Mutations et devenir des paysanneries de l'opération Yabassi Bafang.( Télécharger le fichier original )par Basile TENE Université de Yaoundé - Maîtrise 1 2016 |
Source : Archives SODENKAM. De ce tableau, il ressort que le rythme de création des villages est irrégulier. C'est ainsi qu'on note une coupure majeure entre 1971 et 1976, coupure qui correspond aux maxima de la désertion. À propos DONGRNO J.L écrit: « Le record détenu par la campagne 1973/74 avec 87% de déserteurs, c'était déjà cette campagne qui occupait le premier rang des effectifs bruts. Au total en 11 ans de' fonctionnement, la colonisation de Nkondjock a enregistré 1091 désertions sur 1731 recrutements, soit 40% environ. C'est trop à notre avis». 14 Le village Malé bis est créé en 1976; il faudra attendre 1979, 1980 et 1981 pour que les derniers villages naissent. À partir du tableau précédent, il est facile de faire une classification des villages suivant l'ordre de création. Ainsi les villages anciens de l'Opération qui ont vu le jour entre 1966 et 1970 se distinguent des villages neufs, créés de 1979 à 1981 Un village reste en solitaire au milieu du tableau Malé Bis (1976). La création des villages pionniers dans Le temps suit une certaine chronologie, menu-si celle-ci demeure très irrégulière, avec une ou plusieurs années creuses. Dans l'espace, la zone de l'Opération est bien quadrillée par les villages qui, suivant leur situation géographique, occupent diverses positions. Dans les études préliminaires du projet, La SCET-COOP a prévu que les villages pionnier: du moins la majorité devrait être situé à 4 km au moins de la route principale. Cependant, ce plan n'a pas été respecté dans son intégralité. Néanmoins, les villages pionniers occupent la périphérie des zones autochtones dont les autorités se gardent d'empiéter sur le territoire. Spatialement, les villages se répartissent suivant plusieurs paramètres : ? De par la situation par rapport à I' axe routier principal; et là on distingue les villages se trouvant le long de la route tels N'jingang, Matoubé e des villages situés à l'écart de l'axe central comme Didipé ou Madip. ? Selon la position vis-à-vis du centre administratif
(Nkondjock) ; on a des Les villages pionniers ; dès leur création s'établissent non plus sur les lois coutumières comme à l'Ouest du pays, mais s'organisent sur un plan démocratique de manière à intégrer toutes les communautés ethniques présentes. C'est là un des objectifs majeurs visés par les autorités lors du lancement de l'Opération. Ainsi la gestion interne du village pionnier se fait par un comité de direction élu et dirigé par un président qu'assistent de nombreux membres du 10 Barbier J. C. op cit. 15 village. Ce comité soutenu et dirigé par l'administration est 1 ' intermédiaire entre les cadres techniques et les pionniers. Il est également chargé de l'animation, de l'éducation civique et de la mise en place d'un système coopératif. Cette originalité dans la gestion des campagnes est la conséquence de la rencontre dans une même région, des populations d'origines diverses. Comme dans toute colonisation agricole dirigée, l'organisation de l'espace est imposée aux immigrants. C'est bien le cas dans l'opération Yabassi-Bafang. Cliché auteur 02/04/910 à 9h. Photo 1 : Un village en création : Didipé (18e). Comme les autres villages pionniers, c'est en forêt que les immigrants sont installés et la mise en valeur se fait progressivement. 16 A-2. Organisation de l'espace.L'Opération Yabassi -Bafang est une opération de colonisation organisée et dirigée suivant la typologie élaborée par J. p Raison (2). Ici le paysan est presque soumis à des structures nouvelles, à des techniques qui lui sont le plus souvent étrangères. Même si ce dernier conserve sa liberté de culture, Il doit accepter les restrictions aux droits de la propriété. La population allogène est très composite et chaque ethnie possède un mode d'habitat différent. En dépit de 1' importance numérique des Bamilékés dans 1a zone ; ces deniers n'ont pas pu transposer leur mode d'habitat traditionnel. Ceci était à craindre dans la mesure où les tentatives forcées de 1'habitat groupé à l'Ouest dans les années 60 avait échoué. L'administration a imposé le mode d'habitat groupé à i ou s Les immigrants dès leur arrivée. C'est ainsi qu'on a vu les pionniers se regroupés en village et, chaque village organisé de telle sorte que les habitants sont lotis sur des surfaces de 1000 m2 dé1imitées au préalable par des services topographiques et reparties par quartier de 10 à 15 ménages. Pour ce qui est du plan des villages, la tendance générale est le plan en damier avec des i nos qui se recouvrent à angles droits, aveu quelques exceptions. Nous sommes loin do 1'organisation spatiale habituelle de l'habitat clan; nos campagnes. Il en est de même du style de construction. Pans un système d'habitat administré comme dans la zone de 1' opération la construction des logements ou des éléments complémentaires de l'habitat, est laissée aux initiatives des pionniers sur des lots provenant d'un découpage parcellaire. L'administration veille alors au respect des lois et règlements gui concernent l'habitat. Pour réaliser une implantation humaine durable bans la région, il est imposé à tous, des maisons en briques de terres séchées, couvertes de tôles sous 4 pentes. Mais les pionniers soucieux de moderniser leurs habitats ne se sont pas arrêtés là et de temps en temps, des maisons en parpaings s'édifient dans certains villages (Malé, Matoubé). Autour des villages, les plantations se disposent en 2 auréoles concentriques. La première auréole à proximité du village comporte les premières plantations de 6 hectares environ chacune ; ceci pour ne pas défavoriser les pionniers qui sont à une distance considérable. La deuxième plantation de même superficie que la première, se situe dans la deuxième auréole, si bien que la plantation la plus éloignée se trouve à 5km du village. Des pistes de collectes sont tracées dans certains villages pour desservir des plantations et faciliter ainsi le portage. 17 Quant à l'organisation interne des champs il est à noter que dans chaque portion de champ, il y a une culture précise en principe. C'est une organisation qui mérite d'être explicitée dans les paragraphes à venir.
B. LES TYPES DE PAYSANNERIES ET LA MISE EN VALEUR DE
L'ESPACE
|
Années |
Nombre total des pionniers |
Effectifs cumulés |
1965-1966 |
96 |
96 |
1966-1967 |
208 |
304 |
1967-1968 |
458 |
762 |
1969-1968 |
744 |
1506 |
1969-1970 |
900 |
2406 |
1970-1971 |
1020 |
3426 |
1971-1972 |
1264 |
4690 |
1973-1974 |
1290 |
5980 |
1974-1975 |
1410 |
7390 |
1975-1976 |
1512 |
8902 |
1976-1977 |
1576 |
10478 |
1977-1978 |
1517 |
11995 |
1978-1979 |
1660 |
13655 |
1979-1980 |
1936 |
15591 |
1980-1981 |
1621 |
17212 |
1981-1982 |
1664 |
18876 |
1982-1983 |
1634 |
20510 |
1983-1984 |
1678 |
22188 |
1984-1985 |
1634 |
23866 |
Source : Archives de la SODENKAM
Cet apport quantitatif de la population est également qualitatif. Aujourd'hui, ce périmètre de mise en valeur compte plus d'un tiers de la population de l'arrondissement de Nkondjock, estimée à 18 000 habitants. Cette population d'immigrés est constituée dans sa majorité d'hommes, mais aussi de femmes qui participent directement à la mise en valeur de la région en tant que chef d'exploitation et productrices de cacao et de café. Ces "pionnières" délaissent ainsi la production vivrière aux femmes mariées.
22
En 1977, on estime à 63% les adultes ayant moins de 40 ans et un niveau d'instruction relativement élevé pour une société rurale. Car bien de paysan de la région ont fait des études jusqu'au cycle de l'enseignement secondaire et les diplômes obtenus vont du CEPE au Probatoire.
Figure 2 : Évolution de la population pionnière de Nkondjock
Source: Archive SODENKAM
Dans le souci de relancer l'économie de la région, l'objectif du gouvernent est d'entreprendre grâce à cette colonisation agricole rurale, le développement du Nkam, qui est économiquement en voie de régression depuis 50 ans. Pour atteindre cet objectif, une implantation humaine stable est d'abord nécessaire. Ensuite, vient le développement de
l'agriculture ainsi que les autres secteurs de
l'économie. C'est dans ce cadre que les
cultures pratiquées
dans la zone de l'opération sont très variées et d'une
importance inégale ; ce sont les cultures de rente et
vivrières.
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Les cultures de rente connaissent la prépondérance du café et du cacao. Ceci s'explique par le fait la promotion de ces cultures est très forte auprès des paysans. Les plants sont distribués gratuitement, ainsi que les conseils prodigués par le moniteur agricole. Mais il faut attendre 1970 pour que l'Opération enregistre ses premières récoltés 1 de café et de cacao. L'intérêt des paysans pour ces cul t ures var i e suivant l'origine ethnique ; c ' est pourquoi les immigrants des hautes terres s'intéressent à la caféiculture qu'ils connaissent déjà, tandis que les paysans en provenance des zones fores t i ères ont un engouement pour la cacao culture; l'écart du travail entre les 2 cultures peut- être la raison.
Tableau 3 : Évolution de la production de café et de cacao
Année |
Production cacaoyère (t) |
Production |
1965-1996 |
/ |
/ |
1966-1967 |
/ |
/ |
1967-1968 |
/ |
/ |
1968-1969 |
/ |
/ |
1969-1970 |
0,021 |
0,601 |
1970-1971 |
0,292 |
14,140 |
1971-1972 |
1 ,425 |
68,132 |
1972-1973 |
3, 500 |
209,649 |
1973-1974 |
8,280 |
167,054 |
1974-1975 |
9,360 |
352,913 |
1975-1976 |
8,066 |
390,208 |
1976-1977 |
8,242 |
699,741 |
1977-1978 |
19, 500 |
1270,625 |
1978-1979 |
48,000 |
1318,377 |
1979-1980 |
80,655 |
1260,504 |
1980-1981 |
99,888 |
2049,930 |
1981-1982 |
131,041 |
1687,559 |
1982-1983 |
113,723 |
2730,482 |
1983-1984 |
121,593 |
1055,589 |
1984-1985 |
338,371 |
3812,804 |
Total |
991 ,957 |
17088,308 |
Source: Archives de la SODENKAM.
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Les productions caféières et cacaoyères évoluent à un rythme croissant, au point que leur production globale suit de près celle des départements de longue tradition agricole comme le Moungo, qui cultive la même variété de café (robusta).
Le tableau ci-joint provenant des archives de la SODENKAM qui est d'ailleurs le seul client de tous les paysans, nous montre en clair l'évolution de la production du café et du cacao. Les paysans doivent livrer toute leur production à la société, car cela fait partie de leur devoir envers l'administration. Aucune autre société n'est autorisée à s'établir dans la région. La chute de la production observée pendant la campagne 1975-1976 et 1982-1983 sont la conséquence des sécheresses qui ont sévi précédemment et qui ont influencé la production. Quant aux cultures vivrières, la commercialisation se fait de diffuse ; par conséquent, il est difficile d'évaluer la production commercialisée sut place, ainsi que les quantités écoulées sur les marchés des villes voisines (Yabassi et Bafang notamment). Pour toutes les cultures vivrières confondues, ESSECK (1) nous propose les données ci-après :
1969-1970 - 124 tonnes 1970-1971 - 381 tonnes 1971-1972 - 531 tonnes 1972-J973 - 209 tonnes 1973-1974 - 350 tonnes 1974-1.975 - 466 tonnes 1975-1976 - 666 tonnes
C'est sur l'initiative des pionniers que ces cultures se développent. Et au regard de l'origine multi-ethnique des paysans, chacun adopte la variété de son milieu de départ. C'est ainsi que pour une même culture, on a plusieurs variétés. Par ordre d'importance, nous pouvons citer comme principales cultures de la région, la banane-plantain, le macabo, le taro, l'arachide et quelques céréales. La production de ces cultures, toujours en hausse, est largement excédentaire. :
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La tâche qui incombe à la SODENKAM nécessite l'ouverture au Bulldozer de 44 km de rue, de 31 km de route reliant les villages à l'axe routier principal et aux principales pistes de plantations. Sur le plan social, un accent particulier est mis sur la construction de plusieurs équipements collectifs. Au 30 Mai 1980, on dénombre parmi les réalisations de la SODENKAM, la construction des dispensaires, des écoles primaires, des foyers culturels, des points d'eau aménagés, des terrains de football et de volley-ball.
