La professionnalisation des métiers de la petite enfance: influence sur les pratiques en crèche.( Télécharger le fichier original )par Louise, Renée Liliane Cambefort université de Bourgogne - master recherche en éducation / formation 2015 |
Perspective d'avenir : Que devrait être le rôle de l'accueillant en crèche ?« Les professionnels disposent de leur propre identité de professionnel, liée à leur formation et à leurs systèmes de construction de cette identité professionnelle. Ils ont également leurs identités liées à leurs personnes et à leurs appartenances sociales et culturelles. »40(*) S'agissant de leurs manières de faire avec les enfants, il est difficile de dissocier les deux aspects de cette identité, qui entrent en interaction pour construire les pratiques des professionnels. Cela signifie qu'un certains nombres de représentations sont liées au diplôme, on peut donc penser qu'il serait utile d'harmoniser les formations de la petite enfance pour une cohérence éducatives des équipes, et une meilleur accueil du jeune enfant. « (...)Parfois, on assiste au conflit entre les représentations des professionnels et les représentations des parents. Pour éviter ces conflits autour des invalidations réciproques, il est important de pouvoir se former à ces éléments culturels et sociaux. »48 La formation doit donc prendre en compte la diversité parentale aussi bien culturelle qu'éducative. « Hélas, aujourd'hui en France, nous ne rencontrons dans aucune structure d'accueil des professionnels agissant auprès des jeunes enfants qui présenteraient une même formation, à la fois suffisante et réellement adaptée à l'accueil éducatif »41(*) « L'idée de s'assurer le concours d'une équipe pluridisciplinaire composée de professionnels qualifiés, notamment dans les domaines de la psychologie, du social, du sanitaire, de l'éducatif et du culturel, comme le prévoit le décret depuis 2000, ne provoque au contraire, par effets secondaires et pervers, que dispersion et appauvrissement de la qualification des professionnels de l'accueil des jeunes enfants qui ne se reconnaissent pas entre eux et s'opposent. »33 Harmoniser les diplômes permettant le travail en crèche semblent donc une solution d'avenir pour les professions d'accueil de la petite enfance. En effet avoir des accueillants qui auraient suivi une formation commune permettrait une meilleure compréhension entre professionnelle et augmenterait la cohésion des équipes.
« Seule la formation d'éducateur de jeunes enfants est aujourd'hui spécifique à l'éducation de la petite enfance et présente donc une expertise en la matière. »La liste des filières de formation conduisant à assurer l'accueil quotidien des jeunes enfants est tout aussi longue : auxiliaire de puériculture, CAP petite enfance, technicien de l'intervention sociale et familiale, animateur, aide médico-psychologique, auxiliaire de vie sociale, titulaire de BEP option « sanitaire et social », BEP option « services aux personnes », assistants maternels sont les principales formations conduisant aux postes d'accueillants de jeunes enfants dans les structures et établissements d'accueil. Dans la pratique, les établissements emploient principalement des auxiliaires de puériculture pour un peu moins de la moitié de l'effectif de leur personnel, car les professionnels d'encadrement sont également comptabilisés dans l'exigence de 50 % de personnel qualifié. Aucune de ces professions n'est aujourd'hui qualifiée pour la spécificité que représente le travail quotidien d'accueil éducatif. Aucune ne prévoit suffisamment le développement des compétences en matière de pédagogie et de soutien des apprentissages des jeunes enfants, d'accompagnement des parents dans l'éducation de leurs enfants Et que constatons-nous dans la réalité ? Que les professionnels de la santé restent majoritaires et que la profession la plus représentée, celle qui agit au quotidien au plus près des enfants accueillis dans les EAJE42(*), est celle d'auxiliaire de puériculture. Une profession d'auxiliaire de santé rattachée au corps infirmier et sous la responsabilité du dit corps et plus particulièrement des puéricultrices, profession paramédicale,et toutes trois non spécialistes, ni de l'enfance pour les premiers, ni de la petite enfance pour les autres, mais (pour les auxiliaires de puériculture et les puéricultrices) de la prise en charge des soins donnés à l'enfant de 0 à 18 ans. »34 Il serait donc souhaitable que cette formation commune aux professionnels de l'accueil du jeune enfant soit spécifique à l'enfant de 