La résistance au marketing dans le secteur agro-alimentaire.( Télécharger le fichier original )par Aliénor Miroudot INSEEC Lyon - Master 2 Marketing, Communication et Stratégies commerciales 2016 |
ConclusionNous remarquons depuis quelques années que les consommateurs font de plus en plus acte de résistance pour s'opposer à des représentations qui ne leur semble pas être à leur goût. Que ce soit de manière individuelle ou collective, les consommateurs s'opposent de manière plus ou moins audible pour essayer d'affaiblir ou de faire changer la cible visée. On assiste à l'émergence de profils de consom'action. Les consommateurs intègrent dans leur plaisir, la nécessité d'agir pour l'intérêt public, dans le but de faire évoluer, dans le bon sens, la consommation. Dans le secteur de l'agro-alimentaire, nous avons d'abord vu émerger le mouvement du Slow Food, qui tout simplement s'oppose avec le fast-food ou le modèle « d'hyper-alimentation » d'une consommation dans l'abondance et dans l'excès. Ce mouvement et plus récemment l'apparition du mouvement du locavorisme ont des conséquences considérables sur nos habitudes de consommation alimentaire, et interrogent sur le rôle de chaque acteur sur les marchés. Le consommateur local ou locavore résiste aux modèles du marché agro-alimentaire en choisissant des solutions alternatives qui suscitent la revalorisation d'anciens circuits ou l'apparition de nouveaux acteurs. Il favorise des produits respectueux de l'environnement, de l'économie locale, bons pour la santé, et qui permettent de se reconnecter avec la nature et notre patrimoine alimentaire. En agissant comme tel, le consommateur local cherche à s'opposer aux techniques douteuses des firmes. Derrière cette idée, ils ne veulent pas simplement s'opposer, ils veulent participer à l'évolution de notre société. Le consommateur est donc à l'origine d'un nouveau cycle, dans lequel il est nécessaire que le marketing réagisse, car il est de plus en plus critiqué et à tordtmalheureusement. Le consommateur citoyen est plus réfléchi, plus informé, plus autonome et il intègre d'autres dimensions sociétales. Il apparaît comme une force pour toutes les parties-prenantes du fait qu'il détient le pouvoir d'achat et que c'est lui qui va définir la pérennité des acteurs sur le marché, si tout le monde agissait. À présent, le rôle des firmes et du marketing est d'utiliser à bon escient la force de ce consommateur sur le terrain pour développer une relation favorable à chaque partie. Le marketing doit retrouver sa position initiale, c'est-à-dire traduire les besoins du consommateur pour lui apporter une offre satisfaisante, plutôt que de valoriser toujours la logique marchande. Le marketing doit apporter des informations pertinentes au consommateur, l'impliquer dans la stratégie d'entreprise et utiliser l'émergence de cette nouvelle consommation pour le rééduquer de manière constructive pour tous et effacer cette image noircie du marketing et des firmes, qui apportent tout de même des solutions au consommateur dans pas mal de situations. Il serait plus judicieux de faire cela dans une démarche où les consommateurs se rendent compte de la bienveillance des marques. Les firmes doivent à présent se positionner comme un maillon, comme le producteur ou le consommateur, d'une chaîne qui construit des projets durables et dans laquelle l'intervention de tous est nécessaire à l'équilibre de tout et chacun. 57 Bien que l'argent « soit le nerf de la guerre » depuis des décennies, l'environnement le prouve, il aura toujours raison de nous et de nos pratiques. Il faut sortir de cette logique marchande qui est en permanence au coeur des stratégies en permanence et que l'économie soit perçue de façon tout aussi égal que les dimensions sociétales. Néanmoins, en France, d'une manière générale, les prises de conscience et/ou mouvement de changement sont dus en partie à l'intervention de l'État, ou à la pression médiatique d'une sur-couverture d'un sujet. En effet, par exemple, pour calmer le recourt massif à l'apposition de signes de qualité tels que « Source d'Oméga 3 », « Plus de fibres », etc sur les packaging pour influencer les consommateurs, l'État a donc été obligé d'intervenir. Depuis quelques temps, il existe une loi qui règle l'utilisation des allégations nutritionnelles pour cadrer ce recours. Bien que les firmes s'en servaient à tout bout de champ et pas toujours de manière très honnête, que cela se répercutait sur la santé des consommateurs; les firmes ont attendu la réforme législative pour se contraindre aux règles. Tandis que si d'elles mêmes elles avaient fait la démarche, elles auraient totalement séduit les consommateurs et valorisé une relation de confiance. Avec cet exemple, on aperçoit que la consommation locale est introduite à présent dans les textes législatifs avec la réforme sur l'intégration de cette offre dans la restauration collective, tombée en Janvier 2016. Est-ce que les firmes et le marketing vont attendre que les obligations tombent ou est-ce qu'ils ne peuvent pas se positionner comme précurseurs et manifester leurs engagements pour revaloriser leur image ? Que ce soit à propos de la consommation locale ou d'autres profils de consommation, les consommateurs sont rattachés aux firmes et au marketing, et à part en choisissant de vivre reclus et exclus, ils sont rattachés à ces entités. Il serait intéressant qu'il y ait un travail en collectivité pour le bien de chacun. Cette étude montre bien que le locavore est à la fois un acteur résistant, mais il est source de création de valeur pour toutes les parties-prenantes, et en se fondant sur la théorie de dépendance des ressources, il prouve que bien qu'il essaie, le consommateur peut difficilement s'émanciper des firmes. De ce fait, on peut conclure que le mouvement de résistance est en train de chambouler doucement, mais sûrement les modèles. Il peut à long terme les modifier durablement. Il serait intéressant de rechercher de manière plus approfondie comment cela fonctionnerait si chaque partie-prenante avait une place prépondérante dans nos marchés alimentaires ? Comment les entreprises, les producteurs et les consommateurs peuvent se réapproprier les marchés alimentaires en les concevant dans des valeurs justes pour chacun ? Ces recherches futures pourraient permettre au marketing de comprendre le rôle qu'il a à jouer, tout en le rassurant sur sa position vis-à-vis des consommateurs. Pour ces derniers, ils ont besoin d'être remis en confiance, et d'être traités non pas par rapport à leur pouvoir d'achat, mais avant tout par rapport à leur identité de consommateur-citoyen. 58 Références bibliographiques - Roux D. (2012) Pourquoi parler de résistance ?, Décision Marketing N°68 Octobre-Décembre, 5-10 - Roux D. (2014) La résistance du client, du consommateur et de l'usager, Encyclopédie de la stratégie, 1029-1046 - Roux D. (2007) La résistance du consommateur : Proposition d'un cadre d'analyse, Recherches et application en Marketing Vol N°22, 59-80 - Le Roux A. (2012), Une analyse descriptive de la diversité et de la fréquence des comportements du consommateur, in M. Thebault, T. Stenger, Poitiers, 1-8 - Remy E. (2007) De « que choisir » ? À « casseurs de pub » : Entre récupération marketing et nouvelles figures consuméristes, Décisions marketing N°46, 37-49 - Fernandez K., Britain A., Bennett S. 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