La professionnalisation des métiers de la petite enfance: influence sur les pratiques en crèche.( Télécharger le fichier original )par Louise, Renée Liliane Cambefort université de Bourgogne - master recherche en éducation / formation 2015 |
Partie 2 : enquête de terrain Analyse des pratiques des professionnels en crèches, IMPACT de la professionnalisation dans les pratiquesÉtude de terrain :Comment la professionnalisation influence la réalité des pratiques ?A partir de cette problématique, j'ai choisi de faire un stage d'observation participative sur deux crèches, choisies en fonction de la diversité de formation des professionnels et de leurs différences dans les modes de fonctionnement et d'organisation: 1 Présentation du terrain : La première est parentale, la seconde municipale, dans la première des parents assurent les permanences, dans la seconde seul des professionnels y travaillent ; La directrice de la crèche parentale est autant sur le terrain qu'en direction, dans le second cas la directrice n'intervient pas sur le terrain sauf en cas de sous effectifs dans le personnel. De plus, cette seconde crèche pratique la pédagogie Pikler-Lóczy qui repose sur quelques principes directeurs, parmi lesquels on peut citer l'importance de la verbalisation, du jeu libre et le respect de l'activité autonome. Il serait intéressant de voir comment les professionnels s'approprient cette méthode et en quoi elle bouleverse leurs représentations du jeune enfant. Cette méthode a sûrement un impact dans les pratiques, mais j'émets l'hypothèse qu'en fonction de la formation suivie par les professionnels, ils s'approprieront de façon différente cette méthode de travail. La méthode Loczy : Il s'agit d'une pédagogie basée sur les travaux de Emmi Pickler qui insistent sur « la nécessité du respect des rythmes de l'enfant afin de garantir l'harmonie de leurs acquisitions psychomotrices.(...) et la maturation psychique de l'enfant, qui doivent provenir de l'intérieur processus endogènes qui exigent la rencontre avec des adultes qui ne font pas de forcing (...) mais qui se montrent seulement attentifs à tirer tout doucement l'enfant en avant avec suffisamment de tact, de légèreté et de respect de sa propre dynamique.(...) une dialectique très constructive entre les processus de symbolisation de l'objet en sa présence, et les processus de symbolisation de l'objet en son absence.»53(*) Ces différences vont me permettre de comparer : les différences d'organisations générales, les différences de pratiques et les différences de représentations du petit enfant par les professionnels de ces deux crèches. Ainsi je compte tenter de mettre en évidence des caractéristiques liées à la formation (plus de facilité à faire les soins pour les uns, plus d'aisance dans les activités pour les autres, une intellectualisation de l'activité, ou des représentations différentes de leurs rôles)...Ces différences devront ne pas être dues à l'établissement mais bien à la formation, et devront donc se vérifier d'une structure à l'autre. Le fait d'observer deux structures différentes va, je l'espère, me permettre de discriminer ce qui relève la professionnalisation de l'établissement de « l'effet établissement » de ce qui relève de la professionnalisation des individus « l'effet diplôme », dans la réalité des pratiques des professionnels. Voici ci-dessous un tableau des différences entre les deux établissements d'accueil où a été menée mon enquête, il sera suivi de l'exposition d'une journée type dans chacune des deux crèches et du récit de ma première journée de stage au sein de chaque structure parentale et municipale et au sein des deux sections de la structure municipale. En, parallèle de ce récit je mènerai un début d'analyse de l'activité des professionnelles en fonction des observations recueillies lors de ma première journée. Pour des raisons d'anonymat les noms et situations géographiques des établissements seront omis et les prénoms des agents seront remplacés par une initiale. Toutefois, si deux agents ont les mêmes initiales alors dans ce cas, on utilisera deux initiales