0-6ans, et dure 3 ans. « C'est(...) une formation spécifique en éducation de la petite enfance, de niveau bac + 3, qui est préconisée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) [2001, 2006] et par un réseau européen pour les personnels. » Erreur : source de la référence non trouvée p 78 Cette spécificité inclurait certes des notions de soins et d'hygiène nécessaires à la bonne santé des enfants en collectivité, mais ce ne serait pas l'objectif principal de cette formation qui devrait être plus axée sur le développement psycho-moteur et psycho-affectif de l'enfant afin d'en garantir une prise en charge globale de qualité. Une formation fondée sur une réactualisation permanente des connaissances en psychologie, sociologie, pédagogie... et qui inclut, notamment, le travail avec les parents et l'accueil de la diversité, une formation initiale assortie d'une formation continue accessible à tous. » (DRESS colloque bien être des jeunes enfants page 78) » « L'OCDE,(...) recommande que « de nombreux pays doivent s'efforcer d'accorder une plus grande attention à l'enfant et de mieux comprendre les processus de développement et les stratégies d'apprentissage spécifiques des jeunes enfants » « (ibid p 81). PROFESSIONNALISATION DES INDIVIDUS : Pour Wittorski il 43(*)y a 6 modes de professionnalisation des individus : 1 la formation « sur le tas » : les situations professionnelles nouvelles exigent de l'individu la production par tâtonnement et essais-erreurs de compétences nouvelles dans l'action : il s'agit d'une « logique de l'action ». 2/ la formation alternée entre la transmission de savoirs théoriques en classe et la production de compétences en stage : il s'agit d'une « logique de la réflexion et de l'action ». 3/ formaliser les compétences implicites produites dans l'action et ainsi à les transformer en savoirs d'action. Les compétences sont mises en mots et transformées en savoirs communicables validés par le groupe, ils deviennent ainsi transmissibles à d'autres : il s'agit d'une « logique de réflexion sur l'action ». 4/ « logique de réflexion pour l'action ». Il s'agit de situations dans lesquelles les professionnels eux-mêmes au sein de « groupes progrès » ou de « groupes de résolution de problèmes » vont définir par anticipation de nouvelles pratiques, au regard de critères d'efficacité, qu'ils mettront en oeuvre ensuite de retour au travail. 5 /Les situations de travail où un tiers (tuteur, conseiller) assure une fonction de transmission de savoirs, de co-construction de pratiques nouvelles et de modification des façons de voir la situation. Il s'agit d'une « logique de traduction culturelle par rapport à l'action ». 6/ les savoirs théoriques acquis en formation sont intégrés en connaissance par les individus et ils alimentent des capacités qui prendront la forme de compétences différentes selon les situations rencontrées. La formation transmet des savoirs que les individus vont réinvestir quand ils seront en situation de travail. Il s'agit d'une « logique de l'intégration/assimilation ». Possibilités d'évolution de carrière, V.A.E ,D.I.F : En crèche, les possibilités de carrière semblent limitées : « Une fois entrées à un niveau de qualification donnée, les professionnelles semblent limitées dans les possibilités de progression. Ainsi, une auxiliaire quelle que soit son expérience ne pourra jamais accéder à une fonction de direction ».44(*) Cependant la VAE45(*) et la formation continue (liée au droit individuel de formation) semble un moyen médiocre de professionnalisation au sens 6 du terme. Car si elle permet d'obtenir la reconnaissance de l'expérience, elle ne délivre pas les connaissances et l'identité professionnelle que procure le suivi de la formation. En effet elle s'appuie uniquement sur l'expérience professionnelle du candidat, et ses connaissances liées à cette expérience.Elle ne permet pas de se professionnaliser dans le sens d'acquérir des savoirs professionnels nouveaux (mode 6 de professionnalisation selon Wittorski). La VAE parait en revanche un bon moyen d'obtenir le statut d'auxiliaire sans faire la formation: « (...)le CAP petite enfance est souvent considéré comme un diplôme au rabais et parfois vu comme une qualification et non comme un véritable diplôme. Pour ces professionnelles, la validation des acquis de l'expérience46(*) (VAE) paraît ouvrir une perspective nouvelle d'accès à la qualification d'auxiliaire(...) »33 Néanmoins, la V.A.E professionnalise lorsqu'elle est assortie d'un accompagnement pédagogique. Cet accompagnement va