Chapitre II : Les huiles
végétales
I. Généralités sur les huiles
végétales
1. Historique
À un moment donné de la préhistoire, on
inventera le pressoir à huile. On ne sait pas à quand remonte
exactement cette invention, mais on a retrouvé des mentions à ce
sujet dans les écrits védiques de l'Inde ancienne, tandis que,
dans le bassin méditerranéen, les pressoirs se répandent
à partir du 3e millénaire avant notre ère.
L'histoire des huiles végétales et de leurs usages sera
directement liée aux avancées technologiques qui ont permis de
passer, au fil du temps, du pressoir à main rudimentaire à
l'expeller moderne (ou presse à vis sans fin) en passant par l'ouvrage
gigantesque creusé dans le rocher ou bâti en pierre, et
alimenté par le courant d'une rivière.
Les premières huiles seront celles que l'on tire de
l'olive, à l'Ouest, et de la graine de sésame, à l'Est.
Leur extraction n'exigeait aucune cuisson préalable et ne demandait
qu'une force mécanique relativement faible, que pouvait fournir
l'être humain ou l'animal de trait. Elles resteront pendant longtemps les
seules huiles comestibles. On ne les employait que parcimonieusement, car elles
étaient dispendieuses. Puis, s'ajouteront les huiles de fruits secs -
noix, noisette, pistache, etc. - des fruits de divers palmiers - cocotier, noix
de palme, noix palmiste et, plus récemment, celles des graines de
moutarde, colza et coton. Avec l'avènement de l'ère industrielle,
on mettra au point des procédés de raffinage permettant
d'extraire l'huile de matières réfractaires à la simple
pression à froid (soya, maïs, pépins de raisin). Dans
certains cas, on les désodorisera pour éliminer les principes
amers qui, autrement, en limiteraient la comestibilité. L'huile qui,
jusque-là, était essentiellement extraite mécaniquement
dans des pressoirs artisanaux, deviendra un produit de consommation courante
et, toutes proportions gardées, son prix ne cessera de baisser.
2. Définition
L'huile végétale est une matière
grasse,onctueuse et épaisse, souvent liquide à température
ambiante et qui est insoluble dans l'eau, les huiles se composent de lipides
formées de triglycérides composés des molécules des
acides gras estérifiées par le glycérol (une
molécule d'alcool). Se sont des composants majeurs de l'énergie
du corps humain, car les matières grasses fournissent des calories en
grand nombre .les huiles les plus importantes de nos jours sont les
huiles de soja,colza,olive.
II. Composition générale des huiles
végétales
Les matières grasses végétales sont
essentiellement constituées d'acides gras représentés par
les triglycérides. A ces acides gras s'ajoutent d'autres constituants
non glycéridiques encore appelés constituants mineurs ou acides
gras libres ainsi que des insaponifiables.
1. Triglycérides
Les triglycérides représentent au moins 95% du
poids des huiles ou graisses brutes et 98 % du poids des huiles ou graisses
raffinées.Ces triglycérides résultent de la combinaison
d'une molécule de trialcool (glycérol) avec trois
molécules d'acides gras. Chaque molécule d'acides gras (R-COOH)
possède une fonction acide (-COOH) qui peut réagir par
estérification avec l'un des trois fonctionsalcool(-OH) du
glycérol pourformer un triester (triglycéride).
Réaction de formation de Triglycéride :
· Classification des acides
gras :
Les acides gras les plus abondants dans l'alimentation sont
les acides gras à chaîne droite comportant un nombre pair d'atomes
de carbone. Leur classification se fera selon deux critères:
ü Selon la longueur de la chaîne
carbonée :
Les longueurs des chaînes couvrent un large
éventail, depuis un acide à 4 atomes de carbone contenu dans le
lait jusqu'aux acides gras à 30 atomes de carbone qu'on trouve dans
certaines huiles de poissons. Ainsi, on distingue:
· Les acides gras à chaîne courte
comportant 4 à 8 atomes de carbones
· Les acides à chaîne moyenne comportant
8 à 12 atomes de carbones
· Les acides gras à chaîne longue
comportant 14 à 18 atomes de carbones
· Les acides gras à chaîne très
longue renfermant 20 atomes de carbones et plus.
