L'arbitrage en droit marocain et ses évolutions.( Télécharger le fichier original )par Mohammed Amine Sourhami Faculté de droit - Droit Privé 2015 |
SECTION 2 | LE DOMAINE DE L'ARBITRAGEAprès avoir déterminé les personnes ayant la capacité de recourir à l'arbitrage, il convient d'abord de préciser les limites du domaine de ce mode de règlement quant à son objet, ce qui nous amènera à évoquer l'intervention de l'ordre public en cette matière (paragraphe I). Puis il est nécessaire d'énumérer les cas dans lesquels le recours à l'arbitrage est interdit, avant d'aborder les dérogations qui sont permises afin d'atténuer plus ou moins sensiblement les interdictions imposées par le législateur en rapport avec l'arbitrage (paragraphe II). Paragraphe I/ La notion d'ordre public marocainDans certaines matières, les restrictions à l'arbitrabilité sont liées à des considérations d'ordre public. La convention d'arbitrage qui serait passée sur ce type de litiges non arbitrables serait nulle56(*). L'ordre public reste une notion imprécise ou versatile, notamment en matière contractuelle, d'où sa complexité57(*). Il est d'abord territorial, ou local, et dépend des circonstances politique, économique et social du pays. Voire de l'approche qu'en font ses dirigeants eu égard aux contraintes internes et externes qui s'exercent sur eux. Il varie également avec les époques. La jurisprudence issue d'un appareil judiciaire à la dévotion du pouvoir central ne peut qu'être, elle aussi, versatile en raison des contingences et dépendances. C'est ce qu'on vérifiera à la lumière des pratiques anciennes et récentes. Toutefois, sur le plan formel, on peut distinguer divers ordres publics, en se limitant toujours au domaine des contrats. De surcroît, nous pouvons imaginer un ordre public absolu, qu'on peut même qualifier d'international lorsque les clauses et les effets des contrats sont contraires « aux bonnes moeurs et à la sûreté de l'Etat ». C'est là la seule limite imposée à la volonté des parties contractantes. La loi étrangère choisie par ces dernières pour s'appliquer à leurs relations contractuelles pourra être battue en brèche par cette première variété d'ordre public, ainsi que sa mise en oeuvre reste rarissime, particulièrement en matière d'arbitrage. On concevra mal qu'un contrat de commerce international, comportant une clause compromissoire, sera invalidé pour être contraire aux bonnes moeurs et à la sureté de l'Etat. Si elles le veulent ou le peuvent, les autorités publiques marocaines feront plutôt jouer une seconde variété de l'ordre public qui est qualifiée d'ordre public « local ». Dans ce cas, la loi applicable au contrat sera la loi marocaine. Cet ordre public interne comprend, indistinctement, « toutes les règles impératives et prohibitives » édictées par cette loi. Il s'agit ici d'une notion plus libérale, d'autant plus que cet ordre public est « relatif » puisqu'il ne joue que dans le cadre de la loi marocaine. La jurisprudence récente58(*) l'assimile à la notion toute aussi diffuse d' «intérêt général » et la qualifie d' « d'ordre public interne », mais sans que cela ne l'ait empêchée, pour l'apprécier, de se référer à des règles internationales, ce qui paraitre paradoxal59(*), c'est là, si besoin en est, une confirmation de l'impact des normes internationales, voire anationales, sur l'ordre juridique interne. * 56 NOUGEIN, Henri et les autres. GUIDE PRATIQUE DE L'ARBITRAGE ET DE LA MEDIATION COMMERCIALE. Op.cit. p52. * 57 DECROUX, Paul. 1952. L'autonomie de la volonté et l'ordre public en droit conventionnel marocain. Rabat : Édition La Porte. Op.cit. p27. * 58 Arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour Suprême n°1085 du 21/06/1983. * 59 En substance, l'arrêt précité a estimé que `'c'est l'intérêt général qui régit l'ordre public marocain. Celui-ci pour être appréhendé, doit faire référence aux principes de l'ordre public international. Une telle démarche est à même de constituer des règles internationales autonomes susceptibles de répondre à la nature du commerce et des échanges internationaux dont l'établissement de la clause d'arbitrage conclue par l'Etat ou les établissements publics.'' A noter que cette affaire opposa l'Office national du thé et du sucre à la société philippiennes de commerce de sucre. |
|