Temporalité de l'observation : J'ai effectué le premier stage de deux semaines dans le multi accueil, j'ai choisi des horaires où les enfants étaient le plus présents sur la structure, tout en me permettant d'observer les repas et les activités : 9h-16h, du lundi au vendredi avec une pause repas d'une heure de 13h à14h.). Le second stage s'est déroulé sur deux semaine au sein de la crèche parentale, de 8h30 à 16h la première semaine et de 9h du matin à 17h la seconde semaine, dans les deux cas avec une pause repas d'une demi-heure de 13h à 13H30. Premier jours en crèche municipale chez les moyens grands :Je me présente au bureau, la directrice m'accueille, me présente la structure. Elle me demande si je souhaite faire mon stage dans une section particulière je lui réponds que je souhaiterai tout voir. Elle m'indique que les premiers jours je devrais aller chez les moyens grands, car il y a déjà une autre stagiaire chez les bébés, elle m'accompagne donc en section et me confie à « B » (CAP). « B » demande quel sorte de stage je fais, la directrice lui réponds que c`est un stage d'observation mais que je peux participer si elle le souhaite, elle me regarde je hoche la tête et j'explique que dans le cadre de mon master je prépare un mémoire sur le travail en crèche. Elle me demande donc ce que je souhaite voir ou savoir, je lui réponds de faire comme avec les autres stagiaires, et que, plus j'en verrai et meilleure sera mon travail. « B » est CAP, mais c'est aussi une ancienne, « elle est là depuis 14ans », elle est donc selon la directrice « à même de m'en apprendre beaucoup ». « B » me montre les locaux tout en m'expliquant le fonctionnement de la crèche « ici il n'y a pas de porte entre les pièces, l'espace est ouvert de simples barrières empêchent l'accès des enfants au coin repas et au coin change ; Le dortoir quant à lui est toujours ouvert et les lits sont à même le sol de sorte que si un enfant en sent le besoin il peut aller au lit seul. » Tout en me montrant les locaux elle me montre le déroulement de la journée elle m'indique le coin repas situé à l'extrémité de la salle de vie, il est entouré d'une barrière. Il y a deux tables et 8 chaises à hauteur d'enfants ; Elle m'explique que les repas sont pris à tour de rôle deux par deux pour les moyens et par groupe de trois à quatre pour les grands. Pour ceux qui ont besoin d'aide pour manger on les fait manger un par un, c'est à dire qu'on n'alterne pas entre les deux (une cuillère à l'un une cuillère à l'autre), on fait chacun son tour, même si les deux enfants sont à table face à face. Elle m'explique : « Cela pose parfois des problèmes car certains enfants ont du mal à attendre en regardant les autres manger, mais c'est comme ça il faut attendre ! » D'après B, cette organisation est due à la méthode Loczy. Elle m'informe que selon cette pédagogie le fait de manger en très petit nombre facilite la relation accueillant-accueilli, car pour B, la relation avec l'enfant ou le groupe d'enfant est, de cette façon, individualisée : « c'est un moment où on est là pour l'enfant et non pour le groupe » « Avant de faire manger un groupe on le prend en lavage de main, puis on le fait manger et enfin on le fait passer aux toilettes, Ce qui permet une continuité des soins prodigués aux enfants. » « De plus, on s'occupe mieux des enfants qu'on fait manger, car on est comme dans une bulle avec l'enfant. » La métaphore de la bulle peut être interprétée comme une façon de décrire la relation privilégiée avec l'enfant, la bulle qui sépare du groupe celle qui permet d'être seul à seul. C'est aussi la bulle qui délimite l'action on donne à manger à l'enfant et on ne fait rien d'autre, les autres enfants sont là, à côté, derrière les barrières, mais on ne s'occupera d'eux que lorsque ce sera leur tour. Elle me déroule une journée type : La crèche ouvre à 7h45, une fille, celle d'ouverture, accueille les enfants et leurs parents. 