les savoirs
professionnels basiques ou les
|
Connaissances, agir, posture
|
notions qui lui seront utiles dans d'autres contextes
professionnels ?
|
|
L'éducateur doit-il pouvoir résoudre certains
problèmes rencontrés ou appliquer un savoir-faire basique appris
? Le Chef de Service transmet-il un savoir-être à
l'éducateur ou adopte-t-il une posture d'écoute et de
bienveillance à l'égard de l'éducateur ?
|
291
Tableau n°80: Tableau récapitulatif de la grille
d'entretien semi-directif auprès du Chef de Service.
292
4.4.2. Condensation du matériau
292
Suite à nos investigations empiriques (Observations et
échanges) au SAJ, nous avons effectué les entretiens sur une
période de trois jours au mois d'avril, dans le bureau des
éducatrices. Lors des explications relatives à l'enquête,
certaines professionnelles ont interrogé les enjeux de l'enquête
(Raisons, impact, etc.) et ont émis le souhait de lire notre
Mémoire finalisé. Pour la plupart, l'entretien était une
première, ce qui semblait induire une légère
appréhension, qui a néanmoins rapidement disparu au fil de
l'enquête, par l'effet d'un climat de confiance semblant régner
entre l'enquêteur et la personne enquêtée. En ce qui
concerne l'entretien du Chef de Service, il a été mené
lors d'une matinée (2h) en fin avril dans son bureau.
4.4.2.1 Professionnels socio-éducatifs du SAJ
Dans un premier temps, nous avons réduit et
synthétisé le recueil des informations relatives aux questions 1
à 10 sous forme d'un tableau identifiant le « Moi »
et le « Moi social » en trois axes (Points convergents,
divergents et aveugles).
|
Points convergents
|
Points divergents
|
Points aveugles
|
Travail d'éducateur et rôles
|
Trouver des solutions pour adapter le quotidien des personnes.
E1
Mettre en place des ateliers pertinents en fonction toujours des
personnes accueillies. E1 Rôles d'écoute, de conseils, de travail
du lien et la confiance avec la personne. E1
Leur permettre d'exprimer des choses, à exprimer et
à se révéler. E2
L'accueil des personnes, qui va découler de leur
bien-être au SAJ et de l'entrée en relation avec elles. Ne pas
minimiser leurs problèmes. E3
Etre à leur écoute et voir avec eux les
problématiques qu'ils rencontrent. E4
|
Rôle de tuteur : quelqu'un en qui ils ont suffisamment
confiance qui fonde la relation éducative, pédagogique. E2
S'occuper des personnes pour l'acquisition d'une certaine
autonomie et d'apprentissages et la transmission des savoirs. E3
|
Pédagogique, c'est d'arriver à être un bon
éducateur. La (relation) pédagogique va permettre à
éduquer, dans ce sens. La relation éducative est d'abord
pédagogique et ensuite éducative quand il y a des choses à
mettre en place. E2
|
Besoins des personnes en situation de
handicap
|
Besoin d'un tiers pour les actes en fonction de leurs
difficultés. E1
De pouvoir s'exprimer et d'être entendus,
écoutés. E2
Besoins d'écoute, d'attention, de prise en compte de leur
handicap et de leurs souffrances. E3
Besoins affectifs. E4
Besoins d'apprendre de petites choses, qui soient
transférables à la maison. E4
|
|
|
Finalités de l'apprentissage
|
Connaître les éléments concernant la
personne. E1
De connaître la personne, en partant des bases et des
choses qu'il connaît et de celles que l'éducateur sait, voit et
constate. E2
|
Apprendre à être propre, pour ne pas vivre en
échec par rapport aux personnes extérieures. E4
|
|
294
294
|
Rester en accord avec la personne, avec ce que l'éducateur
sent/ressent (sans la trahir) ou ce que la personne lui dit d'elle, pour
pouvoir adapter les objectifs. E2
|
|
|
|
Etre au plus juste de l'intime, de l'intérieur du
désir de la personne. E2
|
|
|
|
La prise en compte des difficultés puis réadapter.
E3
|
|
|
|
Proposition d'un atelier en fonction des demandes et des besoins.
E3
|
|
|
|
Que les personnes aient plaisir, envie de réaliser et
aient envie de venir en atelier. E3
|
|
|
|
Demande à la personne ce qui ne convient pas
|
|
|
Refus/obstacles
|
pour comprendre son blocage. Changement
|
|
|
d'apprentissage
|
d'orientation ou de pédagogie. Adaptation et souplesse par
le changement de support. E1
|
|
|
|
Prise de conscience du terrain d'apprentissage inadapté,
réadaptation de l'activité pour la personne. E2
|
|
|
|
Se pose des questions des raisons du refus et
réadaptation, si besoin. E2
|
|
|
|
Compréhension du refus, non forcing, discussion et si
persistance du refus, non-obligation. Mobilisation d'autres ressources, si
besoin (hiérarchie). E3
|
|
|
|
Explication de l'intérêt de l'atelier s'il est en
lien avec des objectifs du projet de la personne. E4
|
|
|
295
295
|
Passer sur autre chose, discussion, qui a un lien avec l'atelier
et où la personne sera plus détendue. E4
Essayer de faire faire des choses qu'ils ont envie. E4
|
|
|
Facilitateurs
|
Réagir en fonction de la personne, en leur donnant
l'occasion d'exprimer leurs souhaits, leur opinion. E1
Etre en accord avec ce qu'elle aime bien faire, avec les
ressentis de l'éducateur, pour l'amener vers quelque chose. E2
La compréhension de la personne. E2 La valorisation.
Jamais une parole disant que « ce n'est pas bien », ni l'exigence de
perfection. E3
Musique d'ambiance. E4
|
|
Passer les choses par l'humour, ou en dérision, permet aux
personnes de relativiser des choses. E4
|
Solutions préconisées favorisant la
résilience
|
Privilégier la parole, la discussion, l'entretien. Ecoute
des ressentis de la personne. Avoir une proximité avec la personne. Ne
pas laisser la personne seule dans sa situation E1
L'évasion par l'art, la prise de recul, le
dépassement de soi, l'encouragement. E2 La prise de recul, le plaisir
à vivre les rencontres et moments au SAJ, la prise en compte de la
personne et de sa situation. E3
|
|
|
Finalités éducatives
|
Satisfaction, apprentissages, enrichissement et investissement
pour la personne. E1
|
|
|
296
296
|
Entretien annuel avec la personne interrogeant ses ressentis,
ses envies, ses souhaits. E1
|
|
|
|
La liberté d'expression sur leurs envies, l'expression de
leurs ressentis. Le bien-être de la personne. E2
|
|
|
|
La satisfaction de leurs besoins et demandes.
|
|
|
|
E3
|
|
|
|
Evolution de la personne, avec un bagage appris au SAJ et
transférable ailleurs. E4
|
|
|
|
Qu'elle soit heureuse, qu'elle reprenne pied à la vie et
reconstruise sa vie. E4
|
|
|
Efficacité dans l'accompagnement
|
La qualité de la relation. E2
Que l'objectif qui tient à coeur pour la personne soit
efficace par les outils et les objectifs proposés. E3.
|
|
Trouver un moyen de faire comprendre le message de
l'éducateur, pour que la personne puisse le comprendre. Par ex.,
lorsqu'il lui apprend les habiletés sociales : apprendre à dire
bonjour tous les matins, mais si cela n'a pas de sens pour elle, pourquoi dire
bonjour ? E1.
|
Finalités éducatives /baguette
magique d'accompagnement
|
La compréhension de la personne. E1
Guérison et d'aide. E2
La compréhension ce qui est nécessaire et utile
à la personne. E2
L'aide à plus d'autonomie, plus de capacités, plus
de facilités. E3
|
« Qu'est-ce-que je
pourrai faire pour leur donner ce moyen ... d'arriver comme
tout le monde ? » E3
|
|
|
|
|
|
Tableau n°81 : Tableau synthétique des
réponses des professionnels en fonction de l'accompagnement au «
Moi ».
181 Plan de Maîtrise Sanitaire
|
Points convergents
|
Points divergents
|
Points aveugles
|
|
Compenser ce qui peut faire défaut.
|
L'ordre de propositions peut paraître
|
« Compenser ce qui peut faire défaut ou... ce
|
Travail d'éducateur et rôles
|
E2
L'animation. E3
|
divergente : « Le conseil, d'être à
l'écoute et faire grandir ». E4
|
qui peut être valorisé ». E2
|
|
Différentes formes de gestion du fonctionnement en lien
avec le quotidien au SAJ, l'équipe, le Chef de Service, les stagiaires
et professionnels, les parents. Les réunions, les ateliers et
l'élaboration du PMS.181 E4
|
|
|
|
Tout ce qui est du vivre ensemble, leur apprendre les codes
sociaux. E4
|
|
|
|
« Un rôle pour cadrer les choses, pour leur faire
comprendre qu'ils ne sont pas là juste pour s'amuser. S'ils ont choisi
d'être ici, c'est parce qu'on a un rôle, on est un
établissement médico-social ». E4
|
|
|
|
Aider à grandir pour certains. E4
|
|
|
|
« Personne de référence après le
|
|
|
|
Chef, c'est un petit peu moi. Et du coup, quand les
collègues cadrent c'est bien, mais souvent ce n'est pas assez ».
E4
|
|
|
299
299
Besoins des personnes en situation de
handicap
|
|
« Beaucoup beaucoup besoin de manger et pas beaucoup bouger.
On les recadre là-dessus et on essaie quand même de donner des
conseils diététiques. » E4
|
Besoins de grandir et de devenir adultes chez nous, les
nôtres en tous cas. E4.
|
Refus/obstacles d'apprentissage
|
« Si je vois que la personne est malade,
éternue, est vraiment fatiguée », je ne force pas à
travailler. La prochaine fois, je rappelle les objectifs du projet pour qu'elle
travaille dans l'atelier. E4
Lors d'une difficulté d'une personne à
intégrer un atelier en lien avec son projet : Rappel du rôle au
CVS182 de la personne, demande de « me » relever les
boîtes aux lettres. E4
|
|
|
Finalités de l'apprentissage
|
Les supports. E4
|
Ecouter la personne, parce que si elle te dit qu'elle n'a pas
envie de travailler, « il y a rien de bon qui en sortira. » E4
|
|
Facilitateurs
|
|
|
Quand les personnes sont focalisées sur leurs
problèmes, passer les choses par l'humour pour que la personne s'ouvre
et soit de
|
182 Conseil de la Vie Sociale
300
300
|
|
|
nouveau partante, parce que « sinon tu ne peux plus rien
faire avec elle ». E4
|
Solutions préconisées favorisant
l'adaptation
|
Mettre en situation de responsabilité, en «
binôme avec quelqu'un qui arrive mieux et quelqu'un qui arrive moins
bien. ».
Montrer que l'éducateur n'aime pas faire non plus, mais
que ça fait partie. E4
|
Etre à l'écoute et dédramatiser ou utiliser
la prise de recul de la situation. E4
|
« Il faut déjà que tout le monde soit
occupé pour faire vraiment de l'individuel. » E4
|
Finalités éducatives
|
Règles d'hygiène avec
l'apprentissage de la propreté, pour que les autres aient
envie d'aller vers la personne. E4
La personne acceptée socialement. E4
|
|
Que les personnes aient les règles d'hygiène.
« C'est pas parce qu'on est handicapé qu'on n'a pas le droit de
dire bonjour aux gens. » E4
|
Efficacité dans l'accompagnement
|
Les codes sociaux, la propreté, l'hygiène
(alimentaire, etc.). E4
|
|
|
Finalités éducatives/ baguette magique
d'accompagnement
|
Une équipe plus grande.
Plus d'éducateurs, des locaux plus grands.
Plus de formations pour pouvoir s'adapter.
Des traitements moins lourds, pour des capacités plus
longues à se concentrer et à se motiver. (A la 3ème
question/ demandant à préciser/la
|
|
|
301
|
personne en situation de handicap)
|
|
|
|
E4
|
|
|
301
Tableau n°82 : Tableau synthétique des
réponses des professionnels en fonction de l'accompagnement au «
Moi social».