Tableau 4 : Équipements socio-économiques de la région
Infrastructures |
Période de création |
Période de création 1966-1984 (a) |
Période de création 1966-1988 (b) |
Hôpitaux (CSUÏ |
0 |
1 |
1 |
Dispensaires (CSE) |
1 |
4 |
9 |
Maternité |
3 |
4 |
|
Propharmacie |
1 |
1 |
|
Écoles primaires complètes |
1 |
19 |
14 |
Écoles maternelles |
1 |
3 |
/ |
C.E.S |
2 |
2 |
|
Terrains de sport |
2 |
25 |
21 |
Usines à café |
2 |
1 |
|
Marchés périodiques |
4 |
6 |
2 |
Dancings |
2 |
2 |
|
Adduct ion d ' eau |
1 |
5 |
|
Électrification |
1 |
2 |
|
Bureau do poste |
1 |
1 |
|
Ponts en béton |
1 |
1 |
1966-1904 (a) Données fournies par Esseck
1966-1988 (b) Données obtenues de l'enquête directe et traduisant la part des infrastructures de l'Opération dans le Nord du Nkam.
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Une comparaison des données à partir du tableau ci-joint, montre âne l'essentiel des infrastructures socio-économiques du nord du Nkam en général est concentré dans la zone de l'Opération Yabassi- Bafang. C'est seulement sur ce point que les autochtones ont montré leur satisfaction à propos de la colonisation agricole de leur région. La réalisation de ces équipements, du reste insuffisante au regard de I 'effectif d'une population en croissance, est entachée de quelques points d'ombre.
Nous avons décelé des points d'ombre dans la réalisation de ce projet, et ceci à 2 niveaux: Le non-respect des engagements de la SODENKAM et les contraintes administratives.
Devant les premiers succès de l'opération de colonisation des terres de la région de Nkondjock, le projet de son extension est rallié aux oubliettes et beaucoup d'autres manquements à l'accomplissement du projet s'en sont suivis. Ainsi, d'après les études préliminaires effectuées sur le projet, seuls 55000 ha sont aménagés, sur plus de 100 000 ha considérés comme faisant partie du patrimoine collectif national et devant servir de cadre au Périmètre de mise en valeur Yabassi- Bafang. Le reste de la surface à mettre en valeur se trouve à 1 'Est du fleuve Makombé, surface inusitée à cause de l'absence de l'axe routier et d'un pont. Cette première extension ne s'est pas réalisée et il en est de même pour la deuxième, qui doit se faire en direction de la région de Houng, si une route la relie à Bidjen.
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Figure 3 : Projet de mise en valeur de l'opération
Source : Archives SODENKAM
La mise en valeur du périmètre Yabassi-Bafang devait s'effectuer en trois phases:
? L'opération débutera sur une zone expérimentale de 3000 ha où peuvent s'installer 120 familles.
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? Elle s'entendra sur une région de test de 50000 ha correspondant à une surface agricole utile de 25000 ha où peuvent s'implanter 4500 familles.
? Dans un troisième stade, le périmètre de colonisation atteindra 100000 ha correspondant à l'installation de 7000 familles.
Au regard de la situation sur le terrain, 1 ' opération de la colonisation se limite à la deuxième phase et n'est même pas intégralement réalisée. i L en est ainsi pour de nombreux projets qui, depuis les études préliminaires restent à l'état de projet. Parfois ces projets n'aboutissent pas à cause des ambitieux programmes qui doivent selon les autorités administratives, hâter le recul de la forêt.
Selon les promoteurs de l'opération, 500 familles doivent être installées chaque année et on doit atteindre le chiffre de 4500 familles au bout du compte. Or ce chiffre n'a jamais été atteint, en dépit du nombre croissant des immigrants. En 1985, on dénombre seulement 1678 familles Installées dans 17 villages au lieu de 24 prévus. l
Le domaine effectif à mettre en valeur devait être de 24300 ha répartis de la façon suivante:
? 9300 ha pour le café
? 9300 ha pour le cacao
? 700 ha consacrés aux poivres
? 500 ha destinés aux avocatiers
? 4500 ha réservés à l'élevage et aux vivriers
Cependant en 1980, 2500 ha seulement sont aménagés sur les 5863 ha prévus pour le café, soit 42,6% des prévisions. D'après une enquête personnelle, la caféiculture domine sur la cacao culture et pour cette dernière, les prévisions se situent en deçà de 30%. Le tableau d'évolution de la superficie des plants de cacao et de café atteste bien cet échec de la mise en valeur.
Un autre point sombre dans l'évaluation de cette colonisation agricole réside dans le fait que les promesses faites aux immigrants avant leur installation, n'ont été que des mirages. Dans les campagnes de sensibilisation à travers les médias, il est promis aux pionniers une aide désintéressée en finance, matérielle agricole et végétale. Or la SODENKAM étant le seul client de la zone, ces dons non remboursables au départ sont défalqués progressivement sur les revenus de café et de cacao de chaque pionnier. Ceci n'a pas moins déçu certains paysans, qui ont préféré déserter au bout de 3 ans. Il faut aujourd'hui ajouter à cette déception, les tracasseries administratives.
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Les pionniers de L'opération ont des devoirs à assumer vis-à-vis de la société qui exerce un monopole de gestion dans la région. Ces devoirs sont plus que des obligations; ce sont des contraintes, car les pionniers n'ont aucun choix.
C'est ainsi qu'il n'est pas facile pour un paysan d'accéder au crédit foncier ou au crédit FONADER. Pire encore, l'exploitation agricole ne peut être cédée à une tierce personne, sans que l'on ne se voit pénalise lourdement.{déchéance du titre de pionnier).
L'obtention du titre foncier est l'objet d'une tracasserie bureaucratique sans fin; le paysan est amené de Nkondjock à Yabassi, puis à Nkongsamba afin de faire avancer le dossier. Dans ces conditions, plusieurs pionniers préfèrent abandonner. La conséquence est qu'aujourd'hui on compte moins d'une dizaine de paysans ayant le titre foncier et ceci a des répercussions sur l'aménagement de la région comme nous allons le constater.
Au regard de ce bilan quelque peu flatteur, c'est à juste titre que ESSECK qualifie cette période de reprise humaine, suivie d'une relance économique.
Photo : 2 du 15-03-91
Photo 2: N'jingang : une évolution du bâti très retardée
. Au premier plan sur la photo, une maison en parpaings abandonnée, faute de garantie sur la
propriété terrienne ; c'est la conséquence d'un cahier de charges très exigeant pour le
pionnier.
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Au moment où de mise en valeur Yabassi- Bafang prend racine, le gouvernement se désintéresse davantage de ce projet qu'il a initié en 1966. En 1988, c'est-à-dire 22 ans après le lancement de l'Opération, une analyse du parcours effectuée jusque-là, peut paraître hâtive pour une colonisation agricole jeune. Cependant la région connaît de profondes mutations socio-économiques qu'il est difficile d'éluder dans notre étude; car nous ne saurons envisager
le devenir d'une région sans faire une rétrospective sur son passé. En effet, la région de Nkondjock bénéficie de nombreux atouts que nous pouvons considérer comme un héritage, qui est à la fois physique et humain. L'arrivée massive des immigrants et grâce à leur dynamisme, le paysage de la région est entièrement transformé. C'est ainsi qu'on a vu des villages pionniers se créer avec une nouvelle organisation de l'espace rural. Ceci a accéléré la mise en valeur de la région et quand on évalue le chemin parcouru, le bilan est nettement positif, même si quelques points obscurs subsistent.
Telle est la situation de l'Opération Yabassi-Bafang après 22 ans passés sous la direction de la SODENKAM. Cette analyse de l'état des lieux à la veille de la dissolution de la société est très utile pour mieux comprendre toute l'évolution de la région sans encadrement étatique. Au regard de l'action menée par la SODENKAM, cette dernière est considérée comme le pilier et le bouclier de la région. Dès lors, une question s'impose à l'esprit: qu'adviendra-t-il aux paysanneries de la région au moment où le tuteur n'est plus?
DEUXIÈME PARTIE :
AU LENDEMAIN DE LA DISSOLUTION DE LA SODENKAM
31
L'année 1988 est mémorable pour les paysanneries de l'opération Yabassi - Bafang. En effet, cette date marque un tournant dans l'histoire de la région, car elle voit la disparition de la SODENKAM. Ceci est l'aboutissement d'un processus amorcé 2 ans plutôt avec le déclin de ladite société.
La SODENKAM, société paraétatique, n'a pas pu se restructurer à temps, en assurant son autofinancement depuis 18 ans qu'elle est créée. La réduction du train de vie de l'État, à partir de 1986, conjoncture économique oblige, a eu de sérieuses répercussions dans les sociétés publiques et para-administratives. Celles-ci, si elles ne sont totalement privatisées, sont purement et simplement dissoutes. Pour ce qui est de la SODENKAM sa dissolution illustre bien le drame que traversent ces sociétés.
Cependant cette dissolution ne s'est pas faite sans douleur, ce d'autant plus qu'en 1991, quand nous menions notre étude, les conséquences immédiates pour toute la région sont nettement perceptibles, ainsi que les premières attitudes paysannes. Aujourd'hui, les difficultés de la région longtemps occultées, par les projets ambitieux, sont mises en relief.
LE DÉCLIN ET LA MORT DE LA SODENKAM
32
La dissolution de la SODENKAM, ne s'est pas faite d'un coup, car un malaise interne a régné au sein de la société, traduisant une lente agonie qui a duré 2 ans environ, avant qu'un décret présidentiel ne lui donne le coup de grâce.
Ces difficultés sont de plusieurs ordres:
Dès 1986, la SODENKAM commence à battre de l'aile; conséquence d'un budget en baisse qui chute d'environ 25%. Ceci a amené la société à suspendre certains de ses projets et à limiter les avantages à ceux des agents bénéficiaires.
C'est ainsi que dans l'élaboration du programme d'activité 1987/1988, la prudence est de mise en ce qui concerne le recrutement des manoeuvres temporaires et les dépenses d'investissement ; ceci « en raison d'une insuffisance quasi chronique des moyens financiers mis à notre disposition depuis plus de quatre exercices14 ».
Le capital SODENKAM s'élève à 136 400 000 F CFA. Cependant au cours d'un exercice (1987/1988), les dépenses prévues pour le fonctionnement et l'investissement franchissent le cap de 894600000 F CFA. Et dire qu'un tel exploit se réalise en période d'austérité, on se donne le droit d'imaginer qu'en temps normal, ces dépenses atteignent aisément un milliard de francs CFA et pourquoi pas plus.
L'Etat camerounais qui assure la quasi-totalité du financement delà société, préfère réduire progressivement les finances alloués aux sociétés de développement. En ce qui concerne la SODENKAM, les répercussions sont immédiates au sein de la société.
La SODENKAM, qui est déjà très prudente dans ses programmes d'activités, ne peut pas l'être pour longtemps. La suspension des réalisations doit se poursuivre, ainsi que la cessation des recrutements des employés à tous les niveaux. Car il faut que la société s'adapte
14 Extrait du dernier programme d'activité (1987-88) élaboré par la SODENKAM
33
progressivement à un budget sans cesse décroissant. En dépit de ces timides mesures prises, la société supporte toujours mal l'effectif de ses employés, qu'elle juge pléthorique.
Cette masse salariale exsangue davantage la société, et dans ces conditions, le licenciement des employés reste la seule solution. C'est ainsi qu'en 1986, on procède à là mise en chômage de plus de 150 agents tout rang confondu, réduisant du même coup de près de
1/3 l'effectif des employés de la SODENKAM. Les réalisations entamées, telle la grande plantation vers Bidjen, est largement compromise, faute d'homme. L'achat du cacao aux pionniers devient de plus en plus problématique.
La crise économique qui secoue le Cameroun, n'a pas épargné les sociétés de
développement. Ces sociétés sont pour la
plupart des sociétés parapubliques ou
administratives. Elles
sont depuis longtemps sous perfusion ; l'État devant débloquer
chaque année des milliards de francs à titre de subvention pour
assurer leur survie.