8h30 son binôme arrive. L'accueil est régulier et l'on demande aux parents d'emmener leur enfants avant 9h30 dans la mesure du possible, afin selon B « que les enfants ne soit pas perturber par les vas et viens des parents ». Chaque accueillante prend une pause de dix minutes ; à tour de rôle celle d'ouverture en premier entre 9h et 10h00.A 10h00 on donne une collation, un fromage et du pain. Ensuite les enfants jouent avec des jeux de constructions, jeux en bois poupées...des activités peuvent être proposées dans une salle situées derrière la pièce à vivre et sans porte comme les autres. Elles font les activités selon leur envie, une fait l'activité, l'autre reste dans la salle à vivre ou part en pause selon la charge de travail du moment. Les activités proposées sont « en fonction de nos envies, de la période de l'année si c'est pâques on travaille sur le thème des oeufs si c'est la galette on fait des couronnes...et en fonction de ce qu'on aime faire avec eux, « A » est plus à l'aise à raconter des histoires moi j'aime bien la peinture... » Elles sont réalisées par petits groupes. Les enfants sont appelés à venir, et ils viennent seulement si ils en ont envie. A 11h25 on remplace les jeux qui font du bruit par des jeux « calmes » afin que les enfants puissent manger sans être déranger par les bruits des camarades qui jouent. Les repas commencent vers 11h30. Elles ont toujours les mêmes enfants à faire manger, car chaque enfant à sa référente. Suite au repas les enfants qui ont mangé retournent en salle de vie jouer ; Lorsque tous les enfants ont mangé et ont été changés on installe le dortoir (fermeture des volets), on distribue les doudous et on appelle les enfants . Les enfants viennent un par un et sont guidés jusque leur lit attitré (chaque enfant à son propre lit). Une fois tous les enfants installés celle qui était d'ouverture prend sa pause déjeuner, l'autre reste surveiller la sieste et prendra sa pause au retour de sa collègue. A la fin de la sieste les enfants se lèvent un à un quand tous les enfants sont levés de la sieste on ressort les jouets qui font du bruit (jouets en bois, jeux de construction ...) on demande aux enfants de ranger leur doudous dans la boite à doudous qui est situé à leur portée près de la porte d'entrée. A ce moment-là des activités peuvent être proposées. 16h00 :On commence les goûters compote et laitage ou fruit et laitage ; comme pour le midi les enfants goûtent par petit groupe, toujours les mêmes groupes, avec leur référente. Comme pour le midi, Avant le goûter, chaque groupe, passe à la salle de change se laver les mains, puis goûte et enfin sont changés ou vont au pot. A partir de 17h ce sont les départs qui commencent, selon l'enfant qui s'en va, la référente fait les transmissions aux parents. Elle résume alors ce qui s'est passé dans la journée, elle rend le cahier de l'enfant où sont notés par jour, les rythmes de sommeil, les repas et les selles de l'enfant. A 18h30 celle du matin quitte la crèche et à 19 :15 la crèche ferme. Analyse : On constate que la directrice m'a accueillie et m'a présenté la crèche du point de vue pédagogique, elle m'a décrit l'organisation de façon sommaire (notre entretien a duré une dizaine de minute avant qu'elle m'amène à « B »), mais sur le terrain c'est « B » qui m'a montré les locaux et expliqué l'organisation du travail et les pratiques exercées chez les moyens grands. On constate aussi que ce n'est pas la plus diplômée (« A »AP) qui m'a encadré et présenter les locaux et l'organisation, mais la plus ancienne : « B » CAP. On peut donc supposer qu'au sein de la crèche l'ancienneté des personnels prime sur le diplôme acquis dans la hiérarchie. Cette hiérarchie implicite (car elle n'entraîne pas de droit décisionnel chez les personnels, en effet je n'ai pas remarqué de directive donné par B à A) semble reconnue par la directrice car, elle m'a directement adressé à B en indiquant qu'elle était là depuis 14 ans et donc à même de me répondre. Premiers jours en crèche municipale chez les bébés : 9 :00 Comme il était convenu que j'aille une semaine chez les moyens-grands et une semaine chez les bébés +une journée en halte, je me dirige directement chez les bébés sans passer par la direction. E (auxiliaire ayant validé le diplôme EJE par VAE) m'accueille. Elle travaille en binôme 2 jours par semaine avec M (cap qui travaille là depuis 3 ans) et deux jours par semaine avec une autre auxiliaire qui est actuellement en arrêt et remplacé par une cap (Él qui fera ses premiers jours lors de mon stage). E qui est occupé avec les parents de Haby (petite fille de 6mois), lors de mon arrivée, me demande