ü Selon le degré d'instauration de la chaîne
carbonée :
Le nombre de double-liaison détermine trois groupes
d'acides gras:
a. Les acides gras saturés
(AGS) :
Dans un acide gras saturé chaque atome de Carbone a
ses 4 valences engagées dans des liaisons avec d'autres atomes de
20carbones ou d'hydrogène (ou d'oxygène pour le carbone du
groupement Carboxyle).
Les principaux acides saturés dans les huiles
végétales sont l'acide palmitique (C 16) et l'acide
stéarique (C 18), accessoirement les acides myristiques (C 14) et
lauriques (C 12).
b. Les acides gras mono-insaturés
(AGMI) :
Il s'agit d'acides gras dans lesquels deux atomes de carbone
adjacents de la chaîne ont chacun une valence libre, non saturée,
qu'ils mettent en commun de telle sorte que deux atomes de carbones soient
réunis par une double-liaison. Les principaux acides gras
mono-insaturés dans les huiles végétales sont l'acide
palmitoléique (C16) et surtout l'acide oléique (C18) qui
représente 30 % des acides gras fournis par l'alimentation. Dans la
plupart des acides gras mono insaturés alimentaires, la double-liaison
se situe entre les carbones 9 et 10.
Exemple d'acide gras mono-insaturé: Acide
oléique :
c. Les acides gras polyinsaturés (AGPI)
:
Ce sont les acides gras à 18, 20, et 22 atomes de
carbone qui présentent dans leurs chaînes deux ou plusieurs double
- liaisons séparées par un groupement méthylène
(CH2).
Les principaux AGPI sont l'acide linoléique (18 : 2),
l'acide linolénique (18 : 3) et l'acide arachidonique (20 : 4)
ü Acides gras essentiels
(AGE) :
Les AGE appartiennent aux groupes des AGPI ; mais tous les
AGPI ne sont pas essentiels. Ils sont indispensables à l'homme qui ne
peut ni s'en passer, ni les synthétiser. Ces AGE sont alors
apportés par l'alimentation. Ce sont les acides linoléique, alpha
linolénique et arachidonique. Chez l'homme et les animaux
supérieurs, l'acide linoléique et l'acide alpha
linolénique ne peuvent être synthétisés in vivo,
mais il y a allongement de la chaîne et désaturation entre le
carboxyle et la première insaturation menant à l'acide
arachidonique.
2. Les acides gras libres(AGL) :
Les acides gras libres ne sont pas fixés à une
molécule de glycérol. Se sont les lipides alimentaires qui
contiennent une gamme des constituants qui sont importants pour le maintien de
la santé. Ces constituant non glycéridiques des lipides, encore
appelés constituants mineurs, ne sont mineurs que du point de vue de
leurs concentrations par rapport aux triglycérides.
3. Les insaponifiables :
Les insaponifiables correspondent au sens littéral, a
la fraction d'une huile qui ne peut pas être transformée en
savon.
Ils sont principalement composés suivant les huiles de
:
· vitamines (A, D, E)
· différents stérols (l'analyse de ces
composants donne une carte génétique de l'huile et permet une
identification sure des huiles). Les stérols correspondent à la
signature olfactive d'une huile ; il s'agit de la fraction d'huile
essentielle.
· cires (longue chaine carbonée comprenant de
30 à 60 atomes de carbones)
· hydrocarbures naturels remarquables (par ex.
carotène ou scalène)
III. Méthodes d'extraction des huiles
végétales :
La production des huiles végétales a toujours
été le principal objectif de la culture des graines .Les
méthodes d'extraction ont évolué mais le processus
d'extraction des huiles reste toujours le même.
Généralement il existe quatre méthodes qui sont
basées soit sur l'expression ou la volatilité.