Cependant, en dépit des efforts consentis, ces sociétés ne fournissent pas les résultats escomptés ; la rentabilité et la productivité restent très faibles. L'État camerounais, ayant de plus en plus de la peine à subvenir à ses propres besoins, préfère réduire les subventions accordées à ces sociétés. Malgré tout, ces dernières demeurent un gouffre financier pour l'État. C'est dans ce sens qu'il opte pour une politique de privatisation totale ou de dissolution. Cette faillite financière entraîne dans bon nombre de ces sociétés, des conséquences négatives qui laissent des séquelles sur leur région.
administratives.
Au cours des cinq dernières années, plusieurs sociétés d'État sont vendues aux nationaux ou aux expatriés. Certaines de ces sociétés paraétatiques ne pouvant être vendues, sont purement dissoutes. Parmi les sociétés privatisées au Cameroun, on a: la
SODERIM, la CELLUCAM, l'OCB qui sont les principales.
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Ces dernières sont en nombre réduit par rapport à celles qui sont dissoutes. Au rang de celles-ci, on dénombre la MIDENO, la Mission d'Aménagement et d'Équipement du Littoral, les ZAPI, le CENADEC, la MIDEVIV, la WADA, l'ONPD, la SODEBLE, les projets du Nyong et Mfoumou et de la Haute Sanaga, la SODENKAM et tout récemment l'ONCPB.
Des études pour la dissolution d'autres projets ou d'autres sociétés sont en cours (Projet Hauts Plateaux de l'Ouest); c'est un signe que la liste des sociétés dissoutes s'allonge.
Depuis 1986, les difficultés financières ne cessent de s'accroître et tout récemment encore l'État camerounais a placé en vente la part des actions qu'il détient dans les sociétés installées au port de Douala; à l'instar de la Société Camerounaise d'Accolage et de Manutention.
En même temps, des projets similaires à l'Opération Yabassi-Bafang s'élaborent, tel le projet de mise en valeur de la vallée |du Noun, les projets Nord-Ouest et Sud-est Bénoué, ainsi que le projet d'extension de la SEMRY. Au regard des projets de colonisation qui ont précédés celles suscitées, il est à' se demander si ces projets similaires dans le contexte actuel aboutiront?
La dissolution effective de la SODENKAM, consiste en la fermeture des bureaux, précédés de la mise en chômage du personnel. Pour ceux des agents en détachement, c'est le retour dans leurs Ministères de tutelle (jeunesse et sport, plan et aménagement du territoire, agriculture). La dernière étape est celle de la vente aux enchères des équipements de la société.
Par décret présidentiel N° 89/1817 du 02 Décembre 1988, la SODENKAM est dissoute et une commission de liquidation est immédiatement mise sur pied.
Dès 1'annonce dudit décret, le siège de la SODENKAM est investi par les éléments de la brigade de gendarmerie de Nkondjock, empêchant ainsi les agents des différents services de regagner les bureaux. Cette situation dure jusqu'à l'arrivée des membres de la commission de dissolution. A partir de 1988, les agents de la SODENKAM ne reprendront plus du service.
Certains agents ont regagné leur ministère d'origine, alors que d'autres sont aux chômages. Ainsi les 230 employés ayant échappé à la compression massive du personnel de la société en 1986 sont finalement mis à la porte, 2 ans après.
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La SODENKAM est à la fois débitrice et créancière. L'une des principales tâches de la commission de liquidation est de recouvrir toutes les dettes, afin de rentrer dans ses droits. Ceci se complète par la vente des équipements dont dispose la société. Ces équipements évalués à des milliards de francs CFA, peuvent être reparti en 2 catégories : les biens immobiliers et les biens mobiliers.
L'immobilier est constitué surtout des bâtiments réservés aux bureaux, aux entrepôts, aux maisons d'habitation et autres. La SONEL qui occupe déjà une partie des locaux y demeure. L'usine de décorticage de café est confiée à la coopérative agricole des planteurs du Nkam. Les autres bâtiments trouvent très peu d'acquéreurs, soit à cause de leur coût élevé pour une zone rurale, soit parce que les plans de construction sont peu convenables ou encore qu'ils sont dans des villages enclavés. La sous-préfecture de Nkondjock occupe une partie du siège de la société et le dispensaire sert de cadre aux archives de la SODENKAM. En dépit de cette répartition, bien des bâtiments restent encore inoccupés, tels les stables, les bâtiments r5u Centre d'Appui Technique (CAT).
Le mobilier comprend les voitures, le matériel de bureau et le petit matériel agricole. Les acquéreurs sont très nombreux, étant donné le coût financier accessible à toutes les bourses.
Cliché auteur 06/04/91
Photo 3 : Vue partielle du siège de la SODENKAM à Nkondjock. Au second plan de la photo, les bureaux administratifs sont abandonnés, ainsi que le garage, les ateliers et l'étable. Seuls les piétons empruntent les pistes.
LES CONSÉQUENCES IMMÉDIATES DE LA DISSOLUTION DE LA SODENKAM ET LES PREMIÈRES ATTITUDES
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Après la dissolution de la SODENKAM, les retombées socio-économiques ne tardent pas à se faire ressentir dans toute la région de Nkondjock. Une région qui a vécu plus de 20 ans, sous le contrôle et la gestion exclusive de la société. Les paysans qui jusqu'à lors s'étaient encadrés par cette dernière, sont placés subitement devant le fait accompli. Désormais, ils doivent assurer leur propre destin.
Cette transition est le tournant historique de la région et qui s'avère pas facile à négocier, au regard des attitudes très diverses et même contradictoires des paysans.
Les répercussions de la dissolution de la SODENKAM, sont à la fois générales à la région de Nkondjock et spécifiques à celle de l'Opération Yabassi-Bafang.
La SODENKAM a placé, dans chaque village pionnier, un moniteur agricole, chargé de prodiguer les conseils aux planteurs sur la conduite à tenir dans les champs. D'autres agents venants du siège de la société à Nkondjock sillonnent les villages, soit pour vendre ou distribuer le matériel agricole et acheter les produits des paysans, ou encore pour diffuser les informations diverses.
Avec la dissolution de la société-mère, les voitures gui servaient de moyen de déplacement sont vendues et pour la plupart aux étrangers, les employés étant mis en chômage auparavant. Pour les villages tels Didipé, Madip situés à 4 et 15 km de la route principale et qui ne reçoivent surtout gué les voitures de la SODENKAM, le problème de communication se pose déjà avec acuité, l'isolement va crescendo.
Dès lors, les paysans n'ont aucune assistance étatique. Elles doivent subitement assumer leur propre destin sans préparation psychologique.
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Nous entendons par "front pionnier", la ligne de démarcation dans une zone de colonisation des terres neuves, entre la partie déjà mise en valeur et celle qui ne l'est pas encore.
Dans la zone de l'Opération Yabassi-Bafang, ce front pionnier est menacé et ce depuis 1e déclin de la SODENKAM. La création du dernier village date de 1981 (Didipé) et dès lors de nouvelles terres ne sont plus mises en valeur; la société ayant limité les recrutements, faute de moyens financiers. En dépit de cela, elle supporte difficilement les recrutements spontanés et se contente, non plus d'implanter les immigrants dans de nouveaux espaces, mais installer ceux-ci dans les lots abandonnés. Ceci pour alléger également les dépenses d'encadrement.
Dans ces conditions, le recul de la forêt ne peut pas progresser, ainsi que le projet de mise en valeur de la 2e phase de l'Opération, dont l'entière réalisation reste hypothéquée. Il serait illusoire de croire que la mise en valeur peut s'accentuer avec la dissolution de la SODENKAM. C'est bien le contraire qui est vécu en ce sens que les paysans ne bénéficient plus d'un quelconque encadrement (approvisionnement, conseil et achat). Ils ont dû abandonner les surfaces déjà mises en valeur et régulière-lent exploitées.
Il faut ajouter à ceci la nonchalance de certains paysans au travail, due à l'indécision de ceux-ci face à la nouvelle situation qui prévaut dans la zone; en effet, les paysans hésitent entre partir et rester. Ceci explique sans doute cela.
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Cliché auteur 03/04/91 14h
Photo 3 : Un quartier presque abandonné.
La dissolution de la SODENKAM a entrainé la désertion des pionniers, parfois en masse. Sur cette photo, la brousse prend peu à peu sa place jusqu'aux abords immédiats des plantations abandonnées.
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Figure 4 : Proportion des surfaces mise en valeur
Source : Enquête directe
Cette évolution à rebours du front pionnier trouve également une explication dans le rythme de la désertion qui est de plus en plus croissant. Il nous a été difficile de quantifier les déserteurs, car par moment, ces derniers reviennent faire acte de présence et dans certains villages comme Matoubé, certains déserteurs sont remplacés. Avec cette instabilité des paysans, les plantations ne sont plus bien entretenues, l'herbe puis la forêt recolonisent progressivement 1'espace.
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La situation est inquiétante à plus d'un titre, et une action de force devra être menée le plus tôt pour maintenir, ou faire avancer le front pionnier. Dès lors ces immigrants ne sont plus des pionniers mais des paysans.
La SODENKAM a pendant 18 ans, géré l'Opération seule en maîtresse, assurant l'encadrement des immigrants. En contrepartie, les pionniers doivent lui vendre toute sa production de café et de cacao sur laquelle les dépenses d'encadrement sont défalquées. Le coxage est formellement interdit et dans ce sens, des barrières routières sont érigées à la sortie et à l'entrée de la zone de l'opération; en même temps, aucune société privée n'est autorisée à se déployer dans la région. Pour faire le commerce vivrier que la SODENKAM a pratiqué jusqu'en 1981, il faut se munir d'une autorisation du Directeur Général.
Le rôle joué par la SODENKAM dans l'arrondissement de Nkondjock a longtemps éclipsé celui des autorités administratives; le sous-préfet n'ayant vraiment d'autorité que sur les autochtones. Le chef de poste agricole n'étant qu'un simple figurant.
Or, depuis 1989, la situation a changé; la SODENKAM est dissoute et la libéralisation du commerce des vivriers dans le Cameroun et vers les pays voisins, ouvre largement les frontières de zone de l'Opération à l'influence extérieure. À partir de ce moment, les barrières routières sont supprimées, le coxage refait surface, la commercialisation des vivriers est relancée, ce d'autant plus qu'il semble être un palliatif à la chute des cours du café et du cacao.
Les sociétés privées de commercialisation, pour la plupart en provenance du Haut Nkam et du Moungo voisin et qui sont avides de se déployer dans la zone, en ont l'opportunité. Parmi ces sociétés on a la CACEP, la SCA qui occupent les foyers culturels de Mâle et de N'dock-Samba comme hangar de stockage du café. Le commerce des vivriers est encore le fait des individus isolés.
Les employés de la SODENKAM dans leur majorité ne sont pas des pionniers. Au centre de Nkondjock où ils sont installés, ils se sont procuré des parcelles de terrain sur le territoire autochtone. Sur ces portions de champ, ils y pratiquent généralement des cultures vivrières destinées à 1'autoconsommation.
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Dès la compression du personnel qui a précédé la dissolution de la SODENKAM, on assiste à une reconversion des employés d'une certaine catégorie à d'autres activités dans la région de Nkondjock. Cela touche surtout les employés temporaires et ceux de basse hiérarchie. On peut distinguer 2 groupes de reconvertis en fonction de 1'origine ethnique des employés.
Les employés temporaires originaires du département du Nkam se sont dans leur majorité, reconvertis dans l'agriculture. Ils sont parmi les derniers immigrants installés par la sous-préfecture, dans les villages pionniers. Nous en avons rencontrés 2 à Didipé et dans d'autres villages.
Pour les employés, non originaires du Nkam, ils se reconvertissent dans les activités telles, le petit commerce et le transport. Cette dernière activité est surtout le fait des anciens chauffeurs, qui ont acheté des voitures "pick-up" lors de la liquidation de la société. Aujourd'hui 4 de ces chauffeurs exercent le transport clandestin en direction de Yabassi et de Bafang.
Certains cadres de la SODENKAM qui ont investi dans la région reviennent assurer l'entretien de leur maison et de leurs plantations.
Les paysanneries de l'Opération Yabassi-Bafang sont dans l'imbroglio total, d'après la situation actuelle. Leurs attitudes diverses au lendemain de la dissolution de la SODENKAM, en est l'expression.
Les paysanneries de 1'Opération Yabassi-Bafang ne peuvent rester indifférentes à la mort du tuteur. Ces derniers pris individuellement ont des attitudes variées et ceci en fonction de leurs relations qu'ils ou leurs villages ont entretenues avec la société.