de m'asseoir sur le fauteuil de la section et de commencer par observer tout ce qui se passe. Pendant ce temps M est dans la section et surveille les enfants déjà présents. Je l'observe accueillir les bébés et les parents, demander aux parents comment va l'enfant, si tout va bien discuter des progrès de leur enfant avec les parents les moins pressés, réceptionner les cahiers de liaison et les ouvrir sur la page de la feuille de rythme, noter les présences... Elle se dirige vers moi quand M lui indique que La maman de Nolan arrive pour son premier jour en adaptation, il est 9h15. M, va au dortoir endormir un bébé ou elle y restera 20 bonnes minutes, puis elle lève et change un autre bébé qui s'est réveillé et qu'elle n'a pas réussi à rendormir. E est occupée avec la maman de Nolan et M au dortoir je reste donc assise sur le fauteuil en observation. « Il faut faire le moins de bruit possible et se déplacer le moins possible car chez les bébés. Il y a toujours un bébé qui dort, et les bébés sont sensibles aux déplacements cela les sur-stimule et les perturbent »me confira E plus tard. Je rappelle que le dortoir n'a pas de porte comme toute les pièces de cette crèche les sons ne sont donc pas étouffées entre la salle de vie et le dortoir .idem pour la salle de change, j'observe donc M intervenir rapidement sur le bébé qui pleure pour l'apaiser et ne pas réveiller celui qui dort. Ce bébé n'ayant plus sommeil, elle l'emmène) la salle de change ou elle va lui parler tout bas pour ne pas perturber les autres enfants. E est toujours avec la maman de Nolan, « l'adaptation va durer une heure dit elle ! Si cela se passe bien à la fin de l'heure vous pourrez si vous le souhaitez le laisser un petit quart d'heure avec nous, le temps d'aller faire un tour, si vous voulez chercher du pain il y a une boulangerie a 50 m en sortant. » La maman acquiesce, ouvre le sac à langer et en sort le cahier de liaison qu'elle a rempli, elle montre le sac et son contenu à E. E se tient accroupie entre les enfants, et Nolan et sa maman. Elle échange avec la maman sur les raisons qui l'ont poussé à choisir la crèche, elle questionne sur les habitudes de Nolan, tout en observant ce que Nolan fait, et comment il réagit. 9h30 N (bénévole qui vient lire des histoires qu'elle a sélectionné, un matin par semaine en crèche) arrive avec un grand panier rempli de livres. Elle le pose par terre pour laisser les enfants les découvrir. N prend un livre et le lit les 3 bébés présents se tournent vers elle et la regardent, Le bébé en adaptation reste tourné vers sa maman. Les bébés sortent les livres du panier et les touchent et essayent de les manipuler. E se tourne vers un bébé qui régurgite, elle va prendre un mouchoir et tout en l'essuyant dit: « Oh ! Elle te fait vomir ta tétine !tu exagères ! Tu es coquin, laisse ta tétine ! » Elle mouche le nez d'un autre bébé, Léa 5 mois qui vient de se réveiller, Mélanie l'a ramené du dortoir « Voilà, ça va mieux Léa, je vais t'allonger, on va lire l'histoire » E allonge Léa dans un grand pouf. Elle s'assied en direction des enfants à côté du pouf et lit l'histoire. Léa grogne. « Ca suffit pas un quart d'heure de sieste Léa ! Un quart d'heure de sommeil pour un bébé c'est rien du tout » dit-elle en lui grattouillant doucement le dessous du pied. Nolan tente d'aller vers N pour prendre un livre, sa maman le distrait en lui faisant des chatouilles sur les pieds, et le remet sur ses genoux. E qui a observé la scène prend un livre à textures, l'ouvre et le tend à Nolan : « touche, c'est tout doux » Nolan le prend et essaye de le mettre à la bouche, E le remarque et dit sur un ton neutre avec le sourire « Nolan a pris un livre, il mort dedans » ! sa maman lui enlève et le met à terre face à lui : « Non ! Pas dans la bouche ! On ne mange pas les livres mon bébé » E lui tourne les pages et lui montre les dessins, « là c'est un lapin touche le dos du lapin ! c'est doux ! » (elle touche le dos du lapin), elle lui laisse le livre et se met un peu en retrait. A la fin de l'heure elle demande à la maman si elle souhaite aller faire un tour, mais celle-ci refuse dit qu'elle n'est pas prête à le laisser aujourd'hui. Elle aura passé l'heure à jouer avec lui, à rester près de lui. Nicole qui donnait les livres aux autres enfants, en sort un et s'adresse à E et la maman : « celui-ci est particulièrement bien, j'aime beaucoup la finition et les illustrations, il est superbe ! » elle le feuillette en le tenant de façon à ce qu'il soit visible pour E et la maman S'en suit une discussion autour des livres entre N, E et la maman. Pendant qu'elle discute, la maman l'assoit à côté d'elle et le laisse jouer avec le livre et tourner les pages. 