De prime abord, nous observons effectivement des tendances
représentatives vers le « Moi » et vers le «
Moi social », qui ont fait l'objet d'identifications
précises avec l'aide des différents concepts et indices
relevés antérieurement.
? Accompagnement au « Moi »/Pédagogie
o Points convergents
Les éléments relatifs à l'accompagnement
au « Moi » des personnes en situation de handicap par les
professionnels socio-éducatifs se caractérisent par une
centration de la personne dans leur travail éducatif et leurs
rôles. Les verbes « Trouver des solutions, permettre,
accueillir, mettre en place, être à l'écoute, voir, etc.
» relatifs à la fonction éducative sont à chaque
fois corrélés à la personne, soit dans un but
éducatif (« pour » adapter, d'exprimer les choses,
leur bien-être, etc.) soit en rapport à la personne et sa
situation (« en fonction de »). Nous observons que ces
éléments sont intimement reliés aux réponses des
finalités de l'apprentissage, d'une part dans leur individualité
(« connaître la personne, rester en accord avec elle, être
au plus juste de l'intérieur du désir de la personne, leurs
envies, leurs ressentis et leurs souhaits, leur bien-être et leur
évolution/apprentissage transférable ») et d'autre part
dans l'adaptation à la personne (« De ce qu'elle connaît,
de ce qu'elle dit d'elle, de ses difficultés, de ses envies
»). L'efficacité de l'accompagnement pédagogique est
comprise en termes de « qualité de la relation » et
de « l'objectif qui tient à coeur pour la personne ».
Les besoins des personnes en situation de handicap sont énoncés
en termes de besoins psychologiques (être écouté, entendu,
reconnu, considéré « avec leur handicap et leurs
souffrances », aimé), de besoins de réalisation de soi
(« apprendre de petites choses qui soient transférables
») et de besoin du tiers (« actes en fonction de leurs
difficultés »). Enfin, l'accompagnement au « Moi
» des personnes à travers une baguette magique (Autre indice
révélateur imagé des finalités éducatives
pour les professionnels) se situe au niveau de l'individualité de la
personne (Compréhension, guérison, aide).
Les réponses, invoquant la facilitation du processus
d'apprentissage et le dépassement de situations problématiques
dans le sens d'un processus résilient, mettent en exergue un
accompagnement qui privilégie la personne et sa situation au coeur des
préoccupations des professionnels. Elles sont déterminées
en deux axes principaux. Le premier axe considère leurs manières
d'agir (« Demande, discussion, mobilisation d'autres ressources,
adaptation et réadaptation, souplesse, changement d'orientation,
explications, passer à autre chose, réagir en fonction de la
personne, l'art »), et le second axe s'inscrit selon
différentes attitudes
303
303
intra/personnelles (« Compréhension, prise de
conscience, questionnement intérieur, valoriser, être en accord
avec ce qu'elle aime et souhaite, l'encouragement, la bienveillance, pas
d'exigence de perfection, comprendre la personne et prendre sa situation en
compte, privilégier la parole et écouter les ressentis de la
personne, une proximité avec la personne »). Ces axes
s'identifient ainsi par le savoir-agir et par la posture éthique de
l'accompagnement au « Moi » des personnes en situation de
handicap.
o Axes divergents
Nous avons observé des divergences reliées aux
réponses qui ont été catégorisées en points
convergents au « Moi ». D'une part, il semble résider
une discordance relative au terme de « tuteur »,
énoncé (une seule fois) comme « une personne de
confiance qui fonde la relation éducative et pédagogique
», a été défini comme le tiers
pédagogique qui accompagne les personnes vers leur « Moi
». Et d'autre part, suite à des réponses en lien avec
la pratique d'accompagnement au « Moi », nous relevons la pratique
d'accompagnement visant la normalisation (Finalités de l'apprentissage
visant à « apprendre à être propre pour ne pas
vivre en échec par rapport aux personnes extérieures »,
« Qu'est-ce-que je pourrai faire pour leur donner ce moyen ...
d'arriver comme tout le monde ? ») et le statut du savoir et du
savoir-faire du professionnel (Rôle de transmission des savoirs).
o Axes aveugles
Il semblerait que les termes « Pédagogique
» et « Educatif » ne soient pas
compréhensibles pour un professionnel, dont le travail et le rôle
de l'éducateur sont définis par une représentation
exprimée comme suit : « Pédagogique, c'est d'arriver
à être un bon éducateur ». Un autre point aveugle
concerne un facilitateur exprimé par un professionnel, à savoir
« Passer les choses par l'humour, ou en dérision, permet aux
personnes de relativiser des choses ». En ce sens, nous interrogeons
le sens approprié du terme « Dérision », qui
interpelle la question de la posture éthique ainsi que le sens de
l'accompagnement, évoqué comme facilitateur sans toutefois faire
référence à d'autres réponses en lien avec
l'individualité de la personne. Dans ce sens, agir ainsi en relativisant
avec humour et dérision, serait-il plus proche d'un accompagnement au
« Moi social » ? Enfin, une réponse donnée en
lien avec la question de l'efficacité dans l'accompagnement semble
montrer deux aspects intéressants. D'une part, elle indique qu'une
304
304
pratique d'accompagnement habituelle du professionnel est de
se faire comprendre par la personne en situation de handicap pour lui apprendre
les habiletés sociales (Dire bonjour tous les matins). En poursuivant la
réponse, le professionnel sonde la question et semble prendre conscience
du non-sens de l'apprentissage des habiletés sociales « si cela
n'a pas de sens pour elle » (la personne). La résonnance entre
une pratique et la finalité éducative semble avoir fait
écho chez le professionnel lorsqu'il a fait le lien avec la personne en
situation de handicap. Enfin, nous rajouterons un dernier point aveugle qui ne
figure pas dans le tableau (Interprétation en lien avec les affirmations
d'un professionnel) qui concerne une finalité éducative
déclarée à travers trois axes intéressants : «
Etre heureux, reprenne pied et reconstruire sa vie », ce qui
semble démontrer une représentation positive de la personne et de
ses potentialités possibles. Cependant, cette réponse fait
l'objet d'interrogations puisqu'elle est corrélée à un
ensemble d'indices représentatifs de l'accompagnement au « Moi
social », selon des finalités normatives et sociales.
? Accompagnement au « Moi social /Didactique
» o Points convergents
Le travail de l'éducateur et ses rôles dans la
pratique d'accompagnement au « Moi social » semblent
corroborés par diverses représentations en lien avec la personne
en situation de handicap (« Compenser ce qui fait défaut, pas
là pour s'amuser, elle doit grandir »), avec le statut du
professionnel (L'animation, la gestion, être personne de
référence ») et avec le cadre normatif (« Le
vivre-ensemble en leur apprenant les codes sociaux, cadrer les choses pour leur
faire comprendre, les collègues cadrent mais souvent pas assez
»). Quant aux finalités éducatives du « Moi
social », elles ciblent essentiellement la question de l'acceptation
sociale, à travers l'apprentissage des règles d'hygiène
entre autres. A la question des finalités éducatives avec une
baguette magique, le « Moi social » apparaît dans les
questions de fonctionnement du Service, sans référence aux
personnes accompagnées (Supports matériels ou techniques : «
Plus de formation, plus d'éducateurs, locaux plus grands
»). Ce qui est intéressant de souligner est qu'au fur et
à mesure de la même question répétée
(à trois reprises) précisant les finalités
éducatives en lien avec la personne en situation de handicap, nous
observons une gradation des réponses : « D'une plus grande
équipe, à plus d'éducateurs, à des locaux plus
grands, à plus
305
305
de formations »... jusqu'au lien indirect avec
la personne (« Traitements moins lourds »).
L'individualité de la personne n'a donc pas été
nommée malgré l'insistance de la question et cela semble indiquer
un accompagnement au « Moi social » des personnes. Par
rapport aux refus/obstacles dans le processus d'apprentissage et au
dépassement de situations problématiques, nous repérons un
indice relatif à l'expert et au savoir-faire (« Je vois que
», sans la questionner ni l'écouter. « Me »
relever les boîtes aux lettres ») et de la procédure
(« la prochaine fois, je rappelle les objectifs, le
rôle...», sans toutefois vérifier et interroger la
personne). Les deux solutions proposées par un professionnel semblent
considérer le geste professionnel du savoir-faire («en «
binôme avec quelqu'un qui arrive mieux et quelqu'un qui arrive moins
bien», ce qui ne l'implique pas en terme de proximité et de
relation) et la règle du savoir-être («Montrer que
l'éducateur n'aime pas faire non plus, mais que ça fait partie
», dénotant une solution non valorisante).
o Points divergents
Lors de la question du travail et des rôles de
l'éducateur, l'ordre des propositions données peut paraître
divergente : « Le conseil, d'être à l'écoute et
faire grandir ». Il semblerait que le « Moi social
» se situe ici par le statut du professionnel (Expert qui sait et qui
conseille) ayant une finalité éducative (Faire grandir la
personne), avec la possibilité toutefois de l'écouter. Un autre
point divergent est identifié non seulement par le savoir du
professionnel (Expert qui sait : « Besoin de beaucoup beaucoup besoin
de manger et pas beaucoup bouger ») et le savoir-être («
On recadre là-dessus »), mais aussi par le savoir-agir
(« On essaie quand même de donner des conseils
diététiques »). Ce dernier aspect est identique
à un autre aspect divergent lors de solutions proposées : alors
qu'il prône le savoir-faire et le savoir-être, le professionnel
évoque aussi d'autres pistes favorisant l'adaptation de la personne
(« Etre à l'écoute et dédramatiser ou utiliser la
prise de recul de la situation »). Dans ces deux derniers
éléments convergents, nous observons que la pratique du «
Moi social » fait aussi l'objet de tendances à la pratique
d'accompagnement au « Moi », et vice-versa.
o Points aveugles
« Compenser ce qui peut faire défaut ou... ce
qui peut être valorisé » semble être une
expression difficilement compréhensible. Un point aveugle concerne une
réponse à la question des besoins
306
306
des personnes en situation de handicap : les «
besoins de grandir et de devenir adultes chez nous, les nôtres en
tous cas » qui sont exprimés en tant que besoins propres aux
personnes accueillies au SAJ. Quelles sont les représentations du
professionnel de la personne et de son handicap ? Comment se situe-t'il par
rapport au Service, et par rapport à la personne (« Chez nous,
les nôtres ») ? En outre, un autre point aveugle se situe dans
la réponse correspondant au facilitateur « l'humour »
évoqué (dans un contexte où « la personne
est focalisée sur ses problèmes » afin qu'elle «
s'ouvre et soit de nouveau partante, sinon tu ne peux plus rien
faire avec elle ») est corrélé à un ensemble de
réponses relatives au « Moi social ». Nous pouvons
nous interroger sur les représentations des personnes en situation de
handicap (Tendent-elles vers ce qui est négatif ?) et sur la pratique
proposée (Peut-on la considérer comme un savoir-faire, telle une
procédure préétablie et à un savoir-être
telle la mise en action vers une règle imposée par le «
Moi social », en minimisant la situation de la personne ?). Par
ailleurs, affirmer : « Il faut déjà que tout le monde
soit occupé pour faire vraiment de l'individuel» semble
être un autre point aveugle évoqué, en ce qu'il semble
signifier que tant que les membres d'un groupe ne sont pas occupés, il
est difficile d'accompagner « efficacement » une personne
individuellement... Enfin, il semble complexe de comprendre l'affirmation
liée à la question des finalités éducatives «
Que les personnes aient des règles d'hygiène. (...)
C'est pas parce qu'on est handicapé qu'on n'a pas le droit de dire
bonjour aux gens. ». Quelles sont les représentations du
professionnel quant aux personnes en situation de handicap (hygiène,
handicap) et aux citoyens en relation avec elles ?
Dans un second temps, nous avons réduit et
synthétisé le recueil des informations relatives aux questions 11
à 18 sous forme d'un tableau identifiant les professionnels (E1, E2, E3,
E4) en fonction de leurs réponses antérieures (1 à 10).
Aussi, les points convergents se distinguent en fonction des réponses
convergentes données dans le premier tableau, et les points divergents
représentent les discordances avec les réponses convergentes. Les
points aveugles comprennent les réponses complexes ou
incompréhensibles.
