INTRODUCTION GENERALE
1
« Difficile d'imaginer la conduite
d'un bateau sans boussole ni sextant I Et pourtant, la « navigation
à vue » est encore chose courante dans le secteur
associatif...D'où l'intérêt de mettre en place un tableau
de bord pour garder le bon cap.1 »
Laurent SIMO
2
Les sections d'un travail de recherche sont
précédés d'un protocole .Le protocole est en fait un
projet qui s'amorce par le choix du sujet et définit les orientations
principales de l'étude. Il s'ouvre dans notre cadre par les motivations
qui ont guidé le choix de ce sujet (I) et la précision de sa
problématique (II) à travers la mise en exergue de son objet
(III) , des objectifs (IV), des questions qu'ils soulèvent (V) et
l'arrêt sur les hypothèses de travail retenues (VI). Nous avons
pris le soin, au niveau du protocole également, de circonscrire le champ
de l'étude (VII) et tracer les frontières de nos observations
(VIII). Pour éviter d'engager un travail infructueux,
l'intérêt de l'étude est révélé (IX)
avant de traiter de l'approche méthodologique (X). Cependant, avant
d'indiquer notre plan de rédaction (XIII) nous avons jugé
opportun de ressortir la méthode d'analyse des données (XI) tout
en relevant les difficultés que nous ont posées les
investigations (XII).
I- CONTEXTE ET MOTIVATIONS :
Les associations ont des origines très lointaines.
Dès l'antiquité, les Grecs et les Romains formaient
déjà des associations. A cette époque, l'association
était avant tout considérée comme un engagement humain.
Mais cet engagement constituait également l'un des premiers actes
citoyens car il privilégiait la vie en groupe et la défense des
intérêts communs. Ce souci de regroupement s'observe
également en Égypte à l'époque de la construction
des pyramides où l'on relève la présence des associations
de secours mutuel voisines des associations actuelles. De même, la vie
économique du moyen âge a largement reposé sur des formes
d'organisation à caractère associatif avec ses confréries,
ses monastères, ses corporations et ses communes primitives.
Toutefois, les associations qui sont un moyen de
défense des intérêts communs, un foyer d'innovation, un
lieu privilégié d'échange et de convivialité, se
sont heurtées dans le passé à l'hostilité des
pouvoirs qui voient en elles une dangereuse aspiration à la
liberté.1 Les autorités religieuses, politiques,
culturelles, s'évertuent par conséquent à les
réprimer ou à les récupérer pour restreindre leurs
moyens d'action. Il fallut attendre 19012 pour que, grâce
à une loi très libérale, les associations soient enfin
reconnues. Aujourd'hui, elles tiennent une place tellement
privilégiée dans la société qu'on a pu parler d'un
"boom associatif".3
La philosophie du communautarisme a acquis la primauté
sur l'individu, dans la tradition africaine, au fil du temps. A cet effet, le
philosophe Kenyan John S. MBITI
1 Jean defrasne acteurs de la science histoire :
Histoire des associations françaises ; Septembre 2004.
2 C'est en 1901 que le parlement français va
publier la loi sur le contrat des associations.
3Jean Defrasne acteurs de la science histoire :
Histoire des associations françaises ; Septembre 2004.
3
modifiant la formule de Descartes, explique la nature
communautaire de l'homme africain en ce sens : « Je suis parce que
nous sommes ; puisque nous sommes, je suis ».4 L'individu
est donc inséparable du groupe, c'est-à-dire du corps social dans
son ensemble.
Le regroupement associatif est une pratique propre au
continent, et donc très répandue en Afrique Centrale. Pour
preuve, ASSENMAKER, ARNOLDUSSEN ET ROMAINVILLE appellent
l'association un savoir-faire africain 5 qui est mis en
place pour résoudre des problèmes et encourager l'entraide entre
amis, entre voisins ou entre collègues. Ce phénomène
révèle la capacité des communautés unies à
développer leurs composantes, leurs localités, voire leurs
capital social. La pratique est si répandue que de nos jours les
individus préfèrent militer au sein de plus d'une association
à la fois.6 Une variété de types d'associations
existe d'un bien être. En effet, la pauvreté ambiante et les
difficultés quotidienne sont éveillé
l'ingéniosité des populations en quête d'un bien
être. Des initiatives diverses ont ainsi vu le jour pour aboutir à
l'impérieuse nécessité de développement.