10h00 : La maman a besoin de changer Nolan, E lui montre la salle et le nécessaire de change puis la laisse changer son enfant. Une fois le change terminé E montre la biberonnerie à la maman puis le dortoir et lui explique le fonctionnement de la crèche « Ici les lits, chaque enfant a son lit, par contre il vous faudra fournir les draps (...) pour les biberons, on en a à la crèche mais si vous préférez vous pouvez en fournir un, pour le lait vous apportez une boîte.... »
Il est 10h30 la maman se lève, elle indique à E que l'heure est finie, elle demande à quelle heure elle revient demain et si elle reste ou non avec lui, E explique qu'elle restera avec lui le lendemain et que si elle pouvait faire l'adaptation de 9h30 à10h30 ce serait bien. Marlon mort un livre, M : « Non Marlon, ne mort pas le livres ! »Elle va chercher un anneau de dentition et lui donne. N : « ah, c'est ce qu'il voulait » .oui tout à fait répond M. Léa a bavé M l'essuie et lui dit « On va te changer car ça va sentir mauvais tout ça, et tu seras + à l'aise ! » Il est 11h15 M commence a rentré les chariots de repas et E commence à faire manger les bébés diversifiés arrivés les plus tôt. Elle prend d'abord Marlon qu'elle installe dans la chaise haute. Elle lui prépare son bib et lui sert sa soupe. E prend Léa, qui a très faim, elle crie. Elle prépare le biberon et la soupe et dispose tout cela près du fauteuil. E la regarde et lui dit « On regarde si tu es propre, si tout va bien on te donne à manger ». Prend Léa l'installe sur ses genoux pour la faire manger ; elle regarde la T°, « C'est pas trop chaud »Voilà regarde tout est là » Léa regarde en direction de la purée et du biberon ; « Bon appétit Léa ».Léa boit. E tout en donnant le biberon, parle de la maman de Nolan à M. « Elle aura du mal à laisser son enfant, il lui faudra plus de séance d'adaptation. » M acquiesce de la tête et sourit. E reprend « C'est déjà bien qu'elle ait fait la démarche de le mettre en crèche car il aura besoin d'air !» E continue à faire manger Léa sur ses genoux elle lui donne la soupe à la cuillère. E parle d'un enfant « elle sourit quand elle arrive, elle est dans l'échange avec nous par moment mais elle reste dans son monde, elle n'a pas de complicité avec les autres ce qui devrait être à cet âge ! » M : « Oui c'est comme Matéo, l'autre jour j'ai dû le faire manger sur les genoux il voulait pas être tourné vers les autres. » Silence J'en profite pour demander à E pourquoi Certains bébés mangent en chaise haute d'autre sur les genoux. Elle me répond que selon la pédagogie Loczy on ne met pas un bébé en chaise haute tant qu'il ne sait pas s'asseoir tout seul. Je vais pour lui poser la question de son parcours quand Léa se remet à crier ; E me dit en souriant : « On reprendra cette question plus tard », puis elle se tourne vers Léa et rigole en disant : « il y en a qui ont faim !! ». E :« Tu as déjà mangé tout ça » E montre l'assiette presque vide à Léa. A quand le bout de pain pour Léa ? M : « Il va être apprécié celui-là ! » « C'est comme Marlon, il a tout mangé, il en avait beaucoup, mais il a encore faim. E : « On a pas eu les feuilles de présence M : Si, Si Si, elle nous les a donné tout à l'heure E tu l'as vu lui là-bas avec son morceaux de pain, il l'a tout ratatiné ! M : hé oui il l'apprécie bien E : Redonne lui un autre morceau, ça lui fera peut-être du bien à ses dents. » 12h00 Léa a fini de manger, E la pose sur le tapis, dans le coin pour les plus petits bébés qui ne dorment pas au dortoir, mais dans un coin à part de la salle de vie délimité par des barrières. E et M font manger les deniers bébés, M ceux qui tiennent assis en chaise haute, E sur les genoux. Quand ils ont fini de manger les bébés en chaise haute sont tournés vers la pièce à vivre, on les installe dans une basculette (sorte de transat) et on leur donne leur bout de pain. La chaise haute est alors nettoyée et un autre bébé va pouvoir y prendre son repas, pendant que son camarade mange son pain, et que le reste du groupe joue dans la pièce à vivre. Une fois les repas terminés, les plus petits dorment dans l' espace aménagé pour les plus petits « afin d'être rassurés » (propos d'E). 