183 Savoirs, savoir-faire, savoir-être.
|
|
Points convergents
|
Points divergents
|
Points aveugles
|
E1
|
Connaissances, agir,
posture
|
Ergonomie cognitive, savoir-agir.
|
|
|
Finalités éducatives
|
Adaptation et posture éthique.
Association entre la construction de
sens, l'erreur comme valeur,
adapter/s'adapter, la relation de
qualité, la personne dans son
individualité, et ses émotions/ressentis.
|
Association entre les S-SF-SE183, la
personne adaptée
socialement/changement de
comportement de la personne, le cadre d'apprentissage de
l'éducateur et :
la posture éthique, la personne dans son
individualité.
|
|
Service de table
|
Autonomie de la personne et
transférabilité du service de table
|
Bonne performance de la personne et autonomie progressive.
|
|
Relation à la personne
|
|
Adaptation à la personne puis S-SF-SE et
règles/normes sociales.
|
|
Rôle de l'éducateur/
efficacité de l'accompagnement
|
|
Guide social, associé à
l'accompagnement visant l'individualité de la
personne.
|
|
IMAGE
|
Règles (pointes des barreaux) qui peuvent être
strictes et fermées. Ou
|
Le cadre : association entre la bonne ambiance et le respect
de l'autre, et les
|
Cadre institutionnel : l'association.
|
308
308
|
|
élastiques : s'agrandir et se fermer en fonction mais
sans danger, parce
qu'on n'accompagne pas la personne vers quelque chose de
dangereux pour elle.
|
règles du savoir-vivre, des règles
sociales.
|
|
|
SEQUENCE VIDEO
|
Relève les ressentis, le mal-être,
l'expression corporelle possible
|
Interroge les attendus du public.
|
Règles (pointes des barreaux) qui peuvent mettre en
danger la personne qui veut en
|
|
|
pour exprimer le bien-être/mal-être.
|
Vérifie d'abord les finalités sociales
|
sortir.
|
|
|
Interroge la peur de la pianiste/à sa propre image.
|
(public) avant de proposer une nouvelle prestation de la
pianiste : appréciation du public ?
|
|
|
|
Propose des finalités individuelles
propres à la pianiste : prestation pour faire le
buzz, pour exprimer son propre jeu d piano, de libération
intérieure et extérieure (hors de la prison).
A conscience de l'enjeu didactique entre la professeure et
l'élève.
|
Non prise en compte de sa propre sensibilité et de son
individualité (elle-même ayant évoqué pratiquer
l'art comme processus de résilience) malgré
son appréciation musicale : «
ça pourrait ne pas me plaire, que je sois sensible ou non, si le
public applaudit et si ça plaît au plus grand nombre, je propose
un Contrat. »
|
|
|
Connaissances, agir,
posture
|
Ergonomie cognitive, savoir-agir. Adaptation et posture
éthique.
|
Demande à cocher les deux
propositions : Savoirs et ergonomie cognitive.
|
|
309
309
E2
|
|
|
|
|
Finalités éducatives
|
Erreur comme valeur, posture
éthique, liberté, pédagogie,
adapter/s'adapter, construction de
sens, méthodes individualisées, autonomiser, la
personne dans son
individualité, ses émotions/ressentis.
|
Compréhension du cadre institutionnel
comme un cadre bienveillant,
bientraitant donnant les moyens d'évoluer.
|
« Evaluation » énoncée en rapport avec
les
différents éléments énoncés
: est-elle comprise comme le diagnostic de base pour l'élaboration
des objectifs ?
|
Service de table
|
Association du bon déroulement de
l'action avec l'autonomie progressive + la qualité
de son bien-être : « Si l'action se déroule bien, on a du
résultat, on a un bon climat. »
|
|
|
Relation à la personne
|
|
1. l'adaptation à la personne, puis le S-
SF-SE (Transmission et accompagnement).
|
|
Rôle de l'éducateur/
efficacité de l'accompagnement
|
|
L'éducateur suit le guide (la personne en situation de
handicap) avec les
finalités éducatives
visant l'individualité de la personne.
|
|
IMAGE
|
Suppose que les A=B sont les règles.
Préférence du système libre aux
|
|
|
310
|
|
autres systèmes. Dans le système B,
les gens semblent accepter et d'autres vouloir franchir la
barrière, qui veut l'imposer ou fuir. Le leader
serait-il un dominateur ? Relève l'existence de
cadre trop serré et inadapté, manquant de souplesse et trop
rigide qui fait fuir certaines personnes ou dans lequel certaines acceptent les
règles.
|
|
|
|
SEQUENCE VIDEO
|
Enonce les différences d'expression
|
|
Ne sait pas quoi répondre par rapport à
|
|
|
de la pianiste et la difficulté du
|
|
l'embauche éventuelle d la pianiste pour une
|
|
|
public à les recevoir.
|
|
nouvelle représentation musicale : « le
silence », car comment « mettre des mots
|
|
|
Identifie la relation de confiance et
|
|
dans un truc aussi balaise, émotionnellement
|
|
|
le long cheminement entre la
pianiste et la professeure.
|
|
très chargé »...
|
|
|
Suppose que la relation de confiance ait été
affective entre les deux, à travers l'acceptation de la pianiste par la
professeure et la prise de risque que cela pouvait comporter.
|
|
|
311
311
E3
|
Connaissances, agir,
posture
|
|
L'ergonomie cognitive et la posture éthique sont
communes, mais associées au SF.
|
|
Finalités éducatives
|
|
Accéder à l'autonomie, donc reconnue comme tout
le monde, pour s'intégrer.
Associe le cadre institutionnel, la
personne adaptée
socialement/changement de
comportement de la personne, avec :
« L'erreur est une valeur, la posture
éthique, adapter/s'adapter, les méthodes
individualisées, autonomiser, la personne dans son individualité,
ses émotions/ressentis. »
|
|
Service de table
|
Le bon déroulement de l'action, suivi de l'autonomie
progressive de la personne puis de la transférabilité du service
de table.
|
|
|
Relation à la personne
|
|
L'accompagnement vers un S-SF-SE, suivi de l'adaptation de la
personne et enfin l'indication des règles/normes sociales.
|
|
312
|
Rôle de l'éducateur/
efficacité de l'accompagnement
|
|
L'éducateur est un guide social, car rôle
de transmission des propres apprentissages de
l'éducateur et de ses valeurs.
Par la manière d'accompagner la
personne.
|
|
|
IMAGE
|
Préfère le système libre, en raison du
libre-choix sous toutes ses formes :
|
|
|
|
|
les personnes dansent, ont droit à la parole, sont
libres. Le cadre de référence est important mais en second plan.
Cadre de référence :
|
|
|
|
|
l'autorité (Chef de service), la
règlementation, le cadre institutionnel.
|
|
|
|
SEQUENCE VIDEO
|
Enonce la possibilité d'exprimer par la musique, de se
vider, et de
|
|
Et « Le cadre a été créé pour
les personnes,
une institution, pour leur permettre
|
|
|
transmettre quelque chose.
|
|
d'accéder à un truc. »
|
|
|
Enonce les ressentis de la
|
|
En 1er, elle n'aurait pas proposé une
|
|
|
professeure et les siens (elle-même
|
|
nouvelle prestation par la pianiste de peur
|
|
|
touchée à la fin de la prestation).
|
|
que le public ne soit gêné, et ensuite elle s'est
ravisée. Elle raconte avoir été touchée
|
313
313
|
|
|
|
et semble interroger si le public ne serait pas aussi
touché ? L'opinion semble mitigée...
|
|
Connaissances, agir,
posture
|
|
Il y a divergence entre les réponses
relevées (en questions 1-10) et les réponses
qui suivent (Questions 11-
|
|
|
|
|
18) :
|
|
|
|
|
1. Association de l'ergonomie cognitive, du savoir-agir et de
la posture
éthique, les réponses
antérieures relevaient les S-SF-SE.
|
|
E4
|
Finalités éducatives
|
La manière d'accompagner doit être efficace.
|
2. « L'erreur est une valeur - L'évaluation-
|
|
|
|
|
|
Ethique/Bienveillance/Ecoute -Liberté-
|
|
|
|
|
Pédagogie --Des compétences--La
construction de sens-
|
|
|
|
|
Adapter/S'adapter-La relation de
qualité- La créativité/ L'innovation- Le
cadre d'apprentissage --Les méthodes
individualisées--- Autonomiser--La personne dans son
individualité--Ses émotions/ressentis ». La question des
codes sociaux et de l'adaptation sociale de la personne ainsi que des S-SF-SE
n'ont pas été retenues, alors que les
|
|
314
|
|
|
réponses antérieures en faisaient
majoritairement mention.
|
|
Service de table
|
|
Autonomie de la personne,
transférabilité du Service, qualité de
son bien-être. (Seule la notion
de transférabilité était citée auparavant).
|
|
Relation à la personne
|
|
Dans la relation, il a été retenu que
l'éducateur s'adapte à la personne, puis l'accompagne (la
personne montre le chemin), enfin, transmets un S-SF-SE.
|
|
Rôle de l'éducateur/
efficacité de l'accompagnement
|
|
« L'éducateur chemine avec la
personne, par rapport à ce qu'elle veut, car elle est
quand même au centre de tout. »
« L'éducateur suit le guide ».
L'important étant la manière d'accompagner la
personne.
|
|
IMAGE
|
Evocation de fonctionnements de
systèmes/ aux apprentissages :
|
|
|
315
|
|
Certains se battent pour y accéder, pour pouvoir apprendre
et sortir de
la prison, comme un hôpital
psychiatrique. D'autres en sont interdits ou ne se font pas
entendre et sont mis de côté.
|
|
|
|
SEQUENCE VIDEO
|
Enonce un intérêt manifeste et
|
|
La pianiste a joué dans le lâcher-prise et le
|
|
|
l'originalité de la prestation
|
|
S-SF. Evoque une folie maîtrisée : « la
|
|
|
musicale par la pianiste qui a « peut- être des
problèmes psy derrière sans doute ».
|
|
pianiste sait où elle va ».
|
|
|
S'interroge par rapport à l'alcool/ professeure :
est-elle alcoolique ou
|
|
Evocation de l'importance d'un cadre (en
|
|
|
voulait-elle ramener à boire à la
|
|
lien avec sa fonction -question 2) mais aussi
|
|
|
pianiste ?
|
|
d'un cadre, devant être souple tout en s'adaptant
à la personne.
|
|
|
Enonce le fait que cette prestation
est inhabituelle pouvant être
dérangeante pour beaucoup de personnes.
|
|
|
|
|
Evoque plusieurs fois la question du regard des autres,
notamment le retour du public qui applaudit et
|
|
|
|
|
« une fois cette reconnaissance, la
pianiste arrive à faire cette révérence
».
|
|
|
316
|
|
Evocation de la réaction du public
qui est interpelé et qui ne semble pas comprendre la
prestation.
|
|
|
|
|
Réaction/Directrice de l'Opéra :
|
|
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|
|
aurait applaudi la pianiste et lui aurait proposé de
revenir.
|
|
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316
Tableau n° 83: Tableau synthétique des
réponses (Questions 11 à 18) des professionnels en fonction de
points convergents, divergents et aveugles.
Afin de comprendre l'essentiel relatif aux
représentations des professionnels en lien avec l'accompagnement au
« Moi » et au « Moi social », nous
proposons de relever les points convergents, divergents et aveugles en fonction
des différents items proposés. En effet, nous ne cherchons pas
à évaluer le degré de représentativité de
l'une ou l'autre entité chez les professionnels mais nous souhaitons
faire des investigations sur la façon de se les représenter et de
les pratiquer. Toutefois, il nous faut souligner un autre point essentiel
à ces investigations liées à la condensation et à
la synthétisation des données recueillies. Comme nous
l'évoquions précédemment, à partir de la
onzième question, les réponses d'un professionnel ont
significativement changé : sa tendance à répondre en
termes d'accompagnement vers des finalités sociales a
littéralement pris la tournure de l'accompagnement vers
l'individualité des personnes. Nous supposons que notre insistance
indirecte (impulsant une question répétitive - à trois
reprises- en lien avec les personnes en situation de handicap) a probablement
induit une certaine compréhension des finalités de
l'enquête et a provoqué ce retournement de situation en se
rangeant vers les « attendus de l'enquête ». C'est pourquoi,
nous prélèverons ce qui nous semble pertinent à la
compréhension de notre étude et laisserons les
éléments insignifiants (5 premières questions/E4). Enfin,
pour un recueil synthétique et optimal des données, nous
proposons de faire une synthèse des éléments convergents
et divergents en fonction des items, puis nous identifierons les points
aveugles.
