WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les finalités éducatives des professionnels et les enjeux liés à  la résilience dans l'accompagnement socio-éducatif. Une étude de cas au lycée Ettore Bugatti (Illzach) et au saj (Neuf-Brisach).

( Télécharger le fichier original )
par Holly & Anne MANY & HERMMANN ISRAEL
Université de Haute Alsace - Master 2 Sciences de là¢â‚¬â„¢éducation 2016
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Centre Universitaire de Formation

Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de

des Enseignants & des Formateurs

l'Education et de la Communication

Mémoire de thèse

MASTER 2 mention Éducation, Formation, Communication
spécialité Ingénierie de l'Intervention en Milieu Socio-Educatif

(IIMSE 2)

« Les finalités éducatives des professionnels et les enjeux liés à la résilience dans l'accompagnement socio-éducatif »

Une étude de cas au Lycée Ettore Bugatti (Illzach)
et au SAJ (Neuf-Brisach)

MANY Holly Figaro
Anne HERRMANN-ISRAEL
Sous la Direction de Loïc CHALMEL
16 juin 2016

1

1

Attestation d'authenticité

Ce document rempli et signé par l'étudiant doit être inséré dans tous les mémoires après la page de garde.

Nous, soussignés : MANY Holly Figaro & HERRMANN-ISRAEL Anne

Etudiants de : MASTER 2 Sciences de l'Education (2015-2016)

Etablissement : Université de Haute-Alsace

Certifient que le texte soumis ne comporte aucun passage ou schéma copié sans qu'il soit fait explicitement référence aux sources selon les normes de citations universitaires.

Tout plagiat réalisé par un étudiant constitue une fraude au sens du décret du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les EPCSCP. La fraude par plagiat relève de la Signatue des étudants,

compétence de la section de discipline de l'Université. En général la sanction infligée aux étudiants qui fraudent par plagiat s'élève à un an d'exclusion de tout établissement d'enseignement supérieur.

2

Tout passage ou schéma copié sans qu'il soit fait explicitement référence aux sources, selon les normes de citation universitaires, sera considéré par le jury ou le correcteur comme plagié.

Formulaire d'information sur le plagiat

Dans le règlement des examens validé par la CFVU du 2 octobre 2014, le plagiat est assimilé à une fraude. Cette information est présentée à chaque étudiant de l'Université

Formulaire d'information sur le plagiat

de Haute-Alsace susceptible de rédiger un document long de type thèse, mémoire ou rapport de stage. Le formulaire signé devra obligatoirement être intégré au document.

Le plagiat consiste à reproduire un texte, une partie d'un texte, des données ou des images, toute production (texte ou image), ou à paraphraser un texte sans indiquer la provenance ou l'auteur.

Le plagiat enfreint les règles de la déontologie universitaire et il constitue une fraude. Le plagiat constitue également une atteinte au droit d'auteur et à la propriété intellectuelle, susceptible d'être assimilé à un délit de contrefaçon.

En cas de plagiat dans un devoir, dossier, mémoire ou thèse, l'étudiant sera présenté à la section disciplinaire de l'université qui pourra prononcer des sanctions allant de l'avertissement à l'exclusion. Dans le cas où le plagiat est aussi caractérisé comme étant une contrefaçon, d'éventuelles poursuites judiciaires pourront s'ajouter à la procédure disciplinaire.

Nous soussignés MANY Holly Figaro et HERRMANN-ISRAEL Anne Etudiants à l'Université de Haute-Alsace en : 2016

Niveau d'études : MASTER 2

Formation ou parcours : Sciences de l'Education spécialité Ingénierie de l'intervention en milieu socio-éducatif

Reconnaissons avoir pris connaissance du formulaire d'information sur le plagiat.

2

Fait à Mulhouse, le Signatures :

3

3

« C'est pour la liberté que Christ nous a affranchis. » (Galates 5 v. 1)

« Nous renversons tous raisonnements et toute hauteur qui s'élève
contre la connaissance de Dieu et nous amenons toute pensée captive
à la connaissance de Christ. » (2 Corinthiens 10 v.5)1

« Le pédagogue sort de la norme, il pose tout le temps des questions. Il dérange. Les
scientifiques n'aiment pas les pédagogues. Car, les pédagogues sont
nécessairement nomades, infidèles et impertinents »

Loïc Chalmel

1 Tirés de la Sainte Bible, version Louis Segond.

4

4

REMERCIEMENTS

Nous voulons remercier tout d'abord Dieu notre Père, par Jésus-Christ, notre Seigneur, qui nous a donné la force de pourvoir accomplir nos deux années de Master et d'aboutir à ce projet de Mémoire de fin d'études. A Lui soit toute la gloire et nous Lui en sommes reconnaissants. Nous remercions également les membres de notre famille et de notre communauté ecclésiastique qui nous ont apporté leur soutien tant sur le plan moral que spirituel depuis le début de ce projet.

Un grand remerciement à M. Loïc Chalmel pour avoir eu foi en « Nous » et pour le soutien qu'il nous accordé. Grâce à lui, nous avons découvert ce que c'est le « bonheur pédagogique », le plaisir d'apprendre et celui de faire de la recherche.

Nous remercions également nos tuteurs de stage, M. Neher Frédéric et M. Jenny François, pour les marques de respect, de bienveillance, de bonté dont ils nous ont fait preuve et pour l'attention qu'ils nous ont prodigués dans l'élaboration de ce travail. In fine, un remerciement aux personnels éducatifs du Lycée Ettore Bugatti et du SAJ de Neuf-Brisach pour leur accueil, aux étudiants de notre promotion pour leur solidarité et aux enseignants du Département des Sciences de l'Education de l'Université de Haute-Alsace pour leur dévouement et leur engagement.

Merci à tous ceux qui ont participé à ce que nous sommes devenus aujourd'hui.

« Presque toujours, c'est une minorité créatrice et engagée qui a rendu le monde meilleur »

Pasteur Martin Luther King Junior

5

5

ABRÉVIATIONS & ACRONYMES

ANESM : Agence Nationale de l'Evaluation et de la qualité des établissements et services

Sociaux et Médico-sociaux

AMP : Aide-médico-psychologique

AEMO : Accompagnement éducatif en milieu ouvert

APAMAD : Association Pour l'Accompagnement et le Maintien A Domicile

ATOSS : Administratif, Techniciens, Ouvriers, de Service et de Santé

BTS : Brevet de technicien supérieur

CAMPS : Centre d'Action Médico-sociale Précoce

CARAH : Centre d'Accueil et de Rencontre pour Adultes Handicapés

CAP : Certificat d'aptitude professionnelle

CDAPH : Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées

CDES : Commission Départementale de l'Education Spéciale

CFA : Centre de Formation des Apprentis

CMPP : Centre Médico-Psycho-Pédagogique

COM COM : Communauté des Communes

6

6

COTOREP : Commission Technique d'Orientation et de Reclassement Professionnel

CPE : Conseiller Principal d'Education

DDASS : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales

ESAT : Etablissement et Service d'Aide par le Travail

ES : Educateur Spécialisé

ESSAD : Service d'Education Spéciale et de Soins A Domicile

FAS : Foyer d'Accueil Spécialisé

IES : Institut d'Education Sensorielle

IME : Institut Médico-Educatif

ITEP : Institut Thérapeutique, Educatif et Pédagogique

MAS : Maison d'Accueil Spécialisée

ME : Moniteur-éducateur

MRS : Maison de Retraite Spécialisée

MDPH: Maison Départementale des Personnes Handicapées

RASED : Réseau d'Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté

SAJ : Service d'Accueil de Jour

SAMSAH : Service d'Accompagnement médico-social pour Adultes Handicapés

SAVS : Service d'Accompagnement à la Vie Sociale.

7

7

SAS : Dispositif d'orientation des élèves dans le cadre de la lutte contre le décrochage scolaire au lycée Bugatti.

SIVOM : Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple SSIAD : Services de Soins Infirmiers A Domicile

TABLE DES MATIÈRES

Attestation d'authenticité

Formulaire d'information sur le plagiat

Remerciements

Abréviations et acronymes

Table des matières

INTRODUCTION .. 14

PARTIE I : QUESTIONNEMENTS EMPIRIQUES 17

1.1 Many Holly, enseignant 18

1.2 Herrmann Anne, éducatrice spécialisée 22

PARTIE II : APPROCHE THÉORICO-DESCRIPTIVE 30

2. Champ de l'Education scolaire : Il était une fois... le Lycée Ettore Bugatti 31

8

8

2.1. Le Lycée Ettore Bugatti à Mulhouse : Un regard historico-critique.....................37 2.2. Le Lycée Ettore Bugatti aujourd'hui..............................................................43

2.2.1. Espace et environnement rural : Les locaux

44

2.2.2. Organisation et fonctionnement du Lycée Ettore Bugatti

.47

2.2.3. Les offres de formation proposées

.52

2.2.4. Population et environnement socio-économique

.55

2.2.4.1. Le Lycée dans le quartier Drouot-Jonquilles

60

2.2.4.2. Recrutement des élèves et orientations

62

2.2.4.3. Recrutement des enseignants

...64

2.3. La problématique du décrochage scolaire au Lycée Ettore Bugatti...................67

2.3.1. Le décrochage scolaire : Généralités ...68

2.3.1.1. Le monde intérieur des décrocheurs 71

2.3.1.2. Les parents des élèves décrocheurs .76

2.3.1.3. Les conséquences du décrochage scolaire 77

2.3.2. Les dispositifs de lutte contre le décrochage scolaire en France .78
2.3.3. Décrochage et difficulté scolaire au Lycée Ettore Bugatti : Etat des lieux...80

2.3.3.1. Les causes du décrochage scolaire au Lycée Ettore Bugatti..81

2.3.3.2. La politique d'accompagnement des élèves en difficultés....85

2. Champ de l'Education spécialisée : Description d'une dynamique socio-éducative..91 2.1. Identité du Service.......................................................................................91

2.1.1. Les repères historiques 91

2.1.2. Le projet associatif .94

2.1.3. Missions du Service à l'égard des personnes en situation de handicap ..95

9

9

2.1.4. Cadre administratif et juridique

2.1.5. Les textes de références, l'évaluation

..96

97

2.1.5.1. Lois, ordonnances, décrets

97

2.1.5.2. Les recommandations

.100

2.1.5.3. Les schémas régionaux et départementaux

.102

2.1.5.4. L'évaluation Interne

103

2.1.6. Localisation, contexte socio-économique

.103

2.2. Description de la population........................................................................110

2.2.1. Axe quantitatif

2.2.2. Axe qualitatif

110

..111

2.3. Fonctionnement et organisation...............................................................

112

2.3.1. Nature et modalités d'admission et d'accueil

.112

2.3.2. Principes d'accueil et d'accompagnement

.113

2.3.2.1. Le respect des droits et la protection des personnes

113

2.3.2.2. La qualité de vie et le quotidien du SAJ

.113

2.3.3. L'ouverture sur l'environnement

115

2.3.4. Les professionnels et compétences mobilisées

..115

2.4. La personnalisation de l'accompagnement................................................

123

2.4.1. Professionnels-usagers

124

2.4.1.1. Une pédagogie de l'accompagnement

124

10

10

2.4.1.2. Une pédagogie du Projet .128

2.4.2. Chef de Service-Professionnels socio-éducatifs .131
2.5. Analyse de l'organisation selon Mintzberg......................................................135

Synthèse et problématique de recherche...............................................................

139

PARTIE III : QUESTIONNEMENTS THEORIQUES

140

3. Conceptualisation de l'accompagnement

..141

3.1. L'accompagnement ....141

3.1.1. Un regard historique.........................................................................141 3.1.2. Généralités......................................................................................143 3.1.3. Les formes d'accompagnement............................................................145

3.1.3.1.

Le counseling

....145

3.1.3.2.

Le sponsoring

....146

3.1.3.3.

Le mentoring

146

3.1.3.4.

Le compagnonnage

....146

3.1.3.5.

La médiation

147

3.1.3.6.

Le tutorat

.148

3.1.3.7.

Le coaching

.152

3.1.3.7.1.

Le coaching scolaire

...155

3.1.3.7.2.

Synthèse des formes d'accompagnement

...158

11

11

3.1.4. Les modèles d'accompagnement..........................................................159

3.1.4.1. Le modèle maïeutique 159

3.1.4.2. Le modèle initiatique ..160

3.1.4.3. Le modèle d'accompagnement thérapeutique 160

3.1.5. Analyse des formes et modèles d'accompagnement existant au Lycée Ettore

Bugatti 162

3.1.6. Analyse des formes et modèles d'accompagnement existant au SAJ de Neuf

Brisach...............................................................................................165

3.1.6.1. Des usagers ....165

3.1.6.2. Des professionnels socio-éducatifs ....168

3.1.7. L'accompagnement, une finalité pédagogique ? 173

3.2. Conceptualisation du « Moi social » 175

3.2.1. Généralités et caractéristiques du « Moi social » 175

3.2.2. Le « Moi social » (ou « Didactique ») dans l'éducation scolaire 179

3.2.3. Le « Moi social » (ou « Pression sociale normative ») dans l'éducation

spécialisée................................................................................. ...187

3.3. Conceptualisation du « Moi » .196

3.3.1. Pédagogie et « Moi » par opposition à la « Didactique » / « Moi social » dans lechamp scolaire.................................................................................199

3.3.2. L'accompagnement au « Moi » dans le champ d'éducation spécialisée.......206 3.3.3. La résilience dans l'action éducative : Entre le « Moi social » et le « Moi

» ? 210

12

12

3.3.3.1. Dispositifs favorisant la résilience au Lycée Ettore. Bugatti

3.3.3.2. Dispositifs favorisant la résilience chez les personnes en situation de

handicap accueillies au SAJ de Neuf-Brisach

215

..219

3.3.3.3. Facteurs favorisant la résilience

.220

3.4. Problématique de recherche

222

PARTIE IV : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

223

4. Perspective méthodologique

.224

4.1. Démarche de recueil synthétique d'indices et d'indicateurs 226

4.2. Construction méthodologique 232

4.2.1. Condensation du matériau 233

4.2.2. Analyse du matériau condensé et synthétisé .....233

4.2.3. Mise en relation et comparaison des données de Bugatti et de Neuf Brisach.233 4.3. Méthodologie Lycée Ettore Bugatti, Mulhouse.................................................234 4.3.1. Condensation du matériau, par la réduction et synthétisation des données...234

4.3.2. Synthèse et résultats des observations critériées : Choix de l'outil .235

4.3.3. Analyse et interprétations des observations critériées 248

4.3.3.1. Synthèse et résultats de l'entretien collectif auprès enseignants :

Choix de l'outil 250

4.3.3.2. Analyse et interprétations des entretiens directifs auprès des

élèves décrocheurs 255

13

13

4.3.3.3. Synthèse et résultats de l'entretien collectif auprès des

enseignants : Choix de l'outil 265

4.3.3.4. Analyse et interprétations de l'entretien collectif avec les

enseignants 266

4.4. Méthodologie SAJ, Neuf-Brisach 271

4.4.1. Choix de l'outil et élaboration de la grille d'entretien 271

4.4.1.1. Bilan des pré-tests 271

4.4.1.2. Professionnels socio-éducatifs 272

4.4.1.3. Chef de Service 279

4.4.2. Condensation du matériau 281

4.4.2.1. Professionnels socio-éducatifs du SAJ 281

4.4.2.2. Chef de Service 310

4.4.3. Analyse du matériau condensé 322

4.5. Mise en relation des données 329

4.6. Conclusion méthodologique 330

4.7. Hypothèses de recherches 331

4.8. Perspectives de recherches 333

CONCLUSION GENERALE 335

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .337

REFERENCES NUMERIQUES 345

14

14

RESUME 349

ABSTRACT .350

INTRODUCTION

Ce Mémoire est le fruit d'un travail réflexif et coopératif entre un professionnel de l'éducation scolaire et religieuse (Holly MANY) travaillant auprès de jeunes en difficultés scolaires et une travailleuse sociale issue de l'éducation spécialisée (Anne HERRMANN-ISRAEL) travaillant auprès d'un public en situation de handicap. En effet, les réflexions et échanges menés de part et d'autre sur les problématiques inhérentes à nos champs professionnels respectifs nous ont amenés à prendre conscience des enjeux qui portent sur les finalités éducatives dans l'accompagnement des personnes à besoins spécifiques, tant dans le milieu scolaire que socio-éducatif. Ainsi, les lectures exploratoires effectuées sur ce sujet en Master 1 par Mme Herrmann-Israël, éducatrice spécialisée au CARAH de Munster, lui ont permis d'appréhender la nécessité de la présence active d'un tiers (éducateur spécialisé ou enseignant) auprès d'un accompagné à besoins spécifiques, que nous nommerons « soutien à la résilience ». Celle-ci a suscité l'émergence d'un questionnement autour des pratiques professionnelles et des finalités

15

15

relatives à l'accompagnement des personnes au regard de leur handicap et des élèves face à l'échec scolaire.

De fait, sur la base de nos explorations empiriques et théoriques, nous pensons que les moyens et les méthodes pédagogiques ainsi que le but visé, inhérents à la « pratique d'accompagnement », joueraient un rôle prépondérant dans l'émergence de la « résilience » lors d'un évènement ou d'une situation problématique vécue, soit par un adulte en situation de handicap soit par un jeune en processus de rupture avec le système éducatif (décrochage scolaire). Ce postulat de base reste à vérifier et c'est ce que nous comptons faire, en juxtaposant nos recherches sur un même projet de Mémoire de fin d'études de Master 2 Sciences de l'Education, spécialité « Ingénierie de l'intervention en milieu socio-éducatif ». Ainsi, nos questionnements sont les suivants : Quelle est la finalité de l'accompagnement d'un professionnel de « l'Education » ?

Dans le cadre de ce travail, nous effectuerons nos stages dans deux endroits différents. Madame HERRMANN développera ses investigations au SAJ2 de Neuf-Brisach et Monsieur MANY travaillera sur un projet de recherche entrepris depuis décembre 2015 par le LISEC3 de l'Université de Haute-Alsace sur le décrochage scolaire au Lycée Ettore Bugatti d'Illzach.

Sur le plan épistémologique, nous avons fait le choix de nous positionner dans une démarche inductiviste sophistiquée ou apostérioriste-aprioriste (Chalmers & Alan.F, 1987). Nous savons selon J. Creswell cité par Albarello (2011 p. 17), qu'il existe en sciences humaines cinq grandes approches qualitatives, telles que la recherche narrative, la phénoménologie, la théorie ancrée, l'ethnographie et l'étude de cas. Ainsi, notre approche sera à la croisée des méthodes « ethnographie » et « étude de cas » appartenant à l'école inductiviste. Néanmoins, celle-ci sera beaucoup plus proche de « l'étude de cas », d'où le titre de notre mémoire : « Les finalités éducatives et l'impact sur la résilience dans l'accompagnement socio-éducatif. Une étude de

2 Service d'accueil de jour.

3 Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l'Education et de la Communication.

16

16

cas au Lycée Ettore Bugatti (Illzach) et au SAJ (Neuf-Brisach) ». Le but d'une telle approche consiste à examiner et à comprendre les motifs d'un phénomène lié à un contexte particulier (Ibid., p. 27). Ainsi, nous travaillerons essentiellement avec des indicateurs recueillis à partir d'observations empiriques, des lectures exploratoires et d'enquêtes réalisées sur le terrain qui nous permettront de construire du sens en reliant « la complexité du matériau empirique avec le monde de la théorie » (Albarello, 2011 p. 129).

Par voie de conséquence, ce travail répond à la commande de notre Directeur de mémoire, Monsieur Loïc Chalmel, qui nous a recommandé de mettre en valeur l'environnement socio-économique de notre lieu de recherche (SAJ Neuf-Brisach et Lycée Ettore Bugatti) afin de dégager une meilleure compréhension du cadre conceptuel. Le pédagogue suisse Pestalozzi déclara un jour « qu'il faut trouver la simple vérité écrite dans notre propre existence » (Goussot, 2014). En outre, nous voulons également, à travers cette étude, faire de nos vécus, expériences et histoires personnelles les témoins de cette vérité écrite, mêlant ainsi l'objectivité à la subjectivité pour tenter d'étudier l'humain dans son effroyable complexité.

Au risque de trahir une certaine conception objectiviste en sciences humaines, nous privilégierons dans notre approche une éthique de conviction (Chalmel, 2015) au détriment d'un positionnement scientifique absolu. Par ailleurs, François Dépeleteau4 déclare ceci : « A notre avis, les recherches en sciences humaines et les jugements de valeur sont parallèles comme les rails d'un chemin de fer même s'ils ne se touchent pas directement, ils mènent à la même destination. A cet effet, on ne peut concevoir les sciences humaines sans leur utilité pour ce qui concerne les jugements de valeur ». En clair, nous nous situons du point de vue épistémologique et conceptuel dans l'école de pensée des pédagogues à l'instar de Rousseau, Pestalozzi, Freinet, Montessori, Decroly, Jean Houssaye, Phillipe Meirieu, Loïc Chalmel, etc. Nous revendiquons notre appartenance à cette école dont nous voulons être les héritiers pour les générations futures. Nous sommes avant tout des praticiens, éducatrice spécialisée et éducateur scolaire, cherchant à théoriser nos propres pratiques (Houssaye, 1992) dont l'objectif ultime est de « comprendre »,

4 Dépeleteau (2010). La démarche d'une recherche en sciences humaines. De Boeck, p.119.

Questionnements

empiriques

Partie I

Nous nous inscrivons tout au long de notre étude dans un paradigme descriptif et compréhensif afin de pouvoir aboutir à plusieurs hypothèses et élaborer une problématique, ce qui représentera la partie conclusive de notre travail. In fine, nous présenterons dans la dernière partie de cette étude un projet d'ingénierie des compétences à l'attention des professionnels de l'éducation et du social à partir du diagnostic effectué sur nos lieux de stage respectifs.

17

et ce mémoire est le reflet de cette idéologie pédagogique. Ainsi, nous ferons appel à plusieurs champs disciplinaires afin de consolider nos étayages théoriques et d'asseoir notre postulat de base.

18

18

PARTIE I :

QUESTIONNEMENTS EMPIRIQUES

1.1 MANY Holly, étudiant Master 2 Sciences de l'Education Profession : Enseignant et pasteur

19

19

Quand je suis rentré, il y a de cela deux ans, en Master de Sciences de l'éducation, je ne savais pas exactement à quoi m'attendre. La définition même du mot « éducation » m'était complètement inconnue. Cependant, durant les 6 dernières années, j'ai eu une expérience significative dans le champ socio-éducatif par le truchement des métiers d'assistant d'éducation et d'enseignant que j'ai exercés dans un établissement ZEP (Zone éducative prioritaire). Les formations que j'ai suivies dans le cadre de mon travail ne suffisaient guère à étancher ma soif d'apprendre, de comprendre et connaitre les rouages du processus d'apprentissage. Ainsi, j'ai été donc interpellé par les problématiques de l'échec scolaire, des troubles d'apprentissage et l'insertion socio-professionnelle des jeunes de Mulhouse. Et ce n'est pas non plus un hasard que je me sois intéressé à ces sujets, puisque que j'ai connu moi-même une enfance et une scolarité difficile marquées par la solitude, l'abandon et des troubles de comportement et d'apprentissage. Au début de ma scolarité à l'école primaire, aucun instituteur n'aurait parié que ce cancre timide assis au fond de la classe obtiendrait un jour un baccalauréat de série « S » et poursuivrait ses études à l'Université. Il était question de médicaliser mon échec scolaire tellement les troubles cognitifs étaient importants. Aussi longtemps que je me souvienne, je me rappelle encore que les pronostics établis par mon entourage de l'époque (famille) étaient très défavorables, car on pensait que mon niveau d'étude ne pourrait dépasser la classe de CM2. Alors, par quel miracle ai-je pu arriver en Terminale, diront-ils plus tard ? Néanmoins, si la foi en Jésus Christ a toujours été pour moi une source de paix, de force et d'enrichissement, il m'arrivait souvent de me demander quels sont les mécanismes qui ont été mis en place pour faciliter ma résilience. Quels ont été les facteurs qui ont influencé de manière positive mon apprentissage ? Quelles ont été les personnes qui ont été pour moi « un soutien de résilience » ? Ainsi, je crois à ce dicton qui dit « Aide-toi et le ciel t'aidera ». En effet, si le miracle de la résilience scolaire s'est produit dans ma vie, il a fallu certainement des personnes ayant concouru à des méthodes, des pratiques éducatives ayant contribué à ma réussite scolaire. Après mon baccalauréat, je me suis orienté vers les sciences dures, peut-être dans le but de prouver quelque chose à mon entourage ou à soi-même, mais je suis resté insatisfait, frustré, malgré les certifications obtenues en chimie et techniques biologiques (DUT) et des expériences acquises en industrie pharmaceutique.

20

20

Ensuite, je me suis orienté vers les sciences humaines et à partir de là, j'avais vraiment le sentiment que je devenais « moi » et non « un autre ». Après avoir obtenu une Licence en langues étrangères appliquées, je me suis retrouvé dans un collège classé ZEP situé, qui plus est, dans un quartier difficile et connu à Mulhouse pour ses violences urbaines.

Dans un premier temps, j'ai occupé un poste d'assistant d'éducation puis d'enseignant dans cette structure sans formation de base en Sciences de l'Education. Les années passées dans cet établissement ont été pour moi une richesse sur le plan humain mais aussi un choc sur le plan éducatif et émotionnel. Sur le terrain, j'ai vécu des expériences tant positives que négatives. Je me suis heurté à des écueils pour lesquels je n'étais ni préparé ni formé. Je me suis retrouvé face à des jeunes adolescents en grande détresse psychologique, en difficulté sociale et scolaire. Mes collègues et moi avions été impuissants face à ce déferlement d'élèves en souffrance.

Les armes qui nous semblaient les mieux adaptées et ceci par manque de connaissance, pour pouvoir endiguer ces maux qui nous asphyxiaient, déprimaient, désenchantaient étaient : La didactique, la répression et l'exclusion. J'avais honte de mal faire mon travail, j'étais démuni, frustré et mes lèvres brûlaient de questions pour lesquelles je n'avais pas de réponse. Et pourtant, je rêvais de voir ces jeunes réussir et de s'insérer dans la société, car quelque part, j'étais attaché à « ces petits monstres » qui rétrospectivement me renvoyaient au « moi enfant difficile ». Durant ce parcours, un des élèves que j'ai accompagné a particulièrement attiré mon attention et serait un des éléments déclencheurs m'incitant à entreprendre des études de Master en Sciences de l'éducation. Ce garçon, que je nommerais « Julien » était en classe de cinquième et avait un comportement inapproprié, exécrable. Il ne suivait pas les cours. Il était très agressif envers ses camarades, les enseignants et l'équipe éducative. Et pourtant en le côtoyant de près, Julien semblait être un garçon aimable, sensible et intelligent. Suite à une agression physique perpétrée à l'encontre d'une enseignante, ce jeune fut exclu définitivement de l'établissement. Les années suivantes, il semblerait qu'il soit passé d'établissements en établissements, pour finalement intégrer une école de la « deuxième chance », qu'il quittera sans avoir terminé son parcours de formation. Jusqu'à ce jour, je ne peux dire avec exactitude ce qu'est devenu ce Julien. Cependant, il est fort probable que « mon ancien élève » se retrouve

21

21

à la rue, sans emploi, errant dans le quartier de la ZUP avec des grands frères (malfrats), comme c'est le cas pour la plupart des élèves difficiles que j'ai accompagnés dans ce collège.

Dans notre système éducatif actuel, les cas similaires à celui de Julien sont légion, comme le montrent plusieurs études de l'OCDE ou de l'Insee. Une étude de 2013 du Ministère de l'Education Nationale et du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherches5 montre que le nombre de décrocheurs actifs en France s'élève à près de 140.000 jeunes par an. En 2012, on a recensé en Alsace 4699 jeunes (2957 dans le Bas -Rhin et 1742 dans le Haut - Rhin) ayant quitté le système scolaire. Parmi eux, on comptabilise 683 jeunes, soit près de 19% de cette population, âgée de 16 à 25 ans qui sont injoignables, perdus de vue. J'étais souvent outré, bouleversé et chagriné de voir mes anciens élèves qui auraient pu poursuivre leurs études au lycée, faire (probablement) le guet pour le compte de dealers en dessous des cages d'escalier d'immeuble ou des coins de rue de certains quartiers mulhousiens malfamés.

Ainsi, les cours du professeur Loïc CHALMEL en Master de Sciences de l'Education spécialité « Ingénierie de l'intervention en milieu socio-éducatif », m'ont permis de mettre des mots sur des concepts et comprendre les problèmes d'apprentissage rencontrés non seulement dans ma propre enfance mais aussi sur mon lieu de travail en tant qu'éducateur et enseignant. J'ai découvert la « pédagogie » que je confondais souvent avec la « didactique ». Les travaux que j'ai réalisés durant ma première année de Master m'ont permis de faire le lien entre la pédagogie et la résilience, entre la résilience et la reconstruction identitaire du « moi ». Ainsi, l'an dernier, lorsque Monsieur Chalmel m'a proposé de participer à un projet de recherches sur la « persévérance scolaire » des élèves décrocheurs dans le cadre d'un partenariat entre l'Université de Haute Alsace et le Lycée professionnel Ettore Bugatti d'Illzach, j'ai tout de suite accepté.

Depuis novembre 2015, avec une équipe de 8 personnes constituée d'élèves de Master 1 & 2 de Sciences de l'Education de notre Université, nous avons été mobilisés pour mener ce projet.

5 Rapport no 2013-095-novembre 2013

22

22

Notre travail consiste à réaliser des enquêtes et investigations auprès des élèves, anciens élèves, et le personnel éducatif du Lycée Bugatti afin de pouvoir dans un premier temps dresser un profil type du décrocheur. L'équipe est dirigée par Mme Ben Abid Zarrouk, enseignante chercheuse en Sciences de l'Education au département de Sciences de l'Education de l'Université de Haute-Alsace. Le professeur Loïc Chalmel, nous a appris qu'une « représentation » ne peut se construire qu'à partir d'une « expérience concrète », une « mise en situation réelle » et « une immersion » de l'espace de recherches qu'on souhaite étudier. Ce projet me servira de socle de base pour l'élaboration de notre thèse de mémoire de fin d'études sur les finalités éducatives dans l'accompagnement des personnes à besoins spécifiques.

Ainsi, dans notre enquête, nous nous focaliserons sur les élèves ayant bénéficié du SAS, qui est un dispositif d'accueil et d'accompagnement destiné aux élèves de première année de CAP favorisant l'inclusion scolaire et la découverte des métiers. Notre étude nous permettra de mieux connaitre le public visé, de porter un regard analytique sur l'accompagnement qui leur a été proposé afin de pouvoir élucider les finalités éducatives. Les questions qu'on pourrait se poser sont : Comment l'accompagnement peut-il aider un jeune à rebondir ? Et selon quelles finalités ? Quelle posture préconiser face à l'élève en difficulté ? La didactique ou la pédagogie ? Pour répondre à ces questionnements, nous utiliserons le modèle ci-dessous comme le fil conducteur de notre approche réflexive et de notre démarche méthodologique. - Nous souhaiterions par le biais de ces investigations faire émerger les représentations tant des professionnels que des accompagnés sur la finalité et le but de l'accompagnement éducatif dans le système scolaire. Nous espérons que nos recherches apporteront des éléments de compréhension sur la problématique du décrochage scolaire et les causes qui en découlent. Ce travail nous permettra de questionner les actions qui ont été mis en oeuvre par le personnel éducatif du lycée pour favoriser la persévérance scolaire et la résilience des élèves présentant des risques de décrochage. Le tableau ci-après illustre bien les problématiques émergentes de notre questionnement.

"Moi"

"Moi social"

23

Pédagogie

Didactique

Conformisme normatif

Finalités éducatives

e

sociales

Lycéen à risque de

décrochage Enseignant

Finalités
individuelles

Développement de l'individualité

Risques d'abus

23

Accompagnement

Figure 1 : Modèle représentatif des problématiques émergentes dans notre questionnement.

1.2 HERRMANN-ISRAEL Anne, étudiae Master 2 Sciences de l'Education Accompagnement

Profession : Éducatrice spécialisée

Mon parcours personnel a mis en exergue la confrontation récurrente à une forme de soumission normative et complaisante à diverses entités (éducatives, religieuses et sociales).

J'ai observé que, quelle que soit l'étape du processus éducatif, l'objet de l'éducation scolaire vise des finalités sociales, universelles à tout élève scolarisé en France, par la connaissance et l'apprentissage de savoirs, de savoir-faire et de savoirs-êtres...Cadre de référence globalisant, qui me semble ne pas tenir compte de l'individualité de l'élève et qui s'est construit dans un accompagnement empreint de normes (éducatives, institutionnelles et sociales) et de postures formatives à tendance prédominante des enseignants. Au final, ce système éducatif semble façonner des « persona », extérieures à leur personnalité et à leur « intérieur », leur « moi », tel un masque posé sur leur visage lors de représentations théâtrales, jouant des rôles attendus. A chacune de leurs représentations, leur masque change et ils tentent de s'adapter à la demande et au cadre formatif. De fait, les élèves ont-ils conscience de cette « forme de fabrication

24

24

normative sociale » ? Et éprouvent-ils le désir de renoncer à cette subordination qui leur parait enfermante, de renoncer à plaire et à adhérer à ce qui semble se désintéresser de leur individualité qui tente de leur plaquer quelque chose qui ne leur correspond pas ? Cette éducation normative désintéressée de la singularité et de l'individualité des élèves, enseignée par le corps enseignant lui-même soumis et formaté au colossal système scolaire de l'Education Nationale, me semble avoir d'importantes conséquences psychologiques, éducatives et sociales chez les futurs citoyens et professionnels, et les groupes ou systèmes auxquels ils vont appartenir, avec lesquels ils devront collaborer.

Dans un même registre, de mon parcours professionnel se sont dégagés des constats mitigés révélant la réalité imparfaite des enjeux du travail social et de celle de l'autorité légitime censée y impacter les valeurs éthiques. Dans le cadre de la formation d'éducateur spécialisé, des questionnements ont surgi par rapport aux abus de pouvoir et aux malversations à l'égard des usagers et des professionnels : « Comment est-il possible de vouloir préserver un statuquo dans une structure éducative, en ignorant et en niant les abus verbaux d'une éducatrice ou d'un agent technique (rencontré en stage dans un FAS6) ? Quelles devraient être les finalités éducatives et cognitives pour des jeunes en difficultés sociales et scolaires scolarisés admis en internat/IMP7, et comment les y intéresser ? Les astreindre aux règles institutionnelles est-il un moyen efficace pour les amener à construire du sens pour leur vie et à développer leur individualité ? ». A ce sujet, mon éducatrice référente de mon stage avait souhaité que je liste l'ensemble des règles institutionnelles auxquelles les jeunes devaient se soumettre. Au final, elle avait été choquée, car ces dernières s'élevaient à plus d'une trentaine d'injonctions en termes de « Il ne faut pas », « il est interdit de », « il faut », etc. Pour la plupart, ces jeunes se désintéressaient totalement de l'école et de ses règles, et semblaient n'avoir qu'une envie : franchir des obstacles (souvent interdits), essayer de nouvelles choses dans des domaines qui les intéressaient (les voitures, les médias, le sport, etc.). Le Directeur de l'établissement arrivait

6 Foyer d'Accueil spécialisé. Les diverses anecdotes suivantes relèvent d'expériences vécues dans des structures établies dans le Haut-Rhin.

7 Institut Médico-Pédagogique.

25

25

souvent inopinément dans le lieu de vie pour « faire la loi », et il arrivait que certains éducateurs giflent et punissent l'un ou l'autre jeune.

Ces observations ont mis en évidence l'existence d'un conformisme contraint dans les pratiques d'accompagnement et le caractère insensé et abusif des finalités éducatives dans l'accompagnement des publics à besoins spécifiques.

L'intrigue de mon questionnement a été mise en exergue lors d'une expérience complexe dans un SAJ du Haut-Rhin auprès de personnes adultes en situation de handicap mental. Embauchée comme éducatrice spécialisée à mi-temps, j'y ai travaillé dans un contexte nébuleux, qui m'a impliquée personnellement et qui a contribué à la poursuite des études en Master pour en comprendre les méandres et les enjeux de la situation.

Accueillies en journée, les adultes en situation de handicap bénéficient d'un accompagnement (en collectif et en individuel, dans les moments informels ou formels (entretiens individuels) lors d'ateliers et d'activités favorisant leur maintien, leur acquisition ou progression dans divers domaines (autonomie fonctionnelle, socialisation, etc.). Bien qu'ayant observé une richesse et une diversité de compétences professionnelles au sein d'une équipe dynamique souhaitant bien faire, mes observations relatives à l'accompagnement de la personne ont fait l'objet de constatations déroutantes. En, effet, les finalités éducatives de l'accompagnement des usagers visaient un conformisme collectif intra-équipe à des règles et à des principes (parfois rigides et fermés) agissant sous la forme de pressions implicites. Ces pratiques étaient exercées par une partie de l'équipe éducative, qui provenaient des idées reçues, telles que : les personnes accompagnées ne doivent pas être assistées et gâtées; elles doivent faire des efforts pour réduire leur handicap ; certaines personnes, en situation de handicap ou non, ne sont pas aimables du fait de leur comportement ou d'une caractéristique qui leur est propre et elles sont « interdites de séjour dans le système8 »; les personnes extérieures à la structure peuvent gêner le travail éducatif ; l'éducateur est un accompagnant qui contrôle et il est en position d'expert.

8 Phrase énoncée par le psychanalyste, Monsieur H.

26

26

Pour anecdote, lors de l'ultime réunion du 12 janvier 2016, les observations du psychanalyste Monsieur H.9 parlent d'elles-mêmes : «Le mode de fonctionnement de l'équipe est particulier, on a intérêt de prendre rang », « il y a des parades structurées en binômes », des « susceptibilités », « des jeux de regard où on ne peut pas faire n'importe quoi », « un décalage en termes de valeurs », un fonctionnement « manichéen », le « non-droit à l'erreur », « la parole non-libre », « la difficulté à accueillir l'étranger ».

Il en résultait ainsi des pratiques arbitraires, suspicieuses et paternalistes, mettant les personnes à rude épreuve, parfois sous couvert d'un humour décalé. Somme toute, les professionnelles « s'imposaient... en imposant » des attitudes, des représentations, des choix aux personnes accueillies et leurs postures pouvaient être proches de l'abus verbal : injonctions, attitudes grossières, infantilisantes, voire dominantes. Au fil du temps, je me suis rendue compte que leurs finalités éducatives se résumaient ainsi : Amener la personne à un « certain » savoir, un savoir-faire et un savoir-être afin de devenir une « bonne » personne (qui en quelque sorte corresponde à leur idéal). De fait, je réalisais aussi que ces pratiques pouvaient faire l'objet de risques majeurs pour les personnes (la dépendance des personnes, la dévalorisation, la crainte, l'anxiété, le sentiment d'échec, etc.), qui pouvaient être renforçateurs des désavantages liés au handicap manifeste et inhibiteurs de leur individualité.

Après réflexions, à travers mon Mémoire de stage dans ce SAJ et grâce eux enseignements dispensés en cours de l'année en Master 1, j'ai réalisé que ce sous-groupe de l'équipe éducative représentait un sous-système fortement loyal entre chacun de ses membres, établi par des règles et des codes corrélés à leurs principes, auxquels les usagers et les professionnels devaient se soumettre.

A plusieurs reprises, j'ai tenté d'en discuter avec des membres de l'équipe qui semblaient plus ou moins ouverts à un retour réflexif. J'ai tenté d'en informer la Direction, qui a joué la carte de l'indifférence face au problème de fond, invoquant indirectement, un négativisme et un

9 Intervenant en Supervision d'équipe, ayant stoppé les séances avec l'équipe.

27

27

désintérêt -peut-être s'agissait-il d'une lassitude- face à la récurrence de mes remises en question, et les difficultés de retour réflexif pour ce qui concerne une partie de l'équipe. Pour répondre à la tension manifeste, la Directrice a proposé qu'à chaque début de réunion éducative, le Chef de Service propose un « kiff » (autrement dit une anecdote positive, sorte de clin d'oeil vécu professionnellement au sein de la structure) que les membres de l'équipe éducative partagent, afin de les impacter d'une note positive. Cette non-prise en compte des enjeux et du problème de fond m'a posée question quant à la question de l'accompagnement des professionnels par les cadres supérieurs.

Poursuivant mes investigations, j'ai découvert que le développement, le renforcement et la prise d'autorité de ce sous-système s'étaient progressivement opérés en corrélation avec le contexte institutionnel ambiant : absence d'outils méthodologiques et d'évaluation efficiente des projets, absence de management et de « contrôle/supervision » (au-delà des objectifs opérationnels du projets et bien plus au niveau de l'approche épistémologique de l'accompagnement), manque de position et de contenant institutionnels, dilution et dispersion des responsabilités, etc. Par conséquent, l'absence d'implication et de retour réflexif institutionnels ont déterminé ma quête compréhensive et analytique des réels outils de soutien et d'accompagnement au sein d'une structure socio-éducative.

Pour comprendre et dépasser ce contexte problématique, j'ai implicitement recherché des acteurs potentiellement attentifs à la situation institutionnelle et à mon malaise au sein de la structure -ce qui a été le cas pour un seul professionnel mais marginal lui aussi, car « non conforme »-. Et il a fallu que je me tourne vers des personnes de confiance extérieures, professionnelles ou non. C'est cette « forte accommodation, face aux situations fortement délétères » que Cyrulnik & Jorland (2012, p.67) énoncent dans le processus de résilience, et qui « mettent à contribution des modes de protection relevant de ressources internes et externes au sujet, notamment l'environnement affectif et social. », qui ont favorisé ma résilience. Aussi, cette expérience a mis en évidence que la présence des différents garde-fous face aux abus de pouvoir (projet de Service, réunions, entretien individuel professionnel, autres entretiens, bilan des risques psychosociaux, etc.) peuvent s'avérer stériles, non seulement lorsque le système se

28

28

protège, protège ses intérêts sans s'ouvrir à d'autres et se défend contre celui qui ose y toucher, mais aussi lorsqu'aucune alternative n'est proposée qui permette aux membres du groupe de douter de leurs représentations (ce qui favoriserait le changement)10.

C'est ainsi que j'ai découvert qu'au sein de cette organisation régissaient deux systèmes normatifs hétérogènes et sans liens apparents, mais de même nature. D'une part, il s'agissait du premier sous-système (développé par manque de management et de position institutionnelle) au sein de l'équipe éducative exigeante de conformisme par un « accompagnement » injonctif et normatif - voire coercitif- et d'autre part, d'un second type de conformisme relié à l'autorité du système, la Direction, faisant référence à des prescriptions, des attitudes et des postures également normatives, arbitrairement exigeantes et immodérées à l'égard du personnel, dont les finalités seraient à creuser.

Ce dernier a mis en évidence le caractère soumis et résigné des professionnels qui s'alignaient facilement malgré leur désaccord et pouvaient également se retrouver dans ce jeu de théâtre où la persona (masque) changeait et s'adaptait selon le contexte et le statut des personnes en face, pour ne pas perdre la face et être reconnus de leur hiérarchie. De fait, lorsque le professionnel non conformiste et détaché de cette pression normative ne s'y acclimatait pas, il avait « tout à perdre » face à l'autorité et se retrouvait marginalisé, tel que Chalmel (2015, p.13) le décrit par le « Moi marginal », mais il gardait sa propriété, son individualité, sa liberté.

Au final, nos observations empiriques ont mis en exergue la problématique d'un même type d'entité normative exigeante de conformisme à caractère social et à risques coercitifs, établie dans différentes entités sociales, et qui semble aboutir à un même postulat : elles briguent des finalités sociétales, prescrites par un « Moi social » (Chalmel, 2015, p.10)11, au détriment de finalités individuelles qu'il identifie par le « Moi ».

10 Enseignements de Monsieur Chalmel, Master 2.

11 In Thérapie et Education. De quoi et de qui parle-t-on ? .Coll. Soins : sens, postures, pratiques. Ed. Univ. De Lorraine.

29

29

De fait, l'éducation au développement de l'individualité de la personne semble balayée au profit d'une éducation et d'un accompagnement à finalités sociales ambitionnant son devenir comme « une bonne personne autonome et travailleuse », et plus précisément comme un élève, un chrétien, un citoyen, un professionnel qui soit « bon », soumis, docile, etc. En extrapolant, j'ai observé d'autres types de « Moi social » dans divers domaines (scientifiques, culturels, économiques, militaires, etc.) dont les finalités (plus implicites qu'explicites, pour certaines) visent le statut honorable, le pouvoir, la richesse, le rendement, la célébrité12 -auxquels les personnes subalternes se plient et dont les individualités ne sont pas prises en compte.

Finalement, je m'interrogeais aussi sur les rapports existants entre une pression normative de la part d'un système social (au sein de la hiérarchie, dans notre cas de figure) et l'individualité d'un membre de ce système (le travailleur social). Quelle est cette entité normative ? De quelle entité visant l'individualité des personnes parle-t-on ? Ont-ils conscience de l'éducation vers le « Moi social » et leur « Moi » ? Quelles attentes le travailleur social exprimerait-il à l'égard de sa hiérarchie s'il réalisait vouloir développer son « Moi » dans le cadre professionnel, libre de ce conformisme social ? De quel type d'accompagnement à son individualité s'agirait-il pour le travailleur social, et aurait-il un impact positif sur son travail, sur l'équipe avec laquelle il collabore et sur les personnes qu'il accompagne ?

D'autre part, si le professionnel subsiste dans cette quête au « Moi social », quelles sont les conséquences manifestes, et est-il capable d'accompagner l'usager vers le développement de son « Moi » ? S'il en est capable, quel type d'accompagnement la Direction peut-elle prodiguer aux professionnels pour qu'eux-mêmes puissent accompagner les usagers vers leur propre

dividualité ? Quel type daccompagnement a favorisé la résilience des professionnels dans

Pression sociale normative

leur propre contexte normatif social ? Etc.

12 In Documentaire Demain (2015). Réalisateurs : Cyril Dion, Mélanie Laurent. César du Meilleur Documentaire.

Risques d'abus

Conformisme normatif

Finalités
éducatives
sociales

Personnes Professionnels

vulnérables

Développement de

Pédagog

l'individualité

Finalités
individuelles

Pédagogie

30

"Moi social" Accompagnement "Moi"

30

Figure n°2 : Modèle représentatif des problématiques émergentes dans notre questionnement

31

Partie II

Approche théorico-descriptive

PARTIE 2 :

32

32

APPROCHE THÉORICO-DESCRIPTIVE

Champ scolaire : Présentation du Lycée Ettore Bugatti : 2. Il était une fois...Le Lycée Ettore Bugatti 13

Le Lycée Ettore Bugatti est un établissement d'enseignement professionnel situé dans la commune d'Illzach. Cet établissement a vu le jour le 20 octobre 1946 sous l'auspice du Syndicat des Garagistes de Mulhouse et Direction de l'Enseignement Technique. Il fut créé sous le nom de Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile et logé dans l'enceinte d'une ancienne usine de textile au 44 rue Lavoisier à Mulhouse dans les quartiers Briand et Franklin. La création d'un Centre de formation de l'automobile à Mulhouse fut le fruit de l'initiative des acteurs privés et publiques de l'époque dont l'objectif principal était de répondre aux besoins de main d'oeuvre qualifiée des garagistes locaux. Dans un entretien accordé à au journal Est Matin de 1949, M. Ostertagi, le premier directeur du centre déclara ceci au quotidien :

« Croyez-moi, ce qu'il faut à la France, ce ne sont pas seulement des intellectuels et des scientifiques, ce qu'il faut, ce sont avant tout de bons ouvriers qualifiés qui sachent travailler avec conscience, avec, comme le dit une de nos affiches : Ordre, propreté, précision, réflexion et méthode. »

Dans son allocution, il précisa que les jeunes nouvellement intégrés en Centre de formation sont pris en main attentivement, suivis et conseillés et rajouta ceci, toujours dans le même ordre d'idée :

13 Ces informations proviennent de documents des archives de Mulhouse. Extrait du journal Est Matin du 2 juin 1949 et extrait du journal d'Alsace du 17 juillet 1947.

33

33

« Oui et ce fut un tort, nous avions trop de « bricoleur » en France. Heureusement qu'un pas a été fait en avant. D'ailleurs, vous allez pouvoir vous rendre compte de visu des efforts que nous faisons dans ce sens ».

Il faut souligner que les Centres d'apprentissage prirent naissance en France à partir du Décret du 3 novembre 1939, dont l'objectif était de répondre aux besoins de main d'oeuvre des industries de guerre. La formation en centre était donc accélérée et n'aboutissait pas à l'obtention d'un diplôme. Cependant, il faudra attendre la promulgation de la loi du 21 février 1949 pour que les Centres d'apprentissage adoptent un nouveau statut leur permettant non seulement de former des ouvriers et employés qualifiés de l'industrie mais aussi de les préparer sur une durée de trois ans au diplôme de CAP. 14

Au tout début, la gestion du Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile, était assurée par seulement 5 personnes15, composée probablement d'agents, de professeurs et du directeur. Le personnel enseignant avait pour obligation de participer à des stages de perfectionnement de courte durée dans les Ecoles normales nationales d'apprentissage. En outre, des sessions régionales de deux à trois jours étaient organisées autour de l'enseignement technique et pédagogique16. Cependant, trois ans après l'inauguration du Centre, on comptait près de 300 apprentis en formation et 11 professeurs spécialisés. Les cours s'étalaient sur une durée de trois ans et étaient sanctionnés au terme de ces trois années par un diplôme d'Etat de CAP (examen à l'appui). Le déroulement des études se déroulait à temps complet en première année puis à temps réduit les deux dernières années sur un quota horaire de 8h par semaine. Il existait deux sections de formation destinées aux apprentis. Ceux-ci pouvaient s'inscrire soit en Mécanique automobile (mécanique, électricité, carrosserie) ou soit en Mécanique générale (ajustage et tournage). Un examen d'entrée était exigé à tous les candidats voulant intégrer le centre de formation. Ceci dit, on considérait que l'examen d'entrée

14 Extrait du bulletin officiel de l'éducation nationale du 2 mars 1950, No. 8. Service des archives de Mulhouse.

15 Document interne Lycée Bugatti

16 Extrait du bulletin officiel de l'éducation nationale No 7 du 24 janvier 1946. Service des archives de Mulhouse.

34

était excessivement facile et consistait à contrôler leur connaissance en dictée et en calcul. Ce test avait pour but d'orienter professionnellement les nouvelles recrues afin d'éviter qu'ils se retrouvent dans l'obligation de changer de cursus en cours d'apprentissage17.

 
 

Image 1. Extrait du service des archives de Mulhouse. 11 septembre 1954.

 

34

Une fois acceptés, ces jeunes garçons âgés de 14 à 20 ans devaient d'abord faire un essai de trois mois intitulé stage de préapprentissage18. Un enseignement technique mais surtout pratique était dispensé et ils étaient initiés également à un enseignement général en grammaire, histoire et mathématiques. Le Bulletin Officiel de l'Education nationale du 24 janvier 1946 voulait que les enseignements généraux soient en harmonie avec les enseignements techniques. Selon les informations recueillies de ce bulletin officiel, il était nécessaire, voire indispensable de concilier savoir généraux et savoirs techniques dans le programme pédagogique du Centre, comme le montre ce paragraphe :

« Il convient aussi de veiller à ce que les enseignements professionnels, les enseignements généraux et les activités dirigées soient harmonisées afin que l'un ne soit pas sacrifié à l'autre. Nous devons former des hommes et non seulement de bons manuels. »

17 Extrait d'un courrier du Directeur adjoint du Centre au maire de Mulhouse le 28 juin 1954. No 3453/35-AO/JH. Archives de Mulhouse.

18 Extrait du Bulletin Officiel de l'Education nationale No 7 du 24 janvier 1946. Service des archives de Mulhouse.

35

35

En effet, les spécialistes de l'Education de l'époque croyaient qu'il était possible d'intéresser ces enfants inscrits en Centre d'apprentissage, à des activités intellectuelles autres que les travaux manuels, si la pédagogie était bien adaptée et tenait compte de leur profil d'apprentissage19. En clair, on proposait déjà à l'époque une pédagogie différenciée.

En 1957, dix ans après l'ouverture du Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile, celui-ci fut transféré au 42 rue Lavoisier de Mulhouse dans bâtisses d'une usine désaffectée et devint le Collège Technique Industriel (CET) de Mulhouse sous la direction de M. Hautval. Ce nouveau statut de collège technique, permettait désormais au centre de dispenser un enseignement polyvalent et de former non seulement des ouvriers-employés qualifiés de l'industrie mais aussi des techniciens, agents de maitrise et chefs de service. Durant l'année académique 1966-67, on estimait que le nombre de demande d'admission s'élèverait à 1000 candidats par année.

Cette même année, certaines candidatures ont été refusées par faute de place car la capacité d'accueil de l'établissement était limitée à 630 élèves. La plupart des candidats venaient du Sud du Département du Haut Rhin20. Le nouveau bâtiment disposa de 9 salles de classe au lieu de 4 et de 2840 m2 au lieu de 450 et d'un internat pouvant accueillir 150 pensionnaires21. Le collège technique industriel (CET) proposait deux nouvelles formations en électromécanique et électronique. Ces sections étaient ouvertes également ouvertes pour les jeunes filles sortant des classes de 5e et 4e. Une formation sur deux ans pour les métiers cités précédemment était aussi accessible pour les garçons et les filles sortant de la 3e22. Par ailleurs, les jeunes finissant l'école primaire pouvaient intégrer

19 Extrait du Bulletin Officiel de l'éducation nationale No 7 du 24 janvier 1946, p. 4. Service des archives de Mulhouse

20 Extrait du service des archives de Mulhouse. Journal « les dernières nouvelles du 19 septembre 1968.

21 Extrait du journal d'Alsace du 22 avril 1967.

22 Extrait du journal « Les dernières nouvelles du Haut Rhin » du 1er Juin 1967.

36

36

directement le CET, comme le montre la coupure de presse en infra du journal d'Alsace du 14 mai 1964.

 
 

Image 2. Photo du nouveau Collège industriel Technique de Mulhouse, 42 rue Lavoisier.

Il faudra attendre 1991 pour que le Collège Technique Industriel de Mulhouse devienne le Lycée professionnel Ettore Bugatti. Ce changement de dénomination s'effectua en vue de s'adapter à l'évolution de la société et d'être conforme aux nouvelles exigences formulées par les politiques éducatives. Il faut savoir que les collèges techniques industriels furent équivalents aux collèges du secondaire. Les premiers dispensaient un enseignement technique tandis que les seconds visaient un enseignement général. Les réformes de l'enseignement technique et professionnel entreprises dans les années 1980, supprimèrent les collèges techniques industriels qui devenaient des lycées professionnels et techniques accueillant les élèves à partir de la seconde23. In fine, il faudra retenir certaines dates importantes marquant l'évolution et le développement du Lycée Ettore Bugatti pendant ces 70 années d'existence à Mulhouse 24:

? 1957 : Transfert du Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile au 42 rue Lavoisier de Mulhouse dans bâtisses d'une usine désaffectée.

23 Jean Charles Lambert, inspecteur de l'éducation nationale enseignement technique. Sotec 2006, approche historique et épistémologique enseignement professionnel, p.9.

24 Extrait de document archivé au Lycée Bugatti. Voir en page annexe.

37

Le nouvel établissement fut baptisé sous le nom de Collège Technique Industriel de Mulhouse.

Image 3. Un jeune apprenti manipulant une machine au collège technique industriel 42 rue Lavoisier. Extrait du journal « les dernières nouvelles du 19 septembre 1968.

Image 4. Un jeune apprenti travaillant en atelier sous le regard de son professeur au collège technique industriel 42 rue Lavoisier. Extrait du journal « les dernières nouvelles du 19 septembre 1968.

37

? 1975 : Création des filières CAP conducteurs routiers, CAP dessinateurs en construction électrique et BEP électrotechnique.

? 1985 : Création de la filière BAC professionnel

? 1986 : Création de la filière BEP carrosserie.

? 1987 : Inauguration d'un nouveau bâtiment (le site actuel) à Illzach, 8 rue des jonquilles

par Mme Michèle ALLIOT-MARIE, secrétaire d'Etat chargée de l'enseignement25. ? 1989 : Création de la filière BTS Exploitation des Véhicules à Moteur, qui est devenue

aujourd'hui BTS Maintenance et Après-Vente Automobile.

25 Page web consultée: http://discours.vie-publique.fr/notices/873168400.html

38

38

? 1991 : Le Collège Technique Industriel de Mulhouse devint le Lycée Ettore Bugatti. ? 2002 : Le label « Lycée des métiers » fut attribué au Lycée Ettore Bugatti. Celui-ci

atteste de la qualité et des modes diversifiés des formations destinés à des jeunes ou

adultes en formation initiale ou continue. 26

2.1 Le Lycée Ettore Bugatti à Mulhouse : Un regard historico-critique

Ne serait-il pas important de souligner que les quartiers Briand et Franklin, territoires sur lesquels le Lycée Ettore Bugatti fut implanté à l'origine, ont été créés entre 1853 et 1910 selon un modèle anglais par le patronat industriel de l'époque, car l'expansion de la révolution industrielle exigeait un aménagement spécifique du territoire facilitant la proximité de la main d'oeuvre avec les lieux de production !? De cette nouvelle politique territoriale, de nombreux logements pour ouvriers (avec accession à la propriété) ont été construits. Cependant, à partir des années 1950, les logements et les espaces publics devenaient inadaptés et les investisseurs privés s'intéressaient de moins en moins à ces territoires au profit de nouveaux quartiers établis au centre-ville de Mulhouse et ses périphéries27. En outre, l'après-guerre engendra une grave crise économique. Une masse de jeunes se retrouvaient sans emploi et la ville qui comptait 105.000 habitants en 1914 étaient passés à 87.000 en 194628. Il fallait redynamiser les espaces et donner un nouveau souffle à la ville de Mulhouse. Dans une missive datant de mars 1947 du Conseil National du Patronat Français à un député de Paris, il est mentionné ceci :

En effet, un pays ruiné comme le nôtre par les années de guerre et d'occupation qui se trouve en compétition avec de puissantes nations qui ont bénéficié de ces mêmes années pour accroitre leur potentiel de production et les capitaux dont

26 Cf. C. n° 2001-261 du 17-12-2001 (B.O. n° 47 du 20-12-2001). Texte adressé aux rectrices et recteurs de l'académie.

27 CUCS 2007-2009 p. 41-42.

39

39

elles disposent, nul redressement économique n'est concevable sans une effort puissant et efficace de l'ensemble de la production.

C'est dans ce contexte socio-économique difficile que le Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile connu aujourd'hui sous le nom de Lycée Ettore Bugatti, fut créé et s'est développé dans le paysage mulhousien au cours de ces dernières années. Cet établissement représente un symbole fort de résilience de la vie économique et industrielle de Mulhouse. L'idée phare de cette époque d'après-guerre consistait à reconstruire la France, en relançant l'économie par l'éducation et la formation des jeunes. L'industrie automobile représentait l'avenir et offrait de très belles perspectives en termes d'emploi pour la jeunesse. On constate que les acteurs socio-politiques semblaient se soucier sincèrement, de la formation de ces jeunes issus pour la plupart, de la classe ouvrière, comme nous le montre un extrait de ce journal d'Alsace du 22 avril 1964 :

Pour le collège technique industriel de la rue de Lavoisier, ce développement a été relativement rapide. La formation tournée vers les carrières de l'automobile a évolué sur le plan technologique, mais les effectifs des élèves se sont stabilisés dans cette branche, tandis que de nouvelles spécialités étaient créées selon les besoins de branches industrielles en expansion. Révolu le temps où le C.A.P d'ajusteur semblait devoir convenir à tout, caduque la terminologie qui faisait de chaque mécanicien un « serrurier ».

Par ailleurs, nous pensons qu'il est fort probable, que l'installation en 1946 du Centre d'Apprentissage pour les Métiers d'Entretien et Réparation de l'Automobile dans les quartiers ouvriers de Briand Franklin, s'insère dans une logique de proximité avec les garages et entreprises industrielles mais aussi pour répondre aux besoins en matière d'éducation et d'insertion professionnelle des populations vivant sur ces territoires. Par ailleurs, depuis les années 1950, la grande majorité des entreprises mulhousiennes sont concentrées dans la partie sud de la ville et de son agglomération et ceci jusqu'à nos jours comme l'indique la carte ci-dessous.

Durant ces années, des zones industrielles et de commerce ont été créés dans la partie Sud de Mulhouse et de ses agglomérations dans un souci d'aménagement de la région, car faute de

40

40

place, car « il devenait impossible de réserver des terrains industriels sur Mulhouse même »29. Ces travaux ont été réalisés sous le mandat d'Emile Muller, maire de Mulhouse de 1956 à 1981.

Partie Nord de Mulhouse et agglomération : Ancien bassin potassique. Sites miniers fermés aujourd'hui. Revenus des ménages moins élevés que la partie Sud de Mulhouse.

Partie Sud de Mulhouse et agglomération : Proximité avec l'Allemagne et la Suisse. Zone transfrontalière. Plus on va vers le sud de Mulhouse plus les revenus des ménages sont élevés. Les quartiers les plus cossus se retrouvent à l'extrême sud de Mulhouse.

Figure n°3 : Cartographie de la ville de Mulhouse30.

Par ailleurs, toute cette partie Sud de Mulhouse est située à proximité de l'Allemagne et de la Suisse, ce qui favorise une forte dynamique économique transfrontalière 31 par rapport à la partie nord constituant le bassin potassique de cette région. En somme, nous pouvons donc déduire que l'emplacement actuel du Lycée Ettore Bugatti à Illzach, qui se situe dans la partie

29 A 155, Mulhouse 1953-1965 12 années d'activités municipales p. 20. Service des archives de Mulhouse.

30 CUCS 2007-2009 p. 7C

31 Ibid p. 7

41

41

Sud de l'agglomération mulhousienne, suit probablement une logique de proximité entre le lieu de formation et entreprises de l'automobile, du transport et de la logistique, compte tenu des offres de formation que l'établissement propose actuellement (ce qui a été confirmé par le Proviseur du lycée lors d'un entretien).

Si travailler dans l'industrie représentait l'avenir pour les jeunes issus la classe pauvre, d'où la nécessité de leur donner un accès libre et gratuit à une formation qualifiante, il faudra également souligner qu'il existe depuis belle lurette une dichotomie dans l'histoire de l'éducation en France. Plusieurs données historiques sur le sujet nous apportent certains éclaircissements. A priori, l'installation d'un centre de formation aux métiers de l'automobile en 1946 dans les quartiers ouvriers de Briand et Franklin ne relèveraient pas du hasard. Ainsi, une étude de François Dubet en 1991 sur les lycées nous montrent qu'en France, la tradition veut que les établissements réputés être de « bons lycées », qui de surcroit dispensent souvent un enseignement général et destinés à des élèves qualifiés de bons , « sont placés au centre d'un quartier intellectuel, près des universités, maisons d'édition et café où l'on peut toujours croiser un intellectuel »32, par rapport aux lycées professionnels considérés d'un point de vue élitiste, comme des lycées « poubelles » sont situés, par contre, à la périphérie des villes33. Ces derniers ont la réputation d'accueillir ce qu'on appelle « les mauvais élèves » ou encore ceux qu'on considère qui « bons pour des métiers manuels ». Quoiqu'en Alsace, la mentalité semble un peu différente. Selon les propos de Monsieur Neher, Proviseur du lycée Ettore Bugatti, il existe dans la région une certaine valorisation des diplômes professionnels tels que le C.A.P. Ceci semble tellement vrai, que pendant longtemps, le Lycée Ettore Bugatti a joui d'une très bonne réputation dans le Haut-Rhin de par sa qualité d'enseignement technique, son professionnalisme et son sérieux.

Du reste, on remarque qu'au début du XIXe siècle, les avancées et les progrès de l'industrialisation en Europe ont incité les acteurs privés et publiques à créer des écoles

32 (Dubet, 1991, p. 34)

33 (Dubet, 1991, p. 91)

42

42

professionnelles qui deviendront plus tard des lycées techniques, afin de pourvoir à une demande de main d'oeuvre qualifiée, de contremaitres, chefs d'atelier, dans l'industrie (Sagnes, 1995, p. 24). De cette initiative naitront d'une part, des écoles professionnelles prestigieuses comme Pont et Chaussée, l'École des mines, l'École polytechnique, visant à former des cadres supérieurs de l'industrie (Ibid., p.24). Ainsi, les recherches historiques montrent que les industriels mulhousiens ont été reconnus pour être des avant-gardistes dans la création d'établissements professionnels et techniques prestigieux. Par exemple, en 1898, Mulhouse disposait déjà d'un grand nombre d'établissements élitistes tels que l'École de Chimie (1822), l'École de Dessin (1829) et les Écoles supérieures de Tissage et de la Filature (1864)34.

D'un autre côté, il existait parallèlement des écoles professionnelles moins prestigieuses, accessibles à la plèbe, ayant pour objectif de former des ouvriers et des employés qualifiés de l'industrie35. Ainsi, il faudra retenir que Mulhouse fut reconnue par Charles X en 1828 comme la capitale de l'industrie française36. Elle fut l'une des premières villes de France en 1853, à se lancer dans la création d'écoles professionnelles visant à former des ouvriers qualifiés pour les métiers industriels, sous l'impulsion du ministre de l'instruction publique Fortoul et du recteur de l'Académie de Strasbourg, alors que le reste de la France était encore au stade embryonnaire en la matière37.

En effet, le système scolaire français à l'origine, a toujours fonctionné à deux vitesses. Il y avait l'école populaire pour les enfants d'origine modeste et l'école élite pour les enfants issus de milieux aisés (Sagnès, 1995). Il y avait toujours eu en quelque sorte, « une sélection des individus en fonction de leur système social et des grilles de valeurs les caractérisant » comme si la réussite scolaire d'un enfant dépendait essentiellement de son QI ou de son origine sociale

34 (Oberlé, 2002, p. 45)

35 (Ibid., p.24)

36 Annuaire historique de Mulhouse, 2011, Tome 22 p.85

37 (Ibid., p.43)

Le petit Lycée

Grandes écoles

Cadres d'entreprise

43

(Pasquier, 1986, p. 75). Malgré le caractère unique et égalitaire prônée par Jules Ferry, on distinguait clairement l'école des « bons » pour ceux qui sont issus de classe aisée et l'école des « moins bons » pour ceux qui sont issus de classe ouvrière. Pour bien illustrer cette image de notre système éducatif, le philosophe français Antoine Destutt De Tacy déclara ceci à l'aube du XIXe siècle (Ibid., p.26) :

« Nous avons deux systèmes complets d'instruction publique. Les écoles primaires et les apprentissages des différents métiers, voilà l'éducation de la classe ouvrière. Les écoles centrales et spéciales, voilà l'éducation de la classe suivante, et je ne conseillerai pas plus à donner celle-ci à un enfant destiné à être artisan que donner la première à celui qui doit devenir homme d'état ou hommes de lettres »

En effet, l'Ecole républicaine laïque de la IIIe république « n'a jamais été unique et égalitaire sur le plan institutionnel comme le prétendait souvent nos coreligionnaires politiques de gauche ou de droite » (Sagnes, 1995,p. 12). Car la pensée de Jules Ferry de l'école consistait à ouvrir l'école à toutes les couches mais en séparant les enfants issus de familles aisées des enfants d'ouvriers et de paysans (Ibid., p.12).

Ecole
primaire

École

Professionnelle

Ouvriers

Enfants du
peuple,
enfants

Enfants de

la

bourgeoisie

43

Figure n°4 : L'organisation du système scolaire, selon Jules Ferry.

44

44

La littérature nous montre que la finalité éducative de l'école républicaine de Jules Ferry n'a jamais été démocratique voire égalitaire. Il faudra souligner que ce système a duré pendant longtemps jusqu'à la Ve république, où l'on préconisa une école unique avec un programme scolaire national unique, promouvant l'égalité des chances pour tout le monde mais restant soumise à une forme d'élitisme républicain (Sagnes, 1995, p. 16). Une déclaration du Ministre Christian Beullac dans le courrier de l'Education de 1978 appuie clairement cette assertion à travers ceci : « Le collège unique, ce n'est pas le collège uniforme, c'est le lieu où doit se réaliser l'égalité des chances » (Ibid., p.19). En effet, le système scolaire aujourd'hui est certes plus égalitaire, mais adopte un fonctionnement dichotomique...En d'autres termes, il existe une école accueille pour les meilleurs, l'élite, et une autre pour les « mauvais élèves ». Entre les deux, on retrouve un système intermédiaire destiné à la classe moyenne (Université). D'ailleurs, près de 30% du budget de l'État pour l'Education est alloué aux Grandes Ecoles (Fauconnier, 2004). Les questions qui découlent de notre réflexion sur ce système éducatif sont : Est-il possible de faire cohabiter les deux systèmes ensemble en créant des passerelles entre eux ? N'existe-t-il pas des méthodes pédagogiques comme celles de Feuerstein permettant à un enfant de pallier de très grandes difficultés d'apprentissage ? Car, cette méthode permet d'améliorer le déficit intellectuel d'un public à niveau intellectuel faible et d'accroitre sa capacité d'adaptation en utilisant des règles de pensée, des procédures intellectuelles, des processus d'acquisition et d'utilisation des connaissances38 . Alors, pourquoi en faire économie d'une telle méthode dans les classes spécifiques ou filières professionnelles de collège ou au de lycée ?

2.2 Le Lycée Ettore Bugatti aujourd'hui 39

Aujourd'hui, le Lycée Ettore Bugatti, résulte de la fusion de deux établissements scolaires : Le site actuel Bugatti à Illzach et le Lycée Camille Claudel, situé jadis dans le quartier Brustlein de Mulhouse. Le Camille Claudel était un petit établissement d'enseignement professionnel proposant des formations à vocation professionnelle dans le secteur de la logistique.

38 Revue française de pédagogie no. 122, janvier-février-mars 1998, 121-161.

39 Rapport compte rendu réunion avec M. Neher le 4 décembre 2015.

45

40 Image 6 : Site Bugatti Illzach 41

avant la fusion

Image 5 : Site Camille Claudel

quartier Brustlein

45

La fusion des deux structures se fera en deux étapes. Dans un premier temps, elle sera administrative en 2008, puis en 2013 le site Claudel sera définitivement fermé, et l'ensemble des formations de celui-ci seront transférées dans l'enceinte du Bugatti. Par voie de conséquence, 250 élèves furent rajoutés à l'effectif initial du lycée. Ainsi, l'établissement accueille aujourd'hui environ 700 élèves avec un personnel de 100 enseignants, 10 assistants d'éducation et 3 conseillers principaux en éducation sans compter les agents techniques et administratifs.

2.2.1 Espace et environnement scolaire : Les locaux

Malgré la fusion des deux établissements en 2013 sur le site d'Illzach, l'établissement offre un cadre agréable et chaleureux pour les élèves. Pour pallier l'insuffisance des salles de cours et face à la difficulté d'exiguïté de l'espace, des blocs modulaires ont été construits dans la cour afin d'accueilli le surplus des élèves.

40 Image extraite du site web du CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l'homme). http://www.cncdh.fr/fr/ong/pole-camille-claudel-du-lycee-ettore-bugatti-mulhouse-academie-de-strasbourg

41 Image extraite du site web de la ville d'Illzach. http://ville-illzach.fr/newsletter-de-mars-2013

Blocs modulaires

Cour Lycée Bugatti

46

Entrée Lycée Bugatti

En 2015, des espaces de détente ont été aménagés à l'intérieur du lycée et un patio à l'extérieur dans le souci de procurer un certain confort aux élèves fréquentant l'établissement.