Une enquête sur le terrain nous permet de constater que, les premiers villages créés tel N'jingang n'éprouvent pas tellement de gêne quant à la dissolution de la SODENKAM. Cette attitude trouve son origine dans le fait que ces villages ont longtemps bénéficié de l'encadrement étatique (depuis 1966) et que pendant le déclin de la société, celle-ci leur accordait très peu d'intérêt. Par contre les villages de création récente comme Didipé sont mécontents de la dissolution de la société, mais cela n'a entamé en rien le dynamisme des paysans. En effet, ce village n'est qu'au début de son organisation spatiale, de sa mise en valeur ainsi que de l'encadrement matériel;
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Au niveau des paysans, la satisfaction de certains est perçue d'emblée comme la libération de la tutelle d'un tuteur très exigeant avec une bureaucratie qui abuse d'eux. C'est pourquoi avec] 'amorce de la dissolution de la SODENKAM, c'est déjà la liesse-Cet enthousiasme des débuts peut s'expliquer à partir de certains 1 à 1 T. S ;
? Les promesses faites par la société au moment de recrutement ne sont gué des mirages. ? Les paysans qui sont de gros débiteurs insolvables ne peuvent que s'en réjouir; car jusqu'aujourd'hui, le recouvrement de ces dettes s'avère douteux.
? Certains paysans manifestent soit par contagion émotionnelle, soit avec l'espoir d'une perspective meilleure de 1'après SODENKAM.
Ce zèle précoce des paysans n'a pas duré car très tôt, beaucoup d'entre eux se sont heurtés à la réalité. Ce changement d'attitude se traduit par une amertume croissante au fil du temps, venant ainsi grossir l'effectif des paysans déjà inquiets depuis 1988. Aujourd 'nui, près de 70,05% Je personnes interrogées sont pessimistes, après la dissolution de la SODENKAM.
Tableau 5. Opinion des paysans sur la dissolution de la SODENKAM. La dissolution de la SODENKAM vous a-t-elle arrangé?
Villages Réponses |
N'jingang |
N'dock- Samba |
Didipé |
Malé |
Moyenne |
OUI |
19,4 % |
31,4 % |
4,5 % |
30 % |
21,3 % |
NON |
75 % |
59 % |
78,5 % |
67,5 % |
70, 05 % |
S. O |
5,5 % |
9,2 % |
16,6 % |
2,5 % |
8, 4 % |
TOTAL |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
S.O= Sans Opinion.
Source: enquête directe.
L'amertume de ces paysans est profonde, d'autant plus qu'il ne se profile à l'horizon aucun espoir de ré encadrement étatique ou d'un projet de relance de l'opération. Néanmoins 21,3 % de paysans sont satisfaits de la dissolution de la société et 8, 4% demeurent sans opinion.
Les charges que supportait la SODENKAM, incombent dès à présent aux paysans eux-mêmes et ceci ne se fait pas sans difficulté. Ces charges entraînent de nouveaux besoins. Pour faire face à la nouvelle situation dans l'opération, la nécessité de se réorganiser individuellement ou par groupe s'impose à tous.
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Le départ de la quasi-totalité des employés de la SODENKAM n'a pas moins inquiété les commerçants de la région qui perdent ainsi une clientèle de qualité. Le centre de Nkondjock dans ces conditions perd au fil des jours son ambiance d'antan. La réaction la plus intéressante à la dissolution de la SODENKAM est celle des autochtones. Ils ont des attitudes mitigées à l'instar de celles des immigrants. Mais dans l'ensemble, leur attitude n'est pas très conciliante vis-à-vis des étrangers; ceci risque à l'avenir de soulever de graves problèmes dans la région.
Les populations autochtones de la région de Nkondjock n'ont pas été consultées, lors de l'élaboration du projet de colonisation de leur territoire. C'est ainsi qu'avec la mise en exécution du projet, l'opération Yabassi-Batang les a longtemps marginaliser ; ces derniers vivant à l'écart de la zone pionnière, n'ont jamais bénéficié du bon traitement dont jouissent les immigrants. Très tôt, ils se sont sentis délaissés.
Leur attitude aujourd'hui, remonte à la création de l'Opération Yabassi-Bafang. Les autochtones ont accueilli avec satisfaction la route Yabassi-Bafang et les équipements socio-économiques réalisés par la SODENKAM. Cependant, leur mécontentement se situe au niveau de la perte d'une partie de leur territoire. L'implantation progressive des immigrants a provoqué le déplacement des autochtones vers la route et vers la zone de mise en valeur.
Avec la dissolution de la SODENKAM, beaucoup d'autochtones estiment qu'un terme est mis à l'extension de 1 ' occupation de leur territoire. Leur satisfaction est ainsi justifiée. Mais au-delà, certains d'entre eux prétendent récupérer leur terre ; dès lors ceux les plus rapprochés de la zone de 1 ' opération, l'hésitent pas à occuper les plantations pionnières non encore rais en valeur. Faute de garantie sur la propriété, des pionniers, il est à craindre dans un proche avenir, que l'accentuation de la compétition foncière entre autochtones et immigrants ne dégénère en conflit. Le problème de la cohabitation des deux groupes resurgit et se pose déjà avec acuité,
La relance des petits métiers.
La plupart des pionniers s'est exercée dans les emplois non avant de s'installer dans la zone de l'Opération. D'ailleurs beaucoup d'entre- eux font leur premier pas dans le secteur agricole. Une enquête de terrain nous permet ~de repartir les professions antérieures des pionniers comme suit:
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Tableau 6 . Répartition des emplois antérieurs des pionniers
Profession villages |
N'jingang |
N'dock |
Didipé |
Malé |
Moyenne |
||||
salariés |
a 6 |
b 16,6% |
a 12 |
b 21,8% |
a 26 |
b 39,3% |
a 9 |
b 18% |
23,9% |
Petits métiers |
6 |
16,6% |
12 |
21,%8 |
13 |
19,6% |
10 |
20% |
19 ,5% |
Commerçants |
6 |
16,6% |
5 |
9% |
9 |
13,6% |
4 |
8% |
11,8% |
Agriculteurs |
5 |
13,8% |
8 |
14,5% |
7 |
10,6% |
10 |
20% |
14,7% |
Élèves |
3 |
8,3% |
3 |
5,4% |
1 |
1,5% |
8 |
16% |
7,8% |
Chômeurs |
2 |
5,5% |
2 |
3,6% |
4 |
6% |
1 |
2% |
4,2% |
Autres |
4 |
11,1% |
5 |
9% |
6 |
9% |
4 |
8% |
9,27% |
Gardes civiques |
5 |
13,8% |
8 |
14,5% |
0 |
0% |
4 |
8% |
9,07% |
Total |
36 |
100% |
55 |
100% |
66 |
100% |
50 |
100% |
100% |
Source : enquête directe.
a : effectif brut
b : pourcentage correspondant.
En général, il ressort que 14, 7% des personnes enquêtées ont été des agriculteurs, signe que le savoir-faire des paysans est étendu. Le développement des petits métiers est pour l'essentiel le fait des paysans eux-mêmes. C'est de ces métiers que découlent les activités secondaires qui doivent être élucidées; car leur influence dans l'orientation du devenir de la région est primordiale.
Création d'une coopérative agricole de commercialisation.
Lors de la vente du matériel de la SODENKAM, l'usine de décorticage du café, a été l'un des équipements stratégiques, vu importance dans la région. En effet, cette usine est l'unique dans l'arrondissement de Nkondjock. La posséder peut amener le propriétaire à contrôler une partie considérable de la : production de caf é. C'est, pourquoi, il a fallu que le contrôle de l'usine se tasse à partir de Nkondjock.
Aucun individu pris dans la région ri ' étant capable de s'approprier l'usine, les paysans du département du Nkam ont dû se regrouper en 1990 à Yabassi et ont créé: la Coopérative .Agricole des Planteurs du Nkam (CAPLAN). Compte tenu de l'écrasant effectif des planteurs
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de l'Opération Yabassi-Bafang, 44, 4%15 de l'importance de la production caféière 3/4 par rapport au du département, la coopérative est gérée et contrôlée à [partir de Nkondjock.
Faute de moyens financiers suffisants, pour faciliter l'achat et le décorticage du café, les paysans ont cédé le fonctionnement de l'usine à une société privée de commercialisation de café : la CACEP qui doit verser après chaque campagne 12 millions de F. CFA. Au bout de 3 ans, ceci peut permettre à la coopérative de payer ses créances et d'assurer elle-même le fonctionnement de l'usine.
Cette coopérative doit se battre avec les autres sociétés privées de commercialisation du café, pour gagner la confiance des paysans, et réparer le tort que leur cause la dissolution de la SODENKAM. La tâche s'avère difficile pour la jeune coopérative dans la mesure où la concurrence entre ces sociétés est déjà rude et les dirigeants de la coopérative n'ont pas une grande expérience.
15 Pourcentage obtenu à partir du recensement de 1987.
LES DIFFICULTÉS ACTUELLES DE LA RÉGION
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La zone de 1'Opération Yabassi-Bafang connaît de nombreuses difficultés et de tous ordres. La plupart de celles-ci est inhérente à la création de l'Opération elle-même, d'une part et d'autre part, elle hérite de sa situation dans la région du Nkam. Eu égard à la complexité et à la diversité de ces difficultés, notre analyse se fera à, partir de trois axes :
La région de Nkondjock a connu une évolution ascendante de sa population avec le lancement de l'Opération Yabassi-Bafang. (c£.lere partie chap 3). Cet accroissement s'explique surtout par l'immigration des paysans et la présence d'une société de développement qui a généré da nombreux emplois.
Aujourd'hui, on note une stagnation de la population pionnière précédé d'une baisse de l'effectif des pionniers fixés. Avec le déclin de la SODENKAM, le rythme de l'immigration baisse considérablement, les employés mis en chômage préfèrent partir de la région. C'est ainsi que dans les villages, l'effectif des pionniers passe de 1678 en 1985, à 1565 en 1991, d'après le dernier recensement effectué par la commission de liquidation de, la SODENKAM. Cette désertion progressive des paysans, suscite des inquiétudes pour l'avenir de la région.
Dans les villages crées au début de l'Opération, tels N'jingang et Ndock-Sanba, on note un certain vieillissement ces paysans, car près de 44, 5% d'entre eux ont plus de 50 ans, ce qui pourrait entraîner dans quelques années, un manque de force pour l'entretien ou la mise en valeur des plantations. Au centre de Nkondjock, les employés, laissent sur place, femmes et enfants, espérant revenir les chercher s'ils trouvent mieux ailleurs. Mais cela dure déjà depuis 2 ans au moins. Les enfants en âge scolaire voient ainsi leur scolarité retardée, et pour ceux gui y vont déjà, l'abandon est imminent. Même dans les villages, cette situation n'est pas rare.
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Figure : Évolution des effectifs des pionniers fixes
Source: Ministère de l'agriculture
Très peu de paysans sont prêts à se marier, ou à augmenter le nombre de femmes. Le taux de polygamie est faible (17,8%) et celui des célibataires (24,02%) est en hausse. Les divorces se multiplient et ceci a des incidences directes sur la natalité.
Didipé est le village gui a le plus fort taux de célibataires et en même temps le plus fort taux des instruits. Ceci contraste avec la situation de N'dock-Samba où de paysans sont célibataires avec 30,1% de personnes n'ayant pas été à l'école.Ces difficultés trouvent leur origine dans le contexte économique quelque peu difficile.
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Pour une zone essentiellement agricole, la chute vertigineuse des cours du café et du cacao sur le marché mondial hypothèque largement les ambitions paysannes. Leurs revenus gui abaissé de 70% risquent de s'accentuer. La majorité du paysan s pour principale activité, l'agriculture basée sur la production de café et de cacao essentiellement. 11 leur faut développer des secteurs d'activité jusque-là négligés.
La dissolution de la SODENKAM a plutôt empiré la situation de la région, créant de nouveaux problèmes économiques.
La monnaie se fait de plus en plus rare et circule difficilement; ceci s'explique par le fait que chaque mois la SODENKAM dépense plusieurs millions de francs CFA pour la paie de ses 400 employés et agents. Cette masse monétaire qui entre ainsi dans la zone se réparti de façon indirecte aux paysans," producteurs des produits vivriers qu'on écoule sur le marché local. Le départ massif des salariés, principaux consommateurs de ces produits agricoles, a réduit la demande sur le marché, et les dépenses qu'ils faisaient sur les autres services. Cela limite les échanges internes dans la région.
