I.2. Evolution de la notion d'Aide Publique au
Développement
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, l'aide
s'efforce d'élever le niveau de vie et de réduire la
pauvreté dans les pays en développement. Mais l'idée qu'on
se faisait des différentes formes de contribution de l'aide pour la
réalisation de ces objectifs a varié considérablement.
Au cours des années 1950 et 1970, l'accès au
capital était considéré primordial pour l'investissement
et la croissance dans les pays pauvres. On ne considérait que
l'insuffisance de l'épargne, et la capacité d'importation de
biens d'équipement comme étant des principaux obstacles à
l'investissement. Il fallait donc réunir des capitaux internationaux
publics de préférence à des conditions hautement
favorables c'est-à-dire une aide extérieure. L'aide était
censée stimuler l'investissement et résoudre le problème
de développement. Ainsi, les besoins en
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matière d'aide étaient estimés à
partir d'un taux de croissance ciblé, d'un coefficient marginal de
capital et des fonds dégagés de l'épargne nationale et
l'investissement international. Le manque de devises était
considéré comme une autre contrainte, de sorte que les besoins en
aide étaient aussi calculés au moyen des écarts de balance
des paiements. Ce type d'aide était appelé une aide-projet visant
à appuyer les plans d'investissement du pays bénéficiaire.
Dans la plupart des cas, le gouvernement du pays bénéficiaire
établissait un plan d'investissement puis, sur la base de ce plan, une
liste de projets, parmi lesquels les donateurs choisissaient ce qu'ils
souhaitaient financer. Il s'agissait de la plupart des cas de projets
clé en main ; l'aide finançait ainsi l'importance de biens
d'équipement et une assistance technique et administrative, qui
étaient complétées par la création d'emploi et une
production locale financée par les états destinataires. Donc
l'aide-projet consistait essentiellement à soutenir le financement des
projets.
Cependant, l'idée qu'on se faisait de l'aide a
changé de façon marquante au cours des années 80. Suite
à la flambée du prix du pétrole des années 70, un
nouveau consensus apparu, traduit dans les programmes d'ajustement structurel
inspirés par le FMI et la Banque Mondiale. Ce consensus faisait preuve
de l'inefficacité de l'aide par l'application de politiques
économiques erronée des pays bénéficiaires.
L'aide-projet est alors abandonnée au profit d'une stratégie,
visant à inciter les pays à mettre en oeuvre des réformes
économiques, appelée aide- programme. Dés lors, l'aide a
cessé d'être considérée comme un moyen de transferts
des ressources pour financer l'investissement mais plutôt elle est
devenue un moyen d'imposer des réformes. C'est ce qu'on a appelé
la conditionnalité c'est-à-dire l'obtention de l'aide a
été subordonnée à l'adoption de politiques
jugées appropriées. Ainsi, la conditionnalité visait
essentiellement à faire adopter les mesures de stabilisation de
libéralisation et de réglementation de l'économie des pays
bénéficiaires. C'est ainsi, qu'en Afrique l'aide est devenue une
incitation et une source de financement pour l'ajustement des taux de change,
l'abaissement des déficits budgétaires, la réforme des
politiques monétaires, la libéralisation du commerce, la
réduction des contrôles et des subventions des prix
26 HELLEINER P. (1975), «A Model of Public
Fiscal Behaviour in Developing Countries: Aid, Investment, and taxation»,
American Economic Review, 65-3.
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et la résorption du rôle de l'Etat dans
l'économie. Cette nouvelle stratégie d'aide au
développement a suscité l'apparition d'une «
communauté des donateurs », en tant qu'entité ayant une voix
dominante dans le débat sur les politiques nationales des pays
bénéficiaires. Elle a permis donc aux donateurs d'exercer
collectivement une grande part sur les politiques des pays en
développement qui n'étaient plus face à une multitude de
partenaires, mais à un front uni de donateurs.
Au cours des années 1990, la notion de
développement a connu un autre virage. Des spécialistes du
développement ont commencé à se demander pourquoi
l'investissement et la croissance demeuraient faibles dans les pays en
développement, malgré l'appui de l'aide extérieure et
après même des réformes économiques. La
réponse qu'elles ont pu apporter à cette question tenait à
la qualité de la gouvernance. En effet, lorsque les institutions
publiques sont faibles, incomplètes ou corrompues, lorsque la gestion
publique manque de transparence et de prévisibilité, les
meilleures réformes et quelque soit le volume d'aide resteront
impuissantes à opérer une croissance quelconque. Dés lors
les donateurs se sont mis à repenser en profondeur de leur politique
d'aide au développement. Cette réflexion est inachevée,
mais il y a quand même espoir que cela déboucherait sur un nouveau
modèle d'aide. Par ailleurs, l'échec de plus en plus
évident des programmes d'ajustement dans les pays pauvres a d'abord
incité à repenser la conditionnalité. Cette remise en
question a été motivée surtout par les
préoccupations des praticiens de l'aide au développement
travaillant pour les agences de coopération de donateurs
bilatéraux, ou des organismes multilatéraux comme l'OCDE/CAD, le
PNUD et le département de l'évaluation des Opérations de
la Banque Mondiale. Le rapport de HELLEINER26 sur l'aide à la
république-unie de Tanzanie et son suivi et le projet conjoint OCDE/PNUD
concernant l'aide au Mali ont marqué le début d'une nouvelle
approche « officielle » de l'évaluation de l'efficacité
de l'aide, très différente de celle fondée sur le
modèle de la conditionnalité. Cependant l'ouvrage critique de la
Banque Mondiale intitulé Assessing Aid formule trois
thèses principales :
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- L'aide est efficace si l'environnement institutionnel est
favorable.
- L'aide ne peut servir de carotte pour inciter les pays
bénéficiaires à appliquer de bonnes politiques.
- Les politiques appliquées par les pays
bénéficiaires ne semblent pas avoir beaucoup d'influence sur la
répartition de l'aide.
Ainsi, la Banque avait conclu qu'il serait possible
d'accroître l'efficacité de l'aide en la réservant aux pays
qui appliquent les bonnes politiques, et de convaincre les autres de
s'approprier ces bonnes politiques en leur donnant des conseils et en les
privant d'aide tant qu'ils ne font pas les bons choix. C'est ce qu'on a
appelé la conditionnalité à postériori ou
sélectivité.
L'aide aujourd'hui est l'un des principaux variables que les
gouvernements comptent de manière considérable pour
réaliser les objectifs du développement. Elle l'a
été toujours dans les pays en développement. Mais,
l'idée qu'on se faisait des différentes formes de contribution de
l'aide pour réaliser ces objectifs a largement évolué
depuis des décennies. C'est ainsi, de plus en plus, l'augmentation du
volume d'aide revient sur la discussion entre pays bénéficiaire
et donateurs. Pour la réalisation de ces objectifs il faut une
nécessaire maîtrise des systèmes d'allocation de l'aide. Si
bien que le débat sur l'efficacité de l'aide s'est
concentré sur son impact sur la croissance avant de tourner vers les
années 90 sur la réduction de la pauvreté.
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