Espaces de détente

Patio extérieur

46

Images 7-12 : Photos extérieures et intérieures au Lycée E. Bugatti, Mulhouse

La plupart des salles de classe sont logés dans l'enceinte du bâtiment. On les retrouve au rez-de-chaussée (salle info, salles cours atelier), au premier et second étage puis les autres salles sont à l'extérieur dans des blocs modulaires. Un service self de restauration ouvert du lundi au vendredi en période scolaire est également à la disposition du personnel du lycée, des internes et externes. Le lycée Ettore Bugatti dispose également d'un internat de 35 chambres pouvant

47

accueillir près de 120 internes et doté de trois foyers socio-éducatifs. A l'heure actuelle, les chambres sont occupées par une soixantaine de jeunes lycéens et de 3 lycéennes. Les internes bénéficient d'un forfait comprenant non seulement l'hébergement mais également des repas le matin, le midi et le soir.

 
 

Foyer socio-éducatif internat

 

Chambre d'internat

Cafétéria

 
 

Image 13-15 : Photos de salles de l'internat.

L'établissement est doté d'un centre de documentation et d'information (CDI) à destination des élèves. A côté de celui-ci, se jouxte le LATI (Lieu d'Accueil Temporaire Individualisé) qui est un espace pédagogique ayant pour mission d'accueillir et accompagner des élèves en rupture scolaire. Puis, à l'aile droite de l'établissement, nous retrouvons les ateliers de carrosserie (soudure et montage), de peinture (poncer, astiquer, préparation des produits), de mécanique automobile, de logistique et le quai des routiers disposant de 6 camions pour les cours de conduite routière.

47

Atelier de carrosserie Atelier de peinture

Images 16-17 : Photos des ateliers.

48

48

Dans cette zone, on retrouve les vestiaires des élèves disposant chacun d'un casier, un magasin fournissant les matériels nécessaires de travail pour les élèves (Ex : bleu de travail, etc.). L'établissement reçoit régulièrement de la part des constructeurs automobiles de la région, des dons en matériels comme des pièces de voiture, des véhicules personnels et véhicules poids lourd, qui sont utilisés dans les ateliers à des fins pédagogiques. Il existe des partenariats d'apprentissage avec ces constructeurs notamment avec l'usine PSA Peugeot-Citroën qui est l'un des plus donateurs du lycée. En outre, l'établissement dispose d'une équipe sportive scolaire (Team Bugatti) offrant aux élèves de BTS42 passionnés de voitures de compétition la possibilité de devenir pilote de voiture sportive. Le club se réunit tous les mercredis au CDI à 12h45. Celui-ci participe à diverses compétitions régionales comme le Slalom de Franche Comté en 2015 et fut représenté par 3 pilotes du lycée. Parmi eux, on comptait un ancien élève de BTS, un élève de première année de BTS et une enseignante de lettres-histoire43. Par ailleurs, plusieurs activités culturelles sont mises en place tout au long de l'année pour les élèves telles l'art urbain, lecture de romans ou manga, club magie, concours orthographe, lycéens au cinéma, Bugatti en stop motion, semaine des talents, journal du sport automobile, voyages scolaires, parcours culturel et artistique44.

2.2.2 Organisation et fonctionnement du Lycée Ettore Bugatti

La Direction générale du lycée est assurée par le proviseur M. Frédéric Neher. Celui-ci est un représentant de l'Etat dont la mission consiste à coordonner les activités internes de l'établissement. Il anime, préside le Conseil d'Administration et détient un pouvoir disciplinaire sur les élèves et un pouvoir administratif sur l'ensemble du personnel de l'établissement travaillant sous son autorité (Regnier, 2012, p. 54). Son mandat lui confère des responsabilités

42 Brevet d Technicien Supérieur.

43 Bulletin d'information de sport automobile, GTI à Bugatti, No 12 du 17 Juin 2015.

44 Projet d'établissement 2015-2016.

49

49

d'ordre civil, pénal et administratif qui sont déléguées aux différents de son personnel de direction, d'enseignement, d'encadrement et d'éducation (Ibid., p.49). A cet effet, il répond aux besoins de surveillance, d'organisation et de fonctionnement de l'établissement. En cas de délit, l'exercice de ses fonctions l'oblige à saisir dans un délai immédiat le procureur de la République (Ibid., p.49).

Le proviseur est assisté par son adjoint M. Patrice Vezine, qui s'occupe de l'enseignement général, la gestion des emplois du temps et des classes (Ibid., p. 53). Dans la ligne hiérarchique, le chef des travaux M. Bruno Metennier est la troisième personne la plus importante de l'établissement. Celui-ci a pour mission de gérer et d'organiser l'enseignement technique. Sur le plan organisationnel, le lycée Bugatti se divise en 5 parties fonctionnelles selon le modèle de Henry Mintzberg45.

1. Un sommet stratégique qui constitue le centre décisionnel (Proviseur, Proviseur adjoint travaux) de l'organisation. Toutes les grandes décisions de l'organisation seront prises à partir du sommet stratégique.

2. Une ligne hiérarchique qui est constituée de personnes (Chef des travaux, Gestionnaires, CPE) ayant pour mission de transmettre et faire appliquer les décisions du sommet hiérarchique.

3. Une technostructure composée de personnes (Proviseur Adjoint, Chef des travaux, Secrétaires administratifs, Adjoints administratifs, Assistants chef de travaux, CPE46) qui ont pour rôle de planifier le travail, répartir les tâches et contrôler si les règles de l'organisation sont respectées ou si les tâches confiées aux travailleurs ont été bien réalisées.

45 Henri Mintzberg est un spécialiste de la Sociologie des Organisations. Dans les années 70, il publie l'un des plus importants ouvrages de sa carrière intitulé « Structure et dynamique des organisations » à partir duquel, il préconisera la théorie de la contingence des organisations.

46 Conseil Principal d'Education.

50

50

4. Le support logistique est la composante de l'organisation (Personnels ATOSS ou administratifs, techniciens, ouvriers, de service et de santé) qui s'occupe essentiellement de la logistique, des services techniques, d'entretien de l'organisation. Au Lycée Bugatti et comme dans tout lycée professionnel, les agents de service de santé et social (infirmier, médecin, assistant social) sont intégrés dans cette composante.

5. Un centre opérationnel constitué de personnes travaillant dans l'organisation et en contact direct avec les usagers ou les élèves (Enseignants, CPE, Assistants d'éducation, Agent d'accueil, Documentalistes, etc.).

· Proviseur Adjoint

· Chef des travaux

· Assistants chef des travaux

· Secrétaires administratifs

· Adjoints administratifs

· CPE

Proviseur

Proviseur Adjoint (Sommet hiérarchique)

· Chef des travaux

· Gestionnaire

· CPE

 
 
 
 
 

(Ligne hiérarchique)

 
 
 
 

(Technostructure)

 

· ATOSS (Personnels
administratifs, techniques, ouvriers, de santé et social) (Support logistique)

 

51

51

· Professeurs d'enseignement général

· Professeurs d'enseignement professionnel

· Professeurs Documentalistes

· CPE

· Assistants d'éducation

· Agent d'accueil

Figure n° 5 : L'organisation (Centre opérationnel) du Lycée E.

Bugatti (Mulhouse) selon le modèle de
Mintzberg.

En se fondant sur le modèle Mintzberg, nous pouvons déduire que le lycée Bugatti se situe dans une configuration de type professionnel. En clair, ce type de structure met en évidence un système de classement des professionnels travaillant de manière autonome mais soumis à un contrôle de leur profession.

Schéma 6 : Modèle professionnel de MINTZBERG47. Exemple de structures de type professionnel (Hôpitaux,
université, service d'action sociale, etc.)

Selon Mintzberg, les structures de type professionnel sont décentralisées et bureaucratiques. Elles dépendent fortement de la qualification de son centre opérationnel (Enseignants, CPE, assistants d'éducation, agent d'accueil, Documentalistes) pour son bon fonctionnement. D'où la nécessité, de porter une attention particulière en termes de formation à cette composante de cet établissement dans le cadre de la lutte contre le décrochage scolaire, comme c'est le cas

47 Cours sociologie des organisations de M. Dominique KERN. 2014 Master 1 IIMSE UHA

52

dans ce lycée professionnel (ce que nous verrons en détail ultérieurement). En outre, notre projet d'ingénierie de formation visera principalement les professionnels du centre opérationnel, notamment les enseignants d'enseignement général ou technique. Par ailleurs, on remarque dans l'organisation structurelle du lycée que la technostructure est très importante. Il est à noter que dans le modèle de Mintzberg, la technostructure représente la partie moins importante d'une structure de type professionnel. Comme indiqué antérieurement, elle a pour rôle de planifier le travail, répartir les tâches et contrôler si les règles de l'organisation sont respectées ou si les tâches confiées aux travailleurs ont été bien réalisées. En somme, nous pouvons déduire, sur les bases théoriques de Mintzberg, que ce système est fortement régulé, contrôlé, laissant très peu de place à des incertitudes tant dans la gestion administrative que dans la gestion du personnel.

·

Proviseur Adjoint

· Chef des travaux

· Assistants chef des travaux

· Secrétaires administratifs

· Adjoints administratifs

· CPE

52

Figure n° 7 : La Technostructure, selon Mintzberg.

Sur le plan hiérarchique, le modèle que nous avons mis en évidence en supra, ne correspond pas à la réalité. La structure organisationnelle du Lycée Bugatti n'est pas si pyramidale que nous le montre le schéma Mintzbergien. Cependant, le sommet hiérarchique composé du Proviseur, Proviseur adjoint, Chef de travaux, restent en tout état de cause, l'organe décisionnel de l'institution et entretient de manière formelle des rapports d'autorité hiérarchique entre eux et avec les personnels de l'établissement. Du reste, il existe plutôt des relations de coopération formelle ou informelle entre les agents de différentes composantes, que ce soit au niveau de la technostructure (Secrétaires administratifs, Adjoints administratifs, etc.), du support logistique (Personnels ATOSS) et du centre opérationnel (Enseignants, Documentalistes, Assistants

53

53

d'éducation). Par exemple, les CPE faisant partie de la ligne hiérarchique n'ont pas de rapports d'autorité, sauf les assistants d'éducation, avec les enseignants ou les documentalistes qui sont pourtant dans le centre opérationnel, se situant tout en dessous, à la base de notre modèle. Néanmoins, on retrouve d'une composante à l'autre quelques glissements dans le modèle que nous avons établi. Ainsi, les CPE exercent leur fonction dans une configuration triangulaire. Ils sont à la fois dans la ligne hiérarchique, la technostructure et le centre opérationnel. Ceci s'explique par le fait qu'ils ont non seulement un statut de personnel de direction, mais qu'ils ont aussi pour mission la gestion des élèves, la planification et le contrôle assignés aux assistants d'éducation exerçant sous leur autorité. Cette même situation se présente pour le Proviseur adjoint qui est à la fois dans le somment hiérarchique en tant que directeur et dans la technostructure en tant que planificateur (gestion des emplois du temps des enseignants et des classes).

2.2.3 Les offres de formation proposées par le Lycée Ettore Bugatti

Le Lycée Ettore Bugatti propose des formations uniques dans le Département du Haut Rhin. Les formations ciblent particulièrement les secteurs de l'automobile, du transport48 et de la logistique. Les élèves sont formés à différents métiers tels que carrossiers, carrossiers peintre, conducteur routier, spécialistes en exploitation de transport (professionnels de bureau). Aujourd'hui, avec la désindustrialisation, le marché de l'emploi mulhousien tend à un développement accru du secteur tertiaire particulièrement en transport et en logistique. En effet, ces entreprises recrutent de plus en plus des candidats sortant des filières de logistique et de transport et l'offre d'emploi sur le marché du travail est en constante progression selon les propos du proviseur M. Neher et du chef des travaux. Cependant, la plupart des jeunes formulant une demande d'admission au lycée se montrent peu attirés par ces métiers et affiche une préférence plus marquée pour les métiers d'automobile, qui de surcroit, dispose de très peu de places disponibles. Ainsi, les offres de formation proposées par le lycée se déclinent comme suit :

48 Le transport se définit comme l'organisation du déplacement de la marchandise (Viain, P.)

54

1) Le CAP (Certificat d'aptitude professionnelle)

Crée le 25 septembre 1919 avec la loi Astier49, le CAP (Certificat d'aptitude professionnelle) est un diplôme de niveau V homologué par le ministère de l'éducation nationale ayant pour objectif de former sur une durée de deux ans, à un métier spécifique dans les secteurs industriels, commerciaux et des services, les élèves terminant leur 4ème cycle de Collège (classe de 3e)50. A l'issue de la formation de CAP, les apprentis doivent maitriser les techniques propres aux métiers pour lesquels ils sont formés51. Le diplôme leur atteste un premier niveau de qualification professionnelle leur permettant d'avoir un accès direct dans la vie active et d'entreprendre ultérieurement une poursuite d'étude en baccalauréat professionnel du même domaine de spécialisation52. Le Lycée de Bugatti possède 5 sections de CAP préparant des apprentis aux métiers des secteurs de l'automobile, du transport53, de la logistique tels que carrossiers, carrossiers peintre, conducteur routier, spécialistes en exploitation de transport (professionnels de bureau). Le CAP en mécanique générale fut créé en 1947 dans l'établissement et se déroulait sur une durée de 3 ans au lieu de 2 ans comme c'est le cas aujourd'hui. Ainsi, les sections de CAP sont réparties comme suit :

? 1 section de CAP peinture en carrosserie

? 1 section de CAP réparation en carrosserie

? 1 section de CAP maintenance de véhicules automobiles

? 1 section de CAP opérateur en logistique

? 1 section de CAP conducteur livreur marchandise54

49 Page web consultée : http://histoire-education.revues.org/930

50 Page web consultée : http://www.education.gouv.fr/cid2555/le-certificat-d-aptitude-professionnelle-cap.html

51 Page web consultée : http://eduscol.education.fr/pid23236-cid47637/le-certificat-d-aptitude-professionnelle-cap.html

52 Ibid., http://eduscol.education.fr/pid23236-cid47637/le-certificat-d-aptitude-professionnelle-cap.html

53 Le transport se définit comme l'organisation du déplacement de la marchandise. Définition de Monsieur Vlain, P. inspecteur de l'éducation nationale. Propos recueilli lors d'un entretien.

54 Page web consultée : http://www.lycee-bugatti.net/Wordpress/?page_id=11 54

55

55

Par ailleurs, il est important de souligner que dans le cadre de ce mémoire, notre étude se focalisera essentiellement sur les élèves de CAP ayant bénéficié d'un accompagnement du dispositif SAS55. En effet, il faut souligner que selon les propos des enseignants et du chef des travaux, les diplômes de CAP offrent très peu de perspectives d'embauche. Les employeurs n'embauchent quasiment plus des jeunes avec un CAP, sauf en logistique, ou l'on peut retrouver dans certains cas, des élèves recrutés après leur CAP à cause de leur sérieux et leur motivation durant leur période de stage. Toujours selon les dires du personnel éducatif, il y a 20 ans, le diplôme de CAP avait plus de valeur. De nos jours, le niveau a nettement baissé et les élèves sont de moins en moins autonomes et appliqués dans leur travail sachant que l'Alsace reste quand même l'une des régions valorisant le plus ce type de diplôme par rapport au reste de la France. Par voie de conséquence, les élèves ayant obtenu le CAP poursuivent généralement leurs études en Bac Pro ou font un apprentissage dans un CFA.

2) Le Baccalauréat professionnel

Le baccalauréat professionnel fut créé en France en 1985 dans le but de former des techniciens d'atelier, ouvriers et employés hautement qualifiés56. En 1989, les sections de Bac Pro et de BTS furent créées au Lycée Bugatti. Celui-ci est un diplôme national de niveau IV préparé sur une durée de deux ans. Celui-ci permet aux titulaires d'exercer une activité professionnelle qualifiante dans les secteurs industriels, commerciaux et des services57. Une poursuite d'études est possible en BTS (Brevet de technicien supérieur). L'admissibilité des élèves se fait sur dossier à partir de la 3e. Le Lycée Ettore Bugatti propose de 6 sections de baccalauréat professionnel dans le secteur de l'automobile, du transport et de la logistique.

? 1 section de Bac Pro réparation des carrosseries.

55 SAS : Dispositif de lutte contre décrochage scolaire mis en oeuvre au lycée Bugatti depuis 2014.

56 Page web consultée : http://media.education.gouv.fr/file/47/8/5478.pdf

57 Page web consultée : http://eduscol.education.fr/pid23236-cid47640/le-baccalaureat-professionnel.html

56

56

· 1 section de Bac Pro maintenance des véhicules automobiles, option véhicules particuliers.

· 1 section de Bac Pro maintenance véhicules automobiles, option véhicules de transports routiers.

· 1 section de Bac Pro transport

· 1 section de Bac Pro conducteur routier transport marchandises

· 1 section de Bac Pro logistique

Par rapport aux diplômes de CAP, le Bac Pro et le BTS offrent de meilleures perspectives d'embauche aux élèves en fin de formation.

3) Le BTS (Brevet Technique Supérieur)

Le BTS (Brevet Technique Supérieur) a vu le jour en France le 2 août 1962. Il faudra attendre l'année 1989 pour que s'ouvre la première section de BTS au Lycée Ettore Bugatti. Le BTS est un diplôme d'enseignement supérieur qui se prépare sur une durée de deux ans après l'obtention du baccalauréat. Ce diplôme de niveau de III permet aux titulaires d'exercer des activités professionnelles dans les secteurs de l'industrie et du commerce. Une poursuite d'étude est possible en licence professionnelle58. L'établissement propose une seule section de BTS Après-Vente Automobile. Les titulaires de ce BTS peuvent occuper les postes suivants à la fin de leur formation : 59

· Réceptionnaire, conseiller technique dans une surface après- vente et vente automobile

· Chef d'unité, d'équipe.

· Technicien diagnostique

· Conseiller technique pour un constructeur

58 Page web consultee: http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20183/brevet-de-technicien-superieur-b.t.s.html

59 Page web consultée : http://www.lycee-bugatti.net/Wordpress/?page id=96

57

57

? Expert automobile.

4) Autres formations

A partir de la rentrée 2016, le Lycée Ettore Bugatti proposera une nouvelle formation de Conducteur Voyageurs de Tourisme en partenariat avec « la Fédération Nationale du transport de voyageurs et plus de 30 entreprises partenaires ». Celle-ci se prépare sur une durée de 11 mois et peut être suivie en formation initiale ou continue. A l'issue de la formation, le stagiaire recevra un titre professionnel. Il faudra souligner également que toutes les offres de formation citées précédemment (CAP, Bac Pro, BTS) sont disponibles en formation continue et gérées administrativement par l'organisme GRETA Sud-Alsace. In fine, il est important de souligner que l'établissement possède un fichier près de 700 entreprises avec lesquelles celui-ci collabore régulièrement pour l'accueil en stage des élèves.

2.2.4. Population et environnement socio-économique

La population estudiantine est hétéroclite et composée majoritairement de garçons représentant 90% de l'effectif total des élèves. On retrouve des jeunes issus de divers horizons, de différents quartiers de Mulhouse ou de villages d'Alsace. Ainsi, le lycée dispose d'un internant pouvant accueillir 120 élèves, destinés à ceux qui sont éloignés géographiquement. Pour l'année académique 2015-2016 le paysage sociodémographique de l'établissement se présente comme suit sur l'ensemble des élèves inscrits en CAP et Bac Pro :

58

Provenance des élèves inscrits en Bac Pro et CAP

Année 2015-2016

42, 04 %

29,39 %

28,57 %

M2A hors Mulhouse

Mulhouse Centre

Communes du Haut Rhin et Bas Rhin Hors Mulhouse M2A

58

Figure n° 8 : Provenance des élèves inscrits en Bac Pro et CAP durant l'année 2015-2016.

Nous avons ciblé cette population d'élèves puisque celle-ci présente le taux de décrochage le plus élevé de l'établissement, particulièrement ceux qui sont en CAP. Ainsi, à la demande du proviseur M. Frédéric Neher, nous avons focalisé notre étude sur ces élèves. Une enquête effectuée auprès des élèves de CAP en 2013 par Monsieur Joel Gaillard, chercheur à l'université de Lorraine, montre que la très grande majorité, environ 99% des élèves inscrits en CAP sont issus de milieux modestes. Ce sont généralement, des enfants d'ouvriers, d'employés et d'artisans. Sur cette population d'élèves inscrits cette année en CAP on retrouve près de 17,97

59

% provenant de classes SEGPA60 et 4, 69 % viennent de classes ULIS-collège61. En effet, la grande majorité des élèves de CAP inscrits pour l'année académique 2015-2016 sont des collégiens issus de cursus d'enseignement général. Nous n'avons pas pu obtenir les chiffres des années précédentes mais selon la Direction, tout porte à croire que la tendance est toujours la même ces trois dernières années. Pour avoir une image plus précise de cette population, nous avons dépouillé quelques données statiques de l'enquête réalisée par le professeur Joel Gaillard au mois de décembre 2015 auprès de 127 élèves inscrits en première année de CAP au Lycée Ettore Bugatti. La situation se présente comme suit :

60 Au Collège, SEGPA (Section d'enseignement général et professionnel adapté) accueille des élèves présentant des difficultés scolaires graves et persistantes auxquelles n'ont pu remédier les actions de prévention, d'aide et de soutien. Source : http://eduscol.education.fr/cid46765/sections-d-enseignement-general-et-professionnel-adapte.html.

61 Ulis-collège (Unité localisée pour l'inclusion scolaire). Dispositif permettant d'accueillir des élèves présentant des troubles des fonctions cognitives ou mentales, des troubles spécifiques du langage et des apprentissages, des troubles envahissants du développement (dont l'autisme), des troubles des fonctions motrices, des troubles de la fonction auditive, des troubles de la fonction visuelle ou des

troubles multiples associés (pluri-handicap ou maladies invalidantes). Source :
http://eduscol.education.fr/cid53163/les-unites-localisees-pour-l-inclusion-scolaire-ulis.html.

59

60

Figure 8. Figure 9.

60

Figure 10. Figure 11.

Figures 8-11 : Résultats de l'enquête réalisée par le professeur Joel Gaillard au mois de décembre 2015 auprès 127 élèves inscrits en première année de CAP au Lycée Ettore Bugatti.

Dans la foulée, nous avons pu constater également que, sur un effectif de 245 élèves inscrits en CAP et en Bac Pro pour l'année académique 2015-2016, on constate que 42,04 % viennent d'établissements situés dans le Haut Rhin et le Bas Rhin, 29,39 % viennent d'établissements

61

situés dans Mulhouse-Centre et 28,57% viennent d'établissements situés dans la M2A (Mulhouse agglomération) desservant les communes telles que : Brunstatt, Habsheim, Illzach, Kingersheim, Lutterbach, Pfastatt, Pulversheim, Riedisheim, Rixheim, Wittelsheim, Wittenheim, Zillisheim. Il faudra noter également, depuis 2000 les communes de Mulhouse, Kingersheim, Wittenheim, Illzach, Wittelsheim ont un profil « ouvrier » et furent touchées de plein fouet par une crise économique, engendrée par la fermeture de plusieurs sites industriels62.

Selon les statistiques du Contrat de ville nouvelle génération 2015-2020, on remarque que la plupart des communes de la M2A (Mulhouse agglomération) regorgent de quartiers en difficulté socio-économique. Ainsi, 25% de la population de ces territoires vit sous le seuil de la pauvreté. Une carte de 2009 sur de l'Agence d'urbanisme de la région mulhousienne présente la situation des ménages de la M2A en infra :

62 Contrat de ville 2015-2020, p.24

61

62

62

Figure 12 : Revenu des ménages du Canton de Mulhouse en 2009.

Nous observons que les revenus des ménages de Mulhouse et d'Illzach sont les plus faibles de la M2A (Mulhouse agglomération). Si on se réfère au tableau sur la provenance des élèves inscrits en Bac pro et en CAP pour l'année 2015-2016, il est important de souligner que 96 % de ces élèves émanent d'établissements de Mulhouse et de la M2A. Nous n'avons à ce jour, les données sur l'origine sociale de ces élèves, mais il est très fort probable qu'ils soient originaires des quartiers de Mulhouse et de la M2A.

2.2.4.1 Le Lycée Bugatti dans le quartier de Drouot-jonquilles

Comme cela a été mentionné antérieurement, en 1991 le Collège technique industriel de Mulhouse devint le Lycée Professionnel Ettore Bugatti et fut transféré dans de nouveaux locaux situés au 8 rue des jonquilles dans le quartier de Drouot à Illzach. Ce quartier fut créé en 3

63

étapes successives entre 1930 et 1950, dans le but d'accueillir la main d'oeuvre étrangère particulièrement des immigrants d'Algérie63. A partir, des années des années 1960, Drouot devint un quartier de relogement où des résidences HLMO (Habitation à Loyer Modéré Ordinaire) furent construites, afin de reloger des personnes en situation précaire mal logées, vivant dans des habitats insalubres des quartiers de l'Europe au centre-ville de Mulhouse. En 1999, soit 8 ans après l'installation du Lycée Ettore Bugatti, ce quartier devint la ZUS (Zone urbaine sensible) la plus fragile de la M2A avec un des taux de chômage les plus élevés de l'agglomération mulhousienne.

De cette même année, les statistiques montrent que 17% des personnes habitant ce territoire sont des « ouvriers » et 47% d'entre elles sont « sans diplôme »64. Entre 2000 et 2006, le quartier a connu une forte augmentation des violences urbaines, de trafics et ainsi qu'une augmentation des difficultés scolaires au Collège St Exupéry, particulièrement en maths pour les élèves de 6e. De nos jours, la situation sociale de ce quartier n'a pas beaucoup évolué, puisque celui-ci présente des « indicateurs sociaux alarmants avec notamment une présence importante de jeunes, de femmes, multi-culturalité importante et violences urbaines récurrentes »65. En outre, 31,3 % des familles d'Illzach sont monoparentales contre 41,3 % à Mulhouse66. Il faut savoir que la situation socio-économique du quartier de Drouot-jonquilles reflète cette même tendance de fragilité des populations vivant à Illzach, Mulhouse et Wittenheim. Les indicateurs socio-économiques de ces 3 communes montrant la fragilité de cette population se présentent de la manière suivante 67 :

? Un taux de pauvreté monétaire élevé

63 CUCS Mulhouse 2007, p.47

64 Ibid., p. 48

65 Contrat de Ville Mulhouse 2015-2020, p. 29.

66 Ibid., p.18

67 Ibid., p. 67

63

64

64

· Des difficultés d'insertion sur le marché du travail très fortes pour les jeunes

· Un faible niveau de formation et de qualification professionnelle de la population en décalage croissant avec les exigences des entreprises

· Une porte d'entrée des primo-arrivants notamment dans les quartiers de Briand-Franklin et Vauban-Neppert. Le taux des immigrants étrangers ne cesse d'augmenter sur ces territoires.

· La raréfaction des postes d'ouvriers non qualifiés de l'industrie.

· La maitrise insuffisante de la langue française, créant une dépendance linguistique à leur communauté d'origine.

· La maitrise insuffisante des codes culturels de la république française engendrant des problèmes de « savoir-être ».

· Des problèmes d'illettrisme et d'analphabétisme.

· Un manque d'information sur les opportunités à saisir.

Il faut savoir que dans le cadre de notre recherche cette année, nous avons identifié et observé 23 élèves présentant des risques de décrochage scolaire et d'importantes difficultés scolaires. Pour pouvoir les identifier, nous nous sommes concertés avec les proviseurs et les CPE de l'établissement en tenant compte également des indicateurs suivants (Paredes, 1993) :

· Peu d'engagement dans les activités scolaires

· En conflit constant avec les enseignants

· Sentiment d'orientation scolaire subie

· L'ennui (pendant les cours)

· Difficultés d'apprentissage

· Difficultés personnelles

· Déficit d'attention

Parmi ces élèves, nous avons constaté que près de 56% résident à Mulhouse et ses agglomérations (Wittenheim, Wittelsheim, Rixheim). En fin de compte, les questions qu'on peut se poser sont les suivantes : Quel impact l'environnement socio-économique peut-il avoir

65

65

sur le lycée ? Est-ce que celui-ci peut affecter la scolarité des élèves au lycée ? Nous nous pencherons sur ces questions ultérieurement, à la fin de ce chapitre.

2.2.4.2 Recrutement des élèves et orientations

Le recrutement des élèves se fait à partir des classes de 3e et passe obligatoirement par un système d'affectation informatique intitulé AFELNET (Affectation des élèves par le net). Cette procédure a été mise en place en 2008 par le ministère de l'éducation nationale dans toutes les académies. Celle-ci concerne particulièrement les élèves de 3e émanant des établissements publics et privés sous contrat. Elle a pour but de remplacer le mode recrutement des établissements qui se faisait jadis par un système de sélection manuelle. En fait, l'admission d'un élève dans une filière au Lycée Ettore Bugatti relevait de la décision prise par une commission éducative pilotée par le chef d'établissement. Ainsi, les élèves étaient recrutés et orientés sur dossier après délibération de la commission. En clair, l'établissement choisissait lui-même ses élèves. Depuis 2008, la procédure d'affectation devient informatisée et le système AFFELNET vise à répondre à trois objectifs principaux 68:

a) La procédure d'affectation se réalise à partir de critères précis dans un souci de transparence.

b) Les affectations sont attribuées en fonction des performances scolaires des élèves et les prérequis de la formation demandée.

c) Dans la procédure d'affectation, on tient compte de la correspondance entre les voeux de la famille et la capacité d'accueil des établissements.

Ainsi, le déroulement de procédure d'affectation s'opère en deux tours, l'un au mois de mai et l'autre en septembre. Il incombe ainsi aux familles de remplir les dossiers d'affectation de leurs enfants en tenant compte de la règle suivante : « 1 voeu = 1 établissement /1 voie d'orientation ». Les modalités, barèmes et critères d'acceptabilité d'une affectation diffèrent d'une académie à

68 Page web consultée : http://www.portail-orientation.fr/questions-orientation-college/8-qu-est-ce-que-la-procedure-affelnet

66

l'autre. Par exemple, dans l'académie de Strasbourg les élèves ont droit à 3 voeux, tandis qu'à Paris ils ont droit à 6. Une fois les voeux formulés par ordre de priorité, le logiciel trie les dossiers en fonction de critères pondérés retenus par l'académie. L'affectation de l'élève est considérée comme définitive si le lycée obtenu correspond aux voeux formulés par la famille et aucun appel n'est possible si celle-ci désire changer de voeu ou d'établissement.

Il faut savoir qu'avec un tel système, les élèves répondant le mieux aux critères et barèmes fixés par l'académie seront ceux qui auront plus de chance d'obtenir dès le premier tour l'établissement et l'orientation correspondant à leur choix. Les autres, moins côtés en termes de points ou de performances scolaires (résultats en maths, français, langue vivante et compétences en communication, habileté manuelle, etc.) seront relégués au second tour en septembre. Et si malgré cela, ils ne trouvent pas d'affectations, une proposition leur sera faite en fonction des places restantes disponibles. En cas de refus par l'élève de la proposition d'affectation, celui-ci peut faire appel à une commission spécifique. Ainsi, selon Monsieur Neher, près de 200 élèves chaque année se retrouvent en septembre sans affectation et plusieurs élèves peuvent se retrouver affectés par défaut dans une filière non souhaitée. Par ailleurs, il faut savoir également que la plupart des élèves souhaitant s'inscrire au Lycée Ettore Bugatti sont souvent très peu informés sur les offres de formation. Ainsi, un bon nombre d'entre eux s'orientent vers des filières pour lesquelles ils ont des connaissances partielles sur le déroulement de la formation et le métier proposé. Ceci n'est pas sans conséquence sur leur scolarité, risque d'engendrer des frustrations et peut provoquer un phénomène de « décrochage construit », puisque l'élève a le sentiment de ne pas être à sa place, ne retrouvant pas ni ses marques ni ses repères. Ainsi, le dispositif du SAS permet de pallier ce problème et mieux accompagner les élèves dans leur orientation. Nous traiterons ce point en profondeur par la suite dans cette étude.

66

2.2.4.3 Recrutement des enseignants

67

67

Les enseignants en lycée professionnel peuvent être recrutés soit par voie de concours ou soit en tant que contractuels. Le concours exigé pour devenir professeur titulaire de lycée professionnel est le CAPLP (Certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel). Cependant, dans un lycée professionnel comme celui du Bugatti ou tant d'autres, on identifie 3 types d'enseignants. Nous retrouvons dans un premier temps, les professeurs de sections d'enseignement général (langues vivantes-lettres, lettres-histoire et géographie, mathématiques- physique chimie). Ceux-ci sont recrutés par concours ou en tant que contractuels et doivent justifier d'un diplôme de Master 2 ou être inscrits dans un cursus de Master 1. Puis, nous retrouvons les professeurs de sections professionnelles (Arts appliqués, Biotechnologies, Économie et gestion, Génie mécanique, Industries graphiques). Ces derniers peuvent être recrutés avec ou sans concours mais doivent justifier d'un diplôme post secondaire sanctionnant au moins deux années d'études (BTS, DUT...) et accomplir obligatoirement 5 années de pratique professionnelle en lien avec la matière qu'ils veulent enseigner.

In fine, nous retrouvons les enseignants des secteurs des métiers (Conducteurs d'engins, Conducteurs routiers, Modelage mécanique, Réparation et revêtement en carrosserie, Cycles et motocycles, etc.). Ceux-ci peuvent être recrutés en tant que contractuels ou sur concours mais doivent justifier d'un diplôme de niveau IV (Bac) et accomplir obligatoirement 7 années de pratique professionnelle69. Cette dernière catégorie est connue au Lycée Ettore Bugatti sous le nom de « professeurs d'atelier ». Leur enseignement est beaucoup plus axé sur la pratique mais ils dispensent également 4 à 8 heures de cours théoriques en lien avec les cours en atelier.

La plupart des enseignants de l'établissement, particulièrement ceux des sections professionnelles et des métiers viennent du monde de l'entreprise. Certains d'entre eux devraient faire face à la difficulté grandissante des élèves en étant démunis en termes de formation. Par ailleurs, il faudra souligner que les enseignants (toutes les sections confondues) recrutés par voie de concours dans l'académie de Strasbourg suivent pendant une année une

69 Page web consultée: http://www.education.gouv.fr/cid51611/conditions-d-inscription-au-concours-externe-du-caplp.html

68

68

formation orientée plus vers la didactique que la pédagogie à l'ESPE (Ecole Supérieure du Professorat de l'Éducation) de Sélestat. Dans notre prochain chapitre sur la conceptualisation, nous tacherons d'établir la différence entre les concepts « didactique » et « pédagogie ». Cependant, ceux qui sont recrutés directement sans concours ne suivent aucune formation. Au Lycée Bugatti, on recense très peu de contractuels. La grande majorité des enseignants exercent leur métier en tant que titulaires. Le référentiel de compétences du bulletin du 25 juillet 2013 de l'Éducation Nationale décline les compétences que doivent acquérir les professeurs de lycée professionnel en 5 grands axes 70:

Compétences visées

 

Objectifs opérationnels

C1. Maitriser les savoirs opérationnels leurs didactiques


·

Connaître de manière approfondie sa discipline ou ses

domaines d'enseignement. En situer les repères

fondamentaux, les enjeux épistémologiques et les
problèmes didactiques.

 


·

Maîtriser les objectifs et les contenus d'enseignement, les exigences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ainsi que les acquis du cycle précédent et du cycle suivant.

 


·

Contribuer à la mise en place de projets interdisciplinaires au service des objectifs inscrits dans les programmes d`enseignement.

C2. Maîtriser la langue française dans le


·

Utiliser le vocabulaire professionnel approprié en

cadre de son enseignement

 

fonction des situations et en tenant compte du niveau des élèves.

C3. Construire, mettre en oeuvre et


·

Construire des situations d'enseignement et

d'apprentissage dans un cadre pédagogique lié au métier

 

animer des situations d'enseignement et d'apprentissage prenant en compte la

 

visé, en travaillant à partir de situations professionnelles réelles ou construites ou de projets professionnels, culturels ou artistiques.

 


·

Entretenir des relations avec le secteur économique dont relève la formation afin de transmettre aux élèves les

70 Voir plus en détails en page annexe.

69

69

diversité des élèves

 

spécificités propres au métier ou à la branche

professionnelle.

 


·

Favoriser le développement d'échanges et de partages

C4. Organiser et assurer un mode de

 

d'expériences professionnelles entre les élèves.

fonctionnement du groupe favorisant


·

Contribuer au développement de parcours de

l'apprentissage et la socialisation des

 

professionnalisation favorisant l'insertion dans l'emploi

élèves

 

et l'accès à des niveaux de qualification plus élevé.

 


·

Mettre en oeuvre une pédagogie adaptée pour faciliter l'accès des élèves à l'enseignement supérieur

 


·

En situation d'apprentissage, repérer les difficultés des élèves afin mieux assurer la progression

C5. Evaluer les progrès et les acquisitions

 

des apprentissages.

 

des élèves


·

Construire et utiliser des outils permettant l'évaluation des besoins, des progrès et du degré

 


·

d'acquisition des savoirs et des compétences.

 


·

Analyser les réussites et les erreurs, concevoir et mettre en oeuvre des activités de remédiation

 


·

et de consolidation des acquis.

 


·

Faire comprendre aux élèves les principes de l'évaluation afin de développer leurs capacités

 


·

d'autoévaluation.

 


·

Communiquer aux élèves et aux parents les résultats attendus au regard des objectifs et des repères contenus ans les programmes.

 


·

Inscrire l'évaluation des progrès et des acquis des élèves

dans une perspective de réussite de leur projet
d'orientation.

Tableau n° 13 : Référentiel de compétences de l'Éducation Nationale relatif aux enseignants en Lycée

professionnel.

Il faudra souligner qu'une étude de l'OCDE en 2013 montre que la formation des enseignants
en France est trop académique (didactique) et met très peu d'accent sur le savoir-faire en

70

formation initiale71. Cette enquête souligne que 90% des enseignants s'estiment bien ou très bien formés par rapport au contenu de la matière enseignée contre 40% qui se sentent insuffisamment formés à l'accompagnement ou au « volet pédagogique du métier ». Le nouveau référentiel de compétence mis en place par l'Éducation Nationale s'inscrit dans une logique de réforme de la formation des enseignants.

2.3 La problématique du décrochage scolaire au Lycée Ettore Bugatti

L'année académique 2012-2013 a été l'une des années la plus difficile pour l'établissement. Ce fut également l'année de la fusion avec le Lycée Camille Claudel et on constata à une augmentation de la difficulté scolaire. Il faut savoir que bien avant cette fusion, la situation éducative et l'image du lycée s'étaient beaucoup détériorées. Un bilan interne des 6 dernières années, montrait que les enseignants ont le sentiment que le lycée sombre dans le déclin. Les enseignants de l'ancien lycée Claudel se sentaient complètement désorientés et les locaux se dégradaient. Qui plus est, le projet de reconstruction de l'établissement sur un autre site fut avorté, ce qui a davantage attisé les sentiments de colère et de frustration chez les enseignants. Durant cette même année 2012-2013 le lycée atteignit un taux de décrochage élevé de 21% des élèves des filières de CAP et Bac pro. On enregistra pour l'année académique 2013-2014 près de 400 exclusions de cours entre fin novembre et début décembre, 160 exclusions temporaires et 7 exclusions définitives. Il faut savoir, selon les chiffres qui nous ont été donnés par la direction du lycée, que la ville de Mulhouse compte près de 500 jeunes qui décrochent chaque année du système scolaire.

Sur le plan institutionnel, le décrochage scolaire se définit comme étant « le processus selon lequel un élève finit ou abandonne le cursus de formation dans lequel il s`était inscrit sans avoir obtenu de diplôme et n'ayant pas trouvé d'autres alternatives de formation lui permettant de s'insérer professionnellement 72». Selon les chiffres du SIEI (Système interministériel

71 Série «Poliques meilleures» France 2015 (c) OCDE 2015 p. 13-14.

72 Définition institutionnelle du décrochage donnée par M. Neher le proviseur du Lycée Bugatti.

70

71

71

d'échanges d'informations) on comptabilise à Mulhouse un taux de décrochage annuel moyen de 6,7%. Ce qui représente le taux le plus élevé en Alsace par rapport à la moyenne nationale. Alors, que nous dit la littérature scientifique sur ce problème ?

2.3.1 Le décrochage scolaire : Généralités

Un récent rapport du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (Rapport no 2013-095-novembre 2013) confirme que le nombre de décrocheurs actifs en France s'élève à près 140.000 jeunes par an. En 2012, on a recensé en Alsace 4699 jeunes (2957 dans le Bas -Rhin et 1742 dans le Haut -Rhin) qui ont quitté le système scolaire. Parmi eux, on comptabilise 683, soit près de 19% de cette population, âgée de 16 à 25 ans qui sont injoignables, qu'on a perdu de vue73. Une récente étude de l'Insee montre qu'un décrocheur coûterait 30.000 euros par an à l'état, ce qui équivaut à une dette annuelle 30 milliards d'euros dans les caisses publiques74.

Dans un rapport de la Région Alsace intitulé « Plan régional pour des expérimentations d'actions en faveur des 16 à 25 ans perdus de vue », on distingue trois types de public en décrochage scolaire75 :

? Les décrocheurs : Ce sont des élèves présentant des risques de décrochage scolaire mais qui ne sont pas sortis du système scolaire et fréquentent régulièrement ou irrégulièrement un établissement scolaire. Ils sont considérés à risque parce qu'ils affichent à travers leur comportement un désintérêt pour l'école (absentéisme, attitude

73 http://www.region.alsace/sites/default/files/fichiers/actualite/planregionalpourdesexperimentationsd actions.pdf.

74 http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/FPORSOC13a_VE1_educ.pdf (Institut national de la statistique et des études économiques).

75 http://www.region.alsace/sites/default/files/fichiers/actualite/plan regional pour des experimentations d actions.pdf. p.3

72

passive, etc.). Dans le cadre de ce travail, nous mènerons nos observations et enquêtes sur ce type de public.

? Les décrochés : Il s'agit de jeunes âgés de plus de 16 ans qui ont quitté le système scolaire sans avoir obtenu de diplôme ou trouvé une autre solution de formation.

? Les invisibles ou perdus de vue : Ils sont âgés entre 16 et 25 ans et ont pour particularité d'avoir non seulement quitté le système scolaire mais refusent tout accompagnement par une plateforme locale de suivi ou de réseau d'accompagnement et d'insertion professionnelle.

(Effectifs et taux de décrochage parmi les élèves de 16 à 24 ans. (Sources : Insee Analyse Alsace n° 16 - Juillet 2015, p. 2).

72

 

Figure n°14 : Cartographie des effectifs et des taux de décrochage élevés à Strasbourg et à Mulhouse.

73

73

Il faudra noter qu'en 1970, on estimait que 70% des français avaient le certificat d'études primaires et pouvaient accéder facilement avec ce diplôme au marché de l'emploi (Fauconnier, 2004). Cependant, la situation a commencé à changer à partir des années 80 avec le développement des services informatiques. En conséquence, il a fallu trouver un moyen pour repenser la formation des travailleurs peu qualifiés dans un monde où les outils informatiques prenaient de plus en plus de place dans les entreprises, particulièrement dans l'industrie. Le travailleur dont les compétences reposaient sur la répétition de gestes professionnels devrait dès lors, avoir une certaine maitrise de l'information tout en sachant résoudre des problèmes et savoir communiquer (Giry. M, 1994).

Dans le processus de production, les capacités physiques du travailleur ou de l'ouvrier furent moins sollicitées et l'on faisait plutôt appel à son raisonnement logique, sa capacité d'abstraction. Dans cette optique, les manoeuvres répétitives et mécaniques s'estompèrent progressivement dans le milieu du travail et donnèrent place à l'arrivée de techniques de manipulation par l'informatique. Les outils traditionnels techniques qui furent longtemps considérés comme la matière première du travailleur allaient se voir substituées par des claviers et des moniteurs d'ordinateurs. Le travailleur allait devoir se plier à de nouvelles exigences en vue de s'adapter à son environnement de travail et devenir autonome dans ses prises de décision. Ainsi, Marcel Giry dans son livre « Apprendre à raisonner, apprendre à apprendre » (1994, p. 9) nous montre qu'il fallait que le travailleur réponde à certains critères pour pouvoir répondre aux exigences de son employeur, parmi lesquelles on peut citer :

o Des savoirs plus théoriques

o Des aptitudes cognitives plus développées

o Une plus grande souplesse intellectuelle

o Des capacités d'abstraction accrues

L'exigence d'une société postmoderne évoluant à un rythme effréné et exigeant plus de performance physique et intellectuelle engendre de très grandes difficultés en termes d'insertion

74

74

professionnelle aux publics à besoins spécifiques n'ayant pas de diplôme ou ne parvenant pas à s'adapter au fonctionnement du système mondial actuel. En conséquence, la révolution informatique des années 1980 engendra une hausse du chômage de ce type de population touchant particulièrement les jeunes. Sur le plan strictement cognitif, les faits mentionnés précédemment, font partie de l'une des causes majeures du décrochage scolaire de la plupart des élèves en grande difficulté scolaire.

2.3.1. 1 Le monde intérieur des décrocheurs

Les récentes études effectuées sur le décrochage scolaire montrent que le public masculin est beaucoup plus touché par ce phénomène (Bowlby & Mc Mullen, 2002). Cette propension au décrochage chez les jeunes garçons s'explique par le fait que ces derniers externalisent beaucoup plus leur malaise tandis que les filles internalisent leurs souffrances (Marcotte, Fortin, Potvin et Papillon, 2002). La gestion de conflits internes se gère de manière différente chez le sujet masculin et féminin. Cependant, il est à souligner que tous les décrocheurs de sexe masculin ne présentent pas de troubles de comportements (Kronick et Hagis, 1990). Certains sont silencieux (internalisent) et respectueux dans leur environnement scolaire mais présentent de sérieuses difficultés à l'apprentissage. On constate que les décrocheurs ont connu généralement par le passé plusieurs ruptures dans leur parcours scolaire, social et familial (Danielle Zay, 2005). Leur parcours est souvent jalonné par des changements d'établissements dû à des déménagements (rupture sociale) qui leur coupe du voisinage, du quartier dont ils sont habitués. Les exclusions scolaires rompent le cercle amical qui a été construit (rupture scolaire) pendant leur scolarité. A cela on peut rajouter les séparations des parents, les placements en foyer (rupture familiale) représentant une des causes majeures du décrochage scolaire chez les jeunes adolescents sans pourtant oublier dans certains cas, qu'un climat scolaire négatif (moqueries, violence, maltraitance, etc.) peut constituer un frein à l'apprentissage et favoriser le décrochage chez un jeune adolescent (Bennacer, 2000). En revanche, un milieu scolaire positif diminue les risques du décrochage (Janozc, 2006).

75

Rupture scolaire

Décrocheur

Rupture sociale

Climat
scolaire
malsain

Rupture familiale

75

Figure n°15 : Le cycle des ruptures augmentant le risque de décrochage chez l'élève.

Ainsi, le décrocheur est un apprenant en situation d'échec dont les causes peuvent être multifactorielles. En conséquence, le portrait-robot de l'élève « décrocheur » peut présenter de multiples facettes et varier d'un contexte socioéducatif à un autre. En effet, la littérature montre que les facteurs de risque de décrochage d'un établissement scolaire situé en zone urbaine ne seront forcément les mêmes dans un établissement scolaire en zone rurale. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi de faire une « étude de cas » qui découle d'une démarche inductiviste (apostérioriste) dans le cadre de notre recherche. Ce choix nous semble beaucoup plus pertinent puisqu'il nous permet d'étudier le phénomène du décrochage scolaire lié à un contexte particulier, celui du Lycée professionnel Ettore Bugatti d'Illzach, qui est le seul lycée automobile du département du Haut Rhin.

Sur le plan psychanalytique, le décrocheur se présente comme celui qui est en proie à des conflits entre son « Moi » et l'idéal du « Moi social » (H. Danon Boileau, 2010). Ces conflits intérieurs peuvent engendrer non seulement des difficultés personnelles mais aussi des difficultés inhérentes à apprentissage (Battin Pearson et Al., 2000). Ainsi, de nombreux décrocheurs semblent présenter des lacunes d'habiletés sociales qui se manifestent par des comportements « déviants » (Jimmerson, 2002). Une autre étude de Marcotte en 2006, montre que les difficultés persistantes de ces sujets peuvent avoir une incidence sur leur santé mentale, les conduisant pour la plupart à long terme dans un état dépressif.

76

Une étude de Lagrange (2001) montre que les élèves décrocheurs manifestent très peu d'intérêt pour l'apprentissage et rencontrent plus de difficultés en mathématiques et en français. Face à l'institution scolaire, le décrocheur développe diverses postures telles que le retrait, l'invisibilité sociale, la provocation, l'affrontement à l'autorité de l'enseignant, crise, révolte, comportements ludiques et de prestance vis-à-vis ses camarades de classe (Danielle Zay, 2005). En effet, d'un point de vue systémique, le mal-être intérieur de l'élève n'est pas sans conséquence sur son environnement.

Les conflits intérieurs de l'élève en décrochage scolaire influent de manière significative sur son espace d'apprentissage. Aussi, il est important de souligner que l'apprentissage est un processus mental impliquant des émotions (Manil, 2014). Ainsi, plus les difficultés personnelles (sociales, familiales, etc.) de l'élève augmentent, plus la tâche de l'enseignant risque de devenir difficile. En clair, une relation conflictuelle s'établit entre l'élève et le professeur si ce dernier ne tient pas compte du versant psycho-affectif de ce dernier dans le processus d'apprentissage. Les conflits internes de l'élève face à son échec ou son malaise peuvent déborder non seulement dans la salle de classe mais toucher aussi toutes les composantes de l'environnement scolaire, tels que les autres élèves et le personnel éducatif de l'établissement (Directeur, CPE, assistant d'éducation, etc.). Face à ses frustrations, l'élève est incapable de s'atteler au processus d'apprentissage. Il exprime donc un sentiment de rejet des enseignants ou du système scolaire.

élève en difficulté (conflits internes)

Enseignant en difficulté

(conflits externes)

Enseignant en difficulté

Personnel
éducatif en
difficulté

Elève en difficulté

76

Figure n° 16 : Les répercussions des conflits internes de l'élève sur son environnement

77

77

Paredes (1993) montre qu'il existe des signes révélateurs pouvant nous indiquer si un élève présente un risque de décrochage tels que : Peu d'engagement dans les activités scolaires, en conflit constant avec les enseignants, sentiment d'orientation scolaire subie, l'ennui (pendant les cours), difficultés d'apprentissage, difficultés personnelles, déficit d'attention. Aussi, nous devons souligner que le rôle des parents est souvent déterminant dans la réussite ou l'échec de l'élève. Par ailleurs, un sondage réalisé en Juillet 2002 auprès des français par la BVA montre que 49% des sondés pensaient que leur réussite sociale dépendait du soutien de la famille, contre 20% mettant en avant l'entreprise dans laquelle ils ont travaillé et 19% pensant que leur réussite dépendait entièrement de l'école (Fauconnier, 2004 p. 33). Par exemple, on constate que les enfants évoluant dans des familles ou les parents sont inactifs présentent un plus grand risque au décrochage (Frydel & Lèbre, 2015) comme nous le montre le tableau ci-après.

78

Source : Insee Analyse Alsace n° 16

Taux de décrochage (en %)

25

20

15

10

5

78

0

CAP Baccalauréat professionnel Baccalauréat général

ou technologique

Inactifs, retraités et non renseignés Employés, ouvriers

Cadres et professions intellectuelles supérieures

Professions intermédiaires, artisans, agriculteurs

- Juillet 2015 p. 4

Tableau n°17 : Tableau représentatif des taux de décrochage scolaire en fonction de la situation des parents des

élèves.

Lecture : 10 % des élèves de baccalauréat professionnel dont les parents sont inactifs décrochent. Cette part passe à 5,4% pour les enfants d'ouvriers, 4,1% pour les professions intermédiaires et 4,2%pour les enfants de cadres et

79

79

professions intellectuelles supérieures. (Sources : MEN, Système interministériel d'échanges d'informations (SIEI 2012-2014). 76

2.3.1. 2 Les parents des élèves décrocheurs

Les parents des publics décrocheurs sont souvent pris pour cible à tort ou à raison comme responsables de l'échec de ces derniers. En effet, la littérature montre que la plupart des parents d'élèves en échec scolaire ne sont pas si désintéressés, comme on le prétend par la scolarité de leurs enfants (Clerget, 2000). Au contraire, les études montrent que ceux-ci vivent l'échec de leurs enfants comme leurs propres échecs. En général, ils ont aussi eux-mêmes quitté le système scolaire quand ils étaient jeunes et s'inquiètent de l'avenir professionnel de leurs progénitures. Leur déscolarisation antérieure alimente en eux la hantise de l'enfant futur délinquant ou repris de justice. Face à cette situation de peur de l'avenir, ils utilisent leur propre peur par des moyens souvent coercitifs (corrections physiques, chantage) pour inciter leurs enfants à travailler, espérant les remettre sur le droit chemin, celui de la réussite. Cette méthode s'avéra contre-productive puisqu'un enfant en difficulté nécessite une attention particulière (plus de bienveillance) et un soutien affectif indéfectible (Danielle Zay, 2005). Les parents des décrocheurs se sentent coupables de l'échec de leurs enfants (Daniel Gayet, 2004) et éprouvent un sentiment d'insécurité lié au fait de ne pas pouvoir assumer correctement leurs taches éducatives (G. Bergonnier-Dupuy et C. Borusseau, 2003).

Selon les théoriciens de l'éducation, une éducation est réussie quand celle-ci répond à deux exigences : La première sur le plan civique, c'est-à-dire assurer l'insertion sociale du sujet et la seconde sur le plan individuel, c'est-à-dire assurer l'équilibre de la personnalité (Daniel Gayet, 2004). Lorsque ces deux exigences sont défaillantes dans l'éducation d'un jeune, on peut parler dans ce cas-là d'échec parental en matière éducative. En revanche, on peut parler de réussite scolaire quand l'enfant est socialement intégré, équilibré et s'associe aux valeurs intrinsèques de la citoyenneté.

76 Ibid, Insee Analyse Alsace n° 16 - Juillet 2015 p. 4

80

80

En clair, généralement, les parents des décrocheurs ne parviennent pas à les accompagner dans leur processus d'apprentissage non pas par mauvaise foi ou par manque d'intérêt mais parce qu'ils sont dépourvus des capacités psychiques et intellectuelles pouvant répondre aux besoins affectifs et éducatifs de leurs siens. Dans cette même foulée, il parait judicieux que des instances éducatives puissent proposer aux élèves en difficulté sociale et scolaire un enseignement pédagogique adapté aux profils de ces derniers. Nous retenons par ailleurs, que les parents des décrocheurs n'appartiennent pas toujours à des milieux défavorisés (Beck, 1978). Certains sont très aisés mais trop occupés pour s'inscrire dans une démarche éducative active auprès de leurs enfants. Leur investissement parental est donc trop insuffisant pour pouvoir garantir la réussite scolaire de ceux-ci (Epstein, 1999).

Figure n°18 : Le cycle d'échecs

2.3.1. 3 Les conséquences du décrochage scolaire

Le décrochage scolaire entraine des conséquences au niveau scolaire, familial, social et psychologique. Le décrocheur qui n'est pas pris en charge peut développer des troubles qui devront être pris en charge par les autorités sanitaires et pouvant nuire sérieusement à l'ordre public. Sur le plan économique, un décrocheur coute 230'000 euros à l'Etat tout au long de sa vie. Parmi les conséquences qui peuvent découler du décrochage, nous pouvons retenir les risques suivants (Blaya, 2003) :

? Comportements suicidaires

? Perte d'estime soi engendrant des comportements extrêmes

? Relations difficiles et conflictuelles avec ses pairs

? Troubles dépressifs (9,5 %)

81

81

? Troubles d'attention (23, %) ? Comportements agressifs (16,4%) ? Délinquance (31, 1 %) ? Augmentation du chômage

2.3.2 Les dispositifs de lutte contre le décrochage scolaire en France

En France, il existe une politique de prévention contre le décrochage scolaire. Chaque instance de l'état, qu'il s'agisse de la ville, des collectivités territoriales ou de l'éducation nationale, tente de mobiliser ses ressources afin d'accompagner les jeunes en échec scolaire. Les différentes missions de lutte contre le décrochage ont pour tâche de trouver des solutions d'accompagnement pour des jeunes décrocheurs ou pour ceux qui ont quitté le système éducatif classique (Blaya, 2010). Concernant les jeunes du secondaire, qui constituent la population qui fait l'objet de cette étude, nous présenterons de manière succincte quelques dispositifs mis en place par l'Etat dans la lutte contre le décrochage et l'échec scolaire.

? RAR (Réseau d'ambition réussite)

Ce dispositif est créé en 2006 par l'Education Nationale (Circulaire no 2006-058). Il a pour objectif de permettre aux élèves issus de quartiers défavorisés, rencontrant des difficultés d'apprentissage et ayant un retard de deux ans à l'entrée du second degré, de pouvoir être intégrés dans un environnement favorable à la réussite. Ainsi, par ce dispositif, les risques de rupture sont atténués entre l'élève en difficulté et l'établissement scolaire dans lequel il évolue. Cependant, il est intéressant de constater, qu'un bilan de synthèse du Ministère de l'Education Nationale daté de juin 2010, stipule que le public accueilli dans ces dispositifs n'a pas évolué depuis quatre ans ni dans un sens d'amélioration ni dans un sens de détérioration.

? RASED (Réseaux d'aides spécialisés aux élèves en difficulté)

Les RASED, créés en 1990, par le Ministère de l'Education Nationale, interviennent auprès des élèves en difficulté sur demande des enseignants. Dans son manuel sur le décrochage scolaire Catherine Blaya explique que « les réseaux sont composés de trois types d'intervenants qui sont

82

82

des enseignants spécialisés dans les difficultés d'apprentissage ou dans les difficultés d'adaptation scolaire ou encore par des psychologues scolaires » (Blaya, 2010, p. 126). Le psychologue scolaire effectue un bilan psychologique de l'élève en concertation avec les parents de celui-ci. L'objectif de ce bilan est de permettre une analyse des besoins de l'élève afin de mieux répondre à ses difficultés d'apprentissage. Dès l'école primaire, l'élève peut bénéficier de cet accompagnement. Les intervenants des RASED sont mobiles et se déplacent d'établissements en établissements ou d'une circonscription à une autre sous l'autorité d'un inspecteur académique. L'un des soucis majeurs de ce dispositif réside dans le fait que les accompagnants ou intervenants ne font pas partie de l'équipe pédagogique in situ. L'aide apportée par ces derniers ne peut toucher de manière superficielle que certaines problématiques inhérentes au décrochage ou à l'échec scolaire des sujets. D'autant plus, je cite « des moyens insuffisants de postes menacent la pérennité des RASED alors qu'ils s'inscrivent tout à fait dans une démarche de prévention précoce préconisée par les mêmes décideurs qui ne le subventionnent pas suffisamment » (Blaya, 2010, p. 126).

? Les dispositifs relais

Il s'agit de l'un des rares dispositifs, mis en place par deux ministères : Le Ministère de l'Education Nationale et le Ministère de la Justice (Protection judiciaire de la jeunesse). Il est régi par la Circulaire n°2006-129 du 21 août 2006. Le dispositif existe sous forme de classes, d'ateliers ou d'internats relais et est destiné exclusivement aux élèves du second degré. La durée de relais s'étend sur une période de 12 mois maximum pour ceux qui sont inscrits en classes relais et 16 semaines pour ceux qui sont en ateliers relais. Ce projet vise les élèves à problématique de violence, de décrochage et d'échec scolaire. Leur admission se fait après examen de leur dossier et en accord avec l'élève concerné et ses parents. L'objectif principal de ce dispositif est de permettre la réinsertion sociale et scolaire de ces jeunes à travers une démarche de rééducation à la citoyenneté. Plusieurs professionnels interviennent dans le cadre des dispositifs relais tels que des éducateurs spécialisés, des personnels associatifs, des animateurs socio culturels, des personnels de la santé et des personnels de services sociaux (Blaya, 2010). En effet, l'efficacité d'un tel dispositif ne présente pour l'instant une certaine

83

83

garantie par manque d'infrastructure. Le texte de Loi de base régissant l'organisation des dispositifs relais stipule que les locaux de ces derniers doivent être rattachés physiquement et administrativement aux établissements scolaires afin de garantir un meilleur suivi des élèves en difficulté. Or, les travaux réalisés sur ces structures (Blaya, 2003) montrent qu'une classe-relais peut être implantée dans un magasin désaffecté à Paris. Depuis sa création en 2006, 7900 élèves ont pu bénéficier de ce dispositif. Selon les chiffres officiels de 2010 du Ministère de l'Education Nationale, 77% des bénéficiaires des dispositifs relais réintègrent leur établissement scolaire d'origine. Les questions que l'on peut se poser sont les suivantes : Quel est le sort des bénéficiaires pour qui ce dispositif a été un échec ? Et pourquoi sur les 60.000 décrocheurs ou élèves en situation d'échec scolaire, 7900 ont été admis aux dispositifs relais (Blaya, 2010) ?

? Projets de réussite éducative (PRE)

Les projets de réussite éducative ont pour but de promouvoir l'égalité des chances. Ils sont destinés aux jeunes et familles des zones urbaines sensibles âgés de 2 à 16 ans. Les enfants inscrits dans ce dispositif bénéficient d'un accompagnement social, scolaire, éducation artistique et culturelle, soutien à la parentalité, en dehors des heures de cours (Blaya, 2010). Régis par la loi du 18 janvier 2005, les projets de réussite éducative (PRE) manquent le soutien et pilotage du gouvernement.

2.3.3 Décrochage et difficulté scolaire au Lycée Ettore Bugatti : Etat des lieux

Ainsi, la difficulté scolaire s'est accrue au fil des années à un point tel qu'au Lycée Bugatti, cela a eu un impact négatif sur le recrutement des élèves. En conséquence, l'image de l'établissement s'est écornée auprès des jeunes de la région. Et pourtant, nous avons vu précédemment dans l'historique de l'établissement que celui-ci jouissait d'une très bonne réputation à Mulhouse. Le lycée fut pendant longtemps auréolé d'un prestige académique par rapport à la qualité de sa formation et le sérieux des élèves qui le fréquentaient. Fort de son succès depuis sa création en 1946, le « label » des métiers lui fut décerné en 2002. Selon Monsieur Neher, le Proviseur de l'établissement, on constate que les élèves accueillis dans

84

84

l'établissement sont de moins en moins compétents et motivés dans leur apprentissage. Ce constat a été effectué sur 3 critères bien précis :

1. Le pourcentage de réussite au Bac pro.

2. Le taux de passage d'une classe à l'autre.

3. Le nombre d'élèves n'ayant pas obtenu de diplôme.

Les résultats des élèves au Bac Pro restent très médiocres. Par exemple, l'an dernier, on enregistra moins de 60% de réussite aux examens de bac pro sachant que la difficulté scolaire est beaucoup plus importante chez les élèves de CAP. On constate également, toujours selon Monsieur Neher, un problème de métacognition, c'est-à-dire un manque de prise de conscience des élèves des savoirs acquis pendant leur formation, entre autres. A cela, on rajoute des problèmes d'ergonomie cognitive, ce qui revient à dire que certains élèves n'arrivent pas à faire le lien entre ce qu'ils ont fait en cours et ce qu'ils font en stage. Pour faire face au problème de décrochage scolaire, de nombreux dispositifs d'accompagnement ont été mis en oeuvre depuis 2013 par l'équipe éducative, comme nous le verrons en détails ultérieurement à la fin de ce chapitre.

2.3.3. 1 Les causes du décrochage scolaire au Lycée Ettore Bugatti

La littérature scientifique nous montre que les causes du décrochage scolaire peuvent être multifactorielles. Ce que nous allons voir beaucoup plus en détails dans la partie « questionnements théoriques » de notre étude. Cependant, en se fondant sur les indicateurs de notre approche descriptive et en tenant compte des informations qui nous ont été fournies par la direction de l'établissement, nous pouvons déterminer certaines causes apparentes inhérentes à des faits qui sont d'ordre structurel, organisationnel, systémique et pédagogique. Nous comprenons par ce constat, qu'il existe une relation de cause à effet à la problématique de décrochage scolaire dans cet établissement. Comme on vient de le dire, les causes qu'on va élucider sont apparentes et factuelles. La liste est loin d'être exhaustive et à ce stade de l'étude, nous n'avons pas encore les résultats des enquêtes effectuées auprès des élèves et enseignants,

85

85

qui nous permettront de déceler peut-être de nouvelles pistes. Ainsi, les différentes indications contenues dans cette partie descriptive nous emmènent à déterminer les causes suivantes :

A. Cause structurelle : La fusion

La fusion en 2013 du Lycée Camille Claudel avec le Lycée Ettore Bugatti a engendré des difficultés au niveau structurel, organisationnel et administratif. Le projet de construction d'un nouvel établissement fut abandonné par la région. Il fallait alors, transférer les 250 élèves du Camille Claudel ainsi que les enseignants et les sections de formation. L'espace occupé par les élèves devenait exigu et d'autant plus, la population d'élèves du Camille Claudel (filière logistique) était réputée comme très difficile. Les enseignants tant que les élèves du Camille Claudel eurent beaucoup de peine à trouver leurs repères dans leur nouvel espace éducatif. De ce fait, La population estudiantine avait considérablement changé. La difficulté scolaire existant déjà au Camille Claudel fut en quelque sorte transférée au Bugatti. La loi de Pareto, très utilisée en marketing, nous montre qu'il suffit seulement 20% de causes pour produire 80% d'effets. Selon ce principe, on comprend que c'est une minorité de causes ou d'intrants qui entraine la majorité des conséquences (Koch, 2007). Avant 2013, la situation éducative au Lycée Bugatti commençait déjà à se dégrader. Donc, l'arrivée d'une population en grande difficulté dans l'établissement faisait qu'augmenter les problèmes du lycée, ce fut la goutte d'eau qui fait déborder le vase...

B. Cause organisationnelle : L'affectation et l'orientation des élèves

Nous avons vu que depuis 2008, la procédure d'affectation ou de recrutement des élèves est devenue informatisée (Affelnet77) et que les lycées ne peuvent recruter directement leurs élèves comme cela se faisait jadis. En fait, certaines formations sont plus demandées que d'autres, c'est le cas par exemple de la section mécanique. Ainsi, certains élèves peuvent se retrouver par défaut dans une section de formation non souhaitée soit par manque de places ou soit à cause d'une performance scolaire médiocre. Tout compte fait, c'est un logiciel informatique

77 Affelnet : Affectation des élèves via le net.

86

86

qui positionne ces élèves sur une filière en fonction de leurs voeux et de certains critères ou barèmes préétablis par l'académie. On doit se rappeler que cette procédure d'affectation a été mise en place par les académies dans un souci de transparence et d'équité vis-à-vis des élèves accueillis en lycée. On reproche donc à celui-ci sa mécanicité. Car le fait, qu'un élève se retrouve dans une formation par défaut, peut affecter de manière négative sa motivation durant l'année scolaire (risque de décrochage).

En outre, beaucoup d'élèves sont très peu informés sur les offres de formation proposées par le lycée. Ils possèdent pour la plupart une connaissance partielle. Cela soulève également un problème de communication externe. Ainsi, pour y remédier, des journées « Portes ouvertes » sont organisées et le dispositif SAS (orientation décalée) a vu le jour en 2014 dans le but de permettre aux élèves non seulement de découvrir les métiers mais aussi de prendre connaissance des différentes activités proposées dans les sections de formation.

C. Cause systémique : L'environnement socio-économique

Comme cela a été indiqué antérieurement, près de 57 % des élèves inscrits cette année en CAP et Bac pro viennent de Mulhouse et de M2A (communes de l'agglomération) et la très grande majorité de ceux-ci sont issus de familles très modestes et de CSP 78 défavorisées. Pour l'heure, nous ne savons exactement si la tendance a été la même ces trois dernières années mais il très fort probable que cela fût ainsi. En conséquence, il faudra souligner selon un rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) en 2012, la ville de Mulhouse se caractérise par 79« une population jeune, peu stable et mobile et se trouvant souvent dans une situation fragile ». Ce constat est aussi valable, à mesure moindre, pour les villes d'Illzach et de Wittenheim à en croire ce même rapport. Une étude de l'Agence d'urbanisme de la région mulhousienne en 2014 montre qu'entre 2005 et 2013, on a enregistré une progression de 20% d'élèves issus de CSP défavorisées dans les collèges publics. Et sur l'année académique 2012-

78 CSP : Catégorie socio professionnelle.

79 Contrat de ville 2015-2020 p. 129

87

87

2013 le rapport précédent souligne que 37% des élèves de 3ème des collèges publics de Mulhouse étaient en retard scolaire d'au moins une année.

Par ailleurs, cette étude montre une certaine fragilité de la situation éducative dans les collèges de Mulhouse en 2012. Cette fragilité est liée à plusieurs facteurs sociaux tels que « problèmes associés de socialisation et de maîtrise du français, mobilité, voire volatilité des élèves, liens familles/école, situation d'isolement et de précarité des parents, problème de maîtrise du français, monoparentalité, etc. ». Ainsi, tout ceci entraine des conséquences sur la scolarité des jeunes et fragilise les institutions scolaires de Mulhouse et de ses agglomérations. Par ailleurs, faudra-t-il souligner qu'un état des lieux effectué par l'ORSAL en 2013 (Observatoire régional de la santé d'Alsace) montre que la situation sociale de Mulhouse et de ses proximités s'était dégradée en s'appuyant sur les indicateurs suivants :80

? Un taux de chômage élevé.

? Un taux de couverture par les prestations sociales (RSA, CMU-C, AAH)81 plus élevé que la moyenne régionale.

? Une population active dominée par les métiers de l'industrie à faible qualification. Sachant que le profil industriel s'estompe progressivement à Mulhouse et que le secteur tertiaire se développe de manière fulgurante. Elle représente aujourd'hui 73% du marché de l'emploi.82

? Des conditions de vie dégradées et émergence d'affections physiques ou psychiques génératrices de souffrance.

In fine, d'un point de vue systémique, nous savons qu'un système influe sur d'autres systèmes. Un problème au sein d'un système peut s'expliquer par un problème existant dans un autre

80 Ibid., p. 129

81 RSA : Revenu de solidarité active. CMU-C : Couverture maladie universelle complémentaire. AAH : Allocation aux adultes handicapés.

82 Ibid., p. 20

88

88

système83. En clair, cela veut dire, si nous reprenons cette fameuse citation du météorologue Edward Lorenz, « le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut provoquer une tornade au Texas ». En l'occurrence, nous pouvons donc émettre l'hypothèse que l'environnement socio-économique a contribué à la problématique du décrochage scolaire des élèves au Lycée Ettore Bugatti.

D. Cause pédagogique : Entre didactique et pédagogie

Le proviseur du Lycée Ettore Bugatti nous explique lors d'un entretien que la plupart des enseignants n'ont pas reçu à la base une formation pédagogique. Celui-ci souligne également qu'il manque un fondement en sciences de l'éducation dans le cursus de formation des chefs d'établissement. Comme cela a été mentionné antérieurement, la plupart des enseignants du lycée sont des anciens professionnels du monde de l'entreprise. Nous avons vu également que le référentiel des compétences du bulletin officiel de l'Education Nationale de 2013 destiné aux professeurs des lycées professionnels est orienté beaucoup plus vers la didactique que la pédagogie. Nous tenons à préciser que ce référentiel aborde beaucoup d'éléments pédagogiques, néanmoins le cadre s'insère dans une logique didactique. En effet, la population estudiantine en lycée professionnel a beaucoup évolué ainsi que les dispositions par rapport à l'apprentissage. Ainsi, les enseignants sont confrontés à de nouveaux défis pour lesquels ils n'étaient préparés à savoir : Comment éduquer l'enfant post-moderne dans une société postmoderne ? Comment enseigner à des élèves en souffrance ? Comment amorcer la résilience chez les décrocheurs ? Quelle posture adopter face à l'élève en difficulté ? De ce fait, plusieurs axes d'accompagnement élaborés par l'équipe éducative seront proposés aux élèves afin de pourvoir répondre efficacement aux besoins des élèves, surtout à ceux qui sont difficulté.