Les connaissances, l'agir et la posture sont pour la plupart
corrélées à l'ergonomie cognitive et à la posture
éthique. Pour un professionnel, le savoir-faire est admis avec ces deux
axes d'accompagnement et pour un autre professionnel, le savoir et l'ergonomie
cognitive semblent être compris comme axes d'accompagnement
similaires.
Concernant les finalités éducatives dans
l'accompagnement des personnes, les items « L'erreur comme valeur,
adapter et s'adapter, la construction de sens, la personne dans son
individualité, les émotions et ressentis » ont
été cités à deux reprises. Au niveau des
réponses convergentes vers l'accompagnement du « Moi
» (observations relevées dans les 10 premières
questions), l'erreur comprise comme une valeur, la question de l'adaptation et
de la pratique à s'adapter à la personne ainsi que
l'individualité connotée aux émotions et aux ressentis de
la personne, sont les réponses majoritaires. Nous observons des
divergences quant aux finalités éducatives, à savoir
l'association des savoirs, savoir-faire et savoir-être/finalités
éducatives sociales (Adaptation sociale de la personne) à la
posture éthique et à l'individualité de la personne. La
question de la reconnaissance et de l'intégration sociale est aussi
soulevée en tant que finalité éducative. En ce qui
concerne l'action menée par une personne, les professionnels estiment
que
318
318
l'autonomie de la personne et la transférabilité
du service de table sont les finalités les plus importantes. Nous
retenons également que le bon déroulement de l'action est un
point important, car « Si l'action se déroule bien, on a du
résultat, on a un bon climat. » et « la
qualité du bien-être ». Cela montre que le contexte de
l'action (Climat et bien-être de la personne) est une dimension prise en
compte dans la pratique d'accompagnement, qui vise in fine
l'individualité de la personne. Un professionnel a répondu «
la bonne performance » du service et n'a pas réagi au
terme, alors que ses réponses antérieures affirmaient
défendre la prise en compte des besoins et des potentiels de la personne
en situation de handicap. La question de la relation de l'éducateur avec
la personne en situation de handicap rend compte d'une convergence des
réponses, à savoir la nécessité de s'adapter
à la personne. Ensuite, les professionnels s'accordent sur le même
point : l'éducateur transmet et accompagne vers le S-SF-SE et indique
les règles et normes sociales à la personne. De fait, ce qui
paraît divergent dans ces deux intitulés (et que nous relions aux
réponses antérieures -Questions 1-10) comprend le fait que la
finalité de l'accompagnement est centrée sur le « Moi
» des personnes et en même temps sur le « Moi social
». Les deux questions suivantes se penchent sur deux aspects relatifs
à l'accompagnement au « Moi » et au « Moi
social », par la recherche de compréhension des
représentations relatives à la place de l'accompagnant et de
l'accompagné (Qui est le meneur ? Qui est celui qui « sait
» vers où aller ?) et à la volonté
d'optimalisation (quel domaine : Ce que doit développer la personne
? -Connotation davantage sociale dans ce contexte-, La pratique du
professionnel ? -Connotation pouvant être comprise positivement,
puisqu'en lien avec la personne, Ce qui concerne l'individualité de
la personne ?). Les avis sont partagés, et nous observons que la
notion de « guide social » apparaît non loin de
l'importance des finalités individuelles accordées à la
personne pour le professionnel. A ces résultats, nous rajoutons une
remarque significative « un guide social, puisqu'on transmet ce qu'on
a appris, nos valeurs », semblant signifier un manque de
connaissances théoriques par rapport à la profession
socio-éducative. Aussi, force est de constater que les finalités
éducatives semblent compromises entre ce qui est de l'ordre social et de
l'ordre individuel pour la personne.
En ce qui concerne les points aveugles, nous relevons le fait
que la définition du cadre institutionnel semble complexe pour certains
professionnels, dont l'un le définit comme
319
319
relevant de l'association et un autre comme quelque chose qui
« a été créé pour les personnes, pour leur
permettre d'accéder à un truc.». (Bien que cette
dernière l'ait défini dans un premier temps comme relevant de
l'autorité (Chef de service et de la règlementation). Ces
observations signifient-elles un manque de connaissances théoriques ? -A
noter qu'un professionnel a défini le cadre institutionnel comme «
un cadre bienveillant, bientraitant donnant les moyens d'évoluer
».- Dans la question des finalités éducatives, le terme
« Evaluation » (énoncé en rapport avec les
différents éléments corrélés au «
Moi ») peut être compris comme le diagnostic de base pour
l'élaboration des objectifs, alors que l'idée était de le
proposer en rapport avec le « Moi social ». A ce titre, nous
pouvons affirmer que cette question (Finalités
éducatives/Entourer des mots qui paraissent importants) était
complexe et probablement trop quantitative.
Le tableau de Penck et la séquence vidéo ont
tantôt suscité un intérêt manifeste (L'un des
professionnels semble avoir eu avec grand plaisir à découvrir et
à comprendre les divers éléments symboliques et
artistiques), tantôt ils ne semblent pas avoir permis de donner
matière à la réflexion ou à l'imagination.
Concernant le tableau de Penck, l'ensemble des professionnels
a démontré avoir conscience de l'existence des différents
systèmes (en général et au niveau éducatif) et
préférer le système libre (A). Néanmoins, ce
dernier est considéré pour certains comme un système aussi
« dictatorial » que les autres en raison de la taille du leader.
L'apparence humaine ou sociale serait-elle un facteur décisif dans leurs
représentations ? Diverses interprétations sont données,
au niveau des membres des systèmes (« Dans le système B,
les gens semblent accepter et d'autres semblent vouloir fuir. Le leader
serait-il un dominateur ? Et certains se battent pour accéder aux
apprentissages (panneaux A=B), pour pouvoir apprendre et sortir de la prison,
tel un hôpital psychiatrique. D'autres en sont interdits ou ne se font
pas entendre et sont mis de côté »), de la signification
des panneaux (« Apprentissages, règles du système
») et du cadre (nommé « Cadre de
référence » ou « cadre institutionnel
»). Ce dernier évoque tantôt la souplesse ou
l'élasticité possible du système -non dangereux pour les
membres- qui correspond alors à l'association entre la « bonne
ambiance, le respect de l'autre, et les règles du savoir-vivre, des
règles sociales »), tantôt la rigidité et
l'inadaptation du cadre faisant fuir certains membres ou les
320
320
conduisant à accepter les règles. En ce qui
concerne les points aveugles, nous identifions une représentation
complexe (Les pointes des barreaux du système B sont identifiées
comme des règles qui peuvent mettre en danger la personne qui veut en
sortir).
Dans l'ensemble, la séquence « Vidéo »
démontre une compréhension manifeste des enjeux inhérents
à la prestation de la pianiste, qui est définie par son
expression artistique et corporelle et son enthousiasme passionné. Les
finalités proposées relèvent de la notion de
libération intérieure et extérieure, d'une question «
faire le buzz ?» et d'une forme de transmission. La pratique
musicale est comprise comme une forme d'expression de soi qui peut «
toucher ». Ce verbe a été nommé à plusieurs
reprises au même titre que « émotions » et «
ressentis ». L'un des professionnels a déclaré avoir
été touché à l'issue de la séquence
vidéo. Des interrogations concernant la pianiste interpellent la peur de
la pianiste par rapport à sa propre image ainsi que « des
problèmes psy ». Cette dernière affirmation rejoint une
autre au sujet de la professeure qui est « peut-être alcoolique
? ». Cela peut sembler indiquer que le professionnel s'attelle
à rechercher l'explication ou à construire une
représentation des personnes « atypiques ». La relation entre
la professeure et la pianiste sont connotées de termes «
relation de confiance », « affective », «
acceptation et prise de risque » et « long cheminement
», avec une conscience de l'enjeu didactique entre les deux
personnes. Quant au public, il est compris comme avoir eu « des
difficultés à recevoir » et à être «
dérangé, interpelé, ne pas comprendre »,
parce que le cadre était inhabituel hors norme. La question du regard
social (« des autres ») est évoquée plusieurs
fois par un professionnel. Le nommant comme facteur indifférent au
départ de la prestation (« elle s'en fiche un petit peu du
regard des autres »), il interroge néanmoins plusieurs fois le
processus (du début de la prestation à la fin) sous forme de jeux
de mots répétitifs (« elle s'en fiche », «
elle va quand même voir le public », « elle comptait regarder
le public et elle se dit : ouais vraiment je suis à côté de
la plaque », « qu'elle s'en fiche un p'tit peu du regard des autres
», « qu'elle va quand même voir le public où elle se dit
: ouais c'est, vraiment, je suis à côté de la plaque
»). Nous pouvons supposer qu'à ce titre, le professionnel est
sensible au regard des autres et que le « Moi social »
pourrait avoir un impact manifeste dans ses actions et ses choix. A la question
de proposer une nouvelle prestation en tant que Directeur de l'Opéra,
les réponses sont mitigées (le silence, ne sait pas) et sont la
plupart
321
321
empreintes d'un facteur « Vérification de la
réaction du système social/le public ». Selon son
appréciation, la réponse serait affirmative. Les finalités
sociales semblent avoir un poids significatif dans la balance, au point
d'annihiler sa propre sensibilité et son individualité (Artiste
pratiquant l'art comme processus de résilience, selon ses dires) pour ce
qui concerne un professionnel : « ça pourrait ne pas me plaire,
que je sois sensible ou non, si le public applaudit et si ça plaît
au plus grand nombre, je propose un Contrat. ».
Les points aveugles représentent les attitudes ou
réactions face à une nouvelle proposition de prestation («
Le silence », et « comment mettre des mots dans un truc
aussi balaise, émotionnellement très chargé »)
et par la notion de « folie maîtrisée »
à travers les paraphrases « la pianiste sait où elle va
» et « la pianiste a joué dans le lâcher-prise,
le savoir et le savoir-faire ».
4.4.2.2 Chef de Service
Au départ, la synthétisation des données
a fait l'objet du même type de tableau que celui des professionnels
socio-éducatifs, à savoir les points
convergents-divergents-aveugles en fonction du « Moi » et du
« Moi social ». A l'issue de ce travail, nous nous sommes
rendu compte que les données recueillies apparaissaient uniquement dans
la partie « Pédagogie/ « Moi », avec quelques points
aveugles manifestes.
|
Pédagogie/ « Moi »
|
Didactique/ « Moi social »
|
Points aveugles
|
Missions
|
Assurer la sécurité des biens et des personnes
(personnel et personnes accueillies).
Compétences des professionnels autour du Projet de
service, où il veille la mise en oeuvre concrète.
Versant pédagogique : « Cadre technique et
pédagogique, cadre éthique, cadre
déontologique », en lien avec
les professionnels.
Versant financier : force de propositions/Budget
prévisionnel, justifiant le bon usage de l'argent
déployé.
Versant financier : Garantie de la bonne utilisation des
moyens.
|
|
|
Fonctions/
Équipe éducative
|
Fonction hiérarchique, le personnel étant des
collaboratrices.
Fonction ressources /aide auprès du personnel à
gérer leur mission dans des conditions confortables (Risques d'usure)
essentielle. Fonction de mobilisation, en les invitant à
développer leurs compétences.
|
|
|
Attendus /équipe Éducative
|
La capacité de mobiliser les compétences
acquises.