Le manque d'activité de transport, l'absence de petites et moyennes entreprises (boulangerie par exemple), place la région dans une situation de dépendance totale vis-à-vis de l'extérieur pour son approvisionnement en produits de première nécessité. Les infrastructures de communication sont insuffisantes ; celles qui existent sont détériorées. Avec une économie fortement extravertie, la région de Nkondjock doit trouver des solutions endogènes, par un développement autocentré.
La région de Nkondjock, avec la création de l'Opération Yabassi-Bafang, a conduit à la formation d'une société bicéphale: d'un côté le sous-préfet clé l'arrondissement de Nkondjock et de l'autre le Directeur Général de la SODENKAM. Cependant les paysans n'ont pas la même attitude à l'égard de ceux-ci.
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Cliche auteur 07/04/91 9h
Photo 5 et 6: Abandon des infrastructures socioculturelles.
Ci-dessus le centre de santé (CSD) de la SODENKAM fermé lors de la dissolution alors qu'il ya une insuffisance des équipements sanitaires.
Le loisir souffre également du manque d'infrastructure comme l'atteste le snack bar envahi par les broussailles (ci-dessous)
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Avec le départ du Directeur Général, les villages pionniers sont désormais sous l'autorité du Sous-préfet. Le dossier pionnier lui est confié, et dans ce cadre, i1 est chargé d'installer les nouveaux venus, de régler les différends entre les paysans. C'est cette transition d'une société bicéphale vers un acéphalisme qui marque actuellement ta région.
Ce changement d'autorité au sommet de la hiérarchie se traduit dans les villages par la faible influence des dirigeants. On constate un laisser-aller des paysans qui accordent très peu d'attention aux réunions et aux décisions des chefs (présidents du comité de direction). Les associations culturelles et sportives sont de moins en moins actives, faute d'infrastructures pour stabiliser les jeunes, la région perd progressivement son ambiance populaire. Les équipements existants, sont inopérants, paralysant du même coup, tout le système de loisir de la région.
La population de l'Opération est une mosaïque ethnique (cf . 1 partie, chap. 2) . Les éléments culturels qui en découlent, n'ont aucune identité définie; ni de celles des autochtones, encore moins de celle des Bamiléké qui sont, majoritaires dans la zone. OUI pis l'enclavement de la zone, la maintient à l'écart de la mode populaire dans les villes.
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La colonisation agricole rurale de l'Opération Yabassi-Bafang, motivée par l'Etat a attiré de nombreuses ethnies; les plus éloignées du département du Nkam et même des expatriés. Elles sont venues mettre en valeur la région de Nkondjock contre un encadrement étatique. 22ans après le lancement de l'Opération Yabassi-Bafang, les succès sont encourageants. C'est à ce moment que le gouvernement décide de résilier le contrat passé entre lui et les immigrants, Ces derniers sont abandonnés, sans avis et ne possèdent aucune garantie sur la propriété foncière. Or depuis 3ans que la société d'encadrement est dissoute, aucune solution de rechange n'est encore proposé. En attendant les pionniers s'organisent selon leur propre logique, en dépit des difficultés que traverse la région.
Dans ce contexte, quel sort sera réservé à ces paysans d'origine diverse qui assument des structures sociales imposées et qui n'ont plus aujourd'hui que de lointains rapports avec les structures traditionnelles de départ. De quelle société sera faite 1'Opération Yabassi- Bafang de demain ? C'est 1 'inéluctable question du devenir, d'une zone longtemps assistée qui est ainsi posée.
TROISIÈME PARTIE :
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Au regard des multiples mutations des paysanneries de l'Opération Yabassi-Bafang, le devenir de cette zone est problématique, pour une région grande productrice de café et de cacao et qui a été longtemps assistée par l'État. Cette assise prolongée a placé les paysanneries dans une situation de dépendance totale vis-à-vis de celui-ci. Au moment où les prix des matières premières agricoles chutent, l'État quitte en même temps la région aggravant ainsi les difficultés socio-économique
Compte tenu de l'évolution particulière de chaque village, le devenir global de la région est difficile à envisager, à moins que des solutions soient apportées aux problèmes de fonds. Ainsi, pour chaque village nous allons analyser son avenir est fonction des acquis sur le Terrain, notamment sur lys plans géographiques et démographique. L'influence extérieure qui s'annonce peut à long terme, résoudre certaines difficultés surtout dans les villages qui bénéficient déjà de certaines conditions favorables.
UN AVENIR FONDE SUR LA STRUCTURE INTERNE DE CHAQUE VILLAGE
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L'élément démographique est une composante essentielle dans 1'élaboration de tout projet de développement. Ses incidences sur le milieu sont directes et nécessitent des prévisions à long terme. Les villages de l'Opération Yabassi-Bafang n'ont pas le même poids démographique. Ainsi, l'effectif de la population varie parfois du simple au double; N'jingang compte un habitant, alors que Ndock-samba en compte 689 et Malé, 725. Une population nombreuse est un atout économique, car la région nécessite davantage de bras de travail. Les villages ayant une population élevée sont aussi ceux qui disposent d'un plus grand nombre d'exploitants : M'jingang compte 63 exploitants ou chef d'exploitation contre 107 Malé.
La situation matrimoniale est loin d'être uniforme. Didipé est le village qui a le plus fort taux de célibataires (45,3%). Ceci est la conséquence d'une forte proportion des jeunes ; 28% ont moins de 30 ans qui, même mariés, arrivent d'abord seuls dans la région, ce qui se traduit par un nombre réduit de femmes et d'enfants. Dans les autres villages par contre, plus de 70% des hommes sont mariés. Et pour ce qui est de N'jingang, la tendance est au vieillissement des paysans, car 44,7% ont plus de 60 ans. Malgré le pourcentage élevé des mariés, ce village a très peu d'enfants par rapport à N'dock-samba, gui avec une situation matrimoniale comparable, est plus favorisé et dispose d 'une école primaire à cycle complet et d ' une école maternelle.
L'installation des sociétés privées de commercialisation de café à Male et à N'dock-samba ne relève pas du hasard: l'environnement humain de ces villages en est favorable.
Le niveau d'instruction des paysans présente de grands écarts, mais est très appréciable dans l'ensemble pour une zone rurale. À Didipé 14,1% de paysans ont abordé le second cycle de l'enseignement secondaire et parmi eux, 4,5% ont obtenu le Probatoire et le Baccalauréat.
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Figure.. : Répartition par âge des pionniers
Source : Enquête directe
Compte tenu de cette, situation démographique en déséquilibre dans les villages, leur avenir augure de grandes distorsions. N'dock-Samba a une structure démographique quelque peu favorable, alors que celle de N'jingang pourrait compromettre son avenir.
La région de Nkondjock souffre d'un manque chronique des équipements socio-économiques. Le problème s'est accentué avec la dissolution de la SODENKAM, ce qui a entraîné la fermeture ou la rareté des infrastructures, (cf 2e partie, chap.3). Au niveau des villages pionniers, la situât ion n'est guère enviable. Les équipements collectifs ou individuels, s'ils ne sont pas rares, sont insuffisants ou simplement absents.
Les villages sont équipés à des degrés divers. Pour ceux que nous avons enquêtés, les données obtenues se répartissent comme suit :
Tableau 8: Équipements collectifs
Villages Équipement |
N'jingang |
N'dock-samba |
Didipé |
Malé |
Écoles maternelles |
1 |
1 |
1 |
1 |
École primaire |
0 |
1 |
0 |
0 |
Foyer culturel |
1 |
1 |
1 |
11 |
Terrain de sport |
1 |
1 |
1 |
1 |
Électricité |
0 |
1 |
0 |
0 |
Adduction d'eau |
0 |
0 |
0 |
1 |
Dispensaire |
0 |
1 |
0 |
0 |
55
Source : Enquête personnelle
56
De ce tableau il ressort que N'dock-Samba est le village le mieux équipé, disposant de l'essentiel de l'équipement dont sa population a le plus besoin. En effet ce village dispose d'une école primaire à cycle complet, d ' une école maternelle et d'un dispensaire. Situé à mi-chemin entre Sohock et Nkondjock, N'dock-Samba a la possibilité d'effectuer 2 fois les marchés dans la semaine. Ce qui accroît ses capacités d'échange et de commerce. Un autre vi liage de 1 'Opération de niveau d'équipement comparable est Matoubé. Ces équipements collectifs assurent une relative stabilité des populations même à 3 avenirs, et limitent les déplacements pour les soins et les services élémentaires.
À l'opposé de M'dock -Samba, N'jingang s'illustre par un sous -équipement notoire. Pour un village aussi ancien créé en 1966, la population ne dispose que d'une école primaire, d'un foyer culturel d'un terrain de sport. Si la structure démographique est une des causes de cette situation, la conséquence est que, ce village manque d'ambiance populaire pour stabiliser les jeunes et encourager les investissements.
Didipé qui connaît une situation similaire de sous équipement, bénéficient d'un préjugé favorable. En effet dans ce village récemment, les infrastructures collectives sont entrain d'être mis sur pied, telles 1 'école et le foyer qui sont en construction. D'ailleurs Didipé est présenté comme le village de l'avenir, eu égard à sa population nouvellement installée et jeune (26,4% ont moins de 30 ans).
La plupart des immigrants arrivent dans la zone de 1' Opération, presque démunis de tout équipement, même les plus élémentaires. Avec le temps et grâce aux revenus du café et du cacao au moment où ces produits agricoles se vendaient bien, certains paysans ont amélioré leur condition matérielle.
Cependant, les villages n'ont pas été créés à la même période; ceux récemment créés connaissent un retard par rapport aux anciens. La distorsion des équipements entre les villages trouve son origine dans cette situation et reflète ainsi la santé économique de ses derniers. Ce qui aura certainement des incidences sur l'avenir des villages pris individuellement.
Le tableau ci-dessous illustre le degré d'équipement des paysans dans les villages enquêtes.
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Tableau 8 : Équipement des pionniers par village.
Villages |
N ' jingang |
N'dock-Samba |
Didipé |
Mâle |
Voiture |
52 ,6% |
45,4% |
10% |
40,8% |
Atomiseur |
12,2% |
4,4% |
9% |
13,1% |
Pulvérisateur |
2,6% |
3; ;6% |
% |
2 |
Téléviseur |
30,6% |
4% |
8, 1% |
14% |
Radio |
5, 8% |
43,6% |
3 , 6% |
40% |
Tronçonneuses |
3,6% |
,8% |
1 |
2,6% |
Moto |
47,3% |
36, 8% |
4% |
2% |
Pousse-pousse |
52 ,6% |
45,4% |
10% |
40,8% |
Source: Enquête direct.
La possession de certains équipements marque la hiérarchie entre les paysans et permet de faire une estimation du niveau de vie non seulement du paysan, mais d'un village par rapport aux autres.
Ainsi le "pousse-pousse" ou le "porte tout" et le vélo sont des équipements vulgaires en ce sens que dans les villages enquêtes, le taux de possession est supérieur à 40% sauf à Didipé. Par contre des équipements tels le téléviseur, la voiture peuvent être considérer comme des indices de développement dans la région; le nombre réduit de ces équipements accroît considérablement 1 ' importance dans le milieu social. Les villages N'dock-Sarnba et Mâle possèdent chacun une voiture et respectivement 3 et 5 téléviseurs. Cet instrument utilise l'électricité, qui est généré à N ' dock-Samba par 2 groupes électrogènes et à Ma lé par des branchements sont à partir du centre de Nkondjock.
Les villages N'dock-Samba et Ma lé apparaissent comme les mieux développés par rapport à N ' jingang qui stagne sinon recule. Le sous-équipement de Didipé n'entame en rien l'enthousiasme de certains paysans qui, jeunes et récemment installés n'éprouvent pas beaucoup de nostalgie de la "période SODENKAM".
58
ACTIVITÉS NON-AGRICOLES.
Face à la non rentabilité des cultures d'exportation (cacao et café) au cours des 5 dernières années et la baisse considérable des revenus du paysan, ces derniers développent la production des cultures vivra ères et exercent de plus en plus des activités, en marge des travaux champêtres. Ceci dans le but d'accroître ou de maintenir le niveau de vie.