permettre au candidat d'enrichir ses connaissances et ses pratiques professionnels par des savoirs nouveaux, et qui va permettre au professionnel d'engager une démarche réflexive sur son expérience ( mode 3 de professionnalisation). On peut cependant considérer l'expérience et donc la VAE comme un vecteur de professionnalisation si l'on considère que la professionnalisation a lieu en cours d'action (Vergnaud, Vigotsky) , car elle donne des compétences au professionnel ( mode 1 de professionnalisation Wittorski). Formation continue et groupe d'analyse de la pratique (GAP) : La formation continue permet aux professionnelles de sortir de leur routine continuelle, d'élargir leur champ de connaissances (en psychologie, développement de l'enfant, sociologie...) et de compétences (animation, communication par les gestes) et d'inscrire leur pratique dans une recherche de la prise en charge optimum du jeune enfant. Elle permet aussi de se remettre en question dans sa pratique et dans son identité professionnelle, par une prise de recul et une véritable réflexion (« logique de réflexion sur l'action »et « logique de réflexion pour l'action » Wittorski 2007). , et par une recherche d'efficience sur la bientraitance de l'enfant : « Le professionnalisme démocratique présuppose la conscience de plusieurs manières de savoir, la notion que la connaissance est en effet contestable. Ceci implique une volonté et une capacité à réfléchir sur ses propres évidences » (Oberhuemer, 2005) Réfléchir sur ses propres évidences demande une mise à distance d'avec l'évidence, ce que le quotidien ne permet pas. On note en effet qu'en absence de formation continue ce recul sur la pratique se fait plus difficilement : « L'absence de moyens ne leur permet pas de prendre du recul sur leurs pratiques professionnelles, il y a peu d'échange et le personnel bénéficie très rarement de formation ou de stage » (Odena 2009 dossier 121p62). . D'après Wittorski le retour sur activité est un mode de professionnalisation des plus efficaces avec le mémoire professionnel, c'est pourquoi l'analyse de la pratique est un vecteur puissant de professionnalisation. L'analyse de pratique est d'ailleurs utilisée dans la formation d'éducateur de jeune enfant. « Le GAP aurait pour fonction de transformer les « contenus » issus du terrain, via la participation des professionnels au groupe ».Denis Mellier 47(*) PROFESSIONNALISATION DES STRUCTURES PETITE ENFANCE La formation continue est un gage de qualité d'accueil du jeune enfant, parce qu'elle s'ancre dans une réflexion sur les pratiques mais aussi parce qu'elle permet de perfectionner les pratiques et concoure à un maintien des personnels en poste : « Or, l'accès aux formations continues, qui varient aussi considérablement selon les pays et les secteurs, tant dans leur durée que dans leur contenus, s'avère inéquitable dans de nombreux pays, et donc préjudiciable tant pour les enfants que pour les professionnels (cf. la recherche européenne Core1). Ce sont, en effet, les personnels les moins formés qui en bénéficient le moins, et qui sont pour la plupart au contact direct des enfants ! Les perspectives professionnelles étant réduites, la pénurie peut être très importante dans le secteur de l'accueil, de même que le turnover, peu propice au bien-être des jeunes enfants, eu regard à leurs besoins de continuité relationnelle. » (DRESS colloque bien être du jeune enfant p 78). La professionnalisation des structures, passe par la formation continue, mais également par un projet d'accueil autour duquel les équipes s'investissent et cherchent à se perfectionner. « L'exemple de Pistoia est celui d'une ville italienne où les professionnels des lieux d'accueil municipaux ont très peu de qualifications, mais où existe un dispositif de supports qui permet d'obtenir un niveau de professionnalisation élevé. Un autre exemple très inspirant et moins connu est la Slovénie : comme en France et en Belgique, il y a en Slovénie des professionnels de nombreuses origines, mais il existe un système développé de rencontres et d'échanges de connaissances. »48(*) (DRESS ibid p91) Il s'agit d'« améliorer les conditions de travail et la formation professionnelle du personnel de l'EAJE » : « Pour la qualité des services : veiller à la formation professionnelle et aux conditions de travail », au « perfectionnement professionnel et à la pérennité des recrutements »). « L'accent est mis sur la formation au travail avec les familles, avec les nourrissons, l'éducation multiculturelle, la question du bilinguisme et le