Maintenir un degré de mobilisation minimum (en raison
du risque d'appauvrissement) par une vigilance accrue/personnel. (Evaluation,
observation, accompagner un mouvement pédagogique, entretien,
conseils).
|
|
|
323
323
|
Accompagner à la décision professionnelle ou
personnelle, en cas de difficulté dont elle n'arrive pas à
s'extraire.
|
|
|
Besoins /professionnels
Socio-éducatifs
|
Besoin de reconnaissance, où le Chef de Service sert de
révélateur de la progression du
travail. (Regard qu'on accorde à ses collaborateurs
pour ne pas risquer de les appauvrir ou de les dépiter).
Le travail au SAJ, un lieu de ressources.
|
|
|
Axes importants/
direction nouvelle et innovante
|
Associer les collaborateurs à toutes les étapes
préalables au passage du cap. Méthodologie (étude des
besoins, partage d'un diagnostic, élaboration collégiale des
objectifs, recherche des modalités à mettre en oeuvre ensemble.
Rôle du cadre : impulsion, servir de révélateur à la
nécessité de répondre à des besoins qui
s'expriment.
Aider à la compréhension du système et
les associer à la volonté de faire évoluer les situations
(mouvement réflexif).
Faire équipe, se regarder faire en équipe, se
regarder faire par rapport à une situation (qui évolue, à
laquelle on participe).
|
|
|
Facilitateurs/développem ent des
compétences du
|
La proximité avec les professionnels.
Accompagner dans ce qu'on attend d'eux (Fonction ressource) et
de ce Service.
|
|
|
324
324
professionnel éducatif
|
socio-
|
Le cadre assure cette fonction ressource et n'est pas juste
là pour attendre le score de la fin du match.
Pas de rendement, mais plutôt la mobilisation des
moyens.
|
|
|
|
|
|
Pas d'attente de résultat (Difficilement
évaluable), sachant qu'un accident de parcours est
possible pour tout professionnel, dont les résultats ne pourraient pas
être à la hauteur des moyens.
|
|
|
|
|
|
Elaboration collégiale du projet, où c'est
|
|
|
Réaction/ blocage
|
ou
|
l'équipe qui est amenée à le
réinterroger. Y
|
|
|
divergences
|
|
des
|
réfléchir ensemble quant à la manière
de
|
|
|
profession-nels projet
|
sur
|
un
|
dépasser ou de contourner ce blocage.
|
|
|
|
|
|
-/Représentations des membres de l'équipe :
|
|
|
|
|
|
Observations, procédures d'élaboration
d'hypothèses et accord sur les objectifs et modes
opératoires.
|
|
|
|
|
|
-Divergence organisationnelle : Le Chef de
|
|
|
|
|
|
Service tranche et si le besoin des
professionnels est identique, la priorité sera
déterminée par le Chef de Service.
|
|
|
|
|
|
-Divergence pédagogique : Recevabilité des
arguments, puis position hiérarchique.
|
|
|
|
|
|
-Divergences personnelles, les personnes sont invitées
à les régler extramuros.
|
|
|
325
325
Solutions préconisées/
non-adhésion de l'équipe
éducative
|
Une décision/fonctionnement du Service (RV
ponctuels d'une personne accueillie extramuros) susceptible
d'impacter les autres collègues, doit être prise
collégialement. Elasticité du fonctionnement en équipe et
position hiérarchique, si besoin.
|
|
|
Finalités éducatives
|
Acquérir compétences et expériences qui
|
|
La posture professionnelle adoptée n'est pas
|
/professionnels socio-
|
permette au professionnel socio-éducatif de se
|
|
uniquement dans du savoir-faire mais
|
éducatifs
|
réaliser dans son travail et c'est à eux de
mettre les choses personnelles dans la
|
|
représente aussi une fonction, et « à
ce titre-là, ben le contenant et le contenu, c'est savoir
|
|
corbeille.
|
|
effectivement ce que les gens ont à attendre de
nous, et ce que nous avons à engager en leur
|
|
Finalités de compétences transférables.
|
|
faveur et l'inverse. L'inverse aussi. »
|
|
|
|
On est dans les savoirs, savoir-faire et savoir-
|
|
« Ce qu'attendent de nous les instances de
|
|
être.
|
Finalités éducatives des
|
tutelles, comme dit, c'est ce fameux degré
|
|
La posture éducative ne repose pas uniquement
|
professionnels socio-
|
d'autonomie. (...) J'attends des éducateurs
|
|
sur les savoir-faire, elle repose aussi sur du
|
éducatifs/ personnes
|
qu'ils contribuent à ce que les personnes
|
|
savoir-être où effectivement on sait un moment
|
accueillies
|
profitent un maximum de leur passage ici. »
|
|
donné aussi, ce qu'on a à afficher et ce qu'on a
à déployer.
|
|
Etre dans un échange suffisamment adapté
|
|
J'attends des éducateurs qu'ils contribuent à ce
|
|
pour qu'effectivement il soit adapté et
|
|
que le degré d'autonomie des personnes par
|
|
sécurisant, pour qu'on ait envie de continuer à
|
|
rapport à leur-savoir-faire et savoir-être
|
|
interagir.
|
|
s'améliore.
|
|
|
|
Pas leur savoir-être, mais un savoir-être.
|
326
326
|
|
|
Exemple/incompréhension d'un serrage de
main au lieu de la bise toujours faite à la
personne accueillie, qui nécessite la transmission
du savoir-être par l'éducateur.
La posture des éducateurs est éducative par la
transmission d'un savoir-être (codes sociaux, règles sociales,
etc.). C'est la recherche d'une
proximité suffisamment sécurisée pour
la personne et pour le professionnel, pour que ce type de nuance puisse se
transmettre, sans... sans risque de fusion ou de confusion
sécurisée.
Un savoir-être, c'est aussi moi en face de toi et
l'inverse, dans un échange suffisamment adapté et
sécurisant pour avoir envie de continuer à interagir, avec les
risques dans la relation (trop loin ou trop près) qui peuvent mettre les
apprentissages à mal ou subir des interférences.
|
La relation éducative
|
« Je l'interroge tous les jours ».
Même si ça
ne se situe pas qu'au niveau de la compréhension, il
faut passer sa vie à chercher à la comprendre.
|
|
|
|
Subtil cocktail de théories, d'échanges,
d'expériences, de vie,
d'expériences professionnelles et d'interactions avec les
collègues.
|
|
|
|
Formation continue, à travers le regard que peuvent
apporter les autres collègues.
|
|
|
327
327
|
|
|
|
|
« Si tu ne maîtrises pas les fondamentaux
dans
|
|
« Toutes les interactions à un moment
donné
|
Connaissances, agir,
posture
|
ce genre de job, tu es capable de faire n'importe quoi.
Donc je vais rester à a).
|
|
agissent sur le savoir-être »
(transmission)
|
|
L'éducateur doit connaître les savoirs
|
|
« Moi mon rôle était de leur expliquer
comment
|
|
professionnels basiques. »
|
|
gérer une situation de conflit. Comment je me
place, etc. ». Et ça se passe au niveau du savoir-
|
|
« C'est sûr que tout ce qui est
transférable par définition, j'allais dire, est plus satisfaisant
».
|
|
être.
|
|
« Résoudre des problèmes plutôt
que
|
|
La fonction didactique et la fonction
|
|
d'appliquer des savoir-faire puisqu'appliquer des
savoir-faire c'est quelque chose de plus inerte. »
|
|
pédagogique sont la même chose.
|
|
« J'attends de quelqu'un à un moment
donné, il aide les gens à..., à régler un certain
nombre de choses quoi. Et pour ça, il utilise tout ce qu'il sait.
»
|
|
|
|
« Si on reste vraiment sur le versant
professionnel, il a plutôt à adopter une
posture, tu vois, que de transmettre un savoir-être. »
|
|
|
|
« Les choses se transmettent autrement que
par euh, j'allais dire, une espèce
d'apprentissage académique, quoi hein.
|
|
|
|
L'être-ensemble, je pense que ça, ça
participe aussi à ça. J'ai pas l'impression, j'allais dire, je
pense que on s'est transmis des choses
|
|
|
328
328
|
euh... en ayant euh... j'allais dire, on a
partagé une tranche vie »
|
|
|
|
« Quand on mange ensemble, il n'y a pas celui qui
apprend à tenir la fourchette et celui qui enseigne, tu vois, il se
passe aussi un peu autre chose. Et de ce autre chose, il naît aussi un
peu quelque chose. »
|
|
|
|
« C'est les inviter à réfléchir
à une
alternative, à ce qui s'est passé et
aux décisions qui ont été prises. »
|
|
|
|
Ma fonction pédagogique est de « revisiter une
situation qui a mise à mal l'équipe et la personne qui a eu
à la gérer et qui s'est sentie un petit peu abandonnée,
pour qu'ensemble on construise, on élabore une autre marche à
suivre en cas de... récidive. »
|
|
|
|
« Après je veux dire, il n'est pas impossible
qu'une procédure vienne cadrée, instituer une marche à
suivre en cas de conflits du même type. »
|
|
|
|
Construction de sens. La qualité du travail
|
|
|
Pratique professionnelle
|
bien fait. L'évaluation des pratiques
|
|
|
du Chef de Service comme
|
professionnelles. Développement des
|
|
|
finalités éducatives
auprès
|
compétences de l'éducateur. La relation
|
|
|
des professionnels :
|
éducative. La
créativité/l'innovation.
|
|
|
|
« Pour évaluer qu'un travail est bien fait, il
faut bien qu'on s'inscrive dans une méthode
|
|
|
329
329
|
d'évaluation. Parce que sinon, on n'est que dans la
morale et elle a aussi ses limites. »
|
|
|
Axes importants/ Projet
développé par
le professionnel
|
-La transférabilité de la compétence. -Le
bon déroulement de l'action. - Le bon résultat du projet.
|
|
|
Se situe/ au professionnel
|
1. S'adapte à lui
|
|
2. L'accompagne vers un S-SF-SE.
3. Indique les règles et les normes
professionnelles sociales. (Déontologie et morale)
|
Rôle de l'éducateur/
efficacité de l'accompagnement
|
Il y a des compétences qui s'expriment... « On
ne cherche pas non plus une soumission à une forme d'autorité
».
C'est un travail coopératif entre le
professionnel et le Chef de Service/développement
des compétences.
Accompagner et inviter une personne à développer
des apprentissages en la mettant sous tension (pas en péril ni en
danger) :
- Envisager toutes les parades
- Evaluer le risque de chute
- Au fur et à mesure des compétences
acquises, diminuer les parades (De l'entraîneur qui est
aux pieds de l'agrès puis au simple tapis posé aux pieds de
l'agrès).
|
|
Le Chef de Service guide l'éducateur en lui montrant
les compétences à développer, parce que cela a toujours
fonctionné ainsi.
|
330
|
|
|
|
|
Efficacité
l'accompagnement professionnel
|
dans
du
|
Les apprentissages et les compétences que le professionnel
développe, parce que la manière
de l'accompagner va dépendre de ses
apprentissages et des compétences
qu'il développe.
|
|
|
330
Tableau n°84 : Tableau récapitulatif des
réponses du Chef de Service en fonction de l'accompagnement
pédagogique et didactique, et des points aveugles.
La synthétisation des réponses du Chef de
Service démontre une approche pédagogique des finalités
vers le « Moi » des personnes (professionnels et usagers),
qui confirme les observations relevées sur le terrain. Nous y observons
un accompagnement centré sur l'ergonomie cognitive, sur le savoir-agir
et avec une posture éthique, empreint d'une éthique de conviction
(Position hiérarchique, prise de décision, garant, il «
tranche », etc.) et d'une éthique de responsabilité
(Attentes du travail des professionnels, développement des
compétences et recherche d'optimisation pour « sa boutique »,
etc.). Cet accompagnement est axé à la fois sur un versant
collectif (« Travail coopératif, élaboration et
décision collégiales, mouvement réflexif,
réfléchir ensemble, mouvement pédagogique, accompagnement,
mobilisation, associer les collaborateurs, les inviter à
réfléchir à, mobiliser les compétences
acquises», aider à la compréhension du système,
etc.) et sur un versant individuel (« Fonction ressources, mobiliser,
entretien, conseils, accompagner à la décision professionnelle ou
personnelle, révélateur de la progression du travail, la
proximité avec le professionnel, un accident de parcours est possible
», etc.). Il est aussi intéressant de relever la position du
Chef de Service par rapport à ses missions et à l'ensemble des
personnes qu'il côtoie, par sa prise de conscience de l'importance et des
enjeux de la relation éducative et de la dimension éthique. Force
est de constater que ces dimensions pédagogiques et humaines du Chef de
Service transparaissent dans ses différents rôles.