83 Cours de D. Kern « Approche systémique » Master 2 IIMSE Université de Haute Alsace. 2015.

89

89

2.3.3. 2 La politique d'accompagnement des élèves en difficulté au Lycée Ettore Bugatti

Il est important de donner une définition de la difficulté scolaire. Qu'est-ce qu'un élève en difficulté ? Sur quel critère se fonde-t-on pour repérer un élève en difficulté ? Dans le rapport du Ministère de l'Education Nationale et du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche intitulé « le traitement de la grande difficulté au cours de la scolarité obligatoire», il est mentionné qu'il n'existe pas de définition précise que l'on pourrait attribuer à la notion de difficulté scolaire, puisque ce concept varie selon la situation d'un élève à un moment donné de sa scolarité.

Dans cette même étude, on souligne néanmoins la différence entre un élève en difficulté et celui qui est en grande difficulté. L'élève en difficulté est considéré comme celui qui est capable de surmonter ses problèmes d'apprentissage et d'y remédier à court terme quand une aide particulière lui a été apportée (remédiation). En revanche, on parle d'élève en très grande difficulté quand celui-ci est dans l'incapacité de répondre aux attentes de l'école, tant au niveau intellectuel que comportemental. Cette explication semble correspondre parfaitement à la situation des élèves décrocheurs du Lycée Ettore Bugatti. En conséquence, l'équipe éducative a mis en oeuvre toute une batterie de dispositifs de prévention et de lutte contre le décrochage scolaire durant l'année académique 2014-2015 dans le but de mieux accueillir et mieux accompagner les élèves pour un mieux vivre ensemble. Il faudra se rappeler également qu'au commencement, 3 ans après la fondation de l'établissement en 1949, le leitmotiv scandé par le directeur de l'époque fut ceci : L'élève doit être pris en main attentivement, suivi et conseillé. On suppose que c'est dans ce même d'ordre d'idée, que l'Inspection Académique a suscité en 2013 un mouvement de réaction du corps éducatif face à la gravité de la situation, qui fut déterminé à lutter contre le fléau du décrochage en se donnant pour objectif de remettre l'élève au centre du système scolaire. Ainsi, des groupes de travail se sont constitués mobilisant des enseignants et le personnel de la vie scolaire dans l'espoir de recueillir des données sous forme de diagnostic pour la mise en place de dispositifs de prévention et de « lutte pour la persévérance scolaire » en guise d'utilisation du terme « lutte contre le décrochage scolaire » utilisé plus fréquemment dans la littérature par les spécialistes en Sciences de l'éducation.

90

90

Ces rencontres ont suscité d'utiles réflexions menant l'équipe éducative à réfléchir sur le rapport de l'enseignant avec l'élève en vue d'une amélioration des pratiques éducatives et pédagogiques. Dans cette optique, on vise à adopter une posture qui fait sens pour la personne de l'élève comme l'écoute et la considération. Une politique de formation est donc mise en oeuvre pour le personnel éducatif, en vue d'harmoniser les pratiques et de modifier surtout le rapport de l'élève au système scolaire. L'enseignant devient donc de ce fait, le moteur de la lutte pour la persévérance scolaire.

La question que se pose Monsieur Neher, proviseur du Lycée Bugatti, est : Comment peut-on développer des pratiques inclusives ? On ne peut pas changer les élèves, néanmoins nous pouvons permettre qu'ils aient un regard positif sur l'école à travers l'enseignant, dixit le proviseur. Les notions- : « écoute » « bienveillance » et « considération » de l'autre sont mises en avant dans la lutte contre le décrochage scolaire. Toutefois, on assiste encore aujourd'hui à la résistance de certains enseignants qui assimilent la notion de bienveillance au laxisme. A ce sujet, la politique de l'établissement est pourtant très claire : L'élève doit être accueilli, considéré avec les exigences de l'institution à laquelle il appartient. En effet, l'ensemble des dispositifs mis en oeuvre ces deux dernières années ont été définis selon 5 axes d'orientation pédagogique 84:

Axe no1 Mieux accueillir, mieux accompagner. L'objectif est d'améliorer les conditions d'installation des élèves dans leur formation, renforcer l'individualisation de l'accompagnement des élèves et valoriser l'établissement afin de renforcer l'attractivité de ses formations. Plusieurs dispositifs et projets ont pris naissance à partir de cet axe comme :

a) Dispositif d'accueil et de découverte professionnelle (SAS)

Ce dispositif est destiné aux élèves de première année de CAP de métier de l'automobile et de la logistique, qui représentent le public le plus touché par le décrochage scolaire dans l'établissement. Le personnel éducatif du lycée le baptise SAS selon la définition attribuée par

84 Voir en annexe le document du Lycée Bugatti présentant les 5 axes.

91

91

le Larousse i.e. « enceinte ou passage clos, muni de deux portes ou systèmes de fermeture dont on ne peut ouvrir l'un que si l'autre est fermé et qui permet de passer ou de faire passer d'un milieu à un autre en maintenant ceux-ci isolés l'un de l'autre »85. Celui-ci joue un rôle prépondérant dans la persévérance scolaire. Sa mission consiste à prime à bord d'accueillir l'élève en le faisant découvrir l'établissement, les formations et l'accompagner dans le choix de ses orientations. Le SAS a une double fonction d'accompagnement reposant sur deux principes : Accueillir l'élève et l'orienter. Comme cela a été mentionné précédemment, les élèves sont souvent très peu informés des offres de formation proposées par l'établissement. Qui plus est, ils peuvent se retrouver par défaut dans une section de formation par défaut ou par faute de places. Ainsi, le SAS offre une seconde chance à l'élève. Son voeu pour une formation lui est attribué définitivement ou peut se voir modifier, après avoir découvert pendant les six premières semaines de la rentrée scolaire, les disciplines et ateliers pédagogiques proposés par le lycée sous l'égide de deux professeurs référents ayant pour mission de l'accompagner pendant tout le processus. Pendant ce temps de découverte, on encourage l'élève à construire son projet professionnel avec son professeur référent. L'accompagnement du SAS offre plusieurs avantages aux élèves :

? Se sentir bien accueilli

? Se sentir écouté

? Se sentir bien orienté dans sa formation

? Se sentir en confiance vis-à-vis des adultes de l'établissement

Depuis la mise en place de dispositif d'accompagnement en 2014, on constate lors des enquêtes effectuées auprès des élèves après le SAS, que 98% d'entre eux affirment qu'ils ont été bien accueillis dans l'établissement. On constate également que le climat scolaire est devenu plus serein avec une nette amélioration des relations professeur/élève. On enregistre donc moins de

85 Ismahane BELHAIMEUR, Samia CHIBOUT, Youssef SERGHINI (2015). Le dispositif « SAS » est une innovation du lycée E.Bugatti : Un outil pour la persévérance scolaire destiné aux élèves de seconde préparant un certificat d'aptitude professionnelle. Mémoire Master 1 stage de laboratoire sciences de l'éducation. Université de Haute Alsace.

92

92

fiches d'incidents ou de comportements et moins d'exclusions de cours. La direction de l'établissement pense que le SAS a joué un rôle majeur dans la lutte pour la persévérance scolaire au Lycée Ettore Bugatti. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi pour cette étude de mener nos enquêtes auprès des élèves ayant bénéficié du SAS pour pouvoir comprendre les liens existant entre l'accompagnement et la résilience. Pour l'heure, une équipe de recherche composée d'étudiants de Master 1 en sciences de l'éducation à l'Université de Haute Alsace, interroge le versant d'efficacité du dispositif.

b) Le dispositif du « LATI »

Le « LATI » (lieu d'accueil temporaire individualisé) est espace d'accueil des élèves exclus de cours. Ce dispositif propose un accompagnement individualisé suivi d'un programme éducatif élaboré par un animateur visant une prise de conscience de l'élève par rapport à son comportement et une remise à niveau en cas de besoin. En effet, ce dispositif propose une remédiation pour la réussite scolaire des élèves et leur intégration.

Axe no2 Mieux apprendre. Enseigner autrement pour amener chacun à un haut niveau de qualification et à la réussite aux examens. Dans cet axe, on met l'accent sur la différenciation pédagogique, c'est-à-dire apporter une aide adaptée répondant aux besoins de l'élève. On développe également des pratiques pédagogiques innovantes pouvant contribuer à la réussite de l'élève telles que la pédagogie du projet86, la pédagogie inversée 87 et l'utilisation du numérique éducatif (moodle, e-twinning88, etc.) Ainsi, on retrouve des dispositifs comme :

a) Le DALyA

86 Apprentissage basé sur le développement d'un projet réalisé par les élèves et impulsé par l'enseignant.

87 Système de classe inversée. L'élève suit les cours à la maison via des vidéos postés sur le web et effectuent en salle de classe des travaux à partir d'un accompagnement individualisé.

88 Plateforme de communication et de formation à distance.

93

93

Ce dispositif sert à accompagner les élèves allophones. Les élèves bénéficient de 2h supplémentaires de cours de FLE (Français Langue Étrangère) par semaine. Celui-ci piloté par un professeur référent.

b) L'unité Localisée d'Intégration Scolaire (Ulis-pro)

Ce dispositif permet d'accompagner les élèves relevant d'une situation d'handicap. Le but est de favoriser un égal accès à la formation et l'insertion professionnelle.

Axe no3 Mieux apprendre en entreprise. Permettre aux élèves de développer des compétences au contact des professionnels et faire des langues un atout pour l'insertion professionnelle. L'objectif est de développer des partenariats avec le monde de l'entreprise et permettre aux élèves de mieux s'insérer sur le marché du travail. On apprend aux élèves à prendre connaissance du marché de l'emploi en leur donnant accès à l'information et en les formant à la recherche d'emploi.

Axe no 4 Mieux vivre ensemble. L'objectif est d'améliorer le climat scolaire par la réorganisation des espaces socio-éducatifs et par la promotion de la culture pour tous dans l'établissement. Ainsi, des espaces de détente (patio, foyer internat, etc.) ont été aménagés pour favoriser l'accueil des élèves et leur assurer un bon confort. Des actions culturelles sont mises en place tout au long de l'année afin de favoriser l'égalité des chances telles que concours de mathématiques, concours d'orthographe, club échec, club magie, art urbain, lycéens au cinéma, création de web radio, etc.

Axe no5 Mieux encadrer. Refonder la gestion des ressources humaines et renforcer les pratiques de coopération professionnelle. Par ce principe, on vise à développer des partenariats avec structures d'insertion, de formation et de recherche universitaire afin de pouvoir proposer des solutions pédagogiques aux enseignants et mieux accompagner les élèves.

Conclusion

Tous les axes qui ont été définis précédemment résument le projet d'établissement du lycée. Ainsi, depuis l'année académique 2013-2014, le personnel éducatif de l'établissement a pris un

94

ensemble de mesures visant à lutter contre le décrochage scolaire. Pour l'année académique 2014-2015, le taux de décrochage est passé à 15%, soit 6 points de moins par rapport à l'année précédente. Ce qui représente en termes d'effectif, 89 élèves ayant quitté l'établissement sans solution de formation sur les 592 inscrits régulièrement au cours de l'année. Les efforts qui ont été mis en place semblent être très concluants et l'équipe éducative aspire à un changement de cap par un accompagnement plus spécifique et individualisé des élèves en difficulté. Par ailleurs, les questionnements soulevés antérieurement, nous emmèneront à définir plusieurs concepts comme l'accompagnement dans l'action éducative, le « Moi » et la résilience afin de parvenir à une compréhension des finalités éducatives recherchées par le Lycée Ettore Bugatti dans la lutte contre le décrochage scolaire.

Champ de l'Éducation spécialisée : Présentation du SAJ Neuf-Brisach

2.1 Identité du Service

2.1.1 Les repères historiques

C'est en 1996 qu'un recensement effectué par le Directeur Général, Monsieur Schneider, a fait l'objet d'un rapport confirmant la présence de plus d'une centaine de personnes en situation de handicap et/ou en

 

94

Image n°18 : Bâtiment du SAJ, Neuf-Brisach.

95

95

difficultés sociales se retrouvant dans des impasses en recherches de solutions, dans le secteur de Neuf-Brisach.

Après un même constat portant sur l'absence de structures d'accueil et d'accompagnement à l'égard de ce public à besoins spécifiques, une réflexion relative à la recherche de solutions pour leur porter aide et assistance a été prise en compte par le SIVOM89 HARDT NORD devenu SIVOM du Pays de Brisach (regroupant vingt-deux communes du Bassin de vie de Neuf-Brisach, son siège social étant basé à Volgelsheim, 16 route de Neuf-Brisach). Au vu du résultat de l'enquête, il a été établi que le Bassin de vie de Neuf-Brisach devait se doter d'un ensemble d'établissements et services assurant la prise en charge des personnes en situation de handicap, destinés à répondre à l'ensemble des besoins exprimés par les personnes en situation de handicap du territoire du SIVOM et au-delà, dans un second temps.

Le 20 mai 2000 fut fondée l'Association Solidarité du Rhin, avec pour premier objectif la création d'un Atelier Protégé, qui s'est vue confirmer un rôle de gestionnaire et qui a pris la dénomination de « Association Solidarité du Rhin Handicap et Travail » (ASRHT) en date du 24 octobre 2002. C'est également à cette date qu'a été fondée l'Association Solidarité du Rhin Médico-Sociale (ASRMS), avec l'objectif de créer et de gérer des établissements et structures à caractère médico-social. L'Arrêté Préfectoral N°02-00376 du 1er octobre 2002 a décidé l'autorisation de création d'une Structure d'Accueil de Jour (SAJ) pour personnes adultes en situation de handicap à Neuf-Brisach, d'une capacité de quinze places (Simultanément à la création du SAVS90, le 01/10/2002). Son Conseil d'Administration est composé de quatorze élus et de trois membres de droit : un représentant de la commune de Biesheim, siège des associations et promoteur du dispositif, ainsi que deux représentants pour le SIVOM Pays de

89 Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple

90 Service d'Accompagnement à la Vie Sociale.

96

96

Brisach (devenue depuis lors COMCOM91 du Pays de Brisach, porteur du dispositif), ainsi que de trois représentants des parents et familles.

En 2003 a été créée le CAT92 de Biesheim, Rue Bulay (68600), à 16 km de Colmar. Et faisant suite à l'appel d'offre de la DDASS93, l'association a repris le CAT de Marbach en janvier 2004 ainsi que le CAT d'Eguisheim, 6 rue de la 1ère Armée (68420), site qui a été réhabilité entre 2008 et 2010.

Suite à divers dysfonctionnements au sein du SAJ et du SAVS, Monsieur Jenny François, embauché en tant que Chef de Service le 03/09/2013, constata la dégradation manifeste des deux Services. L'ancien Chef de Service avait quitté le Service depuis une année après une rupture conventionnelle de contrat. L'association avait décidé de ne pas le remplacer pendant cette année (sa rémunération servant à l'indemnité de rupture du Contrat), chargeant le Directeur Général, Monsieur Schneider, d'assurer l'intérim durant cette période, jusqu'à l'embauche du nouveau Chef de Service pour le SAJ et le SAVS. Un contexte délétère et toxique régnant dans le SAJ (et le SAVS) fit l'objet d'un point de situation (au 02/10/2013) par Monsieur Jenny, un mois après son arrivée. Celui-ci décrit « une équipe fortement éprouvée par certains évènements, conduites et pratiques dont la pertinence éducative, la moralité du Service ou pire encore, la légalité n'a pas manqué d'interpeller voir de choquer, sans que le Chef de Service ne vienne rappeler le cadre d'intervention. »

La gestion informatique était inexistante (absence de saisie informatique des dossiers des usagers, absence de procédure garantissant la sauvegarde des données informatiques disponibles) et la gestion des matériels, d'une grande complexité (absence d'inventaire, outils stockés au domicile du moniteur en charge de l'atelier « Bois », indisponibilité ou perte de matériels, mauvaise gestion des achats, etc.). Le non-respect des consignes d'hygiène et de

91 Communauté des Communes

92 Centre d'Aide par le Travail (actuellement dénommé ESAT : Etablissement et Service d'Aide par le Travail.)

93 Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales.

97

97

sécurité était relevé (dysfonctionnements de stockage des aliments, mauvaise gestion des espaces Cuisine et Salle à manger : entretien, nettoyage, conformité aux normes de sécurité, etc.).

Force était de constater qu'aucune trace en matière de procédures, réalisée par le prédécesseur n'était visible, et un climat de suspicion de l'équipe régnait de la part de l'équipe envers l'association gestionnaire (sentiment d'abandon et climat délétère entre membres de l'équipe). Le départ de l'ancien Chef de Service et l'absence provisoire des personnels concernés avait contribué à ressouder les membres de l'équipe mis à mal dans les conflits, les intrigues et les manoeuvres malveillantes. Le Service n'était pas investi dans une dynamique institutionnelle ni dans sa mission pédagogique. La mission prioritaire de Monsieur Jenny comprenait la réalisation prioritaire de l'Evaluation Interne des deux services et la réactualisation du Projet de Service de ces deux structures.

Le 25 septembre 2014 a été prononcée la liquidation de l'entreprise adaptée (licenciement de plus d'une centaine de personnes), qui a précipité la décision de mouvements de rapprochements vers des associations socio-éducatives de taille plus importante. Un protocole d'accord a été signé en octobre 2015 avec les représentants de l'ARSEA94 (Regroupement par apport fusion au 1er janvier 2016), qui a été déplacé par Avenant à septembre 2016. Depuis début janvier 2016, les deux Services (SAJ et SAVS) commencent à adopter la configuration telle qu'elle sera appliquée en 2017.

2.1.2 Le projet associatif

Selon le Projet associatif, l'Association Solidarité du Rhin Médico-Sociale a pour objet la promotion de la personne en difficulté, notamment celle en situation de handicap, par elle-

94 Association Régionale Spécialisée d'Action sociale, d'Education et d'Animation.

98

98

même, son environnement familial et professionnel. Ses valeurs portent sur l'humanisme et l'éthique professionnelle, tout en étant attachée :

? Aux valeurs individuelles (d'autonomie, d'affirmation de soi, de liberté de penser, de conscience et d'expression, de responsabilité, par une reconnaissance de la dignité, des ressources de la personne et de son projet de vie).

? Aux valeurs collectives de respect de l'autre, de solidarité, d'égalité et de citoyenneté, de tolérance, par une participation de chacun aux actions le concernant, aux institutions ouvertes à tous et par un refus de tout dogmatisme.

Intitulée dans le titre de l'association, la solidarité, identifiée comme un pilier de l'association est inscrite dans une volonté d'expression entre les générations, entre les usagers, entre les élus, les administrations et partenaires associatifs « pour que la société garantisse la compensation qu'appelle le handicap », soutient le projet de Service en date de septembre 2014. Association visant une finalité de développement de la personne dans toute sa dimension (sociale, professionnelle, etc.) dans un esprit de tolérance et de respect des différences, elle réunit des personnes (élus locaux et bénévoles) issues de différents secteurs d'activité et dotés de compétences diversifiées et complémentaires). Les orientations initiales du projet associatif s'inscrivent dans une offre diversifiée d'accueil et de travail répondant au degré d'autonomie des personnes accompagnées. Le projet associatif fait également état d'une recherche constante d'évolution en fonction des données inhérentes aux besoins des personnes en difficultés. De ce fait, actuellement, elle contribue et participe avec les élus à l'élaboration d'un Plan Directeur (phase 2) relative aux champs de l'hébergement, du vieillissement et de la retraite des personnes en difficultés socioéducatives sur le territoire. L'originalité de cette association tient à la dynamique et à la diversité des acteurs hétérogènes issus d'un même territoire.

2.1.2 Missions du Service à l'égard des personnes en situation de handicap

Le SAJ offre un accompagnement en journée, à titre permanent, temporaire ou selon un mode séquentiel (à temps complet ou partiel), susceptible de répondre à une diversité de situations ou problématiques déclinées par la Circulaire n° DGAS/SD3C/2005/224 du 12 mai 2005 relative

99

99

à l'accueil temporaire. Il contribue à la réalisation du projet de vie de personnes adultes en situation de handicap (moteur, sensoriel, psychique, polyhandicap et troubles de santé invalidants, sous réserve d'une autonomie suffisante), afin de développer ou de maintenir leurs acquis et leur autonomie, et de faciliter ou préserver leur intégration sociale. La mission du SAJ, validée par le Conseil Général dans le Référentiel des Services d'Accueil de Jour pour personnes en situation de handicap (17 juin 2011)95, poursuit un double-objectif général :

· Un lieu d'accueil et d'accompagnement personnalisé favorisant le maintien ou le développement de l'autonomie fonctionnelle, des capacités intellectuelles, gestuelles et sociales des personnes accueillies,

· Un lieu d'expertise, d'évaluation et d'orientation en vue de définir/préciser le projet personnalisé des bénéficiaires.

Selon l'esprit de la Circulaire n° DGAS/3D3C/2005/224 du 12/05/2005 relative à l'accueil temporaire des personnes handicapées, l'accueil de jour constitue également :

· Une modalité d'aide aux aidants aux fins de prolonger le maintien à domicile dans de bonnes conditions,

· Une période de distanciation et de réadaptation pour l'institution accueillant la personne handicapée,

· Une modalité d'essai ou d'expérimentation dans l'accompagnement de la personne handicapée,

· L'articulation entre deux projets d'accompagnement de la personne handicapée,

95 Repéré le 02 mars 2016 à : http://www.solidarite.haut-rhin.fr/Cache/30-08-11 11-

42PH REFERENTIEL ACCUEIL JOUR.pdf

100

100

· Une réponse à certaines situations d'urgence.

Les conditions d'accueil de la personne en situation de handicap au SAJ sont les suivantes :

· Être âgé de 20 ans sans limite d'âge. (Dérogation possible pour les moins de 20 ans ou pour les primo-demandeurs de plus de 60 ans dont le handicap n'était pas reconnu avant 60 ans).

· Une orientation par la MDPH96, ou susceptible de l'être.

· Etre volontaire, motivé et non travailleur.

· Etre en capacité de rallier le SAJ dans de bonnes conditions (tant au sens de la fatigabilité, de la durée/distance de trajet que du mode de transport adapté).

· Une autonomie permettant la participation aux activités en groupe.

Le Projet d'établissement stipule également le comportement adapté du demandeur pour une vie collective équilibrée et harmonieuse.

2.1.3 Cadre administratif et juridique

L'agrément est celui d'une structure de type FAS fonctionnant sous le régime du semi-internat à raison de 223 jours d'ouverture pour l'année 2015, pour un accueil de 15 places, les accueils étant séquentiels de 1 à 5 jours par semaine. Le taux occupationnel prévisionnel est estimé à environ 90%, ce qui équivaut à 3345 jours d'activités théoriques. Le Service est financé par le Conseil Départemental du Haut-Rhin sous forme d'une dotation annuelle globale, qui a été fixée à 292 261 €. L'orientation des personnes en situation de handicap vers le SAJ est prononcée par la C.D.P.A.P.H.97, au sein de la M.D.P.H de Colmar. La personne morale du SAJ

96 Maison Départementale des Personnes Handicapées.

97 Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées

101

101

est l'A.S.R.M.S. dont le siège est situé Rue Bulay, 68600 Biesheim, représentée par Monsieur Schneider, en charge de l'exécution de la gestion administrative et financière, des compétences de l'ASRMS). Madame Czaja est en charge de l'exécution de la partie pédagogique et technique, des compétences de l'ARSEA.

Adresse SAJ, 2 rue des Déportés, à Neuf-Brisach (68600). Tél. :

0389720825

SIREN : 447 540 295

SIRET : 447 540 295 00022

Catégorie juridique : 9260 Association de droit local

APE : 8810 C

Gestionnaire ASRMS. Siège ZI Rue Bulay, 68600 Biesheim

Agrément Capacité d'accueil de 15 places depuis le 01/10/2002

Date de création 03/03/2003

Date de décision Arrêté Préfectoral N°02-00376 du 01/10/2002, portant sur

autorisation de création d'un Centre d'Accueil de Jour pour personnes adultes handicapées à Neuf-Brisach d'une capacité de 15 places.

Référentiel Délibération du Conseil Général n°CP-2011-6-4-2 validant le

Référentiel des SAJ pour personnes en situation de handicap.

Mode de tarification Dotation globale fixée par le Conseil Départemental du Haut-

Rhin

Tableau n°19 : Tableau représentatif des données administratives du SAJ de Neuf-Brisach.

2.1.4 Les textes de références, l'évaluation

2.1.4.1 Lois, ordonnances, décrets (Annexes 1)

? Code de l'Action Sociale et des Familles : art. L312-1, D312-8 à D312-10, L314-1, R314-1 et L133-4 relatif au secret professionnel.

? Loi n°2000-3211 du 2 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

102

102

? Loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale et ses décrets d'application.

? Loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

? Loi n°2005-102 du 11 février 2005 relative à l'égalité doits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et ses décrets d'application.

? Circulaire n° DGAS/SD3C/2005/224 du 12/05/2005 relative à l'accueil temporaire des personnes handicapées.

En matière de Législation, la reconnaissance du handicap a été règlementée par la Loi du 30 juin 1975 par le biais du premier dispositif d'évaluation, de reconnaissance et d'ouverture aux droits et d'orientation pour les personnes handicapées (CDES et COTOREP)98. Elle fixe pour la première fois d'une manière globale le cadre juridique de l'action des pouvoirs publics, en matière de prévention et de dépistage du handicap, d'obligation éducative pour les enfants et adolescents handicapés, d'accès aux institutions et de maintien autant que possible dans un cadre ordinaire de travail et de vie. Dans les Lois 2002-2 et 2005-102, le Législateur reconnaît la personne en situation de handicap comme un être de besoins et un être de droits. La Loi du 11février 2005 a eu pour ambition un changement culturel et social, souhaitant aux personnes en situation de handicap une place digne et un rôle citoyen manifeste, et elle définit le handicap comme suit :

« toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive, d'une ou plusieurs fonctions physiques,

98 Commission Départementale de l'Education Spéciale, Commission Technique d'Orientation et de Reclassement Professionnel.

103

103

sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de la santé invalidant. ».99

C'est également au coeur de cette Loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qu'émerge un projet de société basé sur la notion d'inclusion sociale. Celui-ci vise des objectifs spécifiques en matière de participation au mieux de leurs capacités et de leurs souhaits à la vie sociale, d'autonomie la plus large possible par l'affirmation de leur droit d'énoncer et de réaliser leurs projets, d'égalité des chances (Discrimination positive) et de libre-circulation dans l'espace public et un usage préliminaire des services et opportunités (Accessibilité de l'environnement, à l'école, dans l'emploi). Le Législateur a impulsé une nouvelle représentation du handicap, en mettant en place divers moyens (réduction des restrictions inhérentes à l'environnement) leur permettant de réaliser leur vie et leur avenir au possible. Par ailleurs, la notion de projet de vie a été promue comme fondement d'une nouvelle conception de l'accompagnement des personnes en situation de handicap.

Créée en 1980, la CIH100 a défini le handicap en trois concepts :

? La déficience, comme un « dysfonctionnement, une altération d'une fonction physique ou psychique » (liée à un traumatisme, à une anomalie génétique, etc.).

? L'incapacité : La « limitation du fonctionnement et des capacités » (se déplacer, se lever, communiquer, s'orienter).

? Le désavantage, telle « la limitation ou l'empêchement d'accomplir un rôle social ordinaire » (travailler, avoir des loisirs, ...).

99 Repéré le 02 mars 2016 à : http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/RM2013-

163P Avancee en ages des PH TOME II DEF.pdf

100 Classification Internationale des Handicaps. Informations repérées le 02 mars 2016 sur le site : https://informations.handicap.fr/art-classification-874-6029.php

104

104

En 2001, l'OMS101 a proposé de réviser cette définition en précisant quatre catégories distinctes : La fonction organique (mentale, sensorielle, etc.), la structure anatomique (du système nerveux, liée au mouvement, etc.), l'activité et la participation (communication, mobilité,) et les facteurs environnementaux (produite et système technique, soutien et relation, etc.). Les handicaps les plus fréquents chez les personnes accueillies en SAJ comprennent le handicap moteur (Spina bifida, paralysies, infirmité motrice cérébrale), le handicap sensoriel (malentendant), le handicap psychique (Schizophrénie, bipolarité,), le handicap mental (Trisomie 21, troubles envahissants du développement dont le trouble du spectre autistique) et les maladies invalidantes (Sclérose en plaque, maladies rares). Sans compter les comorbidités (cognitifs, conatifs, du comportement, etc.) et fragilités personnelles (la fragilité émotionnelle, l'image de soi dévalorisée, etc.), qui peuvent aboutir à la dépression.

2.1.4.2 Les recommandations

L'éthique des valeurs, ajoutée à l'éthique de la responsabilité de chaque professionnel (Organisme gestionnaire, Direction, professionnels) sont engagés au SAJ à travers plusieurs dispositifs (Projet d'établissement, règlement de fonctionnement, l'analyse des pratiques et autres outils de communication et d'expression) qui ont été élaborés par le Chef de Service. Le projet de Service stipule les recommandations, comme suit :

? Le questionnement éthique dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux.

? L'élaboration, la rédaction et l'animation du projet d'établissement ou de service.

? La mise en oeuvre et la conduite de l'évaluation interne dans les établissements et services visés à l'article L.312-1 du Code de l'Action sociale et des familles.

101 Organisation Mondiale de la Santé, op.cit.

105

105

? La mission du responsable d'établissement et le rôle de l'encadrement dans la prévention et le traitement de la maltraitance.

? Les attentes de la personne et le projet personnalisé.

? L'ouverture de l'établissement à/sur son environnement.

? La bientraitance : Définition et repères pour la mise en oeuvre.

? Le fait de concilier vie en collectivité et personnalisation de l'accueil et de l'accompagnement.

Dans une approche théorique, l'accueil et l'accompagnement de l'adulte en situation de handicap s'inscrivent dans un champ empreint de représentations sociétales et évolutives. Considéré comme « déshérité de la nature : aveugle, sourd-muet, dégénéré, arriéré, instable » comme l'appelle Bourgeois (1978), dont « l'identité sociale s'écarte au réel de ce qu'elle est au virtuel » (Goffmann, 1975), il fait l'objet de « discréditation » et de « stigmatisation ». Cet « Autre », ainsi nommé par Ricoeur (1996), a connu un long processus d'appellations allant de l'idiotie, à la débilité, à l'inadaptation et au handicap, ce qui l'a catégorisé dans la case « anormale » par rapport à la case « prototype humain » considéré comme « normal », selon Gardou (1999). Cette norme sociale a réduit la singularité de la personne empreinte de ses propres caractéristiques, et elle signifie que la définition du handicap repose bien sur celle de la société, de ses constructions structurelles et éthiques. « Il n'y a pas de handicap, de handicapés en dehors de structurations sociales et culturelles précises ; il n'y a pas d'attitudes vis-à-vis du handicap en dehors d'une série de références et de structures sociétaires », selon Steichen (2003).

Ces notions de « norme » et de « catégorisation » opposent, marginalisent, enferment, écartent les personnes porteuses de handicap non seulement dans un « espace social clos » selon Garou (2005), mais aussi de la société individualiste et narcissique française, idéaliste et exigeante de perfection et de performances, autrement dit, est fortement empreinte du « Moi social ». Le même auteur (2015, p.2) dénonce ainsi une « forme de délitement communautaire » qui induit

106

106

la difficulté pour les personnes vulnérables et fragiles à trouver leur place et leur sens dans cet univers.

Forte de l'ensemble de ces éléments, la question de l'éthique du handicap se pose obligatoirement pour que la pratique professionnelle prenne tout son sens. Ricoeur (1990, p.202) revendique une visée éthique par « une vie bonne » (pour soi dans le sens d'une éthique personnelle), « avec et pour les autres » (le soi s'aperçoit lui-même comme « un autre parmi les autres », ibid., p.225), « dans des institutions justes. » (Pour une vie collective juste et humaine). La personne en situation de handicap est ainsi à considérer comme sujet (tout comme soi-même), acteur d'une histoire qui s'intègre à l'histoire des êtres humains. Une histoire qui commence par le « je » (celui de la subjectivité), d'un sujet qui veut être libre (Ricoeur), dont la liberté doit se manifester concrètement (acteur), à condition que « l'autre » croit avec elle. « On entre véritablement dans l'éthique, quand à l'affirmative pour soi de la liberté s'ajoute la volonté que la liberté de l'autre soit », affirme Imbert (2000, p.9). Il va de soi que ces références éthiques concernent également les cadres à l'égard des professionnels.

Tout professionnel socio-éducatif est prescrit aux références suivantes :

? La déontologie, « l'ensemble des règles morales qui régissent l'exercice d'une profession ou les rapports sociaux de ses membres. »

? La morale, qui concerne « les règles ou principes de conduite, la recherche d'un bien idéal, individuel ou collectif, dans une société donnée

? L'éthique, « la science qui traite des principes régulateurs de l'action et de la conduite morale. » 102

102 Tiré du document Promouvoir la bientraitance, Journées de formation, (n.d.). Gentner Fabrice, Oxalls Formation.

107

107

L'ARSEA définit cette dernière comme « la recherche de la meilleure réponse possible dans la rencontre avec une personne singulière, dans une situation particulière, à un moment donné, dans un lieu donné et que, par conséquent, nous ne retrouverons pas à l'identique ».103

2.1.4.3 Les schémas régionaux et départementaux

? Programme Interdépartemental d'Accompagnement des Handicaps et de la Perte d'Autonomie (PRIAC).

? Le Conseil Départemental du Haut-Rhin, notamment du Schéma Départemental des Personnes Handicapées 2009-2013.

? La Maison Départementale des Personnes Handicapées. 2.1.4.4 L'évaluation Interne

Conformément aux préconisations de l'évaluation interne, le SAJ de Neuf-Brisach a réalisé une enquête de satisfaction dont les résultats témoignent de la qualité de l'accueil, du respect des droits, de l'efficacité du programme hebdomadaire des ateliers, et de la pertinence des dispositions prises par l'Association (avec le soutien de la COMCOM du Pays de Brisach) en matière de transport.

Dans la continuité de l'Evaluation interne qui a eu lieu courant 2014, l'Evaluation externe a été réalisée les 18 et 19 mai 2015 par les consultants de l'ECE ESTES Consulting, de Strasbourg. Elle a abouti à des conclusions positives, de par la finalisation de certains axes d'améliorations relevés lors de l'évaluation interne qui résultent d'un impact positif sur l'organisation et les prestations proposées par le Service. Elle relève aussi la richesse et la structuration des activités proposées par le SAJ, et elle a qualifié différentes actions de remarquables :

103 Tiré du document Le référent Bientraitance de l'établissement ou du Service, ARSEA Alsace- Bientraitance Cadres, 15-16/11/2011, Sélestat, p.29.

108

108

? La qualité des écrits professionnels traduisant le respect des droits et démontrant l'évolution de la personne,

? La pédagogie de projet autour des ateliers, réalisée empiriquement (analyse des besoins) et développée dans la définition des objectifs, de la mise en oeuvre de l'action et des modalités de l'évaluation.

La procédure de renouvellement des arrêtés d'autorisation de fonctionnement du SAJ de Neuf-Brisach a fait l'objet d'un renouvellement à compter du 3 janvier 2017.

2.1.6. Localisation, contexte socio-économique

Le Canton de Neuf-Brisach est une ancienne division administrative française, située dans le Département du Haut-Rhin, en région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine. Il faisait partie de la première circonscription du Haut-Rhin et regroupait 17 communes. Depuis les élections départementales de 2015, ces dernières rejoignent le Canton d'Ensisheim, qui totalise 38 communes. Le Département du Haut-Rhin a été redivisé en 17 cantons, sous l'autorité de 34 conseillers Départementaux.

109

Canton d'Ensisheim, dont le Chef-lieu est Neuf-Brisach.

109

Schéma n° 20 : Redécoupage des cantons du Haut-Rhin. (Sources : www.haut-rhin.fr)

Le canton d'Ensisheim fait partie de l'espace péri-urbain de Colmar, formé de deux petits pôles essentiels (Neuf-Brisach et Fessenheim qui bénéficie d'un grand employeur, l'Electricité de France) et des communes multi-polarisées étendues sur de grandes aires. Ces deux pôles représentent des zones d'influence de par leur activité et l'emploi, une grande partie des résidents des communes environnantes exerçant un emploi au sein de l'un des pôles. Mais comme pour l'ensemble du Haut-Rhin, ce territoire s'inscrit dans un contexte défavorable sur le plan économique (Augmentation du taux de chômage, progression vers le travail frontalier). La densité la plus importante de la population du Canton se concentre autour de ces petites villes, avec une variabilité entre 100.1 et 300 habitants au km2 (alors qu'aux alentours, leur nombre d'habitants varie entre 4 et 100 habitants au km2), l'indice de jeunesse étant également fort sur ces pôles. Leur fréquentation touristique est nettement inférieure aux grands pôles (Mulhouse, Colmar, Ungersheim), à raison d'une moyenne de 1000 visites par an. Concernant les personnes en situation de handicap, le taux d'invalidité représente le maximum sur la région limitrophe à l'Allemagne, de Neuf-Brisach au nord de Fessenheim (entre 5,2% et 13,5% de la

110

110

population), alors que les autres zones péri-urbaines du Canton sont plus faibles (entre 3% et 5,1%). Dans ce Canton, seul le secteur de Neuf-Brisach comprend une implantation d'équipements et de services en faveur des personnes en situation de handicap.104

 
 

La cité fortifiée de Neuf-Brisach est située dans la plaine alsacienne à 2 km de la frontière allemande. Elle se trouve à une quinzaine de kilomètres au sud-est de la ville de Colmar.

Neuf-Brisach

Frontière allemande

Figure n°21 : Carte géographique et routière environnant la ville de Neuf-Brisach.

(Sources : recoin.fr)

104 In Rapport du Territoire de Vie Florival-Vignoble-Plaine du Rhin (2014-2019)

111

111

 

Chef-d'oeuvre de Vauban, site unique en Europe, classé au Patrimoine mondial de l'Unesco, la ville de Neuf-Brisach est une ville fortifiée, qui offre une vision remarquable du système de défense du XVIIème siècle. Elle a été construite en 1699 par Vauban sur l'ordre de Louis XIV pour assurer la sécurité de l'Alsace.

Image n°19 : Vue aérienne de Neuf-Brisach.

(Source : Tourisme-alsace.com)

SAJ Neuf-Brisach

Figure n° 22 : Plan de la ville de Neuf-Brisach. (Sources : Neuf-Brisach, sur recoin.fr)

112

112

La place forte de la ville a été choisie pour sa typologie de site de plaine ainsi que pour la représentation de son système de défense très abouti, dont la construction en étoile est bien visible vue du ciel. Le patrimoine architectural se découvre à travers ses fortifications, ses remparts et ses tours bastionnées intactes, construites de tenailles et de contre-gardes.105

Images 20-21 : Photos de la porte d'entrée de la ville de Neuf-Brisach et des murs d'enceinte.

L'Association A.R.M.R.S. a privilégié l'implantation du Service à Neuf-Brisach, en raison de sa position de Chef-lieu du canton et de sa proximité avec les infrastructures administratives et commerciales, susceptibles de servir de support pédagogique (Démarches, achats, participation aux animations locales, etc.).

Le Service d'Accueil de Jour est localisé au 2 rue des Déportés à Neuf-Brisach, une petite ville de 2000 habitants, située à 10 mn de Colmar et aux portes de l'Allemagne (15 mn), le bâtiment de 262 m2 loué à un particulier et réparti sur deux niveaux, a été rénové en fin d'année 2015. Il dispose d'une terrasse donnant sur un espace gazonné et un petit jardin (100m2), d'un accès aux personnes à mobilité réduite dès l'entrée principale et vers le sous-sol du SAJ (par un siège

105 In le site de l'Office de Tourisme de Neuf-Brisach.

113

élévateur). Les locaux sont mis aux normes et sécurisés. Le Service dispose aussi de deux minibus dont l'un est équipé d'une rampe d'accès, d'une marche et d'un système facilitant le transport des personnes à mobilité réduite.

Entrée principale extérieur Entrée principale intérieure

Images 22-23 : Photos de l'entrée principale

113

Espace Cuisine Espace Salle à manger

114

 
 

Vue de la terrasse sur le jardin extérieur Vue du jardin sur la terrasse.

Images 24-27 : Photos des espaces donnant lieu sur le jardin extérieur.

114

Couloir principal Salle Télévision

Images 28-29 : Photos des bureaux et salles du rez-de-chaussée.

Au sous-sol

115

Bureau des éducatrices Salle d'activités

115

Buanderie Atelier Bois

Images 30-33 : Photos des salles du sous-sol.

Bien que les pièces semblent juste suffire à la capacité d'accueil autorisée, on peut observer qu'elles ont été optimalisées dans l'organisation et le fonctionnement du SAJ. Le rangement semble être une pratique constante effectuée par les professionnels et les personnes accueillies, et l'aménagement des pièces a été configuré selon leurs fonctionnalités et finalités, de sorte que chaque acteur de l'organisation puisse y trouver du sens.

2.2 Description de la population accueillie

2.2.1. Axe quantitatif

116

116

Pour l'année 2014, le taux d'occupation a été de 85 %, chiffre établi selon la formule de calcul pour le taux d'occupation de l'OHRAS. A la date du 31 décembre 2015, le public accueilli compte 16 personnes, dont 3 nouvelles admissions (deux personnes sortant de l'ImPro et une personne orientée par le SAVS de Neuf-Brisach) et 5 sorties (une personne orientée en EHPAD, une personne à domicile sans accompagnement et trois personnes orientées en FAS). Les absences sont essentiellement dues aux problèmes de santé de deux personnes accueillies (Pathologie invalidante et problèmes psychiatriques), ce qui révèle un fort taux de présence de l'ensemble des usagers au SAJ.

Le public accueilli est représenté de 31% de sexe féminin (majoritairement âgées de moins de 30 ans) et de 69% de sexe masculin (une tendance marquée vers la quarantaine puis vers la vingtaine d'années). Un mouvement de rajeunissement de la population accueillie a été constaté, puisqu'en l'espace de trois ans, elle est passée de 20% de personnes âgées entre 20 et 29 ans à 50%. Un peu plus de 60% des personnes accueillies sont sous mesure de protection juridique, et elles sont majoritairement célibataires et hébergées dans leur famille.

Le mode de transport pour se rendre au SAJ représente 70% en Transport collectif adapté et 30% en véhicule/marche à pied. Le Service dispose de deux minibus 9 places, dont l'un a été remplacé en fin 2015.

Les frais de transport (aller-retour vers la structure), les frais de restauration et d'animations externes spécifiques restent à la charge des personnes. Le Transport domicile/SAJ est d'une part, financé par la Communauté des Communes du Pays de Brisach (Subvention annuelle de fonctionnement) et d'autre part par les personnes utilisant ce mode de transport (3€/aller-retour). Les repas sont livrés en liaison chaude et froide. En 2015, 2650 repas ont été servis, avec un coût de 5,60€ par repas.

2.2.1 Axe qualitatif

La typologie des handicaps s'articule comme suit : 1/3 de personnes ayant des troubles psychiatriques, 1/3 des personnes en situation de déficience intellectuelle et le tiers restant comprenant divers handicaps (Troubles du spectre autistique, polyhandicap, déficiences

117

117

viscérale et motrice). Concernant les troubles associés, 50% des personnes sont en situation de déficience (motrice, viscérale, sensorielle) et 50% n'ont pas de handicap secondaire. 50 % des effectifs accueillis au SAJ sont également accompagnés dans le cadre du SAVS. Pour exemple, Monsieur C. est accueilli au SAJ dans l'objectif d'apprentissages de la gestion domestique et il est accompagné par les conseillères du SAVS dans le cadre d'une re-visitation et d'un renforcement de sa protection juridique.

2.3 Fonctionnement et organisation

2.3.1. Nature et modalités d'admission et d'accueil

Les modalités d'accueil sont définies dans le Projet Personnalisé de la personne. Elles nécessitent flexibilité et adaptabilité pour rester en phase avec l'évolution de chaque projet.

L'admission définitive au SAJ de la personne en situation de handicap est prononcée par le Directeur Général après décision de la CDAPH106. Si le premier entretien (en présence de la personne accompagnée du représentant légal et de la personne de son choix, ainsi que du Chef de Service et de la coordinatrice du SAJ) est positif, la personne peut effectuer un stage de découverte lui permettant de découvrir et de participer à la vie quotidienne du SAJ, et permettant également à l'équipe éducative d'évaluer la pertinence de l'accueil de la personne. En cas d'accord réciproque, un entretien d'admission avec la personne constituera l'élaboration de son dossier. C'est alors que son admission fera l'objet d'une première période d'adaptation (1 mois), au cours de laquelle les deux parties restent libres de mettre fin à leurs engagements réciproques), suivi - si l'admission est concluante- de l'élaboration du Contrat de séjour et du Projet Personnalisé.

Quant à la procédure de fin d'accueil, la fin ou l'interruption d'un accueil peut intervenir, en cas de :

106 Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes en situation de Handicap.

118

? Souhait d'arrêt de l'accueil par la personne.

? Absences répétées pour convenances personnelles (rendant caduc les termes du Contrat de séjour), manquements graves et répétés au règlement de fonctionnement.

? Demande de réorientation plus adaptée, par la personne, son représentant légal ou le SAJ (qui accompagne les démarches nécessaires à la nouvelle orientation).

2.3.1 Principes d'accueil et d'accompagnement

2.3.1.1 Le respect des droits et la protection des personnes

Reposant sur les valeurs portées par l'Association ainsi que sur celles qui ont inspiré le Législateur lors de la rédaction de la Charte des Droits et des Libertés des Personnes accueillies, l'un des principes d'accompagnement est établi sur la notion de respect des droits : Droits à l'information, droit de renonciation (à la poursuite de l'accueil au SAJ), protection, le respect de l'intimité et de la dignité, et le respect de la vie privée.

Les actions suivantes effectuées par les professionnels en poste au SAJ participent à la protection des personnes :

- La formation initiale de l'équipe encadrante.

- Les ressources théoriques et pratiques : Soutien de la psychologue, outils adaptés (Communication multimodale Makaton, fauteuil roulant, etc.).

o Un accompagnement de proximité (favorisant la prévention des risques de maltraitance, de débordements)

o Un accompagnement de sensibilisation (aux effets des conduites addictives, à l'importance de l'hygiène).

118

2.3.1.2 La qualité de vie et le quotidien du SAJ

119

D'après le Projet d'Etablissement, la promotion de la qualité de vie au SAJ constitue un facteur de bientraitance comme support pédagogique garantissant une plus grande efficacité du Service dans la réalisation de ses missions et dans l'évolution du degré d'autonomie de la personne. L'ensemble du fonctionnement du Service a été conçu sur ce principe favorisant une organisation du quotidien, telle que :

- La disponibilité auprès des personnes accueillies : accueil dès avant l'ouverture du Service pour celles qui se présenteraient avant 9h, présence éducative auprès de la personne restée après l'heure de fermeture, les temps de convivialité et d'échanges (réunions mensuelles et d'usagers, boîte à idées) corrélés à la disponibilité et de l'écoute active par l'équipe éducative.

- Les activités estivales (sorties, pique-niques, loisirs et activités culturelles) - L'intimité et le respect de la personne

- Une configuration de locaux intérieur et extérieur : adaptés et sécurisés. - Un service de transport peu coûteux et adapté.

Ouvert du lundi au vendredi de 9h à 16h, le Service accueille les personnes dès leur arrivée pour un temps de rencontre d'une demi-heure autour d'un temps convivial (café, lecture du journal, etc.). Les ateliers sont investis entre 9h30 et 12h, entrecoupés d'une courte pause.

Le repas est servi à midi par la maîtresse de maison, encadré par une éducatrice qui anticipe et accompagne un binôme (deux personnes accueillies) dès 11h30 (Préparation des tables et de l'entrée).

 

LUNDI MARDI MERCREDI JEUDI VENDREDI

9h-9h30 9h30-12h 12h-13h 13h-14h 14h-16h

119

Accueil, avec PAUSE (Café, jeux, etc.)

ATELIER (A 11h30: Services Repas et Table par deux personnes)

REPAS

PAUSE

ATELIER

120

120

Tableau n°23 : Tableau représentatif du programme quotidien au SAJ de Neuf-Brisach.

Le Service propose une palette d'activités, comprenant une quinzaine d'ateliers (Couture, Bozarts, bois, etc.) en interne et en externe (à l'instar de l'atelier Informatique ayant lieu en co-intervention avec et dans les locaux du Club Informatique de Biesheim, etc.), des sorties et divers partenariats (Collège de Volgelsheim, etc.). L'organisation des séances d'ateliers est planifiée en réunion d'équipe le mardi (16h-18h) et elle est proposée à l'ensemble des personnes chaque vendredi pour la semaine à venir.

2.3.2 L'ouverture sur l'environnement

Dans le Projet d'Etablissement, elle est définie par les relations partenariales, complémentaires et nécessaires au bon fonctionnement du Service. Celles-ci visent également les finalités d'inclusion sociale des personnes et de sensibilisation à certaines difficultés potentielles (accessibilité, financement). Les partenariats se définissent comme suit :

- De types institutionnels : MDPH, Conseil Départemental, Etablissements médico-sociaux, association Parents et Amis, etc.

- Dans le cadre de l'organisation du quotidien : Traiteur, fromager et boulanger de la ville, autres commerces, le propriétaire du SAJ.

- Dans le cadre des activités : Médiathèque de Biesheim, association « Quatre pattes pour un sourire », etc.

- Dans le cadre de la prise en charge individuelle des personnes : SAVS, Médecins

généralistes et spécialistes, Im Pro, ESAT, APAMAD107 Section Handicap, etc.

2.3.3 Les professionnels et compétences mobilisées

107 Association Pour l'Accompagnement et le Maintien A Domicile.

121

121

L'Association a opté pour une adhésion à la Convention Collective Nationale de Travail des Etablissements et Services pour Personnes Inadaptées et Handicapées du 15 mars 1966 (CCNT 66) pour ce qui concerne la gestion de son personnel. Le recrutement se fait sur la base d'un profil qui s'inscrit selon les exigences du Cahier des Charges du Service rédigé par le Conseil Départemental du Haut-Rhin. Les personnes sont embauchées en fonction de leur diplôme initial, de leurs compétences reconnues et de leur expérience, et sur les critères de motivation, de polyvalence et d'adaptabilité. Chaque membre du personnel exerce sa fonction dans le cadre de la fiche de poste susceptible d'évoluer dans le temps.

FONCTION Type de CONTRAT EQTP

Directeur Général CDI 0.25

Chef de Service CDI 0.50

Educatrice spécialisée CDI 1

Monitrice-éducatrice CDI 1

Auxiliaire de vie CDI 1

Auxiliaire de vie CDI 0.50

Agent administratif CDI 0.40

Psychologue clinicienne CDI 0.11

Agent de service polyvalent CDI 0.57

Tableau n°24 : Tableau représentatif des fonctions, types de contrats et équivalents en temps plein des professionnels salariés au SAJ.

122

122

Suite à l'accord du Service Tarification du Conseil Départemental datant du 17 avril 2015, le Service a procédé à l'embauche à mi-temps d'un Agent de Service Polyvalent chargé de la cuisine, du temps de repas et de l'entretien des locaux (Octobre 2015), et il a également pu acquérir un minibus. Toutefois, la demande de création d'un temps supplémentaire de 0,02 ETP du poste de psychologue (soit 2 heures par mois) par le Chef de Service, n'a pas été retenue. En 2015, quatre actions de formation ont été menées pour dix membres du personnel : Sauveteur-Secouriste du Travail (SST), AFNOR108 « Bonnes pratiques d'hygiène en cuisine relais », Réduction du stress par la pleine conscience, Promouvoir la bientraitance.

Depuis fin 2014, la psychologue clinicienne du Service anime des séances d'analyse des pratiques avec l'équipe éducative à raison de 2h/mois. Elles ont pour objectif l'amélioration de la qualité du Service et de l'accompagnement des personnes, la conciliation de la prise en charge individuelle et collective et la prévention des faits de maltraitance.

Selon le Projet d'établissement, la dynamique du travail d'équipe constitue le support majeur garantissant la bonne exécution des missions confiées par l'Association. Hormis les temps de présence auprès des personnes accueillies, l'organisation du travail prévoit des temps de réflexion et de rédaction nécessaires au bon fonctionnement du Service (Projet personnalisé, projet, réunion de synthèse) et des entretiens individuels avec les personnes accueillies.

Les réunions hebdomadaires comprennent une réunion de service (mardi de 16h-18h : information institutionnelle, planning, organisation, point de situation des personnes accueillies, etc.) et une réunion de synthèse (mercredi de 16h-18h : Synthèse et conception du Projet Personnalisé, réalisée par le référent et réfléchie en équipe éducative) avec la psychologue du Service. Une réunion hebdomadaire (les lundis matin) a également lieu entre la coordinatrice et le Chef de Service, pour traiter des affaires courantes nécessitant un positionnement du Chef de Service et permettant à la coordinatrice de transmettre les

108 Association Française de NORmalisation.

Fonction

Chef de Service

Equipe éducative

Psychologue clinicienne

123

informations et prises de décisions à l'équipe éducative, qui appliquera les éventuelles décisions.

123

Missions

- Le promoteur d'une relation éducative adaptée au cadre

institutionnel et au projet de service.

- Le garant de la cohérence des activités en fonction des moyens

alloués.

- La gestion du fonctionnement quotidien du Service (Accueil

des personnes, repas, départ)

- L'accueil et l'accompagnement éducatif des personnes

accueillies.

- L'élaboration, la mise en oeuvre et le suivi des projets

personnalisés des personnes.

- La conception et la réalisation d'activités, d'ateliers ou de

sorties à vocation éducative.

- Proposer un suivi psychologique aux personnes accueillies, à

travers des entretiens individuels ou en présence d'un tiers (éducatrice, parents, etc.).

- Adopter un regard clinique sur leur situation ou leurs

comportements, à l'occasion d'une réunion d'équipe ou de synthèse.

124

124

- Assurer une fonction de tiers « ressource » à l'équipe d'encadrement, à travers une approche théorique des pathologies et problématiques rencontrées.

Tableau n° 25 : Tableau représentatif des fonctions d'encadrement et d'éducation en lien avec leurs missions.

 

Date

d'arrivée,
EQTP109,

Qualifications,
parcours

Fonction en
poste

Fonction
supplémentaire

Mr J.F.

03/09/2013
1 EQTP

Educateur spécialisé.
VAE Chef de Service
(Caferuis)

Chef de Service

Chef de Service à

0.50 EQTP au
SAVS110

Mme S.

L.

28/01/2008
1 EQTP

Formation de Moniteur-
éducateur. VAE Educateur
spécialisé (2011)

Educateur spécialisé

Coordinatrice, suivi des stagiaires

Mme G.

I.

09/01/2013
1 EQTP

Moniteur-éducateur. Réflexion en cours pour une VAE d'éducateur spécialisé.

Moniteur-éducateur

Responsable de la
thématique :
Autisme (CRA111)
et Bientraitance.

Mme C.S.

01/10/2008

0.5 EQTP (jusqu'à 2012) puis 1 EQTP

Aide à la Vie Sociale.
Inscrite au Plan de
formation du Service pour
le diplôme de moniteur-
éducateur.

AMP (ME depuis 01/01/16)

Accompagnatrice des personnes

109 EQTP : Equivalent Temps Plein.

110 Service d'Accompagnement à la Vie Sociale.

111 Centre de Ressource Autisme.

125

125

 
 
 
 

élues au CVS112, référente de l'outil Makaton113

Mme S.

15/10/2012

Aide à la Vie Sociale.

AMP

Chauffeur

P.

0.50 EQTP

Réflexion en cours pour

 

(Transport des

 

(Educatif) et

une VAE du diplôme de

 

personnes au SAJ:

 

0.40 EQTP

moniteur-éducateur.

 

arrivée et départ)

 

(Transport)

 
 
 

Tableau n°26 : Identité professionnelle du Chef de Service et des membres de l'équipe éducative à la date du 31/12/2015.

Dans le cadre de nos investigations au SAJ, nous nous intéressons spécifiquement au référentiel de compétences de la profession de moniteur-éducateur (étant donné que Mesdames S. et G. ont toutes deux bénéficié de cette formation), afin d'interroger les finalités éducatives de l'accompagnement enseignées. Il ne nous a pas semblé utile de procéder au même type d'investigations pour ce qui concerne le Chef de Service, puisqu'il a bénéficié d'une VAE dans le cadre d'un CAFERIUS114 ainsi que d'une longue expérience de la fonction de Chef de Service (il y a plus d'une quinzaine d'années) après avoir effectué la formation d'éducateur spécialisé. Selon l'Arrêté du 20 juin 2007 relatif au diplôme d'Etat de moniteur-éducateur, cette formation de 950 heures d'enseignement théorique (et de 980 heures de formation pratique) se répartit en quatre domaines de formation :

112 Conseil de la Vie Sociale

113 Première professionnelle du Service, à avoir bénéficié d'une formation à l'outil de communication multimodal Makaton.

114 Validation Des Acquis et de l'Expérience. Certificat d'Aptitude aux Fonctions d'Encadrement et de responsable d'Unité d'Intervention Sociale.

126

DOMAINE de compétences

n°1 Accompagnement social et éducatif spécialisé

n°2 Participation à l'élaboration et à la conduite du

Projet éducatif spécialisé

n°3 Travail en équipe pluri professionnelle.

n°4 Implication dans les dynamiques institutionnelles.

DOMAINE de formation

126

Tableau n°27 : Domaines de compétences relatifs à la formation de moniteur-éducateur.

Afin de vérifier les finalités éducatives en présence dans la pratique d'accompagnement exigée aux moniteur-éducateurs, dans un premier temps, nous analyserons partiellement la présentation du métier de moniteur-éducateur, et en second lieu, le domaine de compétences qui nous intéresse plus particulièrement, le DOMAINE de compétences n°1.

Dans la fiche suivante, la première phrase identifie l'intervention du moniteur-éducateur avec les finalités suivantes : « le développement de leurs capacités de socialisation, d'autonomie, d'intégration et d'insertion, en fonction de leur histoire et de leurs possibilités psychologiques, physiologiques, affectives, cognitives, sociales et culturelles ».

Il est intéressant d'observer que le professionnel est en charge d'amener la personne à développer son potentiel, notion qui est corrélée à trois reprises sur quatre avec des aspects citoyens (socialisation, intégration, insertion) dans la même phrase ainsi que dans les chapitres suivants.

Les finalités individuelles sont répertoriées à trois autres reprises (hormis la notion de « développement » en introduction) par les termes : Acteurs de leur développement, adaptés aux projets personnalisés, Préserver leur autonomie.

Si l'on prend en compte ces indications, les finalités éducatives identifiées semblent davantage prôner des finalités sociales. Nous observons toutefois qu'il n'est pas question de savoir, de

127

127

savoir-faire ou de savoir-être en lien avec les compétences des personnes accompagnées, ce qui ne signifie toutefois pas que les enseignements théoriques et/ou pratiques ne les dispensent

pas...

128

128

Tableau n° 28 : Définitions de la profession de moniteur-éducateur et contexte de l'intervention. (Sources :

129

129

https://www.legifrance.gouv.fr)

Dans le Domaine de compétences 1 « L'accompagnement social et éducatif spécialisé », quatre axes sont dégagés en termes de savoirs (Cf. ANNEXES 4) :

1 Instaurer la relation

2 Aider à la construction de l'identité et au développement des capacités

3 Assurer une fonction de repère et d'étayage dans une démarche éthique

4 Animer la vie quotidienne au sein de l'établissement ou du service

Tableau n°29 : Tableau identifiant les quatre axes relatifs au Domaine de compétences 1 : « L'accompagnement social et éducatif spécialisé » de la profession de moniteur-éducateur.

L'axe « Aider à la construction de l'identité et au développement des capacités » comporte cinq compétences (sous la forme de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être), en termes d'observation, d'interrogation et de mise en oeuvre et en lien avec l'individualité de la personne (potentialités, handicap, obstacles, l'expression et la communication). Les compétences citées sont identifiées par des verbes d'action, qui relèvent non seulement de l'état actuel de la personne en situation de handicap (repérage, respect, interroger, etc.) mais aussi d'une dynamique visant un but (mobiliser, proposer, mettre en oeuvre, favoriser). Ce dernier indique le caractère progressif de l'accompagnement en lien avec le « Moi », l'individualité de la personne (potentialités, la progression, le respect de ses droits et ses aspirations, l'expression et la communication).

Nous y observons ainsi que, d'une part, les finalités visées considèrent des savoirs, savoir- faire et savoir-être, sous forme de compétences qui seront évaluées et s'inscrivent ainsi dans un cadre normatif (« Moi social »), et d'autre part, les moniteur-éducateurs semblent bénéficier d'enseignements visant les finalités éducatives de l'accompagnement au « Moi », avec tout de même une incertitude au vu de la présentation initiale de la profession et du domaine

130

130

d'intervention. Dans l'état, nous ne distinguons pas de modélisation, ni de cadre d'apprentissage visant cette finalité. In fine, il semble complexe de conclure à une tendance à l'enseignement d'une des deux finalités éducatives en matière de formation des moniteur-éducateurs. Pour ce faire, il serait plus judicieux d'investiguer auprès de chaque formateur...

2.4 La personnalisation de l'accompagnement

2.4.1 Professionnels-usagers

2.4.1.1 Une pédagogie de l'accompagnement

Cette notion itérative de « personnalisation de l'accompagnement » tout au long du Projet d'établissement révèle l'importance de la personne au centre des pratiques professionnelles dans cette structure. Elle y est énoncée dans plusieurs champs d'action : lors de la phase d'accueil de la personne, dans le cadre de son projet personnalisé, dans sa participation individuelle et collective. La mise en oeuvre du projet personnalisé est formalisée par la volonté des professionnels d'encourager d'une part, la participation et l'implication de la personne au moyen d'outils adaptés (supports tels que l'outil de communication multimodale Makaton, entretien semi-directif, mimes) et d'autre part, la nomination d'une personne référente, interlocutrice privilégiée favorisant la cohérence du parcours et de son accompagnement.

Le Projet d'établissement souligne le caractère adaptatif de la prise en charge en fonction du handicap, des besoins et des attentes des personnes. Les actions de l'équipe éducative se définissent comme suit :

- Personnalise la fréquentation du Service. Les accueils à temps plein ou séquentiel sont autorisés.

- Se rencontre régulièrement, en présence de la psychologue clinicienne pour faire un point quant à la situation de la personne et procède, le cas échéant, à des réajustements.

- Met en place un soutien personnalisé et des entretiens individuels.

- Procède à des rappels réguliers, tient un discours plus spécifique, avec la personne concernée par le projet, en fonction de la situation.

131

131

- Met en place des ateliers spécifiques en fonction du Projet personnalisé. Propose des stages adaptés à l'extérieur.

- Fait appel à des partenaires ou à des tiers en cas de besoin.

- Aide la personne à se comprendre, à se regarder, à prendre conscience de sa situation.

- Adapte la façon d'échanger avec la personne (utilisation du dialecte, de gestes)

- Adapte des demandes qui sont différentes en fonction des personnes.

- Aborde les sujets sensibles et difficiles à aborder par les personnes.

- Met en place un matériel adapté en fonction des handicaps et des difficultés de la personne (assiette creuse, déambulateur, set de table de couleur, porte-manteau adapté, etc.).

Le Projet d'établissement identifie également le caractère participatif (individuel et au sein du collectif) et le détaille à travers une diversité de verbes d'action corrélés à la personne accueillie au SAJ. Le fait que la question de la participation individuelle et collective soit valorisée, impulsée et recherchée est un indicateur positif en faveur de l'accompagnement des personnes accueillies.

 

Objectifs

Pratique éducative

Finalité de l'action : La personne

Pré-accueil

Libre-choix de l'accueil

Sollicitation

S'exprime, fait part de ses attentes et de son projet.

Projet

Personnalisé

Elaboration du Projet

Personnalisé

Accueil de la personne

S'entretient avec sa référente et en cas de besoin, avec le Chef de Service.

Participation au quotidien

 

1. Avant la sollicitation :
Evaluation des potentiels.

 

132

132

 

Participation

2. Proposition de

Participe et la mobilise à

 

individuelle quotidienne

participation : Capacités et habitudes de vie prises en compte, encouragement.

l'accueil du matin, au repas, aux activités.

 
 

3. Au quotidien : suscite leur intérêt, accompagne la personne pour qu'elle soit force de proposition.

Est plus ou moins réceptive. Certaines proposent une activité ou un moment festif.

 
 

4. Organisation d'activités : encouragement à la participation.

Participation aux activités.

 

Participation

Implication de

Accompagner les personnes à

Préparer l'ordre du jour.

collective

la personne lors

concrétiser la réunion

Une personne anime la

 

de la réunion

mensuelle :

réunion.

 

mensuelle

-Organiser la rencontre. -Compléter l'ordre du jour avec la personne.

Une personne est secrétaire et fait le compte-rendu, avec le soutien d'une éducatrice.

 
 

-Aider à réaliser le compte- rendu avec la personne.

Une personne élue titulaire et une personne élue suppléant

 
 
 

au CVS.

 

Implication au

Accompagnement aux

Propositions de toutes les

 

Conseil à la Vie Sociale (CVS)

élections.

personnes d'inscrire des points à l'ordre du jour.

 
 
 

Les personnes élues au CVS font un retour aux autres personnes.

 
 

Soutien des deux personnes élues au CVS.

Participer collectivement au CVS.

133

133

 
 

Sollicitation des personnes, en
cas de changement ayant trait
à la configuration du Service.

 

Tableau n° 30 : Tableau représentatif des objectifs des champs d'action corrélés à la pratique éducative et aux finalités visées pour les personnes accueillies.

Dans cette conciliation entre accompagnement individuel et collectif 115 a été émise une volonté de promotion de l'autonomie individuelle des personnes :

- Les ateliers ont été construits à partir de plusieurs projets personnalisés, avec une diversité d'activités.

- Le rythme du Service a été adapté à chaque personne, afin de ne pas la mettre en difficulté et de lui proposer des rythmes qu'elle ne peut pas tenir et de la fatigabilité, dès lors que cela est possible pour l'encadrement.

- L'objectif des activités proposées est de favoriser la réalisation des projets de toutes les personnes accueillies, l'équipe s'employant à la compréhension et à l'explication des différences de prises en charge aux personnes.

De ce fait, alors que l'organisation de l'action éducative prenait progressivement forme, les éducatrices ont souhaité élaborer empiriquement un diagnostic en termes d'évaluation des besoins et des souhaits des personnes accueillies, dans l'idée d'y répondre à travers des activités spécifiques. C'est ainsi qu'ont été créés de nombreux ateliers éducatifs variés, également en lien avec les aspirations et idées des éducatrices.

Cette analyse des besoins s'est révélée gagnante et a progressivement participé à la satisfaction et à la progression des personnes accueillies. Le Service a souhaité proposer un fonctionnement

115 Identifié dans le Projet d'établissement.

134

134

flexible et dynamique, impulsant non seulement le libre-choix des personnes et l'interchangeabilité des séances d'ateliers (qui favorisent la diversité hebdomadaire, l'initiative et l'innovation), mais également l'adaptation aux événements ponctuels.

Aussi, lors des réunions du mardi, l'équipe éducative organise ensemble le planning des ateliers de la semaine suivante. Les informations relatives à l'organisation du planning hebdomadaire sont ensuite relayées le vendredi (de la même semaine) sous forme de pictogrammes sur le tableau ci-contre par une personne accueillie et avec le soutien d'une éducatrice.

Image n°34 : Tableau d'affichage hebdomadaire identifiant les personnes en fonction de leurs activités, de leurs services et des jours de la semaine.

Ce fonctionnement souple et dynamique permet à une personne accueillie dans un atelier les deux premières semaines et qui a finalisé sa création (en milieu de matinée) lors de la troisième semaine, de changer d'atelier dans la même matinée. Par ailleurs, de par la diversité de ses activités, il suscite et encourage la motivation des personnes, ce qui peut éventuellement expliquer le faible taux d'absentéisme des personnes accueillies au SAJ. Il est également à noter que cette configuration est adaptée à la problématique de deux personnes accueillies, dont le

135

135

projet personnalisé propose un rythme ajusté et une faible participation aux activités. (Repos et détente en salle Télévision).

2.4.1.2 Une pédagogie du Projet

Nous évoquions le fait que la pédagogie du projet autour des ateliers impulsée par Monsieur Jenny a été relevée positivement lors de l'évaluation externe. Cette consolidation méthodologique du programme a été poursuivie dans le but d'une meilleure lisibilité et d'une optimisation de l'évaluation de la progression des personnes accueillies. Dans le cadre des ateliers et avec la participation de l'équipe éducative, Monsieur Jenny a proposé cette approche pédagogique donnant une finalité aux apprentissages acquis ou à acquérir, qui détermine des résultats tangibles à obtenir et des échéances à respecter. Elle implique la participation active de tous les acteurs concernés par le projet, qui s'accordent collégialement sur les modalités de sa mise en oeuvre, et elle préconise également la prise d'initiatives et d'autonomie.

Les objectifs du programme des ateliers se déclinent en trois catégories d'objectifs. Les premiers objectifs généraux se réfèrent au Référentiel du Conseil Départemental du Haut-Rhin définis plus haut dans la partie 1.1.2. (Missions du Service). S'ensuit la catégorie des objectifs transversaux, qui détermine les objectifs visés dans l'ensemble des ateliers, à savoir :

? Evaluer les degrés de compétences et d'autonomie ainsi que les marges de progressions auprès des personnes accueillies,

? Favoriser leurs relations et interactions

? Stimuler leurs fonctions cognitives

La dernière catégorie est axée sur les objectifs opérationnels, traduits concrètement au niveau de l'organisation et des résultats attendus pour répondre aux objectifs généraux. Ceux-ci sont spécifiés selon chaque atelier et développés à partir d'une trame « Projet » proposant 7 items : L'analyse des besoins, les objectifs opérationnels de l'atelier, la mise en oeuvre pratique de l'atelier, les personnes accueillies, les moyens humains et matériels, les partenariats envisagés et les modalités d'évaluation (quantitative et qualitative). Les objectifs opérationnels ont été élaborés avec les finalités suivantes :

136

136

- La pérennisation (l'atelier étant élaboré à long terme),

- La transférabilité (à d'autres contextes de vie des personnes en situation de handicap) - Son caractère pratique (mesurable).

Ils feront l'objet d'évaluation dans les bilans de projets d'ateliers en fin d'année et serviront à évaluer les objectifs personnalisés des personnes accueillies (Projet Personnalisé). C'est à ce stade que j'ai été investie de fonction-ressource auprès de chaque membre de l'équipe éducative pour identifier deux à trois objectifs opérationnels propres à chaque atelier : Médiathèque, Bois, Bouge Ton Corps, Bozarts, Calcul-écriture, Cuisine-Services, Culinaire, De fil en aiguille, Heure qui tourne, Hygiène-santé, Intimité, Jardin, Le juste prix, Makaton, Makaton spectacle, Multimédias, Quatre pattes pour un sourire, Sociabilus. (Annexe 2116).

Le premier schéma « Vie pratique » (Annexe 2) donne une idée des objectifs opérationnels proposés dans cinq ateliers (Cuisine-Service, Calcul-écriture, Heure qui tourne, Culinaire, Le juste prix) reliés à un même thème : « Vie pratique ». La fiche « Projet d'atelier » (Annexe 3) représente l'un des projets d'atelier, dont les objectifs opérationnels ont été récemment élaborés par une éducatrice en charge de l'atelier Culinaire.

Il est à noter que ces finalités éducatives (Objectifs opérationnels de chaque atelier) ont fait l'objet d'un travail collaboratif entre ma fonction-ressource (demandée par le Chef de Service) et chaque éducatrice responsable de l'atelier, et à ce stade, elles n'ont pas encore été toutes validées par le Chef de Service. La finalisation de ces projets d'ateliers est encore en cours. Dans notre partie conceptuelle relative à l'accompagnement, nous interrogerons la nature des finalités visées : Correspondent-elles à celles de l'accompagnement au « Moi » ou à celles du « Moi social » ?