13h15 M part en pause déjeuner jusque 14h E range les jouets et sort les animaux et figurine en mousse, elle enlève les hochets et jouets en plastique. « On met des jouets en mousse pendant la sieste pour permettre aux enfants de se poser ; Comme cela, ils font des jeux calmes et ne perturbent pas le sommeil des autres .On fait la même chose le midi avant le repas. Ça calme de suite les enfants. Et puis, cela permet de favoriser l'éveil des saveurs lors du repas, puisqu'ils sont calmes et concentrés sur leur assiette. » E me demande alors quel stage je fais, je lui réponds un stage d'observation. Elle m'indique avoir su avec la directrice que j'étais étudiante en master elle me demande quel type de master je fais je lui réponds Sciences de l'éducation. Elle me demande quel type de travail est en lien avec ce stage, je lui indique que c'est un stage qui a pour but d'observer les pratiques en crèche, et que je dois préparer un mémoire dessus. Elle me demande quelles sont les débouchées de ce master ce que je fais dans la vie.... A mon tour, je lui pose des questions sur son parcours, sur son expérience, sa VAE, ses projets (voir parcours des personnels en annexe). Haby s'est mise à pleurer, E la prend dans les bras en la recroquevillant « ça la rassure dit elle ». Une fois calmé E laisse Haby retourner jouer. 14h00 : E part en pause déjeuner. M range les figurines et jouets en mousse et sort des jouets de type boîte à musique cymbales, boîte à meuhh, maracasses... Elle m'interroge sur mon stage dans quel but...quelles débouchées...je lui réponds que c'est un stage sur les pratiques en crèche dans le cadre de mon master Sciences de l'éducation. Elle me demande si je travaille à côté si j'ai des enfants. Je lui réponds que je travaille et que j'ai 3 jeunes enfants (tout au long du mémoire le terme jeune enfant désigne un enfant de moins de 6 ans). Elle me demande si je prévois de faire le CAP dans le cadre de mon métier.Je lui réponds que j'envisage de le passer. On parle alors du CAP petite enfance, elle me présente son contenu, m'indique qu'elle a dû le passer pour travailler là. Je lui demande ce que cela lui a apporté (réponse en annexe). Elle me montre son compte rendu de bac pro sur la crèche, en me disant que cela doit être consulté sur place uniquement et me dit que si cela peut m'aider...), « il y un livret des stagiaires au bureau y a beaucoup de chose dedans, ça peut aider » m'informe-t-elle. Elle me montre les locaux : dortoir, salle de change, biberonnerie... m'indique les protocoles de préparation des biberons. « Au niveau du dortoir chaque enfant a son lit attitré et sa place attitré ». Les lits sont à même le sol comme chez les moyens grands de façon à ce que les bébés qui font du 4 pattes puissent y aller seul. « Les draps sont changés toutes les semaines, ils sont fournies par les parents, on demande un drap et une housse de couette, et ils doivent les laver et les récupéré à chaque vacance. » Biberonnerie : « Les biberons sont lavés en cuisine, on les met dans une caisse à part, laissée sur le chariot en fin de repas, on met les chariots dans le couloir et la cuisinière vient les chercher. » « Les parents fournissent le lait, les biberons propres sont ici, il y en a de la crèche ceux perso sont marqués». 