Toutefois, certains points aveugles relevés montrent
certains aspects paradoxaux. Dans l'ensemble, le Chef de Service identifie les
compétences du professionnel (ainsi que les siennes et celles de la
personne en situation de handicap) dans les champs du savoir, du savoir-faire
et du savoir-être. Lorsqu'il énonce que « la posture
professionnelle adoptée n'est pas uniquement dans du savoir-faire mais
représente aussi une fonction, (...) et à ce
titre-là, ben le contenant et le contenu, c'est savoir effectivement ce
que les gens ont à attendre de nous, et ce que nous avons à
engager en leur faveur et l'inverse. L'inverse aussi. », « La posture
éducative ne repose pas uniquement sur les savoir-faire, elle repose
aussi sur du savoir-être où effectivement on sait un moment
donné aussi, ce qu'on a à afficher et ce qu'on a à
déployer. », et « Pas leur savoir-être, mais un
savoir-être », il définit le savoir-faire et le
savoir-être comme des compétences développées par le
professionnel, que nous identifions comme compétences spécifiques
à chaque professionnel. Cette dernière affirmation indique aussi
qu'il a conscience de la didactique en termes de normalisation par les
professionnels. D'autre part, la phrase « Moi mon rôle
était de leur expliquer comment gérer une situation de conflit.
Comment je me place, etc. (...) Et ça se passe au niveau du
savoir-être. » ainsi que l'exemple
332
332
illustrant l'incompréhension possible pour une personne
d'un serrage de main au lieu de la bise (toujours faite à la personne
accueillie) et argumentant que cette situation nécessite la transmission
du savoir-être par l'éducateur auprès des personnes, font
référence au savoir-agir -et non au savoir-être-, puisqu'il
s'agit ici d'agir efficacement en fonction d'une situation donnée en
mobilisant les membres de l'équipe/la personne accueillie pour
les/l'amener à transposer leurs/ses ressources individuelles. D'autre
part, le Chef de Service affirme que la posture des éducateurs est
éducative par la transmission d'un savoir-être (codes sociaux,
règles sociales, etc.) et que c'est la recherche d'une proximité
suffisamment sécurisée pour la personne et pour le professionnel,
pour que ce type de nuance puisse se transmettre, sans risque de fusion ou de
confusion sécurisée. Il souligne également qu'un
savoir-être, « c'est aussi moi en face de toi et l'inverse, dans
un échange suffisamment adapté et sécurisant pour avoir
envie de continuer à interagir, avec les risques dans la relation
» (trop loin ou trop près) « qui peuvent mettre les
apprentissages à mal ou subir des interférences » et
que « Toutes les interactions à un moment donné agissent
sur le savoir-être » (Dans le sens de la transmission). Il nous
semble que ces « définitions » précisées en
termes de savoir-être démontrent clairement une posture
pédagogique et éthique, parce qu'il définit la fonction du
professionnel dans une attitude relationnelle de proximité empreinte de
bienveillance. Néanmoins, dans la question relative à sa relation
au professionnel, il déclare en premier lieu s'adapter à lui,
puis exprime « l'accompagner vers un savoir, un savoir-faire, un
savoir-être » et en troisième, lui « indiquer
les règles et les normes professionnelles et sociales. ».
Pouvons-nous proposer l'hypothèse, comme nous le soulignions avant, que
ces types de savoirs définis comme tels mais argumentés en
agencement de connaissances, en agir contextualisés et
transférables et dans l'entraide et le respect des personnes,
représentent in fine la pédagogie et l'accompagnement au «
Moi » ? Enfin, les derniers points aveugles exposent les
affirmations suivantes : « Le Chef de Service guide l'éducateur
en lui montrant les compétences à développer, parce que
cela a toujours fonctionné ainsi. » (Nous rappelant qu'il
invoquait l'encouragement envers l'éducateur à l'inviter à
développer telles compétences) et « La fonction
didactique et la fonction pédagogique sont la même chose.
».
333
333
4.4.3. Analyse du matériau condensé
Concernant les professionnels socio-éducatifs en poste
au SAJ de Neuf-Brisach, l'ensemble des éléments démontrent
des représentations positives et conscientes des problématiques
des personnes en situation de handicap, qui -pour la plupart- défendent
une pratique d'adaptation et de cheminement, avec la personne et selon ce
qu'elle exprime. Dans le champ des apprentissages et des problématiques
(Blocage, difficulté, etc.), nous observons une pratique
d'accompagnement vers la résilience à travers les manières
d'agir et les attitudes des professionnels, le terme « Adaptation
» étant le terme le plus usité dans le champ lexical
des professionnels. A ce titre, nous constatons que le processus
d'accompagnement vers la résilience des personnes en situation de
handicap est non seulement corrélé aux finalités
individuelles des personnes, mais semble être également être
une évidence en termes de but et d'actions éducatifs pour la
plupart des professionnels. La pratique d'accompagnement vers les
finalités du « Moi » des personnes accueillies est
ainsi manifestement revendiquée et opérationnelle. Par ailleurs,
nous observons également une pratique d'accompagnement vers le «
Moi social » dont les finalités visent la normalisation
des personnes accueillies, particulièrement à deux niveaux. En
premier lieu, elle est annoncée dans la corrélation entre le
savoir-être et un cadre normatif (non coercitif), en termes
d'acceptation, d'intégration et de reconnaissance sociales des
personnes. En second lieu, elle apparaît au niveau des apprentissages et
des problématiques (Blocage, difficulté, etc.) à travers
le respect des normes et des procédures préétablies, et
dans le statut de l'éducateur comme expert et « guide social
» qui « transmet et accompagne vers le savoir, le
savoir-faire et le savoir-être », et qui « indique les
règles et normes sociales » aux personnes accueillies. Nous
constatons que cette posture apparaît dans le discours de l'ensemble des
professionnels par la définition du savoir, du savoir-faire et du
savoir-être, comme fondement de l'action éducative. Il semble
également que le « Moi social » soit marqué de
représentations plus ou moins figées, avec une tendance à
l'interrogation et au besoin de construction d'une représentation.
Enfin, certains termes et fonctions semblent complexes ou confus (Cadre
institutionnel, pédagogie et éducatif, fonction et rôles de
l'éducateur, etc.) pour certains professionnels.
334
334
La séquence-vidéo montre que l'ensemble des
professionnels semble avoir conscience de la réalité, de
l'existence et des enjeux de systèmes du « Moi » et
du « Moi social ». D'autre part, l'expression
passionnée et atypique de l'individualité (Le « Moi
», à travers l'expression musicale de la pianiste) est
comprise, et tantôt valorisée tantôt interrogée. Nous
observons que la plupart des professionnels y sont sensibles et à la
fois influencés par le regard et la réaction du public («
Moi social »), qui marque d'ailleurs un fort impact dans les
choix personnels d'un professionnel.
Finalement, l'accompagnement des finalités
éducatives du « Moi » est une pratique
souhaitée et opérationnalisée notamment par l'adaptation
aux personnes, en même temps marquée par le regard et les attentes
sociales. Paradoxalement, la question du savoir, du savoir-faire et du
savoir-être est une dimension totalement revendiquée par
l'ensemble des professionnels, qui ne semblent pas avoir conscience de ses
finalités sociales. Le tableau ci-dessous rend compte des divers
éléments récapitulatifs des pratiques d'accompagnement en
termes de connaissances, d'agir et de posture des professionnels, en fonction
du « Moi » et du « Moi social ».
|
Didactique
|
Pédagogie
|
Les connaissances
|
Apprentissage des codes sociaux et de l'hygiène, faire
progresser dans tout. Etre accepté socialement.
|
Trouver des informations en lien avec les personnes. Inviter
les personnes à découvrir la pertinence de l'atelier puis
à y réfléchir et à s'y investir. Mobiliser les
ressources éducatives (Equipe) et théoriques (Handicap).
|
L'agir
|
Cadrer. Recadrer pour faire comprendre aux personnes : le sens
de leur accueil au SAJ, moins manger.
Aider à les faire grandir et devenir adultes.
Rappel du cadre (sens du projet validé, objectifs
posés, etc.) si la personne est à nouveau mal.
« Répéter, répéter,
répéter, jusqu'à ce que ça rentre vraiment
».
|
Trouver des solutions pour adapter le quotidien des personnes.
Mettre en place des ateliers pertinents en fonction des personnes. Mobiliser
d'autres ressources (équipe).
Transférabilité de la résolution
des problèmes
Demander, expliquer, comprendre adapter, réadapter.
Création de supports adaptés et ludiques pour adapter le
quotidien de la personne. Adapter la communication (mime). Pertinence des
outils. Conseiller. Donner les moyens éducatifs. Avoir des objectifs
adaptés. Se poser des questions, s'adapter. Tester des approches pour
réadapter. Amener à passer à autre chose, à prendre
du recul, et à dépasser des problèmes (de la maison).
Inviter au dépassement de soi en la valorisant.
Non-forcing si la personne bloque. Perfection non visée.
L'erreur est
valable. S'entretenir avec la personne pour écouter et
voir les problématiques rencontrées.
|
Le comportement
|
Posture d'expert en fonction de ce que l'éducateur voit
chez la personne (problème, maladie, fatigue) et non ce que la personne
exprime, etc.
Respect du cadre de référence par la non-prise
en compte de la situation problématique de la personne.
(Dérision,)
|
Etre à l'écoute, favoriser le lien et la
confiance. Donner le droit à la libre-expression et au libre-choix.
Privilégier la parole, la discussion, les
ressentis. Avoir une proximité avec la personne.
S'adapter, bienveillance.
Une relation éducative et pédagogique. Etre en
posture d'écoute et de compréhension de la personne et de sa
situation. Etre en accord avec les intérêts de la personne.
Possibilité de se tromper. Encouragement. Favoriser le bien-être
de la personne et la qualité de la relation.
Favoriser l'accueil, la relation et le bien-être de la
personne. Prendre en compte la situation de la personne et ne pas la
minimiser.
|
184 Selon les retours des professionnels lors d'entretiens
formels et informels, et les observations faites sur le terrain.
Tableau n°85 : Tableau récapitulatif de
l'opérationnalisation des connaissances, de l'agir et de la posture dans
l'accompagnement du professionnel socio-éducatif. (Entretien
semi-directif : Questions 1-10).
En ce qui concerne le Chef de Service, nous pouvons nettement
affirmer que les finalités d'accompagnement des professionnels
socio-éducatifs visent la pratique pédagogique et leurs
finalités individuelles. L'accompagnement au « Moi »
est investi par le Chef de Service, qui semble impacter les professionnels
à plusieurs niveaux (Lors de blocage, de difficultés
professionnelles et personnelles, de propositions de responsabilité, de
formation, de développement de compétences, etc.)184
La posture du Chef de Service paraît correspondre à la posture
interculturelle défendue par Madame Duschêne-Lacroix (ibid), par
son positionnement pédagogique et éthique visant la relation de
confiance interpersonnelle et le mouvement réflexif pour un travail
coopératif. C'est sur ce versant collectif mais aussi sur le versant
individuel qu'il les accompagne par l'ergonomie cognitive, le savoir-agir et la
posture éthique, marqué par une éthique de conviction et
une éthique de responsabilité. Par ailleurs, alors que sa
pratique d'accompagnement vise la pédagogie et le « Moi
», elle est toutefois définie en termes didactiques (Terme
confondu avec la pédagogie) par le savoir, le savoir-faire et le
savoir-être, compétences qu'il invite « à
développer pour gagner en autonomie » (Personnes en situation
de handicap) et pour « se réaliser » et pour «
éviter l'appauvrissement » (Professionnels
socio-éducatifs). De fait, il semble plus compréhensible que les
professionnels énoncent les compétences du savoir, du
savoir-faire et du savoir-être (à acquérir pour les
personnes accompagnées) vus les attendus explicites du Chef de Service
en ces termes.
