I.5.2. La sélectivité de l'Aide
Selon le rapport Assessing Aid, l'hypothèse de
sélectivité de l'aide est justifiée par deux arguments
majeurs : l'aide est fongible et elle est sans effet sur la politique
économique. Le concept de fongibilité de l'aide fait
référence à la possibilité, pour le gouvernement
receveur, de réduire ses propres dépenses dans le secteur
ciblé par l'aide pour transférer ses fonds à d'autres
secteurs. Elle a donc pour conséquence un relâchement de la
contrainte budgétaire du pays receveur et l'aide s'ajoute simplement aux
ressources totales de l'Etat. Elle empêche ainsi les bailleurs de fonds
de cibler l'aide comme ils l'entendent.
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L'analyse économétrique menée par
FEYZIOGLU, SWAROOP et Zhu34 aborde la question suivant trois
dimensions. Tout d'abord, les auteurs tentent de déterminer si l'aide
augmente les dépenses du gouvernement ou permet au contraire au pays de
réduire les taxes ou le déficit public. Sur un échantillon
de 38 pays, les résultats de l'étude montrent qu'un dollar d'aide
n'augmente les dépenses du gouvernement que de 33%, suggérant un
degré élevé de fongibilité. Ensuite, les auteurs
examinent si l'aide finance les dépenses d'investissement ou de
consommation. Des estimations sur l'échantillon restreint de 14 pays en
développement mettent en évidence que seul 29% d'un dollar d'aide
sont dirigés vers des dépenses d'investissement, le reste allant
à la consommation du gouvernement. Enfin, FEYZIOGLU et al analysent si
l'aide finance effectivement le secteur ciblé par le pays donneur. Sur
leur échantillon de 14 pays, il semble que l'aide aux secteurs des
transports et des communications ne soit pas fongible, tandis que le
résultat opposé apparaît pour l'éducation,
l'agriculture et l'énergie.
Cette étude a toutefois fait l'objet de nombreuses
critiques le pouvoir explicatif de leur modèle
économétrique est très faible et le caractère
significatif des coefficients est discutable. De plus, les analyses
transversales de la fongibilité ne laissent pas transparaître les
fortes différences existant au sein des pays en développement.
Par ailleurs, Pack et Pack35 soulignent l'importance des
caractéristiques des systèmes budgétaires de chaque pays
en montrant que l'aide est fongible dans le cas de la République
dominicaine, mais pas dans celui de l'Indonésie.
Cependant les fondements des modèles de réponses
fiscales ont été étudiés par MCGILLIVRAY et
MORRISSEY36. Ces modèles examinent les mécanismes par
lesquels l'aide peut engendrer des comportements du gouvernement qui sapent
l'effet même de l'aide sur la croissance. Ils ont donné lieu
à des applications économétriques qui suggèrent en
général une certaine
34 FEYZIOGLU T., V. SWAROOP et M. Zhu (1998),
«A Panel Data Analysis of the Fungibility of Foreign Aid»,
World Bank Economic Review 12(1)
35 MCGILLIVRAY M. et O. MORRISSEY (2000),
«Aid Fungibility in Assessing Aid: Red Herring or True Concern?
», Journal of International Development 12.
36 MCGILLIVRAY M. et O. MORRISSEY, Idem.
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proportion de fongibilité dans les flux d'aide, mais
dont l'ampleur varie. Par exemple, les estimations de FRANCO-RODRIGUEZ,
MORRISSEY et MCGILLIVRAY37 mettent en évidence dans le cas du
Pakistan, sur la période 1965-1995, que la moitié de l'aide a un
impact sur la consommation du gouvernement et qu'elle a eu un effet faible mais
positif sur l'investissement public et un impact négatif sur l'effort de
taxation.
Enfin, de nombreuses critiques soulignent que la
fongibilité ne constitue pas un problème. Selon HJERTHOLM,
LAURSEN et WHITE38, si le pays receveur possède une plus
grande connaissance de la façon à maximiser l'impact de l'aide,
la fongibilité est susceptible d'être en fait un facteur positif
pour la croissance sous l'hypothèse que le pays receveur poursuit des
objectifs de croissance et de développement efficace. Ainsi, la question
de l'influence positive ou négative de la fongibilité
dépend des caractéristiques propres de chaque pays et des
interactions entre les objectifs des pays donneurs et receveurs.
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