travail autour de la pauvreté. » ( DRESS ibid p82) Groupe d'analyse de la pratique (GAP) : Le groupe d'analyse de la pratique est à la fois vecteur de professionnalisation des individus mais aussi de professionnalisation des structures, de nombreuses structures y ont recours afin de permettre aux professionnels d'avoir une réflexion sur leur pratiques, mais aussi de surmonter certaines difficultés liées à leur travail quotidien, au public accueilli et au travail en équipe. « Paul Fustier (1987) a introduit un tel modèle de compréhension pour comprendre le sens de différents groupes constitués pour des professionnels travaillant en institutions. « Lorsque les éducateurs ne supportent plus trop d'éléments bizarres ou violents venus des jeunes dont ils s'occupent, ils les leur renvoient directement et sans transformation. Les éducateurs ne sont plus alors en état de contenir ni de métaboliser les éléments bêta (en provenance des enfants) par lesquels ils se sentent bombardés. Alors peut s'organiser un «groupe» comme cible de substitution permettant aux éducateurs de modifier la trajectoire des éléments bêta, en les renvoyant en direction du «groupe» ou du psychiste qui y intervient. Il est alors demandé au groupe et au psychiste de contenir cette folie et cette violence, de tenter de faire des liens, de donner du sens que les éducateurs s'approprieront ; il s'agit donc d'une opération de recyclage par un groupe, des éléments bêta en provenance des jeunes et retransmis par les éducateurs. On suppose que la fonction alpha de ces derniers sera ainsi réactivée, et que la communication avec les enfants pourra être rétablie » (1989b, p. 181-182) En ce sens, le Gap créer de la cohésion entre les équipes en leur permettant de mettre en commun leurs ressentis. La réflexion commune permet aussi une professionnalisation de la structure en en augmentant le potentiel et les connaissances. Enfin l'accueil des enfants demande de contenir les émotions provoquées par les changements d'humeurs des enfants (cris, pleurs..) et la pénibilité du travail, (gestes répétés, attention permanente, gestion de la collectivité..), le GAP permet aux professionnel de s'en libérer et donc de faire preuve de plus de patience, de compréhension et de bienveillance envers les enfants (car un professionnel détendu est plus à l'écoute des besoins de l'enfant). Projet d'établissement : Les accueillants se professionnalise dans la recherche de moyens pour le mettre en oeuvre : De plus le projet d'établissement crée une solidarité et un travail d'équipe pour et autour du bien-être du jeune enfant. « Cette diversité au sein même des services collectifs exige un réel travail d'équipe dans la construction, la mise en oeuvre et l'évaluation des projets éducatifs, sans quoi la complémentarité nécessaire des différents regards portés sur les enfants peut laisser place, dans un espace fortement hiérarchisé, à un morcellement des tâches et à une technicisation des pratiques, peu propices au bien-être des enfants et au développement professionnel de chaque catégorie de personnel. » ( DRESS colloque 2011 bien être des jeunes enfants en EAJE p77) * 40 MARIE-ROSE MORO Psychiatre pour enfants et adolescents, psychanalyste, chef du service de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescence professeur à l'université Paris-Descartes * 41 P CANDIAGO - M MOREIRA -A RUFFIOTKIM ROBIN- R MANEVEAU (2012) « Les publics des établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) Attribution des places et gestion au quotidien » dossier d'études CAF n°152 * 42 EAJE établissement d'accueil du jeune enfant * 43 Wittorski, R. (2007) « Professionnalisation et développement professionnel. » Paris : L'Harmattan. * 44 Julie MICHEAU, Éric MOLIÈRE et Sophie OHNHEISER (Plein-Sens), avec la collaboration de Joëlle CHAZAL ( 2010) « Les modes d'organisations des crèches collectives et les métiers de la petite enfance » DREES , Études et résultats N° 732, p5 * 45 http://www.vae.gouv.fr * 46 pour présenter la VAE La durée totale d'activité exigée est de 3 ans en équivalent temps plein, soit 4 200 heures. Seules les activités exercées au cours des 12 dernières années sont prises en compte. * 47 DENIS MELLIER (2002)« Le groupe d'analyse de la pratique, la fonction a contenir e la méthodologie du groupe Balint » revue de psychologie psychanalytique du groupe Num39 p85-102 * 48 DRESS Octobre 2011 « colloque bien être des jeunes enfants dans l'accueil et l'éducation en France et ailleurs » p91 |
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