Le tableau ci-dessous rend compte des divers
éléments récapitulatifs des pratiques d'accompagnement en
termes de connaissances, d'agir et de posture du Chef de Service, en fonction
du « Moi » et du « Moi social ».
|
Didactique
|
Pédagogie
|
|
|
Maintenir une certaine stimulation intellectuelle qui permette
de comprendre ce qui se passe et de garder la bonne distance, de ne pas
être envahi par trop de doutes qui risquent
|
Le savoir
|
|
de freiner les élans professionnels.
|
|
|
« Tout ce qui est transférable par
définition est plus satisfaisant. »
|
|
|
Mobiliser et inviter les professionnels à
développer des compétences (supports théoriques,
formations, échanges, partenariats).
|
|
|
Connaître les savoirs du professionnel, car «
si tu ne maîtrises pas les fondamentaux dans ce genre de job, tu es
capable de faire n'importe quoi ».
|
|
|
« Appliquer un savoir-faire c'est quelque chose de plus
inerte que de résoudre des savoir-
|
Le savoir-agir
|
|
faire. ». « J'attends de quelqu'un
à un moment donné qu'il aide les gens à régler un
certain nombre de choses, qu'il puisse résoudre certains
problèmes rencontrés. »
|
|
|
Aider les professionnels à gérer les missions
(fiches de poste, projet d'établissement).
|
|
|
Maintenir un degré de mobilisation auprès des
professionnels pour éviter
l'appauvrissement professionnel : Accompagner un mouvement
pédagogique.
|
|
|
Evaluer la capacité d'interaction lorsqu'il y a indice de
mal-être d'un professionnel.
|
|
|
Associer les professionnels lors d'une nouvelle étape,
par l'étude des besoins et élaboration des objectifs
collégiales.
|
|
|
Impulser, révéler, servir de
révélateur à la nécessité de répondre
à des besoins qui s'expriment.
|
|
|
Les associer à la volonté de faire
évoluer la situation, mouvement réflexif, et à se regarder
faire en équipe.
|
|
|
Proximité avec les professionnels pour les accompagner
à développer leur pratique professionnelle.
|
|
|
Apprentissages mobilisables en fonction des personnes.
|
|
|
Réinterroger lors de blocage/projet avec les
professionnels.
|
|
|
Elasticité du fonctionnement du Service, dont la
décision est prise en équipe.
|
|
|
Développer des compétences et des
expériences qui leur permettent de se réaliser.
|
|
|
« C'est les inviter à réfléchir
à une alternative, à ce qui s'est passé et aux
décisions qui ont été prises. »
|
|
|
Ma fonction pédagogique est de « revisiter une
situation qui a mise à mal l'équipe et la personne qui a eu
à la gérer et qui s'est sentie un petit peu abandonnée,
pour qu'ensemble on construise, on élabore une autre marche à
suivre en cas de... récidive. »
|
338
338
|
|
Proximité avec les professionnels pour les accompagner
dans ce qu'on attend d'eux et dans ce qu'on attend de ce service.
Connaître les savoir-faire du professionnel.
« J'attends des éducateurs qu'ils contribuent
à ce que les personnes profitent un maximum de leur passage, à ce
que le degré d'autonomie des personnes accueillies, par rapport à
leur savoir-faire et à leur savoir-être, s'améliore
grâce à leur passage ici» Accompagner et inviter une
personne à développer des apprentissages en la mettant sous
tension (pas en péril ni en danger) :
|
|
|
- Envisager toutes les parades
|
|
|
- Evaluer le risque de chute
|
|
|
- Au fur et à mesure des compétences acquises,
diminuer les parades (De
l'entraîneur qui est aux pieds de l'agrès puis au
simple tapis posé aux pieds de l'agrès).
|
|
|
Veiller au bien-être des professionnels et prévenir
le risque d'usure professionnelle.
|
|
|
Etre tiers de proximité ou tiers-ressources, à
l'écoute en cas de difficultés professionnelles
|
L'éthique
|
|
voire personnelles (si la personne l'y invite).
|
|
|
Aborder les choses autrement en cas de besoin d'écoute.
Regard positif, de révélateur sur la situation.
|
|
|
« Les choses se transmettent autrement que par euh,
j'allais dire, une espèce
|
|
|
D'apprentissage académique, quoi hein. Le
être-ensemble, je pense que ça, ça participe aussi à
ça. J'ai pas l'impression, j'allais dire, je pense que on s'est transmis
des choses euh... en ayant euh... j'allais dire, on a partagé une
tranche vie »
|
|
|
« Quand on mange ensemble, il n'y a pas celui qui
apprend à tenir la fourchette et celui qui enseigne, tu vois, il se
passe aussi un peu autre chose. Et de cet autre chose, il naît aussi un
peu quelque chose. »
|
|
|
Relation, interaction, échange suffisamment adapté
et sécurisant. Risque de
confusion/fusion dans la relation éducative. Ethique de
conviction et de responsabilité.
|
339
339
|
Invite le collègue ayant une position divergente
à respecter ses collègues de travail et à respecter les
décisions prises en équipe.
Dimension du savoir-être du professionnel : «
pas leur savoir-être, mais un savoir-être. »,
associée à l'apprentissage et la compréhension des codes
sociaux.
|
Tableau n°86 : Synthèse des
éléments relatifs à la Didactique et à la
Pédagogie, relevés dans les réponses du Chef de Service
(Entretien semi-directif : Questions 1-19).
Synthèse
Moi/Pédagogie
Les représentations émergées de nos
entretiens avec les enseignants et les élèves montrent que
les pratiques professionnelles sont orientées vers le
« Moi ». Les notions d'ergonomie
cognitive, savoir agir, éthique existent dans leurs
pratiques, mais sont confondus avec le savoir, savoir-faire et savoir
être sur le plan conceptuel. Les
enseignants sont conscients qu'il faut s'adapter à
l'élève, l'écouter et être bienveillant.
Demande de
diminution de
l'effectif en classe et en ateliers afin de pouvoir faire un
travail en profondeur avec les élèves.
4.5. Mise en relation des données
Lycée E. Bugatti
SAJ Neuf-Brisach
Moi social/ Didactique
Les enseignants sont partagés sur le concept «
Moi social/
Didactique »,
même s'ils n'arrivent pas à l'identifier
clairement.
Les enseignants sont conscients que l'école n'est plus
adaptée aux élèves accueillis. Ils préconisent un
changement de système moins
didactique et répondant aux besoins de
l'élève.
|
Moi social/ Didactique
Les professionnels sont sensibles aux attentes sociales et
à la normalisation de la personne.
Nous observons une pratique d'accompagnement au savoir-être
(Cadre
normatif visant
l'acceptation, la
reconnaissance et
l'intégration sociale) et au savoir-faire
(Expert, guide social).
|
Moi/ Pédagogie
Les finalités
éducatives au
« Moi » constituent une évidence dans
les représentations de la plupart des professionnels. Cette pratique est
opérationnelle en termes d'ergonomie
cognitive, de savoir-agir, et de posture éthique.
|
Processus Adaptation/ Résilience
Processus de résilience visé. Nous avons
retrouvé des indicateurs de résilience chez les
élèves décrocheurs ou présentant des risques de
décrochage scolaire.
Processus de résilience visé et souhaité,
car il montre des résultats satisfaisants inhérents à la
progression et à l'épanouissement des personnes. Terme «
Adaptation » le plus usité.
341
Mission institutionnel le
Exigences
Points divergents
Points aveugles
Contexte :
Les enseignants sont partagés sur la cause des
difficultés des élèves. Certains pensent que c'est un
problème d'évolution de la société, d'autres
pensent que ce sont les parents qui sont en cause.
Les enseignants éprouvent un sentiment de frustration
et d'incompétence par rapport à leur travail. Quoique les
aspirations de la plupart d'entre eux sont orientées vers le «
Moi/pédagogie », néanmoins des doutes et des
craintes demeurent quant à l'efficacité des dispositifs
pédagogiques.
Les termes « Moi social/Didactique » et «
Moi/Pédagogie » sont confus ou incompris.
Le cadre institutionnel est exigé. Il y a des exigences
par rapport aux programmes scolaires à suivre dans un temps imparti.
On attend des rendements et des résultats sous forme de
données chiffrées.
Les méthodes d'apprentissage sont arbitraires. Pas
d'exigences en termes de rendement et de résultats (hormis en taux de
remplissage et de la pertinence du SAJ, par un Rapport annuel
d'évaluation de l'activité du Service à l'attention du
Conseil Départemental).
Revendication de l'acquisition/du
développement des compétences vers le savoir, le
savoir-faire et le savoir-être.
Les notions d'ergonomie cognitive, savoir-agir, éthique
existent dans leurs pratiques, mais sont confondus avec le savoir, savoir-faire
et savoir-être.
Les termes « Moi social/Didactique » et «
Moi/Pédagogie » sont confus ou incompris.
Les missions du SAJ comprennent la socialisation (Rencontre et
accueil),
l'acquisition/développement des apprentissages et des
acquis, l'expertise du diagnostic.
341
Tableau n° 87 : Tableau récapitulatif des
résultats de l'enquête au Lycée E. Bugatti et au SAJ de
Neuf-Brisach.
342
4.6. Conclusion méthodologique
Dans l'ensemble, nous concluons qu'en dépit de
l'éducation plurielle du « Moi social » chez
l'ensemble des professionnels, les aspirations et les pratiques des
professionnels vers les finalités éducatives de l'accompagnement
des lycéens du Lycée E. Bugatti, et des personnes en situation de
handicap et des professionnels du SAJ de Neuf-Brisach rejoignent davantage
celles de leur « Moi » que du « Moi social
». D'autre part, nous observons que les principes pédagogiques
(Ergonomie cognitive, savoir-agir, éthique) du « Moi
» sont confondus avec les principes didactiques (Savoir, savoir-faire
et savoir-être) du « Moi social ». Enfin, les «
revendications » des enseignants du Lycée E. Bugatti visent un
système moins « didactique » et davantage adapté aux
élèves, alors que celles des professionnels
socio-éducatifs du SAJ de Neuf-Brisach sont axées sur les termes
didactiques en termes de développement des compétences des
usagers et des professionnels.
4.7. Hypothèses de recherches
Les recherches que nous avons effectuées dans notre
étude nous amènent à formuler l'hypothèse suivante
: Les finalités éducatives de l'accompagnement vers le «
Moi » favorisent la résilience des élèves
décrocheurs du Lycée E. Bugatti et des personnes en situation de
handicap au SAJ du Neuf-Brisach comme nous l'indique le modèle
ci-dessous :
Finalités éducatives sociales
Enseignant Educateur
Finalités individuelles
Développement
de
l'individualité
Risques d'abus
Conformisme normatif
Pédagogie
Résilience
Lycéen à risque de
décrochage
Personne en situation de handicap
342
"Moi social" "Moi"
343
Figure n°88 : Schématisation revisitée
du « Moi social » et du « Moi » en lien avec la
résilience.
En d'autres termes, on peut parler de «
résilience » quand la finalité éducative
vise l'accompagnement du « Moi » de la personne. Par
conséquent, cela implique de tenir compte des différences entre
les pratiques didactiques (« Moi social ») et des pratiques
pédagogiques (« Moi ») dans l'action éducative
afin de répondre de manière efficace aux besoins du public en
difficulté. Par ailleurs, nous définissons le terme «
pratiques pédagogiques » comme l'ensemble des actions
éducatives reposant sur trois principes fondamentaux (Chalmel 2015) :
Ergonomie cognitive, savoir-agir, éthique par opposition au
savoir, savoir-faire, savoir-être, qui sont des principes
relevant de la didactique (« Moi social »).
Pédagogie
Moi Résilience
Ergonomie cognitive
Savoir-agir Éthique
343
Figure n° 89: Principes pédagogiques en lien
avec le « Moi » et la résilience.