Le développement du secteur agricole dans la zone de l'opération porte surtout les cultures de rente. C'est sur l'initiative spontanée des paysans que les cultures vivrières connaissent une extension.
Très tôt, la région aura un excédent alimentaire, en banane-plantain, macabo, taro, fruits etc. Compte tenu du nombre insuffisant de consommateurs sur place, des problèmes de transport, de commercialisation hors de la zone et les tracasseries administratives. La production vivrière a été jusque-là l'apanage des femmes.
Avec la fin du monopole de la gestion de la SODENKAM sur la région et la libération du commerce de vivres au Cameroun, il y a un engouement accru pour la production vivrière qui s'écoule facilement sur les marchés voisins. Ainsi l'appel des villes pour leur ravitaillement et la demande pressante des marchés de Bafang et de Yabassi contribuent à améliorer les prix des denrées alimentaires. Ceci est à l'origine de la motivation paysanne pour 1 ' extension des cultures vivrières.
Les femmes, qui étalent jusque-là principales productrices des produits vivriers, ont vu leur pouvoir d'achat s'accroître leur garantissant en même temps une certaine indépendance financière vis-à-vis des hommes, Ces derniers ne peuvent plus se contenter de leurs revenus en café et cacao déjà faibles, et "qui ne cessent de chuter. La production vivrière cesse ainsi 'être le domaine réservé d'une classe social, pour devenir la ^occupation de tout le ménage.
59
Figure 4: Répartition des activités secondaires
Source : enquête directe
60
Une enquête de terrain nous a permis de constater que plus de 60% des paysans interrogés consacreront une partie importante des surfaces non encore mises en valeur aux cultures vivrières. Le rythme avec lequel cette culture est pratiquée, elle sert de palliatif au manque à gagner du café et du cacao et pourrait ainsi permettre à la zone de l'Opération, dans un futur proche, d'être l'un des greniers de la province du Littoral et même du Cameroun.
Les paysans de l'Opération Yabassi -Bafang ont un savoir-faire étendu. Dans des conditions économiques viables cela peut leur procurer un revenu non négligeable et compenser ainsi le déficit agricole. Ainsi les paysans pratiquent pendant le temps libre les activités telles: le commerce, l'artisanat et autres (maçonnerie, menuiserie, chasse, etc...).
L'artisanat occupe la première place dans les activités secondaires des paysans. Cependant il y a une distorsion entre les villages pour une même activité; ainsi Mâle proche de Nkondjock est le premier village commercial avec 20,4% de commerçants. La proximité de ce village du centre administratif est la principale raison, car les échanges sont intenses. Ceci permet à ses habitants d'exercer d'autres activités à Nkondjock (gardiennage et planton de bureau), ignorées dans d'autres villages. Le village Didipé par contre s'illustre par l'artisanat qui occupe 20,5% des personnes enquêtées; cela s'explique par le fait que la matière première (bois, lianes, etc...) sont faciles à obtenir; la chasse et la pêche sont les principales autres activités, qui représentent 7,3% du total.
D'une façon générale, 33,5% de paysans enquêtes exercent des activités en marge de l'agriculture. Dans le contexte actuel de la région, ce pourcentage peut croître.
LES FACTEURS EXTERNES DU DEVENIR DES VILLAGES
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Le nouveau contexte socio-économique des paysanneries de l'Opération Yabassi-Bafang a favorisé l'influence extérieure, à partir de certains éléments, notamment la route.
Les villages de 1 ' Opération Yabassi-Bafang sont inégalement situés le long de 1 ' unique axe routier qui traverse la zone. Ils sont également à des distances variables par rapport au centre de Nkondjock.
Pour les villages traversés par la route et, situés au Nord de la région, entre Nkondjock et Bafang, les avantages de cette position sont certains. Le problème de transport ne se pose presque pas, car les voyages en provenance ou à destination de Bafang sont réguliers. Par cette occasion, 1 'écoulement des vivres est rapide et facilite en même temps 1 ' approvisionnement en d'autres biens de consommation courante 3ans ces villages où se développent progressivement les marchés de rue. Certains de ces villages sont devenus les points de ravitaillements pour les autres ; Parmi les villages bénéficiant de cette situation on peut citer N ' dock- Samba qui connaît une intense activité commerciale, avec la présence des marchants ambulants. De nouveaux servi ces sont créés tels un atelier de réparation de roues et un garage pour motocyclettes. Ce village sert également de point de ravitaillement des villages comme Dékoulé, situé à 4 km de la route, et ceux du Nord Makombé.
62
Par contre les villages situés au Sud de Nkondjock vers Yabassi ne connaissent pas l''intense activité de ceux du Nord. L'ambiance populaire est ponctuelle, à cause d'un mouvement de population très restreint. L1 influence extérieure est limitée en dépit des possibilités de transport offertes. Les voyages en provenance ou à destination Yabassi se font à des jours fixes. L'avenir de ces villages ne peut être envisagé avec beaucoup d'optimismes. Parmi ces villages, Matoubé, fait exception, grâce à son rapprochement du centre de Nkondjock.
Pour les villages à l'écart de la route principale tels Madip, Miné, les contacts avec l'extérieur sont très difficiles car ils doivent transiter par d'autres villages pour s'approvisionner en biens ou pour d'autres services. Les routes aménagées à cet effet par la SODENKAM pour les relier à l'axe principal, se réduisent aujourd'hui à des pistes, 1 'herbe couvrant partiellement la route. Dans ces conditions, il en à craindre dans 1'avenir un enclavement quasi total de ces villages qui sont peu intéressants pour les sociétés privées de commercialisation.
La distance par rapport au centre administratif est principalement un facteur d'inégalité entre les villages. La diffusion des informations est- fonction de cette distance. Ainsi le village Mâle situé à 2 km de Nkondjock et qui bénéficie déjà de l'électrification, est mieux informé sur les décisions reçues et prises à Nkondjock. Les habitants de ce village ont des facilités administratives, scolaires et sanitaires. À l'antipode de Mâle, on a le village Mandia situé à plus de 20 km de Nkondjock sur la route de Va bas s i avec tout ce que cela comporte de conséquences : manque d'information, transport difficile. L'impact des communications routières sur le devenir de ces villages est indéniable et tout projet de développement doit s'appuyer sur une bonne infrastructure routière et sur des équipements de transports viables.
Outre la route, la zone de 1'Opération possède quelques équipements de transport, bien qu'ils soient insuffisants. Leur utilité est variable et se traduit par un certain flux de déplacements dans le temps et dans l'espace.
Pour les déplacements hors de 1a zone, le moyen de locomotion couramment utilisé est la voiture. L'unique route n'étant pas praticable toute l'année, le flux de véhicule baisse pendant la grande saison de pluie. (Mi-juin, mi-septembre). La section de la route Nkondjock-Bafang étant la plus fréquentée par les voitures. Le secteur du transport est presque contrôlé l'extérieur, les rares paysans ayant des voitures ne les utilisent pas dans ce sens. Compte tenu de l'état des routes, ceux-ci préfèrent les déplacements à motocyclette.
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Cet engouement pour les engins à 2 roues peut s'expliquer par leur coût d'acquisition et d'entretien relativement faible par rapport aux voitures. Ainsi dans la zone 2 paysans sur 5 possèdent une motocyclette, ce qui leur permet non seulement de se déplacer hors de la zone pendant la mauvaise saison, mais aussi de sillonner les autres villages de la région, faute de taxi. Un autre moyen de locomotion sur de faibles distances se fait à vélo, mais très peu répandu. La zone de 1'Opération et partant de la région de Nkondjock est sous-équipée en infrastructures de transport, ce qui constitue delà une entrave au développement,
Les sociétés privées qui s ' installent dans la zone de l'opération ont pour vocation, la commercialisation du cacao et du café . Ces sociétés, pour la plupart en provenance du Moungo et du Haut-Nkam voisin, ont Longtemps sollicité s'installer dans la zone. Actuellement l'occasion leur est offerte avec la dissolution de la SODENKAM et depuis leur impact sur l'économie de la région est significatif.
Ainsi ces sociétés privées, qui sont des acheteurs des produits agricoles, épargnent les paysans du long stockage que connaissent ceux du Moungo. Parmi ces sociétés, on -a la société SITAGRI, la Société de Commercialisation Agricole (S C A). La Coopérative Agricole de Commercialisation et d'Exportation des Produits (C A C E P) et les autres.
Leur installation dans les villages Ndock-Samba et Mâle a permis l'amélioration des équipements collectifs dans ces villages, notamment leurs foyers culturels qu'ils utilisent comme hangars de stockage du café, contre certains frais. Ceci a généré en même temps la création de nouveaux emplois ; en effet ces sociétés privées ont besoin d'une main d'oeuvre sur place, pour des services de propagande, de transport et de gardiennage.
L'affluence de ces sociétés crée un climat de concurrence pour l'achat des produits, ce qui peut être avantageux pour les paysans qui sont de plus en plus sollicités.
Cependant il est à craindre à l'avenir que la zone de 1' Opération ne se morcelle spontanément en aires d'influence; chaque société créant dans les villages où ils sont installés et dans les environs, sa propre zone de commerce. Pour le moment, ces sociétés n'ont que des hangars de stockage, nous espérons que des usines de décorticage de café verront bientôt le jour dans la région.
CHAPITRE III :
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Nos multiples rencontres avec les paysans, nous ont permis de faire une classification des villages, à partir des résultats des enquêtes et des faits observés sur le terrain. Ces villages, qui sont inégalement répartis sur le chemin de développement, ont un devenir contrasté, corollaire des diverses situations dont ils vivent.
La typologie de développement des villages est fonction de "j éléments principaux ; la localisation géographique du village et les facteurs démographiques.
Dans les chapitres précédents (1e partie) nous avons évoqué des avantages et les inconvénients d'une telle situation, Ainsi, on a distingué les villages situés le long de la route Bafang- Yabassi. Le centre de Nkondjock se situe à mi-chemin entre 2 villes et divise les villages en 2 deux sous-
> Les villages situés au Nord de la zone de l'Opération c'est-à-dire entre Nkondjock et Bafang.
> Les villages situés au Sud, entre Nkondjock et Yabassi. Ces derniers ne bénéficient pas des mêmes avantages que ceux du N'ord sur plusieurs points.
Le deuxième groupe des villages dans cette localisation par rapport à la voie de communication, est constitué de ceux situés à l'écart de la route principale. Ces villages sont en retard sur les autres. Dès lors leur avenir ne peut être envisagé avec optimisme.
D'après la localisation par rapport au centre administratif, on a des villages à la périphérie de Nkondjock qui sont nettement favorisés sur le plan de la diffusion des informations et des facilités administratives, par rapport à ceux qui en sont éloignés parfois à plusieurs dizaines de kilomètres.
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Cliché auteur 14/03/91 13h
Photo 6-7: Un embranchement routier entre Ndock-samba et Mabombé.
Miné et Madip sont 2 villages situés à 4 et 9 km de la route principale. Leur enclavement est prononcé à l'instar de la piste qui y même de droite à gauche sur la photo parfois à plusieurs dizaines de kilomètres. Ci-dessous un village traversé par la route principale : Matoubé situé au sud de Nkondjock.
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La localisation spatiale des villages est insuffisante pour être considérée comme seule élément de classification ; la quantité et la qualité des hommes qui habitent ces villages, est un facteur non négligeable pour un possible redressement de la situation actuelle ou le cas échéant.
Les villages n'ont pas la même structure démographique ; l'effectif varie parfois du simple ou double. Ce qui se traduit sur le plan spatial par une double mise en valeur des champs et des surfaces habitées. Les contrastes d1âges s'accentuent avec une tendance au vieillissement dans les premiers villages crées, ce qui pose à court terme le problème de la force du travail. La distorsion entre les sexes est plus marquée dans les vi 11 actes jeunes , de créât ion récente, où compte tenu de l' âge des exploitants (< 30 ans), beaucoup d'entre eux sont encore célibataires; le faible effectif des enfants dans certains villages est parfois la conséquence de cette situation mais peut aussi s'expliquer par le fait que dans les villages éloignés de Nkondjock, les enfants de 1'enseignement1 nt secondaire sont obligés de migrer au centre administratif ou dans les "311 âges limitrophes où ils accroissent l' effectif de leurs camarades.
Le dynamisme des Habitants peut se mesurer à partir de leurs productions agricoles et des réalisations en infrastructures à usage collectif. A ce niveau on note une disparité de niveau vie entre les villages pionniers de la région.