1. Procédé classique ou
traditionnel
Dans les unités d'extraction classique
(traditionnelle), le processus d'extraction d'huile consiste aux
différentes étapes suivantes :
· Broyage : Il est réalisé par des meules
en pierre de granit, qui tournent dans un bac dont le sol est également
en pierre. Ce broyage est réalisé manuellement ou par
l'intermédiaire d'un animal. Cette étape permet donc d'obtenir
une pâte qui contient de la matière solide (débris de
noyaux, d'épiderme, de parois cellulaires, etc.) et des fluides (huile
et eau de végétation, c'est-à-dire l'eau contenue dans les
cellules de la graine).
· Séparation des phases : La pâte produite
est mise sur des scourtins (des disques en fibres végétales).
Ensuite, une extraction de l'huile est réalisée par une pression.
Le pressage génère un sous-produit solide appelée
grignons. Ces grignons sont les résidus solides
récupérés à la suite de la première pression
ou centrifugation. Ils sont constitués par les résidus de la
peau, de la pulpe, et les fragments des noyaux.
· Une séparation par décantation des phases
liquides (huile et eau de végétation) est effectuée. Cette
séparation se fait à l'air libre dans des bacs en ciment, en
faïence ou en argile.
Un sous-produit liquide a été
généré à la fin de cette étape,
appelé les margines. C'est le résidu liquide aqueux brun qui
s'est séparé de l'huile par sédimentation après le
pressage ou centrifugation. Ce liquide a une odeur agréable mais un
goût amer. Cet effluent relativement riche en matières organiques
constitue un facteur de pollution qui crée un problème
réel à l'industrie oléicole.
2. Procédé discontinu ou système
à super presse :
Les graines réceptionnées dans les huileries
traditionnelles passent directement par les étapes suivantes :
· Broyage : il est réalisé par des meules.
Les meules utilisées pour le broyage sont légèrement
décentrées par rapport à l'axe de rotation, ce qui
accentue la possibilité d'écrasement des graines.
· Malaxage : cette étape permet de libérer
le maximum d'huile. Des raclettes ramènent en permanence la pâte
sous les meules qui jouent alors le rôle de malaxeuses. La pâte est
obtenue au bout d'une demi-heure environ.
Figure 2: Malaxage de
la pate
· Séparation des phases : la pâte est alors
placée en couche de 2 cm d'épaisseur environ sur des disques en
fibre de nylon (les scourtins), eux-mêmes empilés les uns sur les
autres autour d'un pivot central (appelé aiguille) monté sur un
petit chariot. L'ensemble est placé sur un piston de presse hydraulique
qui permet de faire subir à la pâte une pression de l'ordre de 100
kg.cm-2. La phase liquide s'écoule dans un bac. Les grignons
restent sur les scourtins. Cette opération dure environ 45 minutes.
Ensuite, chaque scourtin est débarrassé de ses grignons en le
tapant comme lors du nettoyage d'un tapis.
Figure 3 : Pate mise sur des scourtins
· Décantation : l'huile, ayant une densité
inférieure à celle de l'eau, donc elle remonte à la
surface. Il s'agit de la décantation naturelle. Cependant cette
méthode n'est presque plus utilisée, en raison de sa lenteur et
de la difficulté pour bien séparer l'huile de l'eau au voisinage
de l'interface entre les deux fluides. Ce sont des centrifugeuses verticales
à assiettes qui permettent aujourd'hui de séparer l'huile des
margines.
3. Procédé continu :
Il existe deux types du procédé d'extraction
continu : système par centrifugation à trois phases et
système par centrifugation à deux phases.
a. Système d'extraction par centrifugation
à trois phases :
Les graines, une fois réceptionnées, subissent
des traitements préliminaires tels que l'effeuillage, l'épierrage
(enlèvement des pierres) et le lavage afin d'avoir de l'huile de bonne
qualité.
· Broyage : il est réalisé par des broyeurs
mécaniques à disques ou à marteaux. Ces broyeurs peuvent
travailler en continu, la pâte étant obtenue presque
instantanément.
· Malaxage : la pâte est versée dans un bac
en inox modérément fluidifiée avec l'eau tiède,
dans lequel tourne une spirale ou une vis sans fin, également en
inox.
· Séparation des phases : elle consiste à
séparer la partie solide (grignons) de la partie fluide (margines). La
pâte malaxée est injectée par une pompe dans une
centrifugeuse dont l'axe est horizontal (décanteur horizontal).