Ainsi, nous avons pu constater que tous les dispositifs mis en
place au Lycée E. Bugatti depuis 2013 ont eu impact positif sur les
lycéens. Comme cela a été indiqué
antérieurement, le taux de décrochage est passé de 23%
à 15% durant l'année académique 2014-2015. Et cette
diminution se poursuit encore aujourd'hui selon les chiffres récents que
nous avons obtenus auprès de la Direction185. Pour l'heure,
sur les 19 élèves de CAP que l'équipe de recherche de
l'UHA a observé en salle de classe durant cette année, seulement
un seul élève a décroché et quitté
définitivement l'établissement sans diplôme et sans
solution alternative de formation. En outre, les entretiens que nous avons
effectués auprès des élèves décrocheurs
montrent la présence d'un certain nombre de facteurs favorisant la
résilience. Ce qui nous prouve qu'en quelque sorte, une
185 Chiffres non officiels.
344
344
graine a été semée et qu'il y a de
l'espoir, comme l'a souligné un des enseignants lors de l'entretien
collectif à travers les propos suivants :
« Donc, on n'a pas d'autres choix que s'adapter, et
parfois quand c'est difficile, je me dis que la bienveillance laisse notre
empreinte sur des élèves, même les plus difficiles,
même ceux qui nous ont torturé l'esprit, retourné nos
boyaux. Et donc, si on laisse cette empreinte, là il y a quelque chose
qui reste. Il y a un changement qui s'opère. On a semé une
graine, qui va soit s'ouvrir tout de suite ou s'ouvrira à un moment
donné »
Ainsi, il est important de souligner que le projet
d'établissement a beaucoup mis l'accent ces trois dernières
années sur les mots « écoute
» « bienveillance »,
« considération » et «
inclusion ». Tous ces termes sont des
indicateurs de résilience et visent in extenso le « Moi
» de l'élève en termes d'accompagnement et de
finalité éducative. Mettre l'élève au centre de
l'action éducative, voilà le défi que veut relever le
Lycée E. Bugatti dans sa lutte contre le décrochage scolaire. Par
ailleurs, au SAJ de Neuf-Brisach, les professionnels socio-éducatifs
affirment que l'adaptation à la personne et le soutien
pédagogique prennent en compte l'individualité de la personne en
situation de handicap, ce qui favorise son processus de résilience,
à travers le développement de compétences
transférées extramuros, par exemple.
En revanche, nous observons des craintes de la part des
enseignants (Lycée E. Bugatti) en lien avec des doutes (L'accompagnement
au « Moi » est-il possible et pérenne ?) et une
revendication manifeste des termes didactiques paradoxalement à leurs
pratiques pédagogiques. D'où la nécessité de mettre
en place un projet visant à déconstruire les
représentations didactiques que se font la plupart des enseignants et
des éducateurs spécialisés. C'est ce que nous comptons
proposer dans la partie « projet » de notre étude,
qui sera présentée dans un autre document.
4.8. Perspectives de recherches
Dans cette étude, nous avons traité la
problématique des finalités éducatives dans les pratiques
d'accompagnement visant un conformisme social, selon le groupe social dans
lequel est immergée la personne. Cet accompagnement empreint de
conformisme/normativité (« Moi
345
345
social » (Didactique) dénature et pose un
masque sur le « Moi » de la personne, et il ne prend pas en
compte son profil d'apprentissage, ni ses ressentis, ses expériences.
Nous prônons un accompagnement réfléchissant tel un miroir
qui invite l'accompagné à prendre conscience de ses
différents problèmes et de les résoudre par
lui-même. De ce fait, nous voulons poursuivre nos investigations en
thèse de doctorat afin d'essayer de comprendre le « Moi
» et proposer une modélisation d'accompagnement. Quand nous
avons demandé aux enseignants lors de l'entretien collectif : Quelles
solutions préconisez-vous pour qu'un élève en échec
scolaire puisse rebondir et reprendre gout à l'apprentissage ? Parmi les
réponses obtenues, un des enseignants nous a répondu ceci :
« Essayez de trouver avec lui (élève)
l'origine de cet échec et envisager des solutions ».
Ainsi, les questions posées sont les suivantes :
Comment éduquer le « Moi » ? Surtout quand celui-ci a
été fracassé, dénaturé ? Quels modes
d'accompagnements pédagogiques spécifiques doit-on mis en oeuvre
? Dans le cas d'élèves décrocheurs, ne faudra-t-il pas
trouver l'origine du fracas scolaire pour pouvoir y remédier de
manière efficace ? Il faudra souligner qu'à ce jour, il n'existe
aucune recherche scientifique présentant le « Moi »
sous forme de triangulation entre des conceptions, une modélisation des
pratiques éducatives en lien avec la pratique d'accompagnement du «
Moi ». C'est ce que nous comptons réaliser comme travaux
pour les trois prochaines années en travaillant sur 4 axes principaux
:
? Description et mise en valeur de l'environnement
socio-économique de notre espace de recherche.
? Compréhension des dimensions
philosophico-anthropologique, psychanalytique, psychosociologique, du «
Moi » et de sa construction inhérente au contexte de notre
cadre de recherche.
? Déclinaison du « Moi » dans les
différents courants d'idées intellectuelles et dans les
pédagogies identifiées.
? La place de l'accompagnement dans ce cadre.
Notre objectif est de pouvoir proposer une modélisation
pertinente, aboutissant à un modèle pratique d'accompagnement des
personnes au coeur d'une pédagogie du « Moi ».
346
346
CONCLUSION GÉNÉRALE
Quand nous avions fait le choix d'entreprendre ce travail sur
les finalités éducatives, nous savions pertinemment que nous
aurions pris un grand risque. Notre question de départ fut la suivante :
Est-il possible qu'un enseignant et une éducatrice
spécialisée puissent collaborer ensemble sur un même projet
sachant que les publics, les pratiques et les finalités
éducatives de nos champs professionnels semblaient être
très différents ? Dès lors, nous sommes partis dans cette
aventure avec une intuition, sur laquelle nous avons construit notre approche
théorique, conceptuelle et méthodologique.
Ce travail coopératif nous a permis de
déconstruire et de reconstruire nos propres représentations, et
de « s'accompagner l'un et l'autre » vers une construction commune.
Ce long chemin de proximité favorisant notre adaptation, la connaissance
et la valorisation du « Moi » de part et d'autre, surprenant
parfois à travers les perles et les labeurs vécues, nous a
confirmé être ces praticiens et pédagogues, par
l'accompagnement l'un envers l'autre dans l'ergonomie cognitive, le savoir-agir
et la posture éthique tant revendiqués. Forts du soutien de
347
347
notre « Accompagnateur par excellence
»186, nous avons aussi compris que rien n'est impossible
et que beaucoup reste à faire, ce qui nous a aussi appris à
vaincre nos propres peurs, à oser nous engager et à franchir des
barrières pour dépasser nos limites, et probablement aussi celles
d'une mentalité semblant construite sur un fondement bien
ancré.
Par ailleurs, il n'a pas été facile de
travailler dans la démarche inductiviste (apostérioriste) que
nous avons choisie, puisque cela nécessitait de déconstruire dans
notre esprit le modèle hypothético-déductif qui nous a
été enseigné pendant nos deux années de Master.
Cette déconstruction a été certes douloureuse mais
bénéfique, puisque nous avons retrouvé quelque chose qui
nous a été dérobé, spolié, et cette chose
n'est autre que notre « Moi ». Ainsi, nous avons vécu
ce travail de Mémoire tel une escapade, au sens d'une « action
de partir quelque part pour échapper aux obligations, aux habitudes de
la vie quotidienne »187 et « par plaisir
»188 de retrouver notre « Moi »
intérieur.
En d'autres termes, cette étude ne nous a pas permis
simplement de comprendre les concepts d'accompagnement, de « Moi
social/Didactique », de « Moi/Pédagogie
» ou de résilience mais elle nous a permis de réaliser
qu'à l'intérieur de nous, il y avait un «
Pédagogue » endormi, assujetti par un système de
« Moi social » dont la finalité éducative est
de fabriquer les « meilleurs », en d'autres termes les
« impersonnels ». Ainsi, ensemble, nous avons
réveillé ce « Pédagogue » en nous, pour
le libérer de son joug... à l'instar d'un génie
libéré de sa bouteille. D'où surgissent des questions
manifestes : Combien de « pédagogues » ont
été bannis, exclus, supprimés par notre système
éducatif ? Combien de « pédagogues » dans les
Ecoles maternelles et élémentaires, Collèges,
Lycées, Universités sont en train d'être
refrénés dans leurs aspirations au « Moi » sur
le plan idéologique et philosophique ?
186 Faisant référence à notre
Créateur et Père céleste...
187 Repéré le 21/05/2016 sur le site du
Larousse.
188 Repéré le 22/05/2016 sur le site du Centre
National des Ressources Lexicales et Textuelles.
348
348
Dans cette optique, nous pensons que ce travail sur les
finalités éducatives prend tout son sens et que l'issue de ce
Mémoire de fin d'études n'est que le commencement d'une aventure
intrépide et surprenante...
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360
RESUME/ABSTRACT
« Les finalités éducatives des
professionnels et les enjeux liés à la résilience dans
l'accompagnement socio-éducatif. Une étude de cas au Lycée
Ettore Bugatti (Illzach) et au SAJ (Neuf-Brisach) »
361
361
Résumé
Ce Mémoire de fin d'Etudes de MASTER 2 est le fruit
d'un travail coopératif entre un enseignant et une éducatrice
spécialisée, dont les champs d'accompagnement (Educatif et
socio-éducatif) portent sur les publics à besoins
spécifiques dans un contexte précis (Lycéens en risque de
décrochage scolaire au Lycée Ettore Bugatti d'Illzach et des
adultes en situation de handicap au Service d'Accueil de Jour de Neuf-Brisach).
Partant d'une approche inductiviste sophistiquée, nous avons fait des
investigations empiriques puis méthodologiques relatives aux
finalités éducatives par les professionnels sur l'accompagnement
de ces deux publics et de l'impact de la résilience. En effet, nos
investigations ont révélé que les finalités
éducatives des professionnels éducatifs et socio-éducatifs
sont plutôt orientées vers un accompagnement du « Moi
» des personnes ainsi qu'une confusion sémantique et
éducative des concepts « Pédagogie/Moi » et de
la « Didactique/Moi social ». C'est dans cette optique, que
nous proposons de mettre en oeuvre un projet d'ingénierie de
compétences intitulé « Oberlin » à
destination de ces professionnels du Lycée E. Bugatti et du SAJ Neuf
Brisach afin de permettre une meilleure compréhension des concepts
évoqués précédemment à travers une dynamique
réflexive autour de leurs représentations et favoriser à
long terme un meilleur accompagnement à la résilience de leurs
publics.
Mots-clés
Accompagnement, pédagogie, didactique,
résilience, publics à besoins spécifiques,
finalités éducatives, Moi, Moi social, enseignant,
éducateur spécialisé, décrochage scolaire,
décrocheur, personne en situation de handicap, élève,
formation, enseignement, difficulté scolaire, difficulté
sociale.
Abstract
This master's degree thesis results from a cooperation work
between a teacher and a case worker, whose fields of professional support
(Educational and social) are different. Moreover, our investigation aims two
different publics with specific needs in an accurate context (High
362
362
risk school dropouts in vocational high school Ettore Bugatti
of Illzach and disabled adults of Day Center Service at Neuf-Brisach). On the
basis of case studies approach we made empirical inquiries and used qualitative
methods as to explore the educational goals of professionals of both school and
social public. We studied also the impact of their support on resiliency for
each group (pupils and disabled adults). Indeed, our investigations revealed
that the educational goals of professionals from our research fields are more
oriented towards a support of the "Self" of their publics.
Nevertheless, we observed a semantic confusion about educational goals and
concepts "Pedagogy / Self" and "Didactic / Social self. " It
is in this context, we propose to implement a competency engineering project
entitled "Oberlin" to these professionals of Lycée E. Bugatti
and SAJ Neuf Brisach to enable a better understanding of the concepts mentioned
previously through a reflective approach about their perceptions. Furthermore,
this project is aimed to foster a better support to the resiliency of their
supported publics.
Keywords
Accompaniment, educational goals, pedagogy, didactic,
resiliency, public with special needs, educational goals, self, social self,
teacher, caseworker, school dropout, dropout, person with disabilities,
student, training, pupil, learning difficulties, social difficulty, social
work.
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