A partir de la combinaison de ces facteurs géographiques-t démographiques, on peut faire une typologie de développement les villages.
Nous pouvons classer les villages de L'opération Yabassi-Bafang en deux principaux groupes : d'un côté les villages ayant à la fois une bonne structure dermographique et une position géographique favorable, Ce qui leur permet de mieux aborder l'avenir.
67
Cliché auteur 05/04/91 9H
Photo 9 : Vue partielle d'un quartier de
Mâle.
Un village situé à 2 du centre de
Nkondjock. Les avantages de cette proximité ont
indéniables
notamment avec l'évolution du bâti où
les maisons plus spacieuses ou en parpaings ne sont
pas, rares, ainsi
gué J'électrification, comme le présente la photo.
De l'autre côté les villages gui ont un avenir hypothéqué ou en voie de l'être.
Rentrent dans ce groupe, les villages de N'dock-Samba Mâle et Matoubé. Ils ont des bases économiques solides tant sur le plan physique que sur le plan humain. Pour mieux comprendre la situation de ces villages, nous reprendrons les principaux éléments caractéristiques de ceux-ci.
N'dock-Samba, est situé au nord de Nkondjock, sur la route qui mène à Bafang. Une société privée de commercialisation de café s'y est installée, de nouveaux emplois sont ainsi créés, et il est parmi les villages les plus peuplés de la zone avec 107 concessions. Leur dynamisme est remarquable avec la construction du plus grand foyer culturel de tous les villages. C ' est 1 e point clé mire des autres.
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Le village Mâle est à 2 km à l'ouest de Nkondjock. Cette situation permet aux habitants d'exercer beaucoup d'autres activités. La population est mieux informée sur les décisions reçues ou prises au centre administratif. Elle a plus de facilités de service, notamment sur le plan sanitaire avec la proximité de 1'hôpital et dans le domaine scolaire, ce qui permet aux enfants de se rendre dans les deux établissements secondaires de 1'arrondissement : ce village reçoit les enfants des villages éloignés du C.E.S, ce qui augmente sa population.13 paysans ont un branchement SONEL depuis Nkondjock.
Quant à Matoubé, les atouts géographiques et humains sont similaires à ceux des 2 précédents. Leur avenir peut être envisagé avec un optimisme certain.
Ces villages sont ceux qui suscitent plus d'inquiétude, quant à leur avenir. Leur situation géographique, et leur structure démographique contrastent avec celles du groupe précédent. Le prototype de ces villages est N'jingang. Situé à 21 km de Nkondjock, c'est I' un des villages à structure démographique compromettante ; avec une population totale numériquement faible (318 personnes) et un taux élevé de vieux de plus de 50 ans (44,7%). Chaque année, les enfants à la fin du cycle primaire doivent émigrer vers Nkondjock ou ses environs, afin de poursuivre leurs études.
La conséquence cette situation est que le village perd régulièrement sa population jeune, le dynamisme des paysans est insignifiant, ce qui se traduit par une absence chronique des infrastructures de loisir et une rareté des équipements collectifs viables. Ce groupe de villages voit leur situation socio-économique se détériorer au fil des années au point que l'écart entre celui-ci et le précédent groupe est incontestable et se confirme davantage.
Didipé ne rentre dans l'un ni dans l'autre groupe. Cette variance dans la typologie vient du fait que, ce village créé récemment n'a pas encore fini d1asseoir ses bases socio-économiques pouvant nous permettre de mieux 1'évaluer. Le village est sous-équipé certes, mais nous osons croire que l'avenir peut être envisagé avec optimisme, en ce sens que depuis la dissolution de la SODENKAM, 1'essentiel des immigrants est installé dans ce village (soit 14% de paysans interrogés), par la sous-préfecture. Ces derniers, qui n'ont subi aucune influence étatique, n'éprouvent pas de nostalgie, quant à la période faste qu'a connue la région.
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Cette typologie présente des villages aux antipodes sur le chemin du développement. C'est la conséquence des clivages socio-économiques accentués et des disparités géographiques aiguës. Dès lors, le devenir global des villages est difficile à envisager, chaque groupe suscité présentant des situations spécifiques. Néanmoins, on peut se permettre de faire une perspective générale de la région à partir d'un certain nombre de faits.
Tableau 9 : Perspectives de désertion par village. Avez-vous pensé partir de Nkondjock?
Villages Réponses |
N'jingang |
N'dock-Samba |
Didipé |
Mâle |
Pourcentage moyen |
NON |
25% |
35% |
26,8% |
34% |
30,6% |
OUI |
50% |
58% |
67,1% |
56% |
57,9% |
TOTA |
22% |
5,6% |
5,9% |
8,6% |
10,5 |
s.o* |
100% |
100% |
100% |
100% |
100% |
*S.O= Sans Opinion. Source : Enquête directe.
La dissolution de l'organisme d'encadrement des paysans, ne va pas entraîner la fin de l'Opération Yabassi-Bafang. La zone connaît des désertions certes, mais l'implantation des immigrants dans les lots abandonnés se poursuit, notamment à Didipé.
Pour de nombreuses personnes installées dans la zone depuis au moins deux décennies, et aujourd'hui épuisées par les travaux des champs, déserter la zone leur paraît plus que problématique. Ainsi notre enquête révèle que 57% de paysans interrogés, estiment encore demeurer dans la région. C'est un indice qui prouve s'il en est besoin, que ^'Opération prend racine et est maintenue. Ce taux est largement au-dessus de 50% dans les villages enquêtes et atteint même 67,1% à Didipé.
En dépit de cet enracinement, plus de 1/3 de paysans préfèrent la désertion. En attendant, ils sont encore dans la zone et peuvent être joints aux 10,5% de paysans qui n'ont aucune opinion sur la question, mais dans 1'espoir que la situation va s'améliorer et ils demeurent sur place.
L'Opération Yabassi-Bafang a déjà pris racine et va continuer d'exister. Dans quelles conditions vont vivre les paysans abandonnés à eux-mêmes, alors que la région connaît une insuffisance croissante des infrastructures diverses.
70
Figure 9 : Évolution des pionniers installés à Didipé
Source : Enquête directe
QUELQUES SOLUTIONS AUX PROBLÈMES DE DÉVELOPPEMENT DE LA RÉGION
71
Le problème de développement de la zone de l'Opération est une question qui se pose, et ce depuis 1 ' origine du projet. Une colonisation agricole réalisée de toutes pièces, dans un milieu où l'empreinte de l'homme a été presque insignifiante, requiert d'énormes moyens matériels et humains. Compte tenu de 1 ' étendu de la zone, 1 ' enclavement demeure le principal problème.
Au cours de ces 3 dernières années, avec la dissolution de l'organisme d'encadrement, les paysans doivent faire face à leur nouvelle situation dans la zone de 1 ' Opération Yabassi-Bafang. De nouveaux problèmes se sont greffés aux premiers et quelques solutions à ceux-ci passent par la diversification des activités et 1 ' auto- encadrement paysan.
Les paysanneries de 1 ' Opération Yabassi-Bafang ont vécu pendant 22 ans environ, sous la tutelle d'une société para-étatique qui leur procurait 1' assistance nécessaire: matérielle et morale. Ceci a motivé les paysans dans la mise en valeur et dans le même temps, lésa maintenus dans une situation de dépendance vis-à-vis de la société -mère. Ce faisant, toute la région était à l'abri de certains problèmes agricoles que connaissent les autres régions du pays. Les paysans se sont bien leurrés, ignorant les étapes de la commercialisation du café par exemple, et les difficultés d'approvisionnement en matériel agricole, produits chimiques et autres.
La société-mère est dissoute et par conséquent l'assistance est supprimée brutalement. C'est dans ce sens que se pose le problème de l'auto-gestion de la zone. Les paysans, jusque là assistés, doivent assurer leur propre destin. Ceci n'est pas toujours facile pour un début et c'est ce qui explique les multiples hésitations qu'on observe parmi ces derniers.
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Le problème majeur dans l'auto- encadrement paysan demeure celui de l'approvisionnement en produits phytosanitaires en équipements agricoles et de la commercialisation du cacao et du café. Les paysans doivent trouver eux-mêmes leurs clients et leurs fournisseurs; si les clients sont de plus en plus nombreux, avec l'arrivée de plusieurs sociétés de commercialisation des produits agricoles et des hommes d'affaires, à 1'inverse , les fournisseurs se font rares.
Ceci s'explique par le fait que beaucoup de ces sociétés privées nouvellement arrivées dans la zone, ne sont pas encore bien implantée; très peu d'entre elles possèdent des hangars de stockage de café, encore moins des usines de traitement. Ces 17 dernières, si elles se réalisent, le problème d'engrais serait résolu à court terme, ainsi que beaucoup d'autres problèmes liés à la production et à la commercialisation.
La libération du commerce des produits vivriers au Cameroun et la fin de la tutelle de la société-mère dans la zone de l'Opération, offrent de nombreuses possibilités aux paysans pour établir les bases d'un auto-encadrement définitif. La coopérative agricole devra créer des mouvements coopératifs de petite échelle en fonction de la taille de chaque village. Ce qui responsabilisera davantage les paysans au sein de leur coopérative et facilitera la collecte et 1'achat des produits agricoles.
L'Opération Yabassi-Bafang est jusqu'ici une colonisation des terres neuves à caractère exclusivement agricole. L'agriculture, ici est prise dans son assertion la plus étroite, c'est-à-dire, la culture des plantes par l'homme. Ceci rentre dans les objectifs des initiateurs du projets qui est de faire de la région de Nkondjock, une grande zone de production de café et de cacao.
73
Figure 6: Proportion des principales cultures de la région
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Les immigrants d'horizons divers ont pour principales tâches, le travail de la terre, en dépit de leurs emplois antérieurs. Les cultures pratiquées par les paysans sont d'inégales importances selon les villages, (cf. 2e partie, chap 2 et 3) .
Ainsi, les paysans passent la majeure partie du temps dans leurs plantations. Et comme les travaux champêtres requièrent beaucoup de force physique et de courage, les après-midi sont consacrés au repos. Ceux des paysans qui ont un savoir-faire dans un secteur autre que 1'agriculture, se livrent à l'artisanat, au commerce et d'autres activités.
Ces activités secondaires, étaient considérées jusque-là par les paysans comme un passe-temps. C'est pourquoi on les pratiquait toujours au moment du repos et ceci s'explique par le fait gué les revenus tirés de la plantation couvraient les besoins essentiels du paysan.
Or, aujourd'hui, la plantation ne génère plus les mêmes revenus. Pour cause, les cours des matières premières agricoles chutent sur les marchés, 1'entretien des plantations devient de plus en plus onéreux, ce qui n'est pas de nature à motiver les paysans. Corollaire de cette conjoncture, ces derniers maintiennent ou réduisent progressivement les surfaces consacrées à la cacao-culture et à la caféiculture. Cette négligence des cultures de rente doit se faire au profit des autres cultures plus rémunératrices et les activités secondaires doivent être pratiquées à plein temps. C'est pourquoi nous proposons.
Ce dilemme traverse également les paysanneries de l'Opération Yabassi-Bafang, auquel s'est ajoutée la dissolution de la SODENKAM. Ces dernières, pour sortir de l'impasse, n'ont pas tardé à réagir. Elles ont compris tôt qu'il fallait adapter leurs activités au contexte qui prévaut suivant leur propre logique: la logique paysanne.
Certains paysans n'hésitent pas à donner la priorité aux cultures vivrières qui étaient jusque-là réservées aux femmes. Sous l'impulsion des hommes, on constate aujourd'hui que les surfaces consacrées à ces cultures sont en nette augmentation; c'est ainsi gué plus de 70% de paysans estiment que les portions du champ non encore mises en valeur, seront consacrées aux cultures vivrières. Ce pourcentage est encore plus élevé dans les villages comme Matoubé, Ndock-Samba qui sont plus sollicités par les marchés que les autres. Grâce à leur position sur la route principale, ceci leur permet d'écouler plus facilement leurs productions vivrières.