14h45 retour de E. 15H00 les goûters commencent par le biberon pour Léa. Les autres enfants suivent. E donne le goûter à Léa, pendant que M donne le goûter à Marlon qui crie d'impatience. El qui va effectuer des remplacements vient pour se présenter et faire une première demi-journée. Elle vient d'avoir son CAP petite enfance. E se présente tout en restant dans le fauteuil donner le biberon de Léa. Elle lui montre du doigt le placard ou ranger ses affaires El enlève son manteau et le range, elle range aussi son sac et coupe son portable. Puis elle revient et s'accroupit entre les enfants qui attendent leur goûter et le fauteuil d'E. Elle se met à jouer avec les enfants présents, leur tend les hochets qu'ils font tomber elle les aide à monter la plateforme de motricité... Marlon qui a fini de manger est installé par M dans la basculette. « M » va alors montrer la biberonnerie à Él en lui détaillant tout le protocole de lavage des biberons et de préparation des goûters. M : « On met les compotes sur un plateau , on met les petits suisses dans un ramequin avec du sucre ou du sirop ».On donne d'abord le laitage puis la compote. 15h30 « E » propose à « El » de donner le goûter. à Mya, El installe Mya dans la chaise haute, lui met le harnais et prépare son petit suisse avec du sucre ; Marlon est installé à terre dans le transat et mange sa craquotte. « El » ne met pas trop de sucre car il faut « entretenir le bidou mais pas trop » (rire d'El) « c'est plus calme avec toi chipie. » E prend le temps de nous expliquer à moi et El qu' « on ne doit pas jouer avec les enfants, mais induire un climat favorable aux jeux et à leurs apprentissages (Loczy ) . On ne doit jamais aider un enfant à faire ce qu'il n'arrive pas à faire, il faut observer pour savoir quand il sera prêt, par exemple on n'aide pas les enfants à marcher, ils doivent y arriver seul. » Plus tard elle nous expliquera : « Il faut observer ce qu'ils font avec les jeux, il ne faut pas les mettre en échec avec des jeux trop compliqués. » Évidement on intervient quand ils sont en difficultés, sinon on intervient le moins possible. 16h00 c'est le début des départs les premiers parents arrivent chercher leurs enfants. Et c'est la fin de ma journée je salue les enfants et les intervenantes les remercient de leur accueil, et leur dit à demain. Analyse : Accueil : On constate que c'est É la plus diplômée (EJE) et la plus ancienne (20 ans d'ancienneté) du binôme qui m'a accueilli. Contrairement à B(CAP) qui s'est détachée du groupe pour m'accueillir elle a préféré me faire d'abord observer avant d'échanger avec moi. Lors de mon premier jour elle m'a parlé pédagogie avant tout autre chose, la visite des locaux c'est M (CAP) qui me l'a faite lorsqu' « E » (EJE) est partie en pause déjeuner. Au niveau des pratiques : On constate que N, (bénévole) montre son livre préféré et parle du côté esthétique du livre mais pas de son contenu ou de son intérêt pédagogique. Quant à E, elle s'intéresse plus à l'éveil du toucher quand elle montre le livre à Nolan (touche c'est tout doux..).On peut donc supposer que la formation entraîne une différence dans les représentations de lecture, une personne non formée peut préférer les livres colorés quand une autre formée choisira un livre en fonction de son intérêt pédagogique. Lors du repas, on constate que La CAP qui est aussi la moins ancienne, fait manger les bébés qui tiennent en chaise haute et L'auxi/EJE fait manger les bébés les plus petits sur les genoux. On peut supposer que faire manger les plus jeunes bébés demande plus d'expérience et que c'est pour cela qu'elles se répartissent les repas de la sorte. On peut aussi supposer qu'il est considéré que les jeunes bébés doivent recevoir leur repas d'une auxiliaire, car peut être suppose-t-on que les auxiliaires sont plus à même de s'occuper de très jeunes enfants. (C'est ce qui est suggéré dans les fiches de postes types de l'ACEPP par exemple ou les CAP sont en charge des enfants les plus « grands ».)Il semblerait que ce soit cette deuxième hypothèse qui soit à retenir car on constate que chez les moyens grands B (CAP et la plus ancienne) fait manger le groupe d'enfant le plus grand. Quant à A elle s'occupe des moyens. Au sein du binôme E /M : On constate que Mélanie est très en retrait par rapport à E . C `est E qui accueille les stagiaires, c'est elle qui s'est chargée de l'accueil de la maman dont le bébé était en adaptation (la maman de Nolan), elle conseille « On ne doit pas jouer... » Et donne des directives aux nouvelles « Redonnes lui un autre morceau ça lui fera du bien à ses dents »... Dans les représentations : E fait des constats et les justifie. Elle dit qu « Haby n'a pas d'échange avec les autres », ce qu'elle justifie par « ce qui devrait