116 Annexe 2 : Schématisation des objectifs opérationnels en fonction des ateliers.

137

137

De fait, ce modèle pédagogique sert non seulement de support méthodologique au travail d'accompagnement des personnes accueillies, mais aussi de fil conducteur mémoriel pour une meilleure optimisation des activités et pratiques professionnelles. Par conséquent, il induit une précision de l'évaluation des compétences et du degré d'autonomie des personnes ainsi que les finalités éducatives visées. J'ai observé plusieurs caractéristiques inhérentes aux pratiques professionnelles des éducatrices responsables d'atelier : le réalisme face aux divers degrés de compétences et d'autonomie des personnes, l'adéquation et l'adaptation des méthodes, la constance et la finesse des moyens en lien avec les finalités éducatives. Celles-ci sont coordonnées à une approche éthique et valorisante. Sur l'ensemble du stage, j'ai été régulièrement stupéfaite de l'ambiance détendue constatée sur l'ensemble des groupes d'ateliers : les personnes étaient « agréablement » attablées et affairées à leur occupation, et elles semblaient satisfaites et contentes d'y participer. Les notions de rendement et de performance semblaient également inexistantes. Force a été de constater des résultats tangibles positifs en termes de progression dans des compétences jusque-là faibles, à l'exemple de la mise de table, du déchiffrage basique de l'heure, etc. Lors de ce stage, mes observations ont relevé un ensemble d'indices qui me semblent correspondre davantage à l'accompagnement au « Moi » qu'au « Moi social », vues les différentes pratiques professionnelles centrées autour de la personne, d'ordre éthique et éducatif (visant des compétences à développer pour soi-même et à pouvoir transférer dans un autre contexte). Notre enquête se proposera de déterminer la compréhension du « Moi social » et du « Moi » dans les pratiques professionnelles au sein du SAJ, en lien avec leurs modélisations.

2.4.2 Chef de service-professionnels

La question de la personnalisation de l'accompagnement est également corroborée à la fonction du Chef de Service en poste envers les professionnels. Les observations suivantes ont suscité ma réflexion :

1. Sa disponibilité auprès des professionnels socio-éducatifs (et de stagiaire), à travers des rencontres régulières ou spontanées (temps de réunions de service et des synthèses, entretiens et points de situation, soutien de proximité, etc.).

138

138

2. Sa posture éthique, non seulement observée de façon empirique mais également théorique dans le cadre de l'élaboration du Projet d'établissement dont on observe la récurrence des références éthiques. A ce titre est mentionnée une partie « Lutte contre la maltraitance et la promotion de la Bientraitance » faisant lien avec la mission du Chef de Service, qui est de promouvoir cette recommandation de l'ANESM par diverses actions (plaçant la personne accueillie au centre de l'accompagnement mais également garant d'une position institutionnelle à l'égard des professionnels) :

- Dès son accueil, par la remise des documents en rapport à ses droits et la possibilité d'être sollicité en cas de difficulté d'accompagnement.

- Des outils adaptés assurant une prise en charge bienveillante, par le biais des synthèses, des recadrages, des points de situation et des réunions hebdomadaires.

- La fonction de tiers institutionnel du Chef de Service, garant et superviseur des informations et des actes professionnels.

- Les temps de rencontres entre le Chef de Service et ses collaborateurs favorisant les échanges et propositions de solutions adaptées, et prévenant les risques d'usure professionnelle, de maltraitance, etc.

- La présence des stagiaires, favorisant le questionnement des pratiques professionnelles.

Force a été de constater que la dimension éthique semble être l'un des fondements au coeur des pratiques professionnelles du Chef de Service au SAJ. L'approche respectueuse et valorisante entre usagers et professionnels semble aussi marquée transversalement, quels que soient les statuts, les fonctions et les formes de gestion et de prises en charge des personnes. J'ai pu l'observer lors des activités, dans la dimension relationnelle et éducative interpersonnelles, mais également au niveau hiérarchique entre professionnels lors de gestions de crises (recadrage, etc.).

3. L'accompagnement des professionnels en conciliation avec les fonctions inhérentes à son poste. Outre la fonction de gestionnaire, le Chef de Service a mis en oeuvre sa première fonction

139

139

en tant que manager, celle qui relève de la fonction politique et sociale (plutôt que celle de la gestion et du contrôle), dont le rôle est « d'emballer, c'est-à-dire d'entraîner avec lui d'autres acteurs dans un projet commun (...) et pour ce faire, (d') agir sur des ressorts psychosociaux et culturels qui s'avèrent extrinsèques à l'organisation elle-même. » (Loubat, 2014)117. Selon Haberey118, « le management des ressources humaines cherche à développer les ressources en présence et à les articuler de façon à générer des compétences individuelles et collectives qui puissent répondre aux besoins de l'organisation et à ses objectifs. » Dans cette optique, lorsqu'il a été question de réorganisation ou de changement de cap avec l'équipe éducative, j'ai observé des modalités d'intervention d'ordre démocratique ou participatif. Ni autocratique (dans lequel il décide et obtient ce qu'il veut), ni dans le laissez-faire (comme nous avons pu l'observer dans notre questionnement empirique où le responsable n'était pas dans une position hiérarchique et assumait plutôt une part administrative et coordinatrice entre acteurs), selon les situations, il semble tantôt solliciter et prendre en compte les opinions des collaborateurs, tout en décidant parfois des choix effectués tout en informant sur la décision, sa teneur et les raisons du choix (Démocratique), tantôt associer les membres de l'équipe éducative à la décision à prendre et les faire participer à son élaboration119(Participatif). Selon Monsieur Jenny, cette dernière forme de management est celle qu'il mobilise le plus souvent au sein de l'équipe, car elle permet à chacun de trouver du sens dans sa pratique professionnelle (selon ses valeurs, ses représentations, etc.), de construire une forme de cohésion autour d'un projet collectif, qui permet de développer une « culture organisationnelle », décrit comme « un modèle d'assomptions de base, qu'un groupe donné a découvert, inventé et développé... » (Schein, 1985)120. C'est cette pratique du manager valorisant les différences entre les membres du groupe

117 Loubat, J-R (2014). Penser le management en action sociale et médico-sociale. 2nde édition, Ed.Dunod.

118 Haberey V., Le management Lean, un régime efficace pour un nouvel élan ?, Mémoire de fin d'études Master 2 en Management des organisations sociales, 2015.

119 Selon les cours du Master de Management des organisations sociales, année 2014-2015. Université de Caen (FOAD).

120 In Haberey (Op.cit.).

140

140

et produisant la négociation, qui réduit la normativité (ibid.). Encore faut-il que le manager vise les finalités éducatives visant le « Moi » et non le « Moi social » des personnes (professionnels et usagers) dans les institutions sociales...

Mettant aussi en exergue ses compétences techniques et sa vision d'ensemble du champ d'opération, son champ d'action professionnel (organisation du travail et gestion des ressources humaines) s'est inscrit dans une recherche de conciliation entre le projet institutionnel, la négociation et l'animation entre acteurs (« styles personnels des uns et des autres », « créer des références communes », ibid.), à travers une méthodologie stimulante et réflexive des pratiques des professionnels. Cette conception du management développée par Loubat semble manifestement mobilisée chez le Chef de Service dans l'accompagnement des professionnels socio-éducatifs et leurs finalités individuelles. Il a su les inscrire dans une démarche de progression, à travers certaines fonctions et propositions spécifiques (coordinatrice, responsable/thèmes, VAE121, etc.).

J'ai eu l'occasion de découvrir le contenu des Entretiens Individuels Professionnels (annuels) des éducatrices et la qualité des temps de rencontre Chef de Service/éducatrice. Il est intéressant de relever qu'il a pris en compte la situation professionnelle et personnelle de chaque éducatrice, tout en suscitant l'émergence de leur prise de conscience à l'égard de leurs propres ressources et de leurs difficultés (compétences, potentiels, axes d'amélioration) dans une approche réflexive et valorisante. Cela montre qu'il a manifesté une posture éthique et un intérêt particulier à l'observation et l'écoute réflexive de son personnel, au cadre de confiance, à la recherche du développement des potentiels de chacune, etc. Dans cette réflexion empirique, j'ai observé la qualité de la relation du manager avec les personnes issues ou non du SAJ, comme un vecteur de bienveillance et d'humanitude favorisant une qualité de vie, qu'il prône d'ailleurs dans le Projet d'Etablissement. Cette qualité relationnelle (entre le Chef de Service et les

121 Validation des Acquis de l'Expérience

141

141

professionnels) est également entretenue de temps en temps lors de rencontres extérieures au SAJ dans un cadre plus informel (Dîner au restaurant).

Le manager en poste au SAJ de Neuf-Brisach semble correspondre aux caractéristiques identifiées par Loubat (ibid., p.121). Selon lui, un manager est un « coach » actuellement davantage considéré en regard de son efficacité que par son statut. Il s'agit d'un « entraîneur », d'un « homme de conseil et d'expérience » fournissant les outils, les méthodes, les techniques, d'un « animateur d'hommes », « exemplaire » qui motive et valorise..., auquel on exige une vue d'ensemble sur quatre champs d'opérations avec son équipe : La consultation, la négociation, la responsabilisation, la délégation. (Ibid., p.122). Sachant que les personnels accompagnants en question sont « centrés sur un objet-tiers (le projet), (...) en tension entre l'intersubjectivité au sens strict et une réelle visée d'aider au positionnement réflexif d'autrui. » (Paul, 2009), leur accompagnement par un tiers est nécessaire dans sa fonction productive d'un résultat mesurable et dans leur développement personnel (Samurçay & Rabardel, 2004). Paul (2009) souligne le fait que « l'accompagnement est caractérisé par un emboîtement des postures : celui qui accompagne doit nécessairement être accompagné. ». Selon elle, l'accompagnement du professionnel a vocation à se centrer sur les enjeux cognitifs vécus par les professionnels et non plus seulement sur tout ce qui se rapproche du projet en lien avec le champ socio-éducatif.

Au fil de ces investigations et en lien avec mes propres questionnements relatés dans la première partie empirique, j'ai souhaité comprendre non seulement les champs d'action, le profil et les fonctions du Chef de Service en poste au SAJ, mais également sa pratique d'accompagnement des professionnels socio-éducatifs, qui seront d'ailleurs corroborés ou infirmés dans notre enquête méthodologique. J'y ai observé diverses compétences, une posture éthique, un vecteur « moteur » (dans le fonctionnement et le développement de l'organisation), qui colorent le travail d'équipe, elle-même tinctoriale dans ses pratiques d'accompagnement des personnes. A ce titre, la personnalisation de la « politique » de l'accompagnement des professionnels et par-delà des usagers au SAJ de Neuf-Brisach impulsée par le Chef de Service semble viser des finalités éducatives vers leur individualité, leur Moi. Elle semble correspondre d'une part, à la

142

142

qualité de la relation favorisant un cadre de confiance et à une forme de soutien de proximité (Valorisation et encouragement vers le développement de compétences), et d'autre part, à différents types de postures (Une posture éthique, une posture hiérarchique visant son efficacité et non son statut, et une posture centrée sur le sujet et ses enjeux cognitifs, lors de responsabilisations ou délégations, et non sur le projet.).

2.5 Analyse de l'organisation selon Mintzberg

D'après le modèle d'analyse de Mintzberg, l'analyse de l'organisation du SAJ au niveau des fonctions professionnelles correspond au modèle d'organisation professionnelle.

Tableau n°31 : Schéma du modèle d'organisation professionnelle de Mintzberg.

En règle générale, une structure socio-éducative relève du modèle d'organisation professionnelle, de par son type bureaucratique et sa configuration investissant une petite

143

143

Technostructure, une ligne hiérarchique et une importante fonction de Support logistique assurant la coordination entre les membres de la base opérationnelle, le Centre Opérationnel.

Dans ce SAJ, le contexte problématique a nécessité l'impulsion et le dynamisme d'une fonction de type managériale qui semble avoir infléchi une nouvelle orientation vers les réelles missions inhérentes aux SAJ, faute de quoi l'organisation aurait encore probablement été empêtrée dans ses écueils.

L'analyse du modèle d'organisation professionnelle selon Mintzberg s'inscrit comme suit :

1. D'une dynamique associative essoufflée jadis forte de son Conseil d'Administration (investi à plus d'un titre), l'organe hiérarchique garant et promoteur des valeurs idéologiques concerne actuellement la fonction du Chef de Service, Monsieur Jenny. Quant au Sommet stratégique, il est aussi totalement assuré par la fonction du Chef de Service en place, par des fonctions de contrôle, de direction, de ressources et de gestions diverses. La fonction du Directeur, Monsieur Schneider, se caractérise par sa présence (lors de chaque nouvelle admission de personnes au SAJ) -et par l'animation du Conseil de Direction jusqu'au 1er octobre 2015 (Réunissant le Président, le vice-président, l'Attaché de Direction, le Chef de Service administratif financier, le Directeur de l'ESAT et le Chef de Service du SAJ et du SAVS).

2. Bien qu'à 0.50 ETP au SAJ, Monsieur Jenny assure également la Ligne hiérarchique, faisant fonction d'encadrement, intermédiaire entre le Sommet hiérarchique et le Centre opérationnel ainsi que celle de transmissions et d'applications des décisions (qui relèvent du Sommet stratégique).

3. La Technostructure est composée de personnes faisant fonction de standardisation, de planification, de méthodologique et de contrôle, dans le but du respect de la conformité aux règles et tâches exigées. Elle concerne les différents intervenants extérieurs (Sécurité -Plan de maîtrise sanitaire, accordant la Certification AFNOR -, les Evaluations interne et externe, la psychologue en GAP, etc.). Toutefois, à son arrivée dans un contexte de « no man's land », Monsieur Jenny a dû procéder rapidement à diverses restructurations (tant l'organisation était délétère) et il s'est enquis de compétences spécialisées extérieures, pour pouvoir poursuivre

144

144

l'accueil le plus élémentaire du SAJ. C'est à ce titre qu'il a dû s'auto-mandater d'une fonction de contrôle, pour pouvoir fabriquer du « tiers institutionnel » à travers l'élaboration du Manuel de procédures, du Règlement de Fonctionnement, de la rédaction du Projet de Service.

4. Le Support logistique est la composante de l'organisation (Agent administratif, agent de service, chauffeurs du minibus) qui s'occupe essentiellement de la logistique, des services techniques et de l'entretien de l'organisation. Celle-ci est également sous l'autorité de la Ligne hiérarchique, qui a dû réorganiser l'ensemble des services nécessaires à une organisation stable et optimale du Service.

5. Le Centre opérationnel est constitué de personnes qualifiées en rapport avec la mission du SAJ et en contact direct avec les usagers (Educatrice spécialisée, monitrice-éducatrice, auxiliaires de vie -dont l'une d'entre elles qui a fait l'objet d'une VAE moniteur-éducateur).

La fonction d'éducatrice spécialisée a été étoffée d'une fonction de coordination par la fonction hiérarchique (Monsieur Jenny), afin d'optimiser l'organisation des plannings des professionnels et des activités. Cette fonction afférente à Madame S. semble être un facteur d'efficacité dans le fonctionnement de la structure, car elle favorise non seulement la communication entre usagers-équipe éducative-Chef de Service et l'organisation complexe du quotidien, mais elle garantit aussi la mise en application des décisions hiérarchiques et induit, de fait, le bon déroulement des actions, la bonne cohérence du travail d'équipe, etc.

Depuis l'arrivée du nouveau Chef de Service, Monsieur Jenny, nous observons une forte implication et une diversité de ses fonctions dans l'organisation et dans la mobilisation des ressources matérielles et humaines, dont l'organisation technique et le modèle social ont impliqué plusieurs fonctions de management dans la structuration du temps et de l'espace, la répartition des ressources, la gestion des relations interpersonnelles, le soutien des acteurs de l'organisation et la projection de l'organisation dans l'avenir (fonctionnement et pérennisation).

Il a démontré un impact manifestement positif au sein de l'organisation, faisant preuve d'un re-dynamisme et de la promotion d'une culture de Service, d'une position et d'un contenant institutionnels - fortement manquants-. Pour étoffer le propos, un travailleur social au SAVS

145

145

de Neuf-Brisach (Monsieur Jenny y étant également le Chef de Service) déclarait que depuis l'arrivée de son Chef de Service de type coach (qui énonçait régulièrement le cadre d'intervention -légitimant les fonctions professionnelles à reléguer à une approche éthique-, et invoquait la « sécurité comme tiers » garant de leurs interventions socio-éducatives), ses pratiques professionnelles et son bien-être ont qualitativement progressé.

Ainsi, mobilisé dans un système « en reconstruction » dont les acteurs déstabilisés « restants » ont nécessairement eu besoin de retrouver confiance en leur hiérarchie, en l'organisation et en eux-mêmes, le leader en poste a su s'adapter et impulser une nouvelle dynamique progressive par des formes de management adaptatif et participatif, tel un « art de mobiliser des énergies en vue d'atteindre un objectif commun » (Loubat, 2014), les « énergies » étant les ressources propres au « Moi » des acteurs de la structure... Par ailleurs, l'ancien contexte et système pathologique ne semblent pas correspondre à un cadre social normatif, puisque, selon les retours des travailleurs sociaux, les acteurs travaillaient chacun selon leurs propres règles dans un système manifestement identifié par l'absence de cadres et de normes arbitraires.

Synthèse et problématique de recherche

Forts de nos questionnements empiriques et analytiques, il serait intéressant de procéder à une investigation auprès des professionnels en poste, d'une part, sur la compréhension du « Moi social » et du « Moi » dans leurs pratiques professionnelles, et d'autre part, sur l'opérationnalisation de leurs pratiques visant des finalités éducatives vers le « Moi » des personnes sont-elles opérationnalisées. Au final, nous avons synthétisé les éléments conjoints et nous souhaitons mener notre enquête auprès de deux types de publics :

y' Le public à besoins spécifiques (les accompagnés), y' Le public des professionnels (les accompagnants).

Par ailleurs, trois questions principales de recherche en émanent :

? Qu'est-ce que l'« accompagnement » ?

146

Partie III

Questionnements théoriques

? Conceptualisation

? Les finalités des pratiques d'accompagnement des lycéens en risques de décrochage, des adultes en situation de handicap et des professionnels qui les accompagnent, visent-ils l'éducation au « Moi social » ou au « Moi » ? Comment sont-elles opérationnelles dans l'accompagnement au « Moi » ? Et quelles sont les répercussions sur la résilience des personnes ?

147

147

PARTIE III :

QUESTIONNEMENTS THEORIQUES

3. Conceptualisation de l'accompagnement :

3.1 L'accompagnement

3.1.1 Un regard historique

Le terme « accompagnement » est apparu sous la forme latine «ac » (vers), « companio » ou « cum (avec), pains (pain) ». Evocation faisant référence au partage (du pain) avec le « compain » (ancien français, 11ème siècle) qui signifie « compagnon », celui qui accompagne ou le compagnon de voyage.

L'une des premières pratiques d'accompagnement a été toutefois découverte bien avant l'an 1200 sur des rouleaux de papyrus. Elle proviendrait de la pratique du compagnonnage apparue un millénaire avant Jésus-Christ lors de la construction du Temple de Jérusalem commanditée par le Roi Salomon, fils du Roi David, en signe de reconnaissance à Dieu pour la sagesse, la

148

148

prospérité et la paix. Le compagnonnage a vu le jour grâce à une étonnante « hiérarchie ouvrière 122» (De Castéra, 2002, p.7) soutenue par la coopération de milliers d'ouvriers du Roi de Tyr, Hiram.

En 1239 apparaît le vocable « contrat de pariage »123 signifiant accompagnement, dans lequel deux parties d'inégales puissances s'appropriaient une terre commune pour viser une parité. En 1606, le terme « accompaignement » est nommé par Jean Nico dans le sens d'« aller ensemble, être assidu envers, faire cortège ».

L'étymologie d'accompagnement accorda ainsi une terminologie temporelle (aller vers), relationnelle (se joindre à quelqu'un), partagée (Répartir, de manière équitable) et intentionnelle, sans compter la dimension temporelle et opérationnelle (pour aller où il va, en même temps que lui), selon Paul (2009, p.96).

Son vocable a suppléé les termes « prise en charge » et « aide » (qui désigne les notions de bénévolat, de caritatif, d'assistanat) de par sa terminologie (professionnelle, technique, visant l'autonomie de la personne, selon Paul, 2004124.

Vers la fin du XXème siècle, suite à la faillite des grands intégrateurs (famille, religion, école, travail, idéologie collectiviste) entre 1950 et 1970 évoqués par Paul (2004)125, l'accompagnement a été mis en oeuvre à travers des dispositifs de formations pour adultes (dans les années 1970), puis dans une visée de projets (individuels et non plus linéaires ou collectifs) une décennie plus tard.

122 Sainte bible, 1 Rois 9 : 15.

123 In Paul (n.d.), Trésor de la Langue Française, volume 12, p.999.

124 In Paul, M. (04/2004), Le concept d'accompagnement, Note de synthèse effectuée à partir de l'intervention de Maela Paul, R Bourgogne, Dijon.

125 Paul, M. (2004). L'accompagnement : Une posture professionnelle spécifique. Paris : L'Harmattan.

149

149

C'est dans les années 1990 face au développement de la responsabilité individuelle, de la crise généralisée des identités sociales et professionnelles et dans un monde qui ne se tient plus fermement selon l'expression de Paul (2009, p.103) que l'accompagnement est devenu « une offre qui permet d'encadrer les autonomies menacées, de les suivre, voire de les guider, dans leurs cheminements, quelque peu chaotiques. »126, si tant est que l'accompagnant a cette « capacité de se tenir soi-même » (op.cit.)

L'accompagnement a ainsi quitté l'approche traditionnelle, où l'individu se conformait aux autorités dont il dépendait (autorité parentale, autorité religieuse, etc.) vers une démarche intra et inter personnelle de l'individu.

Ce changement a induit des « situations de dialogue, d'interlocution, d'intersubjectivité » auprès d'individus (professionnels ou non) pour la recherche de critères de positionnement personnel, qui supposent une connaissance de soi et sa propre gouvernance (Olivier, 2008, p.103)127. A ce titre, la notion d'accompagnement tente d'être « un remède à la perte de cette tierce référence » et de « fédérer » (ibid).

En termes d'accompagnement professionnel, auparavant fondé sur le principe d'une relation dissymétrique entre les deux personnes, d'une approche experte de l'accompagnant (théorie-pratique, contenu du savoir, posture empathique), l'accompagnement professionnel se présente actuellement sous la forme d'une relation plus égalitaire, dans une posture réflexive (visant le processus) et basée sur les savoirs d'action (Paul, 2009). Ceux-ci sont centrés sur l'autonomisation de la personne par sa propre compréhension du sens des actions, avec une approche coopérative de l'accompagnant. (Op.cit., p.101)

Selon le même auteur, le recours à l'accompagnement professionnel « peut contribuer à opérer un tournant dans une vie et avoir des retombées au-delà de l'individu sur son environnement

126 Boutinet et al., in Gonnin-Bolo, A. (2010). Recherche et formation. L'accompagnement dans la formation. N°62. P.17. Collectif.

127 In Paul, M. (2009).

150

150

relationnel et social. », promouvant la responsabilisation de la personne (par l'articulation activité-réflexion) avec le risque toutefois d'exercer « le contrôle des subjectivités » (Blaevoet, 2004).

3.1.2 Généralités :

Pratique temporaire à caractère discontinu ou continu, généralisée à tout individu (ou groupe) quel que soit son âge et sa préoccupation, l'accompagnement se présente à tout moment de la vie, qu'il soit d'ordre explicite (dès la vie in-utero par l'accompagnement de la future maman, jusqu'à sa fin de vie lors de la cérémonie d'adieu, dispositif, etc.), ou implicite (rencontres ou situations fortuites).

Pour l'enfant, la parentalité est une forme d'accompagnement non pérenne, si tant est que les parents dépassent « la logique d'appropriation narcissique » (« Je t'aime parce que j'ai besoin de toi ») ou oedipienne (« J'ai besoin de toi parce que je t'aime ») de leur enfant, selon Coum (2008, p.12). Au moment où le jeune s'apprête à quitter le nid familial, il s'agit pour eux d'être capables de « couper le cordon sans couper les ponts (affectifs)» affirmait Bourguignon128, en raison du processus naturel d'individualisation « reconnaissant l'autonomie et l'indépendance de chacun, et plus particulièrement des enfants ». (Maunaye, 2001, p.44). L'accompagnement parental s'oppose donc à toute forme de possession de l'enfant, puisque ce dernier est destiné à devenir lui-même adulte, autonome et indépendant, qui accompagnera à son tour sa progéniture, et ainsi se perpétue naturellement le processus d'individualisation cyclique de chaque individu.

Enoncé que nous pouvons transposer dans le champ des sciences humaines (social, médical, éducatif, etc.) pour tout binôme accompagnant/accompagné, praticien/patient, professeur/apprenant, etc.

128 In Maunaye (2001), p.44.

151

151

Notion indicative de par son vaste champ ne relevant ni d'une science ni d'une théorie appliquée selon Paul (n.d.)129, l'accompagnement est relié à diverses pratiques différenciées (conseil, orientation, aide, formation, protection juridique, etc.) qui « peuvent s'acter sans accompagner », à différents dispositifs (placements éducatifs, de formation, de soins, etc.) et à des formes sémantiques (culinaire, musicale, militaire, touristique, etc.) désignant différentes notions de rajout, de soutien, de protection, de guide, etc. Culturellement parlant, la pratique d'accompagnement prend un caractère plus ou moins sacré selon l'environnement culturel dans lequel la personne évolue. En Islam, accompagner ses parents vieillissants en prenant soin d'eux représente un « honneur et une opportunité de croissance spirituelle ». Dans les pays africains subsahariens, le mourant est accompagné de manière festive par son groupe d'appartenance, dans le but de le divertir et de soulager le groupe émotionnellement. En Europe, on observe également des coutumes culturelles à caractères solidaires et coopératifs manifestant des formes tangibles d'accompagnement, notamment dans certains groupes sociaux originaires d'Europe de l'Est, d'Afrique, etc.

3.1.3 Les formes d'accompagnement

Ce faisant, il y a hétérogénéité des formes d'accompagnement actuellement. Ainsi, nous avons retenu dans notre étude les sept formes d'accompagnement plus courant dans la littérature scientifique. Celles-ci sont déclinées et définies comme suit :

3.1.3.1 Le counseling

Issu du latin consilium, le counseling évoque la notion de « résolution, plan, mesure, dessein, projet » associée aux « gestes et valeurs » qui les gouvernent. Associée au verbe « conseiller » signifiant « guider quelqu'un dans sa conduite » puis « indiquer quelque chose à quelqu'un »130, cette logique de counseling se rapproche de la méthodologie du projet avec les formes

129 In Paul, Ce qu'accompagner veut dire, Carriérologie, n.d.

130 Paul (n.d.), Ce qu'accompagner veut dire, Revue Francophone Internationale Carriérologie, In http://www.carrierologie.uqam.ca/volume09 1-2/07 paul/

152

152

consensuelles et cognitives qu'elle suppose. Parsons (1908) l'intègre dans sa pratique d' « orientation professionnelle » et elle sera reprise par Rogers dans les années 1970 avec l'idée d'une relation structurante et dynamique visant la progression, le développement de la personne. Il intègre le counseling à chaque étape du processus de la personne, avec l'idée de relation engagée, réciproque, liée et empreinte d'affects. Selon Paul (2002), le counseling est une pratique d'accompagnement de type « relation d'aide », caractérisée par la centration sur des personnes « normales », la prise en compote de leur développement à l'occasion d'une « situation-problème, la mobilisation de leurs ressources, l'intégration de l'interaction personne-environnement. »

3.1.3.2 Le sponsoring

Il renvoie à la notion « d'aide matérielle financière » accordée à titre individuel ou collectif par une entreprise « à des fins publicitaires ». Elle est aussi doublement reliée à l'idée de parrainage, du latin classique « sponsor » (signifiant répondant, caution) et du latin religieux « parrain d'un néophyte ». D'une part, être parrain ou sponsor implique un engagement réciproque et relationnel et d'autre part, projette vers l'avenir « avec un gage d'appartenance» (p.93).

Paul (2002) évoque le sponsoring comme un moyen de faciliter les relations entre les jeunes entrants dans la vie professionnelle, à travers le soutien du parrain.

3.1.3.3 Le mentoring

Selon Houde (1996) 2, il s'est développé suite au délitement social, pour soutenir les jeunes à entrer dans la vie adulte et à tisser des liens intergénérationnels, avec le concours des aînés. Autrefois raccordé au conseiller « sage et expérimenté » (Paul, 2009) puis à celui de « percepteur » d'un enfant ou d'un homme, ce type d'accompagnement relève de la « solidarité

153

153

intergénérationnelle » qui considère l'accompagnement estudiantin vers l'accomplissement professionnel et la compréhension des « valeurs professionnelles » du futur employeur. La mission de l'aîné soutient douze « fonctions » spécifiques : « accueillir, guider, enseigner, entraîner, répondre de, favoriser, être le modèle, présenter des défis, conseiller, donner du feed-back, soutenir, sécuriser. » (op.cit.) La relation s'installe dès le commencement, s'axe autour d'une réciprocité affective « et conditionne le modeling ». Les interactions liées à la dynamique de changement et de nouveauté approfondissent symétriquement la relation, et au final, l'objectif est l'autonomie de la personne. Paul (2002) définit la relation au centre du mentorat, par la réciprocité et la solidarité entre les générations, par « une attraction interpersonnelle » ainsi que sa temporalité (le temps d'une stage/formation).

3.1.3.4 Le compagnonnage

Comme nous l'évoquions, il prend sens dans le regroupement de corporations dans le but de transmettre les techniques, l'entraide et « une filiation de l'ordre du sacré » (op.cit.). Lieu de formation et de perfectionnement d'un métier manuel des futurs artisans, ce type d'accompagnement vise « l'appropriation d'un héritage » (Castéra, 1996) 2 à retransmettre à son tour. La relation entre l'accompagnement et l'accompagné, que Castéra nomme une « forme de pédagogie, s'inscrit dans le « cum » (avec). Les fonctions du compagnonnage s'articulent autour de l'initiation à la technique, à la pratique et à la morale, que Guèdes (1992)2 nomment « la main, l'esprit, le coeur ». Paul (2002, p.50) l'identifie comme d'une part, « une force exécutive, la puissance d'agir, l'oeuvre concrète et manifeste, de l'autre, la puissance d'aimer, de sentir et de comprendre, conjuguées par le travail comme service rendu aux hommes. » Selon Paul (2009), les valeurs du compagnonnage (l'apprentissage, la pratique, la transmission) et l'accompagnement sont significativement liées, d'une part par la pratique relationnelle de l'ancien avec (et non sur) l'apprenti dans un but de facilitation des apprentissages (Notion de « parole partagée » qui constitue « en visée éthique guidant l'action.»), et d'autre part, à travers les mécanismes d'appartenance (à «un être-avec » et à un « être-ensemble ») et d'entretien (« tenir, maintenir l'individu dans la vie sociale ».).

3.1.3.5 La médiation

154

154

Cette pratique, qui est également une forme d'accompagnement (hormis dans les situations litigieuses, s'interroge au niveau du tiers (Paul, 2002, p.50) et de la posture -et non de la pratique- (Le Bouëdec, 2001). Les études montent que depuis belle lurette, les sociétés ont toujours fonctionné avec des « figures de médiation » comme par exemple « la fonction d'Hermès entre les dieux et les hommes » dans la civilisation grecque (Paul, 2004 p. 43) ou la fonction de Jésus Christ en tant que médiateur entre Dieu et les hommes dans le christianisme131. L'institutionnalisation de la médiation a connu son essor en France en 1973 « avec la création des médiateurs de la république » (Ibid., p. 43). Riquez (2000) montre qu'à partir des années 90 « les fonctions médiatrices » affichent une meilleure visibilité dans les différents aspects de la vie sociale (op.cit.). Ainsi, il existe deux types de médiation :

? La médiation sociale qui consiste à intervenir dans différents litiges et résoudre des problèmes. Celle-ci vise le « vivre ensemble » par un processus de dialogue, d'écoute, de confrontation entre les individus d'un environnement afin de créer et restaurer des liens « grâce à la présence d'un tiers » (Paul, 2004 p. 44). Ce type de médiation s'applique dans différents systèmes comme : La famille, l'école, l'entreprise, la santé, la justice (Ibid., p.44).

? Puis, on retrouve la médiation éducative dont l'application repose sur les concepts de psychologie constructiviste développé par Piaget et Vygotsky (Ibid., p. 45). Sur le plan éducatif, celle-ci vise à transformer « un sujet passif de savoir en sujet acteur » (op.cit.). Ce type de médiation s'intéresse non seulement à l'interaction sociale mais aussi aux pratiques de remédiation cognitive, notamment celle de Feu Erstein (op.cit.). Le but de cette forme de médiation est de favoriser le développement de l'autonomie du sujet en situation d'apprentissage en tenant compte de sa personnalité psychique et cognitive. En clair, selon Feuerstein (1993) la médiation éducative a pour objectif « d'amener l'individu sujet passif et reproducteur à devenir actif et créateur, c'est-à-dire à changer son rapport par rapport au monde » (Paul, 2004 p. 46).

131 Sainte Bible, version Louis Segond. 1 Timothée 2 : 5.

155

155

3.1.3.6 Le tutorat

Il est issu du latin tueri, signifiant protéger, tel « un gardien, un défenseur ». Cette notion est doublement connotée dans le registre horticole comme fonction de soutien « de jeunes plantes ou arbre pendant les premiers temps de leur croissance » et dans le registre juridique comme fonction de tutelle, tel un veilleur gestionnaire de biens par un tiers d'une autre personne. Le tutorat comme fonction de maître d'apprentissage a été légiférée par la Loi du 24 février 1984 redéfinissant le rôle du tuteur comme « encadrant du stagiaire » (suite à l'essor des formations en alternance puis à distance). Il relève de l'apprentissage et se caractérise par un dispositif de formation et d'insertion professionnelle, en jonglant entre production et éducation. Selon Paul (op.cit., p.94), « c'est moins la relation entre un professionnel expérimenté et un novice en apprentissage qui permettra de saisir sa spécificité que le dispositif auquel il appartient. »

D'après les cours de formation132 validant la fonction de tuteur de proximité, tuteur référent et maître d'apprentissage, les objectifs de la formation visent l'appropriation de la fonction tumorale, le développement des compétences pour accueillir et intégrer un stagiaire ou un salarié au sein d'un collectif de travail, l'identification des besoins d'accompagnement, ainsi que la connaissance d'outils d'accompagnement aux savoirs, savoir-faire et savoir-être. Elle définit le tutorat dans le cadre historique du compagnonnage, et le tuteur comme aidant psychologique et pédagogique dans un mode horizontal de partenariat où la hiérarchisation diminue entre lui et le stagiaire. Les différentes pratiques d'accompagnement du tuteur envers le stagiaire comprennent la prise en compte du parcours et des besoins de formation du stagiaire, l'optimisation du cadre (expériences), la notion d'apprentissage réciproque, le laisser-faire suivi du réajustement, la nécessité d'un cadre de confiance et d'une posture bienveillante envers le stagiaire, etc. « Le guide pratique pour mieux agir » définit13 fiches pratiques progressives :

132 Tuteur de stage et maître d'apprentissage. Promotion 2014-2015. ESTES. Strasbourg.

·

156

156

L'analyse de la demande : Nature de l'accompagnement au tutorat (Type de formation, éléments du programme, connaissances ou compétences à acquérir,)

· La préparation de l'accueil du stagiaire : Conditions, objectifs, de stage, intérêts et objectifs personnels du stagiaire, mode d'organisation, ...

· Le plan d'action : Missions, activités à exercer, moyens, contraintes, etc.

· L'expérience du stagiaire et les compétences visées : A cette étape doivent être identifiés les connaissances (savoirs), les capacités pratiques (savoir-faire) et l'attitude et comportement au travail (savoir-être), déjà acquis et à acquérir, dans le cadre de la Formation en Centre de formation et dans l'entreprise.

· Le bilan périodique : De la 1ère phase d'accueil, de la place et des rôles investis dans l'équipe, intérêts et ou questions suscitées chez le stagiaire, observations.

· La détermination du parcours de formation : Sont notés les compétences à acquérir, en lien avec les situations professionnelles de formations correspondantes et le calendrier.

· La préparation d'une situation professionnelle de travail, indiquant les tâches à réaliser, les objectifs, informations, consignes et contrôles à effectuer.

· L'évaluation des compétences : Les tâches qui ont été réalisées, les difficultés rencontrées, les compétences maîtrisées et à développer.

· L'intégration professionnelle, faisant mention de la dimension :

-Individuelle : Maîtrise de soi, adaptabilité, disponibilité, etc.

-Sociale : Ponctualité, assiduité.

-Relationnelle : Sens de l'autre, écoute, amabilité, esprit d'équipe, etc. -Professionnelle : Application, initiative, respect des règles, etc.

· L'évaluation finale : Atteinte des objectifs fixés et justification des écarts, synthèse des compétences acquises et de la relation théorie/pratique, faits significatifs, commentaires du stagiaire et du tuteur de stage.

157

157

? La fiche de mission du tuteur/formateur de terrain, indiquant la mention « Mieux se connaître pour agir mieux et progresser » : Objectifs de la mission, activité, conditions d'exercice et observations.

? L'évaluation/audit de l'accompagnement tutorat, qui fait le bilan plus approfondi des phases antérieures.

Il est important de souligner également que depuis les années 90, le tutorat a évolué vers une forme rapprochant celle du « mentorat » dans le milieu scolaire en ayant pour objectif principal « d'accompagner l'immersion progressive de l'enseignant débutant dans un établissement scolaire » (Paul, 2004 p.36). Dans le cours « Personnalisation de l'accompagnement » (ibid.) de la formatrice, Madame B., la notion de personnalisation est définie comme l'adaptation au stagiaire (lui-même lié à son projet d'apprentissage) par le tuteur, le but étant de favoriser l'investissement de l'apprentissage du stagiaire « à sa façon ». Autrement dit, de « l'aider à faire ses choix, à forger la construction de sa propre autonomie et sa propre identité professionnelle », de « lui donner une ligne de conduite que lui s'approprie en fonction de ce qu'il est » tout en citant les schèmes de Piaget, l'Ennéagramme, l'apprentissage expérientiel, le Cycle de Kolb, ainsi que des « outils de personnalisation » (Cahier de liaison, la didactique professionnelle,). Cet objectif est confirmé dans le cours d'un formateur, Monsieur D.W., qui énonce la démarche pédagogique tutorale par la coresponsabilité et la coréalisation entre le stagiaire et le tuteur, avec le but d'en « faire un professionnel autonome ». Selon lui, deux éléments se révèlent essentiels à l'acquisition à cette autonomie :

? Les compétences, identifiées par le savoir (la connaissance), le savoir-faire (la pratique et le savoir-être (la communication, le relationnel, les attitudes), circonscrites dans un contexte, dans un temps donné. Un autre formateur, Monsieur G., rajoutait l'idée de « ressources personnelles », de « personnalité », pour développer ces compétences.

? Les capacités, citées comme des ressources acquises en tant que connaissances pratiques.

Dans ce cadre, le tutorat est une pratique d'accompagnement prônant un processus d'individualisation, conduisant toutefois vers des finalités didactiques (Savoir, savoir-faire,

158

savoir-être, évaluation, performance, etc.). In fine, lors d'un entretien réalisé avec le professeur Loïc Chalmel de l'Université de Haute-Alsace sur la question du tutorat, celui-ci s'exprima de la manière suivante :

« Déjà il y a une antériorité d'un terme sur l'autre. D'abord, le tutorat qui est une notion étrange pour l'éducation latine, car le tutorat trouve son origine dans le monde anglo-saxon, qui est très connoté d'un point de vue théologique. Puisqu'il y une parenté entre la direction de conscience et le tutorat. Dès l'apparition de la réforme, sous l'influence de l'église méthodiste qui est une manière d'acculturer au monde anglo-saxon et de l'église morave originaire de la république tchèque aujourd'hui, on a considéré l'importance d'aider l'individu d'être bien considéré, ce qu'on appelle la cure d'âme, un accompagnement qui a plus de la valeur. C'est un espace de parole et de construction qui se sont sécularisés et aujourd'hui, on appelle le tutorat mettant en scène la dualité d'un expert et un élève : guider l'élève pour lui éviter les pièges. Dans le tutorat, on a une relation asymétrique. Un tutorat est un guide et l'autre suit le guide. Et le tutorat est une manière de faire le relais entre différents espaces scolaires, familiaux, etc. Le tutorat est un créateur de pont, mais il y a un lien de dépendance entre le tutorat et l'élève. L'accompagnement est une histoire très ancienne également, mais ne présuppose pas l'existence d'un guide. L'étymologie dit « à côté». Il essaie de permettre à l'autre de poser à la fois son ressenti, ses expériences et il a essentiellement un rôle de miroir : de permettre à l'autre de marcher. L'accompagnement n'anticipe pas la marche de l'autre, mais il essaie de permettre à l'autre de prendre conscience des différents problèmes et de les résoudre par lui-même. La différence, c'est qu'on ne sort pas du tutorat. L'accompagnement est un espace temporaire. »

Ces affirmations démontrent que le tutorat se situe dans une approche didactique et dans un lien de dépendance entre l'enseignant et l'élève (ou l'éducateur et la personne accompagnée) et que l'accompagnement s'inscrit dans une relation pédagogique qui tient compte de l'individualité de la personne accompagnée.

158

3.1.3.7 Le coaching

159

159

Il trouve son origine dans l'étymologie du terme « cocher », le « conducteur d'un véhicule tiré par un ou plusieurs chevaux. », associant l'accompagnement à une notion dynamique (changement, déplacement) et il signifie également une personne qui accompagne un voyageur d'un point à un autre. La littérature nous montre que le coaching vit le jour aux Etats Unis dans le milieu sportif dans les années 50-60 (Oller, 2012). L'entraineur ou le coach à cette époque, avait pour mission d'aider le champion à développer des capacités et des performances sportives. Dans la relation existant entre le coach sportif et le champion, on prenait en compte non seulement la dimension physique (performance) mais aussi la dimension psycho affective (ibid. Oller). Il faudra rappeler également que les années 50-60 ont marqué la fin d'une société paternaliste, hétéronome, où la culpabilité, la transgression de l'interdit, les normes générant angoisse et anxiété faisaient partie intégrante de la construction identitaire de l'être humain (Guillemot & Vial, 2011, p. 3). La nouvelle société émergeante de cette période adoptera la postmodernité comme style de vie marqué par l'individualisme et l'autonomie. Dès lors, on parlera d'épanouissement personnel et de développement de soi inscrivant l'individu dans une démarche active impliquant la dimension motivationnelle et celle du projet (Ibid. Guillemot & Vial). En tout état de cause, le coaching qui fut jadis l'apanage du monde sportif instilla les entreprises dans les années 90 pour devenir aujourd'hui un mode de management ayant pour but « d'aider des salariés à atteindre des objectifs ou à trouver des solutions des solutions aux problèmes en fixant une trajectoire à suivre jusqu'au résultat » (Ibid. Guillemot & Vial, p. 9). Le coaching renvoie au modèle maïeutique et s'illustre aussi dans le champ sémantique sportif qui soutient « les principes d'entraînement justifié par un défi de changement » (Paul, 2009), de performance et de valorisation pour son propre développement potentiel (Queuniet, 2001). Il renvoie également à « l'apprentissage transformationnel » défini par Hargrove (Payette, 2002), souhaité par la personne (dans son contexte professionnel) pour un changement comportemental ou cognitif. A ce titre, le coaching s'illustre par une relation basée sur « la formation par modeling dans la mesure où ce qui a été vécu pourra être reproduit » (Lenhardt, 1993), au moyen d'une méthodologie par objectifs dans un processus d'entraînement individuel encouragé.

160

160

Ainsi, le coaching devient non seulement une forme d'accompagnement individualisé mais aussi une réponse à l'homme post-moderne. On doit souligner que le métier de « coach » hormis le secteur sportif n'est pas institutionnalisé comme la plupart des métiers puisque l'exercice du métier en lui-même ne nécessite pas l'obtention d'un diplôme particulier et n'est soumis à aucun contrôle pédagogique de l'Etat. Les « coachs privés » sont en général des professionnels travaillant à leur compte, issus du monde de l'entreprise et ayant occupé différents postes tels que manager, assistante de gestion, analyste financier, ingénieur en informatique, commerçant, responsable administratif, etc. On constate que bon nombre d'entre eux ont été formés par des instituts privés (Ibid., p. 5). Cependant, en Suisse, Belgique et Luxembourg il existe des formations universitaires au coaching dispensées par des départements des sciences de l'éducation (Ibid., p. 6).

Par ailleurs, on constate que la plupart des « coachs » sortant d'un cursus de formation privée utilisent des méthodes provenant de la psychologie comportementale comme l'Analyse transactionnelle, la PNL (Programmation NeuroLinguistique) et des techniques de gestion mentale (Oller, 2012). En effet, nous trouvons dans la littérature différents vocables faisant référence au métier du coaching comme : Formation, management, thérapie conseil, consultance, développement personnel, mentoring, tutorat, team building. Ainsi, il est important de souligner qu'il n'existe pas de référentiel de compétences type pour le métier du coaching. Ce qui caractérise le coaching des autres métiers d'accompagnement est bien ses fonctions et son rôle. Aujourd'hui, on retrouve la pratique du coaching dans le champ de l'accompagnement social, paramédical et scolaire. Le rôle principal du coach étant d'accompagner les personnes afin de contribuer à leur développement et épanouissement personnel, il vient en aide au coaché à sa demande dans une optique d'accompagnement visant des objectifs portant sur « un projet » (Ibid., p. 5). Les pratiques du coaching sont très liées au concept de projet. A cet effet, le coach ne transmet pas un savoir, il n'est ni un enseignant ni un expert.

Sa démarche ne consiste pas à donner une solution à un problème donné mais de permettre au « coaché » de problématiser sa situation personnelle afin de pouvoir se projeter (Ibid. Guillemot

161

161

& Vial, p. 1). Le coach a donc pour mission d'aider le « coaché » à corriger ses comportements et guider ses compétences pour une efficacité dans la résolution des problèmes. En effet, le coaching vise l'émancipation, le passage d'acteur à auteur par la maturation. Selon la société française de coaching, le coach n'a en aucun cas pour fonction de formater les individus mais plutôt de contribuer à leur développement de manière libre et consciente dans leurs choix en relation avec l'environnement (Ibid. Guillemot & Vial, p. 3). Enfin, le coaching n'a pas pour but de transmettre un savoir quelconque à l'individu mais de permettre à celui-ci de « signer ce qu'il vit de l'endosser avec son style, son rythme, son profil psychologique, ses problèmes et ses interrogations » (Le Bouëdec, Du Crest, Pasquier, Stahl, 2001, p.50).

Le coach

Le psychologue

N'est pas un expert en problèmes psychiques

Est un expert en psychopathologie

N'a pas pour vocation d'apaiser la souffrance psychique de la personne accompagnée

A pour vocation d'apaiser la souffrance psychique du patient

Aide à l'amélioration d'une situation par la responsabilisation

Etablit un diagnostic de la situation du patient en vue de lui proposer une solution

Donne les moyens

Propose ou prescrit des solutions

Apprend l'accompagné à se débrouiller

Indique une thérapie à suivre au patient

Incite l'accompagné à l'innovation personnelle, à la créativité

Accompagne le patient vers la guérison

Ecoute, accepte et ne juge pas

Ecoute et prescrit

Pousse l'accompagné vers une démarche d'action

Pousse le patient vers une démarche d'introspection

Pose systématiquement la question : Comment ?

Pose systématiquement la question : Pourquoi ?

 

162

162

Tableau n°32 : Différences singulières entre le coach scolaire et le psychologue

3.1.3.7.1 Le coaching scolaire

La problématique de l'échec scolaire aura pour conséquence une diversification des pratiques scolaires et des méthodes pédagogiques (Oller, 2012). Dans le contexte actuel de l'époque dans laquelle nous vivions, il faut savoir que l'école devient un passage obligé que l'enfant doit emprunter afin de s'insérer professionnellement et d'assurer son avenir (Van Honsté, 2011, p. 2).

Par ailleurs, pour pallier la difficulté scolaire des apprenants, les institutions scolaires mettront en place toute une panoplie de dispositifs de rattrapage, remédiation, cours particuliers et tutorat afin d'aider les élèves à surmonter leurs difficultés. Ces activités de remédiation mises en oeuvre par certains établissements scolaires ne sont pas toujours efficaces ou ne répondent pas souvent aux besoins des élèves en difficulté. En outre, celles-ci peuvent stigmatiser davantage certains élèves en grande difficulté en engendrant chez eux des sentiments de stress, de découragement, de culpabilité et de baisse de l'estime de soi (Ibid., 2011).

C'est ainsi qu'on verra foisonner sur le marché scolaire ces dernières années une multitude d'offres de soutien scolaire visant un accompagnement individuel de l'élève. Dans cette logique d'offres de soutien et d'accompagnement scolaire, on compte parmi celles-ci le coaching scolaire ou le management éducatif. La littérature présente le coach scolaire comme un professionnel du coaching privé qui a pour mission d'accompagner l'élève dans un projet de scolarité (Ibid. Van Honsté, p. 7).

Le coach scolaire se décrit comme un professionnel de l'éducation ayant « des connaissances approfondies des différents profils d'apprentissage, des pédagogies différenciées, du fonctionnement du cerveau humain et des relations humaines » (Ibid. Van Honsté). Il faut souligner que le coach scolaire n'a pas pour vocation d'enseigner des matières scolaires. Son rôle consiste à accompagner l'élève dans son apprentissage en lui donnant des outils lui permettant de s'approprier une matière. Par son action auprès de l'élève accompagné, le coach

163

163

scolaire vise le travail sur soi, en faisant à l'élève prendre conscience de ses capacités et lui donnant les outils nécessaires pour réussir.

Sur le plan méthodologique, le coach scolaire s'inscrit dans une démarche émique tenant compte de l'individu dans sa globalité. Les méthodes de coaching scolaire aident l'élève à forger sa personnalité en lui permettant de prendre conscience de ses atouts, ses points faibles. L'élève coaché parvient à force de travailler sur soi à renforcer sa motivation et gérer son stress. Il faudra aussi noter qu'aujourd'hui très peu de recherches scientifiques se sont intéressées à la thématique du coaching scolaire comme forme d'accompagnement individualisé. Et pourtant, il va sans dire, au regard de la littérature, que le coaching scolaire démontre bien son efficacité auprès des élèves puisque celui-ci joue un rôle prépondérant dans l'accompagnement, l'optimisation des atouts, la prise de conscience de ses ressources et la conduite au projet (Ibid. Van Honsté).

Il est important de souligner que le travail du coach scolaire est distinct sur certains points méthodologiques de celui d'un conseiller ou d'un formateur. Le coach est à la base un accoucheur, il aide le « coaché » à accoucher ses idées, à trouver en lui-même le potentiel lui permettant de résoudre ces problèmes. En effet, la philosophie du coaching est fondée sur le principe de la maïeutique. Ainsi, le coach scolaire intervient auprès de l'élève en tant que catalyseur et facilitateur de changement de modèles cognitifs (Van Honsté, 2011). Par voie de conséquence, l'élève coaché n'est pas assisté, car il est lui-même acteur dans une démarche communicationnelle dont l'objectif est de favoriser l'autonomisation et le responsabiliser (Ibid. Van Honsté, p. 2).

De nombreux écrits montrent que le coaching intervient de nos jours non seulement dans le monde sportif s'étend également dans le champ scolaire, artistique, social, paramédical, etc. Ainsi, quel que soit le domaine d'action dans lequel on l'applique, le principe de base reste toujours le même et illustre très clairement ce que dit le proverbe chinois de Lao-Tseu : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours »

164

Dans cette perspective, le coach scolaire ne vise pas seulement la pédagogie, il tient compte également de la vie familiale, affective et des projets scolaires de l'élève accompagné. Il est un médiateur entre l'école, l'élève et les parents (Ibid. Van Honsté). Ses actions auprès de l'élève coaché vont lui permettre d'améliorer certains points relevant de la situation éducative comme :

? L'attitude face aux études et à l'échec

? Un comportement adapté à la réussite éducative

? La confiance en soi

? La motivation

? La méthodologie de travail

En définitive, le travail du coach scolaire vise essentiellement à résoudre par différentes méthodes des problèmes de blocages inhérents à l'apprentissage. La littérature montre que certains confondent le métier du coach et celui du psychologue. Il faudra souligner que même si les coachs s'inspirent et utilisent les méthodes de psychologie comportementale, ils ne sont pas pour autant des thérapeutes comme le montre le tableau en supra sur la différence entre le coach et le psychologue.

3.1.3.7.2 Synthèse des formes d'accompagnement

Forts de ces éléments conceptuels, nous proposons de synthétiser les différentes formes d'accompagnements relatés auparavant dans le schéma qui suit :

164

Tableau n°33 : Tableau synthétique et récapitulatif des 7 formes d'accompagnement (Paul, 2004 p. 53)

Tutorat

Encadrement
Adaptation Réajustement

Production . Insertion
Coresponsabilité Coréalisation

Formation. Connaissance des
savoirs, savoirs-faire, savoirs-

être

d'aide, Orientation,

Counseling
Accueil,

Conseil, Relation

guidance, adaptation

Sponsoring

Soutien
financier

Parrainage
Appartenance

Transmission savoir
faire, filiation,
formation,
apprentissage

Compagnonnage

Médiation sociale

Litiges et résolution
de problèmes.
Dialogue, écoute,
confrontation.
Restauration des
liens

Mentorat
Transmission
Guidance
Filiation
Orientation projet
Actualisation de soi

Optimalisation Rendement Controle

Développement personnel

Efficacité Valorisation. Passage d'acteur à auteur.Performance

Coaching

Médiation

remédiation cognitive .
Développement de
l'autonomie et à
l'action-création

Education et

Médiation éducative

165

165

3.1.4 Les modèles d'accompagnement

La question de l'accompagnement se révèle essentielle (en ce qu'elle est au coeur de l'action avec la personne, quelle que soit la modalité d'accompagnement) et particulièrement

166

diversifiée (selon les prestations et les services assurés). Elle illustre le fait que l'accompagnement s'inscrit sur une plateforme dynamique impliquant « la diversité desdemandes d'aides », « la pluralité des rôles » joués par le tiers ou les tiers, la « conjugaison des logiques (apprentissage, développement, formation, remédiation ou résolution) », « la variabilité des temps impartis », « une qualité relationnelle », « un jeu constant entre distance/proximité, présence/absence ». (Paul, 2004, p.54). Les modèles suivants conceptualisés par Paul (2004, p.54) sont révélés dans diverses pratiques actuelles d'accompagnement, pouvant intervenir de manière fortuite ou non à n'importe quel stade de la vie de la personne ou lors d'une situation personnelle relevant d'un caractère problématique ponctuel (rupture, embûche, traumatisme, choix, etc.).

3.1.4.1 Le modèle maïeutique

Paul (ibid.) identifie le modèle d'accompagnement maïeutique, qui vise la connaissance et le développement de soi de la personne, à certains stades de sa vie ou lors d'une situation qui pose problèmes. Selon le même auteur, la maxime que Socrate s'est appropriée « Connais-toi toi-même et tu connaitras l'univers et tes dieux » ouvre une perspective d'accouchement de l'homme par lui-même à travers son intériorisation et son autonomisation, avec le soutien d'un « facilitateur » (dialogue, propre expérience) et au final, par le biais d'un processus d'interaction et de réciprocité entre les deux (coaching, éducateur, etc.). Cette méthode maïeutique, du grec « art d'accoucher », repose sur « l'interrogation » et propose « d'amener l'interlocuteur à prendre conscience de ce qu'il sait implicitement, à l'exprimer et à le juger». Elle part donc de la centration et de la prise en compte de l'individualité de la personne à travers un processus vers le développement de son « Moi », dans lequel elle est auteur et acteur.

166

3.1.4.2 Le modèle initiatique

167

167

Proposé par Paul, il est également une méthode d'accompagnement des personnes qui, partant du non-savoir, du commencement, souhaitent ou se retrouvent à vivre une modification et une modulation de leur vie. A travers l'initiation à des mystères favorisant des apprentissages, le soutien d'un accompagnateur sera garant du sens et du cadre d'initiation (contexte). Ce modèle initiatique est issu d'Homère et de l'Odyssée dont la maxime est « Se faire et en faisant se faire autant que Se faire de se défaire » (op.cit.). Il vise la transmission par l'héritage et la socialisation par le changement de statut (passif à actif) par un compagnon de marche (op.cit.) vers une appartenance à un groupe social. Ce modèle rappelle le rôle du patriarche d'antan, qui transmettait les valeurs à sa descendance, la pratique du compagnonnage, etc.

3.1.4.3 Le modèle d'accompagnement thérapeutique

Cet autre modèle proposé par Paul (ibid.) fait intervenir un tiers de proximité ou d'un accompagnant professionnel dans le but de retrouver un mieux-être (psychique, physique, etc.). Ce type d'accompagnement est fondé sur la « parole hippocratique » du nom d'Hippocrate, qui relève de l'engagement (et de la compétence) du praticien à « dialoguer, interroger et écouter » le patient considéré comme « responsable devant oeuvrer à sa guérison ». Ce dernier est au centre de sa préoccupation, avec l'idée « de ne pas nuire » (Primium non nocere)133, de viser l'efficacité et l'efficience (Richez, 2006), de ne faire aucune différence entre les personnes (niveau et origine sociales, etc.), dans un souci éthique. Du grec «thérapeutès » signifiant « serviteur » « qui prend soin de », « le soin des maladies », l'accompagnement dans un modèle thérapeutique vise une pratique d'adoucissement, d'abolition des maux de l'âme, du corps ou de l'esprit (médecin, psychologue, naturopathe, etc.). Dans cette optique, il fonde l'accompagnement du patient comme suit :

? Le thérapeute est le détenteur du savoir et le prescripteur des soins

? Le patient est l'objet des soins à travers un traitement contre la maladie, et ses conséquences physiques, psychologiques et sociales ne sont pas prises en compte.

133 Richez, Y. (2006), p.

168

Accompagnement dont les indices semblent corroborer aux finalités du « Moi social ». Nous nous intéresserons davantage à l'accompagnement thérapeutique du patient (ETP) développé par Chalmel (2015) dans le cadre de l'accompagnement à finalités pédagogiques. Ce modèle innovant réinterroge et « transforme tout autant la pratique du soin que les acteurs eux-mêmes » (ibid., p.148). Son objet d'étude développe le soin (au sens de « prendre soin de l'autre ») « dans ses aspects interindividuels, sociaux et politiques » (op.cit, p.2), comme suit :

? Le patient n'est plus objet mais sujet des soins qui lui sont délivrés.

? La démarche de prescription laisse place à une démarche de médiation par l'éducation. ? L'objectif n'est plus seulement de lutter contre la maladie, mais de prendre en compte les conséquences physiques, psychologiques et sociales. (Ibid., p.6)

Ce modèle inhérent à la pratique du soin peut être transposé aux sciences éducatives et sociales dans les pratiques pédagogiques de l'enseignant, du travailleur social et de tout professionnel « soignant ». Non seulement il se préoccupe de la singularité de la personne dans son contexte propre qui soit au maximum « aux commandes » de sa propre pratique, mais il est fondé sur « l'alliance thérapeutique » entre le patient et le soignant, développée par Chalmel (2015, p.11) à partir de la problématique d'exclusion des patients (le « Moi social » fracassé du patient qui induit sa marginalisation, du fait de sa non-conformité aux valeurs sociales), qui n'est pas prise en compte par le corps médical.

Ce modèle d'accompagnement prend ainsi en compte le contexte existentiel de la personne et pas seulement sa pathologie. A ce titre, nous notons que ce modèle d'accompagnement pédagogique recoupe les mêmes problématiques : L'éducation au « Moi social » au détriment de celle du « Moi » des patients, un risque d'exclusion du patient de par sa maladie qui n'est plus conforme aux normes sociales dont il dépendait et un accompagnement au coeur de finalités éducatives individuelles. Nous développerons en détail ultérieurement les concepts de « Moi » et « Moi social » dans l'action éducative.

168

3.1.5 Analyse des formes et modèles d'accompagnement existant au Lycée Ettore Bugatti

169

169

Nous avons vu dans la partie descriptive que le personnel éducatif du Lycée Ettore Bugatti avait inscrit dans le projet d'établissement une batterie de dispositifs ayant pour objectif de lutter contre le décrochage et favoriser la persévérance scolaire des élèves. Nous avons observé également que ces dispositifs furent créés à partir de 5 axes d'action fondés sur 3 concepts directeurs dans la politique éducative de l'établissement qui sont :

· L'écoute de l'élève

· La considération de l'élève en tant que personne

· La bienveillance

Ainsi, nous rappelons que ces 5 axes d'action de la lutte pour la persévérance scolaire ont été définis comme suit :

· Axe no1 Mieux accueillir, mieux accompagner.

· Axe no2 Mieux apprendre.

· Axe no3 Mieux apprendre en entreprise.

· Axe no 4 Mieux vivre ensemble.

· Axe no5 Mieux encadrer.

Ainsi, le tableau en infra montre les 5 axes d'action de lutte pour la persévérance scolaire, les dispositifs avec leurs fonctions et les formes et modèles d'accompagnement correspondants. Cette analyse nous permettra d'avoir une vision plus précise de la politique éducative en termes d'accompagnement menée dans l'établissement contre le phénomène du décrochage scolaire.

 

Dispositifs

Fonctions

Formes

d'accompagnem ent

Modèles

d'accompagnement

Axe 1

SAS

-Accueil
-Orientation
-Actualisation des
choix

Counseling

Initiatique

170

170

Mieux
accueillir,
Mieux
accompagner

Axe 3
Mieux
apprendre en
entreprise

Axe 4
Mieux vivre
ensemble

Axe 2
Mieux
apprendre

(Suite axe 3)

Axe 5
Mieux
encadrer

Espace
détente
Foyers
éducatifs
Culture
Jeux-

compétition-
ateliers
Sport
automobile

DALyA Ulis-pro

LATI

Mentorat

Médiation
éducative

Médiation
éducative
Mentorat

Tutorat

Médiation
sociale

Mentorat

Maïeutique

Initiatique

Initiatique

Initiatique

Initiatique

d'orientation de
l'élève
-Guidance
-Encadrement
-Adaptation
-Filiation
(2 professeurs
référents)

-Accueil
-Remédiation
-Résolution de

conflits

-Accueil
-Innovation
pédagogique
-Remédiation
-Adaptation

-Différenciation pédagogique -Transmission -Filiation

-Insertion

professionnelle -Adaptation -Orientation -Formation -Production

-Créer des liens
entre élèves
-Amélioration du
climat scolaire
-Confort
-Égalité des
chances

-Partenariat avec
structure
d'insertion, de
formation et de
recherche
universitaire afin

171

171

de mieux
accompagner les
élèves.
-Guidance des
partenaires
-Transmission de
savoirs ou
d'informations
des partenaires
-Actualisation

Tableau n°34 : Tableau récapitulatif des dispositifs d'accompagnement au Lycée Bugatti en lien avec les formes et modèles d'accompagnement.

En effet, notre analyse nous a permis de vérifier à travers les 5 axes d'action de lutte contre le décrochage scolaire les formes et modèles d'accompagnement qui sont pratiqués par les professionnels du lycée. Ainsi, il est important de souligner qu'on relève 4 formes d'accompagnement présentes dans les pratiques éducatives sur les 7 formes que nous avons définies précédemment : Counseling, Mentorat, Médiation (sociale et éducative), Tutorat.

Nous avons constaté également que le poids des actions éducatives mises en oeuvre par l'établissement repose entièrement sur un modèle initiatique d'accompagnement. La question qu'on peut soulever est la suivante : Est-ce que la formation du personnel éducatif est adaptée ou actualisée par rapport aux formes et modèles d'accompagnement précités ? En outre, on pourrait se demander s'il ne serait pas intéressant d'intégrer quelques aspects du « coaching » sous une forme plus pédagogique que didactique dans l'accompagnement des élèves du Lycée Ettore Bugatti. Du reste, nous savons au regard de la littérature que le coaching scolaire contribue au développement personnel de l'élève en l'aidant à supprimer des blocages de l'apprentissage. Ceux-ci peuvent provenir de différentes sources. Ils peuvent être liés à des problèmes de pédagogie non adaptée, des problèmes cognitifs, psychopathologiques, psychoaffectifs, environnementaux, etc. In fine, nous pensons que cette forme d'accompagnement auprès des élèves en difficulté scolaire peut offrir des perspectives intéressantes sur le plan anthropologique. Car le coaching implique le « Moi » avec « l'autre ». Il ne s'agit pas simplement d'une réalisation mais une coopération englobant des aspects communicationnels

172

et spatio-temporels. Dans cette optique, on pourrait donc aussi envisager d'intégrer le coaching dans le cursus de formation des enseignants en lycée professionnel afin de pouvoir mieux accompagner les élèves dans leur projet de scolarité. D'autant plus, Maela Paul (2004) souligne que l'accompagnement n'est pas une démarche linéaire. Selon elle, l'accompagnateur doit toujours ajouter quelque chose à autre. Elle précise également que les indicateurs clés de l'accompagnement sont : L'écoute, l'aide et l'accueil. Ainsi, nous retrouvons ces éléments non seulement dans le projet d'établissement du Lycée Ettore Bugatti dans la lutte pour la persévérance scolaire mais également dans les dispositifs qui ont été mis en place comme le SAS ou le LATI.

3.1.6 Analyse des formes et modèles d'accompagnement existant au SAJ de Neuf Brisach 3.1.6.1 Des usagers

Dans la partie théorico-descriptive, nous avons observé que le SAJ de Neuf-Brisach propose un dispositif portant d'une part, sur l'accueil et sur la personnalisation de l'accompagnement des personnes accueillies, et d'autre part, sur l'expertise, l'évaluation et l'orientation du projet des personnes accueillies. Celui-ci est fondé sur trois concepts directeurs :

? La promotion de la personne en difficulté, notamment celle en situation de handicap, par son environnement, en l'occurrence institutionnel. (projet associatif)

? La promotion de son autonomie individuelle, par la personnalisation de l'accompagnement à caractères adaptatif (en fonction du handicap, des besoins et des attentes des personnes) et participatif (entre conciliation individuelle et collective).

Dans le cadre de la prise en charge globale des personnes accueillies par l'équipe éducative, quatre champs d'actions socio-éducatives sont mis en oeuvre :

? La gestion du fonctionnement quotidien du Service (Accueil des personnes, repas, départ)

172

? L'accueil et l'accompagnement éducatif des personnes accueillies.

173

? L'élaboration, la mise en oeuvre et le suivi des projets personnalisés des personnes.

? La conception et la réalisation d'activités, d'ateliers ou de sorties à vocation éducative.

173

Champs
d'actions

 
 

Fonctions

 

Formes

d'accompagne-ment

Modèles
d'accompagne-

ment

 
 
 
 
 

Initiatique

Maïeutique

La gestion du fonctionnement quotidien du Service

 

-Accueil

-Encadrement

-Guidance, Adaptation -Relation d'aide, Conseil

-Remédiation cognitive

-Développement de
l'autonomie et à l'action.

 

Counseling

Médiation éducative

 
 

-Accueil, Conseil -Relation d'aide -Orientation, Guidance -Adaptation

 
 
 

L'accueil et

l'accompagnement

éducatif des
personnes accueillies

(Individuel)

 
 

Counseling

Initiatique

 

-Education et remédiation cognitive

Développement de l'autonomie et à l'action

-Litiges et résolution de problèmes

-Dialogue, écoute,
confrontation

-Restauration des liens

-Développement personnel -Valorisation

-Passage d'acteur à auteur

-Insertion, Encadrement -Adaptation, réajustement

- Coresponsabilité,
coréalisation.

 

Médiation éducative

Médiation sociale

Coaching

Tutorat

Maïeutique

Initiatique

Maïeutique

Initiatique

-Orientation - Conseil -Adaptation

-Education et remédiation cognitive

-Développement de
l'autonomie et à l'action-création.

-Litiges et résolution de problèmes

-Dialogue, écoute,
confrontation

-Restauration des liens

-Développement personnel -Valorisation, émancipation -Passage d'acteur à auteur

-Insertion

-Adaptation, réajustement -Connaissance des savoirs-, savoir-faire, savoirs-être.

-Orientation - Conseil -Adaptation

-Education et remédiation cognitive

-Développement de
l'autonomie et à l'action-création.

-Développement personnel -Valorisation, Emancipation -Passage d'acteur à auteur

174

-Connaissance des savoirs-, savoir-faire, savoirs-être.

L'élaboration, la

mise en oeuvre et le suivi des projets personnalisés des personnes

La conception et la réalisation d'activités,

d'ateliers ou de sorties à vocation éducative

(Collectif)

Initiatique

Maïeutique

Initiatique

Maïeutique

Initiatique

Initiatique

Maïeutique

Maïeutique

Counseling

Médiation éducative

Médiation sociale

Coaching

Tutorat

Counseling

Médiation éducative

Coaching

174

175

175

 
 

-Insertion

Tutorat

Initiatique

 

-Adaptation, réajustement

 
 
 

-Connaissance des savoirs-,

savoir-faire, savoirs-être.

 
 

Tableau n°35 : Tableau récapitulatif des dispositifs d'accompagnement des professionnels socio-éducatifs au SAJ

de Neuf-Brisach, en lien avec les formes et modèles d'accompagnement.

3.1.6.2 Des professionnels socio-éducatifs

Dans la partie théorico-descriptive, nous avons observé que le Projet Associatif du SAJ de Neuf-Brisach missionne le Chef de Service selon deux concepts directeurs :

- Promoteur des recommandations éthiques (ANESM) en lien avec l'ensemble des professionnels en poste dans la structure.

- Garant d'une position institutionnelle à l'égard des professionnels, avec la mise en relation de leur bien-être dans le cadre professionnel (Rencontres et échanges, prévention des risques d'usure professionnelle, etc.).

Dans le cadre de ses champs d'actions issus du Projet d'établissement et relatifs à l'accompagnement des professionnels socio-éducatifs, nous les définirons comme suit :

? La gestion du fonctionnement quotidien du Service

? La fonction de tiers institutionnel, garant et superviseur des informations et des actes professionnels.

? L'accompagnement éducatif des professionnels

? Le promoteur d'une relation éducative adaptée au cadre institutionnel et au projet de

service.

176

Champs d'actions

La gestion du fonctionnement quotidien du Service

La fonction de tiers institutionnel,

garant et superviseur des informations et

des actes
professionnels.

L'accompagnement

éducatif des
professionnels

Formes

d'accompagnement

Counseling

Médiation éducative

Médiation éducative

Médiation sociale

Coaching

176

Fonctions

-Accueil

-Ecoute, Conseil -Guidance

-Education et

remédiation cognitive -Soutien, Conseil -Négociation, Consultation, Collaboration

-Education et

remédiation cognitive -Soutien, Conseil -Négociation, Consultation, Collaboration

-Développement de l'autonomie et à l'action-création. -Soutien, Conseil -Accueil

-Résolution de
problèmes

-Dialogue, écoute,
confrontation.

-Management, -Contrôle, supervision -Performance, -Optimalisation -Efficacité, -Valorisation, Conseil -Passage d'acteur à auteur, responsabilisation -Délégation -Développement -Orientation

Modèles
d'accompagne-

ment

Initiatique

Maïeutique

Maïeutique

Initiatique

Maïeutique

177

Counseling

Médiation éducative

Médiation sociale

Coaching

Le promoteur d'une relation éducative adaptée au cadre institutionnel

et au projet de service.