· Décantation : on utilise des centrifugeuses
verticales à assiettes qui permettent de séparer l'huile des
margines.
b. Système d'extraction par centrifugation
à deux phases :
Les grains subissent les mêmes étapes
d'effeuillage, d'épierrage, de lavage et de broyage, de malaxage et de
décantation que celles du système précédent
à trois phases. Cependant, ce présent procédé
d'extraction des grains fonctionne avec un nouveau décanteur avec
centrifugation à deux phases qui ne nécessite pas l'adjonction
d'eau pour la séparation des phases huileuses et solides contenant des
grignons et les margines.
Ce décanteur à deux phases permet l'obtention de
rendements en huile légèrement plus élevés que ceux
obtenus par le décanteur conventionnel à trois phases et le
système de presse. En outre, il ne procède pas à
l'augmentation du volume des margines.
4. Extraction par solvant:
L'extraction par solvants des huiles et graisse est
essentiellement réalisée industriellement en mettant en contact
la matière oléagineuse à traiter avec un solvant
approprié. On obtient ainsi une solution d'huile dans le solvant ou
mélange dont la concentration varie suivant la qualité du solvant
et la richesse en huile de l'oléagineux traité.
Ce mélange, après filtration et concentration,
est soumis à l'action de la chaleur dans un évaporateur puis dans
une colonne finisseuse sous vide comportant une injection de vapeur pour
l'élimination totale des dernières traces de solvant. Les vapeurs
ainsi produites sont condensées dans des appareils classiques et l'huile
obtenue est refroidie et stockée en attendant le raffinage.
Le solvant condensé est recueilli dans un
séparateur où il est débarrassé de l'eau provenant
de la vapeur injectée et de l'humidité des produits
traités.
Les farines d'extraction retiennent toujours une
quantité de solvant assez importante, que l'on récupère
dans des appareils sécheurs. Là aussi, les dernières
traces de solvant sont chassées à l'aide de vapeur vive ou sous
vide plus ou moins poussé.
L'extraction est réalisée par un appareil de
soxhlet ou un appareil de Lickens-Nickersen.
Figure 4:Appareil de soxhlet à gauche, et
appareil de Lickens-Nickerson à droite
Parmi les solvants utilisables, nous pouvons citer plusieurs
types : les dérivés du pétrole, les solvants
chlorés et les alcools.
IV. Caractéristiques
physico-chimiques :
Après avoir extraire les huiles on va essayer dans ce
cette partie de déterminer quelques indices chimiques qui
caractérisent les matières grasses. Ces indices permettent de
faire quelques estimations sur les masses moléculaires moyennes des
acides gras et des triglycérides déterminés par l'indice
de saponification (I.S), sur le nombre des insaturations par la mesure de
l'indice d'iode (I.I) et sur la teneur en acides gras libres par la
détermination de l'indice d'acide (I.A). On peut également
déterminer la teneur de l'huile en matières insaponifiables et
quelques caractéristiques physiques tels que l'indice de
réfraction et la densité. [8]
1. Les caractéristiques
chimiques :
a. Indice d'acide (I.A)
L'indice d'acide d'un corps gras est la quantité de
potasse exprimée en milligramme nécessaire pour neutraliser les
acides gras libres contenus dans un gramme de corps gras.
Cet indice apporte un renseignement précieux sur la
qualité de la conservation soit des graines soit de l'huile. [9]
I.A : indice d'acide
N : normalité de la solution éthanolique de
KOH
V : volume de la solution éthanolique de KOH
exprimé en ml
m : masse de la prise d'essai d huile en gramme
56,1 : masse molaire de KOH
b. Indice de saponification
(I.S) :
Il correspond au nombre de milligrammes d'hydroxyde de
potassium nécessaires pour la saponification d'un gramme de corps gras
suivant la réaction chimique suivante:
La valeur de l'indice de saponification nous permet d'estimer
les longueurs des chaînes de carbone des acides gras constituants l'huile
d'une part, et de calculer les masses moléculaires moyennes des acides
gras et des triglycérides qui renferment l'huile. [10]
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