D'ailleurs, la crise de l'Etat providence a favorisé chez les
communautés humaines l'élaboration des stratégies propres,
dans une logique endogène de riposte à la
précarité. Cette nouvelle solution sert de contournement aux
chemins buissonniers de l'Etat qui, très souvent,
relègue au second rang les attentes des citoyens en matière
sociale. C'est cette dynamique interne que l'on observe dans le commerce
informel, dans les tontines, les associations de quartiers ou les groupes
d'initiatives communes (GIC).Toutefois, les pouvoirs publics continuent de
jouer un rôle de tutorat et d'appui à ces corporations citoyennes.
Ils reconnaissent leur existence, leur fournissent l'encadrement adéquat
et leur accordent les concours financiers et matériels divers. L'Etat
avoue ainsi implicitement que les initiatives de développement
impulsées par les associations renforcent son action lorsqu'elles ne
remplacent pas purement celle-ci dans certains secteurs. Il raffermit donc ce
socle de solidarité, rejoignant du coup de PIERRE WALDECK
ROUSSEAU pour qui : « L'homme ne peut rien faire en bien ou
en mal qu'en s'associant ».
C'est en 1990, dans ce contexte camerounais, que la vie
publique et politique va se libéraliser avec l'avènement des lois
sur la liberté de manifestation, le droit de grève, de
réunion, la liberté syndicale et à la liberté
d'association. Dès lors, les mouvements associatifs, les mutuelles, avec
disposent d'un cadre légal d'expression, de concertation, de
mobilisation et de prise en charge interne des besoins qui sont les leurs. Ces
lois viennent s'emboiter à
4Ikuenob, Polycarp: Philisophical
Perspectives on Communalism and Morality in African Traditions. P. 4.
5 Assenmaker, Arnoldussen et Romainville. Guide des
Associations d'Afrique Centrale. p1.
6 Ibid. P.5
4
l'arsenal juridique international. En effet, l'article 20 de la
Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme martèle que : « Toute personne a
droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques.
Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association
».7
Ce texte des Nations Unies en date du 10 décembre 1948,
pose les jalons de la liberté d'association. Les autorités
camerounaises, à travers les diverses constitutions que notre pays a
connu, notamment celle de janvier 1996, n'ont pas tardé à
reconnaitre cette liberté fondamentale. On peut d'ailleurs lire dans le
préambule de cette dernière que :
La liberté de communication, la liberté
d'expression, la liberté de presse, la liberté de réunion,
la liberté d'association, la liberté syndicale et le droit de
grève sont garantis dans les conditions fixées par la
loi.
L'alinéa 2 de l'article 1er de la loi de
1990 portant sur la liberté d'association au Cameroun définit la
liberté d'association comme « la faculté reconnue de
créer une association, d'y adhérer ou de ne pas y adhérer.
Si l'on s'en tient aux écrits du Programme National de Gouvernance
(PNG), on compte près de 55 000 associations au Cameroun8. Ce
chiffre impressionnant nous pousse à porter un jugement sur le
fonctionnement de ces regroupements. Pour s'y prendre, nous allons nous
intéresser au cas particulier de la MUFOPRA. Ce choix tient d'une part
au faite que cette mutuelle ambitionne de consolider l'esprit de
solidarité dans un espace particulier qui est le milieu professionnel et
d'autre part que les voix se lèvent à l'interne pour fustiger son
mode opératoire actuel ; constat que nous avons fait à la suite
de notre stage deux ans durant en 2013 et 2014. C'est pourquoi le sujet qui
nous sert de fil d'Ariane pour cette étude est intitulé :
« Contraintes internes et fonctionnement des mouvements
associatifs : l'expérience de la MUFOPRA ».
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