-Accueil

-Ecoute, Conseil -Guidance

-Education et

remédiation cognitive -Soutien, Conseil -Négociation, Consultation, Collaboration

-Développement de l'autonomie et à l'action-création. -Soutien, Conseil -Accueil

-Résolution de
problèmes

-Dialogue, écoute,
confrontation.

-Management, -Contrôle, supervision -Performance, -Optimalisation -Efficacité, -Valorisation, Conseil -Passage d'acteur à auteur, responsabilisation -Délégation -Développement -Orientation

Initiatique

Maïeutique

Initiatique

Maïeutique

177

Tableau n°36 : Tableau récapitulatif des dispositifs d'accompagnement du Chef de Service au SAJ de Neuf-Brisach, en lien avec les formes et modèles d'accompagnement.

178

178

ACCOMPAGNEMENT

Formes d'accompagnement :

Des usagers par les
éducatrices

Des éducatrices par le Chef
de Service

 
 

Counseling

4

2

Médiation éducative

4

3

Médiation sociale

2

2

Coaching

3

2

Tutorat

3

/

Modèles d'accompagnement :

 
 

Initiatique

 
 

Maïeutique

9

4

 

7

5

Tableau n°37 : Tableau synthétique des formes et des modèles d'accompagnement des personnes en situation de handicap et des éducatrices au SAJ de Neuf-Brisach.

Dans les pratiques professionnelles d'accompagnement des deux types de publics au SAJ, l'analyse des résultats montre l'absence nette de certaines formes d'accompagnement (Compagnonnage, mentorat et sponsoring, qui sont à tour de rôle énoncés sur les principes de filiation, de transmission et de parrainage) et une récurrence commune d'autres formes d'accompagnement (Counseling, médiation éducative et sociale, coaching). Ces dernières s'inscrivent dans une dimension relationnelle et éducative, entre la gestion de la communication, la guidance, la formation et le développement de la personne. Seul le tutorat apparaît dans les pratiques professionnelles des éducatrices et non dans celle du Chef de Service. Cela peut se comprendre par la différence des finalités professionnelles, dont les missions principales des éducatrices sont en lien avec les usagers (Prise en charge des personnes, apprentissages, etc.) alors que celles du Chef de Service sont en rapport avec l'ensemble du fonctionnement du SAJ. Ses fonctions ne relèvent pas de formations ni

179

179

d'apprentissages à proprement parler (Modèle d'accompagnement initiatique), mais davantage d'orientation et de développement personnel (Modèle d'accompagnement maïeutique). Il est à noter que le tutorat et le coaching ont été identifiés de manière concomitante dans le cadre des pratiques professionnelles au SAJ, ce qui ne signifie pas que tous les professionnels du SAJ les pratiquent systématiquement. En outre, les formes d'accompagnement des professionnels peuvent être tout à fait variables d'une structure à l'autre, telle qu'une absence totale de coaching et une forte représentativité du tutorat, par exemple.

Dans l'ensemble, la médiation éducative est la forme d'accompagnement la plus répandue et pratiquée au SAJ par l'ensemble des professionnels, notamment en raison du cadre institutionnel qui procède d'une organisation empreinte d'une dynamique interrelationnelle et constamment en développement et en réajustements/remises en question des actions professionnelles. Par ailleurs, cette forme d'accompagnement maïeutique, qui se situe au niveau de l'accompagnement des usagers mais également des professionnels, s'inscrit également dans deux axes spécifiques : La personne en rapport à l'autre (représentations de part et d'autre, interaction sociale) et en rapport à soi (retour réflexif vers l'action et la création).

En termes pragmatiques, on peut s'interroger sur la capabilité des professionnels à opter (ou à oser opter) pour un processus maïeutique, alors que les personnes en situation de handicap ne sont pas forcément en situation de capabilité ni de réalisation ou d'appropriation du processus. D'une part, cela soulève l'importance de la prise en compte de l'individualité de la personne professionnelle par un tiers professionnel (l'accompagnant, que nous identifions Chef de Service), mais également des espaces de rencontres et de réflexions favorisant le développement de sa posture interculturelle : le non-jugement, la déconstruction de ses représentations et la compréhension, puis la reconstruction pour un travail social coopératif134. Et d'autre part, on peut s'interroger à nouveau sur la pratique professionnelle de la médiation éducative en rapport avec les finalités éducatives : Les fonctions pratiquées (Education et remédiation cognitive, soutien et conseil, de négociation, de consultation, de collaboration, etc.)

134 Référence aux propos de Madame Duschêne-Lacroix, présidente de Nova Tris (Uha.fr).

180

180

visent-elles effectivement la démarche maïeutique par la prise en compte de l'individualité de la personne (Feuerstein, 1993), représentative du « Moi » ? Ou cette approche est-elle corroborée par les représentations et idéologies de l'accompagnant (qui vise in fine une éducation citoyenne au « Moi social ») ?

Enfin, nous remarquons la représentativité plus importante du modèle initiatique auprès des accompagnements socio-éducatifs, qui pourrait présager d'un accompagnement au « Moi social » des personnes, de par l'importance du cadre de référence (statut de l'accompagnant, finalités éducatives sociales, etc.).

De ces analyses respectives, nous relèverons deux fils conducteurs intéressants :

? Les pratiques du counseling, du tutorat et de la médiation (sociale et éducative) sont les points de convergence dans les pratiques d'accompagnement des lycéens en risque de décrochage scolaire du Lycée Bugatti et des personnes en situation de handicap accueillies au SAJ de Neuf-Brisach.

? La pratique du coaching semble être un point de divergence marquant entre les pratiques des enseignants du Lycée Bugatti et celles du cadre en poste au SAJ. De ce fait, Monsieur Many a relevé l'idée de l'intégrer dans la pratique professionnelle des enseignants.

3.1.7. L'accompagnement, une finalité pédagogique ?

Forts de tous ces éléments théoriques, l'accompagnement serait un espace-temps de proximité entre deux personnes faisant route ensemble : l'une étant un soutien pluriel pour l'autre personne montrant le chemin. Dans le processus d'accompagnement, nous relèverons différents axes intéressants135 inhérents à la dimension pédagogique:

135 Références à l'enseignement « Théories de l'apprentissage », Monsieur Chalmel, Master 1.

181

181

? L'aspect contextuel et subjectif : Celui-ci est propre à l'accompagné, dont les modèles construits sont en lien avec ce qui se rapporte à lui-même (Ressentis, expériences, histoire, etc.), et non à ce que l'accompagnant ou le système social (dans lequel il vit) impose normativement selon des références sociales.

? L'aspect humain et non les savoirs acquis : Il marque clairement le fondement pédagogique de l'accompagnement, en ce que l'accompagnant doit prendre en compte la personne dans sa globalité, comprendre les interactions, gérer l'hétérogénéité, et par conséquent, accepter de l'accompagner selon la personne et son propre rapport au savoir. La différenciation est de mise, alors que la didactique est inscrite dans un processus de généralisation et d'universalité des savoirs.

? La pratique pédagogique : L'accompagnant est un praticien, qui s'immerge dans le contexte, l'environnement de l'accompagné. Il se remet en question, questionne et re-questionne sa pratique en lien avec les modèles théoriques (Psychanalyse, histoire, sociologie, etc.). Il cherche constamment à comprendre et à théoriser sa pratique en posant des actes. Pour l'accompagnant pédagogue, l'échec est une valeur et son positionnement est d'ordre éthique.

Ces caractéristiques démontrent également une nette distinction entre l'accompagnement didactique et l'accompagnement pédagogique, le premier relevant d'une éducation visant les normes sociales et centré sur la question des savoirs (généralisables et mesurables), et le second, focalisé sur l'éducation visant la personne et son individualité, avec l'importance de la dimension humaine et théorico-pratique. C'est que nous verrons plus en profondeur par la suite dans ce chapitre.

182

182

3.2 Conceptualisation du « Moi social »

3.2.1 Généralités et caractéristiques du « Moi social »

Selon Durkheim 136, tout individu est marqué par un ensemble de facteurs de son groupe social (« l'éducation, l'expérience, les règles et la connaissance ») qui le rendent « limité et agrandi ». Gilson (1985, p.77) cite Bergson qui affirme que « la contrainte sociale » a pour caractéristique essentielle de s'introduire dans la conscience individuelle, de lui devenir intérieure sous la forme du « Moi social ». Ce philosophe français a identifié le « Moi social » comme une entité sociale intégrée au « Moi propre » à chaque individu appartenant à cette société. Hinshelwood, R.D. (2007) le définit par l'incarnation d'une idée principale fondée à partir « d'attitudes, de croyances sociales et de figures dominantes » qui deviennent au final « un élément constitutif de l'individu ». Celui-ci s'identifie à un ensemble de croyances et de leadership cohérent avec l'idée en question. Proposition que Chalmel (op.cit.) semble réfuter de par une différenciation entre le « Moi social » (Entité visant une normativité sociale) et le « Moi individuel » (ou « Moi » correspondant à la singularité et l'unicité propre à chaque individu).

Selon Chalmel (ibid.), l'apport de Rousseau, grand défenseur de l'éducation du « Moi » versus « Moi social », a permis d'introduire le « Moi social » dans le système éducatif, à partir de principes normatifs selon lesquels l'enfant doit être éduqué comme citoyen, ce qui implique un processus de dénaturation « Moi » de l'enfant par un système encodé de normes sociales, « culturelles par essence » (ibid). Selon lui, le « Moi social » est un « pluriel idéologique » (Chalmel, 2015, p.7) issu d'un système social normatif, fondé sur les bases de la « doctrine politique organisant une société donnée dans ses dimensions socio-économiques » et des « idées reçues faisant office de théories » du système. Ainsi, dans cette étude, nous posons comme postulat que le concept « Moi social » est synonyme de « Pression sociale normative »

136 In Terrier, J. (2012).

183

dans le champ de l'éducation spécialisée et de « didactique » dans le domaine de l'éducation scolaire comme l'illustre le schéma ci-dessous.

Pression sociale normative (Éducation spécialisée)

Conformisme

Jugement

normatif

Evaluation Performance

Contraintes sociales

Pensée unique

Moi social

Didactique

(Éducation scolaire)

183

Figure n° 38 : Schématisation du « Moi social ».

Que ce soit « la pression sociale normative » ou la « didactique », chacun de ces concepts représente un seul et même système « Moi social » apparaissant sous différentes formes en fonction du sous-système dans lesquels ils se retrouvent : Famille, école, entreprise, lieu de culte, association, etc. Selon Chalmel, le « Moi social » sous forme de « didactique » est beaucoup plus présent dans le système scolaire des pays latins que les pays scandinaves. En effet, celui-ci explique que les pays de langue latine à l'instar de la France, sont très friands de didactique et sont ancrés dans ce système depuis très longtemps.

Daniel Pasquier (1986, p. 56) montre que l'enfant étranger scolarisé en France est écartelé entre son « Moi » sa culture, et le « Moi social » de la culture française. Celui-ci poursuit sa réflexion en démontrant que la France est l'un des rares pays ou « l'enfant étranger pour devenir français doit non seulement s'approprier des éléments de la culture d'accueil (enculturation) mais doit aussi abandonner les éléments de sa culture familiale (déculturation) » Le « Moi social » fonctionne toujours selon un système d'encodage et décodage, d'enculturation et d'acculturation ne tenant pas compte du capital culturel, linguistique et social « Moi » de l'individu (Ibid., p.87). C'est alors qu'on comprend que le « Moi social » dénature l'individu en tant que personne, spolie son « Moi » afin de fabriquer des citoyens répondant certes, à de très bonnes valeurs républicaines mais aussi dominés par un système idéologique, politico-

184

184

économique et social très contraignant et normatif. De fait, le « Moi social » est inscrit dans un carcan de normes et d'exigences sociales à l'égard de tout individu appartenant à son système, et il vise l'éducation de l'individu à des finalités citoyennes (intégration sociale) et non individuelles (éducation de l'individu). En parlant d'individualité, il est important de souligner que « la France est un pays très fort en investissement éducatif sur le plan collectif mais aussi est l'un des pays ou la dotation pour chaque élève individuel est plus faible qu'ailleurs » (Meirieu, 2000 p. 95). Par ailleurs, cela interroge non seulement la nature et des limites afférentes à la pression sociale qui domine sur les « Moi » individuels, mais aussi à celle des conséquences inhérentes à cette « dénaturation du Moi » énoncée par Rousseau (Ibid).

Chalmel énonce le caractère normatif de cette finalité éducative, provoquant la frustration et l'altération des aspirations du « Moi » des personnes mais également leur ostracisme. Dans ce sens, « plus un système est normatif, plus il génère lui-même son propre échec ». Des études en marketing affirment également que plus « un système est simple plus il est efficace et que toutes les organisations, plus particulièrement celles qui sont grandes et complexes sont fondamentalement inefficaces et gaspilleuses » (Koch, 2007 p. 115-122). Ainsi, la simplicité favorise l'efficacité et la qualité tandis que la complexité engendre la frustration et le stress. En effet, le « Moi social », en tant que système, encourage la complexité à travers la normativité, ce qui engendre selon Chalmel le risque de marginalisation et d'exclusion des individus « non-conformes ».

185

185

Figure n°39:

Schématisation des enjeux du processus relatif au Moi social et au Moi. (Sources : Chalmel, 2015, p.13.)

Hinshelwood, R.D. (2007) estime que « l'adhésion rigide exigée comporte une perte de la capacité de penser de façon réaliste » et que « l'individu a beaucoup à perdre sur le plan psychologique s'il s'oppose aux forces sociales qui sont exercées sur lui ». Dans l'éducation au « Moi social », le cadre est normatif et imposé par un expert de la connaissance et du savoir, qui exige la conformation sociale et le respect des critères de réussite (évaluation ou contrôle, performances) à un savoir, un savoir-faire et un savoir-être. Les risques potentiels sont l'échec (non admis), la coercition, la dépendance, la dénaturation de l'individu, la pression sociale normative. Dans une correspondance de Saint Paul 137aux églises romaines au 1er siècle après Jésus Christ, celui-ci fait mention du « Moi social » qu'il caractérise par l'esprit du siècle présent :

137 Saint Paul, figure emblématique du christianisme. Ses écrits se retrouvent dans la bible, notamment dans le Nouveau Testament.

186

186

« Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l'intelligence afin de discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. »

Sainte Bible (Edition Bible on line moteur 4.08.01), Romains 12 : 2

Une mauvaise interprétation de ce texte a produit des dérives de toutes sortes dans l'histoire de l'église, incitant des personnes de foi chrétienne à l'ascétisme et à la réclusion religieuse. Et pourtant, ce que l'auteur met en exergue dans ce texte est avant tout d'adopter une posture de questionnement par rapport au « siècle présent » au regard de la foi et de ne pas se laisser formater sans discernement dans un système idéologique. En d'autres termes, Saint Paul encourage les chrétiens à faire ce que Monsieur Chalmel demande à ses étudiants de faire dans tous ses cours : Se poser les bonnes questions. Un autre exemple très imagé du « Moi social » dans les écritures bibliques se retrouve dans l'extrait du passage suivant :

Saül fit enfiler sa tenue à David. Il plaça sur sa tête un casque en bronze et le revêtit d'une cuirasse. David mit l'épée de Saül par-dessus ses habits et voulut marcher, car il n'avait encore jamais essayé, mais il dit à Saül : « Je ne peux pas marcher avec cette armure, je n'y suis pas habitué. » Et il s'en débarrassa.

Sainte Bible (Edition Bible on line moteur 4.08.01), 1 Samuel 17 : 38-39

Le texte montre que le roi Saul a voulu revêtir David, son serviteur de son accoutrement et de son armure, mais David n'a pas pu marcher. En effet, le « Moi social » revêt les individus d'une autre personnalité et leur met sous un joug pesant qui les empêche d'évoluer ou de devenir eux-mêmes. C'est ce qui arrive à l'enfant dès qu'il arrive à l'école maternelle jusqu'à la fin de sa scolarité ; on ne tient pas compte de ses ressources personnelles afin de pouvoir l'aider à progresser et réussir, mais on l'appesantit de savoirs auxquels il attribue souvent ni sens ni utilité.

Ainsi, après avoir exposé les généralités et les principales caractéristiques du « Moi social », nous allons tenter de le localiser et le définir dans le champ de l'éducation spécialisée et dans

187

187

le champ scolaire tout en tenant compte du contexte dans lequel nous effectuons cette étude, i.e. le SAJ du Neuf-Brisach et le Lycée Ettore Bugatti.

3.2.2. Le « Moi social » ou « Didactique » dans l'éducation scolaire

En effet, le « Moi social » semble être une entité répandue dans tout milieu éducatif notamment dans le milieu scolaire, car dès l'accueil de l'enfant à l'école, celui-ci est amené à être éduqué selon un savoir, un savoir-faire et un savoir-être normé par l'Education Nationale. Par conséquent, cela signifie que tout notre système socio-éducatif est régulé selon les principes du système « Moi social ». Historiquement, l'école républicaine a vu le jour dans un contexte réactionnaire face aux institutions ecclésiales qui détenaient le monopole de l'éducation des enfants (Meirieu, 2000). L'un des objectifs de Jules Ferry et de ses affidés appartenant au cénacle des lumières, fut d'arracher la France à l'emprise de l'Église. Chalmel (2000 p. 298) explique ceci dans son ouvrage intitulé « La petite école dans l'école » : La construction de la IIIe république se fait dans le cadre d'une importante laïcisation de la société française, en opposition ouverte avec l'église catholique et les partis cléricaux. En clair, les instigateurs de l'école laïque et obligatoire ont voulu que « chaque village soit doté d'une école républicaine dans laquelle les instituteurs, formés comme des séminaristes laïques, puissent instiller dans l'esprit des générations à venir les valeurs universelles des lumières, de la nation et du progrès » (Meirieu, 2000 p. 81). Comme cela a été mentionné antérieurement, l'école républicaine de Jules Ferry ne s'inscrivait pas dans une logique égalitaire. L'école républicaine formait de deux types de citoyens : Les enfants issus du peuple et ceux issus de la bourgeoisie ou de la haute société. En effet, le système scolaire mis en oeuvre par Jules Ferry visait un élitisme républicain (Ibid., p. 83). L'idéal républicain a donc pour finalité éducative la fabrique « des meilleurs » et ce n'est pas non plus une coïncidence si 30% du budget de l'enseignement supérieur est alloué aux étudiants des grandes écoles qui représentent seulement 6% de l'effectif des élèves inscrits au supérieur (Fauconnier, 2004 p. 33). D'ailleurs, Les résultats d'une enquête internationale montre que la France, en matière d'éducation, aurait volontairement négligé les premières années de scolarité qui permettraient à l'élève de maitriser l'acquisition des savoirs fondamentaux, c'est-à-dire lire, écrire, compter (Morel S., 2014). Or, une maitrise de ces savoirs

188

favoriserait la réussite scolaire et réduirait ipso facto l'échec scolaire. Ainsi, un extrait de cette étude soulève la problématique suivante : « La France n'aurait pas prêté une attention particulière suffisante à l'apprentissage des connaissances de base et cela expliquerait les piètres performances et le caractère très inégalitaire de son système éducatif 138 ». Le système scolaire tel qu'on le conçoit aujourd'hui, a toujours tiré « les bons élèves vers le haut et ceux qui ne sont pas bons vers la sortie » ou vers le bas (Meirieu, 2000 p. 84).

En clair, le système éducatif préconisé par les politiques éducatives françaises se fondent essentiellement sur une philosophie de performance (évaluation-notes-diplôme) qui s'articule avec la culture du monde du travail dans une société postmoderne comme le montre les schémas ci-après.

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Performance

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Evaluation

 

Notes

 

Diplôme

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Schéma du système scolaire classique

Evaluation

Travail

Diplome

Performance

188

Schéma du monde de l'entreprise

Schéma n°40 : La performance, finalité éducative et professionnelle

138 La médicalisation de l'échec scolaire, Stanilas Morel 2014, p. 60.

189

189

Jean Houssaye (1992) dans sa thèse intitulée « le triangle pédagogique » pointe du doigt ce système, qu'il considère comme rigide, stable, normatif, créateur de règles, bureaucratique, protégé, dirigé et orienté. C'est ce que nous appelons le « Moi social » sur un plan idéologique-philosophique et « didactique ». Dans l'éducation scolaire, ce système dénature le « Moi » de l'enfant en transformant celui-ci en « Moi social » au détriment de sa personne, sa culture et son individualité propre. De l'école maternelle jusqu'à la terminale le parcours scolaire de l'enfant est jalonné et orienté par la didactique constituée d'un ensemble de méthodes, programmes, contenus et évaluations. La culture éducative française privilégie encore aujourd'hui, que ce soit dans les lycées ou les collèges un savoir livresque où les connaissances sont évaluées par des examens « couperet » (Fauconnier, 2004 p. 68). D'un autre côté, on constate que « les scandinaves n'utilisent quasiment pas de notes dans le secondaire et que le système éducatif américain est organisé autour du concept de motivation dont le but est de faire émerger des vocations et des talents » (ibid., p. 69). En effet, le « Moi social » ou « Didactique » laisse peu de place à l'épanouissement et la valorisation du « Moi » de l'élève. Une étude de l'OCDE en 2013 montre que la formation des enseignants en France est trop académique ou encore didactique et met très peu d'accent sur le savoir-faire ou l'enseignement des compétences en formation initiale. Cette enquête souligne que 90% des enseignants s'estiment bien ou très bien formés par rapport au contenu de la matière enseignée contre 40% qui se sentent insuffisamment formés à l'accompagnement ou à la pédagogie appliquée aux matières enseignées139. Ce qui représente « la proportion la plus élevée des 34 pays » ayant participé à cette étude comme nous le montre le tableau ci-après.

139 Série «Poliques meilleures» France 2015 (c) OCDE 2015 p. 13-14

190

190

Figure n°41 : Enquête OCDE auprès des enseignants

Note : Les pays sont classés par ordre décroissant du pourcentage d'enseignants du premier cycle du secondaire qui estiment avoir été« très peu préparés » ou « pas du tout préparés » quant à la pédagogie appliquée à la ou aux matières enseignées

(Sources : OCDE, OCDE-TALIS 2013, tableaux 2.3 et 2.4, http://dx.doi.org/10.1787/9789264214293-fr.) 140

Selon cette même étude, on constate que le niveau d'instruction de la population française a considérablement augmenté au cours de ces 40 dernières années. Ainsi, les diplômés de l'enseignement supérieur représentent 43% parmi les 25-34 ans contre 39 % pour la moyenne OCDE et 20 % parmi les 55-64 ans contre 24 % pour la moyenne OCDE. Malgré la démocratisation de l'accès à l'enseignement, la France reste l'un des pays les plus inégalitaires de l'OCDE en matière d'éducation au cours de ces dix dernières années. On constate que « le système éducatif français est maintenu par les élites ». Ceux qu'on considère comme de « bons élèves » représentent « 1/3 des effectifs scolarisés de 15 ans ». En revanche, l'étude poursuit en soulignant que « les élèves issus de familles défavorisées sont trois fois plus susceptibles de

140 Ibid., p. 14

191

191

devenir des décrocheurs que ceux qui issus de milieux aisés »141. Fauconnier (2014 p. 68) souligne que le système didactique établi en France tire les meilleurs vers le haut et d'un autre côté « soutient les plus faibles étant soutenus par des tuteurs ou renforcés par des engrais ». En clair, les élèves de SEGPA ou de lycée professionnel sont condamnés à rester dans une voie professionnelle et n'ont quasiment aucune chance de pouvoir intégrer un jour une Grande Ecole. En effet, le « Moi social » ou « Didactique » dans notre système éducatif se caractérise par « un apprentissage autoritaire et douloureux » (Ibid., p. 76). Ainsi, l'école républicaine met en exergue la discipline et les épreuves au détriment d'un « apprentissage adapté et facilité » (op.cit.). Toujours, selon Fauconnier (2004 p. 78) le « Moi social » ou la « didactique » tient son origine depuis l'Antiquité à partir de l'école de Platon avec la finalité « une quête éperdue de pureté et de perfection » (op.cit.). Cette école est disciplinaire, théorique, livresque, didactique. Elle ne laisse aucune place aux émotions et met l'enseignant ou l'expert dans une posture d'expert, celui ou celle qui maitrise un savoir et qui a le pouvoir. Pour Platon, l'homme civilisé est un intellectuel qui « contient ses sentiments d'une main de fer et qui maitre de soi » (Ibid., p.79). De cette approche, Platon met en exergue la « prééminence de la pensée sur le ressenti, les émotions, l'apprentissage pratique et privilégie la raison, l'abstrait et l'enseignement théorique » (op.cit.).

La conception platonicienne induite en « Moi social » ou « didactique » a un impact considérable sur l'école républicaine et la société française. Celle-ci a engendré pendant des siècles et encore aujourd'hui des générations de personnes enfermées dans un raisonnement dogmatique manquant cruellement de souplesse d'esprit (Ibid., p. 91). Fauconnier (2004 p. 93) explique que ce système éducatif « prépare les citoyens à l'arrogance et ne les prépare pas à affronter l'échec ». En clair, le décrocheur ou le décroché n'a jamais été préparé à faire face à son échec, son crash social. Fauconnier (2004) poursuit sa réflexion en pointant du doigt une école française « pétrie de l'insolente conviction d'être dépositaire et vectrice de la vérité universelle ». Ce qu'on obtient finalement comme résultat d'un tel système, selon le l'auteur

141 Série «Poliques meilleures» France 2015 (c) OCDE 2015 p.3

192

192

cité précédemment, c'est la fabrication « d'esprits rigides qui sont de surcroit de mauvais perdants refusant de se mettre en cause ou de se questionner ».

Tout cela emmène à une forme de sectarisme intellectuel que Fauconnier (2004 p. 81) traduit par la phrase suivante : « Si j'ai raison et que tu ne penses pas comme moi tu as tort ». Par voie de conséquence, Fauconnier montre que le « Moi social » ou la « Didactique » met l'accent sur la compétition, l'arrogance, l'autoritarisme, la passivité de l'élève au détriment de l'engagement, de l'émotion et du profil psychologique de la personne, de son « Moi ». En effet, l'auteur souligne que tout cela a également des conséquences néfastes sur la santé mentale des français engendrant « un climat social déprimant ». Notons que la dépression est la maladie psychique la plus répandue en France, touchant plus de 3 millions de personnes selon une étude de Inpes en 2007142.

À la vue de certains indicateurs présentés par Fauconnier (p. 81) sur la conception idéologique de l'école Platonicienne, nous avons dressé le schéma suivant sur la finalité éducative du « Moi social » ou « didactique » :

Conception

Individualisme
Spéculation/déduction
Raisonnement hypothético déductif
Tête /Raison
Ingénierie de la formation

Compétition/ remédiation

Tête bien pleine
culture de supériorité

Intelligence abstraite

Savoir théorique

Dogmatique

Sélection

142 http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er860.pdf p. 2

193

193

Finalité = Raffinerie, fabrique des meilleurs

Figure n°42 : Conception platonicienne, la didactique

En définitive, l'élève en difficulté scolaire qu'il soit un « décrocheur » ou un « décroché » est une victime du « Moi social ». C'est celui ou celle qui ne parvient pas à se conformer au système, à entrer dans ce moule afin de devenir un citoyen républicain performant. L'élève décrocheur n'a donc pas retrouvé sa place dans ce système et a connu un « crash social ». On pourrait relier le vocable « crash » aux termes souvent employés par les spécialistes en éducation comme : Décrochage scolaire, fracas scolaire, échec scolaire, etc. Le « Moi » du décrocheur a été dénaturé par le système scolaire en « Moi social ». Après le crash, le « Moi social » est fracassé, il n'existe plus et devient un « Moi Marginal ». A ce stade de marginalité, l'élève peut sortir complètement du système scolaire ou peut être présent physiquement en étant absent avec son esprit. Il faut souligner également que notre système éducatif ne prépare pas l'enfant à gérer ou confronter l'échec.

Ainsi, Chalmel (2015 p. 11) précise ceci : « Ni l'école, ni la famille, ni les institutions sociales, ne nous apprennent à tomber. L'échec n'a aucune valeur dans l'ascension sociale ». En conséquence, l'élève décrocheur ou en échec scolaire se retrouve fracassé, brisé dans son for intérieur par le système. Ainsi, celui-ci nécessite d'un accompagnement spécifique pouvant l'aider à rebondir et vivre une expérience de résilience en tenant compte de son « Moi » (Modèle op.cit., Chalmel, 2015)143. Il faudra souligner également que les concepts savoir, savoir-faire et savoir-être préconisés comme finalités éducatives dans la formation professionnelle relèvent de la conception Platonicienne ou de la « didactique » (Chalmel, 2015). En effet, sur le plan didactique, ces trois concepts peuvent se définir comme nous le montre le tableau ci-après.

143 Cité en début de partie sur le Moi social, page 153.

194

194

Didactique
(Moi social)

Savoir

Somme de connaissances à assimiler.

L'apprenant doit apprendre pour apprendre. La plupart des notions apprises en cours ne font pas sens pour l'apprenant et celui-ci ne parvient pas faire le lien entre le savoir acquis et le concret.

Savoir-faire

Somme de représentations mentales à

réactualiser par l'apprenant face à une tâche selon une procédure spécifique et préétabli

découlant soit de l'expérience ou d'un
référentiel de compétences construit par des experts. Dans cette configuration une seule et même méthode s'impose : Celle qui est préconisée par la procédure. Se limite à un geste professionnel. 144

Savoir-être

Ensemble de convenances sociales à

respecter selon une culture d'entreprise ou la

politique d'organisation. Dans ce cadre,

l'apprenant apprend à réagir à son
environnement de travail en fonction des normes implicites ou explicites imposées.

Tableau n°43 : Principes de base de la didactique

144 (Le Boterf, 2000 p. 76)

195

195

In fine, aucun de ses concepts ne tient compte des aspirations personnelles ou du « Moi » de l'apprenant. Dans ce système, l'apprenant doit être confronté en permanence à une déstructuration de son « être » pour se conformer aux exigences du « Moi social ». Dans son ouvrage sur l'éducation thérapeutique, Chalmel (2015 p.14) précise que le « savoir est universel, invariable et que la compétence est inhérente à un contexte ou un problème particulier ». En d'autres termes, être bien formé ne signifie nullement « être expert ou détenteur d'un savoir ». En l'occurrence, la personne bien formée est celle qui sera capable de résoudre un problème en tenant compte du contexte. Or, dans notre système scolaire fondé essentiellement sur la didactique on constate qu'on continue encore aujourd'hui à « évaluer les quantités de savoirs ou des performances et non des compétences » (Ibid., p. 14). Ainsi, notre réflexion nous ouvre à de nouvelles perspectives en matière éducative qui nous emmènent à poser la question suivante : Est-ce que l'école doit enseigner le savoir ou les compétences aux élèves ? A partir de ce questionnement, nous tenterons de définir le concept « Moi » par opposition au « Moi social », et nous définirons également le concept « pédagogie » par opposition à la « didactique » dans le champ de l'éducation spécialisée et le champ scolaire.

3.2.3 Le « Moi social » ou « Pression sociale normative » dans l'éducation spécialisée

Dans le cadre d'une évaluation en Master 1 de Sciences de l'Education à l'Université de Haute-Alsace, nous avons analysé une séquence d'un film intitulé « Quatre minutes » qui nous a rendu attentifs à ce paradoxe invraisemblable entre ce qu'une personne meurtrie, l'héroïne du film, Jenny (une prisonnière et jeune musicienne prodige), devait « produire » -et devenir- pour différents « Moi social » (identifiés dans le film par le cadre institutionnel carcéral et sa professeure de piano, une octogénaire également abîmée par la vie), alors qu'elle n'avait qu'un souhait : être libre et s'exprimer à travers le piano (« Moi »). Plusieurs scènes montrent qu'il lui interdisait de jouer du piano en-dehors du cadre règlementaire (Sans la professeure, sans les mains détachées, avec des mains qui ne soient pas abîmées, dans un rythme musical qui ne soit ni effréné, ni enjoué), ce qui était à l'inverse de ce que Jenny souhaitait. Celle-ci manifestait avec d'autant plus de force son souhait et son besoin de laisser libre court à son expression, quels que soient son apparence, le contexte et le cadre.

196

196

Somme toute, il est aisé d'imaginer une corrélation entre cette pianiste prodige et les personnes adultes en situation de handicap mental, pour lesquelles la vulnérabilité induit un risque de formatage et de coercition par les personnes « non handicapées », à la différence entre autres que les personnes en situation de handicap ne sont pas toujours conscientes de leur individualité et de leurs aspirations.

D'autre part, sauf cas exceptionnel, les personnes en situation de handicap ont toutes été baignées dans un processus d'éducation empreinte de « Moi social » en raison des interactions à minima avec les personnes qui les ont élevées, éduquées (au niveau scolaire, familial, etc.) et qui ont été leur modèle intégrateur. Qu'elles aient vécu leur petite enfance dans le cocon « familial » ou « institutionnel », le processus éducatif s'est construit sur un modèle citoyen inhérent au « Moi social », qui a impliqué une soumission « naïve » aux exigences sociales normatives. Leur développement personnel à travers ce système a pour finalité une bonne intégration sociale, l'acceptation et la reconnaissance sociale, etc., avec le risque d'atrophie du « Moi » -puisqu'il n'apparaît pas dans le processus-. Selon la norme d'éducation, « une intégration sociale réussie » est conditionnée par un processus de conformation des aspirations du « Moi » aux exigences normatives du « Moi social ».

Dans ce sens, ces personnes sont marginalisées dès le départ par leur handicap et se heurtent à ce que Chalmel appelle un « crash social ». Malgré leurs aspirations à être comme les autres et à être acceptées par le « Moi social » dont certaines ressentent parfaitement les attentes et les exigences des pairs/professionnels ainsi que les enjeux, elles vivent d'importantes frustrations et désavantages liées à leur handicap, avec une conscience fine de l'impossibilité de s'épanouir dans un système de « Moi social » et ceci même avec le soutien d'un tiers. Car, leur « état » ne correspond pas à la norme sociale. Pour la plupart, elles ne pourront accéder à une formation professionnelle (l'ESAT étant déjà un dispositif « favorable » à la stigmatisation lorsqu'on en pointe son intitulé), ni à l'apparence d'un « bon niveau de vie » (Ressources importantes, « bon niveau social », etc.). Quant à celles qui occupent un emploi hors du dispositif spécialisé, leurs retours mitigés évoquent souvent les frustrations liées au regard d'autrui désignant la différence, l'infériorité, l'insignifiance ou la faiblesse. Cette impossibilité de conformité aboutit à « une

197

197

exclusion » du système « Moi social » vers la construction d'un nouveau type de « Moi » que Chalmel dénomme le « Moi marginal » (op.cit., p.10).

En effet, le « Moi social » est à l'image d'une montagne d'exigences et de normes que leur handicap ne peut ni affronter ni dépasser. De fait, elles se retrouvent assujetties à une forme d'enfermement imposé dont elles ne peuvent s'extraire et sont tourmentées par un ensemble de frustrations ingérables et répétitives. La dépression risque fortement de s'imposer comme une forme de relâchement et de désespoir (« Je n'y arriverai jamais, je n'existe pas. »), auxquels s'ajoutent souvent d'autres troubles (alimentaires, émotionnels, etc.) et in fine l'effacement progressif des aspirations et des ressources du « Moi » -déjà peu affermi à la base-.

Par ailleurs, si un professionnel parvient à discerner la problématique de la personne et cherche à renforcer son « Moi » intérieur à travers des méthodes pédagogiques, la difficulté reste néanmoins de taille en ce qui concerne la renaissance du « Moi » qui a été dénaturé et affaibli par le « Moi social » Il est donc nécessaire pour cette personne d'entamer dans un premier temps un travail de deuil concernant cette quête imaginaire et impossible de conformité au « Moi social », sachant que des mécanismes de défense tels que le déni risquent de rentrer en jeu, avant même que le sujet n'entame le processus de deuil. En somme, la finalité de tout ce travail de deuil n'est pas la guérison (Chalmel, 2015 p.12) comme chez certains patients malades ou la restitution de la vie sociale antérieure du sujet qui a connu un « crash social » mais plutôt un processus de réappropriation du « Moi » conduisant celui-ci à un processus de construction identitaire et de résilience (Pourtois, Desmet, & Humbeeck, 2012). C'est aussi à cette étape que se jouent les forces en présence, entre un processus de questionnements (provoquant les doutes) et le déni quant aux propres représentations de la personne en situation de handicap. A ce stade d'accompagnement vers le deuil du « Moi social » chez la personne en situation de handicap, l'enjeu devient énorme et complexe en raison des facteurs suivants :

? La faible estime de soi, le sentiment récurrent d'échec,

? L'absence de désirs et de projections vers une appropriation à soi, pouvant être lié à la dépression, à la méconnaissance de ce qui touche son individualité, au sentiment de vide intérieur, aux problématiques du handicap, etc.

198

198

? La complexité de l'environnement relationnel et « médiatisé » du « Moi social » -incluant aussi les soutiens de résilience-.

Dans un premier temps, cela signifie également que le processus d'accompagnement tendant à la résilience de la personne est un long chemin, qui nécessite beaucoup de persévérance et de soutien de proximité de la part de l'accompagnant, comme un « étayage en termes de soutien méthodologique et personnel de l'espace à franchir entre intention et action, entre compétence et mise en oeuvre » (Paul, 2002).

En second lieu, cela démontre l'importance de la « qualité » de la posture du soutien de résilience mais également des finalités éducatives qu'il souhaite viser pour la personne.

Aussi, lorsqu'il a été question de mener l'enquête auprès de ce public à besoins spécifiques afin de vérifier leur propre perception de leur accompagnement à l'un des deux « Moi », il s'est avéré complexe d'en ressortir une compréhension éclairée qui ne soit pas induite par un ensemble de facteurs internes et externes liés au « Moi social » (chez les personnes). Mon expérience d'accompagnement auprès de ces personnes vulnérables a révélé maintes fois que, pour la plupart d'entre elles, elles sont extrêmement craintives intérieurement et liées au regard et au retour des personnes non handicapées (d'autant plus celles qui les accompagnent). D'autre part, il aurait non seulement été extrêmement laborieux de les amener à prendre conscience du type d'accompagnement dont elles bénéficient, mais aussi de leurs attentes ou aspirations -sans compter le manque de temps manifeste-. C'est pourquoi, notre enquête porte sur des investigations liées à la compréhension et à la présence du « Moi social » et du « Moi » des professionnels socio-éducatifs qui les accompagnent.

Comme nous l'avons évoqué, le « Moi social » est manifestement intégré dans la mentalité française, et l'institution sociale, à proprement parler des professionnels socio-éducatifs et des cadres, ne semble pas y échapper. Il se développe quels que soient les champs d'actions et les contextes institutionnels, bien que certains favorisent sa présence et son renforcement (idéologies à tendance sectaire, didactique, etc.). Dans notre questionnement empirique, il a été

199

199

question de la présence et du renforcement du « Moi social » dans un contexte favorisant la prise de pouvoir dû à l'absence de position managériale et institutionnelle.

Néanmoins, la question de l'accompagnement dans les SAJ s'avère très variable selon les structures d'accueil, et nos observations montrent une tendance didactique des professionnels à amener les personnes à entrer dans la configuration des savoirs, des savoir-faire et du savoir-être, à les connaître et à les vivre. Pour certains professionnels, leurs représentations se traduisent à travers le regard de l'a-normalité des personnes et il se manifeste par des difficultés d'acceptation de leur attitude inconvenante, leur infirmité déplaisante, leur folie expressive, leurs comportements à risques face aux personnes « normales ». Ces dernières activent alors leur rôle en mode vigilance et contrôle, de peur de déstabiliser l'environnement social « commun ». Cette configuration constitue un facteur favorisant un accompagnement au « Moi social » par des injonctions à ce que les personnes sachent être adaptées socialement, à être modérées, décentes, passives, etc. Et par voie de conséquence, à ne plus pouvoir « être elles-mêmes ». Nous avons aussi observé d'autres modes de fonctionnement induisant des finalités au « Moi social » à l'égard des personnes qui se construisent selon des modes de pensée ou idéologies, tels que « Les personnes et mon professionnalisme seront mieux acceptés et reconnus si mon travail d'éducateur les rend socialement adapté », «Le handicap des personnes doit être de moins en moins visible pour pouvoir être citoyen. », « Je dois contrôler et veiller sur les comportements des personnes afin qu'elles ne dépassent pas le cadre que je fixe. », etc. In fine, la posture didactique semble visible et manifestement présente dans les pratiques professionnelles de certains travailleurs sociaux (à travers la position d'expert, la pression normative, etc.) qui visent le but suivant : Amener la personne à un « certain » savoir, un savoir-faire et un savoir-être afin de devenir une personne qui corresponde à leur idéal-ou à celui du système-. De fait, ces pratiques peuvent faire l'objet de risques majeurs pour les personnes (la dépendance des personnes, la dévalorisation, la crainte, l'anxiété, le sentiment d'échec, etc.), renforçateurs des désavantages liés au handicap manifeste et inhibiteurs de leur individualité.

200

200

Qu'en est-il du « Moi social » au niveau de la posture du cadre supérieur en lien avec les travailleurs sociaux ? Nous observons un environnement autour de l'institution et du travailleur social qui, d'après Honorez145, est en tension, dans un contexte où l'Economie française s'inscrit dans une « rationalisation des moyens » et l'action sociale, dans une « individualisation des réponses aux attentes des (usagers devenus) clients » (Loi 2002) avec des exigences de résultats. Cette rationalisation des moyens dans les institutions médico-sociales prend-elle l'allure du taylorisme146 ? Est-elle liée à la nouvelle configuration des propositions actuelles de postes des cadres, qui promeut les éducateurs spécialisés comme Chefs de Service (en poste dans plusieurs structures) et qui propose la direction de plusieurs établissements à un seul Directeur ? Pour les cadres, les difficultés sont de taille dans un contexte de crise de l'action sociale, qui « est profondément remise en cause en termes d'efficacité, de rationalité et également de légitimité par l'Etat, les mouvements sociaux, les professionnels eux-mêmes et les usagers. » (Ibid.), ajoutant qu'il s'agit d'être innovants, réactifs, « avec des solutions à court terme tandis que le développement durable nécessite de penser et d'inscrire l'action dans le long terme. » De cette crise surgit, selon lui, « une nouvelle psychosociologie à laquelle les établissements devront s'adapter » aux revendications des personnels et usagers (flexibilité, mieux-être personnel) et à la réalité contextuelle (démographique, culturelle et ethnique, le développement durable, etc.). A ce titre, on peut s'interroger sur ces revendications des personnels invoquant un mieux-être, seraient-elles en lien avec leurs ressources matérielles et/ou en rapport avec un mal-être professionnel niant leur individualité professionnelle et personnelle ?

Cette configuration institutionnelle risque fortement d'induire un « manque d'orientations claires, de recentrage et la présence de flous institutionnels, fonctionnels ou autres » (ibid.) provoquant de nombreux dysfonctionnements, tels que la perte ou la recherche de sens, la rotation du personnel, les difficultés ou faiblesses managériales et de communication intra-

145 In Communication pour le Congrès 2011 de l'AIFRIS. In site http://aifris.eu/03upload/uplolo/cv830_57.pdf

146 « Méthode d'organisation scientifique du travail industriel visant à assurer une augmentation de la productivité (...)» In Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.

201

201

équipe, la dissémination des pouvoirs, les exigences, etc. Les risques peuvent être considérables dans le système de l'organisation sociale. Comme nous l'avons observé, ce dernier peut alors basculer dans une forme de pression normative voire coercitive (« Moi social ») selon les propres cadres de références (idéologies, principes, représentations, etc.) des travailleurs sociaux, du fait également de l'absence de management, de formation professionnelle (VAE sans formation initiale) ou d'espaces de parole (Supervision, analyses des pratiques, etc. avec un tiers favorisant le retour réflexif). Néanmoins, malgré ces espaces de paroles possibles (pour défricher, déconstruire et reconstruire de manière coopérative), nous avons observé qu'il arrive que des membres soient implicitement ou explicitement exclus et amenés à une place extérieure au système, prenant ainsi une position de « Moi marginal ». Cette position prend la forme muette (par l'incapacité ou l'impossibilité de parler) ou la forme syndicale (où tout argumentaire et revendication sont alors vains), lorsque le système normatif du « Moi social » est en position de force, se renforce et qu'il n'y a pas d'alternative proposée. Le processus d'engagement dans ce système normatif par les membres du système se fait de manière différente selon les individus. Les uns ont pu y être entraînés (sans véritable prise de conscience), d'autres ont choisi délibérément d'y adhérer (de peur d'être exclus ou par conviction progressive de la légitimité des normes sociales prescrites) et d'autres membres plus conscients de la situation normative ont joué la politique de l'autruche.

Par conséquent, le travail d'équipe risque d'étioler la reconnaissance des compétences des pairs et la confrontation à la différence, et il fait l'objet de pertes de sens, de cohérence, etc. par l'absence de solidarité, de stimulations, d'ajustement réciproques et de partages des représentations et des valeurs. Chaque membre de l'équipe se retrouve à jouer un « persona » qui adhère et se soumet aux injonctions normatives sociales. Dans notre questionnement empirique, nous avons observé que les professionnels en proie au « Moi social » et « livrés à eux-mêmes » ont tenté de maintenir le cap selon leurs propres ressources et principe idéologiques. La marginalisation des personnes non conformes s'est étendue et la dynamique du travail d'équipe ainsi que la qualité de l'accompagnement ont entraîné le développement d'un formatage vers le « Moi social » des personnes prises en charge et des professionnels. Les conséquences manifestes auprès des professionnels provoquent non seulement des pressions

202

202

normatives coercitives à l'égard de l'ensemble des personnes (de la structure), mais induisent également la fragilité des professionnels (générée par des doutes, des interrogations, des symptômes d'épuisement, etc. et in fine, à l'étiolement de leur propre « Moi ») et le rejet conduisant au « Moi marginal » des professionnels non conformes.

Dans la théorie systémique147, un système est toujours ouvert et évolutif, empreint d'interactions (implicites et explicites) entre sous-systèmes et comprenant différents types de gestion (informations et leur accessibilité, la communication, l'histoire et les mythes, etc.). Dans cette situation-type, le système s'est construit à travers la domination d'une mentalité idéologique à finalités éducatives sociales, qui s'est progressivement refermé sur lui-même et opérant sa structure organisationnelle de manière indépendante, selon des compétences hiérarchisées et des prescriptions de règles de fonctionnement. La rencontre d'un « marginal sécant » (Aapellation d'une personne passerelle en relation entre les systèmes) proposant une alternative à cette mentalité normative, peut faire l'objet de reconsidération, de déconstruction et de reconstruction des représentations des membres du système, sous certaines conditions propres à la configuration des systèmes « fermés ».

Au niveau hiérarchique dans une organisation sociale, les finalités du « Moi social » peuvent également être mises en exergue par les fonctions de Direction. Dans ce cas, cette dernière accorde de l'importance au règlement, aux cadres de références (performance des professionnels, contrôle et évaluation, contenus et exigences imposées sans prise en compte du professionnel et de son individualité, etc.-) et aux attendus (perfection, efficacité, rendement, etc.). La Direction s'inscrit alors dans une posture d'expert, donnant une importance marquée à son statut (hiérarchique). Une relation asymétrique est renforcée par l'indifférence à l'individualité du professionnel (à ses compétences, à son identité, à ses affects, à sa subjectivité ... ou pourrions-nous dire, à son humanitude, dans certains cas). Le « Moi social » signe ainsi

147 Références aux enseignements « L'approche systémique » de monsieur Kern, Master 2.

203

une diversification de comportements et d'actions qui sont empreintes de dénaturation du « Moi » des professionnels, ces derniers cherchant à plaire, à être acceptés et reconnus par leur hiérarchie dont les standards d'approbation socioprofessionnelle se situent dans les dimensions de rendement et d'efficacité professionnels (et non de leur bien-être et de leur développement professionnel et personnel), voire d'autres indicateurs subjectifs. D'autre part, ces conduites adoptent alors une uniformité de comportement face aux exigences et à la pression normative, ce qui laisse à penser que leur liberté s'inscrit dans un cadre de référence niant ou rejetant toute forme de résistance. J'ai observé qu'en situations de tension montante ou de crise avérée, la Direction a pris une posture empathique et adaptative face aux professionnels, acceptant cette fois un processus de convergence visant l'individualité du professionnel tout en osant la relation. Aussi, le « crash social » de la personne peut favoriser la perception et la prise en compte de la subjectivité et de l'individualité du professionnel, mais l'on peut d'une part, s'interroger sur la temporalité de cet « accompagnement » par la hiérarchie et d'autre part, sur la prise de conscience des finalités visées par la hiérarchie à l'égard du professionnel, à long terme.

Pour prolonger la réflexion relative à la présence du « Moi social » au niveau institutionnel, il ses finalités peuvent être relevées en termes de performances et de reconnaissance sociales (la performance du Service, le taux de remplissage excédentaire, la meilleure argumentation possible pour l'obtention de budgets, le Projet d'établissement finalisé épais de 300 pages, etc.), en termes de statuts hiérarchiques par une position de supériorité et de reconnaissance sociale (selon les secteurs : médical, psychiatrie, social, etc. et dont les conséquences résultent fort souvent de conflits interdisciplinaires). Le « Moi social » y est agissant et favorise grandement la complexité et la difficulté du travail socio-éducatif et plus encore, de l'accompagnement de la personne centré vers son individualité et son bien-être.

203

3.3. Conceptualisation du « Moi »

204

204

Selon Cuvillier (1954)148, l'individu biologique est un « être original » (il n'existe pas deux individus identiques) et « solidaire » (toutes ses parties sont interdépendantes et coopèrent à la vie de l'ensemble). En philosophie, la notion d'individu se définit comme un « être humain en tant que réalisant son type et possédant une unité et une identité extérieure de nature biologique » et se définit comme « sa personne, soi-même, sa santé, son corps. »149. Toutes ces formes d'appropriation de l'individu représentent le « Moi » qui a un « soi » et qui est aussi un être pensant : « quisnam sim ego ille, qui jam necessario sum » (littér. Ce que je suis, moi qui suis certain que je suis) de Pascal, faisant référence à la fonction cognitive humaine «Cogito ergo sum » (Littér. Je pense donc je suis). Platon le définit de « subjectivité » et Socrate, « d'appréhension spontanée que nous avons dans nos pensées, de nos tendances, de nos désirs, de ce qui est de nous et pas de nous, de ce que nous admettons comme étant notre personnalité ou ce que nous rejetons comme étant en quelque sorte parasite. »150. Cela nous montre que l'esprit inhérent au « Moi » de l'individu se débat ainsi avec ce qui relève du rapport à l'autre, au monde, à travers ses idées, ses impulsions, ses appréciations, sa personnalité, etc. Ce « Moi » représente aussi un être vivant « sentient » qui relève d'un « principe métaphysique qui fait l'unité, le propre de la personne par-delà la diversité de ses pensées, de ses sentiments, de ses actes, c'est-à-dire la réalité permanente et invariable considérée comme substratum fixe des accidents simultanés et successifs qui constituent le moi empirique » (Lal, 1960)151. Notion « d'expérience vécue » que Durkheim152 relie à celle de l'individualité et de la personnalité (différenciées des autres individus) par leurs propres « convictions, leurs préférences personnelles, etc. » marquantes dans la singularité de chaque individu.

148 Cuvillier (1954). Cours de philosophie, Armand Colin. In Wikipédia.

149 Selon le site du Centre Nationale des Ressources Textuelles et Lexicales

150 Notes de séminaires de Lacan, 1954-1955, in http://www.valas.fr/IMG/pdf/S2 LE MOI.pdf

151 In Centre des Ressources Textuelles et Lexicales

152 In Terrier, J. (2012).

205

205

Dans la conception psychanalytique, le « Moi » fait référence à Castel & Haroche (2001, p.151) à partir du principe « d'appropriation » de soi dans l'énonciation du principe de propriété privée (être propriétaire de soi) et à la théorie Freudienne (Ibid). Cette dernière prend en compte la dimension de la psyché de la personne, par l'activité psychique inconsciente (échappant à des certitudes) et le conscient où le « je » se formulent à travers le langage, le dialogue et la communication. Pour Freud, le « Moi »153 a cette possibilité de surgir à travers la cure analytique, qui permet de reconquérir les blancs de son histoire en établissant une continuité entre le conscient et l'inconscient. Il est investi de trois phénomènes psychiques, par leur évolution, leur économie (tendre vers une forme de paix psychique pour réduire le conflit intrapsychique : entre l'individu et son milieu ou à l'intérieur de lui-même), et leur caractère spatial. Ce dernier a fait l'objet de deux classifications sur l'organisation du psychisme : En premier abord, la première topique (Représentation du conscient, du pré-conscient et de l'inconscient), puis la deuxième topique. Il identifie cette dernière sous forme de trois concepts. D'une part, le Ca -qui est le pôle pulsionnel de la personnalité, avec les pulsions et besoins biologiques, régis par le principe de plaisir. Ensuite, le Moi, en contact avec le monde extérieur, avec des contenus conscients et inconscients, régis par le principe de réalité. Enfin, le Surmoi, une instance du Moi, qui est en lien avec le désir et la loi.

Pour Lacan, le « Moi » développe l'idée que le « je est un autre », « le sujet est décentré par rapport à l'individu » et que dialoguer avec ce « je » est complexe parce qu'appartenant à une autre vérité, celle qui est reliée à la libido, « le processus primaire ». (ibid). Pour ce psychiatre et psychanalyste, l'identité du sujet pourrait se définir dans « le stade du miroir » comme « Je me vois donc je suis »154. Toujours en tension entre un « je » (qu'il nomme « sujet de l'inconscient » et un « Moi toujours social » (posés par rapport au corps et à l'ordre social approuvé par un adulte), elle se définit dans une « aliénation active du sujet à une image » dans

153 In Cours de Psychopathologie, enseignés par Madame Gavens, Master 1.

154 In site Lacan-Le stade du miroir-L2metz

206

206

le « stade du miroir ».155 Cette « aliénation » au « Moi toujours social » peut-elle être déstabilisée voire brisée lorsqu'un autre, accompagnant dans une posture éthique, essaie de permettre à ce « je » « de poser à la fois son ressenti, ses expériences (où) il a essentiellement un rôle de miroir : de permettre à l'autre de marcher » ? « L'accompagnement n'anticipe pas la marche de l'autre, mais il essaie de permettre à l'autre de prendre conscience des différents problèmes et de les résoudre par lui-même » (Chalmel, ibid)156 ?

Le « Moi » s'énonce aussi par l'idée du capital humain (dont la théorie du capital humain a été développée par Becker en termes de finalités économiques), concept représentant l'ensemble des connaissances, aptitudes, talents, expériences, qualifications accumulées par un individu. Chaque individu a un capital social, culturel, linguistique, etc. à un moment donné de son existence, puisque celui-ci évolue constamment. Ce capital est par essence relié à l'individualité de la personne, le « Moi », puisqu'il en est propriétaire, auteur et acteur singulier. Le « Moi » serait donc évolutif et en constante modification.

Corrélé à divers éléments du développement psychosocial de l'individu que Desmet (2012) situent dans le cadre du processus de résilience, nous identifions le « Moi » de l'individu selon le modèle théorique de référence proposé. Il s'agit d'un « référentiel spéculatif » représentant l'identité de la personne en fonction de l'expression de ses « besoins (affectifs, cognitifs, sociaux et conatifs) à travers les processus d'affiliation, d'accomplissement, d'autonomie et d'idéologie qui favorisent l'épanouissement et l'inscription au sein d'une communauté humaine. » (ibid., p.10). Nous proposons de le comprendre à travers un tableau relevé dans un ouvrage de Desmet&Pourtois (2004), dans lequel les besoins conatifs énoncés dans l'ouvrage L'éducation postmoderne (1997) ont été remplacés par les besoins de valeurs.

Ce modèle recense les quatre types de besoins correspondant à des courants pédagogiques spécifiques qui sont chacun reliés à un besoin fondamental. Le « Moi » de la personne est ainsi

155 Dans le développement de l'enfant (In Wikipédia).

156 Enseignements en Master 2.

207

207

corrélé à un processus identitaire qui se construit à travers des axes affectif, cognitif, social et idéologique.

Tableau n°44 : Modèle du paradigme des douze besoins psychosociaux (Pourtois et Desmet, 2004). (Sources : enseignement.be).

Aussi, l'identité, l'individualité, la personnalité, le corps, l'âme, un capital affectif, cognitif, social, idéologique, culturel, linguistique, empirique, etc., exprimés en termes de besoins, de tension, de processus, ... constituent ainsi ce que nous appelons « Moi » de chaque être humain.

3.3.1. Pédagogie & « Moi » par opposition à la « Didactique » & « Moi social » dans le champ scolaire

Dans le champ scolaire, le « Moi social » ou la « didactique » est en opposition avec le « Moi » puisque celui-ci ne tient pas en compte de l'aspiration personnelle, propre de l'individu dans l'accompagnement. En revanche, la « Pédagogie » se donne pour objectif d'accompagner le « Moi » de l'apprenant dans le processus d'apprentissage. Le concept « pédagogie » est souvent

208

208

confondu avec la « didactique » dont la finalité consiste à transmettre un savoir, un savoir-faire et savoir être tandis que la pédagogie se définit comme l'art d'éduquer ou d'accompagner au savoir. Le Larousse la définit comme « ensemble des méthodes utilisées pour éduquer les enfants et les adolescents » et l'APPAC157 la présente comme « l'art d'enseigner ou les méthodes d'enseignement propres à une discipline, à une matière, à un ordre d'enseignement ». Si la première définition donnée par Larousse nous semble à peu près juste, celle de l'APPAC, à notre sens n'est pas tout à fait correcte.

La pédagogie n'est pas un art d'enseigner comme le prétendent souvent la plupart des professionnels de l'éducation. Au contraire, étymologiquement la pédagogie se définit plutôt comme l'art d'accompagner. En effet, le mot « pédagogue » vient deux mots grecs : Paidos qui signifie « enfant » et Agein qui signifie « conduire ». Dans l'antiquité, le pédagogue était généralement un esclave qui conduisait l'enfant de son maitre à l'école158. En outre, il faudra noter que le terme « enseigner » renvoie toujours à l'idée d'une transmission de savoir et non à un accompagnement. Or, la transmission d'un savoir quelconque relève particulièrement de la « didactique ». En clair, celui ou celle qui enseigne se retrouve dans une posture d'expert par rapport à l'apprenant, ce qui implique une relation verticale. En revanche, celui ou celle qui accompagne dans une situation éducative ou d'apprentissage est dans une posture d'accompagnant, de guide, ce qui suppose une relation horizontale par rapport à l'apprenant. Ainsi, les valeurs référentielles de l'accompagnant au « Moi » ne procèdent pas d'un axiome professionnel spécifique mais bien d'un support : La relation.

En somme, la pédagogie met en exergue la « relation » avec l'apprenant dans une situation éducative ou d'apprentissage alors que la didactique met plutôt l'accent sur « la transmission », c'est-à-dire les moyens et les méthodes pour transmettre un savoir. Ainsi, la pédagogie est un art tandis que la didactique est une science. De ce fait, tout le monde peut s'improviser

157 Association Professionnelle de Professeurs et Professeures d'administration au collégial. http://www.appac.qc.ca/pedagogie.php.

158 Définition de CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).

209

« pédagogue » que ce soit l'avocat, le parent, le médecin, l'éducateur, le pasteur, le prêtre, le rabbin ou l'imam, etc. Car, « la pédagogie relève d'une éthique, d'une manière d'être envers le monde et les autres, ses valeurs de référence ne peuvent être confisquées par un champ professionnel spécifique » (Chalmel, 2015 p. 16).

Nous avons vu précédemment, que la « Didactique » ou « Moi social » tient son origine du point de vue idéologique de l'école Platonicienne. Cependant, la « Pédagogie » quant à elle, tire son origine de l'école d'Aristote. Car, pour ce dernier, « la connaissance provient pour l'homme de ce qu'il voit, ressent et expérimente par ses sens au contact du monde extérieur et des choses matérielles » (Fauconnier, 2004 p. 78). L'école aristotélicienne met donc en valeur les émotions et sensations ressenties soit de l'intérieur ou de l'extérieur par l'apprenant (op. cit.). Celle-ci tient en compte des mécanismes de transfert et de contre-transfert dans la relation éducative. En l'occurrence, il ne s'agit pas simplement de transmettre mécaniquement un « message » à l'apprenant en situation d'apprentissage sans tenir compte de ses émotions, ses capacités, son rythme et son profil psychologique. Ainsi, le tableau ci-dessous illustre la conception Aristotélicienne et sa finalité sur le plan éducatif (Fauconnier, 2004 p. 81).

Conception

Ingénierie des compétences

Différenciation/
Explication/démonstration
Métissage

Coopération

Travail en groupe
Observation/induction
Raisonnement inductif

Coeur/ Émotion

Intelligence pratique

Tête bien faite

Pragmatique

Savoir agir

209

Finalité = Pépinière. Culture de diversité.

210

210

Tête bien faite
Différenciation/
Explication/démonstration
Métissage
Coopération
Travail en groupe

Observation/induction

Raisonnement inductif

Intelligence pratique

Coeur/Emotion

Pragmatique

Savoir agir

Raisonnement hypothético

déductif
Tête/ Raison

Compétition/reméidation

Spéculation/déduction

culture de supériorité

Intelligence abstraite

Savoir théorique

Tête bien pleine

Individualisme

Dogmatique

Sélection

Ingenierie des compétences

Ingénierie de la formation

Aristote Platon

Pédagogue VS Didacticien

Tableaux n° 45 : Tableaux des conceptions idéologiques de pédagogie et de didactique.

Si le cadre didactique ou social normatif relève d'un savoir, savoir-faire et savoir-être, la pédagogie quant à elle relève d'une éthique, d'une manière d'être envers le monde et les autres (Chalmel, 2015, p.16) reposant sur trois principes fondamentaux : Ergonomie cognitive, savoir-agir et éthique (Ibid., p. 14). Ces principes sont en rupture avec la tryptique didactique du savoir, savoir-faire et savoir-être. Selon Chalmel (2015, p. 14) les principes fondamentaux de la pédagogie s'articulent autour de trois axes ou aptitudes : « Décrire, modéliser159 et transférer ». Le pédagogue a donc pour mission de faciliter le développement intellectuel de l'apprenant en tenant compte de son « Moi » ou de ses « ressources propres » tant sur le plan cognitif qu'émotionnel. L'objectif est donc de permettre à ce que l'apprenant puisse construire un savoir et développer des compétences à partir de ses acquis propres ou talents. En ce sens, la pédagogie s'inscrit dans une démarche de « construction de sens » par rapport au « Moi » de la personne dans son processus d'apprentissage. In fine, le tableau ci-dessous définit les principes d'ergonomie cognitive, savoir-agir et éthique préconisés par Chalmel dans l'action éducative par opposition aux concepts de savoir, savoir-faire, savoir être estampés par le système didactique.

159 Modéliser selon Chalmel (2015 p. 15) consiste à reconstruire un ensemble d'éléments déconstruits.

211

211

Pédagogie
Moi »)

Ergonomie cognitive

Agencer et orienter les connaissances qui doivent être inculquées à l'apprenant en tenant compte de son profil d'apprentissage ou psychologique. Enseignement pratique et concret visant la construction de sens pour l'apprenant.

Savoir-agir

Compétence qui consiste à savoir mobiliser,

combiner, transposer ses ressources
individuelles (connaissances, capacités) et de

réseaux. 160C'est-à-dire aptitude à réaliser
efficacement une action donnée, dans un contexte donné 161.

Éthique

Agir avec les autres avec vérité, justice, entraide, fraternité et bonté 162.

Tableau n°46 : Les trois principes pédagogiques fondamentaux.

160 (Le Boterf, 2000 p. 77)

161 (Chalmel, 2015 p. 14)

162 (Pestalozzi, 2009 p. 16)

212

Par ailleurs, plusieurs institutions scolaires connues sous le nom d'« École nouvelle » prirent naissance ces dernières années en se référant essentiellement aux principes pédagogiques et rejetant systématiquement les méthodes didactiques des institutions scolaires classiques et traditionnelles. Ainsi, les « Écoles nouvelles » adoptent les courants de pensée préconisés par des pédagogues réformateurs comme Comenius, Rousseau, Pestalozzi, Dewey, Montessori, Decroly, Coussinet et Freinet. En effet, ces derniers scandent un apprentissage centré sur l'élève par opposition à la didactique, où l'apprentissage est plutôt centré sur l'enseignant et son savoir. Ces pédagogues mettent l'accent sur l'apprentissage par la recherche et l'expérience. L'apprenant ou l'élève construit lui-même son savoir à partir d'une situation éducative, qui le met en action et l'incite à comprendre certains concepts par sa prise d'initiative. Ainsi, nous retrouvons trois courants pédagogiques historiques découlant des « Écoles nouvelles » et parcourant encore aujourd'hui les différents réseaux éducatifs tant en France qu'ailleurs dans le monde :

? La pédagogie différenciée ? La pédagogie du projet ? L'éducabilité cognitive

Durant ces deux dernières années, le Lycée Ettore Bugatti a intégré la « pédagogie du projet » dans le cursus de formation des élèves de CAP et de Bac pro. Au cours de l'année académique 2015-2016, ces élèves ont réalisé le « Le Projet 4L Trophy » qui consiste à mettre à neuf une carcasse de voiture qui sera utilisée dans le cadre d'une mission humanitaire au Maroc dont l'objectif est d'apporter des ouvrages scolaires à des enfants de villages éloignés. Nous reviendrons ultérieurement sur quelques détails de ce projet pédagogique.

Didactique

212

Pédagogie

213

213

Savoir

Assimilation de

connaissances générales.

Ergonomie cognitive

Agencement des

connaissances de

manière spécifique et orientée.

Savoir-faire

Agir en fonction des
normes et procédures
préétablies. Se limite

à un geste
professionnel.

Savoir-agir

Agir efficacement en

fonction d'une

situation donnée,

dans un contexte

donné. Savoir
mobiliser, combiner,

transposer ses
ressources

individuelles

 
 
 

(connaissances,

capacités) et ses
réseaux.

Savoir-être

Se comporter en

fonction des règles et convenances sociales

imposées par un
système (Moi social)

Éthique

Se comporter avec

les autres avec
justice, équité, vérité, entraide, fraternité et bonté.

Tableau n°47: Récapitulatif des deux tableaux sur la différence en principes didactiques et principes pédagogiques.

Il est important de souligner aussi que « pédagogie » ne signifie pas absence de cadre ou de normes dans l'action éducative. Dans tel cas, ce serait l'anarchie, la destruction plutôt que l'accompagnement et la construction de la personne. Par rapport à la « Didactique » ou « Moi

214

214

social » celle-ci offre un cadre beaucoup plus souple, moins restrictif et adapté à la personne accompagnée. D'ailleurs, Chalmel (2015 p. 17) précise, en se référant à Weber que la pédagogie fonctionne avec un système de valeurs et est soumis à deux types d'éthique :

1. Une éthique de conviction préconisant une certaine fermeté (Position hiérarchique par exemple) sur des principes idéologiques sans transiger.

2. Une éthique de responsabilité, car certaines situations nous obligent à ne pas faire de compromis sur nos convictions pour pouvoir « survivre » ou défendre les intérêts des usagers ou des professionnels.

De ce fait, la cohérence et la méthodologie s'imposent à toute action pédagogique en dépit du fait que la pédagogie laisse une très grande place à la subjectivité et à l'expression du « Moi » en matière d'accompagnement éducatif. In fine, en matière de formation professionnelle, la didactique vise « l'ingénierie de la formation » tandis que la pédagogie vise « l'ingénierie des compétences ».

3.3.2. L'accompagnement au « Moi » dans le champ d'éducation spécialisée

Il semble intéressant d'expliciter l'accompagnement au « Moi » des personnes en situation de handicap en termes d'équilibre, de limites. Ainsi, concernant leur maintien à domicile par exemple, il s'agit de trouver un équilibre entre le respect de leur libre-choix (souhait), leurs besoins (au vu de son autonomie), l'environnement dans lequel elles évoluent (solidarité, proximité des services sociaux, etc.), en naviguant entre l'objectivité et la subjectivité du professionnel. Quels que soient les différents types de services ou dispositifs163 se déclinant à la fois en fonction de l'âge, du type de déficience et d'autonomie et de l'évolution des personnes, le maintien dans leur milieu ordinaire est privilégié -avec un soutien professionnel-et cet objectif est pris « entre des injonctions très contradictoires : l'autonomie d'un côté, le bien-être de l'autre, et un troisième pôle est la protection » (Hennion, p.44, op.cit.) de la personne. A ce niveau, accompagner la personne « vulnérable » pour l'impliquer dans un

163 FAS, SAJ, MAS, MRS ou le SAVS, le SAMSAH, SSIAD, ESAT, etc.

215

215

consentement éclairé comme actrice de sa vie implique que les professionnels l'accompagnent avec bienveillance et discernement, avec cohérence et coopération, et avec le soutien de son environnement social. Ces différents paramètres renvoient également au fait qu'elle nécessite un soutien plus ou moins diversifié de tiers, même lorsqu'elle est relativement autonome.

Une des limites inhérentes à l'accompagnement visant l'individualité de la personne réside dans le contexte pluriel du travail socio-éducatif. Celui-ci comprend la connaissance médico-sociale de ses problématiques (pathologie, évolution, etc.), les partenariats (SAVS, mandataire de justice, etc.), la dimension individuelle (intra-interpersonnelle, idéologique, etc.) et professionnelle du travailleur social qui propose les finalités éducatives, la contractualisation au sein d'un système institutionnel lorsqu'elle est accueillie en SAJ, etc. Ce dernier représente le cadre institutionnel, les projets et objectifs, les outils et moyens, les méthodes, l'ensemble des exigences directes et indirectes en termes de finalités vues par le Conseil Départemental (Taux de remplissage, pertinence du SAJ, bilan annuel des activités), les cadres du Service (la performance du Service : la progression du « taux de remplissage », la meilleure argumentation possible pour l'obtention de budgets, la performance des éducateurs, etc.), etc. L'ensemble de ces facteurs peuvent influencer et développer le « Moi social », qui a vocation à y être implicitement oppressant ou culpabilisant pour les acteurs, mais aussi être des obstacles au développement du « Moi » des personnes accompagnées.

Dans un autre registre, pour que l'accompagnement de la personne en situation de handicap vise sa propre individualité, il arrive que le travailleur social l'amène dans ses retranchements, sous forme « d'injonctions positives » pour qu'elle oser dépasser ce qui l'enferme ou l'oppresse, ou pour qu'elle réalise intérieurement le sens de sa situation. Ainsi, il arrive qu'il lui demande explicitement une prise de risque plus grande pour développer son autonomie. Force est de constater que les prises de risques sont pléthores et diversifiées lorsque les finalités prônent l'individualité de la personne. Et cette posture exige une conscience fine et assurée de la démarche mais aussi une confiance de l'accompagné envers l'accompagnateur. Pour le professionnel visant un accompagnement au « Moi », la prise de risque est encore une fois liée à des options idéologiques, des valeurs et une éthique, que Weber (op.cit.) énonçait d'« éthique

216

216

de responsabilité » et d'« éthique de conviction »... avec un autre risque potentiel : celui de déséquilibrer l'organisation du cadre institutionnel (Repères et routine compromises, etc.).

Par ailleurs, sachant que les différences de handicap et les degrés d'autonomie selon les personnes en situation de handicap sont importants, la pratique d'accompagnement visant le « Moi » est davantage complexifiée que dans le cadre d'un accompagnement scolaire « basique ». Une personne porteuse du spectre autistique ne pourra pas peindre un carré prédéfini seule, alors qu'une personne du même âge déficiente mentale moyenne en sera probablement davantage capable. Cela implique un travail complexe d'adaptation aux personnes dans les pratiques professionnelles d'accompagnement, au sein d'un collectif qui plus est.