être à son âge » Elle est dans l'observation et l'analyse de ces observations concernant les enfants. Au sujet de Haby qui n'échange pas, M lui répond « oui c'est comme Matéo », de même au sujet de Léa qui mange bien elle lui répond : « Oui, c'est comme Marlon ».On constate donc que M est dans la comparaison entre les enfants et non dans l'observation et l'analyse des situations. Encore une fois il y a tension entre ancienneté et diplôme, ici on peut faire deux hypothèses : E intellectualise (observation et analyse) plus sa pratique que M parce qu'elle est ancienne et que donc son expérience lui permet de pouvoir décortiquer les situations et tenter de les analyser en prenant du recul (référence aux normes d'éveil par rapport à l'âge...). Soit on peut supposer que son diplôme (AP et EJE par VAE) lui permet d'effectuer un tel travail d'analyse. Une troisième hypothèse serait que « M » bien que CAP ne fait pas de travail d'observation et d'analyse parce qu'elle ne se sent pas investie de le faire. Ce qui supposerait que le CAP lui a donné les compétences (recul, observation, neutralité) pour réaliser cette démarche mais qu'elle ne le fait pas parce qu'elle juge que ce n'est pas son rôle. Cependant on constate que M n'est pas dans la neutralité dans sa pratique : En effet lorsqu'elle va pour changer un bébé elle lui dit : Léa a bavé M l'essuie et lui dit « On va te changer car ça va sentir mauvais tout ça, et tu seras plus à l'aise ! » Alors que dans une situation similaire E ne connote pas le change, elle se contente de dire « Si tu es propre on te donnera le repas ».E paraît donc plus neutre dans ces remarques. Pour B l'intérêt de mettre des jeux sans bruit permet de faire manger les enfants dans le calme. Tandis que pour E les jeux sans bruits permettent de favoriser l'éveil des saveurs lors du repas. Il y a une réflexion plus poussée chez E sur les conséquences des actions en crèche (mettre des jeux qui ne font pas de bruits), B voit la conséquence immédiate chez l'enfant quand E voit l'intérêt pour le développement à plus long terme (l'éveil des saveurs). On peut donc supposer que la formation d'AP ou la VAE EJE donne des connaissances en développement de l'enfant que le CAP petit enfance ne délivre pas. Différence d'avec les moyens grands : Durant mon stage chez les moyens grands B m'a beaucoup encadrée, elle échangeait souvent avec moi, me montrait beaucoup de choses et m'amenait a participer. Mes notes ont donc été prises en différées et sont moins précises et moins nombreuses. Ce qui ne me permet pas de faire une analyse plus profonde et de comparer les interactions entre les binômes des sections bébés et des sections moyens-grands. Au niveau de l'organisation : Dans l'organisation des pratiques et de l'espace, on constate que les pratiques sont largement influencées par la méthode Pickler Loczy. Au niveau de l'organisation de l'espace, la crèche est organisée en sections délimitées par des espaces propres et cloisonnées. Cela crée une réduction du nombre d'enfant par section.Cette réduction des effectifs instaure plus de calme, ce qui est favorise le lien accueillant accueilli. Au sein de la section, il n'y pas de porte pour séparer les espaces-repas des espaces de jeux et une simples barrières sépare le dortoir du reste de l'espace.Les lits sont à même le sol, pour que l'enfant y accède seul... Dans les pratiques, on constate que la méthode Loczy a des répercutions sur les repas ; L'accueillante donne le repas à un enfant à la fois , les autres doivent attendre. Quant aux bébés, les plus petits prennent leur repas sur les genoux , les autres dans une chaise haute. Cette méthode impacte aussi sur les activités d'éveil : sont proposées les activités d'éveil aux enfants volontaires et non pas aux groupes complets, car selon la méthode Loczy l'enfant doit être à l'initiative de son jeu. L'adulte met le climat favorable au jeu et à l'apprentissage mais en doit pas incité, influé ou orienté le jeu de l'enfant.Enfin, en ce qui concerne la pédagogie, les équipes ne jouent pas avec les enfants. * 53 BERNARD GOLSE , 2010, «Que sont parents et bébés devenus propos de l'enfant et de l'enfance Page 111-121 |
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