75
Cette nouvelle donne dans le domaine agricole est appréciable, en ce sens que les cultures vivrières ont une croissance rapide (1 à 3 ans aux maximums) par rapport au cacao, café (4 à 5 ans}. La production est facilement commercialisée et génère des revenus immédiats et permanents. Cependant ce virage dans l'agriculture doit être négocié avec beaucoup de prudence, bien qu'il porte des fruits. La caféiculture et la cacao culture ne doivent pas être abandonnées. C'est pourquoi, les paysans plus soucieux d'équité doivent diversifier les cultures; les surfaces consacrées aux cacaoyers et aux caféiers sont maintenues, mais celles réservées aux cultures vivrières sont en croissance, espérant ainsi compenser les déficits de l'une des productions par l'autre.
En marge des travaux agricoles, les paysans doivent pratiquer des activités dites secondaires, telles le commerce, l'artisanat et autres petits métiers. En diversifiant ces activités, le paysan multiplie ainsi ses possibilités de maintenir ou d'accroître son revenu. Cependant cette initiative n'est pas encore largement suivie par les paysans, car certains ont opté pour la solution extrême (abandon total des cultures de rente) qui ne s'avère être efficace qu'à court terme. C'est dans ce sillage du paysan que les décideurs et les planificateurs doivent orienter la politique agricole; en élaborant des solutions aux problèmes du monde rurale en fonction de la logique paysanne.
Les initiateurs du projet Opération Yabassi-Bafang, bien que conscients de la faible densité humaine de la région, n'avaient pas eu le consentement de la population autochtone. Aujourd'hui dans les zones limitrophes, la résurgence d'un conflit foncier les opposant aux immigrants n'est pas à écarter, c'est derniers n'ayant eu aucune garantie sur la propriété terrienne. L'un des objectifs de l'Opération a été de faire de la zone une grande productrice du café, du cacao et du poivre; d'énormes moyens ont été déployés sans consultation des acteurs directs de la production. La conséquence est qu'il n'a pas fallu attendre plus de cinq ans, après la dissolution de la société chargée du suivi, de cette politique, pour que les paysans se détournent de ce système de production, qui jusqu'alors n'a été qu'une suite de solutions à court terme.
De nos jours, leur initiative ne souffre d'aucune ambiguïté, en dépit des hésitations. Augmenter la production d'une, culture dont le coût de production connaît une croissan.ee exponentielle, alors qu'en même temps le prix d'achat a chuté, de moitié, relèverait d'une gageure. Les paysans, face à cette situation, ont opté pour les cultures de substitution. Ces derniers qui connaissent mieux leur milieu, les éléments de solutions aux problèmes du monde rural ne se trouvent-ils pas de leur côté?
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Longue de 150 Jon, la seule route qui traverse la zone de l'Opération s'avère insuffisante pour désenclaver une région couvrant environ 50 km2. Cette route qui a un rôle plus stratégique (2) qu'économique, n'a connu aucun entretien.
Nkondjock, situé à mi-chemin entre Yabassi et Bafang, est plus ouvert sur une ville que sur l'autre. Ceci à cause de la proximité d'un axe bitumé (Route Nationale N°5) à Bafang, qui demeure la meilleure porte d'entrée et de sortie de la zone. C'est une route saisonnière ; ceci n'est pas de nature à encourager le transport. Le secteur de la route Nkondjock-Yabassi est sous-employé, car les voitures traversent la région à des jours fixes de la semaine. La SODENKAM a réalisé 44 km de routes dans les villages et des pistes pour les relier à l'axe routier principal. Faute d'entretien, ces pistes sont abandonnées, accentuant ainsi, 1'enclavement de certains villages.
Le désenclavement de la région de Nkondjock doit être envisagé de 2 façons : 1'amélioration de la route actuelle et 1'extension du réseau routier.
Dans le projet de 1'Opération, il est prévu que seule une route bitumée traversant la zone de colonisation peut assurer le développement de la région. Or, jusqu'ici cette route reste à l'état de projet. Un axe bitumé reliant Yabassi à Bafang doit être une seconde route entre Douala et les hauts plateaux de 1'Ouest et facilitera à coup sûr le transport dans la région.
L'extension du réseau routier de zone serait préférable, car cela aboutira à une communication rapide entre les différents villages. Dans ce sens, un pont sur la Makombé à 1'Est relierait la région à Bangangté et faciliterait les communications en direction de 1'Ouest et du Centre. A 1'Ouest de Nkondjock, un autre pont sur le Nkam ouvrirait la région sur le Moungo, et permettrait la mise en valeur d'une partie de 1 ' arrondissement à la rive droite du fleuve. L'amélioration et 1'extension du réseau routier mettrait ainsi fin à la situation endémique d'enclavement de la région de Nkondjock.
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Figure 7 : Schéma du devenir de la zone de l'opération
Source : Enquête directe
Les mutations en milieu rurale au Cameroun sont plus que jamais une question d'actualité. Les différentes politiques agricoles ayant échoué comme les sociétés de développement qui les ont mises en place. Il s'avère difficile aujourd'hui de faire admettre aux paysans des solutions visant à la production des cultures de rapport. Ces cultures qui ont longtemps fourni 1 ' essentiel du revenu paysan, sont remises en cause, hypothéquant par là-même, le devenir des paysanneries.
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Cette situation est accentuée dans la zone de 1 ' opération, où 1'assistance étatique est supprimée. Les paysans pour sortir de l'impasse dans laquelle ils sont plongés et ce, depuis la dissolution de la SODENKAM, cherchent des solutions de rechange à travers les cultures de substitution, comme palliatif au manque à gagner du café et du cacao.
L'avenir des paysanneries ne se joue pas seulement sur la base des mutations en cours, mais aussi sur les acquis géographique et démographique de chaque village. L'Opération Yabassi-Bafang se poursuit et les paysans pour améliorer leur situation, devront trouver des solutions pratiques à 1'auto-encadrement et à la diversification de leurs activités. L'une des contributions des décideurs serait de désenclaver la région.
La dissolution de la SODENKAM qui est surtout à l'origine de ces mutations, est également sujette à controverse.
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L'Opération Yabassi-Bafang en 22 ans d'existence a connu des succès, malgré quelques points sombres. En 1988, les pionniers jusque-là encadrés par la SODENKAM, voient la disparition de celle-ci. Ce qui marque en même temps, la fin brusque de l'assistance étatique. Les pionniers n'étant plus sous aucune tutelle, cherchent de nouvelles voies pour assurer eux-mêmes leur propre survie.
Cette période charnière dans l'évolution de la région, est engendrée par la dissolution de la SODENKAM. Son rôle et ses effets sur la région sont indéniables, hier comme aujourd'hui. Société d'encadrement, elle a longtemps supporté de nombreuses charges, épargnant les paysans de certaines tâches agricoles les plus élémentaires, nonobstant la restriction aux initiatives paysannes. Ceci a progressivement amené les pionniers dans une situation de dépendance vis-à-vis de la société. Si certaines personnes estiment que la dissolution de la SODENKAM a été une bonne solution, à cause de l'échec de la politique qu'elle a menée, d'autres par contre, s'appuyant sur les premiers succès de l'Opération pensent plutôt le contraire.
Toutefois, la majorité des paysans acceptent mal que la dissolution de la SODENKAM soit définitive ; car bien que dissoute, elle est encore présente dans beaucoup d'esprits. Actuellement, les paysans oeuvrent dans tous les sens pour combler le vide laissé par la SODENKAM. Y parviendront-ils? Nous pouvons répondre par l'affirmative dans la mesure où les mutations évoluent dans le bon sens. D'autres mutations qu'on observe dans la région sont liées à la chute des cours des matières premières agricoles, café et cacao, principales productions de base de la zone.
Pour bien d'observateurs, compte tenu des imbrications profondes entre la SODENKAM et l'Opération Yabassi-Bafang, la dissolution de l'un entraînera inéluctablement la disparition de 1'autre. Au terme de nos recherches, cette hypothèse est infirmée, car nous constatons que la SODENKAM et l'Opération Yabassi-Bafang sont 2 entités complémentaires mais bien distinctes. Ce n'est que dans ce contexte que l'on peut mieux comprendre pourquoi la dissolution de la société n'entraînera pas la fin de l'Opération, Elle a des incidences directes sur l'évolution de l'Opération certes, mais elle n'entravera pas sa survie.
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Contrairement à ce qui a été posé au départ, cette opération bien que perturbée se poursuit tout de même. Le Sous-préfet de Nkondjock, chargé du dossier des pionniers, a installé au cours de ces 3 dernières années, 22,3% de paysans interrogés dont 17 pionniers à Didipé, 3 à Mâle, 1 à N'dock-Samba et N ' jingang.
L'avenir de la zone ne peut être envisagé globalement, eu égard aux diverses situations géographiques et démographiques que vivent les villages. Notre analyse confirme cette hypothèse de départ. A partir de là,-nous pouvons faire certaines recommandation, pour les recherches futures sur la région.
Au bout de nos recherches, on peut déduire que, la nouvelle situation engendrée par la dissolution de 1'ONPD à Yabassi et de la SODENKAM à Nkondjock génère des problèmes nouveaux, qui se greffent sur les premiers. Ainsi les recherches effectuées jusqu'alors sur la zone de l'Opération et par extension sur la région de Nkondjock et du Nkam, ont abouti aux résultats selon lesquels le principal problème de la zone demeure celui des infrastructures de communication. Ceci a été valable jusqu'à une certaine période (autour de 1987). Aujourd'hui, nous franchissons un pas de plus dans la recherche et les propositions de solution des problèmes de la région ; car, outre le problème de l'enclavement, la région doit gérer des contradictions internes et surmonter des difficultés endogènes telles 1'auto-encadrement, la réorientation et/ou la diversification des activités paysannes. Dans ce si 1-1 âge, les recherches futures à partir de la conjoncture actuelle devront trouver d'autres problèmes et proposer des solutions concrètes.
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ANNEXES
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QUESTIONNAIRE
Village Date
-Nom
-Lieu de naissance
-Nombre de femmes
-Scolarisées
-Nombre d'enfants non scolarisés
II.
Situation antérieure à Nkondjock
-Résidence antérieure
-Dernier classe fréquentée .
-Diplôme obtenu .
-Êtes-vous arrivez à Nkondjock de vous-même
-Par la SODENKAM
-Votre métier à Nkondjock
-Avez- vous
bénéficié des primes de la SODENKAM ? Oui Non
-Quelles ont été les causes de votre départ ?
Troubles ethniques Conflit familial Manque de terre Chômage
Aventure
Autres
-Année d'arrivée dans l'opération
-Quelle ont été les premières difficultés rencontrées ici ?
Maladie Isolement
Manque d'argent
Autres
-Combien d'hectares avez-vous reçu ?
-Avez-vous mis en
valeur toutes vos surfaces ? Oui Non
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-Quelles cultures pratiquez-vous par ordre d'importance ?
Cacao
Café
Vivrière
Autres
- Quelles cultures avez-vous découvert ici ?
- La façon de cultiver d'organiser les champs en parcelle distinctes, vous a-t-elle
convenu ? Oui Non
- Pourquoi ?
- Avez-vous un titre foncier ?
- Depuis quand ?
- Pourquoi ?
- Avez-vous achetez le terrain aux autochtones ?
- Si oui combien d'hectares ?
- L'exploitation est-elle régulière ?
- Vos revenus annuels du café au cours des 3 derniers années
-1989 .
-1990
-1991 .
-Faites vouz le coxage ? Oui Non La vente ou l'achat
-Quelle autre activité exercé vous ? -Commerce
-Artisanat -Transport
-autre .
-Comptez vous poursuivre cette activité ou l'abandonnée ?
Pourquoi ?
Depuis quand avez-vous le :
-Pousse-pousse
-Vélo
86
-Radio .
-Pulvériseur
-Tronçonneuse
-atomiseur
Quelle est votre source d'énergie
?
-Pile
-Batterie
-Groupe électrogène
-Autres
-Fonctionnent-ils encore ? Oui Non Pourquoi ?
-Faute d'énergie
-Panne chère
-Tracasseries policières
-Autres
Avez-vous à vendre ou à acheter un de ces équipements ?
VI- Perspectives
-La dissolution de la SODENKAM vous a-t-elle arrang ? Oui Non
-Pourquoi ?
-Pensez vous que Nkondjock est en train de
régresser ?
-Comment ?
-Avez-vous pensez un jour partir de Nkondjck ? Oui Non
-Que
faut -il à Nkondjock pour son développement
?
Routes
Équipements collectifs
Autres .
- Comment voyez-vous l'avenir de l'opération Yabassi-Bafang ?