La formation- : « Comprendre le fonctionnement de la personne avec autisme. De la théorie à la pratique » a mis en évidence le lien manifeste entre un accompagnement de qualité, l'évaluation des troubles de la personne (Tests d'évaluation fonctionnelle de l'intervention mesurant la communication, le degré d'autonomie, le profil sensoriel) et la connaissance de l'autisme. De ce fait, sachant qu'une personne à troubles autistiques est atteinte d'altérations qualitatives des interactions, de la communication, des intérêts et de comportements stéréotypés et répétitifs, et qu'elle est munie d'une hypersensibilité sensorielle, la pratique d'accompagnement doit se prémunir de certains comportements qui pourraient contrarier ou troubler la personne. Lors d'une évaluation au Centre Ressource Autisme (Colmar), Hugo tapotait avec ses mains sur ses oreilles et ne suivait pas les instructions des évaluateurs (lors de son diagnostic). Bien plus tard, l'équipe soignante a réalisé qu'il entendait mieux les flots de la rivière (sous-jacente à l'établissement) par ce tapotement, bruit qu'il appréciait et recherchait à écouter. Avec une personne présentant ce type de handicap, il est également important de ne pas la regarder dans les yeux (en raison de la somme d'informations éprouvées par la personne qui a une vision kaléidoscopique), à décomposer la posture professionnelle (Décomposer la phrase, parler lentement, respecter le temps de latence, une demande après l'autre, marcher lentement), à ne pas être dans l'ironie (Interprétation littérale), par exemple. La formatrice, Madame Wilhelm, a insisté sur « l'ergothérapie cognitive » en lien avec la symbolisation

217

217

(Décomposer le temps d'une douche avec des pictogrammes, par exemple) comme spécificité de l'accompagnement, parce qu'elle marque un cadre visuel (et non le sens ni le contenant) qui donne un repère sécurisant pour la personne porteuse de troubles autistiques. Elle a proposé les six fondamentaux de l'accompagnement des personnes autistes : La structuration du temps et de l'espace, l'apparition de tâches, l'individualisation de l'accompagnement, la prise en compte des aspects sensoriels et la vigilance somatique. La posture professionnelle implique ainsi un travail sur la motivation des personnes, sur le renforcement (Conditionnement), sur la transférabilité en d'autres contextes et particulièrement une posture éthique -la pratique pavlovienne pouvant présenter des risques d'abus à l'égard de la personne, à notre sens-. Cela signifie bien que l'accompagnement doit être individualisé mais bien plus encore... Il doit être spécifique, singulier et corrélé à l'individualité de la personne, pour que celle-ci puisse investir ses apprentissages quel que soit le contexte, ce qui résultera pour elle d'une meilleure autonomie et ainsi, une appropriation manifeste de son individualité. Il en est de même de l'apprentissage de l'heure pour les personnes déficientes intellectuelles. Pour certaines d'entre elles, cette compétence cognitive relève d'un véritable parcours du combattant pour comprendre le fonctionnement de la montre et le déchiffrage de l'heure, apprentissage qui peut durer des années... Force est de constater qu'en répétant, en valorisant les progrès, en décomposant les étapes et en les transférant dans d'autres contextes et sous d'autres formes (montre, horloge, etc.), l'apprentissage du déchiffrage de l'heure est une compétence acquise pour certaines personnes accueillies au SAJ de Neuf-Brisach. Il faut également retenir un paramètre non négligeable dans la finalité éducative visant le « Moi » : la prise en compte de leur cadre de référence, de leurs conceptions antérieures, de leurs modèles et de leurs représentations, qui constituent le support et le fondement de tout processus d'apprentissage -.

Au regard de tout ce qui a été développé, nous concluons qu'un accompagnement individualisé visant des finalités éducatives au « Moi » de la personne ne peut s'extraire des connaissances et spécificités inhérentes à sa problématique personnelle, et que le professionnel est forcément amené à prendre des risques et à devoir s'investir avec davantage d'alliance pédagogique (en termes de temps, de recherches de compréhension, d'anticipation, de proximité, etc.), parfois au détriment du collectif.

218

218

Qu'en est-il du hiérarchique à l'égard des professionnels socio-éducatifs ? Pouvons-nous en conclure qu'il accompagne la personne ? C'est de toute évidence ce que préconise Paul (2009) comme une nécessité et une finalité en lien avec les enjeux cognitifs du professionnel (et non pas le projet)... sans toutefois nommer la qualité de l'accompagnant : un tiers neutre, le cadre du Service, etc. Dans notre questionnement théorico-descriptif, nous avons observé que le « Moi » du professionnel socio-éducatif comprend les différentes définitions inhérentes à l'individualité de la personne, étoffée de la dimension professionnelle liée à sa fonction sur le terrain. Notre enquête déterminera davantage l'opérationnalisation de ce type d'accompagnement.

3.3.3 La résilience dans l'action éducative : Entre le « Moi social » et le « Moi » ?

La résilience correspond à un « processus biologique, psychoaffectif, social et culturel qui é un nouveau développement après un traumatisme psychique » (Cyrulnik & Jorland, 2012, p.8). Du latin « resilientia » traduit par les verbes « rebondir », « se ressaisir », « se redresser » en langue anglaise, ce concept illustre un processus activé par une personne fragilisée par une détresse psychique (traumatisme, stress, blocage, etc.), qui est « évolutif et qui résulte d'un échange interactif et multifactoriel, situé au croisement entre l'individu, la famille et l'environnement social » (ibid., p.67). Par ailleurs, la résilience se définit également comme étant « la capacité d'un individu à s'adapter avec succès à un environnement social, scolaire et professionnel malgré des conditions défavorables » (Larose, 2015, p.67). La littérature scientifique montre que la résilience se construit à partir de facteurs individuels et environnementaux (Ibid). En effet, la famille, une structure, une organisation ou une institution scolaire peuvent être des environnements de construction de résilience d'une personne. Le concept de « résilience » est apparu en sciences humaines dans le monde anglo-saxon dans les années 70 (Terrisse & Larose, 2001 p. 31). Le terme a été emprunté des sciences physiques et informatiques. Par exemple, en physique la résilience se définit comme « La résistance des matériaux suite à un choc ou à une pression continue » (Ibid., p. 32). Et en informatique, la résilience se définit comme « la dualité d'un système qui continue de fonctionner malgré des anomalies d'éléments constitutifs du système » (op. cit.). A partir de ces définitions, les spécialistes en sciences humaines montrent

219

219

que la résilience se traduit comme « l'état d'enfants, adultes, de familles, évoluant de façon socialement acceptable malgré des évènements douloureux tels que la maladie, le traumatisme, le stress, la naissance d'un enfant en situation de handicap qui peuvent parfois déstabiliser et briser définitivement d'autres individus » (Ibid., p. 31). En effet, toute personne ayant connu un crash social ou fracas dans son « Moi » intérieur doit entamer un processus de résilience pour pouvoir se reconstruire. Une personne en situation de handicap ou un élève en échec scolaire (décrocheur) nécessite obligatoirement un accompagnement amorçant le processus de résilience.

Pour la personne en situation de handicap, Jacques Lecomte164 définit sa situation, comme ayant subi un traumatisme consécutif à son handicap dans certains cas ou étant de toute manière dans un processus de résilience par le soutien des aidants (ce qui, à notre sens, n'est pas systématiquement le cas en ce qui concerne les personnes lourdement handicapées hébergées en MAS165, par exemple). Dans son quotidien personnel et dans le cadre du SAJ, le processus de résilience s'inscrit à travers deux axes principaux. D'une part, comme nous l'évoquions, la situation de « crash social » suivis d'un processus de deuil sont intimement liés à la situation de la personne de par son handicap, et induisent de fait le processus de résilience pour une finalité d'appropriation à leur « Moi ». C'est la relation avec un tiers aidant qui favorisera son développement personnel et son épanouissement dans la société, également dans l'idée de l'aider à retrouver sens à soi pour satisfaire ses besoins d'affiliation, d'accomplissement, d'autonomie sociale et d'idéologie (Pourtois & Desmet, ibid) à travers le développement de compétences transférables, entre autres. Cheminement éminemment long nécessitant la proximité et la posture éthique d'un tiers... D'autre part, le second axe relève ces mêmes situations d'incapacités, de blocages, de détresse, etc. (une difficulté conjugale, un blocage manuel lors d'une activité, une déprime persistante liée à sa prise de poids, etc.), dans lesquelles

164 Lecomte J. (2005). Favoriser la résilience des personnes handicapées mentales. Reliance, 2005/4 N°18, 15-20.

165 Maison d'Accueil Spécialisée.

220

220

l'accompagnement vers un processus à tendance normative, ne sera pas résilient mais adaptatif au « Moi social », comme nous l'évoquerons ultérieurement.

C'est à travers des rencontres durables ou ponctuelles, « contribuant à l'activation d'un noyau de sécurité et de confiance » (ibid., p.81) et ainsi à travers des « interactions relationnelles effectives de soutien à la résilience (encouragement, aide, écoute, etc.) » (op.cit.), que la personne sera amenée à « faire quelque chose de productif » de ses blessures, et à développer les ressources internes de son « Moi » (Cyrulnik & Seron, 2003, p.73). A ce titre, le soutien et l'écoute active actent dans un « lieu de parole » ou la « parole remaniée » de la personne résiliente, ce qui lui permet de réintégrer sa fonction humaine, « d'exister dans l'âme de l'autre » (Lap., 15). C'est également à travers l'art sous toutes ses formes (Expression théâtrale, dessinée, sculptée, etc.) qu'elle peut exprimer son « Moi » où le traumatisme vécu pourra être symbolisé et sublimé (ibid., p.16).

Selon Kauffmann (Ibid.), le « Moi » n'est analysable qu'avec l'histoire individuelle et sociale élargie de l'individu, il ne peut se défaire d'une certaine emprise sociale et a développé « une autonomie subjective ». Chalmel (2015, p.10) énonce que le « Moi » est dissocié du « Moi social », en ce qu'ils sont opposés par leurs finalités (le « Moi social », « entité relative au corps social ») dénature « l'entier numérique » le « Moi » ou l'individu. Selon lui, il est possible de se défaire du « Moi social » par l'éducation au « Moi », à sa propre individualité, ou lorsqu'un fracas (chômage, deuil, perte d'un emploi, etc.) du « Moi social » déséquilibre et brise la construction de cette bonne conformité et l'intégration aux normes sociales (réussite et intégration sociale). En d'autres termes, une personne en situation de handicap ou un décrocheur est un individu fracassé par le « Moi social » et sa réhabilitation nécessite l'enclenchement d'un processus de résilience par l'éducation de son « Moi ». De fait, résilience et éducation au « Moi » vont de pair.

En fait, quand il y a un fracas chez l'individu, celui-ci perd son identité sociale. Son « Moi social » construit à partir d'un processus de dénaturation (système scolaire et social) explose et sa vie change totalement. Comme il n'est plus en capacité de se conformer aux normes sociales, il se retrouve exclu socialement et son « Moi » est dans une position de faiblesse et de

221

221

dénuement extrême, car il n'a pas fait l'objet « d'appropriation de son individualité » mais de « dénaturation ». La personne en situation de handicap est un « Moi marginal » de par son handicap, du fait de son « a-normalité sociale » et de sa difficulté d'accommodation sociale. Et l'élève décrocheur qui ne parvient plus à répondre aux exigences de l'école, devient un « Moi » marginal, un étranger, un intrus dans le système. Donc, deux options s'offrent à ce dernier : Soit il décidera de sortir complètement du système en s'enfermant dans la marginalité en refusant toute forme d'aide ou de réintégration. C'est le cas de décrocheurs perdus de vue. Ou soit il mettra tout en oeuvre de son propre gré ou par la stimulation d'un tiers pour réintégrer le système. Sa réintégration dans le système ne signifie pas que celui-ci devient résilient, car « le processus de résilience ne doit pas être confondu avec l'adaptation ou la résistance invulnérable » (Terrisse & Larose, 2001 p. 33).

L'adaptation ou la résilience peuvent être stimulées par des intervenants extérieurs que Cyrulnik (1999) nomme « tuteurs de résilience » (op.cit.). Néanmoins, dans un souci pédagogique, nous préférons utiliser le terme de « soutien à la résilience » car le vocable « tuteur » selon Chalmel (ibid.) implique une forme de dépendance, ce qui est contraire à l'idéologie de l'accompagnement pédagogique que nous prônons dans cette étude. Ainsi, pour pallier le problème de décrochage scolaire ou d'échec scolaire, notre système éducatif met en place des mesures de réintégration scolaire, de raccrochage scolaire par le moyen de « remédiation ». Il faut souligner que le terme de « remédiation » étymologiquement signifie « porter remède, guérir ». En effet, la remédiation dont on fait souvent l'éloge relève du système didactique (« Moi social ») l'objectif n'étant pas de favoriser la résilience, mais plutôt l'adaptation. Parce qu'en fait, on réutilise ou répète sous une autre forme les mêmes méthodes didactiques ou du « Moi social » pour pouvoir soulager ou guérir le mal de l'élève ou de la personne en situation de handicap. Cette dernière va s'inscrire dans un processus visant son adaptation au « Moi social », en s'acclimatant aux méthodes et pratiques visant des savoirs, des savoir-faire et un savoir-être dans le but d'une intégration sociale. Elle ne sortira pas de ce système didactique, malgré les méthodes et moyens innovants et brillamment individualisés mis en oeuvre.

222

Dans ce cas-là, rien ne peut garantir une reconstruction véritable de la personne. Ce n'est pas parce qu'un décrocheur a suivi un ensemble de programmes de remédiation lui permettant d'obtenir un diplôme à la fin de sa formation que cela signifie qu'il ait connu « une résilience » et que son problème de marginalisation ne resurgira pas une dizaine d'années plus tard en milieu professionnel. Car selon Cyrulnik (1999), la résilience doit permettre à l'individu fracassé de « développer des capacités à se protéger malgré les pressions dont il fait l'objet et de se construire une existence riche et stable » (Terrisse & Larose, 2001 p. 33).

Dans ce même ordre d'idée, Cyrulnik (2012) souligne que la résilience oblige l'individu fracassé à faire le deuil de sa vie antérieure ou de son « Moi social » en acceptant sa situation actuelle afin de pouvoir développer son « Moi ». C'est à partir de là, que la « pédagogie » intervient non avec des méthodes de remédiation de la « Didactique » ou du « Moi social », mais plutôt avec ce qu'on appelle des méthodes de « Différenciation » aidant l'individu fracassé à se reconstruire à partir de ses blessures et de ses ressources propres (Manil, 2014). Les schémas ci-dessous récapitulent la différence entre les processus de résilience et d'adaptation.

Construction

Existence

riche

Moi

(Ressources intérieures)

Moi social

renforcé

répété

Résistance

Existence subie

Résilience

Différenciation

Adaptation

Remédiation

Pédagogie

Didactique

222

Figures n°48 : Schémas récapitulatifs de la différence entre les processus de résilience et d'adaptation.

223

223

Il faut savoir que la plupart des grands pédagogues comme Pestalozzi, Decroly, Freinet, Korczak, Makarenko, La Garanderie, etc. ont été eux-mêmes des résilients qui ont su « transformer leur souffrance en une occasion d'apprentissage et de libération de l'aliénation qui les tenaillait dans leur vie » (Goussot, 2014 p. 21). Un accompagnement pédagogique auprès des publics en difficulté doit aussi favoriser la « construction de contextes d'apprentissage à partir des histoires difficiles personnelles et parfois traumatiques » (Ibid., p.21). C'est ce que Cyrulnik (2002 p. 19) dénomme « la résilience oxymoron » qui consiste à associer deux termes antinomiques, le malheur avec le bonheur. D'ailleurs, il considère la résilience comme « un merveilleux malheur ». Ainsi, en ce qui concerne l'échec scolaire, Alain Goussot (2014) explique que « tout joue dans la construction de l'accompagnement pédagogique ». Sur ce principe, Goussot définit la résilience comme un concept pédagogique se traduisant par un « processus d'apprentissage qui se construit dans l'interaction entre différents niveaux de vie de chaque personne blessée durant sa trajectoire ». Ainsi, le même auteur souligne un certain nombre de vecteurs de résilience. En effet, pour parler du concept de résilience, il est nécessaire de tenir compte des termes suivants (Ibid., p. 21) :

1) Rencontre (Soutien ou accompagnant à la résilience)

2) Médiation

3) Interaction

4) Compensation

5) Zone intrapsychique et inter-psychique de développement proximal

6) Narration (Parler du vécu et du ressenti)

7) Dialogue

8) Dimension historico culturelle

9) Estime de soi

10) Compréhension

11) Connexion à soi-même

12) Connexion au monde

13) Coopération et inclusion

224

224

3.3.3.1. Dispositifs favorisant la résilience au Lycée Ettore. Bugatti

Ainsi, dans les mesures prises et inscrites dans le projet d'établissement du Lycée Ettore Bugatti contre le décrochage scolaire, nous retrouvons ces termes à travers certains dispositifs qui ont été mis en place comme nous le montre le tableau suivant :

Vecteurs de résilience Dispositifs ou projets mis en Objectifs du projet

oeuvre d'établissement à atteindre

Rencontre, médiation,

Le SAS : Accueil des élèves pendant les 4 premières semaines de la rentrée. Chaque élève est accompagné par deux professeurs référents l'aidant à

se repérer dans son
environnement, tisser des liens avec autrui.

Les alliances éducatives : Ce projet est en cours d'élaboration. Il consiste à faire travailler ensemble les enseignants de matière générale (Maths, etc.) et les professeurs d'atelier (mécanique) dans un même cours. L'objectif est de permettre aux élèves de faire le

Mieux accueillir, mieux

accompagner, mieux encadrer.

interaction

225

lien entre les cours théoriques et pratiques.

PAFI : Parcours aménagé de formation initiale. Ce dispositif permet une entrée en douceur dans la voie professionnelle à partir de la 3e .

Narration, dialogue LATI : Accueil des élèves

exclus de cours et leur donnant la possibilité à ceux-ci de s'exprimer et réfléchir sur leurs

comportements. Deux
animateurs sont à leur disposition.

Mieux accompagner, mieux vivre ensemble.

Mieux apprendre en entreprise. Mieux vivre ensemble.

Connexion au monde

Partenariats avec le monde de l'entreprise. Visite d'entreprise. Sorties et voyages scolaires. Journal sport automobile, club magie, de danse, etc. Ouverture à la culture. Espace de détente (patio, foyer, etc.)

Coopération, inclusion et estime de soi

4L Trophy : projet pédagogique axée sur la valorisation. Sous l'égide de professeurs d'atelier, les élèves ont pour mission de mettre à neuf une carcasse de voiture qui sera utilisée au

Mieux apprendre, considération,

valorisation, écoute et
bienveillance

225

226

Maroc dans le cadre d'une mission humanitaire

Tableau n°49 : Dispositifs favorisant la résilience au Lycée Ettore Bugatti.

Le projet « 4L Trophy » mentionné en dernière partie dans le tableau ci-dessus a été réalisé cette année par les élèves de CAP Automobile (Mécanique, peinture, carrosserie). Cette action pédagogique vise non seulement à valoriser les élèves mais aussi à construire du sens pour l'élève. Selon Cyrulnik (2000 p. 22), le fait de participer ou réaliser un projet permet à « l'individu fracassé de s'éloigner de son passé, métamorphoser la douleur du moment pour faire un souvenir glorieux et amusant ». Ce qui peut être très bénéfique pour un élève en échec et en souffrance scolaire. En outre, Kaempf (2003) explique que la personne qui s'investit dans un rôle social ou humanitaire facilite sa résilience à l'instar de ces élèves qui remettent à neuf une carcasse de voiture qui sera utilisée pour une mission humanitaire.

Le projet 4L Trophy en images

226

227

Début du projet : La carcasse Début des travaux par les élèves

Étape intermédiaire du projet : Peinture Vers l'étape ultime

227

Fin du projet : Voiture remise en état. Objectif atteint : La voiture est en mission au

Maroc. Roule en bon état.

Images n° 35-40 : Le projet 4L Trophy.

3.3.3.2. Dispositifs favorisant la résilience chez les personnes en situation de handicap accueillies au SAJ de Neuf-Brisach

Outre les diverses interactions favorisant la rencontre, la connexion à soi-même, le dialogue, la narration, la médiation, la compréhension etc. énoncés dans les pratiques d'accompagnement par les professionnels -Entretiens avec la psychologue clinicienne ou avec l'éducateur référent, les activités, etc.-, un dispositif intéressant proposé par le SAJ favorisant la résilience des personnes accueillies est celui du partenariat avec le Club Informatique de Biesheim avec l'idée

228

228

de connexion au monde, de coopération et d'inclusion. Il valorise l'estime de soi et favorise le développement intrapsychique et inter-psychique (Plan social et psychologique) des personnes en situation d'apprentissage et en interaction avec les membres du Club. Ce dispositif est vecteur de résilience non seulement à travers une alliance pédagogique entre l'accompagnant et l'accompagné -visant les apprentissages multimédias (Powerpoint, Word, etc.)- mais aussi par la place qui leur est accordée considérant leur individualité et par-delà, leurs ressources et potentiels, dans l'idée d'inclusion sociale. En ce qui concerne les professionnels socio-éducatifs en poste au SAJ, on peut citer le dispositif « Groupe d'Analyses de Pratiques » dont l'accompagnement est prodigué par la psychologue clinicienne de l'établissement, rencontre permettant la narration, la compréhension, la médiation et toutes autres formes d'interactions et de mouvement réflexif entre membres de l'équipe éducative.

D'après les retours des professionnels au SAJ, ces deux dispositifs ont été positivement investis au SAJ et continuent de favoriser le processus de résilience de certaines personnes et de certains professionnels. A ce titre, plusieurs d'entre eux ont eu l'occasion de raconter l'épanouissement personnel ou quelques petits progrès de personnes en situation de handicap en termes d'estime de soi, de développement de compétence-.

3.3.3.3. Facteurs favorisant la résilience

Ainsi, Mesten et Gamezy (1985) soulignent certaines qualités internes qui se développent chez une personne résiliente, telles que (Terrisse & Larose, 2001 p. 38):

· Autonomie

· Sentiment d'auto-efficacité

· Une bonne estime de soi

· Bonnes capacités cognitives

· Des compétences sociales

· Capacité de sentiments d'apathie ou d'humour

· Un tempérament agréable

· Santé et forces physiques

· Stabilité émotionnelle

229

229

? La motivation et la foi

A cela, il faudra rajouter des facteurs extérieurs favorisant le processus de résilience, car selon Garmezy et Werner, celle-ci est « liée aux interactions entre environnement et personnalité de la personne fracassée » (Ibid., p. 43). En effet, l'environnement joue un rôle primordial dans le processus de la résilience de la personne qui peut être déterminé par les facteurs suivants :

? Influences de relations sociales positives (voisinage, réseaux et supports sociaux, camarades de classe, enseignants, lieux de culte, clubs sportifs, etc.).

? Aspects familiaux positifs (Bienveillance, bientraitance, chaleur humaine).

? Personnalité de la personne (qualités internes, dispositions ou ressources intérieures positives).

Ainsi, tout système ou organisation peut contribuer à la résilience d'une personne en mettant en place des dispositifs pédagogiques (non didactiques) adéquats. Qu'il s'agisse de la famille, d'une association ou de l'école, celle-ci peut développer un environnement favorisant la résilience de l'individu fracassé. En outre, Cyrulnik (2000 p. 187) montre que « paradoxalement c'est en dehors de la famille que les facteurs de résilience sont plus faciles à trouver puisque souvent les proches eux-mêmes blessés ont du mal à comprendre et accompagner quelqu'un de la famille qui a été brisé » En d'autres termes, il est plus facile pour un décrocheur de devenir résilient par le biais d'une structure externe que par sa propre famille ou ses proches. Concernant la personne en situation de handicap, il est difficile d'en conclure ainsi, puisque chacune est immergée dans un contexte et une histoire de vie singuliers... Toutefois, il est intéressant de souligner que les parents de l'adulte en situation de handicap sont inévitablement submergés par un ensemble de facteurs complexes liés au handicap. Tréminitin166 énonce « la blessure insidieuse et la déchirure à jamais ouverte liée à l'annonce du handicap », « le chagrin et la douleur inconsolables », le « désenchantement », « l'anéantissement et le désespoir inguérissables ». Certains parents se retrouvent dans

166 In Lien social repéré le 02 mai 2016 à : http://www.lien-social.com/Parents-d-enfant-handicape

230

230

l'impossibilité de faire leur deuil et s'épuisent, voire abandonnent le combat. D'autres, « pour ne pas sombrer sous le poids de la dépression lancinante, se réfugieront dans un fonctionnement protecteur ». L'auteur rajoute que « les comportements adaptatifs possibles vont de la négation du handicap à la sublimation, en passant par la minimalisation, sa vérification infinie auprès de spécialistes, voire la réparation par la conception d'une autre enfant ». Comment des parents envahis psychiquement pourraient-ils favoriser l'accompagnement de leur enfant adulte vers son « Moi », malgré leur désir du « meilleur » pour lui ? La question reste ouverte et ne revêt toutefois pas un caractère universel.

Cependant, Kempfer (1999) explique que « le processus de résilience n'est pas une construction simple mais complexe qui peut évoluer au cours d'une vie » (Terrisse & Larose, 2001 p. 54). En tant qu'accompagnateur, éducateur et pédagogue, l'une des premières valeurs incontournables dans une démarche d'amorçage du processus de résilience est de « croire en la personne comme sujet irréductible et digne de respect » (op. cit) et comme sujet singulier, dont « le développement identitaire peut se réaliser à travers la satisfaction des besoins psychosociaux » (Pourtois & Desmet, 2012, p.11). Nous pensons que ce processus de résilience ne peut se développer sans l'implication d'un ou de plusieurs « soutiens de résilience », qui, par leur posture éthique, l'amène à travers une pratique pédagogique vers l'appropriation et la progression de son « Moi ».

3.4. Problématique de recherche

Nos questions principales de recherche définies à la suite de nos analyses théorico-descriptives comprenaient :

1) Les finalités des pratiques d'accompagnement des lycéens en risques de décrochage, des adultes en situation de handicap et des professionnels qui les accompagnent, visent-ils le Moi social ou le Moi ?

2) Quels sont les indicateurs qui témoignent d'un accompagnement favorable au « Moi » des accompagnés par les accompagnants ?

3) Comment se traduit leur accompagnement au « Moi » ?

231

4) Quel type d'accompagnement favorise mieux la résilience : un accompagnement dont la finalité est le « Moi social » ou le « Moi » ?

Cependant, suite à la conceptualisation des concepts « Accompagnement », « Moi social », « Moi » et « Résilience », nous avons répondu à la seconde interrogation relative aux indicateurs favorisant l'accompagnement. De ce fait, notre enquête fera principalement l'objet des trois autres questions. Pour y répondre, nous enquêterons auprès des lycéens présentant des risques décrochage et des enseignants du Lycée Ettore Bugatti, ainsi que des éducatrices et du Chef de Service en poste au SAJ de Neuf-Brisach.

Partie IV

232

Méthodologie

? Enquêtes

? Résultats enquêtes

? Hypothèses

232

PARTIE IV :

233

233

METHODOLOGIE DE RECHERCHES

4. Perspective méthodologique

Notre démarche méthodologique s'inscrit dans une perspective compréhensive dont le but consiste non seulement à interpréter les données recueillies mais à faire également émerger des représentations (Albarello, 2011). Comme nous l'avons souligné dans la partie introductive de notre étude, notre approche consiste à « comprendre, correctement, précisément, en profondeur, une situation donnée : Un système, une organisation, un groupe, etc. » (Ibid., p. 110). En conséquence, nous n'accorderons pas une priorité absolue à la question de la validité externe ou à la généralisation des résultats de notre recherche, car nous considérons, que le phénomène de décrochage scolaire au Lycée Ettore Bugatti ne peut être comparable à celui d'un autre lycée lambda de Mulhouse ou ailleurs, sachant que ce dernier est le seul lycée professionnel automobile du département du Haut Rhin. En outre, il est important de noter que le public accueilli varie d'un établissement à l'autre en fonction de l'environnement socio-économique. Ainsi, la problématique du décrochage scolaire diffère d'un établissement à un autre. De même, on ne peut pas généraliser la situation du SAJ de Neuf Brisach à celle d'un autre établissement du même acabit. Néanmoins, il est important de souligner également selon Albarello (2011 p. 111) que « des découvertes scientifiques majeures de Newton, Galilée, Einstein, Bohr, Darwin, Freud, etc. ont été effectuées à partir d'approche inductiviste (étude de cas) sur des échantillons statistiquement non représentatifs ». En clair, les résultats d'une recherche découlant d'une approche inductiviste (aprioriste) peuvent être potentiellement généralisables. Albarello (Ibid., p. 113) montre également qu'une démarche inductiviste (apostérioriste) est « aussi un moyen remarquable de réfutation d'un modèle hypothético-déductif, théorique ou de falsification (aprioriste) ». Ainsi, dans notre méthodologie, nous travaillons essentiellement sur de petits échantillons : 12 personnes au Lycée Ettore Bugatti et 5 professionnels du SAJ Neuf Brisach. Au total, nous travaillons sur un échantillon de 17 personnes.

234

234

Dans notre approche, nous souhaitons dans un premier temps, de manière séparée, présenter une analyse synthétique des matériaux récoltés au Lycée Ettore Bugatti et au SAJ afin de « rechercher du sens et effectuer un dévoilement » (Ibid., p. 73) introspectif de la conscience phénoménale des lycéens en risques de décrochage et des professionnels éducatifs du Lycée Bugatti et socio-éducatifs du SAJ de Neuf-Brisach. Par « introspection », nous entendrons « le processus de conscience cognitive et réflexive qui permet au sujet d'inspecter mentalement le cours de ses pensées et d'organiser une réflexion consciente à propos de ses états mentaux et de ses représentations » (Pourtois & Desmet, 2012).

Les états mentaux sont définis comme « les émotions, les représentations imaginaires, les croyances, les sensations, les perceptions, les désirs et volitions ». Quant aux représentations, elles apparaissent, se construisent et s'organisent à partir d'éléments individuels, contextuels et sociaux. Il s'agit de constructions mentales élaborées dès la petite enfance, qui se complexifient au fur et à mesure et qui sont actualisées dès qu'elles sont en rapport avec un support qui les activent. Bouaziz (2007) 167définit plusieurs facteurs entrant en jeu dans le concept de « représentation » tels que l'évolution du monde, les conditions de vie, l'éducation reçue, les modes de transmissions locales, la solidarité, la citoyenneté, l'accompagnement social.

Dans l'action socio-éducative, les représentations des professionnels sont susceptibles de changer dans la temporalité en fonction d'autres facteurs institutionnels et contextuels (Texte de loi, registre politique, changement, innovation, reformulation d'un projet social ou d'un projet institutionnel, etc.) (op.cit). Par ailleurs, Jodelet (2003, p.53) définit les représentations comme les supports des conduites et de la communication sociale. Comme nous l'évoquions, la posture interculturelle énoncée par Madame Florence Duschêne-Lacroix 168 empreinte d'une approche éthique, du non-jugement, d'une relation de confiance interpersonnelle sont des vecteurs favorisant la déconstruction des représentations, la compréhension, puis leur

167 Trémintin, J. (2007) La force des représentations dans le champ du travail social. Lien social, n°824. http://www.lien-social.com/la-force-des-representations-dans

168 Directrice de Nova tris. Centre de compétences transfrontalières UHA.

235

235

reconstruction au sein d'un travail coopératif. Ce concept de « représentation » nous permet d'aborder d'une part ce qui relève du champ social et cognitif dans la relation entre l'individu et le monde (hommes et objets) et d'autre part ce qui s'inscrit dans la pratique (actions) dans la relation entre l'individu et les autres (Aimon, 1998). Quant à la « conscience phénoménale », elle fait « référence à la conscience d'un individu d'être ou de vivre une expérience et de ressentir ce vécu avec ses affects, ses sensations et ses émotions » (Vion-Dury, 2004). Selon Chalmel169, une représentation peut évoluer par la remise en question et le doute, provoquant incertitude et déséquilibre. En effet, nous savons selon Bouaziz (2007) que « les représentations influent sur la façon de penser, de faire, et d'agir du travailleur d'un professionnel ». C'est ce que nous nous évertuerons à rechercher principalement dans nos données, à savoir les représentations des professionnels en ce qui concerne l'accompagnement du « Moi » du « Moi social » pour pouvoir déceler les finalités éducatives dans les pratiques et répondre à la question des enjeux de celles-ci sur la résilience des publics à besoins spécifiques c'est-à-dire en difficulté scolaire ou sociale.

4.1. Démarche de recueil synthétique d'indices et d'indicateurs

A partir de nos observations empiriques sur le terrain, l'approche théorico-descriptive et conceptuelle de notre étude, nous chercherons à relever dans nos matériaux les indices et indicateurs du « Moi », du « Moi social » et de la « résilience ». Ainsi, les éléments inhérents aux tableaux 59, 60 et des figures 57, 58 ci-après des pages suivantes nous permettront de les identifier.

 

MOI SOCIAL

MOI

Finalité éducative

Eduquer le citoyen

Normativité sociale, ordre social

Eduquer l'individu

Individualité de la personne

But

Amener la personne à ...

Amener la personne à...

169 Cours méthodologie de recherche (2016). Master 2 IIMSE. UHA

236

236

 

Etre/devenir une personne

citoyenne, à développer les normes sociales.

Etre/devenir soi, à développer son individualité.

Représentations

Didactique

Sujet dépendant

Pédagogique, relationnel Sujet acteur

Support

Cadre institutionnel

Accompagnant tuteur expert

Relation éducative

Accompagnant co-acteur

 
 
 

Fondement

Le référentiel : les objectifs, les buts.

Performances, d'efficacité, de rendement.

Exigence de perfection. Démarche de qualité.

La personne-sujet :

Son expérience vécue ou son ressenti. Ses modèles : Ses représentations subjectives individuelles et collectives.

Ses principes : options idéologiques, valeurs, éthique, désirs inconscients. La nature du rapport (aux savoirs, au handicap, à l'apprentissage à l'autonomie, etc.)

Contraintes

Outils : Moyens, méthodes, techniques.

Relationnelles : Résistances (Transfert), expérience propre, modèles, principes.

Moyens

Cadre de référence normatif

· Méthodologie imposée

· Contenus sans lien avec l'individu

· Echec non admis.

· Evaluation

Proposition du cadre en rapport avec la personne

· Méthodologie proposée : Hodos (le chemin)

· Contenu en lien avec l'individu : sa logique, sa personnalité, son identité, ses compétences, son contexte de vie, ses aspirations, etc.

· Relativité, rythme personnel, expression libre, etc.

· L'échec est une valeur

· Climat, progression, valorisation, la confiance

Posture

Didactique :

· Feed-back: message-retour

Pédagogique :

 

237

237

 


·


·


·

Expert

Pression normative

Indifférence aux affects et à la subjectivité de la personne.


·


·


·

Prise en compte des dimensions objective et subjective, transfert. Soutien de résilience Coaching à l'autonomie

 


·

Scientifique.

 

accompagnée : Possibilité de

 


·

Visant son statut

 

franchir des obstacles

 
 
 
 

(interdits) et d'oser aller plus loin (Nouveautés, hors cadre, etc.)

 
 
 


·

Éthique.

 
 
 


·

Visant son efficacité

Effets,

conséquences


·

Soumission, adaptation involontaire


·

Développement de l'expression de son

 


·


·

Dépersonnalisation, mise à distance/ méconnaissance et indifférence de son intérieur, inhibition de l'individualité, pas de possibles (à soi)

Plaire aux autres, culpabilité

 

individualité (Ses aspirations, ses conceptions antérieures, son cadre de référence, son contexte de vie et environnement, son histoire, sa personnalité, ses potentiels, etc.)

 


·

Joug, rébellion sociale


·

Sentiment de liberté corrélé à

 


·


·

Enfermement

Crainte, « suiveur »


·

ce qui anime la personne, Progression vers son

 


·

Renforce (les désavantages liés au handicap, la peur de l'échec, etc.)

 

autonomie.

Tableau n°50 : Comparatif des principes directeurs du « Moi social » et du « Moi »170.

170 Tirée du schéma « Les quatre niveaux de contraintes en éducation », Chalmel, 2015, p.24.

238

ctique

Pédagogie

Assimilation de

connaissances générales.

Ergonomie cognitive

Agencement des

connaissances de

manière spécifique et orientée.

Agir en fonction des
normes et procédures
préétablies. Se limite

à un geste
professionnel.

Savoir-agir

Agir efficacement en

fonction d'une

situation donnée,

dans un contexte

donné. Savoir
mobiliser, combiner,

transposer ses
ressources individuelles (connaissances,

capacités) et ses
réseaux.

Se comporter en

fonction des règles et convenances sociales

imposées par un
système (Moi social)

Éthique

Se comporter avec

les autres avec
justice, équité, vérité, entraide, fraternité et bonté.

Dida

Savoir

Savoir-faire

Savoir-être

238

Tableau n°51 : Tableau représentatif des connaissances, de l'agir et du comportement en fonction de la didactique et de la pédagogie.

239

239

Facteurs favorisant le processus de
résilience171 de la personne

Indicateurs de résilience172, selon les
besoins psychosociaux

Rencontre (Soutien ou accompagnant à la

résilience)

Encouragement par un tiers

Créativité

Rêve

Passion

Médiation

Interaction

Compensation

Engagement social

Générosité

Zone intrapsychique et inter-psychique de

développement proximal

Narration (Parler du vécu et du ressenti)

Dialogue

Dimension historico culturelle

Estime de soi

Compréhension

La foi

Connexion à soi-même

Quête identitaire

Connexion au monde

Coopération et inclusion

Affiliation : Attachement, acceptation,

investissement

Accomplissement : Stimulation,

expérimentation, renforcement.

Autonomie sociale : Communication,

considération, structures.

Idéologie : Bien/Bon, vrai, beau.

Tableau n°52 : Tableau synthétique des facteurs et des indices théoriques favorisant la résilience des personnes.

171 Goussot (2014) et Cyrulnik (2000).

172 Pourtois & Desmet (2004).

240

240

· Imposition, exigences,

· Rendement, perfection, qualité

· Efficacité Actions

· Expert, tuteur guide

· Statut visé

· Indifférence aux affects, à la subjectivité

· Relation asymétrique

Postures Conséquences

Moyens

· Soumission, adaptation involontaire

· Dépersonnalisation

· Inhibition, "suiveur"

· Culpabilité, crainte

· Rébellion sociale

· Dépendance

· Cadre de référence imposé

· Contenu sans lien avec l'individu

· Echec non admis

· Evaluation

Figure IVo 53 : Schématisation du « Moi social», en fonction des actions, des moyens, des postures de l'accompagnant et des conséquences sur l'accompagné.

241

241

· Co-acteur, vise l'efficacité Prise en compte des dimensions objective et subjective, transfert.

· Soutien de résilience, coaching à l'autonomie accompagnée.

· Ethique. Relation symétrique. Suit le guide

· Proposition, valorisation

· Co-action

· La relation éducative

· Le fondement subjectif de l'accompagné

Postures Conséquences

Actions

Moyens

· Cadre de référence proposé

· Contenu en lien avec l'individualité, la subjectivité de la personne

· Echec admis

· Climat, progression, valorisation, confiance

· Développem ent de l'expression de l'individualité ,

· Progression vers son autonomie

· Sentiment de liberté, espace temporaire

Figure No 54 : Schématisation du « Moi », en fonction des actions, des moyens, des postures de l'accompagnant et des conséquences sur l'accompagné.

4.2. Construction méthodologique

Pour construire notre démarche méthodologique, nous nous référerons aux travaux de Luc Albarello (Choisir l'étude de cas comme méthode de recherche), de Laurence Bardin (L'analyse de contenu) et au cours de méthodologie de Loïc Chalmel (UHA : 2016). Ainsi, notre cheminement méthodologique sera construit en trois étapes (Albarello, 2011 p. 85) :

242

242

4.2.1 Condensation du matériau :

Il s'agit par-là de réduire et synthétiser les données recueillies avant l'analyse. Nous effectuerons une pré-analyse à travers une lecture flottant (Bardin, 2014 p. 125) nous permettant de déterminer les données qui nous semblent les plus pertinentes pour notre analyse.

4.2.2 Analyse du matériau condensé et synthétisé :

Nous traiterons les résultats des données condensées et les interpréterons. Nous utiliserons également le logiciel Sphynx Quali pour le traitement et l'analyse de certains de nos matériaux. Ainsi, à la fin de notre analyse nous mettrons en évidence les points convergents, divergents et aveugles de chaque matériau (celui de Bugatti et celui de Neuf Brisach).

A partir des éléments analysés dans nos matériaux, nous chercherons à identifier notre traitement les représentations du « Moi social » et du « Moi », en trois axes :

? Les points de convergence se caractérisent par un discours commun, indicateur d'une culture ou d'une identité commune.

? Les points de divergence se repèrent par des réponses tout à fait différentes, faisant débat et sujet à controverse.

? Les points aveugles s'identifient par des réponses paradoxales, incompréhensibles et complexes au fil du questionnaire.

4.2.3 Mise en relation et comparaison des données de Bugatti et de Neuf Brisach :

In fine, nous mettrons en relation les données analysées du Bugatti et du Neuf Brisach afin de pouvoir les comparer en mettant en évidence les points convergents, divergents et aveugles pour pouvoir aboutir à une ou plusieurs hypothèses sachant que le but de notre démarche visera à faire émerger des représentations. Le schéma ci-après illustre les 3 étapes de notre construction méthodologique et la manière dont nous comptons procéder :

243

Données du Lycée Bugatti

Données du SAJ Neuf Brisach

Condensation du matériau :
Réduction et synthétisation des
données

Analyse du matériau condensé et
synthétisé

Condensation du matériau :
Réduction et synthétisation des
données

Analyse du matériau condensé et
synthétisé

Mise en relation et comparaison des données de Bugatti et de Neuf Brisach

243

Tableau n° 55 : Etapes de notre construction méthodologique, en fonction des données relevées au Lycée E. Bugatti et au SAJ de Neuf-Brisach.

244

244

4.3. Méthodologie Lycée Ettore Bugatti

4.3.1. Condensation du matériau, par la réduction et synthétisation des données

Pour le Lycée Ettore Bugatti nous avons construit trois outils d'enquête : Une grille d'observation critériée, une grille d'entretien directif pour les élèves et une grille d'entretien collectif pour les enseignants. Étant donné que nous nous situons dans une démarche inductiviste (apostérioriste), nous avons donc choisi de commencer notre enquête par des observations empiriques afin de pourvoir relever des indices et des indicateurs nous permettant par la suite de construire nos grilles d'entretien. Comme cela a été indiqué antérieurement, nous ferons un tri des données et nous nous focaliserons sur celles qui nous semblent plus pertinentes pour notre recherche. Il faut savoir, en ce qui concerne le Lycée Ettore Bugatti, que le temps que nous avons passé sur le terrain (environ 2 mois 1/2) est largement insuffisant pour pouvoir comprendre en profondeur les différentes facettes de la problématique du décrochage scolaire.

Dans ce genre d'étude on montre que généralement « il faut 2 à 3 mois pour se faire une première idée globale de la situation et six mois pour obtenir une idée précise de ce qui se passe » (Coenen, 2011, p. 52). En effet, notre étude pourra simplement permettre d'avoir une idée globale et non précise de ce qui se passe en réalité sur le terrain.

4.3.2. Synthèse et résultats des observations critériées : Choix de l'outil

Nos observations ont été effectuées en salle de classe ou en ateliers sur des élèves de Seconde CAP (2 CAP1, 2CAP2, 2 CAP3, 2CAP 4, 2 CAP5) et de Terminale CAP (TCAP1, TCAP2, TCAP3). Nous avons donc choisi d'observer que les élèves présentant des risques de décrochage scolaire. Le nombre de ces derniers s'élèvent à 19 pour les classes de Seconde et de Terminale CAP et la liste a été établie de manière conjointe avec les CPE et les proviseurs de l'établissement en tenant compte des critères suivants (Paredes, 1993) :

? Peu d'engagement dans les activités scolaires

? En conflit constant avec les enseignants ? Sentiment d'orientation scolaire subie

245

245

? L'ennui (pendant les cours) ? Difficultés d'apprentissage ? Difficultés personnelles ? Déficit d'attention.

Ainsi, si nous nous basons sur la loi de Pareto (Koch, 2007), nous savons qu'il est probable que chaque classe détient 4 élèves décrocheurs (le principe de 20/80 = 20 élèves x 20% et que 4 élèves par classe risquent de décrocher d'ici la fin de l'année. A cet effet, nous avons fait en sorte avec les équipes déployées par le LISEC173 puisse observer au maximum ces élèves dans les classes avant la fin d'année. Cependant, dans cette étude nos observations se limiteront à 5 élèves par faute de temps pour la réalisation des enquêtes et la rédaction du mémoire. En conséquence, les données que nous avons récoltées durant nos observations émanent d'un « matériau en cours de récolte » puisque les observations ont été poursuivies à partir des données de ce même matériau par d'autres équipes sur le terrain. En effet, les informations qui seront traitées sur un échantillonnage de 5 élèves pourront nous donner dans un premier temps « un début d'interprétation » (Albarello, 2011 p. 85) que nous tenterons de confirmer grâce à l'entretien collectif avec 6 enseignants de l'établissement.

La grille d'observation 174 a été construite à partir de certains indices que nous pensions être observables en classe et d'éléments indices que la littérature scientifique nous fournit sur le comportement des décrocheurs. Avant de procéder à la phase d'observations directes en classe, nous avons d'abord entamé une phase de pré-test. Suite à ce pré-test, nous avons pu apporter certaines modifications à notre grille d'observation et nous avons également compris que certains indices de celle-ci ne sont pas observables. Les grilles sur lesquelles nous avons travaillé sont anonymes sur demande de la direction de l'établissement. A l'entête du

173 LISEC : Laboratoire interuniversitaire des sciences de l'éducation et de la communication rattaché à l'Université de Haute Alsace.

174 Nous nous sommes inspirés de la grille d'observation du groupe E formation CAPA-SH (source web : dsden89.ac-dijon.fr/docs/ash/E_grille_observation.pdf).

246

246

document, nous avons indiqué la matière, la classe, l'heure et les sigles "EPR" (Elève présentant des risques) pour identifier l'élève qu'on a observé.

Par ailleurs, nous nous sommes heurtés à certaines difficultés dans l'entreprise de notre démarche qui ont eu des répercussions sur la planification et le déroulement des observations en termes de timing :

a) Problème déontologique en ce qui concerne l'observation d'un élève dans une classe. En fait, les élèves devraient être informés de notre démarche ainsi que leurs parents. Nous n'étions pas autorisés à les observer sans leur consentement par souci de transparence vis-à-vis d'eux et des parents. La direction de l'établissement a dû envoyer un courrier à chaque parent d'élève des classes à observer pour les informer de la situation et obtenir leur aval. En cas de désaccord d'un parent ou d'un élève, il est interdit d'observer l'élève concerné. En fin de compte, aucun élève n'a manifesté d'opposition par rapport à cela.

b) Problème administratif. Les enseignants devraient être informés de notre passage dans leur classe et donner leur accord. Une assemblée générale a eu lieu en janvier 2016 par laquelle l'information a été divulguée. Aucun enseignant n'a refusé de nous accueillir.

c) Problème d'effectif et de disponibilité. Nous étions environ 7 étudiants de master en science de l'éducation à effectuer les observations. Cependant, l'emploi du temps et les disponibilités de chacun ne nous ont pas permis de suivre les 19 élèves à risque que nous avons prévu d'observer. Si nous étions plus nombreux, peut-être qu'on atteindrait cet objectif.

Ainsi, les observations effectuées par toute l'équipe se sont déroulées sur une période de 10 semaines ce qui équivaut à 2 mois 1/2 en tenant compte seulement les jours ouvrés hormis les vacances scolaires et les stages. Chaque observateur devrait observer un élève pendant 7 séances de cours toutes matières confondues. Cependant, nous avons accentué nos observations dans les matières générales, particulièrement en mathématiques et en français, puisque la

247

247

littérature scientifique nous montre que les élèves décrocheurs montrent plus de difficultés durant ces cours (Zay, 2005). In fine, nous avons effectué 13 observations sur un échantillon de 5 élèves EPR (Elève présentant des risques de décrochage) ce qui représente 2,5 observations par élève. Comme cela été évoqué précédemment, à travers les résultats de cette grille nous avons pu relever des indices et déterminer certains indicateurs qui nous permettront d'enquêter auprès des élèves sur le « Moi », le « Moi social » et la « résilience », à savoir quelles représentations ils ont de l'accompagnement et des pratiques des enseignants ? Quels sont les effets sur la résilience ? Aussi, ces observations nous permettront de dresser un portrait-robot de l'élève décrocheur au Lycée Ettore Bugatti. Ainsi, pour traiter les données de nos grilles d'observations, nous avons utilisé la technique de pondération par intensité (Bardin, 2014 p. 142). C'est-à-dire que nous avons mesuré par comptage, l'intensité avec laquelle apparait chaque élément de la grille (Ibid., p.142). Ainsi, nous avons obtenu les résultats présentés dans le tableau ci-dessous en nous basant sur 9 variables : Communication verbale, attitude en classe, gestion du matériel, relationnel vis-à-vis de ses paires, rapport au travail, rythme de travail, comportement face à de nouvelles activités, comportement face à l'échec et compétences cognitives.

 

OUI

NON

COMMUNICATION VERBALE ET NON VERBALE

 
 

En classe, l'élève utilise un langage

 
 

Phrase complexe

 
 

Phrase simple

7

4

Phrase explicite et compréhensible

6

4

Bonne articulation

2

2

Carence énonciative

3

3

Vocabulaire (Qualitatif)

 
 

248

248

Soutenu

 

4

Courant

 

4

Familier

10

1

Vocabulaire (Quantitatif)

 
 

Riche

 

1

Facilité d'adaptation dans toutes les activités en atelier

(manipulation d'outils)

1

1

ATTITUDE EN CLASSE

Adaptée à la vie de classe

3

8

Difficulté au respect des règles

7

4

Gestion du matériel

Apporte son matériel

11

3

Organise son matériel

7

3

Sait utiliser son matériel

5

3

RELATIONNEL Positionnement vis-à-vis de ses paires

Intégré

10

3

Distrait

9

4

Meneur

8

5

Sociable

11

2

Rejeté

1

3

Fuyant et évitant

3

6

En retrait

2

6

Intéressé

1

2

249

249

Impulsif

2

1

Saut d'humeur

0

0

Besoin d'être sollicité

1

6

Distrait

9

4

Meneur

8

5

Sociable

11

2

Rejeté

Fuyant et évitant

1

3

3

6

En retrait

2

6

Intéressé

1

2

Impulsif

2

1

Saut d'humeur

0

0

Besoin d'être sollicité

1

6

Rapport au travail

Engagé

3

6

Persévérant

7

6

Contraint

0

5

Défaitiste

3

6

Rêveur

5

4

Endormi

5

5

Manque d'autonomie

6

5

Peu appliqué

10

2

Réfractaire

2

4

250

250

Bonne concentration

2

10

Indifférent

4

8

Discret

4

8

Rythme de travail

Confond vitesse et précipitation face aux consignes

1

5

Vitesse normale de travail

3

2

Lent à démarrer le travail

9

3

Bonne gestion du temps de travail

1

8

Se disperse

12

3

Observe au lieu d'agir

9

3

Comportement face aux nouvelles activités

Curieux

4

9

Besoin de motivation par l'enseignant

3

4

Ne porte aucun intérêt

6

5

Comportement face à l'échec

Sait rebondir

6

4

Se décourage

3

8

Se résigne

1

5

Se bloque (bouderies....)

2

7

Indifférent

3

5

COMPETENCES COGNITIVES Restitution

251

1

9

A restitué rapidement son savoir et son savoir-faire acquis des séances précédentes

251

Tableau n° 56 : Résultats grille d'observations des élèves.

Nous avons choisi de surligner en jaune les éléments qui apparaissent plus fréquemment à partir du chiffre 6 et ainsi de suite. Ceux-ci constituent les indices qui nous semblent les plus pertinents pour notre enquête. Ainsi, par condensation des éléments du tableau précédent, nous parvenons à supprimer les éléments comptés en dessous de 6 et nous obtenons les résultats suivants en tenant compte de 8 variables : Communication verbale, attitude en classe, relationnel vis-à-vis de ses paires, rapport au travail, rythme de travail, comportement face à de nouvelles activités, comportement face à l'échec et compétences cognitives. Nous avons supprimé la variable « gestion du matériel » et ses sous variables.

COMMUNICATION VERBALE

OUI

NON

Phrase complexe

 
 

Phrase simple

7

4

Phrase explicite et compréhensible

6

4

Familier

10

1

ATTITUDE EN CLASSE

 

Adaptée à la vie de classe

3

8

Difficulté au respect des règles

7

4

RELATIONNEL

Positionnement vis-à-vis de ses pairs

 

Intégré

10

3

Meneur

9

4

Sociable

8

5

Rejeté

11

2

Fuyant et évitant

3

6

252

252

En retrait

2

6

RAPPORT AU TRAVAIL

 

Engagé

3

6

Persévérant

7

6

Distrait

 
 

Défaitiste

 
 

Manque d'autonomie

6

5

Peu appliqué

10

2

Bonne concentration

 
 

Indifférent

4

8

Discret

4

8

RYTHME DE TRAVAIL

 

Lent à démarrer le travail

9

3

Bonne gestion du temps de travail

1

8

Se disperse

12

3

Observe au lieu d'agir

9

3

Comportement face aux nouvelles activités

 

Curieux

4

9

Besoin d'être stimulé par l'enseignant

 
 

Ne porte aucun intérêt

6

5

Comportement face à l'échec

 

Sait rebondir

6

4

Se décourage vite

3

8

Se bloque

2

7

Indifférent

 
 

Compétence cognitive

 

Sait restituer rapidement son savoir et son savoir-faire acquis des séances précédentes

1

9

Tableau n° 57 : Résultats condensés grille d'observations des élèves décrocheurs par l'équipe de recherche

UHA.

253

253

Par ailleurs, nous avons utilisé le tableau précédent sans les résultats, sous forme de grille et nous avons demandé à 6 enseignants de l'établissement de la remplir de manière spontanée. En effet, nous cherchons à corroborer nos résultats ou les infirmer. Nous voulons savoir si ce que nous avons observé correspond aux réalités du terrain. C'est la raison pour laquelle nous avons sollicité ces professionnels afin d'obtenir un deuxième avis. Le tableau ci-après affiche les résultats obtenus. Sur 6 grilles distribuées 5 ont été dûment remplies et remises en main propre.

Pour l'analyse des résultats, nous avons eu recours à la technique de pondération par intensité utilisée antérieurement. Étant donné que ce nouveau matériau est moins dense que le précédent, nous avons compté la fréquence des éléments à partir du chiffre 2 que nous avons surligné en jaune dans la page suivante :

254

COMMUNICATION VERBALE

OUI

NON

254

Phrase complexe

2

2

Phrase simple

1

3

Phrase explicite et compréhensible

1

3

Familier

2

1

ATTITUDE EN CLASSE

 

Adaptée à la vie de classe

2

2

Difficulté au respect des règles

2

1

RELATIONNEL

Positionnement vis-à-vis de ses pairs

 

Intégré

1

2

Meneur

4

1

Sociable

3

1

Rejeté

3

 

Fuyant et évitant

3

 

En retrait

1

1

RAPPORT AU TRAVAIL

 

Engagé

 

2

Persévérant

 

2

Distrait

3

 

Défaitiste

5

 

Manque d'autonomie

2

1

Peu appliqué

1

1

255

255

Bonne concentration

1

2

Indifférent

3

 

Discret

 

1

RYTHME DE TRAVAIL

 

Lent à démarrer le travail

2

1

Bonne gestion du temps de travail

 

2

Se disperse

4

 

Observe au lieu d'agir

2

 

Comportement face aux nouvelles activités

 

Curieux

 

2

Besoin d'être stimulé par l'enseignant

1

1

Ne porte aucun intérêt

5

 

Comportement face à l'échec

 

Sait rebondir

 

2

Se décourage vite

3

 

Se bloque

4

 

Indifférent

4

 

Compétence cognitive

 

256

Sait restituer rapidement son savoir et son savoir-faire acquis des séances précédentes

1

1

256

Tableau n° 58 : Résultats condensés grille d'observations des élèves décrocheurs par les enseignants.

Nous observons le comparatif des résultats de la grille d'observations des élèves décrocheurs (équipe recherche) et des résultats de la grille d'observations enseignants comme suit :

 

Résultats équipe
recherche UHA

Résultats enseignants

COMMUNICATION VERBALE

OUI

NON

OUI

NON

Phrase complexe

 
 

2

2

Phrase simple

7

4

1

3

Phrase explicite et compréhensible

6

4

1

3

Familier

10

1

2

1

ATTITUDE EN CLASSE

Adaptée à la vie de classe

3

8

2

2

Difficulté au respect des règles

7

4

2

1

RELATIONNEL

Positionnement vis-à-vis de ses pairs

Intégré

10

3

1

2

257

257

Meneur

9

4

4

1

Sociable

8

5

3

1

Rejeté

11

2

3

 

Fuyant et évitant

3

6

3

 

En retrait

2

6

1

1

RAPPORT AU TRAVAIL

 
 
 

Engagé

3

6

 

2

Persévérant

7

6

 

2

Distrait

 
 

3

 

Défaitiste

 
 

5

 

Manque d'autonomie

6

5

2

1

Peu appliqué

10

2

1

1

Bonne concentration

 
 

1

2

Indifférent

4

8

3

 

Discret

4

8

 

1

RYTHME DE TRAVAIL

 
 
 

Lent à démarrer le travail

9

3

2

1

Bonne gestion du temps de travail

1

8

 

2

Se disperse

12

3

4

 

Observe au lieu d'agir

9

3

2

 

Comportement face aux nouvelles activités

 
 
 

Curieux

4 9

 

2

258

258

Besoin d'être stimulé par l'enseignant

 
 

1

1

Ne porte aucun intérêt

6

5

5

 

Comportement face à l'échec

 
 
 

Sait rebondir

6

4

 

2

Se décourage vite

3

8

3

 

Se bloque

2

7

4

 

Indifférent

 
 

4

 

Compétence cognitive

Sait restituer rapidement son savoir et son savoir-faire acquis des séances précédentes

1

9

1

1

Tableau n°59 : Comparatif résultats grille d'observations des élèves décrocheurs (équipe recherche) et résultats grille d'observations enseignants.

4.3.3 Analyse et interprétations des observations critériées

En comparant les tableaux de nos observations et celles remplies par les enseignants de manière intuitive, nous constatons que les résultats diffèrent peu. Ainsi, nous pouvons à partir des deux données recueillies d'une part d'autre, déterminer un profil type de l'élève décrocheur de classe de Seconde et de Bac pro du Lycée Ettore Bugatti comme nous le montre le tableau suivant :

259

Profil type déterminé à partir de nos observations

Profil type déterminé à partir de l'intuition des enseignants

L'élève décrocheur parle avec des phrases

L'élève décrocheur a un langage familier. Il

simples, explicites et compréhensibles. Son

a des difficultés à respecter les règles. Sur le

niveau de langue est familier. Il apporte et

plan relationnel, c'est un meneur qui peut être

organise son matériel scolaire. En classe

sociable, qui est parfois rejeté, fuyant et

l'élève est distrait mais intégré dans le groupe

évitant. Par rapport au travail, il est

avec une parfaite sociabilité. Il est souvent

indifférent, défaitiste et manque

meneur, leader, celui qui influence. Par

d'autonomie. Il a un rythme de travail lent et

rapport au travail, il peut se montrer parfois

une mauvaise gestion de son temps de son

persévérant, mais manque d'engagement,

d'application, d'autonomie et de

temps de travail. Il se disperse et observe avant d'agir. Face à de nouvelles activités, il

concentration. Son rythme de travail est lent, il se disperse vite et observe au lieu d'agir. Il

ne porte aucun intérêt et ne fait preuve d'aucune curiosité. Face à l'échec, il se

s'intéresse rarement aux nouvelles activités

décourage vite, se bloque ou reste indifférent

présentées en cours (nouvelle séquence).

et ne sait pas rebondir.

Face à l'échec, il a du mal à rebondir, il se décourage et se bloque. Sur le plan cognitif, il arrive rarement à restituer le savoir et savoir-faire acquis au cours précédent.

 

Tableau n° 60 : Tableau profil type élève décrocheur.

Par ailleurs, les éléments présentés dans le tableau précédent montrent des points convergents divergents et aveugles :

Points convergents Points divergents Points aveugles

Langage familier Rejeté Parle avec des phrases

simples explicites et
compréhensibles

Meneur Fuyant Il a des difficultés à respecter

les règles

259

260

260

Sociable Évitant Il arrive rarement à restituer

le savoir et savoir-faire acquis au cours précédent.

Manque d'autonomie

Manque de concentration

Observe au lieu d'agir

Rythme de travail lent

Porte aucun intérêt aux nouvelles activités

Se décourage vite

Se bloque

Ne sait pas rebondir

Tableau n° 61 : Points convergents, divergents et aveugles

In fine, l'ensemble des résultats obtenus nous montre de manière globale que les élèves décrocheurs du Lycée Ettore Bugatti rencontrent des difficultés sociales et d'apprentissage. Cependant, il est important de noter que les observations nous montrent une certaine intégration de ces élèves dans leur milieu scolaire. En d'autres termes, la plupart de ces élèves ne sont pas des décrocheurs internalisés, c'est-à-dire présentant des signes de repli et d'enfermement sur soi. Les questions qu'on peut se poser : Est-ce que ce comportement externalisé est dû à un malaise face au système scolaire ou l'établissement scolaire qu'ils fréquentent ? De ce fait, notre enquête se poursuivra par une série d'entretiens directifs qui nous permettront de faire émerger leurs ressentis, émotions, représentations du système scolaire et des enseignants qui les accompagnent. Dans quelle configuration éducative se retrouvent-ils ? Sont-ils baignés dans

261

261

un système Didactique/Moi social ou Pédagogique/Moi ? Nous avons pu relever également à travers ces observations, certains indices comme « se décourage vite, se bloque, ne sait pas rebondir, manque d'autonomie » qui sont des signes ne favorisant pas la résilience. Les entretiens vont donc nous permettre d'entrer un peu en profondeur et répondre à certaines interrogations. Nous tenterons, à travers les représentations des élèves de mettre en exergue les pratiques d'accompagnement des enseignants et leurs finalités.

4.3.3.1. Synthèse et résultats des entretiens directifs auprès des élèves décrocheurs : Choix de l'outil

Nous avons choisi l'entretien directif pour enquêter auprès de 6 élèves de Seconde CAP présentant des risques de décrochage directif. Nous avons fait le choix des Seconde CAP et non des Terminale CAP, parce que les classes de seconde ont bénéficié de l'accompagnement SAS au début, qui est un dispositif de persévérance et résilience scolaire. Nous voulons par-là, la présence ou non d'indicateurs de résilience chez ces élèves. Le but de ce type d'entretien est non seulement de faire émerger des représentations mais il sert également à contrôler et vérifier les indicateurs relevés à travers nos observations empiriques et de notre champ théorique comme nous le montre le tableau suivant :

Entretien

Recherche

Directif

Semi-directif

Libre

Collectif

Contrôle

X

 
 
 

Vérification

X

X

 

X

Approfondissement

 

X

X

X

Exploration

 
 

X

X

262

262

Tableau n° 62 : Tableau montrant les différents types d'outils d'entretien et les objectifs visés en recherche175.

Il faudra souligner selon Chalmel176 (2016) qu'en méthodologie de recherche, l'entretien directif fait généralement suite aux observations empiriques réalisées sur le terrain. Ce type d'outil offre l'avantage d'explorer plusieurs pistes en posant des questions dirigées et semi fermées. En fait, dans ce type d'entretien nous attendons une réponse exacte de l'interviewé. Notre grille d'entretien contient 59 questions balayant plusieurs champs comme le système scolaire, le lycée, les enseignants, l'accompagnement et la résilience. Des réponses obtenues, nous retiendrons seulement celles qui nous paraissent pertinentes et qui font du sens pour notre étude. En outre, il faut souligner que nous avons observé que les élèves de CAP puisque ces derniers ont énormément de mal à verbaliser, parler de manière claire de leurs ressentis et émotions. La phase de pré-test sur 3 élèves de CAP a confirmé cette tendance. Aussi, Cyrulnik (2000 p. 157) montre que « les jeunes sont des témoins fiables lorsque les adultes leur posent des questions pertinentes, il ne faut pas chercher à les influencer ou répéter les questions car alors ils pensent qu'ils se sont trompés et donnent une réponse différente à la deuxième question ». En ce sens, l'outil de l'entretien directif nous semble très approprié pour notre enquête auprès de cette population d'élèves. En termes de difficultés rencontrées, nous n'avons pas rencontré de soucis de majeurs pour avoir ces élèves entretien. Ils étaient tous très coopératifs. Ensuite, nous allons dans un premier temps présenter les résultats d'analyse globale du logiciel Sphinx Quali des entretiens directifs effectués auprès de 6 élèves décrocheurs du Lycée Ettore Bugatti. Nous avons trié, condensé ces résultats en fonction de leur pertinence et du sens qu'ils revêtent. Ensuite, nous procéderons à une analyse plus synthétique des entretiens.

175 Nous nous sommes inspirés du tableau en provenance du site web suivant http://w3.gril.univtlse2.fr/francopho/lecons/entretien.html#Introduction

176 Cours méthodologie de recherche de M. Loïc Chalmel

263

Résultats Analyse logiciel Sphinx Quali

Orientations et sentiments

 

Orientation des réponses et

 
 
 
 

:

Documentation

100%

sentiments

263

Nettement positif

Plutôt positif

Partagé

Plutôt négatif

Nettement négatif

Longueur

Mots spécifiques

Contextes spécifiques

Positif

Négatif

29 mots

30 mots

Collège lycée math sport

Cours Prof élève

Classe n° 3

 

264

264

Sans opinion

La tendance dominante dans les réponses reflète une orientation sans opinion. Vos réponses présentent une forte proportion de réponses neutres ou ambiguës, l'analyse de l'orientation n'est pas très polarisée.

Tableau n° 63 : Tableau Sphinx orientation des réponses et sentiments

Dans ce tableau le logiciel analyse la fréquence des mots positifs et négatifs utilisés par les élèves pendant l'entretien.

 

Caractérisation selon l'orientation et les sentiments

 

Effectifs

Longueur moyenne

Les 5 mots spécifiques

Nettement positif

6

20

math - sport - lycée - professeur - ...

Plutôt positif

12

34

Collège -lycée -règle

Partagé

4

33

math - sport - professeur - ...

Plutôt négatif

8

34

Cours - directeur - aide - pote

Nettement négatif

7

25

Prof - commande - erreur - chose - élève - ...

Sans opinion

21

14

primaire - collège - atelier - pote - chose - ...

Tableau n° 64 : Tableau Sphinx caractérisation selon l'orientation et les sentiments

Dans le tableau ci-dessus, le logiciel met en relation les émotions et la fréquence de mots spécifiques apparaissant dans les entretiens.

265

265

Corpus lexical Sphinx

Mots

Occ.

Obs.

Cat

faire

55

25

Verbe

savoir

52

26

Verbe

aller

35

19

Verbe

collège

29

15

Nom

pouvoir

23

15

Verbe

dire

22

14

Verbe

aimer

16

10

Verbe

cours

15

13

Nom

prof

15

12

Nom

changer

15

8

Verbe

vouloir

14

11

Verbe

Tableau n° 65 : Tableau du corpus lexical.

Le tableau en supra présente les verbes d'action et les mots les plus utilisés par les élèves pendant l'entretien.

Lexique des concepts Sphinx

Concepts Obs.

Instruction et recherche 16

Débat 4

Emploi et salaire 4

Tableau n° 66 : Tableau du lexique des concepts

Le tableau ci-dessus montre par ordre de priorité les concepts utilisés par les élèves lors de l'entretien.

4.3.3.2 Analyse et interprétations des entretiens directifs auprès des élèves décrocheurs

En se basant, sur l'analyse globale de Sphinx des tableaux 67 et 68 sur les opinions, nous constatons que ces élèves ont des sentiments positifs en ce qui concerne le lycée et son fonctionnement actuel (règlement intérieur), le collège qu'ils ont fréquenté auparavant, les

266

enseignants de lycée, les cours de maths et de sport. Ensuite, dans le tableau 69 sur le corpus lexical les mots qui viennent en tête de liste et ayant enregistré plus d'occurrences sont : faire, savoir, aller, collège, pouvoir, dire, aimer, cours, prof, changer, vouloir, lycée, parler, apprendre, math. Par ailleurs, le tableau 70 sur le lexique des concepts utilisés nous retrouvons le concept « instruction et recherche » qui a été observé 16 fois dans les entretiens. En clair, les sentiments des élèves sur le système scolaire sont partagés mais ils ne sont pas négatifs. Il y a peut-être quelque chose qui se met place au niveau de la résilience, de la réconciliation avec l'école en dépit des comportements négatifs affichés en salle de classe et de leurs difficultés d'apprentissage. On souligne dans les résultats de Sphinx une recherche surtout d'action, de faire par rapport peut -être au savoir et à l'apprentissage. Cependant, il est à remarquer que ces élèves 246se sont très peu exprimés sur l'école primaire. Et pourtant, nous leur avons posé des questions pour essayer d'avoir leurs ressentis sur la manière dont ils ont vécu cette première étape de leur scolarité et les réponses obtenues sont plutôt vagues et négatives comme suit :

- Je n'aimais pas y aller. Je n'ai jamais aimé l'école

- Non pas trop de souvenirs, je me souviens que je me battais beaucoup - Le directeur ne m'aimait pas

- Je me rappelle plus

Les questions qu'on peut se poser sont les suivantes : Est-ce qu'il y a un fracas dans leur « Moi » à partir de la primaire ? Est-ce que les blessures ont commencé à partir de la primaire ? Qu'est ce qui a causé ces blessures et comment ont-elles été infligées ? En effet, nous avons remarqué dans les entretiens que dès le collège ces élèves présentaient déjà des problèmes de comportement ou des signes externes de décrochage scolaire. A la question 49 de notre grille d'entretien qui a été posée à nos 6 interviewés : Quand t'étais au collège, quelles sont les remarques que les professeurs te faisaient le plus souvent (dans les bulletins, carnet, en classe) ?

Nous avons obtenu les réponses suivantes :

266

N.B Les codes E1, E2....désignent les élèves interviewés

267

267

E1 Parle trop, dérange la classe, travaille pas, fait n'importe

quoi

Perturbe les cours, parle avec les camarades, parle trop

E2

Trop agité

E3

Bavardages, comportement, travail

E4

Arrête de parler, perturbe la classe

Parle trop, pas motivé d'être en cours

E6

E5

Tableau n°67 : Réponses des élèves interviewés.

En clair, ces réponses nous montrent, quelque part, les difficultés de ces élèves n'ont peut-être pas commencé au collège mais bien en primaire. Il est fort probable que le fracas ait eu lieu au premier cycle. Par ailleurs, la littérature scientifique montre que la plupart des élèves en échec scolaire au second degré montrent des signes révélateurs de leur fragilité dès la 6e (Zay, 2005). Il faudra souligner que l'école n'est pas souvent la principale cause de l'échec des jeunes mais elle participe dans leur construction identitaire (« Moi social ») (Pourtois et Desmet, 2004). Quand les institutions scolaires classiques n'adaptent pas les pédagogies en fonction des besoins des élèves en souffrance, elles finissent par provoquer l'effondrement identitaire (crash du Moi social) de ces derniers. En clair le décrochage de l'élève est construit par le système scolaire qui n'a pas pu apporter les solutions adéquates à ses difficultés. Il serait donc intéressant de vérifier l'hypothèse selon l'hypothèse selon laquelle ces élèves sont fracassés dès le début de leur scolarité.

Dans le tableau ci-dessous, nous présentons les points communs, divergents, aveugles des élèves interviewés par rapport aux concepts « Didactique/Moi social », « Pédagogie/Moi » et « Résilience ». Voir pages 202-204.

 

Points convergents

Points divergents

Points aveugles

 

Je n'arrive pas faire le lien entre

les enseignements généraux

Je ne me sens pas obligé d'aller en cours

Je pense, j'espère que les cours me

serviront un jour (6 réponses sur 6)

Didactique/

(Maths, français, anglais, etc.) et ce que je fais en stage. (6 réponses sur

(3 réponses sur 6)

 
 

6)

 
 

« Moi social »

 
 
 
 

Je me sens obligé d'aller en cours

 
 
 

(3réponses sur 6)

 
 
 

Quand j'effectue une tâche en

Je ne me sens pas écouté, compris par les

Je n'ai pas réussi à faire seul quelque chose

 

classe, en atelier ou en stage je

sens que j'ai droit à l'erreur. (6 réponses sur 6)

enseignants (1 réponse sur 6)

en stage que je n'ai pas appris en cours (5 réponses sur 6)

Pédagogie/

 

Les enseignants ne font pas attention à

 

« Moi »

Je me sens écouté compris par les enseignants.

« Moi » (1 réponse sur 6)

Il y a rien qui me motive à aller en cours (3 réponses sur 6)

 

(5 réponses sur 6)

Les enseignants ne sont pas bienveillants avec les élèves

 

269

269

 

Je sens que les enseignants font attention à « Moi ».

(5 réponses sur 6)

(1 réponse sur 6)

Je ne voudrais pas qu'on me laisse choisir mes cours et mon emploi du temps

 
 
 

(2 réponses sur 6)

 
 

Les enseignants sont bienveillants avec les élèves.

 
 
 
 

Je ne me sens pas bien accompagné au

 
 

(5 réponses sur 6)

lycée (1 réponse sur 6)

 
 

Je voudrais qu'on me laisse choisir

Je ne suis pas capable de trouver des

 
 

mes cours et mon emploi du temps

solutions face un problème sur mon lieu de stage

 
 

(4 réponses sur 6)

 
 
 
 

(5 réponses sur 6)

 
 

Je me sens bien accompagné au lycée (5 réponses sur 6)

 
 

270

270

 

Je me sens capable de faire seul tout ce qu'on me demande de faire

sur mon lieu de stage ((6 réponses sur 6)

 
 
 

Je suis capable de trouver des solutions face un problème sur mon lieu de stage

 
 
 

(5 réponses sur 6)

 
 
 

Je me sens encouragé par mes

Je ne me sens pas encouragé par mes

Je me sens capable de m'en sortir tout seul

 

proches et les enseignants (5

réponses sur 6)

proches et les enseignants (1 réponses sur 6)

face à un problème sans l'aide des autres (5 réponses sur 6)

Résilience

 
 
 
 

Je cherche à comprendre les

raisons pour lesquelles je n'ai pas réussi à faire quelque chose

Il y a aucune activité qui me passionne dans la vie (1 réponse sur 6)

Je ne sais pas si un jour je pourrai aider des jeunes qui sont en difficulté (1 réponse sur 6)

 

(6 réponses sur 6)

Je ne souhaite pas aider un jour des jeunes en difficulté (1 réponse sur 6)

 

271

271

 

J'ai un rêve que je voudrais

accomplir un jour (6 réponses sur 6)

 
 
 

Il y a des activités qui me

passionnent dans la vie (5 réponses sur 6)

 
 
 

Je voudrais un jour aider des

jeunes qui sont en difficulté (5 réponses sur 6)

 
 

Tableau n° 68 : Réponses des élèves triées en points convergents, divergents et aveugles en fonction du « Moi », du « Moi social » et de la résilience.

Sur l'ensemble de nos entretiens nous constatons que la plupart des réponses obtenues convergent vers la Pédagogie/ « Moi » et la Résilience. Nous avons relevé très peu d'indicateurs sur la « Didactique/ Moi social ». Cela pourrait nous laisser penser que l'accompagnement que bénéficie les élèves du Lycée Ettore Bugatti est peut-être orienté beaucoup plus vers un système « Pédagogie/Moi » que plutôt vers un système

272

« Didactique/Moi social ». Cependant, il faudra souligner quelques points aveugles qui nous incitent à approfondir notre réflexion et poursuivre notre enquête auprès du personnel enseignant.

Dans la partie « Didactique/Moi social » du tableau en supra, nous avons souligné le point aveugle suivant : « J'espère, que les cours me serviront un jour ». Cette réponse surgit, en dépit du fait que les élèves ont affirmé qu'ils n'arrivaient pas à faire le lien entre les cours d'enseignements généraux (maths, français, anglais, etc.) et les taches effectuées en stage. Ce qui revient à dire que ces cours ont une finalité didactique plutôt que pédagogique. On est plus dans une configuration de transmission de savoir que plutôt dans l'ergonomie cognitive, qui est un agencement des connaissances visant une finalité pratique. Et malgré cela, il semble que les élèves veulent faire encore « confiance au système » en espérant que ces cours leur serviront à quelque chose.

272

Dans la partie « Pédagogie/Moi » on note deux points aveugles :

1. Je n'ai pas réussi à faire seul quelque chose en stage que je n'ai pas appris en cours : Ce point soulève un problème pédagogique de « savoir agir » par opposition au « savoir-faire » du système didactique. En d'autres termes, on apprend à l'élève agir en fonction d'un référentiel de compétences, d'un ensemble de savoir-faire. En dehors de ce cadre, des savoir-faire appris en cours, l'élève se retrouve dans l'impossibilité d'apporter une solution à un problème rencontré sur son lieu de stage, ce qu'on appelle en pédagogie le « savoir agir ».

2. Il y a rien qui me motive à aller en cours : Malgré les efforts répétés du corps éducatif en termes d'accompagnement, de « Pédagogie/Moi », certains élèves n'éprouvent pas le désir d'apprendre, d'aller en cours. Et pourtant, toutes les réponses montrent que le lycée leur offre un cadre chaleureux et une chance de réussir et s'insérer professionnellement. On soulève par-là, un problème de motivation, d'engagement. D'ailleurs, il n'existe aucune trace de « bonheur pédagogique » des élèves dans nos entretiens. En clair, aucun de ces élèves nous ont fait part d'un bon souvenir par rapport à l'apprentissage dans leur passé scolaire. Ce manque de motivation, d'engagement peut être lié à plusieurs facteurs dont nous ne pourrons pas déterminer dans cette étude. Cependant, il est peut-être probable que ce soit lié à un fracas scolaire du passé, qui bloque par rapport à l'école.

Dans la partie résilience, nous soulignons deux points aveugles mais nous ne retiendrons que l'un d'entre eux puisque celui nous semble très pertinent :

- Je me sens capable de m'en sortir tout seul face à un problème sans l'aide des autres : Ceci ne correspond pas du tout à ce qui a été observé sur le terrain. D'ailleurs, les résultats de nos grilles d'observations montrent que ces élèves ne sont pas autonomes, ils se découragent vite, se bloquent face à une difficulté. Lors des entretiens, la plupart d'entre eux ont affiché un certain optimisme en ce qui concerne l'accomplissement et la réalisation d'une tâche. Comme cela a été évoqué antérieurement, il y a un désir de réaliser, d'accomplir chez ces élèves. Néanmoins, ce désir ne se traduit pas en actes sur le terrain d'apprentissage. Est-ce qu'il manque des éléments qui font sens pour eux dans les cours ? Ce qui est clair, c'est retrouve dans leurs propos le concept de « motivation intrinsèque ». Il est important de souligner que, la littérature scientifique montre qu'il existe deux types de motivation : La motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque.

274

Motivation

Extrinsèque

Intrinsèque

Satisfaction de soi par une activité réalisée

Récompenses,
compétitions
punitions, évitement

274

Figure no 69 : Schématisation de la différence entre motivation extrinsèque et intrinsèque

La motivation intrinsèque chez une personne est stimulée par la satisfaction de soi suite à une activité réalisée. Par exemple, le projet 4L Trophy réalisé par les élèves sur une carcasse de voiture qui a été mise à neuf pour une mission humanitaire, est un très bon exemple d'activité pouvant stimuler la motivation intrinsèque. En revanche, la motivation extrinsèque est stimulée par la compétition, les récompenses, les punitions, l'évitement. Ainsi, on constate plus les élèves grandissent et plus leur motivation extrinsèque augmente, c'est le cas pour les adolescents. Par contre, la motivation intrinsèque des élèves est plus élevée en primaire (Bourgeois E., 2007). C'est ce type de motivation qui apparait plus fréquemment dans les entretiens qu'on a réalisés auprès des élèves. Il faudra peut-être préconiser une pédagogie orientée beaucoup plus vers la motivation intrinsèque dans lutte contre le décrochage scolaire au Lycée Ettore Bugatti. In fine, nous avons relevé de points convergents, des facteurs majeurs favorisant la résilience comme :

? L'encouragement par un tiers

? Quête identitaire

? Passion

? Rêve

? Altruisme

275

Tableau n°70 : Tableau représentatif des types d'entretien en fonction de critères de recherche.

275

4.3.3.3 Synthèse et résultats de l'entretien collectif auprès des enseignants : Choix de l'outil Pour les enseignants nous avons réalisé un entretien collectif avec 6 personnes. Ce type

Entretien

Recherche

Directif

Semi- directif

Libre

Collectif

Contrôle

X

 
 
 

Vérification

X

X

 

X

Approfondissement

 

X

X

X

Exploration

 
 

X

X

d'entretien présente de nombreux avantages. Il permet non seulement de vérifier des indicateurs mais offre également la possibilité d'entrer en profondeur et d'explorer. Nous avons fait un pré-test sur 2 personnes avant d'utiliser notre outil. Il est important de souligner que l'entretien collectif est l'outil le plus complet en matière de méthodologie de recherche comme nous le montre le tableau ci-après :

Tous ces éléments positifs résident dans le monde intérieur de ces élèves considérés en difficulté et à risque au Lycée Ettore Bugatti. Ainsi, nous allons enquêter auprès des enseignants afin de pouvoir d'approfondir notre analyse.

Avant de procéder à l'interprétation des résultats de notre entretien, nous allons présenter dans un premier temps les résultats d'analyse du logiciel Sphinx :

Lexique corpus Sphinx

Mots

Occurrences

Observations

Catégorie

élève

74

6

Nom

faire

52

5

Verbe

dire

46

6

Verbe

276

aller

 

42

4

Verbe

pouvoir

76

35

6

Verbe

2

problème

25

2

Nom

savoir

24

4

Verbe

formation

18

5

Nom

devoir

18

4

Verbe

penser

14

3

Verbe

société

13

2

Nom

enseignant

12

4

Nom

adapter

12

3

Verbe

Tableau no 71 : Résultats d'analyse du logiciel Sphinx.

Le tableau ci-dessus présente les mots (Nom, verbe) plus fréquents utilisés par les enseignants pendant l'entretien.

Analyse Sphinx Orientation des sentiments

 

Nettement positif

 

Positif

 

Négatif

 
 
 
 

Longueur

103 mots

 

641 mots

Plutôt positif Partagé

Plutôt négatif

 
 
 
 

Mots spécifiques

Élève bon travail pédagogie apprenant

 

Problème enseignant formation professionnel

Figure no 72 : Analyse Sphinx Orientation des sentiments

4.3.3.4. Analyse et interprétations de l'entretien collectif avec les enseignants

Les résultats Sphinx des tableaux 73 et 74 nous montrent globalement que les enseignants éprouvent des sentiments positifs par rapport aux élèves. En revanche, nous relevons que les enseignants ont des sentiments négatifs sur leur formation et celle des élèves. Le système d'enseignement est donc mis en cause comme nous le montre ces extraits d'entretien :

Extrait 1 « Les années de formation des élèves, ils n'ont pas assez »

277

Extrait 2 « Privilégier l'enseignement professionnel »

277

Extrait 3 « Nous dans notre enseignement, on n'est pas bon. Il y a quelque chose qui ne va pas »

Comme le montre le tableau 73 du lexique de corpus, le mot « élève » est en tête de liste. En clair, l'élève reste au centre des préoccupations des enseignants. Quand on demande aux enseignants qu'est ce qui a changé de manière significative par rapport aux élèves, nous obtenons les réponses suivantes :

- Le comportement des élèves

- L'envie de faire

- La perte du goût de l'effort

- L'attitude des élèves

- Les élèves sont moins responsables

- Les élèves sont moins respectueux vis-à-vis de l'institution

- Problème de société

- Les élèves ont évolué avec la société

- Les parents sont très bien mais hyper démunis

- L'éducation parentale

- Un public différent

A la question : Qu'est ce qui faudrait changer au système éducatif aujourd'hui ?, les réponses obtenues sont les suivantes :

- Plus de formation en milieu professionnel

- Créer des petites structures d'enseignement ou plusieurs enseignants qui co-animent

- Etre plus à l'écoute des enseignants

- L'accueil des élèves

- Diminution des effectifs en salle de classe

- Prévention

- Travailler avec des petits groupes d'élèves

278

Par ailleurs, quand nous avons abordé la question du cursus de formation des enseignants en lycée professionnel, les interviewés nous ont indiqué plusieurs pistes d'amélioration qui

278

devraient être pris en compte comme :

- Connaissance de l'environnement personnel des élèves

- Connaissance des catégories socio-professionnelles défavorisées

- Formation pédagogique orientée beaucoup plus vers l'individu et non sur les techniques d'apprentissage

En effet, le mot « adapter » a été utilisé 12 fois dans les entretiens. Les contextes dans lesquels ce vocable a été employé nous laissent comprendre que la plupart des enseignants sont conscients qu'ils doivent s'adapter aux élèves. Par ailleurs, à la question « quels sont les mots qui vous paraissent les plus importants dans votre pratique professionnelle ? », nous avons obtenu les réponses suivantes :

P1

P2

P3

P4

P5

Efficacité

Individualité

Qualité

Cadre

institutionnel

Proposition d'apprentissage

Qualité

Ecoute

Evaluation

Efficacité

Efficacité

Evaluation

Considération

Performance

Relativité

Adaptation

Individualité

Relation horizontale avec l'élève

Compétence

L'échec est

une valeur

Individualité

Autonomie

 

Pédagogie

Qualité

Ethique

Elève

compétent

 

Former

Evaluation

Bienveillance

Passion

 

Autonomie

Adaptation

Ecoute

N.B les codes P1, P2... désignent les professeurs interviewés

Tableau n° 73 : Tableau représentatif des mots les plus représentés lors de l'enquête auprès des enseignants.

Les réponses du tableau précédent montrent que les termes utilisés pour décrire les pratiques professionnelles appartiennent à un registre plus pédagogique (« Moi ») que didactique (« Moi social »). Parmi les termes liés à la pédagogie on retrouve : Qualité, individualité, écoute,

279

proposition d'apprentissage, autonomie, passion, relation horizontale avec les élèves, l'échec est une valeur, adaptation, éthique, bienveillance, qualité, considération, former. Et les termes 279

inhérents à la didactique (« Moi social ») sont : qualité, cadre institutionnel, performance, évaluation. Cette tendance a été encore renforcée, quand nous avons interrogé nos interviewés sur les qualités d'un bon enseignant nous avons obtenu les réponses suivantes :

Un (e) bon (e)

enseignant

(e) doit
s'adapter à l'élève, être à son écoute et bienveillant envers celui-ci.

Un (e) bon (e)

enseignant

(e) doit
s'adapter à l'élève, être à son écoute et bienveillant envers celui-ci.

Un (e) bon (e)

enseignant (e) doit être capable de transmettre de manière efficace un savoir être à l'élève.

Un (e) bon (e) enseignant (e) doit s'adapter à l'élève, être à son écoute et bienveillant envers celui-ci.

Un (e) bon (e) enseignant (e) doit s'adapter à l'élève, être à son écoute et

bienveillant envers celui-ci.

Un (e) bon (e) enseignant (e) doit s'adapter à l'élève, être à son écoute et bienveillant envers celui-ci.

P1 P2 P3 P4 P5 P6

Tableau n°74 : Réponses des enseignants relatives à la question des qualités d'un bon enseignant.

Seulement la réponse P3 dans le tableau précédent est dans un registre didactique/Moi social.

Pour parachever notre investigation sur les finalités éducatives, nous avons utilisé l'image de Penck, comme test interprétatif pour pouvoir soustraire de nos interviewés (Bugatti et SAJ Neuf Brisach) les représentations sur leurs finalités éducatives par rapport aux concepts « Moi social/Didactique et « Moi/Pédagogie » développés dans cette étude.

Pour ce, nous nous sommes inspirés du modèle de Hermann Rorschach sur le plan méthodologique. En effet, Hermann Rorschach est un psychiatre suisse qui a inventé un test interprétatif à partir de tache d'encre pour analyser les troubles de personnalité. Dans l'image de Penck, ne nous essayons pas d'analyser des troubles de personnalité, mais nous cherchons plutôt à faire ressortir une image mentale claire et précise de nos interviewés sur les systèmes « Moi social/Didactique » et « Moi/Pédagogie ».

280

A

B

C

280

Image n° 42: Tableau de A.R.Penck. Un système possible, 1965. Huile sur toile, 90X200 cm. Cologne et New-York, Galerie Michael Werner.

L'image de Penck est issue de l'ouvrage L'art brut177, l'oeuvre de ce peintre fait écho à une expérience traumatisante de bombardements anglais et américains sur sa ville natale (Dresde) à l'âge de 6 ans ainsi qu'aux faits marquants de son pays (Division de l'Allemagne, contradictions entre les systèmes politiques de l'Est et de l'Ouest). Peintre hors-norme faisant fi des conventions, Penck a eu l'objectif de « réformer et d'améliorer un système auquel il a conscience d'appartenir, de lutter contre les injustices et pour une harmonisation des rapports entre l'individu et la société. »178. Dans l'image, il existe 3 systèmes (A, B, C). Le système A correspond à un système où il y a plus de libertés, de choix, c'est un système orienté vers le « Moi/pédagogie ». Les systèmes « B, C » sont des systèmes normatifs, enfermants, ils correspondent au « Moi social/Didactique ». Plus de détails seront donnés sur l'image de Penck dans la partie Analyse du Neuf Brisach.

Ainsi, quand nous avons présenté à nos interlocuteurs l'image de Penck et que nous leur avons demandé quel système qui leur semble plus approprié sur le plan éducatif, nous avons obtenu les réponses suivantes :

177 Peiry, L. (2006). L'art brut. Ed. Flammarion, p.246.

178 In Paris-art.com.

281

281

P1 P2 P3 P4 P5 P6

A A C A A A

Tableau n°75: Les réponses de l'image de Penck

En effet, la réponse A correspond à un système pédagogique (« Moi ») et les réponses B et C correspondent à un système « didactique/moi social ». Comme nous l'avons vu le tableau de réponses sur l'image de Penck, nous avons obtenu 5 réponses A et une réponse C. Cependant, il faudra souligner que nous avons remarqué dans la plupart des réponses qu'il existe une confusion entre les concepts « Didactique/Moi social » et « Pédagogie/Moi » (voir analyse grille collective en annexe). Par ailleurs, une propension vers une finalité pédagogique (« Moi ») est très prononcée, ce qui explique les sentiments qu'exprimes les élèves décrocheurs dans les analyses précédentes sur les enseignements et l'accompagnement au Lycée Ettore Bugatti.

4.4. Méthodologie SAJ Neuf-Brisach

4.4.1. Choix de l'outil et élaboration de la grille d'entretien

Notre enquête cherche à comprendre si les finalités des pratiques d'accompagnement des adultes en situation de handicap et des professionnels qui les accompagnent visent et se situent vers le « Moi social » ou le « Moi », et comment cet accompagnement au « Moi » est opérationnalisé dans les pratiques des professionnels au sein du SAJ.

4.4.1.1. Bilan des pré-tests

Au départ, notre méthodologie de recherches a fait l'objet d'une grille avec :

1. Entretien semi-directif (23 questions ouvertes).

2. Entretien directif (6 questions fermées).

3. Entretien semi-directif pour comprendre leurs représentations, à travers deux supports (image et vidéo).

Suite aux entretiens (pré-tests) réalisés (Annexes 6), le bilan nous a amené aux constatations suivantes.

282

? Concernant les entretiens des professionnels socio-éducatifs :

Nous avons réalisé d'une part, que les questions de l'entretien semi-directif étaient trop 282

nombreuses et d'autre part, qu'il nous était difficile de procéder à un entretien directif après l'entretien semi-directif, en raison des échanges intentionnels que nous souhaitons avec les personnes enquêtées. L'entretien semi-directif correspond davantage à nos attentes d'éclaircissements et d'approfondissements. Par ailleurs, certaines questions relatives à l'entretien semi-directif ont été supprimées en raison de leur inutilité, de leur caractère induisant trop la problématique de recherche ou de leur sens incertain en lien avec notre recherche. Dans l'entretien directif, certains indices ont été précisés ou supprimés.

En ce qui concerne les entretiens semi-directifs avec les deux supports (image et séquence vidéo), nous avons observé que selon la personne enquêtée, l'attention est captivée par certains aspects relatifs à l'image, ce qui nous a décidé à la suivre dans son propre cheminement compréhensif, tout en posant des questions pour un gain optimal Concernant l'entretien du Chef de Service :

La question relative à l'accompagnement idéal des professionnels socio-éducatifs par le Chef de Service a été supprimée en raison de sa directivité, notamment parce que cette notion semble complexe et peu connue. D'autre part, certains termes ont été supprimés ou revisités puisqu'ils brouillaient le sens de notre recherche ou étaient trop imprécis.

4.4.1.2. Professionnels socio-éducatifs (Annexes 6)

Nous proposons une grille d'entretien semi-directif (10 questions ouvertes, 6 questions fermées, 2 questions ouvertes avec supports).

Les professionnels socio-éducatifs

Items

Mesures

Travail, missions, rôles de

l'éducateur

En quoi consiste ton travail ? Quelle est une autre de tes fonctions spécifiques ? Quels sont tes rôles ? Penses-tu être plutôt un guide social ou la personne qui suit le guide (La personne en situation de handicap) ?

283

283

 

Finalités

(éducatives, de l'apprentissage)

Qu'est-ce qui te paraît important pour atteindre un objectif d'apprentissage ? Quelle est la finalité éducative que tu vises avec la personne ? Si tu avais une baguette magique qui donne des pouvoirs d'accompagnement, que lui demanderais-tu ? Quels termes te paraissent importants : Le cadre institutionnel-L'efficacité/Réussir- L'erreur est une valeur - La qualité -L'évaluation- -- Les savoirs/Le savoir-être/Le savoir-faire-Le cadre de référence-Ethique/Bienveillance/Ecoute -Liberté-Pédagogie-La personne adaptée socialement/Changement de comportement de la personne-Des compétences-La construction de sens- Adapter/S'adapter-Les normes-La relation de qualité-La créativité/ L'innovation-Le cadre d'apprentissage-Les méthodes individualisées- Autonomiser-La personne dans son individualité-Ses émotions/ressentis-

Pratiques en cas de refus, d'obstacles à l'apprentissage

Lorsque la personne refuse ton apprentissage, comment réagis-tu ?

Facilitateurs et solutions favorisant la résilience /l'adaptation

Quels sont les facilitateurs pour amener les personnes à progresser ? Quelles sont les solutions que tu préconises pour qu'une personne en situation de handicap puisse

284

284

 
 

rebondir ou dépasser une situation personne difficile ?

Efficacité dans l'accompagnement

Que veux-tu qui soit efficace lorsque tu accompagnes la personne ? Qu'est-ce qui te paraît important dans un service effectué par une personne : Le bon déroulement de l'action, le bon résultat, l'autonomie progressive de la personne, le bon climat, la transférabilité du service, la bonne performance de la personne, la qualité de son bien-être ?

Qu'est-ce qui te parait important dans l'accompagnement d'une personne : ses apprentissages, les compétences qu'elle développe, ta manière de l'accompagner, tout ce qui touche à son individualité, son évolution personnelle ?

Ergonomie cognitive, savoir agir, éthique

Une personne en situation de handicap doit-elle connaître les savoirs basiques ou les notions qui lui seront utiles dans son quotidien ? Une personne en situation de handicap doit-elle pouvoir résoudre certains problèmes rencontrés ou appliquer un savoir-faire basique appris ? L'éducateur doit-il être capable de transmettre de manière efficace un savoir-être à la personne en situation de handicap ou doit-il s'adapter à elle, être à son écoute et bienveillante ?

Place/relation à la personne

Comment te situes-tu par rapport à la personne : Tu sais ce qui est meilleur, tu transmets un savoir, un savoir-faire, un

285

 

savoir-être, tu t'adaptes à la personne, tu accompagnes vers un savoir, un savoir-faire, un savoir-être, tu guides vers le chemin, tu accompagnes la personne qui me montre le chemin, tu indiques les règles et les normes sociales, tu es lié à la personne ?

Les besoins des personnes en situations de handicap

Quels sont les besoins des personnes en situations de handicap ?

Leurs représentations

Le cadre/ le système

Est-ce que tu distingues les trois groupes/systèmes ? Lequel te paraît le plus approprié au niveau éducatif ? Comment comprends-tu le cadre ? A quoi sert-il ?

Les attentes sociales et les enjeux individuels

Que penses-tu de cette prestation

musicale ? Que penses-tu de la réaction du public et de la professeure de piano ? Si tu avais été le Directeur de l'Opéra, comment tu aurais réagi pendant ou après la prestation de la pianiste ?

Tableau n°76 : Tableau récapitulatif de la grille d'entretien semi-directif auprès des professionnels socio-

éducatifs.

Nous comparerons les réponses aux différents indices relatifs au « Moi », au « Moi social » et à la résilience. Les deux questions relatives aux supports correspondent, comme suit.

285

a. Une image d'une peinture réalisée par A.R.Penck

286

Issue de l'ouvrage L'art brut179, l'oeuvre de ce peintre fait écho à une expérience traumatisante de bombardements anglais et américains sur sa ville natale (Dresde) à l'âge de 6 ans ainsi

286

qu'aux faits marquants de son pays (Division de l'Allemagne, contradictions entre les systèmes politiques de l'Est et de l'Ouest). Peintre hors-norme faisant fi des conventions, Penck a eu l'objectif de « réformer et d'améliorer un système auquel il a conscience d'appartenir, de lutter contre les injustices et pour une harmonisation des rapports entre l'individu et la société. ».180

Système libre A :

Système B : Moi

Système C : Moi
social de type
coercitif

179 Peiry, L. (2006). L'art brut. Ed. Flammarion, p.246.

180 In Paris-art.com.

287

Image 43 : A.R.Penck. Un système possible, 1965. Huile sur toile, 90X200 cm. Cologne et New-York, Galerie Michael Werner. (Sources : Peiry, L. (1997). L'art brut. Ed. Flammarion.) 287

Dans le cadre de notre étude, il est intéressant d'y identifier trois types de systèmes sociaux, que nous proposons de définir comme suit :

 

Système libre

A

Système enfermant

B

Système enfermant

coercitif C

Lois, idéologies, moyens, attitudes

Solidarité, expression libre écrite, verbale, gestuelle, langue libre et identique à un autre système

Enfermement,
homogénéité de la pensée

Coercition, destruction,
expression « opposée »

 

Celui-ci est libre

Celui-ci est enfermant

Système un non-enfermant

 

extérieurement et

physiquement et

(physiquement) des

Interprétations

intérieurement.

intérieurement pour les

individus, ce « Moi

 

Les individus

individus. On y observe

social » parle un langage

 

s'expriment

une position de

qu'aucun des autres

 

librement et

soumission et de

systèmes sociaux ne

 

utilisent des codes

désespérance des

semble connaître. Il est

 

d'autres systèmes

individus, et également

coercitif, barbare et

 

sociaux. Ils

une agitation d'une autre

destructeur à l'égard

 

proposent une

partie d'individus qui

d'individus qui semblent

 

alternative à

donne l'impression de

vouloir sortir de leur

 

l'enfermement et

chercher à fuir ce

propre système, sans

 

au meurtre : la

système social. La

pouvoir vérifier leur

 

solidarité.

grande pancarte, bien plus imposante que toutes les autres, rend compte d'un cadre normatif et d'une

position face aux individus de leur propre groupe social. Ce « Moi social » coercitif refuse-t-il d'accepter d'autres

288

 
 

exigence à la soumission

membres ? Ou son refus

288

 

de la pensée par les

est-il basé sur

 
 

individus.

l'identification du système des individus ? etc.

Tableau n°77 : Tableau proposant une interprétation des différents systèmes relevés dans le tableau de Penck en fonction du « Moi » et du « Moi social ».

Ce tableau propose une figuration parlante à travers les pancartes et les trois systèmes sociaux. Chacun d'eux se différencie de manière spécifique. Au final, les deux types de « Moi social » sont enfermants et ils sont représentés de différentes manières, telles que nous les avons décrites antérieurement. Nous proposons de repérer les indices suivants dans le chef-d'oeuvre de l'artiste, en lien avec le « Moi social » et le « Moi », dont d'autres interprétations pourront aussi être relevées par les personnes enquêtées.

Du point de vue des individus :

MOI A

MOI SOCIAL B

MOI SOCIAL coercitif C

Liberté, unicité, diversité

Enfermement

Liberté physique

Libre-choix

Cadre normatif

Cadre coercitif

Solidarité

Division, désespérance, fuite

Barbarie, haine

Expression libre

Expression limitée

Expression barbare

Du point de vue du leader du système :

MOI

MOI SOCIAL

MOI SOCIAL

Liberté, unicité, diversité

Imposition, conformisme

Liberté physique

Libre-choix

Cadre normatif

Cadre coercitif, barbare

Solidarité

Position de Chef, d'expert

Barbarie, haine

Expression libre diversifiée

Expression formatée et imposée

Expression barbare, directe

289

Tableaux n°78 : Tableau proposant des indices corrélés aux trois systèmes repérés dans le chef-d'oeuvre de

289

Penck en fonction du « Moi social » et du « Moi ».

b. Un extrait d'une séquence du film « Quatre minutes ». Réalisateur : Chris Kraus (2008). Séquence « La finale » (5 mn).

Personnages du film

Interprétation « Moi » et « Moi social »

La pianiste Jenny

- Le jeu du piano

Il se déroule pendant un laps de temps, dans un cadre de

référence (léger, doux et limpide). Elle soumet sa prestation au « Moi social », selon les attentes classiques du public et de la professeure de piano et normatives d'un Opéra. Puis, sur le restant de sa prestation (plus des trois-quarts), il s'effectuera hors-norme, sans le cadre de référence classique : elle joue debout sur des parties extérieures au clavier, elle tape des pieds, gratte les cordes du piano, etc. Elle joue selon son « Moi ».

- Fin de la prestation :

Jenny a tout donné d'elle-même (« Moi » libéré). Et les représentants du « Moi social » l'applaudissent. Jenny semble se moquer du public («Moi social »), mais elle fait sa révérence devant sa professeure (qui semble en faire de même plus indirectement).

Jenny est le symbole de la liberté (« Moi ») par son abstraction et son indifférence au « Moi social » (public/carcéral). In fine, c'est le personnage qui aura été le plus libre.

La professeure

Elle a accepté que Jenny libère son « Moi », ne fustige pas et n'arrête pas Jenny dans son enthousiasme débordant. Semblant réaliser le décalage entre les enjeux et attendus entre le « Moi » de Jenny et le « Moi social » (public), elle boit quelques verres de vin. Secrètement, elle envoie un baiser affectif à Jenny.

Le public/ « Moi social »

Figure des attentes musicales, normatives et sociales d'un Opéra classique.

290

Les policiers/ « Moi social

290

carcéral »

Figure des attentes, de la pression et du pouvoir coercitif et normatif de l'univers carcéral

Tableau n°79 : Tableau représentatif des personnages du film en lien avec une interprétation du « Moi » et du

« Moi social ».

Cette scène marque véritablement une différenciation entre les « Moi » en présence. Nous proposerons à la personne enquêtée de se situer par rapport aux « Moi » en présence : Comment comprend-elle la scène ? Et quelle est sa compréhension du comportement de Jenny, de la position de la professeure de piano, du public ?

4.4.1.3 Chef de Service

Items

Mesures

Missions, fonctions auprès des professionnels

Quelles sont tes missions au SAJ ? Quelles sont tes fonctions par rapport à l'équipe éducative ?

Attendus des professionnels

Quelles sont tes attendus par rapport au travail des éducateurs ?

Besoins chez les professionnels

Quels sont les principaux besoins qui te paraissent manifestes chez les professionnels socio-éducatifs ?

Pratiques /Innovation, doutes, blocages/ non-adhésion du professionnel

Solutions préconisées

Lorsque tu décides de passer une étape importante en matière de développement de projet et qu'il s'agit d'amener l'équipe éducative vers une direction innovante, qu'est-ce qui te paraît important ? Comme tu procèdes lorsque les personnes doutent de la proposition de passer une nouvelle étape/Service ?

Facilitateurs favorisant le développement des compétences des professionnels

Quels sont les facilitateurs pour amener le professionnel socio-éducatif à développer sa pratique professionnelle ?

Finalités éducatives

A l'égard des professionnels : Dans ta fonction d'accompagnement, comment tu comprends le terme « finalité éducative » à l'égard des professionnels socio-éducatifs ?

Des professionnels/Personnes en situation de handicap : Quelles sont les finalités éducatives des éducateurs par rapport aux personnes accueillies ?

291

Encercle les mots qui te paraissent les plus importants dans ta pratique professionnelle comme finalité éducative, auprès des professionnels socio-éducatifs :

 

La construction de sens - Le cadre institutionnel - La réussite sociale

 

- L'erreur est une valeur - La qualité du travail bien fait -

 

L'évaluation des pratiques professionnelles -- Les savoirs/Le savoir-être/Le savoir-faire de l'éducateur - Les performances de l'éducateur-

 

L'individualité de l'éducateur - Le Chef de Service, expert en savoirs-

 

Ethique/Bienveillance/Ecoute -Pédagogie -- Développement des compétences de l'éducateur -- L'efficacité du Chef de Service - Les savoirs/Le savoir-être/Le savoir-faire de l'éducateur - Adapter le professionnel au cadre de référence- Affects et ressentis- Les normes sociales- La relation éducative - La créativité/ L'innovation -

 

Autonomiser- Ses émotions/ressentis-Le statut du Chef de Service-

 

L'efficacité de l'éducateur-

 

A travers le développement d'un projet effectué par un éducateur, qu'est-ce qui te paraît le plus important : Le bon déroulement de l'action, le bon résultat du projet, l'autonomie progressive de l'éducateur, le bon climat, la transférabilité de la compétence développée par l'éducateur, la bonne performance de l'éducateur, la qualité de son bien-être ? Le Chef de Service guide-t-il l'éducateur en lui montrant les compétences à développer ou l'éducateur guide le

 

Chef de Service, selon les compétences qu'il souhaite développer ?

 

En tant que Chef de Service, qu'est-ce qui doit être efficace dans l'accompagnement de l'éducateur : ses apprentissages, les compétences qu'il développe, ta manière de l'accompagner, tout ce qui touche à son individualité, son évolution personnelle ?

 

Comment tu comprends la relation éducative ? Comment te situes-tu

La relation éducative

dans ta relation avec le professionnel : Tu sais ce qui est meilleur, tu transmets un savoir, un savoir-faire, un savoir-être, tu t'adaptes au professionnel, tu accompagnes vers un savoir, un savoir-faire, un savoir-être, tu guides vers le chemin, tu accompagnes le professionnel qui me montre le chemin, tu indiques les règles et les normes professionnelles sociales, tu es lié au professionnel ?

 

L'éducateur doit-il connaître les savoirs professionnels basiques ou les

Connaissances, agir, posture

notions qui lui seront utiles dans d'autres contextes professionnels ?

 

L'éducateur doit-il pouvoir résoudre certains problèmes rencontrés ou appliquer un savoir-faire basique appris ? Le Chef de Service transmet-il un savoir-être à l'éducateur ou adopte-t-il une posture d'écoute et de bienveillance à l'égard de l'éducateur ?

291

Tableau n°80: Tableau récapitulatif de la grille d'entretien semi-directif auprès du Chef de Service.

292

4.4.2. Condensation du matériau

292

Suite à nos investigations empiriques (Observations et échanges) au SAJ, nous avons effectué les entretiens sur une période de trois jours au mois d'avril, dans le bureau des éducatrices. Lors des explications relatives à l'enquête, certaines professionnelles ont interrogé les enjeux de l'enquête (Raisons, impact, etc.) et ont émis le souhait de lire notre Mémoire finalisé. Pour la plupart, l'entretien était une première, ce qui semblait induire une légère appréhension, qui a néanmoins rapidement disparu au fil de l'enquête, par l'effet d'un climat de confiance semblant régner entre l'enquêteur et la personne enquêtée. En ce qui concerne l'entretien du Chef de Service, il a été mené lors d'une matinée (2h) en fin avril dans son bureau.

4.4.2.1 Professionnels socio-éducatifs du SAJ

Dans un premier temps, nous avons réduit et synthétisé le recueil des informations relatives aux questions 1 à 10 sous forme d'un tableau identifiant le « Moi » et le « Moi social » en trois axes (Points convergents, divergents et aveugles).

 

Points convergents

Points divergents

Points aveugles

Travail d'éducateur et rôles

Trouver des solutions pour adapter le quotidien des personnes. E1

Mettre en place des ateliers pertinents en fonction toujours des personnes accueillies. E1 Rôles d'écoute, de conseils, de travail du lien et la confiance avec la personne. E1

Leur permettre d'exprimer des choses, à exprimer et à se révéler. E2

L'accueil des personnes, qui va découler de leur bien-être au SAJ et de l'entrée en relation avec elles. Ne pas minimiser leurs problèmes. E3

Etre à leur écoute et voir avec eux les problématiques qu'ils rencontrent. E4

Rôle de tuteur : quelqu'un en qui ils ont suffisamment confiance qui fonde la relation éducative, pédagogique. E2

S'occuper des personnes pour l'acquisition d'une certaine autonomie et d'apprentissages et la transmission des savoirs. E3

Pédagogique, c'est d'arriver à être un bon éducateur. La (relation) pédagogique va permettre à éduquer, dans ce sens. La relation éducative est d'abord pédagogique et ensuite éducative quand il y a des choses à mettre en place. E2

Besoins des personnes en situation de handicap

Besoin d'un tiers pour les actes en fonction de leurs difficultés. E1

De pouvoir s'exprimer et d'être entendus, écoutés. E2

Besoins d'écoute, d'attention, de prise en compte de leur handicap et de leurs souffrances. E3

Besoins affectifs. E4

Besoins d'apprendre de petites choses, qui soient transférables à la maison. E4

 
 

Finalités de l'apprentissage

Connaître les éléments concernant la personne. E1

De connaître la personne, en partant des bases et des choses qu'il connaît et de celles que l'éducateur sait, voit et constate. E2

Apprendre à être propre, pour ne pas vivre en échec par rapport aux personnes extérieures. E4

 

294

294

 

Rester en accord avec la personne, avec ce que l'éducateur sent/ressent (sans la trahir) ou ce que la personne lui dit d'elle, pour pouvoir adapter les objectifs. E2

 
 
 

Etre au plus juste de l'intime, de l'intérieur du désir de la personne. E2

 
 
 

La prise en compte des difficultés puis réadapter. E3

 
 
 

Proposition d'un atelier en fonction des demandes et des besoins. E3

 
 
 

Que les personnes aient plaisir, envie de réaliser et aient envie de venir en atelier. E3

 
 
 

Demande à la personne ce qui ne convient pas

 
 

Refus/obstacles

pour comprendre son blocage. Changement

 
 

d'apprentissage

d'orientation ou de pédagogie. Adaptation et souplesse par le changement de support. E1

 
 
 

Prise de conscience du terrain d'apprentissage inadapté, réadaptation de l'activité pour la personne. E2

 
 
 

Se pose des questions des raisons du refus et réadaptation, si besoin. E2

 
 
 

Compréhension du refus, non forcing, discussion et si persistance du refus, non-obligation. Mobilisation d'autres ressources, si besoin (hiérarchie). E3

 
 
 

Explication de l'intérêt de l'atelier s'il est en lien avec des objectifs du projet de la personne. E4

 
 

295

295

 

Passer sur autre chose, discussion, qui a un lien avec l'atelier et où la personne sera plus détendue. E4

Essayer de faire faire des choses qu'ils ont envie. E4

 
 

Facilitateurs

Réagir en fonction de la personne, en leur donnant l'occasion d'exprimer leurs souhaits, leur opinion. E1

Etre en accord avec ce qu'elle aime bien faire, avec les ressentis de l'éducateur, pour l'amener vers quelque chose. E2

La compréhension de la personne. E2 La valorisation. Jamais une parole disant que « ce n'est pas bien », ni l'exigence de perfection. E3

Musique d'ambiance. E4

 

Passer les choses par l'humour, ou en dérision, permet aux personnes de relativiser des choses. E4

Solutions préconisées favorisant la résilience

Privilégier la parole, la discussion, l'entretien. Ecoute des ressentis de la personne. Avoir une proximité avec la personne. Ne pas laisser la personne seule dans sa situation E1

L'évasion par l'art, la prise de recul, le dépassement de soi, l'encouragement. E2 La prise de recul, le plaisir à vivre les rencontres et moments au SAJ, la prise en compte de la personne et de sa situation. E3

 
 

Finalités éducatives

Satisfaction, apprentissages, enrichissement et investissement pour la personne. E1

 
 

296

296

 

Entretien annuel avec la personne interrogeant ses ressentis, ses envies, ses souhaits. E1

 
 
 

La liberté d'expression sur leurs envies, l'expression de leurs ressentis. Le bien-être de la personne. E2

 
 
 

La satisfaction de leurs besoins et demandes.

 
 
 

E3

 
 
 

Evolution de la personne, avec un bagage appris au SAJ et transférable ailleurs. E4

 
 
 

Qu'elle soit heureuse, qu'elle reprenne pied à la vie et reconstruise sa vie. E4

 
 

Efficacité dans l'accompagnement

La qualité de la relation. E2

Que l'objectif qui tient à coeur pour la personne soit efficace par les outils et les objectifs proposés. E3.

 

Trouver un moyen de faire comprendre le message de l'éducateur, pour que la personne puisse le comprendre. Par ex., lorsqu'il lui apprend les habiletés sociales : apprendre à dire bonjour tous les matins, mais si cela n'a pas de sens pour elle, pourquoi dire bonjour ? E1.

Finalités éducatives
/baguette magique
d'accompagnement

La compréhension de la personne. E1

Guérison et d'aide. E2

La compréhension ce qui est nécessaire et utile à la personne. E2

L'aide à plus d'autonomie, plus de capacités, plus de facilités. E3

« Qu'est-ce-que je

pourrai faire pour leur donner ce moyen ... d'arriver comme tout le monde ? » E3

 
 
 
 
 

Tableau n°81 : Tableau synthétique des réponses des professionnels en fonction de l'accompagnement au « Moi ».

181 Plan de Maîtrise Sanitaire

 

Points convergents

Points divergents

Points aveugles

 

Compenser ce qui peut faire défaut.

L'ordre de propositions peut paraître

« Compenser ce qui peut faire défaut ou... ce

Travail d'éducateur et rôles

E2

L'animation. E3

divergente : « Le conseil, d'être à l'écoute et faire grandir ». E4

qui peut être valorisé ». E2

 

Différentes formes de gestion du fonctionnement en lien avec le quotidien au SAJ, l'équipe, le Chef de Service, les stagiaires et professionnels, les parents. Les réunions, les ateliers et l'élaboration du PMS.181 E4

 
 
 

Tout ce qui est du vivre ensemble, leur apprendre les codes sociaux. E4

 
 
 

« Un rôle pour cadrer les choses, pour leur faire comprendre qu'ils ne sont pas là juste pour s'amuser. S'ils ont choisi d'être ici, c'est parce qu'on a un rôle, on est un établissement médico-social ». E4

 
 
 

Aider à grandir pour certains. E4

 
 
 

« Personne de référence après le

 
 
 

Chef, c'est un petit peu moi. Et du coup, quand les collègues cadrent c'est bien, mais souvent ce n'est pas assez ». E4

 
 

299

299

Besoins des personnes en situation de handicap

 

« Beaucoup beaucoup besoin de manger et pas beaucoup bouger. On les recadre là-dessus et on essaie quand même de donner des conseils diététiques. » E4

Besoins de grandir et de devenir adultes chez nous, les nôtres en tous cas. E4.

Refus/obstacles d'apprentissage

« Si je vois que la personne est malade, éternue, est vraiment fatiguée », je ne force pas à travailler. La prochaine fois, je rappelle les objectifs du projet pour qu'elle travaille dans l'atelier. E4

Lors d'une difficulté d'une personne à intégrer un atelier en lien avec son projet : Rappel du rôle au CVS182 de la personne, demande de « me » relever les boîtes aux lettres. E4

 
 

Finalités de l'apprentissage

Les supports. E4

Ecouter la personne, parce que si elle te dit qu'elle n'a pas envie de travailler, « il y a rien de bon qui en sortira. » E4

 

Facilitateurs

 
 

Quand les personnes sont focalisées sur leurs problèmes, passer les choses par l'humour pour que la personne s'ouvre et soit de

182 Conseil de la Vie Sociale

300

300

 
 
 

nouveau partante, parce que « sinon tu ne peux plus rien faire avec elle ». E4

Solutions préconisées favorisant l'adaptation

Mettre en situation de responsabilité, en « binôme avec quelqu'un qui arrive mieux et quelqu'un qui arrive moins bien. ».

Montrer que l'éducateur n'aime pas faire non plus, mais que ça fait partie. E4

Etre à l'écoute et dédramatiser ou utiliser la prise de recul de la situation. E4

« Il faut déjà que tout le monde soit occupé pour faire vraiment de l'individuel. » E4

Finalités éducatives

Règles d'hygiène avec

l'apprentissage de la propreté, pour que les autres aient envie d'aller vers la personne. E4

La personne acceptée socialement. E4

 

Que les personnes aient les règles d'hygiène. « C'est pas parce qu'on est handicapé qu'on n'a pas le droit de dire bonjour aux gens. » E4

Efficacité dans l'accompagnement

Les codes sociaux, la propreté, l'hygiène (alimentaire, etc.). E4

 
 

Finalités éducatives/ baguette magique d'accompagnement

Une équipe plus grande.

Plus d'éducateurs, des locaux plus grands.

Plus de formations pour pouvoir s'adapter.

Des traitements moins lourds, pour des capacités plus longues à se concentrer et à se motiver. (A la 3ème question/ demandant à préciser/la

 
 

301

 

personne en situation de handicap)

 
 
 

E4

 
 

301

Tableau n°82 : Tableau synthétique des réponses des professionnels en fonction de l'accompagnement au « Moi social».

De prime abord, nous observons effectivement des tendances représentatives vers le « Moi » et vers le « Moi social », qui ont fait l'objet d'identifications précises avec l'aide des différents concepts et indices relevés antérieurement.

? Accompagnement au « Moi »/Pédagogie o Points convergents

Les éléments relatifs à l'accompagnement au « Moi » des personnes en situation de handicap par les professionnels socio-éducatifs se caractérisent par une centration de la personne dans leur travail éducatif et leurs rôles. Les verbes « Trouver des solutions, permettre, accueillir, mettre en place, être à l'écoute, voir, etc. » relatifs à la fonction éducative sont à chaque fois corrélés à la personne, soit dans un but éducatif (« pour » adapter, d'exprimer les choses, leur bien-être, etc.) soit en rapport à la personne et sa situation (« en fonction de »). Nous observons que ces éléments sont intimement reliés aux réponses des finalités de l'apprentissage, d'une part dans leur individualité (« connaître la personne, rester en accord avec elle, être au plus juste de l'intérieur du désir de la personne, leurs envies, leurs ressentis et leurs souhaits, leur bien-être et leur évolution/apprentissage transférable ») et d'autre part dans l'adaptation à la personne (« De ce qu'elle connaît, de ce qu'elle dit d'elle, de ses difficultés, de ses envies »). L'efficacité de l'accompagnement pédagogique est comprise en termes de « qualité de la relation » et de « l'objectif qui tient à coeur pour la personne ». Les besoins des personnes en situation de handicap sont énoncés en termes de besoins psychologiques (être écouté, entendu, reconnu, considéré « avec leur handicap et leurs souffrances », aimé), de besoins de réalisation de soi (« apprendre de petites choses qui soient transférables ») et de besoin du tiers (« actes en fonction de leurs difficultés »). Enfin, l'accompagnement au « Moi » des personnes à travers une baguette magique (Autre indice révélateur imagé des finalités éducatives pour les professionnels) se situe au niveau de l'individualité de la personne (Compréhension, guérison, aide).

Les réponses, invoquant la facilitation du processus d'apprentissage et le dépassement de situations problématiques dans le sens d'un processus résilient, mettent en exergue un accompagnement qui privilégie la personne et sa situation au coeur des préoccupations des professionnels. Elles sont déterminées en deux axes principaux. Le premier axe considère leurs manières d'agir (« Demande, discussion, mobilisation d'autres ressources, adaptation et réadaptation, souplesse, changement d'orientation, explications, passer à autre chose, réagir en fonction de la personne, l'art »), et le second axe s'inscrit selon différentes attitudes

303

303

intra/personnelles (« Compréhension, prise de conscience, questionnement intérieur, valoriser, être en accord avec ce qu'elle aime et souhaite, l'encouragement, la bienveillance, pas d'exigence de perfection, comprendre la personne et prendre sa situation en compte, privilégier la parole et écouter les ressentis de la personne, une proximité avec la personne »). Ces axes s'identifient ainsi par le savoir-agir et par la posture éthique de l'accompagnement au « Moi » des personnes en situation de handicap.

o Axes divergents

Nous avons observé des divergences reliées aux réponses qui ont été catégorisées en points convergents au « Moi ». D'une part, il semble résider une discordance relative au terme de « tuteur », énoncé (une seule fois) comme « une personne de confiance qui fonde la relation éducative et pédagogique », a été défini comme le tiers pédagogique qui accompagne les personnes vers leur « Moi ». Et d'autre part, suite à des réponses en lien avec la pratique d'accompagnement au « Moi », nous relevons la pratique d'accompagnement visant la normalisation (Finalités de l'apprentissage visant à « apprendre à être propre pour ne pas vivre en échec par rapport aux personnes extérieures », « Qu'est-ce-que je pourrai faire pour leur donner ce moyen ... d'arriver comme tout le monde ? ») et le statut du savoir et du savoir-faire du professionnel (Rôle de transmission des savoirs).

o Axes aveugles

Il semblerait que les termes « Pédagogique » et « Educatif » ne soient pas compréhensibles pour un professionnel, dont le travail et le rôle de l'éducateur sont définis par une représentation exprimée comme suit : « Pédagogique, c'est d'arriver à être un bon éducateur ». Un autre point aveugle concerne un facilitateur exprimé par un professionnel, à savoir « Passer les choses par l'humour, ou en dérision, permet aux personnes de relativiser des choses ». En ce sens, nous interrogeons le sens approprié du terme « Dérision », qui interpelle la question de la posture éthique ainsi que le sens de l'accompagnement, évoqué comme facilitateur sans toutefois faire référence à d'autres réponses en lien avec l'individualité de la personne. Dans ce sens, agir ainsi en relativisant avec humour et dérision, serait-il plus proche d'un accompagnement au « Moi social » ? Enfin, une réponse donnée en lien avec la question de l'efficacité dans l'accompagnement semble montrer deux aspects intéressants. D'une part, elle indique qu'une

304

304

pratique d'accompagnement habituelle du professionnel est de se faire comprendre par la personne en situation de handicap pour lui apprendre les habiletés sociales (Dire bonjour tous les matins). En poursuivant la réponse, le professionnel sonde la question et semble prendre conscience du non-sens de l'apprentissage des habiletés sociales « si cela n'a pas de sens pour elle » (la personne). La résonnance entre une pratique et la finalité éducative semble avoir fait écho chez le professionnel lorsqu'il a fait le lien avec la personne en situation de handicap. Enfin, nous rajouterons un dernier point aveugle qui ne figure pas dans le tableau (Interprétation en lien avec les affirmations d'un professionnel) qui concerne une finalité éducative déclarée à travers trois axes intéressants : « Etre heureux, reprenne pied et reconstruire sa vie », ce qui semble démontrer une représentation positive de la personne et de ses potentialités possibles. Cependant, cette réponse fait l'objet d'interrogations puisqu'elle est corrélée à un ensemble d'indices représentatifs de l'accompagnement au « Moi social », selon des finalités normatives et sociales.

? Accompagnement au « Moi social /Didactique » o Points convergents

Le travail de l'éducateur et ses rôles dans la pratique d'accompagnement au « Moi social » semblent corroborés par diverses représentations en lien avec la personne en situation de handicap (« Compenser ce qui fait défaut, pas là pour s'amuser, elle doit grandir »), avec le statut du professionnel (L'animation, la gestion, être personne de référence ») et avec le cadre normatif (« Le vivre-ensemble en leur apprenant les codes sociaux, cadrer les choses pour leur faire comprendre, les collègues cadrent mais souvent pas assez »). Quant aux finalités éducatives du « Moi social », elles ciblent essentiellement la question de l'acceptation sociale, à travers l'apprentissage des règles d'hygiène entre autres. A la question des finalités éducatives avec une baguette magique, le « Moi social » apparaît dans les questions de fonctionnement du Service, sans référence aux personnes accompagnées (Supports matériels ou techniques : « Plus de formation, plus d'éducateurs, locaux plus grands »). Ce qui est intéressant de souligner est qu'au fur et à mesure de la même question répétée (à trois reprises) précisant les finalités éducatives en lien avec la personne en situation de handicap, nous observons une gradation des réponses : « D'une plus grande équipe, à plus d'éducateurs, à des locaux plus grands, à plus

305

305

de formations »... jusqu'au lien indirect avec la personne (« Traitements moins lourds »). L'individualité de la personne n'a donc pas été nommée malgré l'insistance de la question et cela semble indiquer un accompagnement au « Moi social » des personnes. Par rapport aux refus/obstacles dans le processus d'apprentissage et au dépassement de situations problématiques, nous repérons un indice relatif à l'expert et au savoir-faire (« Je vois que », sans la questionner ni l'écouter. « Me » relever les boîtes aux lettres ») et de la procédure (« la prochaine fois, je rappelle les objectifs, le rôle...», sans toutefois vérifier et interroger la personne). Les deux solutions proposées par un professionnel semblent considérer le geste professionnel du savoir-faire («en « binôme avec quelqu'un qui arrive mieux et quelqu'un qui arrive moins bien», ce qui ne l'implique pas en terme de proximité et de relation) et la règle du savoir-être («Montrer que l'éducateur n'aime pas faire non plus, mais que ça fait partie », dénotant une solution non valorisante).

o Points divergents

Lors de la question du travail et des rôles de l'éducateur, l'ordre des propositions données peut paraître divergente : « Le conseil, d'être à l'écoute et faire grandir ». Il semblerait que le « Moi social » se situe ici par le statut du professionnel (Expert qui sait et qui conseille) ayant une finalité éducative (Faire grandir la personne), avec la possibilité toutefois de l'écouter. Un autre point divergent est identifié non seulement par le savoir du professionnel (Expert qui sait : « Besoin de beaucoup beaucoup besoin de manger et pas beaucoup bouger ») et le savoir-être (« On recadre là-dessus »), mais aussi par le savoir-agir (« On essaie quand même de donner des conseils diététiques »). Ce dernier aspect est identique à un autre aspect divergent lors de solutions proposées : alors qu'il prône le savoir-faire et le savoir-être, le professionnel évoque aussi d'autres pistes favorisant l'adaptation de la personne (« Etre à l'écoute et dédramatiser ou utiliser la prise de recul de la situation »). Dans ces deux derniers éléments convergents, nous observons que la pratique du « Moi social » fait aussi l'objet de tendances à la pratique d'accompagnement au « Moi », et vice-versa.

o Points aveugles

« Compenser ce qui peut faire défaut ou... ce qui peut être valorisé » semble être une expression difficilement compréhensible. Un point aveugle concerne une réponse à la question des besoins

306

306

des personnes en situation de handicap : les « besoins de grandir et de devenir adultes chez nous, les nôtres en tous cas » qui sont exprimés en tant que besoins propres aux personnes accueillies au SAJ. Quelles sont les représentations du professionnel de la personne et de son handicap ? Comment se situe-t'il par rapport au Service, et par rapport à la personne (« Chez nous, les nôtres ») ? En outre, un autre point aveugle se situe dans la réponse correspondant au facilitateur « l'humour » évoqué (dans un contexte où « la personne est focalisée sur ses problèmes » afin qu'elle « s'ouvre et soit de nouveau partante, sinon tu ne peux plus rien faire avec elle ») est corrélé à un ensemble de réponses relatives au « Moi social ». Nous pouvons nous interroger sur les représentations des personnes en situation de handicap (Tendent-elles vers ce qui est négatif ?) et sur la pratique proposée (Peut-on la considérer comme un savoir-faire, telle une procédure préétablie et à un savoir-être telle la mise en action vers une règle imposée par le « Moi social », en minimisant la situation de la personne ?). Par ailleurs, affirmer : « Il faut déjà que tout le monde soit occupé pour faire vraiment de l'individuel» semble être un autre point aveugle évoqué, en ce qu'il semble signifier que tant que les membres d'un groupe ne sont pas occupés, il est difficile d'accompagner « efficacement » une personne individuellement... Enfin, il semble complexe de comprendre l'affirmation liée à la question des finalités éducatives « Que les personnes aient des règles d'hygiène. (...) C'est pas parce qu'on est handicapé qu'on n'a pas le droit de dire bonjour aux gens. ». Quelles sont les représentations du professionnel quant aux personnes en situation de handicap (hygiène, handicap) et aux citoyens en relation avec elles ?

Dans un second temps, nous avons réduit et synthétisé le recueil des informations relatives aux questions 11 à 18 sous forme d'un tableau identifiant les professionnels (E1, E2, E3, E4) en fonction de leurs réponses antérieures (1 à 10). Aussi, les points convergents se distinguent en fonction des réponses convergentes données dans le premier tableau, et les points divergents représentent les discordances avec les réponses convergentes. Les points aveugles comprennent les réponses complexes ou incompréhensibles.

183 Savoirs, savoir-faire, savoir-être.

 
 

Points convergents

Points divergents

Points aveugles

E1

Connaissances, agir,

posture

Ergonomie cognitive, savoir-agir.

 
 

Finalités éducatives

Adaptation et posture éthique.

Association entre la construction de

sens, l'erreur comme valeur,

adapter/s'adapter, la relation de

qualité, la personne dans son

individualité, et ses
émotions/ressentis.

Association entre les S-SF-SE183, la

personne adaptée

socialement/changement de

comportement de la personne, le cadre d'apprentissage de l'éducateur et :

la posture éthique, la personne dans son individualité.

 

Service de table

Autonomie de la personne et

transférabilité du service de table

Bonne performance de la personne et autonomie progressive.

 

Relation à la personne

 

Adaptation à la personne puis S-SF-SE et règles/normes sociales.

 

Rôle de l'éducateur/

efficacité de
l'accompagnement

 

Guide social, associé à

l'accompagnement visant
l'individualité de la personne.

 

IMAGE

Règles (pointes des barreaux) qui peuvent être strictes et fermées. Ou

Le cadre : association entre la bonne ambiance et le respect de l'autre, et les

Cadre institutionnel : l'association.

308

308

 
 

élastiques : s'agrandir et se fermer en fonction mais sans danger, parce

qu'on n'accompagne pas la
personne vers quelque chose de dangereux pour elle.

règles du savoir-vivre, des règles

sociales.

 
 

SEQUENCE VIDEO

Relève les ressentis, le mal-être,

l'expression corporelle possible

Interroge les attendus du public.

Règles (pointes des barreaux) qui peuvent mettre en danger la personne qui veut en

 
 

pour exprimer le bien-être/mal-être.

Vérifie d'abord les finalités sociales

sortir.

 
 

Interroge la peur de la pianiste/à sa propre image.

(public) avant de proposer une nouvelle prestation de la pianiste : appréciation du public ?

 
 
 

Propose des finalités individuelles

propres à la pianiste : prestation
pour faire le buzz, pour exprimer son propre jeu d piano, de libération intérieure et extérieure (hors de la prison).

A conscience de l'enjeu didactique entre la professeure et l'élève.

Non prise en compte de sa propre sensibilité et de son individualité (elle-même ayant évoqué pratiquer l'art comme processus de résilience) malgré

son appréciation musicale : « ça
pourrait ne pas me plaire, que je sois sensible ou non, si le public applaudit et si ça plaît au plus grand nombre, je propose un Contrat. »

 
 

Connaissances, agir,

posture

Ergonomie cognitive, savoir-agir. Adaptation et posture éthique.

Demande à cocher les deux

propositions : Savoirs et ergonomie
cognitive.

 

309

309

E2

 
 
 
 

Finalités éducatives

Erreur comme valeur, posture

éthique, liberté, pédagogie,

adapter/s'adapter, construction de

sens, méthodes individualisées,
autonomiser, la personne dans son

individualité, ses
émotions/ressentis.

Compréhension du cadre institutionnel

comme un cadre bienveillant,

bientraitant donnant les moyens
d'évoluer.

« Evaluation » énoncée en rapport avec les

différents éléments énoncés : est-elle
comprise comme le diagnostic de base pour l'élaboration des objectifs ?

Service de table

Association du bon déroulement de

l'action avec l'autonomie
progressive + la qualité de son bien-être : « Si l'action se déroule bien, on a du résultat, on a un bon climat. »

 
 

Relation à la personne

 

1. l'adaptation à la personne, puis le S-

SF-SE (Transmission et
accompagnement).

 

Rôle de l'éducateur/

efficacité de
l'accompagnement

 

L'éducateur suit le guide (la personne en situation de handicap) avec les

finalités éducatives visant
l'individualité de la personne.

 

IMAGE

Suppose que les A=B sont les règles. Préférence du système libre aux

 
 

310

 
 

autres systèmes. Dans le système B,

les gens semblent accepter et
d'autres vouloir franchir la barrière, qui veut l'imposer ou fuir. Le leader

serait-il un dominateur ? Relève
l'existence de cadre trop serré et inadapté, manquant de souplesse et trop rigide qui fait fuir certaines personnes ou dans lequel certaines acceptent les règles.

 
 
 

SEQUENCE VIDEO

Enonce les différences d'expression

 

Ne sait pas quoi répondre par rapport à

 
 

de la pianiste et la difficulté du

 

l'embauche éventuelle d la pianiste pour une

 
 

public à les recevoir.

 

nouvelle représentation musicale : « le

silence », car comment « mettre des mots

 
 

Identifie la relation de confiance et

 

dans un truc aussi balaise, émotionnellement

 
 

le long cheminement entre la

pianiste et la professeure.

 

très chargé »...

 
 

Suppose que la relation de confiance ait été affective entre les deux, à travers l'acceptation de la pianiste par la professeure et la prise de risque que cela pouvait comporter.

 
 

311

311

E3

Connaissances, agir,

posture

 

L'ergonomie cognitive et la posture éthique sont communes, mais associées au SF.

 

Finalités éducatives

 

Accéder à l'autonomie, donc reconnue comme tout le monde, pour s'intégrer.

Associe le cadre institutionnel, la

personne adaptée

socialement/changement de

comportement de la personne, avec :

« L'erreur est une valeur, la posture

éthique, adapter/s'adapter, les
méthodes individualisées, autonomiser, la personne dans son individualité, ses émotions/ressentis
. »

 

Service de table

Le bon déroulement de l'action, suivi de l'autonomie progressive de la personne puis de la transférabilité du service de table.

 
 

Relation à la personne

 

L'accompagnement vers un S-SF-SE, suivi de l'adaptation de la personne et enfin l'indication des règles/normes sociales.

 

312

 

Rôle de l'éducateur/

efficacité de
l'accompagnement

 

L'éducateur est un guide social, car rôle

de transmission des propres
apprentissages de l'éducateur et de ses valeurs.

Par la manière d'accompagner la

personne.

 
 

IMAGE

Préfère le système libre, en raison du libre-choix sous toutes ses formes :

 
 
 
 

les personnes dansent, ont droit à la parole, sont libres. Le cadre de référence est important mais en second plan. Cadre de référence :

 
 
 
 

l'autorité (Chef de service), la

règlementation, le cadre
institutionnel.

 
 
 

SEQUENCE VIDEO

Enonce la possibilité d'exprimer par la musique, de se vider, et de

 

Et « Le cadre a été créé pour les personnes,

une institution, pour leur permettre

 
 

transmettre quelque chose.

 

d'accéder à un truc. »

 
 

Enonce les ressentis de la

 

En 1er, elle n'aurait pas proposé une

 
 

professeure et les siens (elle-même

 

nouvelle prestation par la pianiste de peur

 
 

touchée à la fin de la prestation).

 

que le public ne soit gêné, et ensuite elle s'est ravisée. Elle raconte avoir été touchée

313

313

 
 
 
 

et semble interroger si le public ne serait pas aussi touché ? L'opinion semble mitigée...

 

Connaissances, agir,

posture

 

Il y a divergence entre les réponses

relevées (en questions 1-10) et les
réponses qui suivent (Questions 11-

 
 
 
 

18) :

 
 
 
 

1. Association de l'ergonomie
cognitive, du savoir-agir et de la posture

éthique, les réponses antérieures
relevaient les S-SF-SE.

 

E4

Finalités éducatives

La manière d'accompagner doit être efficace.

2. « L'erreur est une valeur -
L'évaluation-

 
 
 
 
 

Ethique/Bienveillance/Ecoute -Liberté-

 
 
 
 

Pédagogie --Des compétences--La

construction de sens-

 
 
 
 

Adapter/S'adapter-La relation de

qualité- La créativité/ L'innovation- Le cadre d'apprentissage --Les méthodes

individualisées--- Autonomiser--La
personne dans son individualité--Ses émotions/ressentis ». La question des codes sociaux et de l'adaptation sociale de la personne ainsi que des S-SF-SE n'ont pas été retenues, alors que les

 

314

 
 
 

réponses antérieures en faisaient

majoritairement mention.

 

Service de table

 

Autonomie de la personne,

transférabilité du Service, qualité de

son bien-être. (Seule la notion de
transférabilité était citée auparavant).

 

Relation à la personne

 

Dans la relation, il a été retenu que l'éducateur s'adapte à la personne, puis l'accompagne (la personne montre le chemin), enfin, transmets un S-SF-SE.

 

Rôle de l'éducateur/

efficacité de
l'accompagnement

 

« L'éducateur chemine avec la

personne, par rapport à ce qu'elle veut, car elle est quand même au centre de tout. »

« L'éducateur suit le guide ».

L'important étant la manière
d'accompagner la personne.

 

IMAGE

Evocation de fonctionnements de

systèmes/ aux apprentissages :

 
 

315

 
 

Certains se battent pour y accéder, pour pouvoir apprendre et sortir de

la prison, comme un hôpital

psychiatrique. D'autres en sont
interdits ou ne se font pas entendre et sont mis de côté.

 
 
 

SEQUENCE VIDEO

Enonce un intérêt manifeste et

 

La pianiste a joué dans le lâcher-prise et le

 
 

l'originalité de la prestation

 

S-SF. Evoque une folie maîtrisée : « la

 
 

musicale par la pianiste qui a « peut- être des problèmes psy derrière sans doute ».

 

pianiste sait où elle va ».

 
 

S'interroge par rapport à l'alcool/ professeure : est-elle alcoolique ou

 

Evocation de l'importance d'un cadre (en

 
 

voulait-elle ramener à boire à la

 

lien avec sa fonction -question 2) mais aussi

 
 

pianiste ?

 

d'un cadre, devant être souple tout en s'adaptant à la personne.

 
 

Enonce le fait que cette prestation

est inhabituelle pouvant être

dérangeante pour beaucoup de
personnes.

 
 
 
 

Evoque plusieurs fois la question du regard des autres, notamment le retour du public qui applaudit et

 
 
 
 

« une fois cette reconnaissance, la

pianiste arrive à faire cette
révérence ».

 
 

316

 
 

Evocation de la réaction du public

qui est interpelé et qui ne semble
pas comprendre la prestation.

 
 
 
 

Réaction/Directrice de l'Opéra :

 
 
 
 

aurait applaudi la pianiste et lui aurait proposé de revenir.

 
 

316

Tableau n° 83: Tableau synthétique des réponses (Questions 11 à 18) des professionnels en fonction de points convergents, divergents et aveugles.

Afin de comprendre l'essentiel relatif aux représentations des professionnels en lien avec l'accompagnement au « Moi » et au « Moi social », nous proposons de relever les points convergents, divergents et aveugles en fonction des différents items proposés. En effet, nous ne cherchons pas à évaluer le degré de représentativité de l'une ou l'autre entité chez les professionnels mais nous souhaitons faire des investigations sur la façon de se les représenter et de les pratiquer. Toutefois, il nous faut souligner un autre point essentiel à ces investigations liées à la condensation et à la synthétisation des données recueillies. Comme nous l'évoquions précédemment, à partir de la onzième question, les réponses d'un professionnel ont significativement changé : sa tendance à répondre en termes d'accompagnement vers des finalités sociales a littéralement pris la tournure de l'accompagnement vers l'individualité des personnes. Nous supposons que notre insistance indirecte (impulsant une question répétitive - à trois reprises- en lien avec les personnes en situation de handicap) a probablement induit une certaine compréhension des finalités de l'enquête et a provoqué ce retournement de situation en se rangeant vers les « attendus de l'enquête ». C'est pourquoi, nous prélèverons ce qui nous semble pertinent à la compréhension de notre étude et laisserons les éléments insignifiants (5 premières questions/E4). Enfin, pour un recueil synthétique et optimal des données, nous proposons de faire une synthèse des éléments convergents et divergents en fonction des items, puis nous identifierons les points aveugles.

Les connaissances, l'agir et la posture sont pour la plupart corrélées à l'ergonomie cognitive et à la posture éthique. Pour un professionnel, le savoir-faire est admis avec ces deux axes d'accompagnement et pour un autre professionnel, le savoir et l'ergonomie cognitive semblent être compris comme axes d'accompagnement similaires.

Concernant les finalités éducatives dans l'accompagnement des personnes, les items « L'erreur comme valeur, adapter et s'adapter, la construction de sens, la personne dans son individualité, les émotions et ressentis » ont été cités à deux reprises. Au niveau des réponses convergentes vers l'accompagnement du « Moi » (observations relevées dans les 10 premières questions), l'erreur comprise comme une valeur, la question de l'adaptation et de la pratique à s'adapter à la personne ainsi que l'individualité connotée aux émotions et aux ressentis de la personne, sont les réponses majoritaires. Nous observons des divergences quant aux finalités éducatives, à savoir l'association des savoirs, savoir-faire et savoir-être/finalités éducatives sociales (Adaptation sociale de la personne) à la posture éthique et à l'individualité de la personne. La question de la reconnaissance et de l'intégration sociale est aussi soulevée en tant que finalité éducative. En ce qui concerne l'action menée par une personne, les professionnels estiment que

318

318

l'autonomie de la personne et la transférabilité du service de table sont les finalités les plus importantes. Nous retenons également que le bon déroulement de l'action est un point important, car « Si l'action se déroule bien, on a du résultat, on a un bon climat. » et « la qualité du bien-être ». Cela montre que le contexte de l'action (Climat et bien-être de la personne) est une dimension prise en compte dans la pratique d'accompagnement, qui vise in fine l'individualité de la personne. Un professionnel a répondu « la bonne performance » du service et n'a pas réagi au terme, alors que ses réponses antérieures affirmaient défendre la prise en compte des besoins et des potentiels de la personne en situation de handicap. La question de la relation de l'éducateur avec la personne en situation de handicap rend compte d'une convergence des réponses, à savoir la nécessité de s'adapter à la personne. Ensuite, les professionnels s'accordent sur le même point : l'éducateur transmet et accompagne vers le S-SF-SE et indique les règles et normes sociales à la personne. De fait, ce qui paraît divergent dans ces deux intitulés (et que nous relions aux réponses antérieures -Questions 1-10) comprend le fait que la finalité de l'accompagnement est centrée sur le « Moi » des personnes et en même temps sur le « Moi social ». Les deux questions suivantes se penchent sur deux aspects relatifs à l'accompagnement au « Moi » et au « Moi social », par la recherche de compréhension des représentations relatives à la place de l'accompagnant et de l'accompagné (Qui est le meneur ? Qui est celui qui « sait » vers où aller ?) et à la volonté d'optimalisation (quel domaine : Ce que doit développer la personne ? -Connotation davantage sociale dans ce contexte-, La pratique du professionnel ? -Connotation pouvant être comprise positivement, puisqu'en lien avec la personne, Ce qui concerne l'individualité de la personne ?). Les avis sont partagés, et nous observons que la notion de « guide social » apparaît non loin de l'importance des finalités individuelles accordées à la personne pour le professionnel. A ces résultats, nous rajoutons une remarque significative « un guide social, puisqu'on transmet ce qu'on a appris, nos valeurs », semblant signifier un manque de connaissances théoriques par rapport à la profession socio-éducative. Aussi, force est de constater que les finalités éducatives semblent compromises entre ce qui est de l'ordre social et de l'ordre individuel pour la personne.

En ce qui concerne les points aveugles, nous relevons le fait que la définition du cadre institutionnel semble complexe pour certains professionnels, dont l'un le définit comme

319

319

relevant de l'association et un autre comme quelque chose qui « a été créé pour les personnes, pour leur permettre d'accéder à un truc.». (Bien que cette dernière l'ait défini dans un premier temps comme relevant de l'autorité (Chef de service et de la règlementation). Ces observations signifient-elles un manque de connaissances théoriques ? -A noter qu'un professionnel a défini le cadre institutionnel comme « un cadre bienveillant, bientraitant donnant les moyens d'évoluer ».- Dans la question des finalités éducatives, le terme « Evaluation » (énoncé en rapport avec les différents éléments corrélés au « Moi ») peut être compris comme le diagnostic de base pour l'élaboration des objectifs, alors que l'idée était de le proposer en rapport avec le « Moi social ». A ce titre, nous pouvons affirmer que cette question (Finalités éducatives/Entourer des mots qui paraissent importants) était complexe et probablement trop quantitative.

Le tableau de Penck et la séquence vidéo ont tantôt suscité un intérêt manifeste (L'un des professionnels semble avoir eu avec grand plaisir à découvrir et à comprendre les divers éléments symboliques et artistiques), tantôt ils ne semblent pas avoir permis de donner matière à la réflexion ou à l'imagination.

Concernant le tableau de Penck, l'ensemble des professionnels a démontré avoir conscience de l'existence des différents systèmes (en général et au niveau éducatif) et préférer le système libre (A). Néanmoins, ce dernier est considéré pour certains comme un système aussi « dictatorial » que les autres en raison de la taille du leader. L'apparence humaine ou sociale serait-elle un facteur décisif dans leurs représentations ? Diverses interprétations sont données, au niveau des membres des systèmes (« Dans le système B, les gens semblent accepter et d'autres semblent vouloir fuir. Le leader serait-il un dominateur ? Et certains se battent pour accéder aux apprentissages (panneaux A=B), pour pouvoir apprendre et sortir de la prison, tel un hôpital psychiatrique. D'autres en sont interdits ou ne se font pas entendre et sont mis de côté »), de la signification des panneaux (« Apprentissages, règles du système ») et du cadre (nommé « Cadre de référence » ou « cadre institutionnel »). Ce dernier évoque tantôt la souplesse ou l'élasticité possible du système -non dangereux pour les membres- qui correspond alors à l'association entre la « bonne ambiance, le respect de l'autre, et les règles du savoir-vivre, des règles sociales »), tantôt la rigidité et l'inadaptation du cadre faisant fuir certains membres ou les

320

320

conduisant à accepter les règles. En ce qui concerne les points aveugles, nous identifions une représentation complexe (Les pointes des barreaux du système B sont identifiées comme des règles qui peuvent mettre en danger la personne qui veut en sortir).

Dans l'ensemble, la séquence « Vidéo » démontre une compréhension manifeste des enjeux inhérents à la prestation de la pianiste, qui est définie par son expression artistique et corporelle et son enthousiasme passionné. Les finalités proposées relèvent de la notion de libération intérieure et extérieure, d'une question « faire le buzz ?» et d'une forme de transmission. La pratique musicale est comprise comme une forme d'expression de soi qui peut « toucher ». Ce verbe a été nommé à plusieurs reprises au même titre que « émotions » et « ressentis ». L'un des professionnels a déclaré avoir été touché à l'issue de la séquence vidéo. Des interrogations concernant la pianiste interpellent la peur de la pianiste par rapport à sa propre image ainsi que « des problèmes psy ». Cette dernière affirmation rejoint une autre au sujet de la professeure qui est « peut-être alcoolique ? ». Cela peut sembler indiquer que le professionnel s'attelle à rechercher l'explication ou à construire une représentation des personnes « atypiques ». La relation entre la professeure et la pianiste sont connotées de termes « relation de confiance », « affective », « acceptation et prise de risque » et « long cheminement », avec une conscience de l'enjeu didactique entre les deux personnes. Quant au public, il est compris comme avoir eu « des difficultés à recevoir » et à être « dérangé, interpelé, ne pas comprendre », parce que le cadre était inhabituel hors norme. La question du regard social (« des autres ») est évoquée plusieurs fois par un professionnel. Le nommant comme facteur indifférent au départ de la prestation (« elle s'en fiche un petit peu du regard des autres »), il interroge néanmoins plusieurs fois le processus (du début de la prestation à la fin) sous forme de jeux de mots répétitifs (« elle s'en fiche », « elle va quand même voir le public », « elle comptait regarder le public et elle se dit : ouais vraiment je suis à côté de la plaque », « qu'elle s'en fiche un p'tit peu du regard des autres », « qu'elle va quand même voir le public où elle se dit : ouais c'est, vraiment, je suis à côté de la plaque »). Nous pouvons supposer qu'à ce titre, le professionnel est sensible au regard des autres et que le « Moi social » pourrait avoir un impact manifeste dans ses actions et ses choix. A la question de proposer une nouvelle prestation en tant que Directeur de l'Opéra, les réponses sont mitigées (le silence, ne sait pas) et sont la plupart

321

321

empreintes d'un facteur « Vérification de la réaction du système social/le public ». Selon son appréciation, la réponse serait affirmative. Les finalités sociales semblent avoir un poids significatif dans la balance, au point d'annihiler sa propre sensibilité et son individualité (Artiste pratiquant l'art comme processus de résilience, selon ses dires) pour ce qui concerne un professionnel : « ça pourrait ne pas me plaire, que je sois sensible ou non, si le public applaudit et si ça plaît au plus grand nombre, je propose un Contrat. ».

Les points aveugles représentent les attitudes ou réactions face à une nouvelle proposition de prestation (« Le silence », et « comment mettre des mots dans un truc aussi balaise, émotionnellement très chargé ») et par la notion de « folie maîtrisée » à travers les paraphrases « la pianiste sait où elle va » et « la pianiste a joué dans le lâcher-prise, le savoir et le savoir-faire ».

4.4.2.2 Chef de Service

Au départ, la synthétisation des données a fait l'objet du même type de tableau que celui des professionnels socio-éducatifs, à savoir les points convergents-divergents-aveugles en fonction du « Moi » et du « Moi social ». A l'issue de ce travail, nous nous sommes rendu compte que les données recueillies apparaissaient uniquement dans la partie « Pédagogie/ « Moi », avec quelques points aveugles manifestes.

 

Pédagogie/
« Moi »

Didactique/ « Moi social »

Points aveugles

Missions

Assurer la sécurité des biens et des personnes (personnel et personnes accueillies).

Compétences des professionnels autour du Projet de service, où il veille la mise en oeuvre concrète.

Versant pédagogique : « Cadre technique et

pédagogique, cadre éthique, cadre

déontologique », en lien avec les
professionnels.

Versant financier : force de
propositions/Budget prévisionnel, justifiant le bon usage de l'argent déployé.

Versant financier : Garantie de la bonne
utilisation des moyens.

 
 

Fonctions/

Équipe éducative

Fonction hiérarchique, le personnel étant des collaboratrices.

Fonction ressources /aide auprès du personnel à gérer leur mission dans des conditions confortables (Risques d'usure) essentielle. Fonction de mobilisation, en les invitant à développer leurs compétences.

 
 

Attendus /équipe Éducative

La capacité de mobiliser les compétences acquises.

Maintenir un degré de mobilisation minimum (en raison du risque d'appauvrissement) par une vigilance accrue/personnel. (Evaluation, observation, accompagner un mouvement pédagogique, entretien, conseils).

 
 

323

323

 

Accompagner à la décision professionnelle ou personnelle, en cas de difficulté dont elle n'arrive pas à s'extraire.

 
 

Besoins /professionnels Socio-éducatifs

Besoin de reconnaissance, où le Chef de Service sert de révélateur de la progression du

travail. (Regard qu'on accorde à ses
collaborateurs pour ne pas risquer de les appauvrir ou de les dépiter).

Le travail au SAJ, un lieu de ressources.

 
 

Axes importants/

direction nouvelle et
innovante

Associer les collaborateurs à toutes les étapes préalables au passage du cap. Méthodologie (étude des besoins, partage d'un diagnostic, élaboration collégiale des objectifs, recherche des modalités à mettre en oeuvre ensemble. Rôle du cadre : impulsion, servir de révélateur à la nécessité de répondre à des besoins qui s'expriment.

Aider à la compréhension du système et les associer à la volonté de faire évoluer les situations (mouvement réflexif).

Faire équipe, se regarder faire en équipe, se regarder faire par rapport à une situation (qui évolue, à laquelle on participe).

 
 

Facilitateurs/développem ent des compétences du

La proximité avec les professionnels.

Accompagner dans ce qu'on attend d'eux (Fonction ressource) et de ce Service.

 
 

324

324

professionnel éducatif

socio-

Le cadre assure cette fonction ressource et n'est pas juste là pour attendre le score de la fin du match.

Pas de rendement, mais plutôt la mobilisation des moyens.

 
 
 
 
 

Pas d'attente de résultat (Difficilement

évaluable), sachant qu'un accident de
parcours est possible pour tout professionnel, dont les résultats ne pourraient pas être à la hauteur des moyens.

 
 
 
 
 

Elaboration collégiale du projet, où c'est

 
 

Réaction/ blocage

ou

l'équipe qui est amenée à le réinterroger. Y

 
 

divergences

 

des

réfléchir ensemble quant à la manière de

 
 

profession-nels projet

sur

un

dépasser ou de contourner ce blocage.

 
 
 
 
 

-/Représentations des membres de l'équipe :

 
 
 
 
 

Observations, procédures d'élaboration

d'hypothèses et accord sur les objectifs et modes opératoires.

 
 
 
 
 

-Divergence organisationnelle : Le Chef de

 
 
 
 
 

Service tranche et si le besoin des

professionnels est identique, la priorité sera déterminée par le Chef de Service.

 
 
 
 
 

-Divergence pédagogique : Recevabilité des arguments, puis position hiérarchique.

 
 
 
 
 

-Divergences personnelles, les personnes sont invitées à les régler extramuros.

 
 

325

325

Solutions préconisées/

non-adhésion de l'équipe éducative

Une décision/fonctionnement du Service (RV

ponctuels d'une personne accueillie
extramuros) susceptible d'impacter les autres collègues, doit être prise collégialement. Elasticité du fonctionnement en équipe et position hiérarchique, si besoin.

 
 

Finalités éducatives

Acquérir compétences et expériences qui

 

La posture professionnelle adoptée n'est pas

/professionnels socio-

permette au professionnel socio-éducatif de se

 

uniquement dans du savoir-faire mais

éducatifs

réaliser dans son travail et c'est à eux de

mettre les choses personnelles dans la

 

représente aussi une fonction, et « à ce titre-là, ben le contenant et le contenu, c'est savoir

 

corbeille.

 

effectivement ce que les gens ont à attendre de nous, et ce que nous avons à engager en leur

 

Finalités de compétences transférables.

 

faveur et l'inverse. L'inverse aussi. »

 
 
 

On est dans les savoirs, savoir-faire et savoir-

 

« Ce qu'attendent de nous les instances de

 

être.

Finalités éducatives des

tutelles, comme dit, c'est ce fameux degré

 

La posture éducative ne repose pas uniquement

professionnels socio-

d'autonomie. (...) J'attends des éducateurs

 

sur les savoir-faire, elle repose aussi sur du

éducatifs/ personnes

qu'ils contribuent à ce que les personnes

 

savoir-être où effectivement on sait un moment

accueillies

profitent un maximum de leur passage ici. »

 

donné aussi, ce qu'on a à afficher et ce qu'on a à déployer.

 

Etre dans un échange suffisamment adapté

 

J'attends des éducateurs qu'ils contribuent à ce

 

pour qu'effectivement il soit adapté et

 

que le degré d'autonomie des personnes par

 

sécurisant, pour qu'on ait envie de continuer à

 

rapport à leur-savoir-faire et savoir-être

 

interagir.

 

s'améliore.

 
 
 

Pas leur savoir-être, mais un savoir-être.

326

326

 
 
 

Exemple/incompréhension d'un serrage de

main au lieu de la bise toujours faite à la

personne accueillie, qui nécessite la
transmission du savoir-être par l'éducateur.

La posture des éducateurs est éducative par la transmission d'un savoir-être (codes sociaux, règles sociales, etc.). C'est la recherche d'une

proximité suffisamment sécurisée pour la
personne et pour le professionnel, pour que ce type de nuance puisse se transmettre, sans... sans risque de fusion ou de confusion sécurisée.

Un savoir-être, c'est aussi moi en face de toi et l'inverse, dans un échange suffisamment adapté et sécurisant pour avoir envie de continuer à interagir, avec les risques dans la relation (trop loin ou trop près) qui peuvent mettre les apprentissages à mal ou subir des interférences.

La relation éducative

« Je l'interroge tous les jours ». Même si ça

ne se situe pas qu'au niveau de la
compréhension, il faut passer sa vie à chercher à la comprendre.

 
 
 

Subtil cocktail de théories, d'échanges,

d'expériences, de vie, d'expériences
professionnelles et d'interactions avec les collègues.

 
 
 

Formation continue, à travers le regard que peuvent apporter les autres collègues.

 
 

327

327

 
 
 
 
 

« Si tu ne maîtrises pas les fondamentaux dans

 

« Toutes les interactions à un moment donné

Connaissances, agir,

posture

ce genre de job, tu es capable de faire n'importe quoi. Donc je vais rester à a).

 

agissent sur le savoir-être » (transmission)

 

L'éducateur doit connaître les savoirs

 

« Moi mon rôle était de leur expliquer comment

 

professionnels basiques. »

 

gérer une situation de conflit. Comment je me place, etc. ». Et ça se passe au niveau du savoir-

 

« C'est sûr que tout ce qui est transférable par définition, j'allais dire, est plus satisfaisant ».

 

être.

 

« Résoudre des problèmes plutôt que

 

La fonction didactique et la fonction

 

d'appliquer des savoir-faire puisqu'appliquer des savoir-faire c'est quelque chose de plus inerte. »

 

pédagogique sont la même chose.

 

« J'attends de quelqu'un à un moment donné, il aide les gens à..., à régler un certain nombre de choses quoi. Et pour ça, il utilise tout ce qu'il sait. »

 
 
 

« Si on reste vraiment sur le versant

professionnel, il a plutôt à adopter une posture, tu vois, que de transmettre un savoir-être. »

 
 
 

« Les choses se transmettent autrement que

par euh, j'allais dire, une espèce

d'apprentissage académique, quoi hein.

 
 
 

L'être-ensemble, je pense que ça, ça participe aussi à ça. J'ai pas l'impression, j'allais dire, je pense que on s'est transmis des choses

 
 

328

328

 

euh... en ayant euh... j'allais dire, on a

partagé une tranche vie »

 
 
 

« Quand on mange ensemble, il n'y a pas celui qui apprend à tenir la fourchette et celui qui enseigne, tu vois, il se passe aussi un peu autre chose. Et de ce autre chose, il naît aussi un peu quelque chose. »

 
 
 

« C'est les inviter à réfléchir à une

alternative, à ce qui s'est passé et aux
décisions qui ont été prises.
»

 
 
 

Ma fonction pédagogique est de « revisiter une situation qui a mise à mal l'équipe et la personne qui a eu à la gérer et qui s'est sentie un petit peu abandonnée, pour qu'ensemble on construise, on élabore une autre marche à suivre en cas de... récidive. »

 
 
 

« Après je veux dire, il n'est pas impossible qu'une procédure vienne cadrée, instituer une marche à suivre en cas de conflits du même type. »

 
 
 

Construction de sens. La qualité du travail

 
 

Pratique professionnelle

bien fait. L'évaluation des pratiques

 
 

du Chef de Service comme

professionnelles. Développement des

 
 

finalités éducatives auprès

compétences de l'éducateur. La relation

 
 

des professionnels :

éducative. La créativité/l'innovation.

 
 
 

« Pour évaluer qu'un travail est bien fait, il faut bien qu'on s'inscrive dans une méthode

 
 

329

329

 

d'évaluation. Parce que sinon, on n'est que dans la morale et elle a aussi ses limites. »

 
 

Axes importants/ Projet

développé par le
professionnel

-La transférabilité de la compétence. -Le bon déroulement de l'action. - Le bon résultat du projet.

 
 

Se situe/ au professionnel

1. S'adapte à lui

 

2. L'accompagne vers un S-SF-SE.

3. Indique les règles et les normes

professionnelles sociales. (Déontologie et
morale)

Rôle de l'éducateur/

efficacité de
l'accompagnement

Il y a des compétences qui s'expriment... « On ne cherche pas non plus une soumission à une forme d'autorité ».

C'est un travail coopératif entre le

professionnel et le Chef de
Service/développement des compétences.

Accompagner et inviter une personne à développer des apprentissages en la mettant sous tension (pas en péril ni en danger) :

- Envisager toutes les parades

- Evaluer le risque de chute

- Au fur et à mesure des compétences

acquises, diminuer les parades (De l'entraîneur qui est aux pieds de l'agrès puis au simple tapis posé aux pieds de l'agrès).

 

Le Chef de Service guide l'éducateur en lui montrant les compétences à développer, parce que cela a toujours fonctionné ainsi.

330

 
 
 
 
 

Efficacité

l'accompagnement professionnel

dans

du

Les apprentissages et les compétences que le professionnel développe, parce que la manière

de l'accompagner va dépendre de ses

apprentissages et des compétences qu'il
développe.

 
 

330

Tableau n°84 : Tableau récapitulatif des réponses du Chef de Service en fonction de l'accompagnement pédagogique et didactique, et des points aveugles.

La synthétisation des réponses du Chef de Service démontre une approche pédagogique des finalités vers le « Moi » des personnes (professionnels et usagers), qui confirme les observations relevées sur le terrain. Nous y observons un accompagnement centré sur l'ergonomie cognitive, sur le savoir-agir et avec une posture éthique, empreint d'une éthique de conviction (Position hiérarchique, prise de décision, garant, il « tranche », etc.) et d'une éthique de responsabilité (Attentes du travail des professionnels, développement des compétences et recherche d'optimisation pour « sa boutique », etc.). Cet accompagnement est axé à la fois sur un versant collectif (« Travail coopératif, élaboration et décision collégiales, mouvement réflexif, réfléchir ensemble, mouvement pédagogique, accompagnement, mobilisation, associer les collaborateurs, les inviter à réfléchir à, mobiliser les compétences acquises», aider à la compréhension du système, etc.) et sur un versant individuel (« Fonction ressources, mobiliser, entretien, conseils, accompagner à la décision professionnelle ou personnelle, révélateur de la progression du travail, la proximité avec le professionnel, un accident de parcours est possible », etc.). Il est aussi intéressant de relever la position du Chef de Service par rapport à ses missions et à l'ensemble des personnes qu'il côtoie, par sa prise de conscience de l'importance et des enjeux de la relation éducative et de la dimension éthique. Force est de constater que ces dimensions pédagogiques et humaines du Chef de Service transparaissent dans ses différents rôles.

Toutefois, certains points aveugles relevés montrent certains aspects paradoxaux. Dans l'ensemble, le Chef de Service identifie les compétences du professionnel (ainsi que les siennes et celles de la personne en situation de handicap) dans les champs du savoir, du savoir-faire et du savoir-être. Lorsqu'il énonce que « la posture professionnelle adoptée n'est pas uniquement dans du savoir-faire mais représente aussi une fonction, (...) et à ce titre-là, ben le contenant et le contenu, c'est savoir effectivement ce que les gens ont à attendre de nous, et ce que nous avons à engager en leur faveur et l'inverse. L'inverse aussi. », « La posture éducative ne repose pas uniquement sur les savoir-faire, elle repose aussi sur du savoir-être où effectivement on sait un moment donné aussi, ce qu'on a à afficher et ce qu'on a à déployer. », et « Pas leur savoir-être, mais un savoir-être », il définit le savoir-faire et le savoir-être comme des compétences développées par le professionnel, que nous identifions comme compétences spécifiques à chaque professionnel. Cette dernière affirmation indique aussi qu'il a conscience de la didactique en termes de normalisation par les professionnels. D'autre part, la phrase « Moi mon rôle était de leur expliquer comment gérer une situation de conflit. Comment je me place, etc. (...) Et ça se passe au niveau du savoir-être. » ainsi que l'exemple

332

332

illustrant l'incompréhension possible pour une personne d'un serrage de main au lieu de la bise (toujours faite à la personne accueillie) et argumentant que cette situation nécessite la transmission du savoir-être par l'éducateur auprès des personnes, font référence au savoir-agir -et non au savoir-être-, puisqu'il s'agit ici d'agir efficacement en fonction d'une situation donnée en mobilisant les membres de l'équipe/la personne accueillie pour les/l'amener à transposer leurs/ses ressources individuelles. D'autre part, le Chef de Service affirme que la posture des éducateurs est éducative par la transmission d'un savoir-être (codes sociaux, règles sociales, etc.) et que c'est la recherche d'une proximité suffisamment sécurisée pour la personne et pour le professionnel, pour que ce type de nuance puisse se transmettre, sans risque de fusion ou de confusion sécurisée. Il souligne également qu'un savoir-être, « c'est aussi moi en face de toi et l'inverse, dans un échange suffisamment adapté et sécurisant pour avoir envie de continuer à interagir, avec les risques dans la relation » (trop loin ou trop près) « qui peuvent mettre les apprentissages à mal ou subir des interférences » et que « Toutes les interactions à un moment donné agissent sur le savoir-être » (Dans le sens de la transmission). Il nous semble que ces « définitions » précisées en termes de savoir-être démontrent clairement une posture pédagogique et éthique, parce qu'il définit la fonction du professionnel dans une attitude relationnelle de proximité empreinte de bienveillance. Néanmoins, dans la question relative à sa relation au professionnel, il déclare en premier lieu s'adapter à lui, puis exprime « l'accompagner vers un savoir, un savoir-faire, un savoir-être » et en troisième, lui « indiquer les règles et les normes professionnelles et sociales. ». Pouvons-nous proposer l'hypothèse, comme nous le soulignions avant, que ces types de savoirs définis comme tels mais argumentés en agencement de connaissances, en agir contextualisés et transférables et dans l'entraide et le respect des personnes, représentent in fine la pédagogie et l'accompagnement au « Moi » ? Enfin, les derniers points aveugles exposent les affirmations suivantes : « Le Chef de Service guide l'éducateur en lui montrant les compétences à développer, parce que cela a toujours fonctionné ainsi. » (Nous rappelant qu'il invoquait l'encouragement envers l'éducateur à l'inviter à développer telles compétences) et « La fonction didactique et la fonction pédagogique sont la même chose. ».

333

333

4.4.3. Analyse du matériau condensé

Concernant les professionnels socio-éducatifs en poste au SAJ de Neuf-Brisach, l'ensemble des éléments démontrent des représentations positives et conscientes des problématiques des personnes en situation de handicap, qui -pour la plupart- défendent une pratique d'adaptation et de cheminement, avec la personne et selon ce qu'elle exprime. Dans le champ des apprentissages et des problématiques (Blocage, difficulté, etc.), nous observons une pratique d'accompagnement vers la résilience à travers les manières d'agir et les attitudes des professionnels, le terme « Adaptation » étant le terme le plus usité dans le champ lexical des professionnels. A ce titre, nous constatons que le processus d'accompagnement vers la résilience des personnes en situation de handicap est non seulement corrélé aux finalités individuelles des personnes, mais semble être également être une évidence en termes de but et d'actions éducatifs pour la plupart des professionnels. La pratique d'accompagnement vers les finalités du « Moi » des personnes accueillies est ainsi manifestement revendiquée et opérationnelle. Par ailleurs, nous observons également une pratique d'accompagnement vers le « Moi social » dont les finalités visent la normalisation des personnes accueillies, particulièrement à deux niveaux. En premier lieu, elle est annoncée dans la corrélation entre le savoir-être et un cadre normatif (non coercitif), en termes d'acceptation, d'intégration et de reconnaissance sociales des personnes. En second lieu, elle apparaît au niveau des apprentissages et des problématiques (Blocage, difficulté, etc.) à travers le respect des normes et des procédures préétablies, et dans le statut de l'éducateur comme expert et « guide social » qui « transmet et accompagne vers le savoir, le savoir-faire et le savoir-être », et qui « indique les règles et normes sociales » aux personnes accueillies. Nous constatons que cette posture apparaît dans le discours de l'ensemble des professionnels par la définition du savoir, du savoir-faire et du savoir-être, comme fondement de l'action éducative. Il semble également que le « Moi social » soit marqué de représentations plus ou moins figées, avec une tendance à l'interrogation et au besoin de construction d'une représentation. Enfin, certains termes et fonctions semblent complexes ou confus (Cadre institutionnel, pédagogie et éducatif, fonction et rôles de l'éducateur, etc.) pour certains professionnels.

334

334

La séquence-vidéo montre que l'ensemble des professionnels semble avoir conscience de la réalité, de l'existence et des enjeux de systèmes du « Moi » et du « Moi social ». D'autre part, l'expression passionnée et atypique de l'individualité (Le « Moi », à travers l'expression musicale de la pianiste) est comprise, et tantôt valorisée tantôt interrogée. Nous observons que la plupart des professionnels y sont sensibles et à la fois influencés par le regard et la réaction du public (« Moi social »), qui marque d'ailleurs un fort impact dans les choix personnels d'un professionnel.

Finalement, l'accompagnement des finalités éducatives du « Moi » est une pratique souhaitée et opérationnalisée notamment par l'adaptation aux personnes, en même temps marquée par le regard et les attentes sociales. Paradoxalement, la question du savoir, du savoir-faire et du savoir-être est une dimension totalement revendiquée par l'ensemble des professionnels, qui ne semblent pas avoir conscience de ses finalités sociales. Le tableau ci-dessous rend compte des divers éléments récapitulatifs des pratiques d'accompagnement en termes de connaissances, d'agir et de posture des professionnels, en fonction du « Moi » et du « Moi social ».

 

Didactique

Pédagogie

Les connaissances

Apprentissage des codes sociaux et de l'hygiène, faire

progresser dans tout. Etre accepté socialement.

Trouver des informations en lien avec les personnes. Inviter les personnes à découvrir la pertinence de l'atelier puis à y réfléchir et à s'y investir. Mobiliser les ressources éducatives (Equipe) et théoriques (Handicap).

L'agir

Cadrer. Recadrer pour faire comprendre aux personnes : le sens de leur accueil au SAJ, moins manger.

Aider à les faire grandir et devenir adultes.

Rappel du cadre (sens du projet validé, objectifs posés, etc.) si la personne est à nouveau mal.

« Répéter, répéter, répéter, jusqu'à ce que ça rentre
vraiment
».

Trouver des solutions pour adapter le quotidien des personnes. Mettre en place des ateliers pertinents en fonction des personnes. Mobiliser

d'autres ressources (équipe). Transférabilité de la résolution des
problèmes

Demander, expliquer, comprendre adapter, réadapter. Création de supports adaptés et ludiques pour adapter le quotidien de la personne. Adapter la communication (mime). Pertinence des outils. Conseiller. Donner les moyens éducatifs. Avoir des objectifs adaptés. Se poser des questions, s'adapter. Tester des approches pour réadapter. Amener à passer à autre chose, à prendre du recul, et à dépasser des problèmes (de la maison). Inviter au dépassement de soi en la valorisant.

Non-forcing si la personne bloque. Perfection non visée. L'erreur est

valable. S'entretenir avec la personne pour écouter et voir les
problématiques rencontrées.

Le comportement

Posture d'expert en fonction de ce que l'éducateur voit chez la personne (problème, maladie, fatigue) et non ce que la personne exprime, etc.

Respect du cadre de référence par la non-prise en compte de la situation problématique de la personne. (Dérision,)

Etre à l'écoute, favoriser le lien et la confiance. Donner le droit à la libre-expression et au libre-choix. Privilégier la parole, la discussion, les

ressentis. Avoir une proximité avec la personne. S'adapter,
bienveillance.

Une relation éducative et pédagogique. Etre en posture d'écoute et de compréhension de la personne et de sa situation. Etre en accord avec les intérêts de la personne. Possibilité de se tromper. Encouragement. Favoriser le bien-être de la personne et la qualité de la relation.

Favoriser l'accueil, la relation et le bien-être de la personne. Prendre en compte la situation de la personne et ne pas la minimiser.

184 Selon les retours des professionnels lors d'entretiens formels et informels, et les observations faites sur le terrain.

Tableau n°85 : Tableau récapitulatif de l'opérationnalisation des connaissances, de l'agir et de la posture dans l'accompagnement du professionnel socio-éducatif. (Entretien semi-directif : Questions 1-10).

En ce qui concerne le Chef de Service, nous pouvons nettement affirmer que les finalités d'accompagnement des professionnels socio-éducatifs visent la pratique pédagogique et leurs finalités individuelles. L'accompagnement au « Moi » est investi par le Chef de Service, qui semble impacter les professionnels à plusieurs niveaux (Lors de blocage, de difficultés professionnelles et personnelles, de propositions de responsabilité, de formation, de développement de compétences, etc.)184 La posture du Chef de Service paraît correspondre à la posture interculturelle défendue par Madame Duschêne-Lacroix (ibid), par son positionnement pédagogique et éthique visant la relation de confiance interpersonnelle et le mouvement réflexif pour un travail coopératif. C'est sur ce versant collectif mais aussi sur le versant individuel qu'il les accompagne par l'ergonomie cognitive, le savoir-agir et la posture éthique, marqué par une éthique de conviction et une éthique de responsabilité. Par ailleurs, alors que sa pratique d'accompagnement vise la pédagogie et le « Moi », elle est toutefois définie en termes didactiques (Terme confondu avec la pédagogie) par le savoir, le savoir-faire et le savoir-être, compétences qu'il invite « à développer pour gagner en autonomie » (Personnes en situation de handicap) et pour « se réaliser » et pour « éviter l'appauvrissement » (Professionnels socio-éducatifs). De fait, il semble plus compréhensible que les professionnels énoncent les compétences du savoir, du savoir-faire et du savoir-être (à acquérir pour les personnes accompagnées) vus les attendus explicites du Chef de Service en ces termes.

Le tableau ci-dessous rend compte des divers éléments récapitulatifs des pratiques d'accompagnement en termes de connaissances, d'agir et de posture du Chef de Service, en fonction du « Moi » et du « Moi social ».

 

Didactique

Pédagogie

 
 

Maintenir une certaine stimulation intellectuelle qui permette de comprendre ce qui se passe et de garder la bonne distance, de ne pas être envahi par trop de doutes qui risquent

Le savoir

 

de freiner les élans professionnels.

 
 

« Tout ce qui est transférable par définition est plus satisfaisant. »

 
 

Mobiliser et inviter les professionnels à développer des compétences (supports théoriques, formations, échanges, partenariats).

 
 

Connaître les savoirs du professionnel, car « si tu ne maîtrises pas les fondamentaux dans ce genre de job, tu es capable de faire n'importe quoi ».

 
 

« Appliquer un savoir-faire c'est quelque chose de plus inerte que de résoudre des savoir-

Le savoir-agir

 

faire. ». « J'attends de quelqu'un à un moment donné qu'il aide les gens à régler un certain nombre de choses, qu'il puisse résoudre certains problèmes rencontrés. »

 
 

Aider les professionnels à gérer les missions (fiches de poste, projet d'établissement).

 
 

Maintenir un degré de mobilisation auprès des professionnels pour éviter

l'appauvrissement professionnel : Accompagner un mouvement pédagogique.

 
 

Evaluer la capacité d'interaction lorsqu'il y a indice de mal-être d'un professionnel.

 
 

Associer les professionnels lors d'une nouvelle étape, par l'étude des besoins et élaboration des objectifs collégiales.

 
 

Impulser, révéler, servir de révélateur à la nécessité de répondre à des besoins qui s'expriment.

 
 

Les associer à la volonté de faire évoluer la situation, mouvement réflexif, et à se regarder faire en équipe.

 
 

Proximité avec les professionnels pour les accompagner à développer leur pratique professionnelle.

 
 

Apprentissages mobilisables en fonction des personnes.

 
 

Réinterroger lors de blocage/projet avec les professionnels.

 
 

Elasticité du fonctionnement du Service, dont la décision est prise en équipe.

 
 

Développer des compétences et des expériences qui leur permettent de se réaliser.

 
 

« C'est les inviter à réfléchir à une alternative, à ce qui s'est passé et aux décisions qui ont été prises. »

 
 

Ma fonction pédagogique est de « revisiter une situation qui a mise à mal l'équipe et la personne qui a eu à la gérer et qui s'est sentie un petit peu abandonnée, pour qu'ensemble on construise, on élabore une autre marche à suivre en cas de... récidive. »

338

338

 
 

Proximité avec les professionnels pour les accompagner dans ce qu'on attend d'eux et dans ce qu'on attend de ce service.

Connaître les savoir-faire du professionnel.

« J'attends des éducateurs qu'ils contribuent à ce que les personnes profitent un maximum de leur passage, à ce que le degré d'autonomie des personnes accueillies, par rapport à leur savoir-faire et à leur savoir-être, s'améliore grâce à leur passage ici» Accompagner et inviter une personne à développer des apprentissages en la mettant sous tension (pas en péril ni en danger) :

 
 

- Envisager toutes les parades

 
 

- Evaluer le risque de chute

 
 

- Au fur et à mesure des compétences acquises, diminuer les parades (De

l'entraîneur qui est aux pieds de l'agrès puis au simple tapis posé aux pieds de l'agrès).

 
 

Veiller au bien-être des professionnels et prévenir le risque d'usure professionnelle.

 
 

Etre tiers de proximité ou tiers-ressources, à l'écoute en cas de difficultés professionnelles

L'éthique

 

voire personnelles (si la personne l'y invite).

 
 

Aborder les choses autrement en cas de besoin d'écoute. Regard positif, de révélateur sur la situation.

 
 

« Les choses se transmettent autrement que par euh, j'allais dire, une espèce

 
 

D'apprentissage académique, quoi hein. Le être-ensemble, je pense que ça, ça participe aussi à ça. J'ai pas l'impression, j'allais dire, je pense que on s'est transmis des choses euh... en ayant euh... j'allais dire, on a partagé une tranche vie »

 
 

« Quand on mange ensemble, il n'y a pas celui qui apprend à tenir la fourchette et celui qui enseigne, tu vois, il se passe aussi un peu autre chose. Et de cet autre chose, il naît aussi un peu quelque chose. »

 
 

Relation, interaction, échange suffisamment adapté et sécurisant. Risque de

confusion/fusion dans la relation éducative. Ethique de conviction et de responsabilité.

339

339

 

Invite le collègue ayant une position divergente à respecter ses collègues de travail et à respecter les décisions prises en équipe.

Dimension du savoir-être du professionnel : « pas leur savoir-être, mais un savoir-être. », associée à l'apprentissage et la compréhension des codes sociaux.

Tableau n°86 : Synthèse des éléments relatifs à la Didactique et à la Pédagogie, relevés dans les réponses du Chef de Service (Entretien semi-directif : Questions 1-19).

Synthèse

Moi/Pédagogie

Les représentations émergées de nos entretiens avec les enseignants et les élèves montrent que

les pratiques
professionnelles sont orientées vers le « Moi ». Les notions d'ergonomie

cognitive, savoir agir, éthique existent dans leurs pratiques, mais sont confondus avec le savoir, savoir-faire et savoir être sur le plan conceptuel. Les

enseignants sont
conscients qu'il faut s'adapter à l'élève, l'écouter et être bienveillant.

Demande de

diminution de

l'effectif en classe et en ateliers afin de pouvoir faire un travail en profondeur avec les élèves.

4.5. Mise en relation des données

Lycée E. Bugatti

SAJ Neuf-Brisach

Moi social/ Didactique

Les enseignants sont partagés sur le concept « Moi social/

Didactique »,

même s'ils
n'arrivent pas à l'identifier clairement.

Les enseignants sont conscients que l'école n'est plus adaptée aux élèves accueillis. Ils préconisent un changement de système moins

didactique et
répondant aux besoins de l'élève.

Moi social/ Didactique

Les professionnels sont sensibles aux attentes sociales et à la normalisation de la personne.

Nous observons une pratique d'accompagnement au savoir-être (Cadre

normatif visant

l'acceptation, la

reconnaissance et

l'intégration sociale) et au savoir-faire

(Expert, guide
social).

Moi/ Pédagogie

Les finalités

éducatives au

« Moi » constituent une évidence dans les représentations de la plupart des professionnels. Cette pratique est opérationnelle en termes d'ergonomie

cognitive, de
savoir-agir, et de posture éthique.

Processus Adaptation/ Résilience

Processus de résilience visé. Nous avons retrouvé des indicateurs de résilience chez les élèves décrocheurs ou présentant des risques de décrochage scolaire.

Processus de résilience visé et souhaité, car il montre des résultats satisfaisants inhérents à la progression et à l'épanouissement des personnes. Terme « Adaptation » le plus usité.

341

Mission institutionnel le

Exigences

Points divergents

Points aveugles

Contexte :

Les enseignants sont partagés sur la cause des difficultés des élèves. Certains pensent que c'est un problème d'évolution de la société, d'autres pensent que ce sont les parents qui sont en cause.

Les enseignants éprouvent un sentiment de frustration et d'incompétence par rapport à leur travail. Quoique les aspirations de la plupart d'entre eux sont orientées vers le « Moi/pédagogie », néanmoins des doutes et des craintes demeurent quant à l'efficacité des dispositifs pédagogiques.

Les termes « Moi social/Didactique » et « Moi/Pédagogie » sont confus ou incompris.

Le cadre institutionnel est exigé. Il y a des exigences par rapport aux programmes scolaires à suivre dans un temps imparti.

On attend des rendements et des résultats sous forme de données chiffrées.

Les méthodes d'apprentissage sont arbitraires. Pas d'exigences en termes de rendement et de résultats (hormis en taux de remplissage et de la pertinence du SAJ, par un Rapport annuel d'évaluation de l'activité du Service à l'attention du Conseil Départemental).

Revendication de l'acquisition/du

développement des compétences vers le savoir, le savoir-faire et le savoir-être.

Les notions d'ergonomie cognitive, savoir-agir, éthique existent dans leurs pratiques, mais sont confondus avec le savoir, savoir-faire et savoir-être.

Les termes « Moi social/Didactique » et « Moi/Pédagogie » sont confus ou incompris.

Les missions du SAJ comprennent la socialisation (Rencontre et accueil),

l'acquisition/développement des
apprentissages et des acquis, l'expertise du diagnostic.

341

Tableau n° 87 : Tableau récapitulatif des résultats de l'enquête au Lycée E. Bugatti et au SAJ de Neuf-Brisach.

342

4.6. Conclusion méthodologique

Dans l'ensemble, nous concluons qu'en dépit de l'éducation plurielle du « Moi social » chez l'ensemble des professionnels, les aspirations et les pratiques des professionnels vers les finalités éducatives de l'accompagnement des lycéens du Lycée E. Bugatti, et des personnes en situation de handicap et des professionnels du SAJ de Neuf-Brisach rejoignent davantage celles de leur « Moi » que du « Moi social ». D'autre part, nous observons que les principes pédagogiques (Ergonomie cognitive, savoir-agir, éthique) du « Moi » sont confondus avec les principes didactiques (Savoir, savoir-faire et savoir-être) du « Moi social ». Enfin, les « revendications » des enseignants du Lycée E. Bugatti visent un système moins « didactique » et davantage adapté aux élèves, alors que celles des professionnels socio-éducatifs du SAJ de Neuf-Brisach sont axées sur les termes didactiques en termes de développement des compétences des usagers et des professionnels.

4.7. Hypothèses de recherches

Les recherches que nous avons effectuées dans notre étude nous amènent à formuler l'hypothèse suivante : Les finalités éducatives de l'accompagnement vers le « Moi » favorisent la résilience des élèves décrocheurs du Lycée E. Bugatti et des personnes en situation de handicap au SAJ du Neuf-Brisach comme nous l'indique le modèle ci-dessous :

Finalités
éducatives
sociales

Enseignant Educateur

Finalités
individuelles

Développement

de

l'individualité

Risques d'abus

Conformisme normatif

Pédagogie

Résilience

Lycéen à risque de décrochage

Personne en situation de handicap

342

"Moi social" "Moi"

343

Figure n°88 : Schématisation revisitée du « Moi social » et du « Moi » en lien avec la résilience.

En d'autres termes, on peut parler de « résilience » quand la finalité éducative vise l'accompagnement du « Moi » de la personne. Par conséquent, cela implique de tenir compte des différences entre les pratiques didactiques (« Moi social ») et des pratiques pédagogiques (« Moi ») dans l'action éducative afin de répondre de manière efficace aux besoins du public en difficulté. Par ailleurs, nous définissons le terme « pratiques pédagogiques » comme l'ensemble des actions éducatives reposant sur trois principes fondamentaux (Chalmel 2015) : Ergonomie cognitive, savoir-agir, éthique par opposition au savoir, savoir-faire, savoir-être, qui sont des principes relevant de la didactique (« Moi social »).

Pédagogie

Moi Résilience

Ergonomie cognitive

Savoir-agir Éthique

343

Figure n° 89: Principes pédagogiques en lien avec le « Moi » et la résilience.

Ainsi, nous avons pu constater que tous les dispositifs mis en place au Lycée E. Bugatti depuis 2013 ont eu impact positif sur les lycéens. Comme cela a été indiqué antérieurement, le taux de décrochage est passé de 23% à 15% durant l'année académique 2014-2015. Et cette diminution se poursuit encore aujourd'hui selon les chiffres récents que nous avons obtenus auprès de la Direction185. Pour l'heure, sur les 19 élèves de CAP que l'équipe de recherche de l'UHA a observé en salle de classe durant cette année, seulement un seul élève a décroché et quitté définitivement l'établissement sans diplôme et sans solution alternative de formation. En outre, les entretiens que nous avons effectués auprès des élèves décrocheurs montrent la présence d'un certain nombre de facteurs favorisant la résilience. Ce qui nous prouve qu'en quelque sorte, une

185 Chiffres non officiels.

344

344

graine a été semée et qu'il y a de l'espoir, comme l'a souligné un des enseignants lors de l'entretien collectif à travers les propos suivants :

« Donc, on n'a pas d'autres choix que s'adapter, et parfois quand c'est difficile, je me dis que la bienveillance laisse notre empreinte sur des élèves, même les plus difficiles, même ceux qui nous ont torturé l'esprit, retourné nos boyaux. Et donc, si on laisse cette empreinte, là il y a quelque chose qui reste. Il y a un changement qui s'opère. On a semé une graine, qui va soit s'ouvrir tout de suite ou s'ouvrira à un moment donné »

Ainsi, il est important de souligner que le projet d'établissement a beaucoup mis l'accent ces trois dernières années sur les mots « écoute » « bienveillance », « considération » et « inclusion ». Tous ces termes sont des indicateurs de résilience et visent in extenso le « Moi » de l'élève en termes d'accompagnement et de finalité éducative. Mettre l'élève au centre de l'action éducative, voilà le défi que veut relever le Lycée E. Bugatti dans sa lutte contre le décrochage scolaire. Par ailleurs, au SAJ de Neuf-Brisach, les professionnels socio-éducatifs affirment que l'adaptation à la personne et le soutien pédagogique prennent en compte l'individualité de la personne en situation de handicap, ce qui favorise son processus de résilience, à travers le développement de compétences transférées extramuros, par exemple.

En revanche, nous observons des craintes de la part des enseignants (Lycée E. Bugatti) en lien avec des doutes (L'accompagnement au « Moi » est-il possible et pérenne ?) et une revendication manifeste des termes didactiques paradoxalement à leurs pratiques pédagogiques. D'où la nécessité de mettre en place un projet visant à déconstruire les représentations didactiques que se font la plupart des enseignants et des éducateurs spécialisés. C'est ce que nous comptons proposer dans la partie « projet » de notre étude, qui sera présentée dans un autre document.

4.8. Perspectives de recherches

Dans cette étude, nous avons traité la problématique des finalités éducatives dans les pratiques d'accompagnement visant un conformisme social, selon le groupe social dans lequel est immergée la personne. Cet accompagnement empreint de conformisme/normativité (« Moi

345

345

social » (Didactique) dénature et pose un masque sur le « Moi » de la personne, et il ne prend pas en compte son profil d'apprentissage, ni ses ressentis, ses expériences. Nous prônons un accompagnement réfléchissant tel un miroir qui invite l'accompagné à prendre conscience de ses différents problèmes et de les résoudre par lui-même. De ce fait, nous voulons poursuivre nos investigations en thèse de doctorat afin d'essayer de comprendre le « Moi » et proposer une modélisation d'accompagnement. Quand nous avons demandé aux enseignants lors de l'entretien collectif : Quelles solutions préconisez-vous pour qu'un élève en échec scolaire puisse rebondir et reprendre gout à l'apprentissage ? Parmi les réponses obtenues, un des enseignants nous a répondu ceci :

« Essayez de trouver avec lui (élève) l'origine de cet échec et envisager des solutions ».

Ainsi, les questions posées sont les suivantes : Comment éduquer le « Moi » ? Surtout quand celui-ci a été fracassé, dénaturé ? Quels modes d'accompagnements pédagogiques spécifiques doit-on mis en oeuvre ? Dans le cas d'élèves décrocheurs, ne faudra-t-il pas trouver l'origine du fracas scolaire pour pouvoir y remédier de manière efficace ? Il faudra souligner qu'à ce jour, il n'existe aucune recherche scientifique présentant le « Moi » sous forme de triangulation entre des conceptions, une modélisation des pratiques éducatives en lien avec la pratique d'accompagnement du « Moi ». C'est ce que nous comptons réaliser comme travaux pour les trois prochaines années en travaillant sur 4 axes principaux :

? Description et mise en valeur de l'environnement socio-économique de notre espace de recherche.

? Compréhension des dimensions philosophico-anthropologique, psychanalytique, psychosociologique, du « Moi » et de sa construction inhérente au contexte de notre cadre de recherche.

? Déclinaison du « Moi » dans les différents courants d'idées intellectuelles et dans les pédagogies identifiées.

? La place de l'accompagnement dans ce cadre.

Notre objectif est de pouvoir proposer une modélisation pertinente, aboutissant à un modèle pratique d'accompagnement des personnes au coeur d'une pédagogie du « Moi ».

346

346

CONCLUSION GÉNÉRALE

Quand nous avions fait le choix d'entreprendre ce travail sur les finalités éducatives, nous savions pertinemment que nous aurions pris un grand risque. Notre question de départ fut la suivante : Est-il possible qu'un enseignant et une éducatrice spécialisée puissent collaborer ensemble sur un même projet sachant que les publics, les pratiques et les finalités éducatives de nos champs professionnels semblaient être très différents ? Dès lors, nous sommes partis dans cette aventure avec une intuition, sur laquelle nous avons construit notre approche théorique, conceptuelle et méthodologique.

Ce travail coopératif nous a permis de déconstruire et de reconstruire nos propres représentations, et de « s'accompagner l'un et l'autre » vers une construction commune. Ce long chemin de proximité favorisant notre adaptation, la connaissance et la valorisation du « Moi » de part et d'autre, surprenant parfois à travers les perles et les labeurs vécues, nous a confirmé être ces praticiens et pédagogues, par l'accompagnement l'un envers l'autre dans l'ergonomie cognitive, le savoir-agir et la posture éthique tant revendiqués. Forts du soutien de

347

347

notre « Accompagnateur par excellence »186, nous avons aussi compris que rien n'est impossible et que beaucoup reste à faire, ce qui nous a aussi appris à vaincre nos propres peurs, à oser nous engager et à franchir des barrières pour dépasser nos limites, et probablement aussi celles d'une mentalité semblant construite sur un fondement bien ancré.

Par ailleurs, il n'a pas été facile de travailler dans la démarche inductiviste (apostérioriste) que nous avons choisie, puisque cela nécessitait de déconstruire dans notre esprit le modèle hypothético-déductif qui nous a été enseigné pendant nos deux années de Master. Cette déconstruction a été certes douloureuse mais bénéfique, puisque nous avons retrouvé quelque chose qui nous a été dérobé, spolié, et cette chose n'est autre que notre « Moi ». Ainsi, nous avons vécu ce travail de Mémoire tel une escapade, au sens d'une « action de partir quelque part pour échapper aux obligations, aux habitudes de la vie quotidienne »187 et « par plaisir »188 de retrouver notre « Moi » intérieur.

En d'autres termes, cette étude ne nous a pas permis simplement de comprendre les concepts d'accompagnement, de « Moi social/Didactique », de « Moi/Pédagogie » ou de résilience mais elle nous a permis de réaliser qu'à l'intérieur de nous, il y avait un « Pédagogue » endormi, assujetti par un système de « Moi social » dont la finalité éducative est de fabriquer les « meilleurs », en d'autres termes les « impersonnels ». Ainsi, ensemble, nous avons réveillé ce « Pédagogue » en nous, pour le libérer de son joug... à l'instar d'un génie libéré de sa bouteille. D'où surgissent des questions manifestes : Combien de « pédagogues » ont été bannis, exclus, supprimés par notre système éducatif ? Combien de « pédagogues » dans les Ecoles maternelles et élémentaires, Collèges, Lycées, Universités sont en train d'être refrénés dans leurs aspirations au « Moi » sur le plan idéologique et philosophique ?

186 Faisant référence à notre Créateur et Père céleste...

187 Repéré le 21/05/2016 sur le site du Larousse.

188 Repéré le 22/05/2016 sur le site du Centre National des Ressources Lexicales et Textuelles.

348

348

Dans cette optique, nous pensons que ce travail sur les finalités éducatives prend tout son sens et que l'issue de ce Mémoire de fin d'études n'est que le commencement d'une aventure intrépide et surprenante...

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Aimon, D. (1998). Le concept de représentation. Lille : C.U.E.E.P.

Albarello, L. (2011). Choisir l'étude de cas comme méthode de recherche. Bruxelles : De Boeck.

Alexandre, D. (2011). Les méthodes qui font réussir. Issy-les-Moulineaux : ESF.

ARSEA Alsace- Bientraitance Cadres. Le référent Bientraitance de l'établissement ou du Service, 15-16/11/2011, Sélestat, p.29.

Balas, G. (2012). Lutter contre le décrochage scolaire, vers une nouvelle action publique régionale. Paris : Fondation Jean Jaurès.

349

349

Bardin, L. (2014). L'analyse de contenu. Paris : PUF.

Bergson, H. (2012). Les deux sources de la morale et de la religion. GF Flammarion.

Bernard, P., & Michaut, C. (2014). Marre de l'école: Les motifs de décrochage scolaire. Centre de recherche en éducation de Nantes, 17.

Bernoux, J. (2005). Mettre en oeuvre le développement social territorial. Paris : Dunod.

Berthet, T., & Zaffran, J. (2014). Le décrochage scolaire. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.

Blaya, C. (2003). Décrochages scolaires, l'école en difficulté. Bruxelles : De Boeck.

Bombèr, L. (2012). Aider l'élève en souffrance, stratégies pratiques pour aider les enfants qui ont des difficultés d'attachement. Bruxelles : De Boeck.

Bouaziz, D. (2007). La force des représentations dans le champ du travail social. Lien social, 824, 13-15.

Bourgeois, E., & Chapelle, G. (2007). Apprendre et faire apprendre. Paris : PUF.

Boutinet, J.-P., Paul, M., Pineau, G. (Octobre 2002). L'accompagnement dans tous ses états. Education permanente, 153.

Capul, M. & Lemay, M. (1996). De l'éducation spécialisée. Ed. Erès.

Castel, R.&Haroche, C. (2001). Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi. Entretiens sur la construction de l'individu moderne. Fayard. In À propos de l'individu, du Moi et de l'identité. Mouvements, 4/2001, 17, 151-159.

Chalmel, L. (1999). Le pasteur Oberlin. Paris : PUF.

Chalmel, L. (2000). La petite école dans l'école: Origine piétiste-morave de l'école maternelle française. Berne : Peter Lang.

350

Chalmel, L. (2015). Thérapie et éducation. Nantes : Presses Universitaires de Nantes. Coenen, R. (2011). Eduquer sans punir. Toulouse : Erès.

Condamin, A. (2000). Réflexions sur la pratique du counseling dans une société en mutation. Université de Laval, Département de counseling.

Condamin, A. (2000). Réflexions sur la pratique du counseling dans une société en mutation. Université Laval, Département de counseling.

Coum, D. (2008). Que veut dire être parent aujourd'hui. Toulouse : Erès.

Cyrulnik, B. (2002). Un merveilleux malheur. Paris : Odile Jacob.

Cyrulnik, B. (2004). Les vilains canards. Paris : Odile Jacob.

Danon-Boileau, H. (2002). Les études et l'échec. Paris : Payot.

De Castéra, B. (2002). Le compagnonnage. Paris : PUF.

De Castéra, B. (2002). Le compagnonnage. Paris : PUF.

De Turckhein, G. (2008). Comprendre le protestantisme. Paris : Eyrolles Pratique.

Delaubier, J. P., & Saurat, G. (2013). Le traitement de la grande difficulté au cours de la scolarité obligatoire. 95, Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche.

Depelteau, F. (2010). La démarche d'une recherche en sciences humaines. Bruxelles : De Boeck.

Develay, M. (2015). D'un programme de connaissances à un curriculum de compétences. Bruxelles : De Boeck.

350

Dubet, F. (1991). Les lycéens. Paris : Seuil.

351

351

Erny, P., & Mi Ree, J. (1996). Expérience de formation parentale et familiale. Paris : L'harmattan.

Falla, W. & Sirota, A. (2012). Être et faire avec les autres. Nouvelle revue de psychosociologie, 14, 173-189.

Fauconnier, P. (2004). La fabrique des meilleurs. Paris : Seuil.

Florin, A., & Vrignaud, P. (2007). Réussir à l'école. Les effets des dimensions conatives en éducation. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.

Fustier, P. (1975). L'identité de l'éducateur spécialisé. 2nde éd. Universitaires Sni Delmas. Bordeaux.

Fustier, P. (2009), L'identité de l'éducateur spécialisé. Coll. Santé Social. Dunod.

Fustier, P. (2009). L'identité de l'éducateur spécialisé. Paris: Dunod.

Gayet, D. (2004). Les pratiques éducatives des familles Paris : PUF.

Gentner Fabrice, Oxalls Formation, Promouvoir la bientraitance, Journées de formation, (n.d.).

Gilson, B. (1985). L'individualité dans la philosophie de Bergson. Paris : Librairie Philosophique J. Vrin.

Giry, M. (1994). Apprendre à raisonner, apprendre à penser. Paris : Hachette. Goussot, A. (2014). Pédagogie et résilience. Paris : L'harmatttan.

Guillaume, L. (2014). Education nouvelle contemporaine, source de résilience, traces de bonheur pédagogique. Vol. I., Université de Haute Alsace, Mulhouse.

Guillemot, V., & Vial, M. (2011). Formation au coaching: Quelle place émergente pour les Sciences de l'Education ?. Les cahiers du Cerfee, 29.

Gusdorf, G. (1968). La parole. Paris : PUF.

352

352

Gusdorf, G. (1968). La parole. Paris : PUF.

Hamann, E. & Nguyen, M. & Rohmann-Labat, & Stragno-Fabrizio, I. (2009). Positionnement professionnel et éthique dans le travail d'équipe. Les Cahiers de l'actif, 402/403, 209-219.

Hardy, J. (2006). L'accompagnement pédagogique, formateur sans le savoir. Paris : Riaux-Cerems.

Henrion, A., & Grégoire, J. (2014). Adolescence et difficultés scolaires. Paris : Mardaga.

Hinshelwood R.D., « Idéologie et identité : une étude psychanalytique d'un phénomène social. ». Revue française de psychanalyse, 4/2007, Vol. 71, 1027-1045.

Houssaye, J. (1992). Le triangle pédagogique. Berne : Peter Lang.

Imbert, F. (2000). La question de l'éthique dans le champ éducatif. Matrice, 4ème édition.

Jean-Pierre Blaevoet, Paul, M. (2004). L'accompagnement : une posture professionnelle spécifique. Recherche et formation, 52 | 2006, 155-157.

Jodelet, D., (2003). Les représentations sociales. Paris : PUF.

Jovenet, A. (2014). Enfant en souffrance...élève difficile ? Dialogue entre psychanalyse et pédagogie Freinet. Paris : Presses universitaires du Septrion.

Kauffmann, J-C. (2001). Pour une sociologie de l'individu. Une autre vision de l'homme et de la construction du sujet. Ed. Nathan. In À propos de l'individu, du Moi et de l'identité. Mouvements, 4/2001,17, 151-159.

Koch, R. (2007). Le principe 80/20. Montréal : Les éditions de l'homme.

Kuen, A. (2002). Les défis de la postmodernité. Suisse : Saint Léger.

Laniado, N. (2008). Comment développer l'intelligence de nos enfants Lausanne : Favre. Le Boterf, G. (2000). L'ingénierie des compétences. Paris : Editions d'organisation.

353

Leconte, J. (2013). Les 30 notions de psychologie. Paris : Dunod.

Longuenesse, B. (4/2010). Présentation de différentes manières de se rapporter à soi. Revue de métaphysique et de morale, 68, 419-434.

Loubat, J-R. (2014). Penser le management en action sociale et médico-sociale. 2nde édition, Ed. Dunod.

Malcuit, G. (1995). Psychologie de l'apprentissage Paris : Edisem.

Manil, J. (2014). Le monde intérieur de l'élève, de l'expérience émotionnelle au vécu pédagogique, Vol. I. Université de Haute Alsace, Mulhouse.

Marshall, C., & Payne, T. (2014). L'essentiel dans l'église. Apprendre de la vigne et de son treillis. Lyon : Clé.

Meirieu, P. (2000). L'école et les parents : La grande exploitation. Paris : Plon.

Meirieu, P. (2015). Faire l'école faire la classe : Démocratie et pédagogie. Issy-les-Moulineaux : ESF.

Mellier, D. (2012). Ce qui fait équipe, exigence d'un travail pulsionnel et appareillage psychique groupal d'équipe. Nouvelle revue de psychosociologie, 14,131-144.

Michel, J. (2013). Les 7 profils d'apprentissage. Paris : Eyrolles.

Morel, S. (2014). La médicalisation de l'échec scolaire. Paris : La dispute.

Oberlé, R. (2002). Le patrimoine scolaire de Mulhouse. Collections mulhousiennes,

Andolsheim.

Pasquier, D. (1986). Comprendre l'échec scolaire : Essai théorique de psychologie de l'éducation. France. Auto édité.

353

Paul, M. (2002). L'accompagnement, une nébuleuse. Education permanente. 153.

354

354

Paul, M. (04/2004). Le concept d'accompagnement, Note de synthèse effectuée à partir de l'intervention de Maela Paul, R Bourgogne, Dijon.

Paul, M. (2004). L'accompagnement : Une posture professionnelle spécifique. Paris : L'Harmattan.

Paul, M. (2/2009). L'accompagnement dans le champ professionnel. Savoirs, 20,11-63. Paul, M. (2009). Autour du mot accompagnement. Recherche et formation. 62, 129-139.

Paul, M. (09/2012). L'accompagnement comme posture professionnelle spécifique : L'exemple de l'éducation thérapeutique du patient. Recherche en soins infirmiers, 110, 13-20.

Périer, P. (2005). Ecole et familles populaires. Sociologie d'un différend. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.

Perrenoud, P. (2009). Développer la pratique réflexive dans le métier d'enseignant. Paris : ESF. Pestalozzi, Y. (2009). Ecrits sur la méthode. Le Mont-sur-Lausanne : Loisirs et pédagogie. Pourtois, J., Desmet, H., & Humbeeck, B. (2012). Les ressources de la résilience. Paris : PUF. Pourtois, J-P., Desmet (2004), H., L'éducation implicite. Paris : Puf, 4ème édition.

Pourtois, J-P., Desmet, H. (2004). L'éducation postmoderne. Paris : Puf.

Ravon, B. (2012). Refaire parler le métier. Le travail d'équipe pluridisciplinaire : réflexivité, controverses, accordage. Nouvelle revue de psychosociologie, 14, 97-111.

Regnier, W. (2012). Les écarts interprétatifs sur l'Éthique du travail prescrit de surveillance et la compétence de l'assistant d'éducation pour l'Esprit du système scolaire. Mulhouse : Université de Haute Alsace.

Richez, Y. (2006). Emergence et actualisation des potentiels humains, Contribution à l'étude de l'accompagnement et à la professionnalisation des coachs. Mémoire présenté pour

355

355

l'obtention du Master Professionnel Sciences de l'Homme et de la Société, Ingénierie de la Formation, spécialité Fonctions d'accompagnement en Formation.

Ricoeur, (1990). Soi-même comme un autre. Paris : Seuil.

Rieunier, A. (2014). Concevoir un projet de formation. Issy-les-Moulineaux : ESF.

Sagnes, J. (1995). L'enseignement du second degré en France au XXe siècle. Perpignan : Presses universitaires de Perpignan.

Sous la direction de Chalmel, L. (2013). Espaces et dispositifs en éducation. Pédagogie : crises, mémoires, repères. L'Harmattan.

Sous la direction de Coum, D. (2008). Que veut dire être parent aujourd'hui ? Ed. Erès.

Sous la direction de Cyrulnik B. & Jorland G. (2012). Résilience Connaissances de base. Ed. Odile Jacob.

Terrier, J. Personnalité individuelle et personnalité collective selon Emile Durkheim et Georg Simmel, Revue Sociologie et sociétés, vol.44, 2, 235-259.

Terrisse, B., & Larose, F. (2001). La résilience: Facteurs de risque et facteurs de protection dans l'environnement social et scolaire du jeune enfant. Cahiers du centre de recherche sur les formes d'éducation et d'enseignement, Ecole/famille, 14, 129-172.

Thomazeau, A., & Juhel, N. (2012). Inégalités scolaires et résilience. Paris : Retz.

Tornau, C. (3/2009). « Qu'est-ce qu'un individu ? Unité, individualité et conscience de soi dans la métaphysique plotinienne de l'âme », Les Études philosophiques, 90, 333-360.

Van Honsté, C. (2011). A chaque élève son coach, 33.11, 10. Bruxelles: Union des Fédérations des Associations de Parents de l'Enseignement Catholique.

Van Honsté, C. (2011b). L'enfant doit-il aller deux fois à l'école pour éviter l'échec scolaire, 28.11, 10, Bruxelles.

356

Weisser, M. (2015). Pédagogie ? Didactique ? Faire apprendre ! Paris : L'Harmattan. Zay, D. (2005). Prévenir l'exclusion sociale et scolaire des jeunes. Paris : PUF.

356

REFERENCES NUMERIQUES

- Information relatives à l'étymologie du verbe « accompagner », repérée le 22 décembre 2015 à :

https://sites.google.com/site/etymologielatingrec/home/a/accompagn

- Informations relatives au terme « partager », repérées le 30 décembre 2015 à : http://www.cnrtl.fr/definition/partage

357

- Informations relatives aux termes « thérapeutique », « Hippocrate », « maïeutique », repérées le 30 décembre 2015 à :

http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Hippocrate/123966 http://ordomedic.be/fr/l-ordre/serment-(belgique)/serment-hippocrates/ http://www.cnrtl.fr/definition/maïeutique/

- Informations relatives aux « personnes vieillissantes accompagnées par leurs familles arabes », repérées le 30 décembre 2015 à :

https://www.mnh.fr/telechargement/AS-TAP2010.pdf

- Informations relatives au terme « posture », repérées le 31 décembre 2015 à : http://www.cnrtl.fr/etymologie/posture

- Informations relatives au terme « handicap », repérées le 5 janvier 2015 à : http://www.cnrtl.fr/synonymie/handicap

http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/RM2013-

163P Avancee en ages des PH TOME II DEF.pdf

- Maunaye, E. (2001). Quitter ses parents. Terrain. Consulté le 02 janvier 2016 du site : http://terrain.revues.org/1168 ; DOI : 10.4000/terrain.1168

- Informations relatives aux termes « autonomie et protection personnes handicapées », repérées le 6 janvier 2015 à :

http://www.cnsa.fr/documentation/actes_des_2e_rencontres_scientifiques_aide_a_laut onomie et parcours de vie 15-16 02 2012.pdf

357

- Informations relatives aux Référentiels de Formations, repérées le 15 janvier 2015 à :

358

358

http://social-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2007/07-07/a0070168.htm (ME) http://social-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2007/07-07/a0070169.htm (ES 2007)

- Informations relatives au Référentiel des SAJ et aux schémas régionaux, repérés le 02

mars 2016 à:

http://www.solidarite.haut-rhin.fr/Cache/30-08-11 11-42PH REFERENTIEL ACCUEIL JOUR.pdf

http://www.ars.alsace.sante.fr/fileadmin/ALSACE/actualites/2015_consultation_PRIAC/ Actu PRIAC 2015 consultation.pdf

- Informations relatives à la ville de Neuf-Brisach, repérées le 27 mars 2016 à : http://www.tourisme-paysdebrisach.com/fr/decouvrir/fortifications-vauban.html http://patrimoine.alsace/notices/Porte-de-Colmar,15529.html http://www.recoin.fr/tourisme/neuf+brisach.htm

- Informations relatives au canton d'Ensisheim, repérées le 27 mars 2016 à :

https://infogeo68.fr/infogeo68/files/CTV/CTV FlorivalVignoblePlaineduRhin 2014-2019.pdf

- Informations relatives au terme « Déontologie », repérées le 19 mars 2016 à : http://www.cnrtl.fr/definition/d%C3%A9ontologie

- Notes de séminaires de Lacan, relatives au Moi, repérées le 02 avril 2016 à : http://www.valas.fr/IMG/pdf/S2_LE_MOI.pdf ttps:// sites.google.com/site/lacanlestadedumiroirl2metz/home/explication-du-concept

359

359

https://fr.wikipedia.org/wiki/Stade du miroir

- Informations relatives à la « clarté institutionnelle », Y.-P. Honorez. Repéré le 25 mars 2016 à : http://aifris.eu/03upload/uplolo/cv830 57.pdf

- Région Alsace. (s. d.). PLAN REGIONAL POUR DES EXPERIMENTATIONS D'ACTIONS EN FAVEUR DES JEUNES DE 16 A 25 ANS « PERDUS DE VUE ». Consulté le 25 mars 2016 sur le site :

http://www.region.alsace/sites/default/files/fichiers/actualite/plan_regional_pour_des_ experimentations dactions.pdf

- Paul, M. (2002) L'accompagnement, une nébuleuse, Education permanente. 153. Repéré le 22 décembre 2015 à :

http://emmenhelen.free.fr/accompagnement/153%20PAUL[1].pdf

- Rothé, C. (2010). Jeune en errance, les effets pervers d'une prise en charge adaptée. Agora débats/jeunesses, 1,54, 87-99. Consulté le 20 mars 2016 à : http://doi.org/10.391/agora.051.0087

- Maela, P. (2009). Autour du mot accompagnement, 62, 129-139. Repéré le 21 décembre

2015 à : http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/recherche-et-
formation/RR062-8.pdf

- Maela, P., & Blaevoet, J. (2004). L'accompagnement: une posture professionnelle spécifique. Repéré le 21 décembre 2015 à : http://doi.org/52 | 2006. 155-157

- Informations relatives à l'accompagnement éducatif, repérées le 21 mai 2016 à : http://sbssa.ac-amiens.fr/sites/sbssa.ac-

amiens.fr/IMG/pdf/Cahier n6 L accompagnement dans tous ses etats.pdf

- Oller, A. (2012). Le coaching scolaire à destination des élèves du secondaire. Consulté le 10 août 2015, à l'adresse URL : http://cres.revues.org/453

360

- Informations relatives au terme « escapade », repérées le 22 mai 2016 à : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/escapade/30943 http://www.cnrtl.fr/etymologie/escapade

360

RESUME/ABSTRACT

« Les finalités éducatives des professionnels et les enjeux liés à la résilience dans l'accompagnement socio-éducatif. Une étude de cas au Lycée Ettore Bugatti (Illzach) et au SAJ (Neuf-Brisach) »

361

361

Résumé

Ce Mémoire de fin d'Etudes de MASTER 2 est le fruit d'un travail coopératif entre un enseignant et une éducatrice spécialisée, dont les champs d'accompagnement (Educatif et socio-éducatif) portent sur les publics à besoins spécifiques dans un contexte précis (Lycéens en risque de décrochage scolaire au Lycée Ettore Bugatti d'Illzach et des adultes en situation de handicap au Service d'Accueil de Jour de Neuf-Brisach). Partant d'une approche inductiviste sophistiquée, nous avons fait des investigations empiriques puis méthodologiques relatives aux finalités éducatives par les professionnels sur l'accompagnement de ces deux publics et de l'impact de la résilience. En effet, nos investigations ont révélé que les finalités éducatives des professionnels éducatifs et socio-éducatifs sont plutôt orientées vers un accompagnement du « Moi » des personnes ainsi qu'une confusion sémantique et éducative des concepts « Pédagogie/Moi » et de la « Didactique/Moi social ». C'est dans cette optique, que nous proposons de mettre en oeuvre un projet d'ingénierie de compétences intitulé « Oberlin » à destination de ces professionnels du Lycée E. Bugatti et du SAJ Neuf Brisach afin de permettre une meilleure compréhension des concepts évoqués précédemment à travers une dynamique réflexive autour de leurs représentations et favoriser à long terme un meilleur accompagnement à la résilience de leurs publics.

Mots-clés

Accompagnement, pédagogie, didactique, résilience, publics à besoins spécifiques, finalités éducatives, Moi, Moi social, enseignant, éducateur spécialisé, décrochage scolaire, décrocheur, personne en situation de handicap, élève, formation, enseignement, difficulté scolaire, difficulté sociale.

Abstract

This master's degree thesis results from a cooperation work between a teacher and a case worker, whose fields of professional support (Educational and social) are different. Moreover, our investigation aims two different publics with specific needs in an accurate context (High

362

362

risk school dropouts in vocational high school Ettore Bugatti of Illzach and disabled adults of Day Center Service at Neuf-Brisach). On the basis of case studies approach we made empirical inquiries and used qualitative methods as to explore the educational goals of professionals of both school and social public. We studied also the impact of their support on resiliency for each group (pupils and disabled adults). Indeed, our investigations revealed that the educational goals of professionals from our research fields are more oriented towards a support of the "Self" of their publics. Nevertheless, we observed a semantic confusion about educational goals and concepts "Pedagogy / Self" and "Didactic / Social self. " It is in this context, we propose to implement a competency engineering project entitled "Oberlin" to these professionals of Lycée E. Bugatti and SAJ Neuf Brisach to enable a better understanding of the concepts mentioned previously through a reflective approach about their perceptions. Furthermore, this project is aimed to foster a better support to the resiliency of their supported publics.

Keywords

Accompaniment, educational goals, pedagogy, didactic, resiliency, public with special needs, educational goals, self, social self, teacher, caseworker, school dropout, dropout, person with disabilities, student, training, pupil, learning difficulties, social difficulty, social work.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery