La gestion systémique de la crise
financière internationale de 2008 Le cas de deux banques
coopératives
Par
Nabila Ouchene
Sciences de la gestion
(Affaires internationales)
Mémoire présenté en vue de
l'obtention
du grade de maîtrise ès sciences
(M.Sc.)
Août 2015
(c) Nabila Ouchene, 2015
II
Sommaire
La crise financière internationale de 2007-2008 a
été un évènement marquant du XXIe siècle et
considérée comme étant une crise aussi grave que celle de
1929. Une crise systémique provoquée en partie par l'industrie
financière elle-même et le système bancaire principalement
des États-Unis. Celle-ci a plongé l'économie mondiale dans
une récession et qui pour certains, a pris en otage des systèmes
socio-économiques, des pays, des gouvernements, des entreprises, mais
avant tout des personnes. Cependant, la crise n'est pas juste une
épreuve ou une fin. L'idéogramme chinois pour crise signifie
à la fois danger et chance. La sagesse orientale reflète bien la
double nature de la crise qui est à la fois la menace et le potentiel.
La crise financière a révélé beaucoup de choses et
a fait couler bien d'encre depuis 2008 sur l'industrie financière et ses
pratiques parfois hautement risquées et destructrices.
C'est dans le contexte de la crise financière
internationale 2007-2008 que nous avons choisi d'explorer les
conséquences de la crise, la gestion de crises et l'éthique
coopérative dans les organisations que sont les banques
coopératives. En se fondant sur une méthodologie d'étude
de cas comparative, nous avons étudié deux banques
coopératives : le Crédit Agricole (France) et le Mouvement
Desjardins (Canada). En utilisant une revue de presse de chaque cas et des
données financières, nous avons exploré l'impact de la
crise financière sur ces deux banques coopératives, leur
performance financière et leur capacité de gestion de crise
pendant et après la crise. Pour cela, nous avons utilisé un
modèle de gestion de crise, dit le modèle de l'oignon
(Pauchant et Mitroff, 2001), qui englobe quatre niveaux organisationnels
(individu, culture, structure, stratégie/politique). En second lieu,
nous avons également présenté le modèle
l'éthique coopérative de ces banques (Vendrame, 2006).
Ces deux banques coopératives ont un modèle
organisationnel sensiblement différent de l'industrie bancaire car il
favorise la stabilité financière et le développement
durable, tout en prenant en considération l'ensemble des parties
prenantes de son environnement. De plus, de manière
générale, les coopératives financières ont mieux
résisté à la crise financière et ont
émergé comme modèle organisationnel alternatif. C'est
principalement pour ces raisons que nous avons choisi le Crédit Agricole
et le Mouvement Desjardins car elles ont mieux résisté à
la crise financière comparé aux banques dîtes commerciales
ou d'affaires et présentent des caractéristiques
organisationnelles plus ou moins similaires.
Cette étude a donc un double objectif qui vise à
explorer la crise financière internationale 2007-2008 et ses
conséquences sur les deux banques coopératives
sélectionnées en raison de leurs similitudes managériales,
leur internationalisation à différent degré, et leur
modèle organisationnel qui a mieux résisté à la
crise financière. L'autre objectif est de comparer la capacité de
gestion de crise systémique (selon un modèle fondé sur
quatre
III
niveaux de l'individu, culture, structure et stratégie)
de ces deux banques dans le contexte de la crise financière
internationale 2008. L'étude de ces deux cas illustre la
complexité systémique de ce contexte international et
suggère d'autres approches d'analyse de nature interdisciplinaire afin
de les appliquer à l'industrie financière et ses institutions.
L'exploration de l'impact de la crise financière sur
ces deux banques coopératives a révélé des
éléments essentiels quant à leur gouvernance et
l'évolution de leur modèle organisationnel. La culture
coopérative, dont la mission est centrée sur les membres et la
collectivité de la coopérative, a été
altérée par la stratégie d'internationalisation dans le
cas du Crédit Agricole et par la stratégie de diversification des
produits financiers dans le cas de Desjardins. La crise financière
internationale 2008 a affecté non seulement la performance
financière de ces deux banques en général, mais s'est
également répercutée sur l'ensemble de leur environnement
à l'échelle locale. Toute fois, il s'est avéré que
le Mouvement Desjardins a moins été affecté par la crise
financière que le Crédit Agricole en raison de facteurs
principalement structurels et individuels. En effet, comme nous le verrons plus
en détail, le Mouvement Desjardins a pu limiter les pertes
financières beaucoup plus que le Crédit Agricole en raison
principalement de sa structure coopérative qui a maintenu des
activités bancaires de dépôt séparées de
toute entité financière ou d'affaires contrairement au
Crédit Agricole. L'autre facteur ayant joué en la faveur de la
banque coopérative Desjardins est qu'elle ne s'est pas autant
internationalisée stratégiquement sur le marché financier
comme ce fut le cas du Crédit Agricole.
Mots clés : gestion de crises, finance
internationale, banques coopératives, éthique
coopérative.
iv
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes, amis et
professeurs, qui m'ont encouragé et soutenu durant la réalisation
de ce mémoire et m'ont épaulé pendant mes
études.
Tout d'abord, j'aimerai remercier M. Thierry Pauchant, mon
directeur de mémoire, pour son soutien, son expertise, sa patience et
surtout pour m'avoir guidé durant cette importante étape de la
maîtrise qu'est le mémoire.
Ensuite, je souhaite remercier le Centre d'études
Desjardins en gestion des coopératives de services financiers de HEC
Montréal pour l'accès à la base de données de
l'Observatoire international des coopératives de services financiers, et
à l'occasion M. Jean Roy.
Enfin, je remercie ma famille pour leur soutien et
encouragements, en particulier mon père, depuis le début
jusqu'à la fin. Merci encore une fois.
V
TABLE DES MATIÈRES
Sommaire ii
Remerciements iv
Liste des tableaux vii
Liste des figures viii
Introduction 1
Chapitre 1 : Revue de littérature 10
1.1 La gouvernance corporative 10
1.1.1 La gouvernance corporative 10
1.1.2 La gouvernance coopérative 12
1.2 La finance de marché 14
1.2.1 Historique de la finance 14
1.2.2 Définition et enjeux de la finance 16
1.3 La crise financière internationale de 2007-2008 19
1.4 La gestion de crises 25
1.4.1 Les causes potentielles des crises et mécanismes de
défense 27
1.4.2 Les formes des crises et conséquences potentielles
29
1.4.3 Plans et stratégies de gestion de crises 31
1.5 Les banques coopératives 32
1.5.1 Racines historiques 33
1.5.2 Caractéristiques et avantages 34
1.5.3 Contexte et état des lieux 36
1.5.4 De l'éthique coopérative 38
Chapitre 2 : Méthodologie de la recherche
40
2.1 Présentation des cas d'études 41
2.2 Sources des données et codification 43
2.3 Cadre Conceptuel 45
2.4 Modèle organisationnel de la gestion de crise 47
2.4.1 Niveau 1 : caractère des individus au sein de
l'organisation et mécanismes de défense 49
2.4.2 Niveau 2 : culture organisationnelle, croyances et
rationalisations 51
2.4.3 Niveau 3 : structure organisationnelle : infrastructure
consacrée à la gestion de crise 55
2.4.4 Niveau 4 : stratégie organisationnelle : plans,
mécanismes et procédures de gestion de crises 56
2.5 Modèle organisationnel de l'évolution
éthique coopérative 57
vi
Chapitre 3 : Analyse des cas Crédit Agricole vs
Desjardins 61
3.1 Le Groupe Crédit Agricole 61
3.1.1 Historique du Groupe Crédit Agricole 61
3.1.2 La gestion de crise du Crédit agricole 63
3.2 Le Mouvement des Caisses Desjardins 69
3.2.1 Historique du Mouvement Desjardins 69
3.2.2 La gestion de crise de Desjardins 72
Chapitre 4 : Discussion des résultats et
conclusion 80
4.1 Le Crédit agricole et la gestion de crises 80
4.2 Le Mouvement Desjardins et la gestion de crises 86
4.3 Le Crédit Agricole versus le Mouvement Desjardins en
gestion de crise 94
Conclusion 104
Bibliographie 111
Filmographie 123
Annexes 124
Annexe 1 : Indicateurs: Chômage, croissance
économique, production industrielle et dette publique avant et
après la crise financière 2008 124
Annexe 2 : Liste des sources de données 128
Annexe 3 : Mécanismes de défense et
stratégies de gestion de crises systémiques 132
Annexe 4 : Trente-deux rationalisations dangereuses. 133
Annexe 5 : Une vision systémique du design organisationnel
134
Annexe 6 : Entretien radio de George Pauget PDG Crédit
Agricole 134
Annexe 7 : Entretien de Monique Leroux PDG du Mouvement
Desjardins 137
Annexe 8 : la structure organisationnelle du Groupe Crédit
Agricole 139
Annexe 9 : Organigramme Crédit Agricole SA 2003-2014
140
Annexe 10 : Données financières du Crédit
Agricole et Mouvement Desjardins 2005-2011 141
Annexe 11 : Organigramme du Mouvement des caisses Desjardins
145
Notes de fin de document 146
VII
Liste des tableaux
Tableau 1 : Informations institutionnelles du Groupe
Crédit Agricole et Mouvement Desjardins. 42
Tableau 2 : Recherche, sélection et codification des
données. 44
Tableau 3 : Mécanismes de désengagement moral
selon trois cas 52
Tableau 4 : Synthèse de la gestion de crise selon les
quatre niveaux du modèle de l'oignon. 94
Tableau 5 : Liste des sources de données (articles)
128
Tableau 6 : Les mécanismes systémiques et
stratégies systémiques suggérées 132
Tableau 7 : Les trente deux rationalisations de la culture
organisationnelle 133
Tableau 8 : Données financières du Crédit
Agricole. 141
Tableau 9 : Données financières du Mouvement
Desjardins. 143
VIII
Liste des figures
Figure 1: « Masters of the eurozone ». 21
Figure 2 : « Les différents types de crises
organisationnelles ». 30
Figure 3 : Cadre conceptuel. 47
Figure 4 : « Le modèle de l'oignon en gestion de
crise » 49
Figure 5 : « Auto-diagnostique éthique des
coopératives » 58
Figure 6 : «Tendances et prévisions du
chômage mondial, 2003-2018 ». 124
Figure 7 : « Écart global chômage, 2014-2019
» 125
Figure 8 : « Évolution annuelle du chômage
mondial et de la croissance du PIB, 2000-2018 ». 125
Figure 9 : «Croissance mondiale et ses composantes »
126
Figure 10 : «Évolution de la croissance mondial du
PIB, tendances et prévisions, 2013 et 2014» 126
Figure 11 : « Commerce mondial de marchandises »
127
Figure 12 : « Volume de la production industrielle
mondiale » 127
Figure 13 : « Dette publique mondiale actuelle
». 128
Figure 14 : « Une vision systémique du design
organisationnel ». 134
Figure 15: La structure organisationnelle du Groupe
Crédit Agricole (2013). 139
Figure 16 : Structure mutualiste versus structure bancaire
(2014) 139
Figure 17 : Organigramme Crédit Agricole SA 2003 140
Figure 18 : Organigramme Crédit Agricole SA 2007 140
Figure 19 : Organisation du Mouvement Desjardins. 145
1
Introduction
Les évènements de la crise financière
internationale de 2008, déclenchée suite à la crise des
subprimes1 de 2007, ont démontré qu'il y
avait des failles au niveau du système financier international,
principalement en provenance de l'industrie financière des
États-Unis. Ainsi, le bilan de la crise financière internationale
de 2008 s'élève à 422 milliards de dollars É.-U. de
pertes mondiales liées à la crise des subprimes venant
des États-Unis, dont 90 milliards de dollars É.-U. pour les seuls
établissements financiers américains selon l'OCDE (Organisation
de coopération et de développement économiques)
en avril 2008 (Le Monde et AFP, 2008). Le FMI a publié
également en avril 2008, une estimation chiffrée des pertes
liées à la crise globale dont le coût s'établit
autour de 945 milliards de dollars É.-U. générés
par l'exposition des banques au secteur des subprimes (Le Monde et
AFP, 2008). En 2009, le FMI estimait à 2 200 milliards de dollars
É.-U. le montant des pertes totales des banques dans le monde suite
à la crise financière de 2008 (Guinot, 2009). À la fin de
l'année 2013, les pertes de la production mondiale découlant de
la crise se chiffraient à 10 milliards de dollars É.-U., ce qui
équivaut à près de 15 % du PIB mondial et la suppression
de 60 millions d'emplois dans le monde (Poloz, 2014).
La capitalisation boursière mondiale est passée
de 62 747 milliards de dollars É.-U. fin 2007 à 32 575 milliards
de dollars É.-U. fin 2008, soit une chute de 50 % représentant
une perte de 30 000 milliards de dollars É.-U. (Kraft, 2009).
Concrètement, ces pertes, inconcevables dans l'économie
réelle, sont le résultat de la perte de confiance entre les
institutions financières, ou bien le coût de la défiance,
dû aux anticipations du marché, comparé à la valeur
réelle des choses (Kraft, 2009). Les conséquences de cette perte
de contrôle et l'instabilité engendrées sur le
marché financier, à travers la perte boursière globale (30
000 milliards de dollars É.-U. dans le monde) de la crise
financière, se sont particulièrement répercutées
sur les particuliers, les riches propriétaires ainsi que les modestes
épargnants et ce partout dans le monde. Les retraités aux
États-Unis par exemple, dont le système de retraite fonctionne
par capitalisation, ont perdu environ 30 % de leur patrimoine et voire 50 % en
revenus mensuels basés sur ce patrimoine (Kraft, 2009).
Aux États-Unis également, des millions de
ménages ont perdu leurs foyers et ont été expulsés
(3,3 millions au total de saisies de propriétés officiellement
déclarés) suite à l'éclatement de la bulle
immobilière qui a aboutit à la crise des subprimes en
2007 (Bernard, 2012). En outre, en vue d'éviter une baisse de la
consommation qui risquait d'accélérer la récession, les
États-Unis, le Japon, la Chine et les pays européens ont dû
mettre en place des plans de relance qui ont augmenté encore plus
l'endettement public sur le PIB. Ainsi, au total, plus de 2 800 milliards de
dollars ont été déclarés en plans de relance sur
deux ans pour l'ensemble de ces pays (Le Monde, 2009 (c)). Les pays
développés ont la capacité et le levier de financement
pour mettre en place des plans de
2
relance et s'endetter, ce qui n'est pas le cas des pays en
voie de développement, qui ont également été
touchés par la crise financière et la récession
économique mondiale. L'aide publique au développement est faible
dans ces pays et se chiffre à une centaine de milliards de dollars tout
au plus. C'est la raison pour laquelle le président de la Banque
mondiale, Robert Zoellick, avait proposé dans une tribune publiée
le 22 janvier 2009 par le New York Times, que 0,7 % des plans de relance soit
affecté à un fonds en faveur des pays vulnérables à
la crise en déclarant que « les gens des pays pauvres en
Afrique ne devraient pas payer pour une crise née en Amérique
» (Le Monde, 2009 (c), p. 1).
La crise financière a ainsi révélé
des failles et limites du système financier international. Pertes
financières, perte d'emplois, saisies de foyers, augmentation de
l'endettement public et des particuliers, réduction du patrimoine et de
l'épargne, augmentation du nombre de faillites d'entreprises,
augmentation du chômage et de la pauvreté, ces conséquences
traduisent une récession économique touchant des millions de
personnes de part et d'autre du monde depuis 2008 jusqu'à aujourd'hui.
L'ILO (International Labour Organization ou Organisation
internationale du Travail) a établi que près de 201 millions de
personnes étaient au chômage en 2014 dans le monde, soit une
augmentation de 31 millions de plus avant le début de la crise
financière en 2008 (ILO, 2015). En 2014, l'écart du chômage
mondial, qui mesure le nombre d'emplois perdus depuis le début de la
crise, est actuellement à 61 millions d'emplois (ILO, 2014). L'ILO
(2015) conclut, dans son rapport de 2015, que le chômage mondial
continuera d'augmenter les cinq prochaines années, et que si cette
tendance se poursuit durant ces cinq années, il faudra que 280 millions
d'emplois soient crées d'ici 2019 afin de réduire l'écart
du chômage causé par la crise. Les figures 6 à 8 à
l'Annexe 1 (ILO, 2014) montrent l'évolution du chômage avant,
pendant et après la crise financière. La production industrielle
a également été affectée par la crise
financière 2008, ce qui a entraîné une baisse au niveau de
l'indice de production industrielle mondiale en général entre
2008 et 2009. Depuis, la production industrielle et la croissance mondiale
peinent à se relever, en particulier dans les pays
développés, tel que nous pouvons le constater aux figures 9
à 12 (ILO, 2014; CPB, 2015) présentés à l'Annexe 1.
De même que pour l'endettement public, ce dernier a
considérablement augmenté depuis la crise financière de
2008. Ainsi, approximativement, la dette publique globale dans le monde
était de 29 mille milliards dollars É.-U. en 2007 et de 53 mille
milliards dollars É.-U. en 2014 (The Economist, 2015). La
figure 13 de l'Annexe 1, intitulée «The global debt clock
» mesure la dette publique mondiale et par pays (2004-2015) en temps
réel (The Economist, 2015).
C'est dans ce contexte de crise systémique
financière internationale que s'inscrit notre étude. Nous allons
appliquer des approches exploratoires différentes issues du management,
notamment la gestion de crise et l'éthique, spécifiquement la
gouvernance éthique coopérative. Nous allons tenter
d'évaluer l'impact des facteurs issus du modèle de l'oignon
(individus, culture, structure et stratégie) en gestion de crise
des institutions
3
financières coopératives et leur performance
dans le contexte de la crise financière internationale 2008. Nous avons
choisi les banques coopératives en tant qu'institutions
financières comme cas d'étude et de recherche car elles sont
sensiblement différentes des banques commerciales et d'affaires comme
nous le verrons ultérieurement. Elles différent de par leur
modèle d'affaire et les fondements de leur modèle organisationnel
que nous exposerons à la revue de littérature. En effet, elles
représentent un cas particulier qui mérite un approfondissement,
en raison de leur efficacité démontrée dans une
conjoncture de crise financière difficile pour l'ensemble des
institutions financières au monde (Sammae, 2011).
Les deux cas d'étude de banques coopératives
sont le Crédit Agricole (France) et le Mouvement Desjardins
(Québec, Canada). L'étude de cas est fondée sur une
méthodologie de recherche principalement qualitative qui nous permettra
d'explorer en comparant, les processus de gestion de crise et l'éthique
coopérative de ces deux banques dans le contexte de la crise
financière internationale 2008. Il s'agit également d'analyser
l'impact des conséquences de la crise financière de 2008 et la
gestion systémique de la crise sur la performance financière de
ces deux banques les cinq années suivant la crise. Le principal objectif
de cette recherche est donc une comparaison entre ces deux banques
coopératives fondée sur des critères organisationnels et
stratégiques de type international et non sur une comparaison culturelle
entre la France et le Québec.
Le Crédit Agricole et le Mouvement Desjardins sont
toutes les deux des banques ayant un modèle organisationnel
coopératif, sont à peu près de la même taille en
termes de nombre de sociétaires. Elles ont également une
structure et culture hybride qui allie le coopératif et le bancaire
commercial. Elles ont été toutes les deux fondées entre la
fin du XIXe et le début du XXe siècle et dans un milieu
historiquement francophone. Nous décrierons plus en détail ces
deux institutions financières au chapitre 3. Nous avons choisi ces deux
banques coopératives afin de comparer leur processus de gestion
systémique de crise car elles sont relativement similaires en terme
managérial, se sont internationalisées mais à un
degré variable, et ont évolué dans une culture
coopérative historiquement francophone. Toutefois, en dépit de
leurs caractéristiques communes, Desjardins a été beaucoup
moins affecté que le Crédit Agricole au lendemain de la crise
financière, et c'est également pour cette raison que nous avons
choisi d'explorer ces deux cas. Le but est d'identifier et comparer les
éléments ou mécanismes du processus de gestion de crise
(sur la base du modèle organisationnel, dit de l'oignon
(Pauchant et Mitroff, 2001), composé de quatre niveaux que sont
individus, culture, structure, et stratégie et qui ont permis à
Desjardins de mieux parer à la crise financière que le
Crédit Agricole. En se fondant sur ce modèle de gestion de
crises, nous explorerons également l'évolution de
l'éthique coopérative (Vendrame, 2006). Sur le plan
international, en explorant les causes et conséquences de la crise
financière internationale 2008, l'objectif est de comparer, en
parallèle à la gestion de crise, le degré
d'internationalisation de chacune de ces deux banques et l'impact de leur
exposition à la crise internationale sur leur performance
financière et organisationnelle.
4
Il est important de souligner que les crises ne sont pas
seulement négatives mais comportent aussi des aspects positifs. En
effet, l'avantage paradoxal de l'émergence d'une crise, est
révélateur et permet de mieux percevoir ce qui était
précédemment moins visible, moins transparent. « [...]
l'étude des crises est particulièrement instructive pour
toute personne intéressée par le comportement organisationnel et
ses effets sur nous-mêmes, nos communautés, notre
société et notre fragile planète » (Pauchant et
Mitroff, 2001, p. 21). Cependant, la crise est par nature un terrain
d'ambiguïté car il n'y a pas de réponse unique toute faite :
c'est un domaine d'étude en constante évolution et ne peut
à aucun moment disparaître (Lagadec, 1991). De plus, selon
Roux-Dufort (2000), dans des sociétés où les crises
prolifèrent et deviennent courantes dans la gestion des affaires et sont
amplifiées par les technologies de l'information et communication, les
entreprises auraient davantage à capitaliser sur elles-mêmes pour
engager des changements et transformations dans leur mode de gestion. Nous
voyons donc la crise comme une opportunité d'investigation,
d'apprentissage et de changement pour les personnes et organisations. Ainsi,
c'est dans ce raisonnement exploratoire, qu'est ancrée toute
notre démarche d'étude des mécanismes de la gestion
systémique de crises et de l'éthique coopérative, au
niveau de deux banques coopératives dans le contexte de la crise
financière internationale 2007-2008.
Spécifiquement, le but de ce mémoire est
d'explorer la dimension comportementale organisationnelle et humaine en se
fondant sur la gestion systémique de crises et l'éthique
coopérative. Ceci, en s'appuyant sur le contexte de la crise
financière internationale 2008 et le modèle organisationnel des
banques coopératives. En effet, la gestion d'opérations
financières est décidée et exécutée par des
personnes, qui sont assujetties à leur psychologie, leur
personnalité, leurs systèmes de valeurs, leurs
intérêts, leur culture et à leur nature humaine complexe.
En outre, des facteurs exogènes (technologiques, institutionnels,
macroéconomiques, juridiques etc.) contribuent également à
complexifier le système financier international et les mécanismes
de génération de profits dans l'industrie financière.
Les pratiques financières complexes et
technologiquement sophistiquées, issues du marché des produits
financiers dérivés, sont appliquées par des individus. Or
ces derniers sont animés par des idées reçues, des
valeurs, des pensées, des jugements, des traits psychologiques et
surtout des intérêts personnels. Pour certains auteurs, que nous
verrons, les facteurs intrinsèques tels que la culture organisationnelle
et les mentalités des individus jouent un rôle considérable
et façonnent la culture, non seulement au niveau organisationnel mais
aussi industriel. Ainsi, il serait intéressant d'explorer les dimensions
socio-humaines et organisationnelles de la crise financière et ses
conséquences sur les deux cas de banques coopératives. Susan
Webber2, Ex-employée de Goldman Sachs, décrit le
marché financier américain dans un entretien vidéo
(Léon, 20113) :
5
« Dans les années 80 et 90, il s'est
passé deux choses : premièrement, le marché du
crédit est devenu plus important et plus risqué, mais aussi plus
rentable; deuxièmement, le marché des produits financiers
dérivés s'est développé. Or, il est très peu
réglementé, et c'est devenu un énorme marché durant
les années 90. Le fait est que ces deux domaines de la finance soient
aussi rentables et si peu régulés, ont gagné soudain
beaucoup d'argent, [et] a donné une place beaucoup plus importante aux
traders. Or les traders sont des prédateurs. Le but des traders c'est de
prendre aux autres tout ce qu'ils peuvent, ils fonctionnent selon la loi de la
jungle [...] Et comme ces gens prenaient du pouvoir chez Goldman Sachs, leur
mentalité est devenue prédominante. Les traders traitaient les
gens du département banque d'affaires de « socialistes » parce
qu'ils étaient payés par équipe! Tout marche à
l'envers, la finance est censée servir les entreprises,
soutenir l'industrie, aider l'économie à se développer,
donc elle ne devrait pas prélever trop d'argent, sinon ce n'est pas un
soutien, elle devient un parasite. Et le deuxième problème, c'est
qu'il est beaucoup plus rentable de détruire l'économie que de la
soutenir» (Léon, 2011).
Il est donc essentiel de reconnaître et prendre en
considération la dimension humaine dans la gestion des activités
financières, et en particulier, les caractères inhérents
à la nature humaine, que sont l'intérêt personnel et
l'auto-préservation. Ces deux caractéristiques psychologiques
sont nécessaires pour tout être humain en vue de se
prémunir contre les agressions extérieures mais également
de se créer une situation qui lui est « avantageuse », non
seulement pour lui-même, mais aussi pour son proche entourage (Carey,
2013). Au XVIIIe siècle, Adam Smith avait déjà
relevé l'importance du rôle de l'intérêt personnel
des acteurs qui interagissaient sur le marché économique (Carey,
2009). En effet, selon Smith, c'est tout à fait naturel que chacun(e)
« soit profondément intéressé(e) par tout ce qui
concerne immédiatement le soi-même » (Carey, 2009, p. 3,
notre traduction) que par ce qui pourrait concerner d'autres personnes. En
l'occurrence, après le « soi-même »,
l'intérêt personnel décroit d'intensité à
mesure que cela concerne la famille, puis les amis, le voisinage, la nation et
finalement le monde entier (Carey, 2009).
En d'autres termes, si nous appliquions cette réflexion
aux acteurs interagissant sur le marché financier et qui manipulent de
nombreuses opérations financières, cela reviendrait à
intégrer fondamentalement le principe de l'intérêt
personnel qui est inné aux êtres humains. Autrement dit, les
acteurs financiers ou même des particuliers sont fondamentalement
animés par l'intérêt personnel. Ce facteur pourrait ainsi
influer significativement
6
(positivement ou négativement) sur leur morale, leurs
principes, leur motivation à prendre des risques et leur rapport
à des actions de nature frauduleuse. D'où, Adam Smith, a
conceptualisé le rôle majeur de l'intérêt personnel
au niveau des rapports entre les acteurs du marché dans la
création de richesse, mais aussi la possibilité d'actes menant
à l'injustice par des délits de fraude ou d'abus de confiance par
exemple. Il préconisa donc que la régie des forces du
marché, découlant de l'interaction des intérêts
personnels entre les acteurs économiques, devait être soumise
à la protection par la loi, mais tout en garantissant la liberté
(Carey, 2009). Ainsi, pour Smith, l'intérêt personnel est :
« La constante uniforme et l'effort ininterrompu de
chaque homme pour améliorer sa condition [...] Le principe par lequel la
richesse publique et nationale, ainsi que privée est originellement
stimulée [en étant] protégé par la loi et permis
par la liberté afin de se développer de manière à
être la plus avantageuse [...] » (Carey, 2009, p. 3, notre
traduction).
En explorant la dimension humaine et comportementale de
l'industrie financière dans le contexte de la crise financière et
de ses liens étroits avec le management, cela pourrait suggérer
l'influence de cette dimension sur les pratiques financières dans les
institutions financières en général et
spécifiquement dans les deux banques coopératives
étudiées. La crise financière de 2008 a mené
inévitablement à l'aube du XXIe siècle à la remise
en question du système financier et à l'émergence de
notions de responsabilité sociale, de l'éthique financière
et la relance du débat sur la régulation des marchés dans
l'industrie financière : par exemple la réinstauration du
Glass-Steagall Act4 aux États-Unis. Cet acte
juridique, instauré en 1933 et abrogé en 1999 durant la
présidence de Bill Clinton, établissait une séparation
entre les activités des banques commerciales (récoltant les
dépôts financiers et accordant des prêts aux particuliers et
entreprises) et celles des banques d'investissement (spéculant et
structurant les opérations et financement de marché). Cependant,
au-delà des pratiques financières douteuses des banquiers,
courtiers et traders, la source de la crise se situe également dans le
système de gouvernance économique et financier lui-même.
C'est un système porteur de crises dont la crise financière de
2008, devenue par la suite une crise économique, a exposé la
sous-évaluation fondamentale du risque au début des années
2000 des principaux acteurs du marché financier, notamment les
institutions financières, les investisseurs, les régulateurs, les
banques centrales et les agences de notation (Bricongne et al, 2009).
La crise a également révélé un
système où l'économie réelle a été
peu à peu recalée au profit d'une financiarisation de
l'économie de marché. Selon certains auteurs tels que nous le
verrons, cette financiarisation de l'économie dominée par
l'industrie financière est en partie la conséquence de politiques
de déréglementations, de libéralisations et politiques
monétaires à partir des années 1980, principalement aux
États-Unis et au Royaume-
7
Uni. Or l'essence et la nature même de la finance en
font à l'origine le mécanisme et le support de la création
de richesse et l'emploi, et ce pour développer et maintenir la
croissance de l'économie réelle. Il est prouvé qu'un
système financier fonctionnel est essentiel pour le bon fonctionnement
de l'économie et dans l'histoire de la finance, l'innovation
financière a joué un rôle important dans la croissance
économique (Stiglitz, 2010). Cependant, cette financiarisation de
l'économie est aussi en partie, selon certains auteurs, le
résultat d'une vision scientifique de l'économie et tendrait plus
vers la finance (Fourcade, Ollion et Algan, 2014; Naim, 2015; Zingales, 2015;
Cecchetti et Kharroubi, 2015; Taylor, 2015).
« [En 2005] The Journal of Economic Perspectives
révèle que 77% des doctorants en économie inscrits dans
les plus prestigieuses universités américaines pensent que «
l'économie est la science sociale la plus scientifique ». Pourtant,
seuls 9% des sondés estiment qu'il existe un consensus s'agissant des
réponses à apporter aux questions fondamentales posées par
les sciences économiques » (Naim, 2015, p. 1).
L'objectif de l'étude est donc de comparer les
conséquences de la crise financière sur les deux banques
coopératives choisies qui ont mieux résisté à la
crise comparé aux autres institutions financières, mais qui ont
tout de même été affectées à un degré
différent. En effet, le Mouvement Desjardins s'est plus rapidement
rétabli de la crise financière et a pu limiter
considérablement les pertes comparé au Crédit Agricole
comme nous le verrons. Ce degré de différence entre ces deux
banques, lié à l'impact de la crise financière, sera
exploré selon approches : managériale via la gestion de crise et
l'éthique coopérative; internationale en analysant les
conséquences de leur exposition internationale à la crise
financière de 2007- 2008; et enfin une approche financière via
les impacts financiers de la crise sur leurs résultats. Il ne s'agit pas
seulement d'explorer ces mécanismes et leurs conséquences, mais
aussi de tenter d'appliquer des approches analytiques différentes sur le
domaine de la finance, autrement que par les préceptes, théories
et applications financières.
C'est donc en cela la contribution de cette étude.
Autrement dit, il s'agit de démontrer au niveau organisationnel et
comportemental humain, que pour prévenir les crises et maintenir la
performance financière, une gestion maîtrisée et
responsable des pratiques financières et des risques financiers et
technologiques est également nécessaire et primordiale. Nous
pensons que cette approche fondée sur la gestion de crises et
l'éthique coopérative peut contribuer à une meilleure
gestion d'organisations que sont les banques coopératives choisies, dans
un contexte international. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'écarter ou
de discréditer les approches scientifiques de l'économie et la
finance jusque là dominantes dans l'industrie financière, mais
simplement mettre davantage l'emphase sur une approche comportementale
organisationnelle et humaine des gestionnaires et dirigeants dans
8
les coopératives financières. En effet, le FMI,
la Banque mondiale et le Forum de Davos concordent leur conclusions sur le fait
que les changements effectués depuis l'émergence de la crise
financière de 2007-2008 demeurent insuffisants (IMF, 2014; WEF, 2013;
Mussa, 2009). Notamment, il reste beaucoup à faire au niveau de
l'infrastructure, de la réglementation, la culture et de
l'éthique (Pauchant et Franco, 2014).
C'est la raison pour laquelle nous avons choisi comme
modèle organisationnel et d'étude les banques
coopératives. De par leurs fondements, elles détiennent une
certaine capacité organisationnelle à atteindre plus ou moins cet
équilibre entre une génération de profits à partir
d'opérations bancaires et financières et une gestion responsable
et prévenante axée sur les personnes et la prise en
considération de l'ensemble des parties prenantes. Cette approche
managériale reconnaît que des organisations telles que les
institutions financières ne sont pas des entités
gérées par des dirigeants et gestionnaires uniquement rationnels
car « Diriger ou gérer, c'est essentiellement porter des
jugements de valeur, peu importe le milieu organisationnel»
(Béland, 2007, p. 397).
Enfin, comme nous le verrons par la suite, l'approche
interdisciplinaire, dans un contexte systémique international tel que la
crise financière de 2008 englobant différentes dimensions
inter-reliées (économique, politique, historique,
organisationnelle, financière, socio-humaine, culturelle, technologique
etc.), permet d'avoir une vision globale ou systémique et non
fragmentée de la problématique. En effet, selon Lagadec (1991),
l'étude de crise systémique nécessite des investissements
théoriques de plus grande ampleur pour se rapprocher d'une
synthèse solide :
« Il s'agit en effet de reprendre nombre de
disciplines ou approches théoriques (science politique, science de la
décision, science administrative, théorie des organisations,
psychologie, sociologie, psycho-sociologie, droit, ergonomie mentale, sciences
cognitives etc.) pour voir ce qu'elles peuvent dire des situations limites,
comment elles peuvent fonctionner ensemble sur ce terrain qui échappe
à toute approche partielle, comment aussi elles peuvent oeuvrer, chacune
pour elle-même et dans l'ensemble, dans l'urgence » (Lagadec, 1991,
p. 16).
C'est pour cette raison que nous allons tenter d'appliquer
à cette recherche des dimensions managériale, socio-humaine,
internationale et financière, et ce tout en prenant en
considération que la discipline des affaires internationales permet
justement de développer une vision globale et polyvalente en explorant
différentes disciplines.
9
Notre problématique de recherche
étant comme suit : Dans le contexte de la crise
financière internationale de 2007-2008, quels sont les facteurs du
modèle de la gestion de crise (individus, culture, structure,
stratégie) et l'éthique coopérative qui ont permis au
Mouvement Desjardins de mieux gérer la crise financière
comparé au Crédit Agricole?
Nous allons traiter de la problématique ci-dessus selon
les quatre chapitres suivants : la revue de littérature (chap. 1); la
méthodologie de recherche et cadre conceptuel (chap. 2); l'analyse de
données (chap. 3) ; la discussion des résultats (chap. 4) et
enfin la conclusion.
La gouvernance est définie, selon la notion classique,
comme étant « un ensemble des mécanismes internes et
externes, qui servent à aligner les intérêts des dirigeants
aux intérêts des actionnaires et des autres parties
10
Chapitre 1 : Revue de littérature
Les perspectives d'analyse de la gestion de crises et
l'éthique coopérative d'une part, le modèle d'affaire des
banques coopératives d'autre part, seront traitées après
avoir introduit la gouvernance corporative et le contexte financier
international dans lesquels évoluent les banques coopératives. En
effet, le marché financier actuel est caractérisé par
l'« effet de levier supérieur du capitalisme financier
», mécanisme principal qui est à la base du
système financier international. Il s'agit d'une forme de capitalisme de
marché dont les capitaux et les flux de liquidités sont hautement
concentrés au niveau de l'industrie financière depuis la fin des
années 1980 (Nielson, 2010). Ensuite, nous exposerons une revue
littéraire traitant des mécanismes qui ont conduit à la
crise financière internationale de 2007-2008 et comment les banques
coopératives ont en été affectés. En second lieu,
nous verrons la gestion de crises, l'éthique coopérative et le
modèle organisationnel des banques coopératives. Notamment,
l'objectif principal de la revue de littérature est de mettre en
lumière :
? le fonctionnement du marché financier international;
? les mécanismes de la crise financière et ses
effets sur les banques coopératives;
? le modèle organisationnel des banques
coopératives;
? les stratégies de la gestion de crises et
l'éthique coopérative;
Le management et la finance sont des disciplines appartenant
à une autre discipline académique bien plus large : la
gouvernance corporative (Verstegen et al., 2010). La gouvernance corporative
comprend les rôles, responsabilités et balance de pouvoirs entre
les cadres supérieures, directeurs et les actionnaires (Verstegen et
al., 2010). Les trois dimensions, loi, management et finance sont essentielles
à la compréhension et la maîtrise de la gouvernance
corporative et sont inter-reliées.
1.1 La gouvernance corporative
À cette section, nous allons d'abord introduire la
gouvernance corporative sur laquelle est fondée toute organisation
privée ou publique. Ensuite, nous présenterons la gouvernance
coopérative et ses spécificités sur laquelle sont
bâties les coopératives en général et les banques
coopératives.
1.1.1 La gouvernance corporative
11
prenantes de la firme » (Semmae, 2011, p.1). La
gouvernance d'entreprise ou corporative est définie, selon l'OCDE, comme
étant :
« [des] relations entre la direction d'une
entreprise, son conseil d'administration, ses actionnaires et parties
prenantes. Il détermine également la structure par laquelle sont
définis les objectifs d'une entreprise, ainsi que les moyens de les
atteindre et d'assurer une surveillance des résultats obtenus. Un
gouvernement d'entreprise de qualité doit inciter le conseil
d'administration et la direction à poursuivre des objectifs conformes
aux intérêts de la société et de ses actionnaires et
faciliter une surveillance effective des résultats obtenus »
(Semmae, 2011, p. 1-2).
Par ailleurs, la gouvernance corporative peut être
également définie selon une vision autre que celle actionnariale
de la gouvernance telle que définie précédemment. En
effet, selon une vision partenariale de la gouvernance, celle-ci peut
être abordée comme étant une structure des droits et des
responsabilités entre les parties prenantes d'une firme (Semmae,
2011)5. La gouvernance corporative est ainsi composée de
trois formes de responsabilités : stratégique, fiduciaire et
juridique.
La responsabilité stratégique
est établie par l'agencement stratégique des rapports
entre la direction, conseil d'administration, actionnaires et parties prenantes
en vue de minimiser les conflits et maximiser la création de richesse.
D'où la théorie d'agence qui représente un socle
fondamental à la gouvernance corporative, du point de vue de la
responsabilité stratégique, puisqu'elle permet d'illustrer la
relation entre dirigeants et actionnaires afin d'expliquer des conflits
susceptibles d'influencer la performance de l'organisation, appelés
coûts d'agence (Semmae, 2011). La responsabilité
fiduciaire est déterminée par la manière dont la
sphère publique perçoit la valeur et la validité
économique de l'organisation fondées sur la confiance. Ainsi, une
compagnie ou entreprise se doit de maintenir sa responsabilité
fiduciaire vis-à-vis des différentes parties prenantes, de sorte
que ces dernières aient confiance en ses capacités à
remplir ses engagements et obligations économiques (Hansell, 2003; Monks
and Minow, 2003). La responsabilité juridique fait
référence aux droits régissant les responsabilités
entre les parties prenantes de la firme et les règlements issus des
autorités ou institutions publiques que la firme doit appliquer. Cette
responsabilité de la gouvernance corporative inclut également la
notion de déontologie ainsi que l'éthique corporative.
12
La gouvernance corporative du secteur bancaire est
particulière car les banques sont soumises à une gouvernance dont
les contraintes des mécanismes internes et externes sont plus
accentuées. Ceci est lié à l'orientation de leurs
activités caractérisées par les risques inhérents
à leurs opérations financières (Semmae, 2011). En effet,
les banques instaurent des mécanismes internes et externes dont
l'objectif principal est de contrôler l'activité du dirigeant afin
de mieux orienter « stratégiquement » son comportement dans le
but de générer du profit. Les mécanismes internes sont
relatifs à des dispositifs imposés par des réglementations
d'ordre interne (contrôle interne, audit externe, chartes et statuts,
etc.). Les mécanismes externes sont des règlements à
caractère « juridique » le plus souvent issus d'entités
et/ou autorités publiques nationales et internationales (Accords de
Bâle (I; II; III)6, normes IAS/IFRS7, règles
de transparence d'information financière, lois bancaires,
autorités des marchés financiers, etc.) (Semmae, 2011).
Cependant, à la différence des banques commerciales, les banques
coopératives sont sujettes à une gouvernance corporative plus
démocratique au niveau des dirigeants et des sociétaires tel que
nous le verrons ultérieurement à la revue de littérature.
De ce fait, ce type de gouvernance est plus axé sur les
responsabilités fiduciaires et juridiques et/ou éthiques.
Le rôle éthique de la gouvernance consiste
à encourager les aspirations profondes d'une communauté qui vise
le « mieux vivre » et ce, en prenant en considération
l'ensemble de valeurs telles que l'intégrité, le respect, la
liberté, la prudence, l'équité, la solidarité etc.
(Pauchant, 2008). L'éthique, émanant de la philosophie morale et
la politique, demeure l'aspect de la gouvernance le moins
développé comparé aux aspects fiduciaire,
stratégique et juridique (Chait et al., 2004; Gold and Dienhart, 2007).
En effet, dans le domaine scientifique de l'éthique, de nombreux auteurs
ont une vue pluraliste de l'éthique (Airhart et al., 2002; Bevan and
Hartman, 2008; Boisvert, 2007; Fontaine et Pauchant, 2008; Gibbs, 2003; Gold
and Dienhart, 2007; Hinman, 1998; Philipps, 2008; Samuelson, 2006; Taylor,
1989). Dans un contexte de gouvernance, ces traditions morales influencent les
perceptions et les décisions. Cependant, cette influence demeure
cachée car ces morales sont fondées sur l'identité
existentielle et la culture profondément ancrée chez les
individus (Taylor, 1989). Ces différences entre les traditions morales
deviennent particulièrement cruciales et marquées dans un
contexte international, multiculturel et global. Cela suggère que les
individus appartenant à différentes cultures auraient des
principes moraux influencés par leur culture, mais ce domaine
nécessite davantage de recherche académique (Robertson and
Crittenden, 2003; Pauchant et al., 2007).
1.1.2 La gouvernance coopérative
Selon le FMI (2007), le courant littéraire et les
législateurs accordent peu d'attention aux défis liés
à la gouvernance spécifique des coopératives. En effet, il
n'y a pas assez de travaux internationaux d'uniformisation et d'organismes
d'élaboration de politiques sur la gouvernance des coopératives
et mutuelles (Cornforth, 2002). Les principes de gouvernance corporative de
l'OCDE se focalisent sur la gouvernance externe des sociétés
cotées. Les
13
Comités de Bâle I et II se concentrent davantage
sur les mécanismes de gouvernance internes des banques en
général. Ceci implique donc des risques potentiels de gouvernance
dans les banques coopératives qui peuvent échapper à
l'attention or être mal compris par les gestionnaires (IMF, 2007).
Cependant, tel que vu précédemment, dans une optique de
gouvernance corporative fondée sur les responsabilités
stratégiques, fiduciaire et juridique/éthiques, nous allons
tenter de présenter un aperçu littéraire de certains
auteurs sur la gouvernance du mouvement coopératif.
Le mouvement coopératif est apparu au courant du XIXe
siècle et lancé par des acteurs économiques, issus souvent
de la classe moyenne, ayant pour objectif de réorganiser collectivement
leurs activités (approvisionnement, emploi, commercialisation,
financement etc.) dans le contexte de la révolution industrielle et
l'expansion de l'économie de marché (Vienney, 1980 (a)).
Dès 1900 lors de l'Exposition universelle de Paris, les
coopératives ont été présentées comme
composante non seulement d'une économie coopérative, mais
également d'une économie sociale. Le mouvement coopératif
s'est inscrit très tôt dans une mouvance internationale
entraînée par la dynamique associative du mutualisme et
syndicalisme (Malo et al., 2006).
Juridiquement, la gouvernance des coopératives est
caractérisée par des principes coopératifs uniques
découlant d'un ensemble de postulats moraux et dont les règles
juridiques dérivent (Desroche, 1976). La législation sur les
coopératives a été initiée par les pionniers de
Rochdale8 qui ont émis des principes coopératifs
lorsqu'ils ont fondé leur Société des pionniers
équitables de Rochdale en 1844 (Malo et al., 2006). Ces principes
coopératifs étaient caractérisés par une vision
différente concernant les rapports entre l'économie et la
personne humaine et ont donné lieu à des règles juridiques
coopératives telles que l'adhésion libre du membre à la
coopérative, le contrôle démocratique (un membre
égale un vote), des ristournes au prorata des achats des membres et un
taux limité de rémunération du capital (Lambert, 1965).
Par la suite, les principes coopératifs sont devenus une source
d'inspiration pour les lois nationales portant sur les coopératives,
pour les règlements de régie interne coopérative et des
pratiques coopératives en général (Malo et al., 2006).
Aujourd'hui, avec la financiarisation de l'économie et la mondialisation
de la production et des marchés, cela crée davantage de pressions
sur l'emploi et la consommation. Cela aboutit à de nouvelles
générations de coopératives aux côtés des
associations prenant source dans la nouvelle économie sociale et
solidaire (Malo et al., 2006). Dans ce contexte, la notion d'éthique
coopérative est devenue de plus en plus présente dans la
littérature et présentée comme une responsabilité
face aux défis posés par l'économie de marché
vis-à-vis des coopératives et de leur identité sociale et
économique. En effet, à la fin du XXe siècle, il y a eu
une augmentation du nombre d'écrits portant sur l'éthique
coopérative dans le courant de la responsabilité sociale de
l'entreprise (Malo et al., 2006). Nous consacrerons une section
littéraire portant sur l'éthique coopérative
ultérieurement à ce chapitre à la section des banques
coopératives.
14
Du point de vue de la gouvernance stratégique, le
mouvement coopératif revêt une panoplie de formes
coopératives. Il y a d'abord les anciens mouvements coopératifs,
principalement agro-alimentaires et financiers. Ces derniers se sont
transformés avec l'avènement de l'économie de
marché en grands groupes coopératifs contrôlant des
filiales d'actionnariat et dont la propriété peut être
partagée entre des acteurs capitalistes (Malo et al., 2006). D'autre
part, avec l'émergence de la nouvelle économie sociale et
solidaire en réponse au mouvement de l'altermondialiste, nous
retrouvons, en particulier via la responsabilité équitable, une
autre forme de coopérative aux côtés des organismes
à but non lucratif (Malo et al., 2006). En définitive, dans le
contexte de l'économie de marché, la coopérative
détient un rôle d'agent de transformation et d'adaptation car elle
permet à l'entrepreneur et aux catégories sociales
défavorisées ou perturbées par le marché
capitaliste (artisans, paysans, agriculteurs etc.) d'accéder à un
certain pouvoir et de s'autonomiser. Elle permet également aux membres
coopératifs de réorganiser leurs activités pour pouvoir
s'adapter au marché et s'y intégrer (Vienney, 1980 (a)). En
d'autres termes, la coopérative englobe un ensemble de liens de par ses
responsabilités stratégique, fiduciaire et juridique et/ou
éthique. Dans cette optique de gouvernance des coopératives, nous
allons explorer les contextes de la finance de marché et la crise
financière 2007-2008 dans lesquels ont évolué les deux
banques coopératives choisies.
1.2 La finance de marché
1.2.1 Historique de la finance
Historiquement, la finance et ses activités sont
apparues en même temps que les activités marchandes. En effet,
dès le XIIIe siècle, dans le contexte de l'intensification des
échanges entre les Flandres et le nord de l'Italie, les Génois
ont pratiquement tout inventé de la finance moderne (Giraud, 2008).
L'existence de marchés financiers suppose l'existence d'instruments
financiers, notamment en premier lieu, la légalité du
crédit (Hautcoeur, 2008). En effet, le crédit à court
terme s'est développé en partie grâce à la
création de la lettre de change9, qui consistait à
fournir des services de change et de déplacement géographique des
paiements tout en masquant l'élément de crédit qui lui
était inséparable (Hautcoeur, 2008). Par la suite, le
crédit à long terme s'est répandu par deux voies de
développement : la participation à l'entreprise ou la
commenda italienne (ce qui a donné la commandite
française), par laquelle un acteur capitaliste apporte des capitaux
à un entrepreneur afin d'assurer une partie des risques et en
échange d'une partie des bénéfices; la deuxième est
le contrat de rente, qui permet l'échange d'un versement immédiat
contre un flux de revenus, soit pour la durée de vie du
bénéficiaire, soit perpétuellement (rente
perpétuelle) (Hautcoeur, 2008). Lors de la Glorieuse Révolution
anglaise en 1688, apparaît un nouveau modèle de financement
public, toujours fondé sur les rentes mais s'appuyant sur de nouvelles
institutions, qui sont
15
les grandes compagnies privilégiées. Ces
compagnies existaient déjà, mais la nouveauté est le
privilège dont elles disposent en tant que créanciers
monopolistes de l'État. Ainsi, la Banque d'Angleterre, la Compagnie des
Indes et la Compagnie des mers du Sud achètent la dette publique et
émettent elles-mêmes leurs propres titres dans le public
(Hautcoeur, 2008).
À partir du XIXe siècle, émerge
également un marché financier centralisé pour des titres
privés. En France et dans les pays de droit romain, les notaires
servaient d'intermédiaires financiers en raison de l'avantage
informationnel qu'ils détenaient sur les fortunes familiales. Les
notaires étaient organisés entre eux de sorte que cela conduisait
à une intégration décentralisée du marché
financier (Hoffman, Postel-Vinay et Rosenthal, 2001). Cependant, cette
organisation prend fin lors de la Révolution, principalement en raison
de l'hyperinflation liée aux assignats qui avait considérablement
réduit les créanciers privés. Dès lors, ce sont les
banquiers qui ont pris la relève et les agents privés
découvrent rapidement les nouveaux instruments financiers en s'appuyant
sur le marché centralisé des titres publics (Hautcoeur, 2008).
Ainsi, la nouveauté du XIXe siècle réside au niveau de
trois facteurs. Le premier étant que les interdits sur
l'intérêt issus de l'Église disparaissent, entraînant
une liberté d'innovation financière qui aboutit à
l'émergence des actions et obligations modernes ainsi que par la
légalisation progressive d'instruments plus sophistiqués. Le
deuxième concerne la libéralisation des sociétés
anonymes (entre 1850 et 1880 dans toute l'Europe), qui rend accessible le
recours à des actionnaires ou investisseurs extérieurs et non
responsables des dettes de l'entreprise. Le troisième facteur est
l'apparition de secteurs, tels que la construction de chemins de fers ou le
développement de l'électricité, dans lesquels la taille de
l'entreprise et les besoins en capitaux sont plus grands, ce qui
nécessite le recours aux marchés financiers, sachant que
l'État, lourdement endetté par les guerres, ne veut pas s'y
engager (Hautcoeur, 2008).
Au cours du XXe siècle, les marchés financiers
traversent une évolution complexe (Hautcoeur, 2008). L'une des majeures
contributions du siècle dernier concerne les produits
dérivés10. C'est en 1900, que le Français Louis
Bachelier, dans sa thèse de doctorat sur la théorie de la
spéculation, émit les bases théoriques de
l'évaluation des produits dérivés (Assoé, Boyer et
Favreau, 2007). En effet, l'une des nouveautés de cette théorie
d'évaluation est l'application de calculs stochastiques11
mais qui fut ignorée en finance au cours de la première
moitié du XXe siècle. Ce n'est que vers la fin des années
1960, que vont apparaître en finance des modèles
d'évaluation d'actifs exploitant les mathématiques des
équations différentielles stochastiques, qui sont devenus
aujourd'hui des outils essentiels de la modélisation de la valeur
d'actifs financiers, et en particulier des produits dérivés
(Assoé, Boyer et Favreau, 2007). Cette dynamique entre la valeur du
produit dérivé et celle du portefeuille de réplication de
ses flux monétaires a été modélisée par une
équation différentielle qui a été résolue au
début des années 1970 par Black, Scholes et Merton. Dès
lors, cette théorie de l'évaluation des produits
dérivés a révolutionné la finance, la rapprochant
davantage des sciences pures. Ainsi, elle a donné lieu à
l'ingénierie
16
financière où différentes combinaisons
d'options (protons et électrons) permettent de créer de nouveaux
actifs financiers (molécules) ou des portefeuilles d'actifs
(matière) (Assoé, Boyer et Favreau, 2007). L'utilisation des
produits dérivés est devenue courante à partir des
années 1970 et surtout 1980 au niveau de la rémunération
des dirigeants de l'entreprise par exemple, voire de plusieurs employés.
C'est aussi devenu un mode de financement des entreprises et surtout cela a
permis de multiplier les dérivés de crédit, de même
que les contrats d'assurance ou de réassurance. Ces derniers
étant le résultat de l'application de la théorie des
options de Robert Merton et Myron Scholes qui ont obtenu le prix Nobel en 1997
(Assoé, Boyer et Favreau, 2007).
Par ailleurs, les années 1920 se sont traduites
également par l'élargissement des marchés boursiers
à un plus grand nombre d'entreprises, la hausse constante des cours
boursiers et d'importantes émissions liées en particulier
à la forte croissance des secteurs comme l'électricité,
l'automobile et la chimie (Hautcoeur, 2008). Toutefois, les évolutions
macroéconomiques et politiques, tels que l'inflation durant la
première guerre mondiale et l'intervention de l'État dans
l'économie, ont freiné le développement du marché
financier (Hautcoeur, 2008). Cependant, le recul du marché financier est
en grande partie le résultat de la crise de 1929 qui fut
provoquée par les spéculations effrénées des
années 1920, et a eu entre autre pour conséquence une grande
méfiance envers les marchés financiers (Forsyth et Notermans,
1997). Ceci a conduit les États-Unis par exemple à
réglementer les activités financières en introduisant le
Glass Steagall Act en 1933 qui séparait strictement les activités
bancaires et financières. En Europe, avant ou après la guerre,
plusieurs pays (France, Grande-Bretagne, Italie entre autres) nationalisent
massivement des industries ou services (chemins de fer,
électricité, charbonnages, banques) réduisant les
capitalisations boursières. Par conséquent, les marchés
financiers continuent d'évaluer leurs actions et de financer de
nouvelles entreprises, mais ils n'ont plus un rôle crucial dans
l'économie (Hautcoeur, 2008).
1.2.2 Définition et enjeux de la finance
Académiquement, il existe une ambigüité
quant à l'expression « marchés financiers » qui est due
à la distance entre le concept et la réalité historique
vécue (Hautcoeur, 2008). En effet, théoriquement, « les
marchés financiers incluent l'ensemble des moyens par lesquels des
instruments financiers (des créances en première approximation)
sont échangés librement, que ce soit entre un prêteur et un
emprunteur, (le marché primaire) ou entre détenteurs de ces
créances (le marché secondaire) » (Hautcoeur, 2008, p.
159). Or lorsqu'on parle de marchés financiers, cela s'applique le plus
souvent aux organisations spécifiques, « bourses de valeurs »
dédiés à l'échange de titres (actions et
obligations). Ainsi, ce sont en réalité les Bourses (Euronext, le
New York Stock Exchange, la Bourse de Tokyo etc.) qui constituent
aujourd'hui le marché visible du marché financier. En d'autres
termes, les marchés boursiers restent la référence
implicite des travaux de finance tant empiriques que théoriques
(Hautcoeur, 2008). D'autre part, cet écart entre ces deux
définitions des marchés financiers est également
17
observable au niveau d'études tentant de mesurer le
développement financier et l'impact du secteur financier sur le
développement économique telles que le travail pionnier de
Raymond W. Goldsmith (1968) ou plus récemment une synthèse de
Levine (2005) (Hautcoeur, 2008). Par ailleurs, outre les difficultés de
mesurer ces interactions (en raison des changements rapides des
opérations financières qui ne sont pas toujours bien
enregistrées statistiquement), une approche quantitative de la relation
entre développement financier et économique est confrontée
à des problématiques de causalité réciproque
difficiles à résoudre, mais aussi peut-être vaines selon
Hautcoeur (2008). Une approche historique devient ainsi nécessaire
même si elle permet sans doute moins de mesurer, mais rend
compréhensible les interactions entre développements financier et
économique (Hautcoeur, 2008). Ceci dit, empiriquement, la finance
comporte différentes fonctions :
« En résumé, les fonctions principales
de la finance sont de rassembler l'épargne dispersée pour
l'affecter à des projets d'investissement dont l'envergure et le risque
dépassent ce qui est à la portée des fortunes
individuelles, et d'offrir à cette épargne une grande
variété d'instruments différents par leurs couples de
rentabilité-risque, donc d'organiser un vaste marché
d'échange des risques inhérents à tout investissement
productif » (Giraud, 2008, p. 11).
Il est reconnu que le développement, la diversification
et la spécialisation des activités financières contribuent
pleinement au mouvement général de la division sociale du
travail, dans lequel Adam Smith voyait à juste titre la source
fondamentale de l'accroissement des « richesses des nations ».
Autrement dit, la finance est également un lieu de division sociale du
travail et favorise d'autres sphères, donc elle contribue à
l'accroissement de la richesse (Hautcoeur, 2008). Pourtant, la finance
représente une des rares institutions de capitalisme à avoir
autant été contestée ces 100 dernières
années. Pour Hautcoeur (2008), cette mauvaise réputation
vis-à-vis de la finance est due au fait que celle-ci est indispensable
au fonctionnement des marchés capitalistes, mais elle est aussi un lieu
particulièrement favorable à l'éclatement de crises. En
d'autres termes, les prix des actifs financiers sont en effet purement
subjectifs, dans la mesure où ils résultent uniquement
d'anticipations, de visions de l'avenir. Or ces anticipations peuvent basculer
soudainement et entraîner les prix également. Ainsi, ces crises
servent de purges périodiques du système financier et permettent
de corriger les anticipations des acteurs quant à la juste valeur des
titres (Hautcoeur, 2008). Cependant, un des problèmes majeurs de ces
crises, est que ces dernières n'affectent pas seulement les
marchés financiers, mais elles se propagent au reste de
l'économie, entraînent d'importants transferts de
liquidités et affectent des individus qui ne sont pas impliqués
(Hautcoeur, 2008).
18
Le système financier contemporain est
caractérisé par « la finance globale de marché
[qui] est intrinsèquement volatile et son mode de régulation est
le krach, c'est ainsi » (Aglietta et al., 2008, p. 8). Cependant,
ceci ne remet pas en cause les fonctions traditionnelles de la finance que sont
le transfert de richesses dans le temps, la gestion des risques, la mise en
commun de ressources, la création de l'information, l'organisation de
systèmes de paiements etc. Ce qui est à l'origine des crises
financières est essentiellement la finance dite structurée
(Aglietta et al., 2008) que nous aborderons à la prochaine section
traitant de la crise financière de 2007-2008. Toutefois, ceci peut
être illustré par l'exemple du consommateur américain qui a
été le premier à bénéficier de la
période frénétique d'expansion du crédit (un des
produits de la finance structurée). Le paradoxe étant que cette
consommation du crédit a été utilisée à
partir de l'argent prêté par un groupe de pays émergents,
donnant lieu à un déficit de la balance de paiements
américaine qui n'a cessé de se creuser depuis 1998; ainsi
« c'est le déséquilibre macroéconomique
fondamental du système financier contemporain » (Aglietta et
al., 2008, p. 8).
Cependant, pour comprendre cette ébullition
financière des trente dernières années, un retour
historique s'impose également. Ces nouvelles pratiques de la finance
contemporaine n'aurait pu voir le jour sans la déréglementation
financière (Aglietta et al., 2008). Cette déréglementation
a essentiellement débuté aux États-Unis et Union
européenne à partir des années 1980 et intensivement
menée durant les années 1990. Elle a notamment permis de diminuer
l'encadrement légal du crédit qui existait depuis
l'après-guerre, de décloisonner les marchés, d'augmenter
la concurrence entre les banques, d'attirer des capitaux internationaux et de
stimuler l'innovation financière (Aglietta et al., 2008). La
déréglementation a tout de même eu des bienfaits, mais elle
a en contrepartie augmenté le risque auquel s'exposent les organisations
et également le risque systémique. Enfin, les acteurs
traditionnels tels que les mutuels ou coopératives ont été
contraints aussi de s'adapter à ce nouveau contexte globalisé
pour exister. En dépit du fait que ces organisations ont
été attaquées, elles ont résisté aux crises
puisqu'elles n'ont pas d'actionnaires auprès de qui elles doivent rendre
des comptes, ce qui leur confère plus de flexibilité et de
résilience (Aglietta et al., 2008).
Toutes ces évolutions complexes passés et
continues supposent de nombreux enjeux pour la finance contemporaine de «
marché ». Les principaux enjeux sont les nouveaux risques et leur
gestion, le financement des entreprises et de l'économie, l'information
et son impact sur les marchés financiers (Assoé, Boyer et
Favreau, 2007). Il y a aussi d'autres enjeux, notamment la « formation de
nuages » qui défient les concepts de la finance moderne à
travers les recherches en psychologie financière telle que la finance
comportementale qui devient de plus en plus populaire (Assoé, Boyer et
Favreau, 2007). Certains auteurs, comme Andrei Shleifer (2000), voient la
finance comportementale comme la finance moderne de l'avenir. Un autre enjeu
concerne les limites associées à la finance quantitative
(Assoé, Boyer et Favreau, 2007). En effet, pour Assoé et al.
(2007), la finance devra se
19
développer hors de ce schéma de
référence et reconnaître que les marchés financiers
peuvent être incomplets où le principe d'arbitrage n'est pas
nécessairement valide. Par ailleurs, l'enjeu lié à la
mondialisation et l'internationalisation des échanges de biens et de
capitaux donnerait lieu à des développements majeurs associant le
droit et la finance (Assoé, Boyer et Favreau, 2007). Enfin, Assoé
et al. (2007) concluent que :
« Le comportement des agents économiques est
beaucoup plus difficile à prévoir que le mouvement des particules
subatomiques. C'est une des grandes faiblesses des sciences sociales, mais
également sa plus grande qualité. L'étude du comportement
des individus ne cessera de nous pousser, comme chercheurs et professeurs,
à développer de nouveaux champs d'intérêt et
d'étude pour parfaire notre compréhension de la nature humaine.
La finance (et ses disciplines connexes comme l'assurance et la gestion des
risques) est la seule discipline qui met l'étude du comportement des
agents économiques vis-à-vis du risque à la base
même de l'intérêt scientifique » (Assoé,
Boyer et Favreau, 2007, p. 50).
1.3 La crise financière internationale de
2007-2008
Cette section traite de la revue de la littérature sur
la crise financière mondiale déclenchée en 2007 lors de la
crise des subprimes aux États-Unis. Nous aborderons les
principales origines, causes, conséquences et révélations
sur le fonctionnement du système interbancaire et du marché
financier. Cette section introduit le contexte de crise systémique
internationale dans lequel prend place notre étude. De nombreux auteurs
ont exposé les différentes facettes de cette crise
financière dont les effets sont encore présents aujourd'hui (Ho,
2009; Roubini et Mihm, 2010; Lewin, 2011; Reynorlds, 2011; Sachs, 2011;
Pauchant et Franco, 2014; Morin, 2015). L'un des principaux facteurs de cette
crise fut le gonflement d'une bulle immobilière et la création de
produits financiers structurés à partir, entre autres, de
prêts hypothécaires, dits subprimes (Pauchant et al.,
2015), d'où l'appellation de la crise des subprimes qui s'est
déclenchée en 2007. Or dès 2004, certains analystes ont
commencé à percevoir les premiers signes d'une crise sur le
marché immobilier. Cependant, certaines banques se sont
protégées contre l'effondrement de leurs propres titres, sur le
marché immobilier, en continuant à vendre les produits toxiques
à leurs clients, tout en pariant sur leurs baisses à travers
l'achat de produits dérivés tels que les CDS ou Credit
Default Swap12 (Pauchant et al., 2015). La crise
financière est survenue avant tout en raison d'un contexte
économique et financier qui se caractérisait principalement par
un accroissement des flux de liquidité dans le secteur financier dont
les parts étaient amplement supérieures à celles de la
croissance économique réelle (Ricol, 2008).
20
D'après Salin (2009), la crise n'est pas en partie due
à un manque de réglementation mais bien due à un
interventionnisme excessif de l'État. L'auteur explique que la cause
majeure de cette crise provient directement de la variabilité de la
politique monétaire américaine au cours des années 2000,
précisément à partir de la crise d'internet en 2002. En
effet, la Fed (banque centrale américaine) est passée d'un taux
d'intérêt de 6,5 % en 2000 à un taux de 1,75 % fin 2001 et
à 1 % en 2003. Puis, le taux d'intérêt a augmenté au
ralenti jusqu'à atteindre 4,5 % en 2006 (Salin, 2009). C'est cette
diminution du taux d'intérêt initié par la Fed qui a
favorisé le crédit facile et une abondance de liquidités
favorisant une croissance expansionniste telle qu'expliqué par Ricol
(2008). Cette politique monétaire américaine s'est alors
transformée en une opportunité de gains faciles pour les
établissements financiers, qui ont accordé des crédits
à des emprunteurs de moins en moins fiables comme l'a
révélé la crise des subprimes en 2007. Par
conséquent, même si à la base un système capitaliste
n'est pas foncièrement stable, il est plus stable qu'un système
centralisé et étatique étant donné que c'est
l'imperfection de la politique monétaire qui a eu un effet
déstabilisateur sur le fonctionnement du libre marché dans le
système financier international (Salin, 2009).
Cependant, Salin (2009) manque de souligner que les
réglementations et dérégulations au niveau de l'industrie
financière et les politiques monétaires des institutions
étatiques telles que les banques centrales, sont effectuées et
mis en places par des dirigeants et responsables politiques très souvent
issus du secteur bancaire par le passé. Aux États-Unis par
exemple, Robert Rubin, qui a codirigé la banque Goldman Sachs, a
été nominé Secrétaire du Trésor par Bill
Clinton et ce durant les deux mandats présidentiels dans les
années 1990. Son successeur, Henri Paulson a suivi le même
parcours lorsque George W. Bush est devenu Président des
États-Unis. En 2008, Henri Paulson a organisé le plus grand
sauvetage des banques jamais réalisé et bien évidemment, a
veillé à ce que Goldman Sachs en profite largement. À
l'arrivée de Barack Obama, de nombreux dirigeants de Goldman Sachs
entrent dans la Maison blanche et au gouvernement (Léon,
201113). D'où, lorsque certains anciens employés de
banques comme celle de Goldman Sachs deviennent les gendarmes du marché
financier, cela revient à « nommer un renard pour
protéger le poulailler » (Léon, 2011). Cela ne
s'arrête pas seulement aux États-Unis, puisqu'ils sont des
centaines du secteur bancaire, particulièrement de Goldman Sachs,
à occuper des postes clés au niveau des institutions
gouvernementales. Au Canada, le gouverneur de la banque du Canada, Mark Carney,
est un ancien de Goldman Sachs. Au Nigeria, le ministre du Commerce, Olusegun
Aganga, est un ancien de Goldman Sachs. Au Royaume-Uni, un des dirigeants de la
banque d'Angleterre, Ben Broadbent, est un ancien de Goldman Sachs. En Europe,
le nouveau président de la banque européenne, Mario Draghi, est
un ancien de Goldman Sachs (Léon, 2011).
21
La figure 1 ci-dessous, intitulée «Masters of
the eurozone » (Foley, 2011) représente la carte des
principaux pays européens, où d'anciens employés de
Goldman Sachs occupent des postes clés au niveau gouvernemental.
Figure 1: « Masters of the eurozone ». Source : The
Independant (Foley, 2011).
Selon Carey (2009), la cause primaire de la crise de 2008
réside en partie dans la spéculation du secteur immobilier, en
particulier les produits dérivés tels que les «
collateral debt obligation » ou titres garantis par des
créances14 et « credit default options »
communément appelés CDOs ou option sur
défaillance15. Ces produits
Par ailleurs, la financiarisation accrue de l'économie,
comme mentionnée à la précédente section de la
littérature, a également été souligné par
des institutions internationales reconnues telles que la Banque mondiale,
22
dérivés complexes n'étaient pas seulement
vendus par les financiers de Wall Street, mais également par des
milliers de personnes non issus du milieu financier : par exemple des livreurs
de pizza vendaient aussi ces produits financiers (Carey, 2009). Ces produits
dérivés issus de l'ingénierie financière ont
été décrits par l'investisseur Warren Buffet comme des
« outils de destruction massive » (Roubini et Mihm, 2010, p.
198). La crise a révélé que plusieurs acteurs
économiques étaient responsables de la crise financière de
2008 aux États-Unis dont les institutions financières, le
gouvernement américain, la Fed (banque centrale américaine) et
les agences de notation (Carey, 2009). Au niveau des institutions
financières, l'une des causes de la crise découle en partie du
fait que pendant un certain temps, les bonus et dividendes étaient
réelles, mais les profits sur lesquels ces bonus et dividendes
étaient supposés être basés, ne l'étaient pas
(Carey, 2009).
Au niveau du gouvernement américain par exemple, selon
Carey (2009), ce dernier n'a pas assuré le processus de
régulation pour maintenir la sécurité et la
stabilité du système financier américain. En effet, au
Congrès américain, depuis les années 1980, des
Sénateurs autant républicains que démocrates ont
prôné la dérégulation afin d'éliminer les
restrictions régulatrices du marché financier. Ainsi, en 1999, le
Glass-Steagall Act16, qui obligeait les banques à
séparer leurs activités commerciales (de dépôt des
particuliers et financement des particuliers et entreprises) de celles
d'investissement (courtage, spéculation et assurances), a
été abrogé par le Gramm-Leach-Bliley Act (Carey, 2009). En
1997, Brooksley Born, qui a dirigé la Commodity and Futures Trading
Commission (CFTC), a commencé à être
préoccupé par les produits financiers dérivés et
explorer des pistes pour les réguler. Cette tentative a rencontré
une forte opposition du président de la Federal Reserve, Alan
Greenspan, secondé par Robert Rubin, qui ont rejeté cette
initiative en expliquant que cela pourrait causer une crise financière.
En 1999, ces derniers ont recommandé que le Congrès retire de
manière définitive à la CFTC l'autorité de
régulation sur les produits dérivés (Carey, 2009).
Enfin, en ce qui concerne les agences de notation, ces
dernières ont joué un rôle central dans la crise
financière de 2008, car non seulement elles comprenaient peu les
produits dérivés CDOs, mais aussi les « bons »
crédits d'hypothèque et prêts à risque, dits
subprimes, ont été combinés en paquets pour
être vendus aux investisseurs (Carey, 2009). D'où, tout le monde
s'est fié à ses agences pour un tampon d'approbation de ces
paquets financiers. Cependant, les frais de notation pour ces instruments
financiers sont bien élevés et la compétition entre les
agences de notation est intense. Donc si un fournisseur d'hypothèques
tel que Countrywide Financial se plaignait à propos d'une
notation faible, l'agence de notation l'augmentait. Ainsi, les notations sont
devenues autant non fiables que les instruments financiers eux-mêmes
(Carey, 2009).
23
le Fonds monétaire international (IMF) et le Forum de
Davos. Selon ces dernières, cette financiarisation du marché
mène à un déficit démocratique, à un
accroissement des inégalités, à un contexte mondial
d'incertitude, de manque de confiance et de crises majeures (IMF, 2014; WEF,
2013; Mussa, 2009). D'autre part, plusieurs critiques ont été
adressées à l'encontre du mythe de l'autorégulation
(Krugman, 2009; Stiglitz, 2010), supposément fondé sur le concept
économique d'Adam Smith de la main invisible du marché,
et prônée par la théorie économique
néoclassique. En effet, pour plusieurs auteurs, Adam Smith,
considéré comme le père de l'économie moderne,
préconisait à travers ses écrits une réglementation
des banques et de la finance sur la base de six régulations (Carey,
2009; Charolles, 2006; Chavagneux et Martimache, 2012; Mussa, 2009; Rockoff,
2011; Sen, 2009; Walch, 2014; Pauchant et Franco, 2014). D'où, certains
auteurs proposent le rétablissement du Glass-Steagall Act car cette
réglementation, séparant les activités bancaires
commerciales de celles d'investissements, permettrait de mieux gérer les
risques financiers grâce à la mise en place de pare-feu (Mussa,
2009; Roubini et Mihm, 2010). Selon Charolles (2006), à la source de la
crise financière de 2007-2008 entre autres, ce modèle de
gouvernance capitaliste-financier, fondé sur l'accumulation du capital
par un petit nombre au détriment du plus grand nombre, va à
l'encontre du libéralisme équilibré et soucieux
d'équité prôné par Smith (Charolles, 2006).
Toutefois, dans le contexte de la crise financière de
2008, les banques coopératives ont dans l'ensemble bien
résisté aux chocs financiers. Excepté quelques banques
coopératives qui ont été affectés par la crise en
raison de leur implication dans les activités financières
à haut risque, notamment en France telles que le Crédit Mutuel,
la Caisse d'épargne, la Banque populaire, et en particulier le
Crédit agricole dont les pertes financières sur les
entités cotées de ces banques se chiffrent à des milliards
d'euros. Cependant, la plupart des institutions financières
coopératives dans le monde ont regagné en popularité en
raison de leur modèle bancaire plus stable et responsable socialement.
C'est le cas de Desjardins au Québec, les Credit unions aux
États-Unis et les banques coopératives en Suisse telles que
Raiffeisen, Banque Coop ou Banque Migros. Au lendemain de la crise
financière, la presse a ainsi relaté le retour vers les banques
coopératives.
L'Expansion par exemple, titrait « Changer de
banques, oui, mais pour laquelle? » (Raim, 2010) et rapportait la
campagne d'un collectif particulier qui avait pour but d'encourager les
Français à transférer leur argent des banques «
nuisibles » aux banques « recommandables » telles que Banque
postale ou bien la NEF pour Nouvelle économie fraternelle et le
Crédit Coopératif. Un article de Radio-Canada titrait
également « Des citoyens exaspérés quittent leur
banque pour le Bank Transfer Day » (Radio Canada, 2011 (a)) aux
États-Unis dans la foulée des mouvements de contestation contre
la cupidité des grandes institutions financières. Cela a eu pour
résultat dès les quatre premières semaines, à
encourager 650 000 Américains à ouvrir un compte dans les
credit unions, en retirant ainsi 4,4 milliards de dollars aux banques
commerciales. L'article « Suisse : La crise financière relance
la banque coopérative » (Mombelli, 2012), relatait que les
banques coopératives, perçues
24
comme un modèle de gestion désuet et
inadapté au contexte évolutif et concurrentiel des marchés
financiers, ont réussi à renforcer leur position en temps de
crise du secteur financier. En effet, ces institutions ancrées dans
l'économie locale, « offrent une alternative solide aux
excès de la finance spéculative internationale »
(Mombelli, 2012).
Par ailleurs, comme nous l'avons mentionné à
l'introduction du mémoire, pour 77 % d'économistes issus des plus
prestigieuses universités américaines (en 2005),
l'économie est considérée comme la science sociale la plus
scientifique. De plus, le rapprochement de l'économie et la finance ces
dernières décennies a aboutit à une financiarisation de
l'économie ou du marché pour de nombreux auteurs (Maillard, 2011;
Lacroix et Marchildon, 2013; Piketty, 2013; Servan-Schreiber, 2014; Geithner,
2014; Fourcade et al., 2014; Pauchant et Franco, 2014; Naim, 2015; Zingales,
2015; Cecchetti et Kharroubi, 2015; Taylor, 2015). Sur le plan
académique, cela signifie que l'économie se réfère
plus à la finance qu'à d'autres sciences sociales telles que la
sociologie ou la science politique (Fourcade et al., 2014). Sur le plan de la
gouvernance, ce rapprochement de la finance et l'économie a
sculpté un système de gouvernance économique où le
secteur financier tient une place prépondérante et dépasse
la croissance économique réelle (Pauchant et Franco, 2014;
Cecchetti et Kharroubi, 2015).
Cette institutionnalisation de la finance en tant que pouvoir
central et intellectuel de l'économie découle en partie de la
base d'enseignement de la finance dans les établissements
supérieurs des affaires depuis la deuxième moitié du XXe
siècle (Fourcade et al., 2014). En effet, un sondage datant de 2004 a
révélé que 549 doctorants en économie enseignaient
dans le top 20 des écoles de commerce aux États-Unis,
comparé à 637 doctorants en économie enseignant dans le
top 20 des départements d'économie (Blau, 2006). Dans les
années 1950, seuls 3,2 % des chercheurs en économie enseignaient
les affaires dans les établissements supérieurs, mais depuis les
années 2000, ce chiffre a augmenté à 17,9 %, laissant une
part marginale à la contribution d'économistes issus d'agences
gouvernementales (Fourcade et al, 2014).
Ces facteurs décrits ci-dessus ayant
entraîné la crise financière internationale 2007-2008
révèlent la complexité du système financier
international et l'interdépendance de l'économie et la finance
sur le plan macroéconomique. Nous pouvons également ajouter des
facteurs de type organisationnel ayant favorisé la crise qui
s'appliquent notamment à la gestion interne des banques de par les
individus, la culture de l'entreprise, la structure organisationnelle et la
stratégie (politique de l'entreprise). Ces éléments
clés seront abordés dans la prochaine section de cette revue de
littérature, relative à la gestion de crises.
25
1.4 La gestion de crises
L'étude des crises n'est pas récente. Par le
passé, il y a eu de grandes crises qui ont laissé leurs marques
dans l'histoire. La crise des missiles de Cuba en 1962 est souvent
mentionnée comme étant la date à laquelle ont
débuté la pensée et l'étude des crises
internationales (Lagadec, 1991). Cependant, à partir des années
1990, un nouveau défi émerge avec la mondialisation, celui des
crises. Entre autres, accidents majeurs et menaces globales, ruptures
organisationnelles, effondrement de systèmes, éclatement
culturels, tendent à échapper à la « normalité
» (Lagadec, 1991). Ceci traduit un degré de complexité
élevé en raison de grands systèmes qui sont de plus en
plus dépendants de leur environnement et sujets à des changements
complexes et radicaux (Ansoff, 1990).
Il existe plusieurs types de courants d'expertise scientifique
sur les crises tels que le domaine de risques technologiques, en sociologie
avec le comportement des individus, groupes et collectivités en
situation de crises, les crises des phénomènes naturels, en
psychologie pour la santé mentale et situation de crise et stress
(Lagadec, 1991). Autre registre, celui des spécialistes des relations
internationales à qui l'ont doit particulièrement les
premières tentatives de théorisation du concept de crises avec
l'article de Robinson (1968) publié dans l'International
Encyclopedia for Social Sciences, ainsi que la modélisation des
processus de décision en situation de crise. Dans cette lignée,
les travaux les plus connus sont ceux de Graham Allison (Harvard
University) sur la crise de missiles de Cuba (Lagadec, 1991). Enfin, plus
récemment dans le domaine des sciences de l'administration et de la
gestion, on retrouve la gestion de crises dans les organisations. C'est un
champ scientifique assez récent et selon une étude de Pauchant et
Douville (1993), 80 % des publications mentionnant le terme « gestion de
crise » (crisis management) furent publiés après
1985, ce qui confirme la nouveauté du sujet (Roux-Dufort, 2000). Dans ce
champ, il y a Igor Ansoff dans le domaine du management stratégique.
Plus directement rattachés au « crisis management »
ou gestion de crises, il y a les travaux d'Alexander Kouzmin (Professeur de
gestion à Camberra - Australie), Ian Mitroff (Directeur du Center
for Crisis Management, Professeur de gestion - Université of
Southern California) et Thierry Pauchant (Professeur titulaire et
Directeur de la Chaire de management éthique aux HEC Montréal)
(Lagadec, 1991). Il y a aussi Christophe Roux-Dufour en gestion de crises entre
autre (Professeur agrégé à l'université de Laval).
Enfin Patrick Lagadec, un analyste et intervenant dans le domaine de la
prévention et pilotage des crises majeures17. Depuis
plusieurs années, en raison du caractère systémique des
crises, des liens se sont tissés entre différentes disciplines.
On retrouve dans cette mouvance des conférences internationales
organisées par l'Industrial Crisis Institute à New York,
sous l'égide de Paul Shrivastava (Professeur de management et auteur
d'une étude approfondie sur la crise du Bhopal en 1987), qui
réunit universitaires, consultants, gestionnaires publics et
privées intéressés par les crises (Lagadec, 1991).
26
D'un point de vue académique, il existe une
pluralité de définitions, formes de crises, de causes
potentielles et des conséquences liées aux crises. En raison du
caractère variable, systémique et complexe des crises,
l'étude des crises ne peut pas être réduite à une
seule discipline ou théorisée par un modèle objectif et
universel. Les analystes dans ce domaine tels qu'Edgar Morin soulignent la
variété infinie des crises (Lagadec, 1991). Bell (1978), un des
spécialistes des crises internationales, définit les crises de la
manière suivante :
« Les crises internationales sont
généralement au confluent de nombreuses décisions
d'origines disparates; certaines d'entre elles sont aussi obscures et
lointaines que des rivières souterraines qui ne parviennent à la
surface et n'acquièrent de visibilité qu'au moment de la crise.
Théoriser à leur sujet, ou même poser des questions
à leur propos, ne se fait pas sans risque de comparer des objets
incomparables. Les événements ne possèdent pas de liens de
symétrie, les processus de précision sont difficilement
cernables. Même les notions de « décision », de «
décideur » se révèlent souvent des mirages lorsque
l'on se rapproche de la réalité » (Bell, 1978, p.
51-52)
Dans le cadre de notre étude sur la gestion de crises
dans les banques coopératives et dans le contexte de la crise
financière systémique internationale, nous nous en tiendrons
à la définition systémique des crises, construites
à partir de disciplines spécifiques, telle que par exemple cette
proposition de l'analyse d'un système : « Une crise est une
situation qui crée un changement abrupt et soudain sur une ou plusieurs
variable(s) clé(s) du système » (Herman, 1971, p. 11).
Nous retiendrons également cette définition systémique des
crises organisationnelles : « [...] les crises organisationnelles
trouvent leur source à la fois dans des déséquilibres
générés par l'organisation elle-même, mais aussi par
un ensemble d'options de société qui guident nos comportements et
nos décisions et qui façonnent notre manière de voir le
monde » (Roux-Dufort, 2000, p. 8).
La gestion de crises systémiques implique un contexte
historique particulier, des relations et facteurs inter-reliés dans un
système relativement complexe incluant plusieurs parties prenantes
(Pauchant et al, 1991). La probabilité d'une crise systémique est
liée, à la fois, à la complexité du système
et la combinaison de ses variables constitutives (Perrow, 1984). Lorsqu'une
crise survient à ce niveau, que l'on qualifie de crise «
systémique », elle affecte non seulement l'organisation, mais aussi
les différentes parties prenantes de l'environnement global de
l'organisation (Pauchant et al., 1991). L'approche systémique de la
crise nécessite de prendre en considération les contextes
historiques, sociopolitiques, ainsi que les processus d'apprentissage (Leveson,
2004; Belmonte et al., 2011; Weber et al., 2012).
27
1.4.1 Les causes potentielles des crises et
mécanismes de défense
Ford (1981) identifie quatre caractéristiques primaires
« internes » qui contribuent aux crises organisationnelles :
l'échec d'identification de la relation entre les variables; la
pensée de groupe; la distribution et la distorsion de l'information; et
l'optimisme mal placé. En effet, en ce qui attrait à
l'échec d'identification de la relation entre les variables, la
reconnaissance et la compréhension de la complexité
systémique existante entre les variables est essentielle afin de
gérer l'incertitude et le risque auxquels peut être
confrontée toute organisation (Weick et Sutcliffe, 2007;
Fischbacher-Smith, 2011). La pensée de groupe réfère
à la dynamique de délibération mentale,
l'expérience de la réalité et le jugement moral qui
résultent de la pression intergroupe (Ford, 1981). Selon Ford (1981) et
Janis (1982), cet effet de pensée de groupe se caractérise par
huit symptômes : 1) l'illusion de l'invulnérabilité; 2) le
discrédit de l'information négative; 3) la croyance en leur
propre morale; 4) les points de vues stéréotypes des individus
extérieurs; 5) la pression de groupe à se conformer; 6)
l'autocensure; 7) l'illusion de l'unanimité; 8) les gardiens de la
pensée: s'auto-désigner pour s'assurer que l'information
contraire au groupe ne l'atteigne pas. Janis (1982) a identifié ce
phénomène sous le terme de groupthink ou «
d'unanimisme de groupe » traduisant une fermeture pathologique lié
au groupe (Lagadec, 1991) : « Plus un groupe est marqué par une
certaine chaleur interne et par un esprit de corps, plus grand est le danger de
voir ses facultés de pensée critique et indépendante
laisser place à de la pensée de groupe, qui tend à
produire des actions irrationnelles et déshumanisantes dirigées
à l'encontre des groupes extérieurs » (Janis, 1982, p.
13).
Ce phénomène de pensée de groupe et des
mécanismes de défense sont également traités par
Albert Bandura, un scientifique contemporain reconnu pour ses travaux en
psychologie sociale (Pauchant et al., 2015). Bandura et d'autres auteurs ont
étudié ces mécanismes de désengagement moral,
à travers plusieurs problématiques controversées telle que
la défense de la peine de mort (Osofrsky, Bandura et Zimbardo, 2005) ou
la justification de la guerre en Irak aux États-Unis (McAlister, Bandura
et Owen, 2006). Ce modèle théorique des mécanismes de
désengagement moral a été utilisé dans plusieurs
travaux (Pauchant et al., 2015) et a été validé
également statistiquement (McAlister et al., 2006, p. 155). Bandura a
établie dix mécanismes de désengagement moral dont la
robustesse de la théorie repose en partie sur l'interrelation existante
entre les dix mécanismes. Le désengagement moral fonctionne donc
comme un système (Pauchant et al., 2015).
Les dix mécanismes décrits par Bandura (1999)
sont: 1) La justification morale : justifier l'action par des
raisons légales, religieuses ou philosophiques; 2) La
comparaison avantageuse : tenter de diminuer la gravité de
l'action en la comparant à d'autres; 3) L'aseptisation du
langage : limiter l'usage de mots trop chargés
émotionnellement ou socialement; 4) Le déplacement de la
responsabilité : attribuer à d'autres la
responsabilité
28
de l'action; 5) La diffusion de la
responsabilité : ne pas considérer l'acteur comme seul
décideur; 6) Le déni des conséquences :
cacher les conséquences réelles de l'action; 7) La
minimisation des conséquences : diminuer la gravité de
l'action; 8) La remise en cause des conséquences :
invoquer d'autres conséquences plus positives; 9) La
déshumanisation des victimes : retirer aux victimes le statut
d'humain et la dignité; 10) Le blâme envers les victimes
: rendre les victimes responsables de l'acte dirigée contre
elles (Bandura, 1999).
Les dix mécanismes de désengagement moral du
modèle de Bandura sont utilisés par des individus sains d'esprit
qui les utilisent afin de faire taire leurs sentiments moraux qui
émergent naturellement (Bandura, 1999; Pauchant et al., 2015).
D'où, lorsque ces mécanismes de désengagement moral sont
utilisés et en rejoignant d'autres personnes qui ont la même
vision, l'emprise collective des personnes devient alors effective et ces
personnes ne peuvent plus s'autoréguler, ce qui peut être
potentiellement destructeur (Bandura, 1999). Ce contexte socio-psychologique
pourrait éventuellement mener à des crises potentielles car la
théorie de Bandura stipule que l'emploi des mécanismes du
désengagement moral, la dégénérescence morale des
personnes et des collectivités mettent un certain temps à
s'installer. On parle dès lors de culture de désengagement moral
(Pauchant et al., 2015). Nous détaillerons davantage le modèle du
désengagement moral, au chapitre 2 de la méthodologie, à
travers l'exemple de trois cas : l'affaire Enron, la crise financière
2007-2008 et la Ville de Montréal avec la Commission Charbonneau
(Pauchant et al., 2015). Par ailleurs, plusieurs auteurs, dans le domaine de la
gestion, ont évoqué la présence de ces mécanismes
de désengagement sous différentes appellations telles que les
« mécanismes de rationalisation » qui bloquent la
capacité de prévention des crises que nous décrirons
à la méthodologie (Pauchant et Mitroff, 2001, chap. 4), les
« mécanismes de défense » (Lhuilier, 2009) ou les
« tactiques de socialisation » encourageant la corruption (Anand,
Asford et Joshi, 2004) et les « mécanismes de normalisation »
(Roux-Dufort, 2000).
Dans un autre registre, selon Roux-Dufort (2000), le
développement des sociétés dites « crisiques »
est caractérisée par trois phénomènes : la
société de l'information; la compression du temps et
l'idéologie de l'urgence; l'omniprésence de la technologie. Dans
des sociétés où les technologies de l'information et la
communication sont répandus et connectés, le caractère
instantané de la transmission de l'information tend à amplifier
le moindre événement dans un contexte sensible : « Il
contribue aussi à rendre visible le secret ou l'invisible »
(Roux-Dufort, 2000, p. 8). Les sociétés ont fait le choix de
la compression du temps dans le sens où les flux d'activités se
sont raccourcis, les temps de conception, d'opérations et de fabrication
ont amplement diminué et le cycle de vie a été
réduit. Ceci a eu pour effet d'accroître le niveau
d'interdépendance entre les acteurs d'un même secteur et les
niveaux d'interactions des processus industriels. D'où, cela aussi a
rapproché les dysfonctionnements potentiels et problématiques
jusque là isolées et a surtout augmenté le niveau de
complexité (Roux-Dufort, 2000). Enfin, la technologie est
omniprésente dans les sociétés modernes et fait l'objet
d'une
29
sacralisation selon Roux-Dufort (2000). En dépit des
avancées de la gestion de risques technologiques, le risque
technologique majeur est toujours présent (tel que vu récemment
lors de la crise nucléaire de Fukushima en 2011, voir Guntzburger et
Pauchant, 2014), mais trouve aussi de nouvelles sources et se déplace
vers de nouvelles zones sensibles tels que l'alimentation et la médecine
(Roux-Dufort, 2000). Cependant, il est essentiel de souligner que le risque
technologique existe également dans le milieu financier étant
donné que l'ingénieure financière crée des outils
et logiciels technologiques sophistiqués et dont la rapidité
d'exécution est phénoménal. Edward « Ted »
Kaufman, sénateur de l'État du Delaware (2009-2010) aux
États-Unis a évoqué le risque technologique financier dans
un entretien vidéo (Léon, 201118):
« Ce qui m'inquiète aussi, c'est que les
ingénieurs créent des ordinateurs, des logiciels qui fonctionnent
à une vitesse incroyable, dont nous n'avons aucune idée. Nous
n'avons aucune idée de ce qui se passe dans ces marchés parce que
nous ne pouvons pas contrôler leur vitesse. Aucune autorité des
marchés financiers, ni la CFTC, ni la SEC ne peuvent déterminer
ce qui se passe dans les échanges à haute vitesse, et c'est
incroyablement dangereux » (Léon, 2011).
1.4.2 Les formes des crises et conséquences
potentielles
Comme nous l'avons évoqué à la
précédente section, il y a différentes types de crises
identifiés dans la littérature relative à la gestion de
crise : crises financières, technologiques, sociales, psychologiques,
internationales, naturelles, systémique etc. (Lagadec, 1991). Certains
auteurs ont identifié trois formes de crises : les désastres
technologiques, les crises de déclin et les crises de
développement (Kovoor-Misra, Clair, et Bettenhausen 2011). La crise est
une combinaison d'attributs de trois facteurs critiques : la nature de la
crise, les personnes impliquées et les systèmes de gestion de
crise de l'organisation. Ces trois formes de crises peuvent survenir de
manière indépendante mais peuvent être aussi
inter-reliées, c'est-à-dire qu'une crise de déclin peut
être liée à une crise technologique (Kovoor-Misra et al.,
2011). La figure 2 ci-dessous présente la grille de repérage des
différents types de crises organisationnelles: un axe détermine
le caractère « interne » ou « externe » de la crise,
et l'autre axe la dimension « humaine » ou « technique »
(Mitroff, Pauchant et Schrivastava, 1988).
30
Figure 2 : « Les différents types de crises
organisationnelles » (Mitroff et al., 1988).
Dans un contexte de crises, deux formes de mécanismes
de défense sont souvent identifiés comme conséquences
directes des crises : le déni ou la continuation et la contraction de
l'autorité (Ford, 1981) ou les deux. Le déni est la
réaction la plus répandue face à une crise qui repose sur
la supposition que le(s) problème(s) de l'organisation sont
transitoires, les gestionnaires tendent alors à sous estimer le besoin
d'entreprendre tout changement et continuent leurs activités (Ford,
1981). La contraction de l'autorité survient lorsque les gestionnaires,
étant confrontés au besoin nécessitant une réponse
rapide, peuvent réduire le nombre de personnes participant au processus
décisionnel (Ford, 1981). Pauchant et Mitroff (2001) ont
également identifié le déni, la projection et la grandeur
comme étant des mécanismes de défense qui peuvent
apparaître dans un contexte de crise. La projection consiste à
déplacer la responsabilité vers une source externe tandis que la
grandeur découle de la croyance que la taille rend invulnérable
(Pauchant et Mitroff, 2001).
Face à une crise, l'individu peut être
directement ou indirectement exposé aux conséquences des crises.
De manière générale, l'individu subit le choc initial de
la crise, le sentiment d'impuissance, l'urgence, l'incertitude, les enjeux, la
perte de l'univers de référence et de repères, la
culpabilité, le stress et l'angoisse etc. (Lagadec, 1991). C'est la
raison pour laquelle le facteur individuel est essentiel et ne peut être
sous-estimé dans une situation de crise, car cela réfère
à l'importance d'intégrer l'approche individuelle dans la gestion
de crise et le type de personnalités pour prévenir et
gérer les crises le moment venu (Lagadec, 1991; Pauchant et Mitroff,
2001).
31
1.4.3 Plans et stratégies de gestion de crises
L'un des plus importants élément dans la gestion
de crises est d'abord de reconnaître qu'il est nécessaire
d'adopter une vision systémique et complexe afin de capturer la
complexité du concept de crises (Morin, 1976; Deschamps et al., 1997;
Pauchant et Mitroff; 2001; Fischbacher-Smith, 2011; Topper et Lagadec, 2013).
Avant de présenter une suggestion de plans ou stratégies de
gestion de crises, il est également essentiel de souligner l'importance
du rôle de l'individu et la culture dans ce processus (Bell, 1978;
Lagadec, 1991; Pauchant et al., 2015; Guntzburger et Pauchant, 2014). En effet,
il est primordial d'avoir une approche systémique pour une gestion
préventive et éthique de systèmes pouvant être en
situation de crises (Guntzburger et Pauchant, 2014). Cette approche
systémique est fondamentale dans la prévention et
l'éthique des crises, menant à un nouveau type de
développement, de formation et d'éducation (Saleh et Pendley,
2012). Ce type d'éducation nécessite d'aller au-delà du
cadre administratif de référence où tous les risques et
enjeux sont supposés être bien définis afin
d'implémenter des solutions qui résolvent des problèmes
bien connus (Denis, 2002; Lundberg et al., 2009; Fischbacher-Smith, 2011;
Lagadec, 1991). D'autres auteurs soulignent également l'importance
d'aller au-delà des règles ou des prémisses de base
existantes dans la gestion stratégique des organisations et des crises
en adoptant une vision systémique des crises et reconnaissant le
rôle de l'individu (Bell, 1978; Lagadec, 1991; Pauchant et al, 2015) :
« Il y a là une leçon de prudence tout
à fait essentielle, mettant en garde contre l'idée que la gestion
de crise pourrait être réduite à une panoplie de
règles et de théorèmes pouvant être enseignés
aux décideurs. Les facteurs de succès sont plutôt
l'imagination historique, la créativité intellectuelle et la
capacité à percevoir les signaux des partenaires. Ces aptitudes
sont difficiles à enseigner, et assurément, la tendance à
fonder la réponse sur un système de règles,
elles-mêmes fondées sur des précédents connus, peut
avoir un effet très contre-productif. La gestion de crise doit donc,
sans aucun doute, être enseignée comme un art ou un savoir-faire,
non comme une science; comme pour les autres arts, le succès peut
dépendre de la capacité à s'écarter des
règles et des précédents» (Bell, 1978, p.
51-52).
En prenant comme exemple la crise financière de
2007-2008, cette dernière a entraîné un mouvement de
réflexion sur le risque, l'intégrité et l'éthique
dans les milieux des affaires et même l'administration publique (Engelen
et al., 2011; Reynolds, 2011; Roubini et Mihm, 2010). Ceci a été
confirmé par d'autres études qui ont mis en avant la
nécessité de reconnaître que le niveau culturel est aussi
important que l'aspect réglementaire dans la prévention des
crises (Pauchant et al., 2015). Par exemple, il a été
évalué que 24 % des employés des
32
institutions financières américaines et
anglaises sont tentés de contourner les règles pour maximiser le
rendement et déclarent que 39 % de leurs compétiteurs le font
régulièrement (Labaton Sucharow, 2012). À Wall Street, ce
qui a entraîné en partie la crise est le leadership qui
encourageait la maximisation des profits à court terme, les agences de
notation ou les organismes de réglementation qui ont mal assuré
leurs fonctions et les nombreux Conseils d'administration qui ont
approuvé des prises de risques évaluées «
insensée » par la suite (Pauchant et al., 2015). Tel que nous avons
vu avec le principe de désengagement moral, le respect de la loi et les
aspirations éthiques proviennent de processus naturels, individuels et
sociaux qui se propagent sur le bien être de chaque individu et sur la
communauté (Bandura, 1999). Or lorsque les mécanismes de
désengagement moral sont partagés dans une organisation ou un
groupe restreint, cela procure aux individus « l'illusion, sans
dégout ni remords, que leurs actions sont à la fois «
légales » et « éthiques », leur permettant de
pratiquer leurs affaires à un coût supérieur pour le public
et en abusant des populations » (Pauchant et al., 2015, p. 12).
En ce qui attrait aux plans de gestion de crises, Pauchant et
Mitroff (2001) par exemple ont identifié trois concepts fondamentaux :
le premier concept est la première génération qui
met l'emphase sur la préparation aux crises, autrement dit le pilotage
et la gestion des effets négatifs d'une crise. Le deuxième
concept est qualifiée de seconde génération,
beaucoup moins répandue que la première dans les
organisations, et qui vise notamment à plus prévenir et anticiper
les crises et les facteurs paradoxaux générés directement
ou indirectement par les organisations en termes de production, de
développement d'affaires et de création de richesse. Le
troisième concept fondamental est de « développer, dans
une entreprise, l'apprentissage profond que tout effort de production ou de
productivité amène de manière irrémédiable
vers un accroissement de destruction, un paradoxe fondamental »
(Pauchant et Mitroff, 2001, p. 17) En se fondant sur ces concepts, Pauchant et
Mitroff (2001) ont élaboré le modèle de gestion de crise
organisationnelle, dit de l'oignon, composé de quatre niveaux
(individus, culture, structure, stratégie) que nous utiliserons
ultérieurement pour analyser le processus de gestion de crises des
banques coopératives choisies.
1.5 Les banques coopératives
Avant de présenter les caractéristiques
spécifiques des banques coopératives, nous allons d'abord
introduire une présentation littéraire générale de
l'organisation coopérative. La coopérative est définie,
par l'ACI (Alliance coopérative internationale) comme étant
« une association autonome de personnes unis volontairement afin de
joindre leurs besoins et aspirations communs économiques, sociaux,
culturels par l'intermédiaire d'une entreprise dont la
propriété est partagée et démocratiquement
contrôlée » (IMF, 2007, p. 6, notre traduction). En
pratique et de manière générale, les principales
caractéristiques de gouvernance des coopératives sont les
suivantes : 1) Association (de personnes qualifiées) et retrait
libre : donnant lieu à des bases de capital coopératif
variées; 2) Intransférabilité de l'adhésion
: impliquant l'absence de marchés pour les parts des
33
membres; 3) Structure démocratique :
donnant habituellement à chaque membre un vote ou une voix quelque soit
son investissement; 4) Distribution des profits souvent limitée
: elle n'est pas non plus nécessairement proportionnelle aux
actionnariats des membres; 5) Droits de propriété
limités au capital nominal coopératif
représenté par les parts des membres; 6)
Poursuite des intérêts spécifiques des membres :
la maximisation du profit n'est pas l'intérêt primaire (IMF,
2007).
Tout comme les organisations corporatives, les
coopératives ont également tendance à traverser un cycle
de vie de trois phases (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007).
À la première phase, les coopératives apparaissent
typiquement lors de périodes où les marchés et
institutions existantes échouent à satisfaire les besoins et
aspirations des citoyens. En effet, les mouvements coopératifs tendent
à apparaître en phénomène de masse durant des
périodes de volonté de changement, crises sociales et
d'antagonisme de groupe. Plusieurs de ces mouvements, incluant le secteur
financier, ont émergé durant l'industrialisation et la famine
dans l'Europe du XIXe siècle (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower,
1980; IMF, 2007). À la seconde phase qu'est l'adolescence, durant ce
processus, les défis de gouvernance changent car avec la
professionnalisation du management, l'efficience économique devient
primaire, aboutissant à une quête d'économies
d'échelle qui entraîne un processus de consolidation et de
formation de réseaux. Ceci permet au personnel et gestionnaires
d'émerger comme une nouvelle classe de sociétaires avec des
intérêts qui ne sont pas nécessairement alignés avec
ceux des membres (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007).
Enfin, lors de la troisième phase, le succès et
l'espérance de vie mature de la coopérative dépendent de
sa compétitivité, sa gestion et ses relations avec les membres.
Autrement dit, au fur et à mesure que la coopérative mûrit
et devient établie à long terme, la fidélité des
membres devient contingente de l'habilité de la coopérative
à offrir des produits compétitifs sur le marché, mais qui
peut se révéler insuffisante si l'implication financière
de ses membres est fragile. De plus, cette phase est également
caractérisée par l'accroissement de divisions internes, un
affaiblissement de l'idéologie collective et la disparition de la raison
d'être initiale de la coopérative. Tout ceci tend à menacer
la survie et continuité de la coopérative à l'état
mature (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007).
1.5.1 Racines historiques
Les banques coopératives sont apparues en Europe au
XIXème siècle, époque à laquelle le système
bancaire ne se préoccupait que de la haute finance : financement de
l'État ou des grands travaux etc. (CRESS, 2015). Tout ce qui se
rapportait aux besoins en crédit des paysans, ouvriers ou artisans
était dès lors assuré par les usuriers. En 1849, Proudhon
fonde la première « banque du peuple » mais cela n'a pas
fonctionné longtemps. C'est en Allemagne où deux grands
modèles de crédit mutuel ont été mis en place sous
la supervision de Raiffeisen19 et Shulze-Delitzsch20
(CRESS, 2015). Le modèle de Raiffeisen s'appuie
précisément sur la responsabilité illimitée des
sociétaires, le bénévolat des administrateurs et une
circonscription géographique
34
restreinte. Le modèle de Schulze-Delitzsch est
caractérisé quant à lui par un rayonnement plus
étendu, et la possibilité de verser des dividendes aux
sociétaires. Ces deux modèles ont entraîné la
fondation de deux principales institutions bancaires coopératives en
France : les Crédits Mutuels et les Banques Populaires (CRESS, 2015).
Puis, de l'Allemagne, le concept du coopératif bancaire s'est
graduellement étendu au reste du continent européen et les pays
Nordiques. En Grande-Bretagne, les banques coopératives ont des racines
historiques différentes : les credit unions ou unions de
crédit sont apparues seulement durant la moitié du XXe
siècle et ont été basées sur le modèle des
unions de crédit américaines, qui elles-mêmes
étaient inspirées par les adaptations canadiennes du concept de
la coopérative bancaire allemande (Hansmann, 1996).
1.5.2 Caractéristiques et avantages
De ces principes et caractéristiques coopératifs
mentionnés précédemment, les banques coopératives
ont un modèle de gouvernance particulier qui lui confère
plusieurs avantages comparatifs qui ont assuré le succès des
banques coopératives, mais qui ont été
érodés avec le temps, tout en engendrant de nouveaux avantages
(IMF, 2007). Ces avantages sont exposés ci-dessous.
Les banques coopératives ont un avantage
comparatif informationnel mais peuvent le perdre à long terme à
mesure que la coopérative s'accroit en taille. C'est
l'engagement et l'implication des membres, la relation étroite avec eux
et le degré de l'exposition financière des membres qui
confèrent aux banques coopératives leur avantage comparatif en
termes d'informations et d'exécution. Cependant, ces facteurs avantageux
ont tendance à disparaître à mesure que les
coopératives gagnent en économies d'échelle et que la
distance avec les membres s'accroit (IMF, 2007). Les banques
coopératives ont un coût plus faible du capital car elles
ont seulement besoin de rémunérer la part de leur
propriété qui est représentée par les parts des
membres. Elles ne rémunèrent pas non plus les parts des membres
de manière généreuse et n'ont pas besoin de le faire car
dans la plupart des cas, les membres n'acquièrent pas des parts dans le
but d'investir. Ce coût faible du capital devrait en théorie
permettre aux coopératives de vendre leurs produits en dessous des prix
du marché ou en d'autres termes, d'incorporer leurs profits dans leurs
produits. Cependant, en raison de l'augmentation des pressions sur les
coopératives afin qu'elles accroissent leur niveau de
profitabilité sur le marché, cet avantage a perdu de sa valeur
(IMF, 2007).
Les banques coopératives ont solidement
établi un positionnement sur le marché de détail et la
loyauté des consommateurs, mais dépendent davantage de ces
derniers que les autres banques. En général, les banques
coopératives ont des positions solides sur le marché bancaire de
détail, en particulier dans leur marché ou segment cible. De
plus, les membres-clients sont supposément plus loyaux que les clients
des banques commerciales puisque la relation que ces premiers ont avec leur
coopérative va au-delà de la relation de
35
consommation du client avec sa banque commerciale. Cependant,
étant donné que le marché bancaire de détail
devient plus compétitif, cette loyauté des membres n'implique pas
forcément que ces derniers vont nécessairement avoir des services
bancaires qu'avec leur coopérative. Par ailleurs, la nature
démocratique des banques coopératives et leur focus historique
sur des marchés spécifiques et restreint géographiquement
peut réduire leur capacité à atteindre d'autres segments
de marchés. Ce qui n'est pas le cas des banques commerciales qui n'ont
pas ces restrictions et qui détiennent plus de flexibilité et de
liberté afin de sélectionner des cibles de consommateurs avec une
plus value élevée (IMF, 2007).
Les branches de réseaux donnent aux banques
coopératives un avantage comparatif important sur le marché de
détail, mais qui tend à décliner. Les banques
coopératives ont établi leur positionnement solide sur le
marché de détail en partie grâce à leur large
réseau coopératif. Cependant, dans un monde où la
présence physique devient de moins en moins nécessaire, les
branches de réseaux ne procurent plus le même avantage comparatif
qu'auparavant. Ce point a été relevé avant la diffusion
des technologies de l'information et communication (IMF, 2007). Une des
forces de nombreuses coopératives est leur capacité à
mobiliser et accumuler les dépôts. Ceci leur
confère des niveaux confortables de liquidité, des ratios de
dépôt et crédit élevées et d'être des
prêteurs solvables sur les marchés interbancaires.
Ceci leur permet également de bénéficier d'une
plus grande stabilité financière (Contamin et Roche, 2005; IMF,
2007).
Les banques coopératives ont un
désavantage comparatif à accéder aux marchés
financiers. C'est le cas des petites coopératives qui manquent
d'expertise et de levier financier car leur capacité de prêt est
plus adaptée au marché de détail et n'est pas toujours
appropriée pour les produits financiers, la syndication21 ou
le refinancement. Cependant, ce désavantage comparatif tend à se
réduire en raison de la disparition des restrictions légales sur
les coopératives dans la conduite d'activités financières
de marché. Les réseaux de banques coopératives ou des
groupes coopératifs se sont intégrés sur les
marchés financiers via leurs filiales spécialisées ou
entités cotées. Cependant, cette tendance hybride peut être
une épée à double tranchant pour les coopératives
car l'accès aux marchés financiers accroit, certes, les
possibilités de refinancer leurs portefeuilles de crédit, mais
cela réduit également l'avantage comparatif qui provient de leurs
activités de détail (IMF, 2007). Les banques
coopératives ont un avantage comparatif fondamental via leur
capacité à surmonter des problèmes liés au
comportement opportuniste des autres banques (commerciales et
d'affaires). Les produits financiers sont devenus très
complexes, ce qui confère aux institutions financières une
ressource considérable d'avantages sur leurs clients. Ceci a aboutit
à de nouvelles formes d'asymétries de l'information et un pouvoir
post-marché détenu par les institutions financières.
Étant donné que les lois de protection des consommateurs ne sont
pas toujours suffisantes pour protéger les clients, le degré de
confiance envers ces institutions est devenu un critère essentiel dans
le choix des consommateurs de leur banque. Les banques coopératives se
sont positionnées comme des
36
institutions financières appartenant à leurs
membres et qui énoncent publiquement qu'elles ne recherchent pas
seulement la maximisation des profits. Ceci confère aux banques
coopératives l'avantage de la confiance. Ces dernières en sont
bien conscientes puisqu'elles positionnent leur marketing sur le fait qu'elles
sont « différentes » des autres banques commerciales. En
conséquence, les consommateurs pourraient être enclins à
payer plus cher pour des produits financiers offerts par une banque
coopérative car les coûts de risque et de surveillance sont
supposés être plus faibles. D'où, les banques
coopératives ont un avantage comparatif à établir la
confiance. Cependant, lorsque les coopératives financières
deviennent plus grandes et poursuivent la croissance et la diversification,
elles ont tendance à perdre leur avantage de confiance car elles
commencent à se « comporter » comme des institutions
financières commerciales (Kay, 2006; IMF, 2007).
1.5.3 Contexte et état des lieux
C'est en Europe où il y a la plus grande concentration
de banques coopératives dans le monde car ces dernières sont
issues de la tradition européenne des banques populaires du
XIXème siècle. Selon la GEBC (Groupement européen des
banques coopératives), les banques coopératives rassemblent
aujourd'hui en Europe, 37 millions de membres sociétaires, 100 millions
de clients et 4000 banques locales, soit la moitié des
établissements de crédit, et leur part de marché dans la
banque de détail est de 20% en moyenne (Parodi, 2009).
Au niveau du mouvement mondial de concentration bancaire de
ces vingt dernières années, les banques coopératives ont
su adopter des stratégies de croissance externe capitalistique par
fusion-acquisition (Parodi, 2009). Les réseaux coopératifs sont
ainsi devenus de grands groupes bancaires hybrides, mêlant à des
entités coopératives ancrées dans leur vocation de banques
de détail, des sociétés par actions
spécialisées soit dans la gestion de portefeuilles
sophistiqués pour une nouvelle clientèle fortunée, soit
dans la banque de financement et d'investissement. Cependant, cette hybridation
des statuts juridiques, des logiques économiques et des cultures
bancaires engendrent des risques de conflits d'intérêts entre
sociétaires coopératifs et actionnaires des
sociétés anonymes autour des enjeux de pouvoir et du partage de
la valeur (Parodi, 2009).
Lors de la crise financière internationale de 2008,
certains groupes bancaires coopératifs n'ont pas été
épargnés et ont connu de sérieux déboires avec
leurs filiales, ainsi que des pertes importantes enregistrées sur les
marchés hautement spéculatifs des produits dérivés
et des prêts hypothécaires américains. Cela a eu pour
conséquence entre autre de révéler d'une part, la
réalité des risques liés à la complexification et
à l'hybridation des structures organisationnelles des banques
coopératives. Puis d'autre part, cela a également
révélé l'incompatibilité entre un objectif de
rentabilité optimale des capitaux propres au profit des actionnaires et
le respect des valeurs coopératives qui conditionnent la confiance et la
fidélisation des sociétaires des banques
En dépit du constat mitigé des banques
coopératives suivant la période de changements structurels qu'ont
entrepris ces institutions financières à partir des années
1990, puis la période de tumultes et remises en question
37
coopératives (Parodi, 2009). Toutefois, le changement
constaté sur le modèle d'affaires des banques coopératives
a été constaté bien avant la crise financière de
2008.
Tremblay et Côté (2001) soulignent le fait que
les organisations coopératives disposent de bien d'avantages mais aussi
des contraintes. Ces dernières sont liées aux limites propres du
modèle coopératif, autrement dit : « la contrainte sur
l'usage (activité du membre lié à l'activité de
l'entreprise), contraintes sur le capital (part sociale, accumulation lente via
les surplus, redistribution liée à l'activité du membre
avec sa coopérative), contrainte sur le processus décisionnel
(structure démocratique) » (Tremblay et Côté,
2001, p. 25). Les deux auteurs avaient également mis en évidence,
en se fondant sur l'étude des banques coopératives
européennes, que plusieurs facteurs avaient amené ces
dernières à entreprendre un changement de structure et une
diversification des produits et services. Ceci afin de s'adapter au contexte de
« réorganisation de l'industrie des services financiers
», notamment en termes de capitalisation sous formes de vastes
opérations de fusions et d'acquisitions. Les principaux facteurs
influents étant l'intensification de la concurrence, la globalisation
des marchés et l'évolution des technologies de l'information et
communication à partir des années 1990 (Tremblay et
Côté, 2001).
Cette notion de perte des valeurs et principes fondamentaux
coopératifs des banques est également abordée par
Abhervé et Dubois (2009). En prenant pour exemples les banques
coopératives françaises telles que les Banques Populaires, Caisse
d'Épargne, Crédit Mutuel et surtout le Crédit agricole,
Abhervé et Dubois (2009) constatent que ces banques se sont
laissées entraîner dans le tourbillon de la crise
financière internationale de 2008 car ces dernières ont en partie
pris des risques de plusieurs milliards d'euros tels que : l'exposition aux
titres toxiques issues des subprimes, la faillite d'une autre banque
(Lehmann Brothers), dérapages internes (pertes liées au
trading), escroqueries (affaire Madoff) et chute des actions
boursières (Abhervé et Dubois, 2009). Cette transformation des
banques coopératives s'est opérée via plusieurs processus
tels que : la complexification structurelle organisationnelle, les fusions et
acquisitions, le changement de statut juridique et le développement d'un
secteur d'assurances, concurrençant directement les assurances
mutuelles, un autre pilier de l'économie sociale. Ce sont une succession
de décisions à caractère stratégique qui ont
amené les banques coopératives à s'éloigner de
leurs fondements d'économie sociale pour « jouer dans la cours
des grands » (Abhervé et Dubois, 2009). Le processus
démocratique de prise de décisions « une personne, un vote
» a été rendu ainsi biaisé et de plus en plus
complexifié par des dirigeants qui pouvaient autant siéger dans
des banques privées capitalistes dans un contexte où «
le mutualisme s'est perdu dans la course aux profits» (Abhervé
et Dubois, 2009, p. 2).
38
de la crise financière de 2008, les organisations et
banques coopératives demeurent un pilier fondamental de
l'économie sociale. Dans l'ensemble, les banques coopératives ont
mieux résisté aux chocs financiers de la crise telle que nous
l'avons vu dans la section sur la crise financière avec le Mouvement
Desjardins, les credit unions aux États-Unis ou les banques
coopératives en Suisse telles que Raiffeisen, Banque Coop ou Banque
Migros. D'autre part, le mouvement coopératif est devenu aujourd'hui un
acteur incontournable du modèle de développement de plusieurs
sociétés, en particulier les sociétés minoritaires
(Malo, Vendrame et Pauchant, 2006). Selon l'ACI (Alliance coopérative
internationale), les coopératives emploient dans le monde près de
250 millions de personnes; les 300 plus grandes coopératives dans le
monde ont généré un chiffre d'affaires de 2,2 billions de
dollars É.-U. en 2012, dont 165 milliards de dollars É.-U.
provenant des coopératives financières et 1, 156,5 milliards de
dollars É.-U. du secteur des mutuelles et assurances, soit au total une
augmentation de 11,6 % (ACI, 2014). Au Canada, quatre personnes sur dix sont
membres d'au moins une coopérative et au Québec,
approximativement 70 % de la population sont membres de coopératives.
Les États-Unis sont le pays de l'ACI qui détient le plus grand
nombre de membres coopératifs avec 256 millions de membres et
près de 30 000 coopératives dans le pays (ACI, 2015).
Par ailleurs, tel que vu dans la précédente
partie portant sur la crise financière 2007-2008, au lendemain de la
crise, la presse a relaté par le biais de plusieurs articles que des
citoyens de divers pays ont commencé massivement à fermer leurs
comptes des banques commerciales pour aller vers les banques dîtes «
éthiques » et principalement coopératives. Que
représente l'éthique de ces banques coopératives?
L'éthique coopérative n'est pas aisément identifiable car
cela dépend de plusieurs facteurs socioculturels. C'est
précisément ce que nous allons voir dans la section suivante.
1.5.4 De l'éthique coopérative
L'éthique coopérative peut être
définie comme un « processus continu d'interrogations
collectives visant à établir un choix de logique d'action dans
laquelle vont s'inscrire les pratiques de gestion de l'entreprise »
(Vendrame, 2006, p. 3). Cependant, définir l'éthique
coopérative n'est pas une tâche aisée en raison de la
pluralité de ses définitions dépendamment des auteurs et
surtout du contexte historique et environnemental de cette dernière.
Ainsi, l'historique de l'éthique coopérative devient
nécessaire afin de comprendre ce concept (Vendrame, 2006). La naissance
des coopératives en tant qu'organisations et donc de l'éthique
coopérative sont une alternative au développement du capitalisme
(Vienney, 1992-1993; Malo, 1981; Vendrame, 2006, Marango, 2002). D'autres tels
que Desroches (1976), voient l'apparition des coopératives selon une
approche utopique issue d'un projet imaginaire d'une société
alternative qui prend sa source dans les idées de plusieurs utopistes
comme Owen (Vendrame, 2006). Ainsi, ces buts communautaires utopistes se
transforment en pratiques coopératives qui renouvellent le tissu social
et émergent comme une alternative à l'entreprise capitaliste
(Desroche, 1976). Les
39
coopératives ont donc adopté la forme
d'entreprise ayant un mode de fonctionnement d'entreprise, mais avec des
règles particulières. Ces règles sont clairement
explicitées par les principes coopératifs promus par l'ACI
(Alliance coopérative internationale) qui forment dès lors
l'éthique coopérative (Vendrame, 2006).
Vers la fin des années 1990, les écrits sur
l'éthique coopérative ont commencé à augmenter en
même temps que la littérature sur la responsabilité sociale
de l'entreprise. Les ouvrages sur l'éthique coopérative se sont
substitués aux traités de doctrine éthique (Malo et al.,
2006). Pour plusieurs auteurs, en particulier contemporains, les principes
coopératifs peuvent être le fondement de l'éthique
coopérative (Champagne, 1988; Lacroix, 2002; Welty, 1985, Laflamme et
Lorrain Cayer, 2004; Robinson et Seguin, 2005; Malo et al., 2006). En d'autres
termes, les principes, coutumes, actions et valeurs du système
coopératif forment l'éthique coopérative. Cette
dernière peut être composée de dimensions «
éthiques », mais qui peuvent varier en fonction du type de la
coopérative et de son environnement (Malo et al., 2006).
En dépit de ces principes coopératifs et des
règles composant l'éthique coopérative, les
coopératives sont soumises à un processus de
ré-identification et de transformation dans le temps selon leur
environnement économique et social (Vendrame, 2006). En effet, la
mutation de l'entreprise coopérative au groupe, puis du groupe
coopératif à la holding affecte l'identité
coopérative, ses valeurs et ses résultats ainsi que
l'éthique coopérative (Koulitchisky et Mauget, 2001; Vendrame,
2006). Cette double crise identitaire et financière vécue ces
dernières années par les coopératives dans plusieurs
secteurs entraîne un risque de banalisation, une altération du
processus démocratique et une remise en question des principes
coopératifs (Vendrame, 2006). Cette transformation des
coopératives fait émerger un nouveau paradigme axé sur les
quatre éléments clés suivants : la loyauté, la
recherche de sens et légitimité, la mobilisation par les valeurs
et l'organisation apprenante (Côté, 2000; Vendrame, 2006).
40
Chapitre 2 : Méthodologie de la recherche
Ce chapitre traite de la méthodologie de recherche qui
a pour objectif d'examiner la gestion de crises et de l'éthique
coopérative au sein de deux banques coopératives que sont le
Crédit agricole et Desjardins. Nous allons ainsi comparer l'impact de la
gestion de crise et d'éthique sur la performance financière des
banques coopératives avant, pendant et après la crise
financière de 2008. Notre méthodologie est fondée sur une
étude de cas comparative des deux banques coopératives dont nous
allons observer le comportement organisationnel (au niveau de la gestion de
crise/éthique coopérative) et humain.
Pour effectuer cette étude comparative, deux principaux
modèles d'analyse organisationnelle seront utilisés, dont un a
été élaboré par Pauchant et Mitroff (2001) pour la
gestion de crises, et l'autre par Vendrame (2006) pour l'éthique
coopérative. Le premier modèle consiste à analyser le
processus interne de gestion de crise d'une organisation sur quatre niveaux :
individu, culture, structure et stratégie. Le deuxième est un
modèle d'analyse de l'évolution éthique coopérative
fondé sur trois axes que sont la création de la valeur, la
stratégie et l'intensité des règles coopératives.
Dans le but de renforcer la méthodologie, le modèle du
désengagement moral de Bandura (1999) sera utilisé à un
stade secondaire afin d'observer les mécanismes de défense au
niveau de l'individu et la culture en gestion de crise.
Par ailleurs, la méthodologie de recherche est
fondée sur une étude de cas multiple. Ce procédé
permet en effet de comparer plusieurs cas afin de déterminer si une
caractéristique ou un résultat est spécifique à un
seul cas ou bien peuvent être reproduits par plusieurs cas (Eisenhardt et
Graebner, 2007). Les cas multiples permettent également une exploration
plus large des questions de recherche et des théories et sont par
conséquent, considérés comme appropriés afin de
mettre en lumière la question de recherche de manière globale
(Yin, 2004; Eisenhardt et Graebner, 2007). Dans notre mémoire, il s'agit
donc d'une étude de cas multiples qui s'inscrit dans une dimension de
temps croisé (observations de cas multiples sur une période) de
cas de banques coopératives dont la problématique peut aboutir
soit sur deux cas avec des résultats similaires mais par
différents processus, soit sur deux cas avec des résultats
différents mais par des processus similaires.
L'un des objectifs de cette étude est de souligner que
l'approche déductive issue des sciences
mathématico-déductives en vue de traduire et interpréter
la réalité peut s'avérer insuffisante même si elle
est nécessaire. En effet, dans un contexte systémique complexe
où des facteurs humains, psychologiques, structurels, technologiques,
institutionnels, culturels et environnementaux sont à prendre en
considération dans un système de gestion, la méthode
déductive scientifique peut présenter de sérieuses limites
à analyser et expliquer clairement et adéquatement l'interaction
et l'interrelation complexe de ces facteurs dans un système
donné. D'où la nécessité
41
de prendre également en considération une
analyse fondée sur une méthodologie qualitative, qui de
manière complémentaire, peut amener à mieux cerner la
problématique, et à établir un cadre conceptuel afin de
capturer la dynamique complexe de ces interactions et interrelations de
multiples facteurs dans un système donné tel que financier.
2.1 Présentation des cas d'études
Tel que mentionné précédemment, notre
étude est fondée sur la comparaison de cas multiples,
précisément de deux banques coopératives, Soit la banque
coopérative du Mouvement Desjardins fondée au Québec
(Canada) et la banque coopérative du Crédit Agricole en
France.
Nous avons choisi d'étudier les banques
coopératives car ces institutions ont un modèle organisationnel
qui, durant la crise financière, a émergé comme
étant un modèle plus socialement responsable que des banques
commerciales et d'affaires. Au-delà de cela, tel que nous l'avons vu
précédemment dans la revue de littérature, le
modèle coopératif bancaire, de par ses caractéristiques,
s'est avéré plus stable dans un contexte de crise
systémique financière. Ce qui lui a permis de limiter les pertes
financières dans le secteur bancaire coopératif de manière
générale. En effet, au lendemain de la crise financière,
les banques coopératives ont émergé comme institutions
financières alternatives de l'économie sociale parmi l'opinion
publique tel que relaté par la presse dans de nombreux pays
touchés par la crise.
Nous avons choisi le Crédit agricole versus le
Mouvement Desjardins car le principal objectif de l'étude comparative de
ces deux cas est de comparer ces deux institutions financières
coopératives et leur processus de gestion de crises et
l'évolution de leur éthique coopérative. En effet, tel
qu'évoqué auparavant, le Mouvement Desjardins a assez rapidement
surmonté la crise financière internationale de 2008 et
limité les pertes financières comparé au Crédit
Agricole. Néanmoins, Desjardins fut affecté dans une moindre
mesure par la crise telle que nous le verrons. Ces deux coopératives
financières ont également été choisies en raison de
leur gouvernance coopérative similaire avec une structure
organisationnelle hybride alliant des services bancaires coopératifs et
services financiers et d'assurances. Elles se sont toutes deux
internationalisées mais à différent niveau : le
développement international coopératif pour Desjardins et les
activités internationales financières pour le Crédit
Agricole. Elles ont été toutes les deux fondées à
la fin du XIXe siècle et historiquement dans une culture francophone,
Desjardins au Québec et Crédit Agricole en France. Cependant, en
termes de nombre de membres, chiffres d'affaires et actifs totaux, elles
différent sensiblement. En termes de nombre de membres et chiffres
d'affaires (2014), le Crédit Agricole est plus grand, mais en termes
d'actifs totaux, Desjardins possède une plus
42
grande réserve de capitaux propres1, soit
229,4 milliards de dollars canadiens en 2014 versus 86,7 milliards d'euros pour
le Crédit Agricole (voir tableau ci-dessous).
Le tableau 1 ci-dessous donne un aperçu comparatif des
principales informations organisationnelles de chaque banque. Il est à
noter que, selon la présentation des données financières
provenant du site internet officiel du Crédit Agricole, les
résultats du Groupe Crédit Agricole comprennent ceux de la
société cotée Crédit Agricole S.A., des caisses
régionales, des caisses locales et leurs filiales. Le Crédit
Agricole S.A. est à la tête du Groupe et a un triple rôle:
il est l'organe central du Groupe, est responsable de la cohérence et
développement stratégique et il représente la banque
centrale du Groupe.
Tableau 1 : Informations institutionnelles du Groupe
Crédit Agricole et Mouvement Desjardins.
Source : sites internet officiels du Groupe Crédit
Agricole et Mouvement Desjardins (2015) et Centre d'études Desjardins
des coopératives de services financiers de HEC Montréal
(2012).
Information institutionnelle
|
Groupe Crédit Agricole
|
Mouvement des caisses Desjardins
|
Année d'établissement
|
1885
|
1900
|
Pays d'origine
|
France
|
Canada (Québec)
|
International
|
54 pays (Secteur affaires)
|
30 pays (Secteur développement)
|
Nombre de membres
|
8,2 millions
|
5,581 millions
|
Nombre de clients
|
50 millions
|
Environ 1,5 millions2
|
Nombre d'actionnaires
|
1,1 millions
|
ND
|
Nombre d'employés
|
140 000 (France et international)
|
54 966
|
Nombre caisses locales
|
2512
|
360 (Québec et Ontario)
|
Nombre caisses régionales
|
39
|
ND
|
Nombre de centres de services
|
11 300
|
805 (Québec et Ontario)
|
Actif total (2014)
|
86,7 milliards d'euros
|
229,4 milliards dollars CAD
|
Revenu d'exploitation (2014)
|
30,2 milliards d'euros
|
12,7 milliards dollars CAD
|
1 Les capitaux propres peuvent être
appréhendés comme des actifs totaux, c'est-à-dire qu'il
s'agit de la valeur totale des actifs diminué du total des dettes. Il
est à noter qu'une coopérative ou une mutuelle, dépourvues
de capital social, peuvent avoir des capitaux propres si la valeur de leurs
actifs dépasse le montant de leurs dettes.
2 Il est à noter que les membres et clients du
Mouvement Desjardins se distinguent par leurs profils. Les membres sont les
sociétaires de la coopérative Desjardins ayant un compte courant
et/ou épargne auprès d'une ou plusieurs caisses et
bénéficiant entre autres du principe « une personne, une
voix ». Les clients sont externes à la coopérative
bénéficiant de services financiers des autres filiales du
Mouvement Desjardins telles que l'assurance, le courtage et le financement ou
crédits. Toutefois, un membre peut être également client
auprès d'une des filiales du Mouvement Desjardins.
La revue de presse et d'articles ont été
structurés sur la base d'un tableau Excel comparatif visant à
sélectionner et classer les principales idées et les citations de
chaque article qui correspondent à chaque niveau du
43
Bénéfice net (2014)
|
4,9 millions d'euros
|
3,9 millions dollars CAD
|
Valeurs
|
Proximité, responsabilité, solidarité
|
L'argent au service du développement humain, l'engagement
personnel, l'action démocratique, l'intégrité et rigueur,
solidarité avec le milieu, l'intercoopération.
|
Secteur d'activité
|
Activités internationales, assurance; audit/conseil;
banque de détail; capital de risque; développement international;
gestion d'actifs; services aux grandes entreprises; services et
activités boursiers.
|
Gestion de patrimoine et Assurances de personnes; assurances de
dommage; services aux particuliers; services aux entreprises;
développement international.
|
Président(e) (Date nomination)
|
Jean Marie Sander (2010)
|
Monique F. Leroux (2008)
|
Pour résumer, il s'agit donc d'explorer et identifier
les facteurs qui ont permis à Desjardins de gérer la crise en
limitant davantage les effets négatifs par rapport au Crédit
Agricole. Ce dernier ayant subit beaucoup plus les effets de la crise
financière comme cela sera exposé ultérieurement. Cette
étude comparative entre les deux banques est fondée sur deux
modèles: le modèle organisationnel de l'oignon au niveau
de la gestion de crises par l'analyse des quatre niveaux que sont l'individu,
la culture, structure et stratégie dans le contexte de la crise
financière (Pauchant et Mitroff, 2001), et le modèle de
l'évolution éthique coopérative de chacune des deux
banques coopératives (Vendrame, 2006)
2.2 Sources des données et codification
Nous allons nous appuyer sur trois types de sources de
données suivantes :
· Historiques sur chacune des deux institutions
· Données financières avant, pendant et
après la crise financière (2005-2011)
· Revue de presse (minimum 30 articles par institution) de
2007 jusqu'à 2011.
Par la suite, en fonction du cadre de repérage
utilisé ci-dessus, une liste d'articles a été
établie pour chaque cas de banque coopérative incluant des
articles de presse ou scientifiques internationaux et des
44
modèle d'analyse de gestion de crise et de
l'éthique coopérative. Le tableau Excel contient une feuille pour
le Crédit Agricole, une autre pour le Mouvement Desjardins et une
troisième feuille pour répertorier les références
de chaque article. Au total, 77 articles ont été
sélectionnés dont 37 pour le Crédit Agricole et 40 pour le
Mouvement Desjardins. Ensuite, les articles ont été choisis en
s'appuyant sur trois critères : 1) Titre ou texte portant sur
chacune des deux banques coopératives : Crédit Agricole
ou Desjardins; 2) Date de l'article: ont été
sélectionnés les articles référant les deux banques
durant la période de la crise financière, soit à partir de
2007 jusqu'à 2011; 3) Recherche des données en fonction
des facteurs des modèles d'analyse: à partir des
articles sélectionnés, les données ont été
codifiées sur la base de mots clés, d'idées
générales et de citations, reliés à chaque facteur
des modèles d'analyse.
Le tableau 2 ci-dessous présente en exemple le support
méthodologique élaboré afin de codifier les données
collectées en se fondant sur les modèles d'analyse de gestion de
crise et l'éthique coopérative.
Tableau 2 : Recherche, sélection et codification des
données.
Modèle d'analyse organisationnel
|
Mots clés, idée générale,
citations
|
Source 1 Références
|
Source 2 Références
|
Gestion de crise
|
Niveau 1 : individu
|
Fait, événement ou citation se rapportant à
ce niveau du modèle
|
Exemple : nom, prénom (année).
|
Etc.
|
Niveau 2 : culture
|
Idem
|
Idem
|
Idem
|
Niveau 3 : structure
|
Idem
|
Idem
|
Idem
|
Niveau 4 : stratégie
|
Idem
|
Idem
|
Idem
|
Éthique coopérative
|
Axe 1 : création de valeur
|
Fait, événement ou citation se rapportant à
cet axe du modèle
|
Exemple : nom, prénom (année).
|
|
Axe 2 : stratégie
|
Idem
|
Idem
|
Idem
|
Axe 3 : intensité des règles
coopératives
|
Idem
|
Idem
|
Idem
|
|
45
communiqués officiels. Chaque article contenant un ou
des élément(s) qui se réfèrent à chaque
facteur du modèle d'analyse organisationnel susmentionné a
été classé sur une liste suivant une chronologie de la
crise financière de 2007 à 2011. Le tableau 5 à l'annexe 2
présente la liste des articles utilisés pour chaque cas. Trois
types de données ont été utilisées pour
l'étude comparative de ces deux cas : 1) Informations directes
issues des communiqués de presse ou articles de presse relatant
des résultats financiers, des nouvelles de la direction concernant
l'organisation, la stratégie ou la restructuration etc. ; 2)
Analyses portant sur chaque cas issues d'articles de presse ou
scientifiques ancrées dans la période de la crise
financière (2007-2011); 3) Articles d'opinion portant
sur chaque cas tirées d'articles de presse ou de blogs. Il est
fréquent d'avoir des articles combinant deux ou trois de ces types de
données, soit par exemple informations directes et analyses ou analyses
et opinion. Cette méthode de collecte de données sur trois
niveaux permet en premier lieu d'avoir des données directes comparables
entre les deux cas et de pouvoir explorer ou analyser des données
objectives dénuées d'analyse ou d'opinion selon chaque facteur du
modèle d'analyse. En second lieu, les articles d'analyse permettent
d'affiner la première étape d'analyse des données directes
ou objectives soit en la confirmant ou infirmant, ce qui tend à guider
l'exploration ou l'analyse en s'assurant d'être sur la bonne voie. Enfin,
en troisième lieu, les articles d'opinion viennent contribuer aux deux
précédents points à titre d'expression de l'opinion
publique sur la problématique.
2.3 Cadre Conceptuel
Nous avons tenté, par l'intermédiaire de la
revue de littérature, de mettre en avant le fait que la gestion
d'institutions financières, d'instruments et de produits financiers,
d'actifs et de risques financiers peut être explorée sur la base
de nouvelles perspectives, autres que la perspective financière et
scientifique habituellement appliquées à l'étude de
l'industrie financière et des institutions financières.
Ces nouvelles perspectives, la gestion de crises et
l'éthique coopérative d'une part, le modèle de gestion des
banques coopératives d'autre part, ont été
présentées en premier lieu, dans le contexte d'une
économie en partie basée sur la finance de marché.
Autrement dit, il s'agit d'une forme de capitalisme de marché dont les
capitaux et les flux de liquidités sont hautement concentrés au
niveau de l'industrie financière depuis la fin des années 1980.
C'est ainsi, en second lieu, dans le contexte de la crise financière
internationale de 2007-2008, qu'ont été exposées les
caractéristiques et les conditions dans lesquelles a pris place une
crise systémique et ses conséquences. Puis, l'examen de l'ampleur
des effets de la crise sur les deux banques coopératives selon le
degré de leur internationalisation, performance financière et
leur modèle organisationnel en comparant le processus de gestion de
crise du Crédit Agricole versus celui du Mouvement Desjardins.
46
Les banques coopératives constituent notre objet
d'étude de l'industrie financière sur la base d'une autre
perspective, celle de la finance comportementale qui implique une gestion
fondée davantage sur le comportement humain. Ce sont des institutions
financières dont le modèle organisationnel représente une
alternative de gestion des banques comparé aux banques commerciales ou
d'affaires. En effet, les fondements des banques coopératives reposent
sur une gestion responsable, démocratique, favorisant la
stabilité financière et qui prend en compte les
intérêts des parties prenantes de l'ensemble d'une
société. Enfin, la perspective managériale, de par la
gestion de crise, peut fournir un concept exploratoire en vue d'étudier
les deux banques coopératives en comparant leur potentiel de gestion de
crises et les raisons qui expliquent que le Mouvement Desjardins ait mieux
résisté à la crise que le Crédit Agricole. De
même, la perspective de l'éthique coopérative met en
lumière les liens entre la gestion de crises et l'éthique
coopérative.
La figure 3 ci-dessous schématise la cadre conceptuel
fondée sur les deux principaux modèles de la méthodologie.
L'idée principale est que le processus de gestion de crise est un
système composé de variables inter reliées. Ainsi, les
quatre facteurs (individu, culture, structure, stratégie) du
modèle de l'oignon en gestion de crise et l'éthique
coopérative pourraient s'influencer mutuellement et créer une
dynamique positive qui aboutirait à la performance et stabilité
financière ainsi qu'à une gestion de crise prévenante qui
auraient pour résultat de réduire le risque de crise
systémique et de pertes financières ou faillites.
47
Figure 3 : Cadre conceptuel.
2.4 Modèle organisationnel de la gestion de
crise
Pauchant et Mitroff (2001) suggèrent la
difficulté qu'ont aujourd'hui les organisations à passer de la
première génération, c'est-à-dire le
pilotage et la préparation aux crises, à la seconde
génération, qui met plus l'accent sur la prévention
aux crises. D'où, afin de permettre aux gestionnaires de toute
organisation ou entreprise de comprendre la nécessité et
l'importance d'anticiper les crises, les deux auteurs ont
développé des outils analytiques et concrets, afin de
dépasser la première génération pour
appliquer et mieux assimiler les pratiques de gestion de crises de la
seconde génération. Ceci, en vue de mieux prévenir
les crises et limiter leurs conséquences qui peuvent endommager
gravement l'ensemble d'un système et entraîner des dommages
collatéraux sur l'ensemble de la société.
Le modèle d'analyse organisationnelle illustré
par la métaphore de « l'oignon » correspond à un
système complexe car d'une part, étymologiquement parlant, «
com-plexité » signifie « tissé de plis », ce qui
s'applique au cas de l'oignon. On parle donc d'un système «
tissé de plis », ce qui représente la complexité d'un
système qui est
48
effectivement composé de plusieurs niveaux
imbriqués les uns aux autres, dont on n'aperçoit pas
forcément la ligne de commencement de celle de la fin et dont le noyau
est difficile d'accès tel qu'un oignon (Pauchant et Mitroff, 2001). Tel
que cela a été évoqué dans la revue de
littérature, cette vision systémique de la gestion de crise est
confirmée et reconnue par de nombreux auteurs en management et gestion
de crise (Morin, 1976; Deschamps et al., 1997; Weick et Sutcliffe, 2007;
Pauchant et Mitroff; 2001; Fischbacher-Smith, 2011; Topper et Lagadec, 2013;
Perrow; 1984; Leveson, 2004; Belmonte et al., 2011; Weber et al., 2012;
Pauchant, Mitroff et Lagadec, 1991; Saleh et Pendley, 2012; Guntzburger et
Pauchant, 2014).
Ce modèle de l'oignon est donc composé
de quatre niveaux dont chacun dispose d'un instrument d'évaluation
managériale pour les gestionnaires dans le but de mettre en place un
plan de gestion de crises:
· Niveau 1 : caractère des individus
employés par l'organisation (mécanismes personnels de
défense)
· Niveau 2 : culture organisationnelle
(croyances et rationalisations organisationnelles)
· Niveau 3 : structure organisationnelle
(infrastructure consacrée à la gestion de crise)
· Niveau 4 : stratégie organisationnelle
(plans, mécanismes et procédures de gestion de
crises)
La figure 4 ci-dessous représentant le modèle
d'analyse organisationnelle de l'oignon en gestion de crises de
Pauchant et Mitroff (2001), à partir duquel nous expliquerons davantage
les niveaux 1 et 2 qui sont les plus implicites et les moins visibles à
analyser dans les deux prochaines sections.
49
Figure 4 : « Le modèle de l'oignon en gestion de
crise » (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 76, emprunté)
2.4.1 Niveau 1 : caractère des individus au sein de
l'organisation et mécanismes de défense
Ce niveau est considéré comme étant le
plus profond et imperceptible dans une organisation. Il aborde les
expériences subjectives et psychologiques des individus au sein de
l'organisation. Il s'agit par exemple de la propension des individus à
utiliser les différents mécanismes de défense pendant une
crise ou bien du degré d'anxiété existentielle. Ces
facteurs ont une influence et un impact significatifs sur la perception d'une
crise et sur la gestion de celle-ci. Pauchant et Mitroff (2001)
établissent plusieurs facteurs influents sur la gestion de crise qui se
rapportent directement et indirectement au psychique et à la
personnalité des individus dans les organisations. L'individu ou
l'humain est au coeur de la gestion de crises. En effet, Pauchant et Mitroff
(2001) suggèrent, en se fondant sur une étude en psychologie de
Rollo May (1950), qu'il existe une relation entre les types de
personnalité et les crises selon laquelle les personnes stables et
équilibrées sont plus aptes et capables d'intégrer des
expériences traumatisantes et d'utiliser ces expériences pour
s'améliorer. Tandis que les personnes instables et moins
équilibrées émotionnellement ne pouvaient pas
entièrement intégrer et utiliser ces expériences
traumatisantes.
50
Par ailleurs, Pauchant et Mitroff (2001) mettent
particulièrement l'emphase sur la relation étroite entre les
crises, la déflation et l'inflation.
D'une part, concernant l'inflation, en citant le Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders, Pauchant et Mitroff (2001) établissent
un profil des personnes souffrant d'inflation, comme étant des individus
ayant des types de comportements dramatiques, autoritaires et grandioses. Ces
derniers ont tendance à manipuler les autres pour tirer des avantages de
leurs relations avec ces derniers et le plus souvent en les exploitants. Ils
ont également un sentiment de grandeur et accordent une auto-importance
à leur personne, en exagérant leur réussite et leurs
talents, préoccupés par des fantasmes de succès
illimités, de pouvoir et tout en exigeant des autres l'attention et
l'admiration. Or, Pauchant et Mitroff (2001) font remarquer que ces personnes
présentant un trouble psychologique apparent qu'est l'inflation, sont
encouragées à adopter ce type de comportement et à
l'entretenir afin de bénéficier d'une promotion dans de
nombreuses organisations et en particulier dans l'industrie
financière.
D'autre part, en ce qui attrait à la déflation,
Pauchant et Mitroff (2001) décrivent les personnes souffrant de
déflation comme étant des individus ayant tendance à
préférer rester en arrière-plan, craignant le plus souvent
de ne pas être à la hauteur et idéalisent les personnes
inflationnistes qui dégagent une image de très grande estime de
soi, de courage et de puissance. Cependant, selon Pauchant et Mitroff (2001),
lorsque les troubles de déflation sont moins prononcés, les
personnes peuvent être conscientes des conséquences destructrices
de leur entreprise ou de leurs dirigeants. En revanche, même si elles en
sont conscientes, « elles n'ont pas souvent le courage existentiel
pour affronter les problèmes et participer au changement »
(Pauchant et Mitroff, 2001, p. 92-93).
Ces mécanismes de défense liés à
l'inflation et la déflation ont été appliqués par
exemple au cas de la crise déclenchée par la centrale
nucléaire de Fukushima lors du séisme qui a frappé le
Japon le 11 mars 2011 dans une étude de Guntzburger et Pauchant (2014).
Les deux auteurs suggèrent que durant la crise de Fukushima, le
gouvernement japonais avait une attitude inflationniste en recherchant un
contrôle absolu et omniprésent. En revanche, les autres
responsables du dossier comme Tepco (opérateur de la centrale
nucléaire de Fukushima) et NISA (organisation de régulation
nucléaire au Japon), en dépit de leur responsabilité
officielle, avaient un comportement déflationniste, en suivant
constamment les directives du gouvernement (Guntzburger et Pauchant, 2014).
Guntzburger et Pauchant (2014) suggèrent également que ces trois
acteurs ont utilisé différents mécanismes de
défense tels que le déni de la sévérité de
la situation, la projection de la cause de la crise sur un
événement naturel (séisme) et la grandeur,
illustrée par plusieurs discours stipulant leur absolu contrôle de
la situation. Le tableau 6 à l'Annexe 3 illustre les différents
mécanismes de défense lors de la crise de Fukushima.
51
2.4.2 Niveau 2 : culture organisationnelle, croyances et
rationalisations
La culture organisationnelle est composée de croyances
la plupart du temps inconscientes et non explicitement formulées ainsi
que de règles tacites qui dictent le comportement favorable des
individus dans les organisations (Pauchant et Mitroff, 2001). La culture
organisationnelle est souvent perçue par les gestionnaires, les
consultants et les auteurs en gestion comme étant un avantage
compétitif, or une culture d'entreprise n'est pas une variable que l'on
peut manipuler et utiliser à son avantage car c'est avant tout un
concept social et abstrait, une sous-culture qui fait elle-même partie
d'une plus grande culture sociale ancrée dans la société
(Pauchant et Mitroff, 2001).
Par ailleurs, la culture d'entreprise a également une
fonction existentielle propre à l'organisation, puisque, selon Pauchant
et Mitroff (2001), une organisation n'a pas uniquement pour fonction de
production et d'exploitation de biens et des services, mais elle est aussi un
groupe d'individus qui collaborent afin de réaliser un objectif commun
ou dans le but politique d'accomplir un objectif qu'ils ne pouvaient
réaliser individuellement. Ainsi, c'est précisément cette
fonction existentielle qui pousse en partie les personnes à se
protéger et adopter des normes élaborées dans une
entreprise et ce, même si ces normes peuvent déclencher des
crises. Autrement dit, « défendre ces valeurs destructives est,
dans ce cas, le « prix à payer » afin de ne pas avoir à
affronter sa propre anxiété ». (Pauchant et Mitroff,
2001, p. 104). C'est donc cet aspect de la fonction existentielle de
l'organisation qui caractérise les gestionnaires « porte-crises
» selon Pauchant et Mitroff (2001), car ces individus sont plus
préoccupés à élaborer et défendre les normes
et valeurs qu'ils ont érigés dans leur organisation, que de
considérer le changement de ces normes et la nécessité de
conserver un état d' « anxiété positive » dans
le but de prévenir et d'anticiper la crise plutôt que de seulement
se préparer à la gérer une fois
déclenchée.
Le modèle des dix mécanismes de
désengagement moral de Bandura (1999), présenté
précédemment à la revue de littérature, implique
également que les mécanismes de défense des individus,
dans un contexte de groupe restreint et organisationnel, peut aboutir à
une culture de désengagement moral et donc une gestion
dénuée d'éthique personnelle et organisationnelle
(Bandura, 1999; Pauchant et al., 2015). Comme cela a été
mentionné dans la revue de littérature par plusieurs auteurs, le
phénomène de pensée de groupe, lorsque
caractérisé par une culture de désengagement moral, peut
créer un contexte favorable aux crises dont les signaux et alertes
peuvent être ignorés par l'intermédiaire des
mécanismes de défense des individus impliqués dans le
groupe (Ford, 1981; Janis, 1982; Lagadec, 1991; Lhuilier, 2009; Anand, Asford
et Joshi, 2004; Pauchant et al., 2015). Le tableau 3 présente les dix
mécanismes de désengagement moral dans trois cas : l'affaire
Enron, la crise financière 20072008 et la Ville de Montréal avec
la Commission Charbonneau.
52
Tableau 3 : Mécanismes de désengagement moral selon
trois cas (Pauchant et al., 2015, p. 9-10, emprunté)
Mécanismes
|
Enron
|
Système
bancaire/financier
|
Mairie de Montréal
|
1. Justification morale
|
A chaque fois que de l'argent a pu se gagner
illégalement, quelqu'un l'a fait. C'est dans la nature humaine.
|
Le développement des marchés de capitaux a permis
de redistribuer plus efficacement le risque.
|
Moi, j'ai d'abord refusé catégoriquement. Mais
là il m'a dit que, regarde, c'était pour services passés,
que je ne lui devrais rien... Alors, avec le vin, le ci, le ça, à
la fin du repas, j'ai dit oui.
|
2. Comparaison avantageuse
|
A travers l'histoire, il y a eu de pires scandales.
|
Quand comparés à d'autres pays qui ont connu des
instabilitésfinancières, [nos gestionnaires] peuvent être
considérés honnêtes et compétents.
|
Même s'ils avaient des liens avec la mafia, ils se
comportaient comme de vrais gentlemen.
|
3. Aseptisation du langage
|
Enron a utilisé des pratiques comptables agressives,
exploitant des règles complexes, dans le but de maximiser ses
profits.
|
Les données historiques prouvent que nous avons pris en
compte tous les facteurs nécessaires. (...) Nous avons bien fait notre
travail.
|
J'étais à ce moment-là comme une police
d'assurance pour les entrepreneurs.
|
4. Déplacement de la responsabilité
|
Ce sont de fausses alarmes qui ont fait paniquer les banques.
|
Vous savez, ceux qui s'occupaient du détail de la
transaction étaient peut- être au courant. Moi non.
|
J'avais beau avoir des doutes, poser des questions, être
vigilant, ce n'est malheureusement qu'après les faits que l'on m'a remis
[l'information].
|
5. Diffusion de la responsabilité
|
Nos comptables et notre personnel m'avaient assuré que
tout était correct. Tellement de règlements ont été
créés qu'on s'y perd...
|
Le sous-produit de ce que nous faisons, c'est le chaos, et
personne n'est responsable de ce chaos.
|
Tout le monde, tout le monde était au courant chez
nous.
|
6. Déni des conséquences
|
Nous n'avions qu'un problème de liquidité. Une
faillite ne doit pas être confondue avec un
|
La révolution de la finance immobilière a ...
conduit à une autre transformation radicale...
|
Avec le service 5 étoiles, tout le monde étant
gagnant-gagnant.
|
|
53
|
crime.
|
L'économie est aujourd'hui moins cyclique.
|
|
7. Minimisation des conséquences
|
Seules quelques pommes pourries on gâté tout le
tas. Ce genre de problème est aussi vieux que la naissance de
l'Amérique et nous avons toujours survécu.
|
Je pense qu'il existera toujours de nombreuses opinions sur la
performance d'un titre par rapport au marché.
|
La façon la plus simple que j'ai trouvée, j'ai
commencé à aller au casino... C'était ma façon
à moi de remettre cet argent-là dans les coffres de
l'État. C'était ma façon à moi de payer un genre
d'impôt...
|
8. Remise en cause des conséquences
|
Si on remet en question nos pratiques, celles de G.E., celles de
Qwest, cela va créer une réaction en chaine qui va drainer les
liquidités de toutes ces firmes et faire beaucoup de mal [à
l'économie entière].
|
Pour les analystes, il n'y a absolument aucune raison de
supposer que, une fois cette crise surmontée, l'économie mondiale
ne reviendra pas à son taux de croissance précédent, et
ils aimeraient bien en être félicités.
|
Je veux que vous sachiez qu'une fois ces bandits partis, les
fondations de notre ville sont solides et reposent sur des milliers de femmes
et des hommes dévoués, compétents et intègres...
|
9.
Déshumanisation des victimes
|
Les vieilles mémés qui veulent
récupérer leur argent, on va leur enfoncer dans leur c..
|
[Les profits mirobolants] sont rares dans le marché et ce
serait difficile pour nous de trouver un acheteur assez fou pour prendre le
risque. Mais [si l'occasion se présente], nous allons la prendre et
trouver quelqu'un à tromper.
|
Il faut manipuler les gens pour gagner une élection.
|
10. Blâme envers les victime
|
Ils auraient dû mieux se protéger et ne pas placer
tant d'argent dans le plan de retraite de la firme.
|
Et c'est de la faute à qui ? De la faute au préteur
prédateur? Non. C'est la personne qui a signé le contrat qui est
fautive.
|
Pour éviter que les électeurs se questionnent sur
la provenance des fonds utilisés, il suffit d'organiser des cocktails de
financement...
|
|
Le tableau 3 ci-dessus présentant les mécanismes
de désengagement moral de Bandura (1999) appliqué à trois
cas (Pauchant et al., 2015), notamment au secteur financier (colonne du
milieu), permettent d'observer l'amplitude du désengagement moral dans
le milieu financier dans un contexte de crise. Selon les dix
mécanismes
54
identifiés, il apparaît que pour chaque
mécanisme, les protagonistes trouvent une justification quant à
leurs pratiques et les conséquences sur l'ensemble du système
financier, l'économie, les individus et la société. Ainsi,
l'on peut observer que ce désengagement moral survient par
différents mécanismes, les principaux consistent à
dévier les responsabilités, à ignorer les
conséquences et surtout à déshumaniser les victimes. Les
mécanismes n° 4 et 5 par exemple consistent respectivement à
déplacer la responsabilité : « Vous savez, ceux qui
s'occupaient du détail de la transaction étaient peut-être
au courant. Moi non »; à diffuser la responsabilité : «
Le sous-produit de ce que nous faisons, c'est le chaos, et personne n'est
responsable de ce chaos ». Le déplacement ou l'ignorance de la
responsabilité est un schéma fréquent dans le secteur
financier et souvent, cela aboutit à désigner un
bouc-émissaire tel que nous le verrons plus tard.
Par ailleurs, lorsqu'il s'agit des conséquences, les
mécanismes n° 6 et 8 par exemple permettent aux responsables de
faire un déni des conséquences: « La révolution de la
finance immobilière conduit à une autre transformation
radicale...L'économie est aujourd'hui moins cyclique » ; de
remettre en cause les conséquences: « Pour les analystes, il n'y a
absolument aucune raison de supposer que, une fois cette crise
surmontée, l'économie mondiale ne reviendra pas à son taux
de croissance précédent, et ils aimeraient bien en être
félicités ». Dans ce dernier cas, l'on peut constater que ce
ne fut pas vraiment le cas pour la croissance économique tel que vu en
introduction selon les données (voir Annexe 1) mesurant l'impact qu'a eu
la crise sur l'économie dans l'ensemble, le chômage mondial et
l'endettement global. Enfin, les mécanismes de désengagement
moral n° 9 et 10 visent à déshumaniser les victimes : «
[Les profits mirobolants] sont rares dans le marché et ce serait
difficile pour nous de trouver un acheteur assez fou pour prendre le risque.
Mais [si l'occasion se présente], nous allons la prendre et trouver
quelqu'un à tromper » ou bien à blâmer les victimes :
« Et c'est de la faute à qui? De la faute au préteur
prédateur? Non. C'est la personne qui a signé le contrat qui est
fautive ». Ces deux mécanismes suggèrent trois facteurs
critiques : premièrement le fait que les protagonistes peuvent utiliser
l'information dont ils disposent à l'encontre des victimes comme
avantage et levier pour les « tromper »; deuxièmement, le
caractère « immoral » des pratiques vis-à-vis des
victimes semble être considéré comme « normal »,
faisant partie des pratiques courantes et de la « culture » du milieu
financier; troisièmement, cela suggère une culture non seulement
de désengagement moral mais également d'impunité
omniprésente, et un manque d'éthique dans le comportement autant
individuel qu'organisationnel.
Pauchant et Mitroff (2001) ont aussi établi une grille
de trente-deux rationalisations les plus fréquentes dans les
organisations et similaires aux mécanismes du désengagement moral
de Bandura. Cependant, il y a trois rationalisations qui sont les plus
importantes et les plus ancrées dans l'esprit de l'organisation. Il
s'agit de la 1ère, 11ème et
17ème rationalisation. Ces dernières sont
détaillées dans tableau 7 de l'Annexe 4. Ces rationalisations
sont elles-mêmes liées à des mécanismes de
défense selon Pauchant et Mitroff (2001), que sont par exemple la
55
grandeur (liée à la croyance que la taille de
l'organisation rend invulnérable) et la projection. Les
mécanismes de défense ont été traités par
plusieurs auteurs, comme cela a été mentionné auparavant,
tels que les « mécanismes de défense » de Lhuilier
(2009) ou les « tactiques de socialisation » encourageant la
corruption (Anand, Asford et Joshi, 2004), ainsi que les «
mécanismes de normalisation » identifiés par Roux-Dufort
(2000). La projection par exemple, est reliée à la
17e rationalisation, soit la croyance que « l'origine des
crises vient du mal », et a pour principale fonction de se
déresponsabiliser suite à un évènement grave ayant
des conséquences irréversibles ou bien au niveau de l'origine
d'un problème (Pauchant et Mitroff, 2001). Ainsi, le plus souvent, il
s'agit de trouver un bouc-émissaire dont la stratégie
d'identification du bouc-émissaire s'accompagne, selon Pauchant et
Mitroff (2001), d'une fragmentation extrême entre les groupes. Nous avons
été témoins de ce phénomène de
bouc-émissaire durant la crise financière, puisqu'aux
États-Unis, en 2009, c'est Bernard Madoff qui fut condamné
symboliquement à 150 ans de prison pour diverses charges gravissimes
d'escroquerie atteignant au total 65 milliards de dollars américains
(Pia Mascaro, 2009). Tandis qu'en France, en 2010, c'est Jérôme
Kerviel qui fut poursuivi en justice et condamné comme étant le
seul et unique responsable des énormes pertes enregistrées de la
Société Générale (soit une moins-value de 4,9
milliards d'euros sur un bénéfice de 7 milliards d'euros) (Cori,
2008). La réalité étant que les véritables
responsables n'ont pas été questionnées et poursuivis en
justice jusqu'à ce jour sur la légitimité et la
transparence des pratiques bancaires et financières.
2.4.3 Niveau 3 : structure organisationnelle :
infrastructure consacrée à la gestion de crise
La structure ou le design organisationnel suppose la
problématique, selon Pauchant et Mitroff (2001), des différents
types d'organisations du travail qui encouragent la gestion systémique
des crises et ceux qui ne le font pas. Les deux auteurs mentionnent toute fois
à ce stade, l'importance des liens existant entre les quatre niveaux du
modèle d'analyse organisationnel et qu'on ne peut pas analyser la
structure organisationnelle (niveau 3) sans la relier à la culture
organisationnelle (niveau 2) et vise-vers-ça.
De nos jours, la conception classique et traditionnelle de la
structure organisationnelle a été bouleversée et
transformée par le phénomène de la globalisation car,
selon Pauchant et Mitroff (2001), le monde est devenu si connecté de
part et d'autre de la planète par l'intermédiaire de l'expansion
des technologies de l'information et communication, ainsi que par le
phénomène de la mondialisation, que n'importe quel
événement peut avoir un impact influent et avec des
conséquences n'importe où et n'importe quand et ce,
instantanément (Roux-Dufort, 2000). Par conséquent, en raison de
la « globalisation » des systèmes productifs,
économiques, commerciaux, financiers, logistiques
etc. la structure organisationnelle
classique et fragmentée est devenue obsolète dans la mesure
où elle ne peut plus répondre adéquatement et efficacement
à l'exigence systémique globalisée. C'est donc
précisément ce nouveau paradigme qui a amené à
repenser et concevoir une nouvelle structure
56
organisationnelle adaptée au nouveau système
globalisé. Pauchant et Mitroff (2001) proposent par exemple un
modèle de structure organisationnel « systémique »
élaboré par Jay Galbraith (1977) afin de mieux intégrer un
mécanisme de gestion qui réduit le potentiel de crises et qui les
prévient (voir le modèle à l'Annexe
5).
Pauchant et Mitroff (2001) préconisent également
l'intégration d'une cellule de crise car le développement d'une
gestion systémique des crises dans les organisations passe par la mise
en place d'une unité structurelle qu'est la cellule de crise qui serait
intégrée dans le modèle structurel de l'organisation.
Cependant, les deux auteurs précisent que même si la formation
d'une cellule de crise est nécessaire, elle n'est pas pour autant
suffisante pour prévenir et gérer les crises. En effet, comme
l'ont souligné plusieurs auteurs, le phénomène de crise
demeure assez complexe et en particulier systémique (Lagadec, 1991;
Perrow, 1984; Pauchant, Mitroff et Lagadec, 1991; Roux-Dufort, 2000; Topper et
Lagadec, 2013; Leveson, 2004; Belmonte et al., 2011; Weber et al., 2012;
Guntzburger et Pauchant, 2014) et dépasse donc les capacités
d'une équipe potentielle et spécifique à la gestion de
crises (Pauchant et Mitroff, 2001). De plus, les cellules de crise existent bel
et bien dans plusieurs organisations mais elles demeurent au stade de «
croyance » selon laquelle le fait de disposer d'une cellule de crise tend
à résoudre à elle seule tous les problèmes
(Lagadec, 1991; Pauchant et Mitroff, 2001). Roux-Dufort (2003) suggère
aussi, pour l'intégration d'un plan de gestion de crise, la mise en
place d'une cellule de crises qui aurait pour rôle de piloter la gestion
de crise mais avant tout, de prévenir en amont les crises. Pour cela, la
culture organisationnelle est essentielle et nécessaire car il faut
développer une culture de la crise, selon Roux-Dufour (2003), car une
gestion de crise structurée et intégrée doit provenir
d'une volonté forte de la direction générale. Ceci rejoint
également le point soulevé par Pauchant et Mitroff (2001) en ce
qui attrait au maintien d'un état d'esprit d' «
anxiété positive » et l'importance d'une culture morale et
éthique à l'opposé de la culture de désengagement
moral (Bandura, 1999; Pauchant et al., 2015). En revanche, Pauchant et Mitroff
(2001) soulignent que la mise en place d'une cellule de crise ne doit pas
être forcément permanente, le risque étant que les
départements mis en place pour gérer les crises tendent à
abuser de leur statut pour créer un climat constant d'urgence et une
paranoïa afin de justifier et maintenir leur existence.
2.4.4 Niveau 4 : stratégie organisationnelle :
plans, mécanismes et procédures de gestion de crises
Le dernier niveau du modèle organisationnel de
l'oignon selon Pauchant et Mitroff (2001) concerne la gestion
stratégique de toute organisation confondue. Au-delà de la notion
de compétitivité qui semble gouverner la stratégie
organisationnelle, la gestion stratégique présente plusieurs
caractéristiques selon Pauchant et Mitroff (2001). Ces dernières
concernent par exemple les relations établies entre une organisation et
son environnement, un ensemble complexe de groupes d'intérêts ou
de parties prenantes, une implication de la direction générale,
un intérêt pour l'organisation dans son ensemble, l'expression
d'une évolution cohérente et enfin, un processus émergent.
Ces caractéristiques relatives à la gestion stratégique
s'appliquent tout autant à la gestion des crises
57
selon Pauchant et Mitroff (2001), puisqu'il y a bien une
gestion stratégique des crises en vue de prévenir les crises. Or
Pauchant et Mitroff (2001) soulignent justement que ces similitudes entre les
caractéristiques de la gestion stratégique et celles des crises,
ainsi que l'interdépendance et la complémentarité entre
les deux formes de gestion, stratégique d'une part et de crises d'autre
part, ne sont pas assez reconnues et étudiées. Autrement dit, la
gestion de crises suppose l'intégration de la notion de « crise
» dans chaque gestion stratégique de l'organisation quelque soit la
nature de cette stratégie qu'elle soit de marketing, financière,
technologique, industrielle, environnementale, humaine, structurelle, globale
etc. Chaque stratégie doit considérer le risque de crise et pour
cela, les personnes implantant la stratégie doivent avoir un état
de conscience du potentiel de crise ou un état de tension sain comme
mentionné par Roux-Dufort (2000) et Pauchant et Mitroff (2001).
La culture organisationnelle est donc essentielle à ce
stade pour permettre la mise en place d'un plan de gestion de crise
fondé non seulement sur des règles mais aussi une culture
éthique pour renforcer la gestion de crise. Roux-Dufort (2000) propose
des stratégies telles que créer les condition d'apprentissage des
crises; étendre le cadre de référence et d'investigation
des dirigeants; dresser une carte des parties prenantes; examiner les enjeux et
les interrelations des parties prenantes; mettre à la surface et tester
les présupposés de gestion de crise; élaborer des
scénarios complets; faciliter l'appropriation de gestion de crises; et
la mise en place d'une stratégie de relations publiques et médias
(Roux-Dufort, 2003).
La gestion de crise suppose donc un système complexe
où des facteurs tels que la culture, structure et stratégies de
gestion de crise sont déterminants dans la mise en place d'un plan de
gestion de crise. L'individu demeure au coeur de la gestion systémique
de crise puisque la culture, la structure et la stratégie sont
créées et élaborées par l'individu. D'où
l'importance de l'individu, dans les deux cas de banques coopératives,
afin de mettre en place une gestion de crise et une éthique
coopérative.
2.5 Modèle organisationnel de l'évolution
éthique coopérative
Nous avons vu précédemment que les
coopératives subissent un processus de ré-identification et de
mutation dans le temps selon leur environnement social et économique. En
raison de cela, les coopératives agissent de leur propre initiative en
ce qui attrait à l'application de pratiques éthiques au niveau de
leurs activités financières et opérationnelles, ainsi
qu'au niveau de la gestion de crises. Or selon Vendrame (2006), l'absence de
consensus sur l'éthique coopérative peut rendre difficile la
tâche pour une coopérative de s'auto-évaluer pour ensuite
agir consciemment.
58
Le modèle de l'évolution éthique des
coopératives proposée par Vendrame (2006), permet aux
coopératives d'auto-diagnostiquer leur évolution en termes
d'éthique coopérative, sans, toutefois, porter un jugement
éthique. Ce modèle est fondé sur trois axes, soit la
création de valeur, la stratégie et l'intensité des
règles coopératives. Ainsi, la coopérative peut se
positionner temporellement sur chacun des trois axes et peut observer la
direction prise par son organisation en termes d'éthique
coopérative. Autrement dit, ce modèle permet de déterminer
la nature de l'éthique coopérative appliquée : soit que
l'organisation reste dans une bulle d'éthique plus coopérative
définie par une stratégie de focalisation, de perspective et une
forte intensité des règles coopératives; ou bien que
l'organisation bascule vers l'éthique néolibérale,
c'est-à-dire définie par une stratégie de standardisation,
de positionnement et une faible intensité de règles
coopératives (Vendrame, 2006). La figure 5 ci-dessous représente
le modèle d'analyse et d'auto-diagnostique éthique des
coopératives élaboré par Vendrame (2006).
Figure 5 : « Auto-diagnostique éthique des
coopératives » (Vendrame, 2006, p. 5, emprunté)
La création de valeur (Axe 1)
représente l'évolution d'une entreprise collective qui
peut être conceptualisée en trois phases mettant en relief cinq
stratégies de création de valeur (Malo et Vezina, 2004). Lors de
la première phase, qu'est celle de la diffusion du modèle, les
coopératives doivent choisir une stratégie de création de
valeur cohérente avec leur identité. Ainsi, la partie gauche de
l'Axe 1 reflète une méthode plus néolibérale de
créer de la valeur aux membres. Ces derniers sont alors
considérés comme des « homo-économicus » pour
lesquels seule la ristourne compte (Malo, 2001) ou en terme coopératif
un « actionnaire
Ce modèle de l'éthique coopérative de
Vendrame (2006) est pertinent en ce sens, qu'il s'adapte également
à l'environnement d'affaires et du marché dans lequel
évoluent les deux banques coopératives choisies et en
59
coopérateur » (Koulitchisky et Mauget, 2001). Dans
ce cas-ci, la coopérative devient une entreprise de rapport avec une
gestion de rapport ayant pour objectif l'accumulation du capital engagé
(Fauquet, 1965). Lorsque cette transition « capitaliste » survient
dans les coopératives, il y a un changement d'identité des
acteurs personnels comme « agents » du système
économique (Vienney, 1980). En revanche, la partie droite de l'Axe 1
aboutit à une sphère de l'éthique coopérative
où l'institution coopérative crée de la valeur pour ses
membres usagers (fournisseurs, travailleurs, clients etc. selon le type de
coopérative) (Malo et Vezina, 2004).
La stratégie (Axe 2) permet de faire
la distinction entre des stratégies de positionnement et de perspective
dans le processus stratégique des coopératives (Malo, 2001). Cet
axe est primordial dans l'analyse éthique des coopératives car le
statut particulier de ces dernières peut affecter leur
rentabilité et leur capacité concurrentielle. En effet, les
stratégies de prix différentiels, le maintien de services non
rentables pour des membres marginaux, peuvent créer un risque
compétitif et financier au niveau de la gestion coopérative
(Desforges, 1978). Selon Malo (2001), lorsque la coopérative se situe
dans une stratégie de positionnement, la vision stratégique sera
alors en harmonie avec les règles du secteur d'activités et les
orientations de la coopérative seront définies sans perspective
de changement social. Dans ce cas-ci, dont la logique est plus capitaliste, le
facteur risque est le capital de la coopérative et l'identité de
la coopérative est également à risque et menacée
(Malo, 2001). À l'inverse, lorsque le processus stratégique de la
coopérative est animé par seulement la perspective de
transformation sociale, la coopérative se situera sur la droite de l'Axe
2. Dans ce cas-ci, la vision et les choix des orientations de la
coopérative correspondent aux valeurs sans prendre en compte les
règles de marché, ce qui peut compromettre son identité et
sa viabilité éthique (Malo, 2001). Dès lors, le facteur
risque ici serait le produit (Koulitchisky et Mauget, 2001).
L'intensité des règles
coopératives (Axe 3) correspond à
l'opérationnalisation des deux axes précédents dans la
mesure où il les complète. Cet axe permet d'appliquer
concrètement les principes coopératifs au niveau du
fonctionnement de la coopérative (Vendrame, 2006). L'application des
règles coopératives est soumise à des pressions en raison
de la transformation de l'environnement concurrentiel jumelé à
l'évolution du concept de membres, à l'augmentation de la taille
de l'adhésion entraînant des comportements de resquilleur et
à l'interprétation des champs de marché
(Côté, 2001). Ainsi, plus l'intensité d'application des
règles coopératives sera élevée, plus la
coopérative se positionnera dans l'axe de droite qui correspond à
une éthique coopérative. En revanche, plus cette intensité
sera faible, plus la coopérative perdra sa différence
coopérative et se positionnera alors sur la gauche de l'axe, dans une
éthique plus néolibérale (Vendrame, 2006).
60
particulier, leur transformation organisationnelle qui a
été évoqué auparavant. Cependant, comme cela a
été mentionné dans la revue de littérature, en
prenant l'exemple de la crise financière 2007-2008, la
règlementation n'a pas pour autant suffi pour éviter les
comportements à risque, de crise et de nature frauduleuse, ce qui a
amené plusieurs auteurs à questionner le risque,
l'intégrité et l'éthique dans les milieux des affaires ou
l'administration publique (Engelen et al., 2011; Reynolds, 2011; Roubini et
Mihm, 2010; Pauchant et al., 2015; Guntzburger et Pauchant, 2014). En effet,
des acteurs du milieu des affaires et sciences de gestion constatent de plus en
plus que l'intégrité de certains secteurs comme celui de la
finance ne peut être uniquement maintenue par des changements
réglementaires, structurels ou techniques (Ho, 2009; Morin, 2015;
Pauchant et Franco, 2014; Roubini et Mihm, 2010; Reynolds, 2011; Pauchant et
al., 2015).
Nous allons explorer, dans la prochaine section, les
méthodes de gestion de crises et l'application de l'éthique
coopérative de ces deux banques coopératives sur la base de
données financières et revue de presse. Nous espérons
ainsi pouvoir établir clairement, en appliquant une étude
comparative, les différences entre les mécanismes de gestion de
crise et l'éthique coopérative de ces deux banques. Nous
tenterons de répondre à la problématique en identifiant
les facteurs qui ont permis à Desjardins de mieux gérer la crise
que le Crédit Agricole.
61
Chapitre 3 : Analyse des cas Crédit Agricole vs
Desjardins 3.1 Le Groupe Crédit Agricole
Le Groupe Crédit Agricole est le premier financier de
l'économie française et l'un des tout premiers acteurs bancaires
en Europe. Le Groupe est également premier gestionnaire d'actifs
européens et premier « bancassureur » en Europe, et
troisième acteur européen en financement de projet. Le
Crédit Agricole ou la « banque verte » est composée de
2 533 Caisses locales, 39 Caisses régionales, l'entité centrale
« Crédit Agricole S.A » et ses filiales. Le siège
social du Groupe se situe à Paris, collabore et emploie près de
170 000 personnes à travers plusieurs pays (Datamonitor, 2011). La
Banque verte se présente via son site internet officiel comme une «
banque responsable et utile » qui offre des services à près
de 49 millions de clients dans le monde, 8,2 millions de sociétaires et
1,1 million d'actionnaires. Les capitaux propres, part du Groupe, se chiffrent
à 76,3 milliards d'euros. Par ailleurs, les valeurs historiques de
Groupe sont présentées comme étant la «
proximité, responsabilité, solidarité », et
étroitement liées avec son identité coopérative
(Groupe Crédit Agricole, 2015)
3.1.1 Historique du Groupe Crédit Agricole
La loi de 1884 sur la liberté d'association
professionnelle en France, permettant la formation de syndicats agricoles, et
l'exemple de banques mutualistes en Allemagne et en Italie favorisent
l'émergence d'un contexte favorable à la création de
banque mutualiste en France. En 1885, la société de Crédit
Agricole de l'arrondissement de Poligny à Salins est
créée, sous l'initiative locale de Louis Milcent, et donne
naissance à la première Caisse locale. Cette dernière
avait le statut de syndicat et permettait aux agriculteurs d'emprunter les
fonds pour développer leurs activités (Groupe Crédit
Agricole, 2015)
En 1894, la loi du Ministre de l'agriculture Jules
Méline autorise la constitution de Caisses locales et leur assigne le
statut de société coopérative qui aboutit à la
création du Crédit Agricole. Les Caisses locales,
constituées dès lors sous la forme de sociétés
coopératives de droit privé, forment le premier niveau de la
pyramide institutionnelle. La loi du 31 mars 1899 permet la création des
Caisses régionales, deuxième niveau de la pyramide
institutionnelle, et dont l'objectif est d'encourager la création de
Caisses locales (Groupe Crédit Agricole, 2015). La banque verte, surnom
du Crédit Agricole, prend de l'essor auprès des agriculteurs et
devient un partenaire privilégié, et cela grâce au fait que
la banque ait été sollicitée pour financer la mise en
valeur de terres en friche pendant la Première guerre mondiale. En 1920,
l'Office National du Crédit agricole est crée et est nommé
Caisse Nationale du Crédit Agricole (CNCA) et devient en 1926 un
établissement public. La pyramide
62
institutionnelle du Crédit Agricole est dès lors
achevée et réunit des structures de droit privé et un
établissement public jusqu'à la loi de mutualisation de 1988
(Groupe Crédit Agricole, 2015)
Durant la Seconde guerre mondiale, le Crédit Agricole
est témoin d'importantes mutations financières. En raison de
l'épargne abondante due à l'atonie économique durant la
guerre, le Crédit Agricole crée le bon à 5 ans, produit
d'épargne qui connaît un grand succès et ouvre le chemin
vers l'autofinancement. De plus, les flux financiers entre l'État et le
Crédit Agricole s'inversent puisque le Crédit Agricole remonte
désormais l'épargne des campagnes vers le Trésor. En 1945,
la Fédération Nationale du Crédit Agricole (FNCA) est
créée comme association de représentation des Caisses
régionales auprès de l'État et de la CNCA. Dans les
années 1960, le Crédit Agricole devient la banque de
proximité et dépasse ainsi les frontières du rural. En
1966, la Caisse Nationale du Crédit Agricole (CNCA) obtient l'autonomie
financière dans le cadre de réformes financières
importantes menées par le gouvernement. À partir de 1967, le
Crédit Agricole s'affirme peu à peu comme la banque de logement
et des ménages (Groupe Crédit Agricole, 2015)
À l'échelle internationale, le Crédit
Agricole ouvre sa première succursale à Chicago en 1979. Cette
année là, la revue The Banker classe la banque verte au
premier rang mondial des banques. Cette première place affirme sa
puissance financière et son insertion dans la communauté
bancaire. La loi bancaire de 1984 de l'Union européenne permet au
Crédit Agricole d'intervenir en dehors du champ rural. La signature d'un
accord interbancaire cette même année, qui allie la carte bancaire
verte du Crédit Agricole avec la carte « bleue » des autres
banques, marque l'intégration de la banque verte au marché
bancaire « commercial ».
C'est également à partir des années 1980
que le Crédit Agricole entame son processus d'hybridation structurelle,
passant de statut de banque coopérative à celui de banque «
universelle ». En 1988, la loi relative à la mutualisation de la
CNCA affranchit la Caisse nationale de la tutelle de l'État. Dès
lors, son capital est détenu à 90% par les Caisses
régionales et à 10% par le personnel du groupe. En 1991, le
Crédit Agricole est autorisé à financer les grandes
entreprises, et devient une banque universelle. En 2001, la Caisse nationale
est cotée en bourse sous le nom de Crédit Agricole S.A. Les
Caisses régionales, actionnaire majoritaire (54%), disposent dès
lors d'un véhicule coté pour participer à de grandes
opérations financières de croissance externe (Groupe
Crédit Agricole, 2015).
Les années 1990 et 2000 sont une intense période
de création de filiales, de diversifications, d'acquisitions et de
fusions pour le Groupe Crédit Agricole. En 1986, Predica, la
première filiale créée en matière d'assurance vie
et devient N° 1 français en 1994. En 1990, le Groupe crée
Pacifica, une compagnie d'assurance de biens, et devient en 1993, le second
groupe d'assurance en France. Sur le plan international, des participations
sont prises dans le capital de Banco Ambrosiano Veneto (Italie) en 1989, et du
Banco Espirito Santo (Portugal) en
63
1991. Toutefois, c'est l'acquisition en 1996 de la banque
Indosuez, qui lui permet de devenir une banque de financement, d'investissement
avec un réseau international. En 2003, le Groupe rachète le
Crédit Lyonnais. Le regroupement des différents métiers
par filiales aboutit à la création de Calyon en 2004, filiale
issue du rapprochement des activités de banque de financement et
d'investissement du Crédit Lyonnais et de Crédit Agricole
Indosuez. Le Crédit Lyonnais, recentré sur la banque de
détail, devient LCL en 2005. Le Crédit Agricole S.A. lance un
plan de développement en 2005, qui a pour objectif de développer
davantage l'internationalisation de la banque. Le plan de développement
international 2006/2008 est mis en oeuvre très rapidement et aboutit
à des acquisitions en Égypte, Ukraine, Serbie, Grèce et en
Italie en banque de détail, et dans la bancassurance au Portugal (Groupe
Crédit Agricole, 2015).
La crise des subprimes de 2007 suivi de la crise
financière de 2008 secoue brutalement le Groupe Crédit Agricole
et lui cause des pertes financières immenses pendant six années
consécutives. Ce dernier effectuait, depuis plusieurs années, des
opérations d'investissement au niveau des subprimes et autres
produits dérivés sur le marché financier, principalement
aux États-Unis, via sa filiale Calyon (Groupe Crédit Agricole,
2015). En 2007, le Groupe affichait une perte de 1,6 milliard d'euros sur le
résultat net de cette année là (Le Monde, 2007). Fin 2008,
la Banque verte a annoncé un bénéfice net 2008 en baisse
de 75% comparé à 2007, soit de 1,024 milliard d'euros. Le
résultat net était de 4 milliards d'euros en 2007 (Le Monde, 2009
(a)). En 2009, la filiale à 100% du Crédit Agricole avait un
chiffre d'affaires en baisse de 40% dès janvier 2009, et aurait perdu 5
millions d'euros juste en un mois (L'OBS, 2009). En 2010, l'organe central de
la Banque verte, Crédit Agricole S.A. décidait de quitter le
conseil de surveillance d'Intesa Sanpaolo (Italie) dans lequel il
détenait à ce moment là 4,79%. Cette décision a
contraint le Crédit Agricole S.A. à enregistrer une
dépréciation de 1,25 milliard d'euros juste au quatrième
trimestre (Reibaud, 2010). En 2011, la détention du Crédit
Agricole de la banque Emporiki, via la crise de la Grèce, a
coûté 850 millions d'euros à la Banque verte. Le Groupe a
également eu une perte nette en 2011 de 1,47 milliard d'euros (Reibaud,
2011(a)). En 2012, le Groupe a subit une perte historique au total de 6,47
milliards d'euros sur son entité cotée. À la
différence de 2011, où le Groupe a pu dans son ensemble demeurer
bénéficiaire, l'ensemble de la banque intégrant 100% des
Caisses régionales était aussi en perte en 2012, soit à
3,80 milliards d'euros. Au quatrième trimestre 2012 seulement, la perte
nette du Crédit Agricole S.A. avait atteint 3,98 milliard d'euros (Le
Point, 2012). Pour consulter l'historique des données financières
du Crédit Agricole entre 2007 et 2011 (OICSF, 2012), voir l'Annexe
10.
3.1.2 La gestion de crise du Crédit
agricole
Dans cette section, nous avons analysé la revue de
presse sélectionnée sur la base de 37 articles afin d'identifier
les caractéristiques de gestion de la crise au sein du Crédit
agricole, selon les quatre niveaux du modèle de gestion de crise soit
l'individu, la culture, la structure et la stratégie.
64
3.1.2.1 La gestion de crise au niveau de l'individu
En 2007, le Crédit Agricole S.A. subit une perte de 250
millions d'euros au troisième trimestre via sa filiale d'investissement
bancaire Calyon. En cause, un trader au siège de Calyon à New
York, a effectué des paris non autorisés sur le marché de
crédit (Davies, 2007). Calyon a déclaré que le trader
impliqué, un américain, aurait été renvoyé,
en plus de mesures disciplinaires qui auraient été
également appliquées à l'encontre de six autres membres du
personnel (Davies, 2007). La découverte aurait été faite
suite à un changement de la haute direction de Calyon. Le trader en
question, âgé de vingt six ans, n'a pas été
accusé de fraude et a affirmé que ses supérieurs
étaient au courant de ce qu'il faisait (Davies, 2007).
Le comportement de ce trader, connu ou non connu de la
direction de Calyon, a eu des conséquences sur la banque
coopérative dans son ensemble. Nous avons ici un exemple qui montre les
conséquences du comportement humain, dans un contexte de crise, sur les
opérations d'une banque. En dépit du fait que c'est la filiale
Calyon du Crédit Agricole S.A. qui a été affectée
par le délit financier commis par ce trader, cela a causé un
impact négatif sur le plan humain et financier de manière
holistique. Jonathan Alpert, un thérapeute-psychologue à New
York, ayant parmi sa clientèle une majorité de cadres
gestionnaires et traders issus de Wall Street, décrit dans un entretien
vidéo ces derniers comme étant :
« [...] des preneurs de risques de manière
explicite et volontaire, ce sont des individus impulsifs. Cela fait partie de
leur façon d'agir, de leur personnalité. Cela se manifeste aussi
en dehors du travail. Ils fréquentent les clubs de « streaptise
» et se droguent. Ils sont consommateurs de cocaïne et de
prostitution. Beaucoup d'entre eux se sentent obligés d'adopter ce type
de comportement pour réussir, être promus et reconnus. Ils ne
tiennent pas compte de l'impact de leurs actes sur la société ou
la famille». (Ferguson, 2010).
Ceci démontre la culture « organisationnelle
» qui règne dans le milieu financier à Wall Street et
souligne l'importance de l'influence du comportement humain sur la culture de
gestion.
En 2008, les dirigeants du Crédit Agricole, contraints
d'expliquer les raisons de leurs difficultés financières devant
la presse française et internationale, furent soumis à «
rude exercice de transparence » (Michel, 2008, p.1). Georges
Pauget, directeur général du Groupe Crédit Agricole,
déclare que « des erreurs avaient été commises
dans l'appréciation des risques ». Au niveau des
activités bancaires de marché, il affirme que «
tout
La suite de l'histoire, nous la connaissons
déjà. Georges Pauget intente un vote de confiance au Conseil
d'administration en juillet 2008, et la confiance lui est renouvelée par
son Conseil. La crise financière a également
65
s'est mis à dévier dans la même
direction » et que « un jour, le modèle s'est
déréglé » (Michel, 2008, p.1). Georges Pauget a
été nommé directeur général du Crédit
Agricole en 2005 après avoir entamé sa carrière dans une
Caisse régionale. Ce dernier a été le principal
instigateur du plan de développement international lancé en
2005.
L'année suivante, en 2009, George Pauget publie un
livre au titre provocateur : « Faut-il brûler les banquiers? »,
faisant référence à la pratique de chasse aux
sorcières qui étaient brûlées sur le bûcher
durant le Moyen-âge (Bretts, 2009). Le livre en vient à la
défense de la profession bancaire dans lequel George Pauget
défend l'idée que ce ne sont pas seulement les banquiers qui sont
responsables de la crise mais aussi une série de facteurs politiques et
régulateurs qui ont engendré la crise financière en 2008
(Bretts, 2009). En dépit du fait que c'est en partie le cas, l'un des
éléments intéressants au sujet de ce livre est le moment
de sa publication. En effet, depuis 2008, Georges Pauget était la cible
d'une « chasse aux sorcières » venant du côté
« mutualiste » de la Banque verte, et ce en raison de l'impact de la
crise financière sur le Groupe Crédit Agricole via les
déboires financiers de sa filiale Calyon à New York (Daneshkhu,
2008(b)). Au cours de l'année 2009, George Pauget fut invité par
la presse pour s'exprimer sur le contenu de son livre, nous analyserons son
discours à travers un entretien radio au prochain chapitre. Avant cela,
en juillet 2008, en guise de défense, Georges Pauget, de manière
inattendue et spectaculaire, a déclenché un vote de confiance via
le Conseil d'administration de la société cotée pour
contrer l'offensive des 39 Caisses régionales, et cela a
fonctionné (Daneshkhu, 2008(b)). Cet épisode a fait l'écho
de la presse internationale et Georges Pauget était constamment sous les
projecteurs. En effet, le Financial Time a interrogé George
Pauget s'il avait réellement « menacé » de
démissionner lorsqu'il a déclenché le vote de confiance,
ce dernier a répondu que le vote de confiance était
nécessaire afin de « stopper les rumeurs » et
qu'« Évidemment, si vous n'avez pas la confiance du Conseil
d'administration, vous résignez » (Daneshkhu, 2008(b), p.
1).
3.1.2.2 La gestion de crise au niveau de la culture
organisationnelle
Suite à l'annonce en 2008 de la perte de 4,5 milliards
d'euros due à la crise des subprimes via sa filiale Calyon, un
groupe de dirigeants des Caisses régionales ont tenté
d'évincer Georges Pauget du poste de directeur général
(Daneshkhu, 2009b). Les Caisses régionales avaient accepté de
signer une émission de titres d'une valeur de 5,9 milliards d'euros en
mai 2008, en plus du plan de capitalisation du gouvernement français,
pour sauver le Groupe et limiter les dégâts, mais la plupart
étaient mécontents de la tournure qu'ont prit les
événements de la crise financière (Daneshkhu, 2009(b)).
66
révélé que le processus
démocratique, fondement sacré de la banque coopérative,
semble avoir été compromis par la structure organisationnelle du
Groupe Crédit Agricole, divisée entre le mutualisme et le
bancaire. Autrement dit, le Groupe Crédit Agricole est divisé en
deux structures, d'un côté la banque coopérative d'origine
et de l'autre, le Crédit Agricole S.A., qu'est la société
anonyme cotée du Groupe Crédit Agricole. Ceci a aboutit à
créer une double culture au sein de la même organisation avec
d'une part, la culture bancaire « coopérative » ou «
mutualiste » et d'autre part, la culture bancaire « financière
» représentée par le Crédit Agricole S.A. et ses
filiales telles que Calyon. Nous reviendrons à ce point dans la
prochaine section sous le niveau de la structure organisationnelle.
Néanmoins, ce qui est pertinent au niveau de la culture
organisationnelle, est que Georges Pauget utilise cette structure
organisationnelle divisée, comme arme pour se défendre, maintenir
sa position, mais aussi défendre les normes de la culture «
bancaire » représentées par l'actionnariat contre la culture
« mutualiste» représentée par les membres/dirigeants
des Caisses régionales.
Georges Pauget a été en mesure de se maintenir
à son poste suite au vote de Conseil d'administration, mais ce ne fut
pas le cas du PDG de Calyon. Marc Litzer, Chef exécutif de Calyon qui
fut limogé de son poste. Un banquier senior de Calyon a
déclaré au Financial Times que M. Litzer a payé
le prix des pertes de la banque. Selon ce banquier, le réseau des 39
Caisses régionales, qui « contrôlent le Crédit
Agricole » selon ses termes, ont pris leur revanche sur l'homme
qu'elles désignent comme étant responsable de l'exposition de la
banque aux marchés financiers sophistiqués mais hautement
risqués (Hall, 2008, p. 1). Un autre banquier de Calyon a affirmé
que lorsque Marc Litzer a commencé, il n'était pas en mesure de
faire le travail d'un PDG et était constamment entrain d'éteindre
des feux (Hall, 2008).
3.1.2.3 La gestion de crise au niveau de la structure
organisationnelle
Le Groupe Crédit Agricole a une double structure
organisationnelle : une structure mutualiste et une structure bancaire. La
première est représentée au niveau politique par la FNCA
(Fédération Nationale du Crédit Agricole) fondée
sur la loi Association de 1901. La seconde structure est
représentée par le Crédit Agricole S.A. (CASA),
société anonyme cotée en bourse en 2001. En d'autres
termes, le Groupe Crédit Agricole a une structure organisationnelle
fondée sur un modèle hybride alliant la banque coopérative
« mutualiste » du Crédit Agricole représentée
par la FNCA et son réseau des 39 Caisses régionales et la banque
commerciale « financière » représentée par la
société cotée Crédit Agricole S.A. Ce modèle
de gestion hybride de la Banque verte est illustré par la figure 17 et
18 à l'Annexe 9.
Le Crédit Agricole est une organisation qui est
à la fois mutualiste et capitaliste, donc hybride. (Batac, Maymo, et
Pallas-Saltiel, 2008). La structure organisationnelle sur laquelle repose le
Groupe Crédit Agricole serait plus performante qu'une structure
centralisée. La médiation par les Caisses régionales
permet de réduire le
67
coût de coordination, mais cela diminue l'influence des
Caisses locales (Batac et al, 2008). En effet, en dépit du fait que les
Caisses régionales représentées par la FNCA sont
également propriétaires de la structure cotée du CASA
(54%), elles ont un pouvoir d'intervention limité. Le CASA a les
pouvoirs d'organe central et assure le contrôle, les sanctions et
l'agrément accordés aux présidents et aux directeurs
généraux des Caisses régionales (Chocron, 2013). Cela
signifie qu'actuellement, la structure bancaire commerciale prévaut sur
la structure coopérative et mutualiste au sein du Groupe Crédit
Agricole. Le FNCA tente depuis quelques années de rétablir le
pouvoir mutualiste auprès du gouvernement français, notamment
à l'été 2013, en demandant d'introduire des modifications
législatives nécessaires à ce transfert de pouvoir. Le
gouvernement a considéré ce projet de changement de gouvernance
avec méfiance, en justifiant que le Crédit Agricole, qui a
été particulièrement affecté par la crise
financière, « se concentre sur sa stratégie et son
avenir » plutôt que sur les luttes de pouvoir (Chocron, 2013,
p. 1).
3.1.2.4 La gestion de crise au niveau de la
stratégie organisationnelle
En analysant la trentaine d'articles de presse, le principal
fait qui en ressort est que le Groupe Crédit Agricole n'avait pas un
plan stratégique de gestion de crise systémique clairement
établi et communiqué. C'était une gestion de crise de type
« urgence » qui consistait à mettre en place au fur et
à mesure des plans d'actions face aux « urgences ». Il n'y
avait pas de données à travers les articles qui permettaient
d'observer un plan de prévention de crise activé dès le
déclenchement de la crise des subprimes en 2007. Globalement,
entre 2007 et 2012, nous avons identifié trois phases d'actions au sein
du Groupe Crédit Agricole pour gérer la crise financière
et surtout limiter les pertes.
La première phase de gestion de crise du Crédit
Agricole fut de bénéficier de l'aide du gouvernement
français dans le cadre du plan français de soutien de
l'économie pendant la crise en 2008 (L'Expansion, 2009). Le gouvernement
français avait débloqué 19,8 milliards d'euros pour faire
face à la crise, et notamment pour recapitaliser les cinq principales
banques françaises dont le Crédit Agricole. Ce dernier avait
emprunté à l'État 3 milliards d'euros (plus 220 millions
d'euros d'intérêts) qu'il a remboursé en octobre 2009
(L'Expansion, 2009). Le gouvernement français a relancé une
deuxième tranche de soutien en février 2009 mais le Crédit
Agricole a décidé de ne pas en bénéficier. La
Banque verte s'est également tournée vers le marché et ses
actionnaires afin de recapitaliser ses comptes. En 2008, la banque
coopérative avait collecté 5,9 milliards d'euros par
l'intermédiaire de son actionnariat incluant la participation des
Caisses régionales (Daneshkhu, 2009(a)).
La deuxième phase de gestion de crise du Groupe fut de
restructurer le plan d'expansion international lancé en 2005 sous la
direction de Georges Pauget. Ce dernier, pour enrayer les pertes de Calyon et
satisfaire les Caisses régionales, a lancé fin 2008 un plan de
restructuration qui prévoyait l'arrêt des activités les
plus risquées
68
et le renforcement du contrôle des risques (Le Monde,
2009 (b)). Georges Pauget a reconnu qu'il y a eu des erreurs
stratégiques à Calyon en déclarant que « dans le
marché des produits de crédit, nous avions fait quelques erreurs
dans l'évaluation du niveau de risque. Nous n'avons pas compris les
signes que le marché envoyait quelques mois auparavant car
l'équipe...n'a pas considéré les relations entre les
marchés et l'économie réelle » (Daneshkhu,
2008(c)). Cette affirmation vient souligner l'importance du facteur humain dans
la gestion systémique d'une organisation telle qu'une banque à
l'échelle internationale, qui inclut une multitude de facteurs et
d'interactions politiques, sociaux et économiques. Ces
éléments doivent être considérés dans la
gestion de crise systémique et sa prévention, en particulier dans
le contexte international.
Le plan de restructuration du Crédit Agricole au niveau
international avait pour principal objectif de réduire ses
activités financières de haut risque, son degré de
dépendance du marché de financement volatil, et son niveau de
financement en capital via ses filiales internationales et la banque de
détail. Ainsi, le groupe mutualiste a annoncé un plan en 2011
pour faire passer son programme de financement à moyen et long terme de
22 milliards d'euros en 2011 à 12 milliards d'euros en 2012, ainsi que
réduire l'endettement de 50 milliards d'euros entre juin 2011 et
décembre 2012 (Le Monde, 2011 (a)). Pour y parvenir, le Groupe s'est
désengagé partiellement d'activités de financement
structurées, de banque commerciale et de marchés, ainsi qu'en
fermant des implantations non stratégiques à l'étranger
(21 pays sur 53 concernés par l'arrêt d'offre de services
d'investissement bancaire) (Le Monde, 2011 (a)). Par ailleurs, la banque verte
a annoncé en décembre 2011 la suppression de 2 350 postes, dont 1
750 au niveau des activités de banque de financement et
d'investissement, ainsi que du pôle Credit Agricole Consumer Finance
(CACF) qui regroupe le crédit à la consommation. En France,
850 postes ont été supprimés. (Le Monde, 2011 (b)).
La troisième phase de gestion de crise de la banque
coopérative fut d'établir un plan stratégique
focalisé sur les activités mutualistes et de banque de
détail. Autrement dit, un retour aux sources coopératives et
mutualistes à partir de 2010. Cette réorientation
stratégique s'est traduite premièrement par le plan de
restructuration vu au paragraphe précédent qui a réduit
considérablement les activités bancaires d'investissement au
profit de celles de détail. Deuxièmement, par la nomination de
Jean-Paul Chifflet en 2010 en tant que directeur exécutif,
remplaçant Georges Pauget. Ayant été chef d'une des plus
grandes Caisses régionales à Lyon, ainsi que Secrétaire
général de la FNCA, Jean-Paul Chifflet avait ouvertement
exprimé en 2008, durant son mandat à la FNCA, son opposition
à la prise excessive de risque après le déclenchement de
la crise financière en 2008. Il avait déclaré à
l'audience du Congrès annuel de la FNCA: « Non, la course
irrationnel pour les profits immédiats ne fait pas partie de nos valeurs
» (Daneshkhu, 2011, p. 1-2). Jean-Paul Chifflet a donné le ton
au plan stratégique du Groupe Crédit Agricole
réorienté vers le mutualisme en déclarant au Financial
Time en 2011 qu'il préfère
69
démontrer un développement de long-terme
plutôt qu'un succès temporaire, et que le Groupe Crédit
Agricole veut désormais une profitabilité de long terme et
axée sur le développement durable (Daneshkhu, 2011).
3.2 Le Mouvement des Caisses Desjardins
Le Mouvement des caisses Desjardins est le premier groupe
financier coopératif du Canada dans l'histoire des coopératives
en Amérique du Nord. La banque coopérative compte plus de 7
millions de membres et clients, 45 966 employés et prés de 4800
dirigeants élus. Desjardins compte 360 Caisses et 805 points de service
au Québec et en Ontario, et est active dans 30 pays en
développement et émergence via sa filiale Développement
International Desjardins. En 2014, la banque Desjardins a été
classée au 2e rang des institutions financières les
plus solides au monde selon Bloomberg (Desjardins - Qui nous sommes, 2015). Son
actif a été chiffré à 229 milliards de dollars
canadien en 2014. La banque coopérative présente sa mission via
son site internet comme étant de « contribuer au
mieux-être économique et social des personnes et des
collectivités dans les limites compatibles de notre champ
d'action.» (Desjardins - Qui nous sommes, 2015, p. 1)
3.2.1 Historique du Mouvement Desjardins
La Caisse populaire Desjardins de Lévis a
été la première caisse fondée en 1900 par Alphonse
Desjardins au Canada et la première coopérative d'épargne
et de crédit en Amérique du Nord. Dans un contexte de
misère et de chômage qui caractérisait le Québec
à la fin du XIXe siècle, Alphonse Desjardins,
préoccupé par la situation, a réalisé que ceux qui
avaient besoin de crédit devaient s'unir. Ainsi, le 6 décembre
1900, une centaine de citoyens de Lévis adoptent les statuts et
règlements préparés par Desjardins (Caisse Desjardins de
Lévis, 2015). En se faisant le promoteur de l'idée de
coopération, Alphonse Desjardins a cherché à enrayer
l'usure, à améliorer la condition des classes populaires et
à contribuer au relèvement économique des Canadiens
français.
Entre les années 1900 et 1920 (Desjardins - Notre
histoire, 2015), Alphonse Desjardins consacre essentiellement ses années
de vie à développer le réseau de caisses au Canada et aux
États-Unis. Après la fondation d'une première caisse en
1900 et quelques tentatives d'obtenir une reconnaissance légale du
Parlement fédéral d'Ottawa, il n'obtient qu'en 1906 de
l'Assemblée législative de la province du Québec, une loi
encadrant les coopératives. Dès lors, Alphonse Desjardins se
consacre, avec le soutien constant de son épouse Dorimène
Desjardins, la collaboration de journalistes, de prêtres et d'acteurs
sociaux, à la multiplication des caisses. En 1907, il débute la
mise en place des premières caisses scolaires pour recueillir
l'épargne des jeunes écoliers dans la région de
Lévis. En 1908, Alphonse Desjardins met sur pied la première
coopérative d'épargne et de crédit aux États-Unis
dans l'État du New Hampshire. Il devient ainsi l'initiateur du mouvement
des credit unions aux États-Unis. En 1912, il poursuit
l'expansion des caisses au Canada et parvient à fonder la
première caisse populaire en
70
Ontario à Ottawa. En 1920, Alphonse Desjardins
décède à l'âge de 66 ans, laissant comme
héritage aux prochaines générations 136 caisses au
Québec, 19 en Ontario et 9 aux États-Unis. Il a consacré
les dernières années de sa vie à la promotion et au
développement de ses projets de fédération et de caisse
centrale, sans toutefois pouvoir les réaliser. Le 23 avril 1913, selon
l'hebdomadaire torontois The Farmers' Sun, Alphonse Desjardins serait
un jour connu de par le monde comme étant l'un des plus grands Canadiens
(Desjardins - Notre histoire, 2015).
La période des années 1920 à 1944
(Desjardins - Notre histoire, 2015) est caractérisée par le
regroupement et l'essor. Au cours de la décennie 1920, des unions
régionales voient ainsi le jour à Québec, Montréal
et Gaspé. Les unions régionales sont des sociétés
coopératives dont les membres sont les caisses locales et ont pour
fonctions de défendre les intérêts des caisses locales,
d'exercer sur elles une surveillance et de promouvoir la coopération et
la création d'autres caisses. En 1932, les problèmes
engendrés par la crise économique de 1929 et des pressions
gouvernementales entraînent la création de la
Fédération de Québec des unions régionales de
caisses populaires Desjardins. En échange d'une subvention
accordée par le gouvernement provincial, les caisses doivent se doter
d'une direction centralisée, représentative et responsable avec
laquelle le gouvernement pouvait conclure des ententes (Desjardins - Notre
histoire, 2015).
Entre 1944 et 1971 (Desjardins - Notre histoire, 2015), s'en
suit une période d'affirmation et de diversification pour le Mouvement
Desjardins. Ainsi, en 1944, la première filiale est créée
qu'est la Société d'assurance des caisses populaires (SACP),
étant aujourd'hui Desjardins Groupe d'assurances
générales. Quatre ans plus tard, une deuxième filiale est
créée, l'Assurance-vie Desjardins, aujourd'hui Desjardins
Sécurité financière. Dans un contexte de
prospérité économique après la Seconde guerre
mondiale, le développement de la société de consommation
engendre de nouveaux besoins et les caisses avaient pour défi de
s'adapter aux changements tout en demeurant fidèles aux valeurs
Desjardins. En 1949, la Fédération provinciale encourage la
création d'un fonds de sécurité pour soutenir
financièrement les caisses qui le requièrent en augmentant la
cotisation à la Fédération, ce qui est accepté par
la majorité des unions régionales. À partir des
années 1960, s'en suit une période d'ouverture au crédit
à la consommation avec l'assouplissement de la politique de
crédit. En 1970, le Mouvement Desjardins fonde Développement
International Desjardins dont le but est de partager son expérience et
expertise en matière de services financiers coopératifs dans les
pays en voie de développement (Desjardins - Notre histoire, 2015).
De 1971 à aujourd'hui (Desjardins - Notre histoire,
2015), c'est une période caractérisée par l'innovation, la
croissance et des changements structurels et organisationnels. En 1979, le
Mouvement fonde la Caisse Centrale Desjardins qui devait permettre aux caisses
locales d'être intégrées « à un ensemble
financier puissant et
71
dynamique lui permettant une implication accrue dans
[leur] milieu » (Desjardins - Notre histoire, 2015, p. 1). En 1981,
le Mouvement Desjardins achète la franchise VISA. En 1988, Desjardins
fait son entrée dans le marché des valeurs mobilières avec
l'acquisition du courtier à escompte Disnat et la création de la
Corporation Desjardins des valeurs mobilières. En 1997, une étape
supplémentaire dans le développement de Desjardins est franchie
avec la création des Centres financiers aux entreprises (CFE) pour mieux
répondre aux besoins des entrepreneurs. Le Mouvement Desjardins connait
dès lors une croissance de sa part de marché dans le
crédit industriel et commercial. En 2000, Desjardins Groupe d'assurances
générales fait l'acquisition la plus importante de son histoire
avec deux filiales d'assurance de dommages de la banque CIBC.
À partir de 2001, s'en suit une restructuration
organisationnelle au sein du Mouvement Desjardins avec le passage d'une
structure de trois paliers (les caisses populaires, les
fédérations et la Confédération) à une
structure de deux paliers (les caisses populaires et la
Fédération). En 2004, le Mouvement Desjardins réorganise
la structure de sa direction stratégique en créant six grandes
fonctions stratégiques : la direction financière, la gestion
intégrée des risques, la trésorerie, la gestion de
ressources humaines, la planification stratégique, le
développement pancanadien des affaires, et les affaires
institutionnelles.
En 2008, le Mouvement Desjardins a également
été affecté par la crise financière mais beaucoup
moins que le Groupe Crédit agricole. En effet, Desjardins a subit des
pertes de 2007 à 2009, en particulier en raison de l'impact du dossier
des PCAA (papier commercial adossé à des actifs) que nous
exposerons dans les sections qui suivent. Ainsi dès 2007, le Mouvement
Desjardins a enregistré une perte de 160 millions de dollars canadiens
liée au papier commercial adossé à des actifs (PCAA) au
troisième trimestre (Larocque, 2007). En 2008, Desjardins a eu une perte
de plus d'un milliard de dollars canadiens et 591 millions de dollars rien
qu'au quatrième trimestre (Larocque, 2009). L'agence de notation Moody's
a accolé des « perspectives négatives » à
Desjardins suite à cette annonce en précisant que les pertes de
Desjardins « mettaient en évidence les risques associés
aux produits financiers nouveaux et/ou complexes » (Larocque, 2009,
p. 1). Cette perte a affecté les ristournes annuelles des membres
Desjardins avec une chute de 64 % en 2008 (65 millions $) comparé
à 2007 (122 millions $) (Martin, 2009). En 2009, au premier trimestre,
les excédents en ristournes du secteur des particuliers et des
entreprises ont chuté de 30,4% (Martin, 2009). Néanmoins,
dès 2010, le Mouvement Desjardins reprend le dessus en affichant de
meilleurs résultats et une nette reprise de sa performance
financière avec des excédents historiques de 1,4 milliards de
dollars canadiens, soit une hausse de 34 % par rapport à 2009 (Canada
Newswire, 2011). La banque coopérative avait également un actif
de 171,2 milliards de dollars en hausse de 9,4 % par rapport à 2009
(Canada Newswire, 2011). Pour consulter l'historique des données
financières du Mouvement Desjardins entre 2007 et 2011 (OICSF, 2012),
voir l'Annexe 10. Enfin, en 2010, le Mouvement Desjardins a été
classée au 26e rang parmi les 50 institutions
financières les plus sûres au monde et 4e rang en
Amérique du Nord devant toutes les banques
72
américaines par Global Finance (Canada
Newswire, 2011). Elle a également été classée
première institution financière coopérative à
être reconnue comme étant l'institution bancaire de l'année
(2010) au Canada par le magazine britannique The Banker (Canada
Newswire, 2011).
3.2.2 La gestion de crise de Desjardins
Dans cette section, nous avons analysé les
caractéristiques de gestion de crise de Desjardins sur la base d'une
revue de presse comptant 40 articles selon les quatre niveaux du modèle
de gestion de crise que sont l'individu, la culture, la structure et la
stratégie organisationnelle.
3.2.2.1 La gestion de crise au niveau de l'individu
Lors de la crise financière 2007-2008, la banque
coopérative québécoise a été
particulièrement touchée par l'affaire du papier commercial
adossé à des actifs (PCAA). La crise du papier commercial est en
somme un gâchis financier de 32 milliards de dollars CAD dans lequel de
grands établissements canadiens, tels que la Caisse de
dépôt au Québec, la Banque Nationale et Desjardins, ont
subit des pertes considérables lorsque la crise des subprimes
s'est déclenchée aux États-Unis (Desjardins, 2009).
Le PCAA était un placement à court terme, dont les rendements -
légèrement supérieurs aux obligations gouvernementales -
provenaient de dettes de cartes de crédit, de voitures de location, des
prêts hypothécaires etc. Les choses se sont compliquées
lorsqu'en été 2007, la crise des subprimes est survenue
aux États-Unis. Les grands établissements financiers au Canada,
ont commencé à « croire », pour une raison ou une
autre, que le PCAA en question était lié à ces
subprimes (Desjardins, 2009). Dès lors, s'en suit une crise de
confiance sur le marché canadien où plus personne ne voulait du
PCAA. Le problème est que lorsqu'il n'y a pas d'acheteurs qui ne veulent
plus acheter le produit, sa valeur chute, d'où il devient difficile de
le vendre et s'en libérer. Dès lors, pour sortir de cette impasse
où beaucoup de sociétés et d'investisseurs étaient
bloqués, les grands détenteurs de ce PCAA, comme la Caisse de
dépôt et la Banque Nationale, ainsi que des banques
étrangères (Deutsche Bank et UBS) ont
décrété un moratoire. Les résultats de ce dernier
ont confirmé que seulement 7 % du PCAA était lié aux
subprimes (Desjardins, 2009), mais il était trop tard. Au
total, 2000 investisseurs dont 100 sociétés et 1900 individus
étaient coincés en raison d'une crise de confiance et panique sur
le marché financier canadien. Au final, pour que le PCAA
redémarre, il a fallu fondre les anciens titres et les convertir en
obligations à long terme. L'opération s'est
révélée difficile et complexe car il n'y avait pas que des
dettes de cartes de crédit ou des hypothèques, mais aussi des
credit defaults swaps, des produits dérivés
extrêmement sophistiqués qui échappent à la
réglementation : « c'était tellement complexe qu'il a
fallu intégrer dans l'équipe des gens de toutes sortes de
disciplines », disait Me Marc Duchesne, de Borden Ladner Gervais, le
cabinet d'avocats qui représentait la firme de conseil Ernst & Young
(Desjardins, 2009, p. 1).
73
Deux plus tard, lors de la 5e édition du
Rendez-vous de l'Autorité des marchés financiers, la
présidente et chef de direction du Mouvement des Caisses Desjardins,
Monique F. Leroux, livre ses réflexions personnelles sur la crise
financière en déclarant qu' « à la
réflexion et en bout d'analyse, l'élément central, celui
qui fait la différence entre la bonne conduite des métiers
financiers et les aventures difficiles, c'est la personne » (Canada
Newswire, 2010, p. 1). Selon Monique F. Leroux, « c'est ainsi que le
cadre d'interaction multipartite (les conseils d'administration, les
directions, les autorités réglementaires, les organismes
sectoriels, les gouvernements et les vérificateurs) permettra d'en
arriver à un cadre prudentiel où la connaissance et
l'intelligence de chacun permettra, dans une approche proactive, d'anticiper et
d'éviter des crises et de renforcer la gestion prudentielle des
institutions » (Canada Newswire, 2010, p. 1).
Au niveau de l'individu et existentiel en gestion de crise du
modèle de l'oignon, peu de données ont été
observées sur le rapport qu'a entretenu la banque coopérative
Desjardins directement avec la crise financière. Contrairement au
Crédit Agricole où l'on a pu observer plus de facteurs
liés à l'individu et ses mécanismes de défense, le
Mouvement Desjardins semble avoir été moins directement
exposé à la crise financière au niveau existentiel. Nous
discuterons davantage de ce point au prochain chapitre portant sur la
discussion des données.
3.2.2.2 La gestion de crise au niveau de la culture
organisationnelle
En analysant la culture organisationnelle de Desjardins, nous
avons observé trois caractéristiques pendant et après la
crise financière. La première étant l'approche
contradictoire que Desjardins a vis-à-vis des autorités
gouvernementales et publiques; la seconde est la culture de l'entreprise
perçue par Desjardins et ses employés sur le plan interne; la
troisième est la culture organisationnelle perçue par la
société civile sur le plan externe.
L'approche contradictoire de Desjardins face au gouvernement
peut être illustrée par deux événements. Le premier
étant que Desjardins avait été affecté par les
pertes engendrées par la crise du PCAA au Canada. Or lorsque la crise
est survenue au niveau du marché canadien, un processus de
transformation des anciens titres en obligations à long terme
était nécessaire pour pouvoir redémarrer le
mécanisme du PCAA alors en panne. Cependant, cette conclusion a failli
ne jamais avoir lieu sans l'aide des gouvernements (fédéral et
provincial). Cet appui gouvernemental a finit par arriver à hauteur de
3,5 milliards de dollars CAD (Desjardins, 2009). Un des principaux intervenants
dans le dossier de restructuration du PCAA, responsable du dossier chez Ernst
& Young, M. Laporte a déclaré : « c'est passé
proche, mais je ne voyais pas comment les joueurs et les gouvernements auraient
pu laisser tomber ça » (Desjardins, 2009, p. 1). Desjardins a
bénéficié de l'aide du gouvernement et la restructuration
du PCAA, ce qui a permis d'éviter le pire. En 2009, d'après
l'agence de notation Moody's, Québec et Ottawa fourniraient un «
soutien implicite » à Desjardins dans
l'éventualité d'un problème de solvabilité, ce qui
est pris en compte dans l'établissement des cotes de crédit
(Larocque, 2009). En 2008, lors d'un discours devant
74
la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain, la dirigeante de Desjardins, Monique F. Leroux, a
demandé au gouvernement du Canada de ne pas désavantager les
institutions financières du pays par rapport à leurs rivales
d'ailleurs. Elle exhortait le gouvernement fédéral de «
faire preuve d'une grande vigilance ». (Bergeron, 2008, p. 1).
Nous en venons au deuxième événement qui
démontre la contradiction au niveau de la culture organisationnelle de
Desjardins. À la même année en 2008, lorsque le
gouvernement canadien a suggéré la mise en place d'un
système de réglementation centralisé des valeurs
mobilières au Canada, Desjardins a critiqué et protesté
contre cette mesure. Valeurs mobilières Desjardins (VMD) est une des
filiales du Mouvement Desjardins qui engrange des profits considérables
sur le marché des valeurs mobilières. La coopérative
financière a fait valoir, dans un document d'une vingtaine de pages, que
le projet de centralisation de la réglementation des valeurs
mobilières du gouvernement fédéral est fondé sur
des « mythes » et des « perceptions », et qui ne
résistent pas à l'analyse (Larocque, 2008(a)). Desjardins
avançait l'argument entre autre « qu'un organisme pancanadien
n'ait pour conséquence de reproduire le système américain,
avec ses qualités mais aussi ses défauts, notamment sa lourdeur
bureaucratique et juridique. Les tribunaux canadiens doivent continuer de
resserrer les peines qu'ils imposent aux fraudeurs, reconnaît Desjardins,
en avançant toutefois qu'il n'est pas nécessaire, pour y arriver,
de centraliser la réglementation des valeurs mobilières au pays.
» (Larocque, 2008 (a), p. 1). En d'autres termes, de par sa
communication, Desjardins tient un double discours à l'encontre du
gouvernement et sa position vis-à-vis de ce dernier.
La deuxième caractéristique observée de
la culture organisationnelle de Desjardins est l'image que celle-ci renvoie de
sa gestion de la culture interne. En effet, en 2008, le Mouvement Desjardins
annonçait fièrement qu'il faisait partie désormais du
très prestigieux palmarès des 50 Employeurs de choix au Canada
(Canada Newswire, 2008(a)). Monique F. Leroux, présidente et dirigeante
du Mouvement des caisses Desjardins, avait alors déclaré que
« nous sommes très fiers de figurer parmi les 50 Employeurs de
choix au pays. Je crois que cette reconnaissance nous indique que nous sommes
sur le bon chemin et que nous devons continuer de sonder et d'écouter
nos employés, surtout dans le contexte économique dans lequel
nous évoluons actuellement » (Canada Newswire, 2008(a), p. 1).
Le sondage sur la mobilisation, sur lequel se base la firme de
services-conseils en ressources humaines Hewitt, a été
envoyé à près de 20 000 employés chez Desjardins.
(Canada Newswire, 2008(a)).
Cependant, la troisième caractéristique
observée au niveau de la gestion de la culture organisationnelle du
Mouvement Desjardins sur le plan externe dévoile également des
contradictions, notamment avec l'identité et les valeurs
coopératives. En 2008, dans un article paru dans Les Affaires, du 12
avril 2008, François Dupuis, vice-président et économiste
en chef de Desjardins, avait déclaré : «Diminuez les
impôts des compagnies; laissez
75
davantage de place aux forces (sic) du marché par
le recours à l'état minimal; privatisez davantage les services
publics et tarifiez ceux qui resteront publics, afin d'habituer la population
à payer le prix du marché (sic) et augmentez les tarifs
d'électricité et les frais de scolarité»
(Lauzon, 2009, p. 1). En 2009, quelques jours avant le dépôt du
budget Bachand 2010, l'économiste en chef de Desjardins a aussi
déclaré qu'il faut envisager une hausse des tarifs et des taxes,
notamment sur l'essence et que c'est à ce prix que les
Québécois peuvent conserver les acquis sociaux auxquels ils
tiennent. Il a par ailleurs recommandé au gouvernement de réduire
les taux de croissance de ses dépenses (St-Gelais, 2010). Ces
affirmations sont en contradiction avec la culture coopérative et ses
valeurs tournées vers les membres, les collectivités et leurs
intérêts.
Par ailleurs, en raison du processus de fusion des caisses
déclenché il y a près de 15 ans, de plus en plus de voix
ont commencé à remettre en question l'identité
coopérative du Mouvement Desjardins (La Presse Canadienne, 2011). Selon
M. Vallières, professeur d'histoire à l'Université Laval,
ces regroupements ont coïncidé avec un changement de culture.
Autrement dit, tant que les initiateurs du mouvement étaient
présents dans les communautés rurales, villages et petites villes
où il y avait encore des caisses, cela assurait le maintien des valeurs.
Cependant, lorsque ces derniers ont pris leur retraite et ont été
remplacés par des spécialistes en administration et
économie, la philosophie a changé. Selon Jean Roy, professeur en
finance à HEC Montréal, ces changements ont modifié le
rapport qu'entretiennent les membres avec leur caisse (La Presse Canadienne,
2011).
3.2.2.3 La gestion de crise au niveau de la structure
organisationnelle
Pendant la crise financière internationale, entre 2007
et 2009, le Mouvement Desjardins a entrepris deux plans de restructuration. Le
premier plan, « Coopérer pour créer l'avenir », avait
pour objectif de rapprocher la structure décisionnelle du réseau
des Caisses. Le deuxième plan visait une réorganisation de sa
structure de décision. Nous verrons également que la
concentration des tailles des caisses a altéré le processus
démocratique.
Du point de vue structurel, une des forces du Mouvement
Desjardins, est sa structure coopérative qui lui a permis de limiter
considérablement les conséquences de la crise financière.
En effet, un des avantages du système coopératif de Desjardins,
est que la banque n'a pas d'actions sur le marché financier, ce qui lui
permet de ne pas faire l'objet de prises de contrôle non
sollicitées ou de manoeuvres spéculatives sur ses titres
(Bergeron, 2008). Autre avantage, étant donné que Desjardins n'a
pas de capital-actions, les fluctuations boursières et la
spéculation affectent beaucoup moins la valeur de ses actifs et
capacités de financement (Nadeau, 2008). Par ailleurs, les prêts
à haut risque qui ont mené à la crise financière
aux États-Unis, sont inexistants dans le système bancaire
canadien, ce qui limite également l'exposition des banques canadiennes
aux risques des produits dérivés par exemple (Bergeron, 2008).
Cependant, le Mouvement Desjardins a tout de même vu son portefeuille de
placement, sur le marché du papier commercial adossés à
des actifs (PCAA), subir une dévaluation de 440
76
millions de dollars en 2008. De plus, la banque
coopérative a également cessé d'offrir deux instruments de
placement garantis en raison de la crise financière (Bergeron, 2008).
Un des facteurs structurels qui a également
réduit les pertes financières de Desjardins est le réseau
des caisses. En effet, en 2008, les revenus totaux du Mouvement Desjardins se
sont chiffrés à 2,24 milliards de dollars canadiens, soit une
augmentation de 10,5 % par rapport à 2007 (Larocque, 2008 (c)). Cette
performance était due en grande partie au réseau des caisses
locales qui a permis d'améliorer rapidement les résultats du
Mouvement : « [...] nos résultats témoignent de la
progression continue de la performance financière du Mouvement
Desjardins et du rôle moteur que jouent les caisses à ce chapitre
» avait déclaré Monique F. Leroux (Larocque, 2008 (c),
p. 1). Les caisses contribuaient à la stabilisation financière du
Mouvement Desjardins en pleine crise financière internationale en
renforçant son actif (capital de ses déposants, assurés,
investisseurs). Dès lors, en 2009, le Mouvement Desjardins
annonçait la mise en place d'une structure organisationnelle plus
simple, « destinée à optimiser sa performance globale,
à assurer sa croissance et à renforcer sa gestion des risques
» (Canada Newswire, 2009 (a), p. 1).
Sous la thématique « Coopérer pour
créer l'avenir », la nouvelle structure s'inscrivait dans le cadre
du plan d'évolution du Mouvement Desjardins lancée par la
présidente et chef de direction Monique F. Leroux. Le plan avait pour
principal objectif de rapprocher le Mouvement de ses caisses qui « en
sont la force motrice », ce qui permettrait également
d'optimiser la performance de l'ensemble du groupe : « En d'autres
termes, nous aurons un Mouvement proche de ses caisses et des caisses proches
de leurs membres » avait déclaré Monique F. Leroux
(Canada Newswire, 2009 (a), p. 1). La réorganisation avait
également pour but d'atteindre les objectifs d'affaires
énoncés par le Mouvement, en apportant davantage de
cohésion et d'efficacité entre les équipes, et
générer à terme des gains de productivité
récurrents de plus de 150 millions de dollars canadiens (Canada Newswire
(a), 2009).
Le plan de réorganisation « Coopérer pour
créer l'avenir » a aboutit au deuxième plan qu'est la
réorganisation de la structure décisionnelle. Ainsi, dans le but
d'aplanir la structure décisionnelle de la Fédération
Desjardins, jugée lourde et coûteuse, le Mouvement Desjardins a
annoncé en 2009 la suppression de 900 postes sur trois années,
« ce qui permettrait d'économiser annuellement 150 millions de
dollars canadiens » (La Presse Canadiene - Le fil radio, 2009 (a), p.
1). Toutefois, Desjardins avait précisé qu'il avait l'intention
de réduire son personnel par des mises à la retraite ou des
départs volontaires. Le nouvel organigramme du Mouvement Desjardins
regroupe quatre secteurs d'affaires (les particuliers, les entreprises, les
assurances générales et la gestion du patrimoine et
l'assurance-vie), et quatre fonctions que sont finance et trésorerie,
gestion des risques,
Le deuxième type d'actions observées durant la
crise financière était principalement focalisé sur la
communication. Desjardins maîtrise cet outil et s'en est servi comme
moyen de communication stratégique durant
77
capital humain et culture, technologie et opérations
(Martin, 2009). L'organigramme du Mouvement Desjardins (Desjardins, 2015) peut
être consulté à la figure 19 de l'Annexe 11.
Par ailleurs, la fusion des caisses déclenchée
dans les années 1990, bien que nécessaire en raison des
changements technologiques, des exigences de rentabilité et d'une
nouvelle offre de produits, est allée trop loin selon Claude
Béland, ancien président du Mouvement Desjardins de 1987 à
2000 (Radio Canada, 2011 (b)). Le mouvement de fusion de caisses a
engendré des mégas-caisses au détriment de la
participation des membres selon Claude Béland. Ceci a conduit à
réduire le sentiment d'appartenance des membres et les occasions de
susciter la participation des membres. En d'autres termes, il y a une limite
à la taille qui devient nécessaire au risque de voir dans les
grandes caisses une participation démocratique quasi nulle
d'après Claude Béland (Radio Canada, 2011 (b)).
3.2.2.4 La gestion de crise au niveau de la
stratégie organisationnelle
Durant la crise financière, entre 2007 et 2011, le
Mouvement Desjardins a eu recours à des plans d'actions
stratégiques pour faire face à la crise. Nous avons
identifié trois types d'actions qui ont permis au Mouvement Desjardins
de limiter l'impact de la crise financière et en finir
définitivement avec la crise dès 2010.
La première action du Mouvement Desjardins a
consisté à bénéficier de l'aide du gouvernement et
de son réseau de caisses locales. En 2008, le Mouvement Desjardins a
communiqué que le gouvernement fédéral devrait permettre
aux institutions financières canadiennes de combattre la crise
financière à armes égales que leurs concurrentes
étrangères, qui bénéficient d'un « soutien
musclé » de leurs gouvernements (Bergeron, 2008). Par ailleurs, la
présidente du Mouvement Desjardins, Monique F. Leroux, avait
salué en 2008 les mesures additionnelles annoncées par le
gouvernement fédéral qui consistaient à acheter des blocs
de prêts hypothécaires assurés à concurrence de 50
milliards de dollars canadiens, en vue de maintenir la disponibilité du
crédit à long terme (Bergeron, 2008). De plus, comme nous l'avons
vu à la section traitant de la culture organisationnelle, le Mouvement
Desjardins bénéficiait d'un soutien implicite d'Ottawa et
Québec selon l'agence de notation Moody's. Le gouvernement est
également intervenu dans le dossier du PCAA en apportant un soutien de
trois milliards de dollars canadiens. Par ailleurs, en 2009, le Mouvement
Desjardins a demandé à ses caisses de réduire les
ristournes versées à leurs membres de 40 % dans le but
d'augmenter sa capitalisation. Cette mesure a contraint les caisses à ne
consacrer que 30 % de leurs excédents aux ristournes, contre environ 50
% les cinq précédentes années (La Presse Canadienne - Le
fil radio, 2009 (b)).
78
la crise financière en vue de démontrer la
transparence et reporter les faits qui renforçaient la solidité
du mouvement coopératif. Des communiqués de presse étaient
régulièrement publiés pour annoncer des mesures positives
et des résultats financiers positifs. En 2007, le Mouvement Desjardins
annonçait qu'il a prit part à une entente conclue entre plusieurs
investisseurs et institutions financières afin de favoriser le retour
aux activités normales dans le marché canadien du PCAA non
bancaire (Canada Newswire, 2007). De même en 2007, Desjardins
annonçait également la création d'un partenariat
stratégique avec les centrales de credit unions des provinces
du Canada et de la Ethical Funds Company qui lui permettait
d'accroître sa position dans le domaine des fonds communs de placement
sur le marché canadien (Canada Newswire, 2007).
En 2008, le Mouvement Desjardins a publié un
communiqué de presse énonçant l'émission de deux
titres de dettes sur les marchés européens pour une valeur de
près de 1,3 milliards de dollars canadiens : « nous sommes
ravis de la réponse des investisseurs européens; cela
témoigne de façon éloquente de la bonne réputation
du Mouvement Desjardins sur les marchés internationaux et de la
qualité de son bilan » avait déclaré le
président du Mouvement Desjardins, Alban D'Amours (Canada Newswire, 2008
(b), p. 1). En 2009, sous la nouvelle présidence de Monique F. Leroux,
le Mouvement Desjardins avait été classé au 26e
rang des 50 institutions financières les plus fiables au monde selon le
World's 50 Safest Banks 2009 par Global Finance. La nouvelle
présidente avait déclaré dès lors qu'« une
telle reconnaissance démontre qu'outre l'importance de son actif et ses
excellentes cotes de crédit, Desjardins peut surtout s'appuyer sur une
solide base de capital pour mieux affronter les soubresauts de
l'économie et obtenir une place enviable parmi les institutions
financières les plus fiables au monde» (Canada Newswire, 2009
(b), p. 1). En 2010, le Mouvement Desjardins annonçait fièrement
que la banque coopérative s'est vu décerner le titre de banque de
l'année 2010 au Canada par la revue britannique The Banker,
publication du Financial Time. Cette reconnaissance internationale a
été perçue comme la confirmation de la pertinence du
modèle coopératif bancaire contribuant à son rayonnement
international (La Presse Canadienne, 2010).
Le troisième type d'actions amorcé au lendemain
de la crise financière est l'expression explicite de la volonté
de Desjardins de se développer à l'international sur le plan
affaires à partir de 2008. Jusque là, le Mouvement Desjardins
avait des activités à l'international mais principalement via son
entité Développement International Desjardins pour soutenir le
mouvement coopératif dans les pays en développement.
L'intérêt du Mouvement Desjardins pour les organismes
coopératifs internationaux n'est pas récent puisque diverses
ententes et certaines participations existent déjà (Turcotte,
2008). Cependant, Monique F. Leroux, nouvelle présidente en 2008,
était la première à évoquer ouvertement des
partenariats à grande échelle, dans un contexte de consolidation
mondiale où la taille des entreprises sera de plus en plus importante
(Turcotte, 2008). Consciente que l'appui des caisses locales est indispensable
puisqu'elles génèrent 75 % des excédents du Mouvement, la
nouvelle présidente
79
avait déclaré qu'il faut rapprocher les
dirigeants des caisses du pouvoir central de décision, afin
d'éviter « un Mouvement à deux vitesses »
(Turcotte, 2008, p. 1). C'est dans cette optique qu'a été mis en
place le plan de restructuration « Coopérer pour créer
l'avenir » en 2009 que nous avons évoqué à la
précédente section. Le plan visait effectivement le rapprochement
des caisses du corps central décisionnel. En 2011,
l'internationalisation du Mouvement Desjardins s'est concrétisée
avec la signature d'un accord de coopération globale avec la banque
coopérative française le Crédit Mutuel (Reibaud, 2011). En
2012, le Mouvement Desjardins s'affirme dans sa position internationale et de
chef de file puisque les Nations Unies, qui avaient proclamé
l'année 2012 « Année internationale des coopératives
», avaient désigné le Mouvement Desjardins comme hôte
du premier Sommet mondial sur les coopératives.
80
Chapitre 4 : Discussion des résultats et
conclusion 4.1 Le Crédit agricole et la gestion de crises
À ce stade de l'étude des processus de gestion
de crise au niveau individu du modèle de l'oignon, nous avons
pu observer quelques facteurs « existentiels » qui ont
émergé durant la crise financière entre 2008 et 2011 au
sein du Crédit Agricole, révélant le rôle et les
mécanismes de défense des individus impliqués dans une
crise.
Les déclarations du directeur général du
Crédit Agricole, Georges Pauget sont pertinentes au niveau «
individu » de la gestion de crise puisqu'il avait expliqué aux
journalistes que les pertes de Calyon, la filiale du Crédit Agricole
située à New York, avait subit des pertes car, entre autre,
« un jour, le modèle s'est déréglé
». Ces affirmations démontrent la distance que prend Georges
Pauget de lui-même et de la haute direction vis-à-vis de leur
responsabilité dans les décisions stratégiques
internationales du Groupe Crédit Agricole. Or George Pauget est le PDG
sous lequel le Crédit Agricole a lancé son plan de
développement international en 2005. Pourtant, au vue de ces
déclarations, mettre toutes ces « erreurs » sur le compte du
« modèle [qui] s'est déréglé »
révèle des signes de déni et de projection. Les causes de
la crise sont projetées sur une source externe car « le
modèle s'est déréglé », et qui laisse croire
que le contrôle de risque n'était pas possible. De même,
Georges Pauget avait déclenché un vote de confiance en juillet
2008, tout en menaçant de démissionner, via le Conseil
d'administration du Groupe Crédit Agricole. Ceci en vue de contrer
l'offensive des Caisses régionales de l'évincer en raison des
pertes de la banque verte. Ces éléments révèlent
également des comportements d'inflation de type dramatique, autoritaire
et grandiose. Georges Pauget était constamment sous les projecteurs
étant donné que la presse a fait écho de cet
événement pendant plusieurs jours.
Par ailleurs, George Pauget a publié son livre en 2009
au titre percutant « Faut-il brûler les banquiers? » afin de
défendre de la profession bancaire. Invité à plusieurs
entretiens pour s'exprimer sur le contenu de son livre, George Pauget affirmait
que les banquiers ne sont pas les seuls responsables de la crise
financière. Lors d'un entretien à une émission de la radio
France Inter en novembre 2009, George Pauget fut interviewé sur la crise
et ses causes par le journaliste Nicolas Demorand (voir extrait retranscris de
l'entretien visuel à l'Annexe 6). En analysant le contenu du discours du
PDG du Crédit Agricole de cet entretien au plein coeur de la crise
financière en 2009, plusieurs éléments sont observables
quant aux mécanismes de défense au niveau de l'individu du
modèle de l'oignon ou du désengagement moral que nous
avons abordé au chapitre de la méthodologie. Lorsque le
journaliste (Nicolas Demorand) demande à George Pauget quelle est la
tendance des résultats du Crédit Agricole qui seront
publiés ultérieurement, ce dernier répond que «
ces résultats seront en hausse par
Enfin, à la fin de l'entretien, le journaliste
évoque les conséquences qu'ont subit les collectivités
locales publiques en France, qui se sont retrouvées dans des situations
catastrophiques car elles avaient acheté des
81
rapport à ceux du trimestre
précédent. Une caractéristique qui est commune à
toutes les banques, c'est que les banques ont...subissent l'impact de la crise
économique, c'est-à-dire qu'elles provisionnent, elles mettent de
l'argent de côté parce qu'il y a des entreprises en
difficulté » (France Inter, 2009). Le PDG du Crédit
Agricole répond brièvement concernant les résultats du
Crédit Agricole, puis généralise en mentionnant que les
banques ont une caractéristique commune et qu'elles subissent de plein
fouet la crise économique. Au niveau de l'individu, selon les
mécanismes de désengagement moral par exemple, cela correspond au
mécanisme n° 2 qu'est la comparaison avantageuse puisque George
Pauget compare le Crédit Agricole aux autres banques et « noie
» les conséquences de la crise que subit en particulier la banque
coopérative française. Selon le modèle de l'oignon, cela
correspond au mécanisme de la projection, puisque les
conséquences de la crise et responsabilités sont projetées
sur toutes les banques et pas que le Crédit Agricole.
Plus tard dans cet entretien, le journaliste mentionne que
c'est finalement une étrange morale toute cette crise financière
car cette dernière est partie des banques et pourtant, celles-ci en
ressortent renforcées. Affirmation à laquelle George Pauget
répond que « Je crois que là c'est une vision trop
globale [...] les banques américaines qui sont à
l'origine de la crise, qui ont des pratiques condamnables. Il faut dire les
choses telles qu'elles sont. Et les banques françaises qui ont
été impactées, je dirai presque par ricochet, sur une
fraction limitée de leurs activités, ce qui explique d'ailleurs
que les banques françaises ont été les moins
touchées de toutes les banques en Europe » (France Inter,
2009). Le premier élément observable ici est que le PDG
répond au journaliste que c'est une vision trop globale, or un peu
plutôt, lorsque le journaliste lui demande de parler des résultats
du Crédit Agricole, George Pauget a répondu une phrase sur le
Crédit Agricole en mentionnant que les résultats sont positifs,
puis a enchaîné le reste de son discours en parlant que des
banques qui ont été affectées globalement par la crise
économique. Le deuxième élément constaté est
que pour George Pauget, ce sont les banques américaines qui sont les
principales responsables de la crise et qu'elles ont eu des « pratiques
condamnables ». Selon la théorie du désengagement moral et
le niveau individu du modèle de l'oignon, l'on observe un
déplacement des responsabilités, puisque le rôle du
Crédit Agricole n'est évoqué à aucun moment, alors
que ce dernier avait des activités sur le marché financier
américain, a autant bénéficié de ce marché
que les banques américaines à travers sa filiale Calyon, et
surtout ce fut une décision stratégique visant
l'internationalisation du Crédit Agricole et initié par George
Pauget en 2005. Ensuite, il y a également le mécanisme de la
comparaison avantageuse lorsque le PDG du Crédit Agricole affirme que
« les banques françaises ont été les moins
touchées de toutes les banques en Europe ». Le Crédit
Agricole et ses responsabilités sont encore « noyés »
parmi les autres banques françaises et européennes, cela peut se
référer également à un autre mécanisme
qu'est la diffusion des responsabilités.
82
subprimes, des produits risqués et complexes,
poussant les collectivités à demander des comptes aux banques.
George Pauget répond : « [...] il est toujours tentant de
céder à la facilité. Quant on regarde ce qui s'est
passé sur les collectivités locales, d'abord, n'oublions pas
qu'elles ont des directeurs financiers et compétents, donc qui n'est
pas...je dirai les banques n'étaient pas face à une troupe
d'ignorants [...] », affirmation à laquelle le journaliste
répond : « Donc vous dîtes que nous ne sommes pas des
escrocs, vous êtes des incompétents, c'est ça la
réponse du banquier ce matin? ». George Pauget se
défend de cette réponse et affirme que faire porter la
responsabilité aux banquiers seulement c'est trop facile, et que «
parce qu'on a beaucoup dit sur eux [les banquiers], ça
devient un thème à la mode » (France Inter, 2009). Les
deux éléments que l'on peut observer ici est que
premièrement, il y a une fois de plus une diffusion de la
responsabilité, puisque les collectivités locales sont
censées avoir des directeurs financiers et compétents face aux
banques et les produits financiers complexes qu'elles leur vendent. Or comme
cela a été évoqué à la section de la crise
financière, le problème avec les produits financiers complexes
est que même les agences de notation les notaient bien et ne comprenaient
pas vraiment le risque. De plus, George Pauget lui-même avait admis que
le Crédit Agricole avait commis des erreurs: « Nous n'avons pas
compris les signes que le marché envoyait quelques mois auparavant car
l'équipe...n'a pas considéré les relations entre les
marchés et l'économie réelle » (Daneshkhu,
2008(c)).
Deuxièmement, l'on peut constater un autre
mécanisme selon la théorie du désengagement moral qu'est
le blâme envers les victimes. En effet, George Pauget laisse entendre que
si les collectivités locales sont dans cette situation, c'est de leur
faute ou de leur responsabilité, car tel qu'il l'affirme « les
banques n'étaient pas face à une troupe d'ignorants ».
Cela suggère que le blâme est porté sur les
collectivités locales et qu'elles sont fautives au regard de leur
situation car elles étaient « censées » avoir des
directeurs financiers compétents et comprendre ce que les banques leur
vendaient comme produits financiers complexes. Ceci est confirmé par le
journaliste puisqu'il répond à George Pauget que « Donc
vous dîtes que nous ne sommes pas des escrocs, vous êtes des
incompétents ». Cela amène à une autre
problématique au niveau de la finance de marché versus la finance
bancaire et suggère qu'il y a une dissociation ou une rupture entre ces
deux formes de finances ainsi qu'une asymétrie de l'information. Ceci
pourrait expliquer que les directeurs financiers des collectivités
locales dans ce cas-ci, ne sont pas formés et ne disposent pas de
l'information nécessaire pour maîtriser la finance de
marché.
Cette réaction au niveau existentiel et individuel a
été également observée chez Alan Greenspan, le
Président de la Federal Reserve américaine, par Carey
(2009). Le 23 octobre 2008, témoignant devant la House Oversight
Committee (organisme gouvernemental américain chargé
d'observer le gouvernement fédéral et d'investigation en cas
d'abus, de fraude et gaspillage), Alan Greenspan avait déclaré
qu'il « était dans un état de choc et
d'incrédulité » (Carey, 2009, p. 3, notre traduction).
De plus, tout comme George Pauget qui a publié un livre pour
défendre la profession bancaire, Alan Greenspan a également
publié un livre sous forme de mémoires
83
en 2007 sur la question de la crise financière (Carey,
2009). Dans ses mémoires, Greenspan expose plusieurs causes qui ont
aboutit à la crise financière, tout en gardant une distance
vis-à-vis de sa responsabilité directe (Carey, 2009). Il explique
par exemple et entre autres que: « L'économie mondiale est
devenue incroyablement complexe à tel point qu'aucun individu ni groupe
d'individus ne peut entièrement comprendre comment cela fonctionne [...]
les gouvernements et banques centrales sont impuissantes pour répandre
des montées périodes d'euphorie et de peur » (Carey,
2009, p. 9, notre traduction). Suivant les mêmes mécanismes de
défense de déni et projection observés
chez George Pauget, Alan Greenspan se déresponsabilise et projette une
des causes de la crise financière sur une « économie
mondiale [est] devenue incroyablement complexe ».
Au niveau de la culture organisationnelle du modèle de
la gestion de crise, la revue de presse avait révélé un
fait intéressant concernant le vote de confiance qu'avait intenté
le PDG du Crédit Agricole. Il avait alors utilisé ce vote de
confiance pour contrer l'offensive des Caisses régionales, aboutissant
à une confrontation entre deux cultures organisationnelles au sein du
Crédit Agricole. D'un côté, la culture « bancaire
», représentée par l'entité cotée du
Crédit Agricole S.A., et de l'autre, la culture « mutualiste »
représentée par les Caisses régionales. Tel que nous
l'avons vu au chapitre de la méthodologie, cette fonction existentielle
que procure la culture à l'organisation, pousse en partie les personnes
à se protéger et adopter des normes élaborées dans
une entreprise et ce, même si ces normes peuvent déclencher des
crises : « défendre ces valeurs destructives est, dans ce cas,
le « prix à payer » afin de ne pas avoir à affronter sa
propre anxiété ». (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 104).
De plus, comme nous l'avons mentionné précédemment,
Georges Pauget avait déclaré lors de la conférence de
presse pour justifier les pertes du Crédit Agricole qu' « un jour,
le modèle s'est déréglé ». Ceci
démontre aussi la croyance liée à la 17e
rationalisation qui suppose que « l'origine des crises vient du
mal», et qui consiste à déplacer les
responsabilités et les causes de la crise vers une source externe ou
bien en trouvant le bouc-émissaire.
Ces mécanismes de « rationalisation » ont
également été observés avec le modèle de
désengagement moral de Bandura (1999) qui a été
évoqué dans la méthodologie au niveau 2 de la culture
organisationnelle du modèle de l'oignon. Le tableau 3 des dix
mécanismes de désengagement moral, élaboré par
Pauchant et al., (2015) et présenté en méthodologie,
reportait des citations textuelles issues du milieu financier de Wall Street.
Il y avait par exemple des affirmations telles que « Le sous-produit
de ce que nous faisons, c'est le chaos, et personne n'est responsable de ce
chaos » illustrant le mécanisme de la diffusion de la
responsabilité; «La révolution de la finance
immobilière a ... conduit à une autre transformation radicale...
L'économie est aujourd'hui moins cyclique.» traduisant le
mécanisme du déni de conséquence; ou bien « Vous
savez, ceux qui s'occupaient du détail de la transaction étaient
peut-être au courant. Moi non.» correspondant au
mécanisme du déplacement de la responsabilité (Pauchant et
al., 2015). Ces mécanismes du désengagement moral issus du milieu
financier de Wall Street révèlent l'influence de la culture
organisationnelle et industrielle sur le comportement des individus et
84
leur prédisposition à accumuler des actions
à risque systémique. De même, ces mécanismes ont
également été observés dans le cas du Crédit
Agricole tel que vu précédemment en analysant le discours de
George Pauget lors de son entretien radio chez France Inter.
Par ailleurs, le fait que les dirigeants des Caisses
régionales du Crédit Agricole avaient désigné
indirectement Georges Pauget comme responsable des pertes de la banque, ceci
peut être assimilé à la désignation d'un
bouc-émissaire. Cette réaction est également liée
à la 17e rationalisation, selon la croyance que «
l'origine des crises vient du mal », au niveau de la culture
organisationnelle du modèle de gestion de crise abordée en
méthodologie. En effet, Georges Pauget, malgré lui-même,
s'est vu désigné comme étant responsable des pertes
financières encourues par le Groupe alors qu'en réalité,
ce n'est pas aussi simple. Tel que nous l'avons vu à la section de la
crise financière de la revue de littérature, c'était une
crise systémique, extrêmement complexe. Les facteurs de crise sont
interdépendants et reliés, qui se sont mis en place durant des
décennies sur la base de décisions politiques et
économiques au niveau macroéconomique, et de décisions
stratégiques au niveau microéconomique.
La désignation d'un bouc-émissaire comme
mécanisme de défense en vue de déplacer la
responsabilité a également été observée dans
l'étude du cas de la crise nucléaire de Fukushima par Guntzburger
et Pauchant (2014). Le tableau 6 à l'Annexe 3, illustrant trois
mécanismes systémiques de défense dans le cas de cette
crise, révèle entre autres que les principaux acteurs
responsables, durant la crise, ont utilisé, en premier lieu, le
phénomène naturel lié au séisme comme
bouc-émissaire. Puis en second lieu, en désignant directement les
autres acteurs (Guntzburger et Pauchant, 2014).
En dépit du fait que Georges Pauget a pu se maintenir
en poste, ce ne fut le cas de Marc Litzer, PDG de Calyon, qui fut
révoqué de sa position. Ce fut ce dernier qui a pris le
rôle de « bouc-émissaire ». Pourtant, cela faisait
seulement que quelques mois que Marc Litzer avait eu ce poste. De plus, des
proches collaborateurs ont témoigné du contexte difficile dans
lequel il a pris ses fonctions et que les Caisses régionales avaient
« pris leur revanche sur l'homme qu'elles désignaient comme
étant responsable de l'exposition de la banque aux marchés
financiers sophistiqués mais hautement risqués » (Hall,
2008, p. 1). Nous constatons une fois de plus l'utilisation de la
17e rationalisation qui déplace les causes et
responsabilités vers une source externe ou une personne. Le fait de
désigner un « bouc-émissaire » est très courant
dans les organisations en cas de crise mineure ou majeure. Il est
évident qu'il y a bien un responsable ou des responsables, mais ce que
l'on constate dans le milieu bancaire et financier, est que souvent,
désigner un responsable du problème ou de la crise apparaît
comme une solution évidente et règle le problème. Or le
véritable problème, les sources profondes de la crise,
liées entre autre à la
85
nature du système financier et le comportement des
individus, n'ont pas été réellement discutées ni
communiquées par le Crédit Agricole.
Au niveau de la structure organisationnelle du modèle
de gestion de crise, la principale observation faite est que la structure
hybride du Groupe Crédit Agricole met en péril l'application du
processus démocratique propre à la structure coopérative
initiale, ce qui peut contribuer à amplifier la crise. Cette
complexification des organigrammes avec la coexistence de filiales S.A. et
d'activités traditionnelles du réseau coopératif peut
conduire à une banalisation des structures, des activités et
globalement à une « démutualisation » (Batac, Maymo et
Pallas-Saltiel, 2008). La complexification des organigrammes, la
technicité croissante des produits financiers, la perte
d'identité coopérative et la dispersion du sociétariat
d'origine et de son implication au profit du concept de «
sociétaire-épargnant », la juxtaposition de cultures
d'entreprise différentes, l'existence accrue de rentabilité sont
des évolutions du modèle coopératif qui déplacent
les lieux de pouvoir vers le haut de la pyramide (Batac et al., 2008). En
d'autres termes, le schéma organisationnel de la coopérative en
pyramide inversée, où le sociétariat de base
contrôle par délégation (expression du pouvoir
démocratique coopératif) le sommet de la pyramide, se transforme
en un modèle de fonctionnement de groupes S.A. (sociétés
anonymes), marqué par la concentration de pouvoir à la tête
de groupe et des lieux de décisions (Batac et al., 2008). Cela aboutit
dès lors à l'émergence de nouveaux conflits liés
à la création de valeur et à son partage, et cela peut
également amener certaines entités constitutives à se
percevoir mutuellement comme concurrentes et non comme parties liées par
un même objectif. Ce fut le cas du Crédit Agricole pendant les
tumultes de la crise financière. Tel que nous l'avons vu, les deux
principales parties constituantes du Groupe, Caisses régionales d'un
côté, Crédit Agricole S.A. de l'autre, avaient plus des
rapports de force pendant le processus de gestion de la crise. De plus, en
observant les organigrammes du Groupe Crédit Agricole (voir Annexe 9),
il ne semble pas y avoir d'unité, de cellule ou de département
dédié à la gestion de crise et ce, avant, pendant et
après la crise financière. Il n'y avait pas non plus de
stratégie de gestion de crise clairement énoncée telle que
nous le verrons dans la prochaine section.
Enfin, au niveau de la stratégie organisationnelle,
comme nous l'avions observé au chapitre 3, le Crédit Agricole
n'avait pas véritablement de plan stratégique de gestion de crise
intégré à sa stratégie globale. La banque verte, de
par les plans d'actions pour gérer la crise dans l'immédiat
durant la crise financière, a pour cadre stratégique le
modèle de type « stratégie compétitive » que
nous avons vue à la section portant sur la structure de gestion de crise
au chapitre de la méthodologie. En d'autres termes, c'est
l'intérêt et la compétitivité qui ont
été érigés en normes prédominantes sur les
normes coopératives et de gestion de crise. En effet, l'analyse de la
revue de presse du Crédit Agricole a révélé que la
société cotée du Crédit Agricole domine amplement
le réseau des Caisses. Ceci démontre également qu'il y a
une certaine dissociation entre la stratégie globale et la
stratégie de gestion de crises, puisque cette dernière implique
que l'organisation prend en considération son environnement et
La gestion de crise au niveau individu de Desjardins a
été principalement observée sur la base du dossier
86
l'ensemble des composantes qui font partie de ce dernier. Tel
que cela a été mentionné à la méthodologie,
Pauchant et Mitroff (2001) avaient souligné que la
complémentarité et l'interdépendance entre ces deux formes
de gestion stratégiques ne sont pas assez reconnues et
appliquées. Ceci est d'autant plus important lorsqu'il s'agit d'une
banque coopérative puisque comme nous l'avons vu à la revue de
littérature, la raison d'être d'une banque coopérative est
d'offrir à ses membres le meilleur des services, une participation
démocratique et de contribuer à développer la
collectivité. Ceci en versant les excédents pour
l'éducation, l'environnement, l'entrepreneuriat, la solidarité
etc. afin de soutenir le développement de l'économie sociale et
solidaire. Or, la crise financière a révélé que les
pertes encourues par le Crédit Agricole ont affecté l'ensemble du
Groupe et cela s'est même répercuté sur les
résultats des Caisses. Autrement dit, c'est les membres et l'ensemble de
la communauté qui ont été affectés par les
déboires de la banque coopérative via ses opérations
à haut risque sur le marché financier international. Ceci peut
être expliqué par le fait que la direction générale
n'avait pas intégré la gestion de crises dans sa gestion globale
et internationale. Ceci lui aurait éventuellement permis d'identifier
les signes précurseurs d'une crise, d'avoir une gestion
préventive et de prendre en compte les risques et conséquences
sur son environnement et l'ensemble des parties prenantes.
Cependant, la gestion stratégique dépend des
trois autres niveaux du modèle de gestion de crise, c'est-à-dire,
l'individu, la culture et la structure. Or, nous avons vu que le comportement
des individus est déterminant dans la culture organisationnelle et que
ces derniers sont inter-reliés. La culture organisationnelle du
Crédit Agricole est composée de deux sous cultures, l'une
bancaire et l'autre mutualiste. Cette particularité de la culture
organisationnelle a engendré des tensions et conflits durant la crise
financière entre les dirigeants de la société cotée
et ceux des Caisses. Ceci démontre que l'expression d'une volonté
cohérente n'était pas possible durant la crise, ce qui contribue
plus à l'amplifier. Autrement dit, la fonction existentielle de
l'organisation qu'est la culture, propulsée par la structure et
stratégie, était déficiente. Or comme cela a
été évoqué par plusieurs auteurs dans la revue de
littérature et méthodologie, la culture est essentielle et
nécessaire pour renforcer une gestion de crises non seulement
systémique mais également éthique car la
réglementation ne garantit pas que les individus la respectent. Si une
culture organisationnelle est basée sur des comportements
déviants et inflationnistes, cela implique un obstacle important,
dès le premier niveau de l'individu, pour le développement de la
gestion systémique de crises. Ceci rend alors très difficile
l'intégration d'une gestion de crise au dernier niveau de la
stratégie selon le modèle de la gestion de crise, ce qui
démontre l'importance de la reconnaissance du rôle de l'individu
et les dimensions psychologiques et sociales dans la gestion de d'institutions
financières, banques coopératives et d'activités
financières.
4.2 Le Mouvement Desjardins et la gestion de crises
87
du PCAA qui a déclenché une crise
systémique sur le marché financier canadien. Cette affaire
révèle l'impact de l'individu sur le marché financier, et
ce en dépit de la nature « rationnelle » et «
sophistiquée » des opérations dîtes de haute finance.
En effet, dans un contexte de crise, la panique et la méfiance, aspects
irrationnels émanant des individus, ont pris le dessus sur le rationnel
en provoquant une crise systémique. Comme nous l'avons vu, l'affaire du
PCAA a révélé dans un contexte de crise l'importance de la
réaction et des mécanismes de défense des individus. En
dépit du fait que le PCAA au Canada était lié aux
subprimes à près de 7 % seulement des transactions
(Desjardins, 2009), la crise est survenue en raison d'un manque d'informations
sur le marché canadien et des réactions «
incontrôlées » des individus. Les investisseurs canadiens,
sociétés et individus y compris, ont réagi à
l'annonce de la crise des subprimes aux États-Unis de
manière « irrationnelle », ce qui contribué à
amplifier également la crise.
Cependant, deux ans après l'affaire du PCAA, la
présidente du Mouvement Desjardins, Monique F. Leroux, avait alors
reconnu qu' « à la réflexion et en bout d'analyse,
l'élément central, celui qui fait la différence entre la
bonne conduite des métiers financiers et les aventures difficiles, c'est
la personne » (Canada Newswire, 2010, p. 1) et que « c'est
ainsi que le cadre d'interaction multipartite (les conseils d'administration,
les directions, les autorités réglementaires, les organismes
sectoriels, les gouvernements et les vérificateurs) permettra d'en
arriver à un cadre prudentiel où la connaissance et
l'intelligence de chacun permettra, dans une approche proactive, d'anticiper et
d'éviter des crises et de renforcer la gestion prudentielle des
institutions » (Canada Newswire, 2010, p. 1). Ces affirmations venant
de la dirigeante du Mouvement Desjardins reconnaissent le rôle de
l'individu non seulement dans un contexte difficile tel que la crise, mais
également dans une approche proactive et surtout coopérative
entre différents acteurs afin de prévenir les crises et les
éviter. En revanche, les mécanismes observés auparavant
tels que le déplacement ou diffusion de responsabilités ne sont
pas constatés dans le cas de Desjardins. Néanmoins, ceci peut
être nuancé par le fait que Desjardins a été
beaucoup moins exposé à la crise au niveau individu que le
Crédit Agricole, nous détaillerons plus tard ce point. Toutefois,
ces affirmations de la présidente de Desjardins pourraient
également expliquer le fait que Desjardins a moins été
affecté par la crise en raison d'une gestion prudentielle au niveau de
l'individu de son organisation. Ceci pourrait expliquer la différence du
degré d'impact de la crise entre Desjardins et le Crédit Agricole
qui, au niveau de l'individu, a été plus exposé à
la crise et que nous traiterons davantage ultérieurement.
En effet, lors d'un entretien mené par l'AFP en octobre
2011, Monique Leroux a estimé que dans le contexte de la crise
financière et économique du capitalisme financier, les
coopératives offrent une « réponse tangible » à
la crise selon la PDG du Mouvement Desjardins (Lavallée, 2011). Elle
affirmait également que «quand on regarde ce qui ce passe
actuellement, on sent une forme de déconnexion entre les grands enjeux
financiers» et «une grande partie de la population. Cela nous semble
parfois aussi bien loin des réalités de
88
l'économie réelle»
(Lavallée, 2011). Ces affirmations confortent la position de Desjardins
pendant la crise puisque le Mouvement a été peu affecté
par la crise financière comparé au Crédit Agricole. Le
fait que Desjardins a été moins impliqué sur le
marché financier international, cela a renforcé le positionnement
de Desjardins comme coopérative et dont le modèle d'affaires peut
être considéré comme un modèle tangible et
être une « réponse tangible » à la crise tel que
l'a énoncé Monique Leroux. Cette dernière avait
également exprimé que les coopératives avaient
montré « leur résilience » pendant les périodes
de tumultes de la crise et que «prendre des décisions à
court terme, trimestrielles, pour faire monter le prix de l'action, ce n'est
pas du tout une motivation autour de la table des conseils d'administration
(des coopératives, ndlr), ni même dans les équipes de
direction» (Lavallée, 2011). De plus, lors d'un entretien
télévisuel sur Radio Canada en avril 2011, dont le sujet portait
sur la fusion des caisses au Québec qui avait amené un mouvement
de contestation des membres, Monique Leroux s'est défendue entre autres
en évoquant que Desjardins avait réussi à gérer la
crise en répondant au présentateur (Gérald Fillion) que
« dans un contexte où toutes les dimensions si vous voulez par
exemple de productivité, de performance, de solidité
financière sont éminemment importantes, nous avons comme d'autres
passé à travers la crise financière, au fonds, sans
être trop préoccupés. Et ça, c'est un point
très très important, je pense, pour la confiance de nos membres
» (Radio Canada, 2011). Tous ces éléments au niveau
individuel du modèle de gestion de crise permettent d'observer que
Desjardins a été moins affecté par la crise
financière, puisque sur le plan individuel, la PDG de la banque
coopérative ne s'est pas retrouvée à se défendre de
son rôle ou responsabilité par rapport à des
conséquences considérables de la crise. Ceci n'a pas
été le cas du Crédit Agricole, étant donné
que la banque française a été plus affectée par la
crise, son PDG George Pauget a dû, dans le but de se défendre de
l'implication du Crédit Agricole sur le marché américain,
intenter un vote de confiance déclenché exceptionnellement en
2008, puis publier un livre défendant les banquiers et leur profession
en 2009.
Cependant, dans un autre entretien de Monique Leroux par
Co-operative News en octobre 2012 (voir entretien intégral à
l'Annexe 7), la journaliste (Anca Voinea) a demandé à la PDG de
Desjardins comment les coopératives ont géré la crise et
comment Desjardins a fait face à la récession. Monique Leroux a
répondu qu'« en se basant sur les informations
collectées dans le monde sur la manière dont les
coopératives bancaires et financières ont géré la
crise de 2008, la plupart ont récupéré mieux et rapidement
que la majorité des banques commerciales. La raison de cela est que les
coopératives sont orientées vers des objectifs à long
terme, tandis que beaucoup de banques [commerciales] étaient
impliquées dans les investissements spéculatifs pour des gains
à court terme » (Voinea, 2012, p. 2). Le premier
élément que l'on peut observer ici et que Monique Leroux a
répondu à la question en évoquant seulement les
coopératives de manière générale, et n'a pas
répondu à la question concernant spécifiquement
Desjardins. Cela peut correspondre au mécanisme de projection sur les
coopératives dans l'ensemble concernant le rôle de Desjardins
pendant la crise financière, puisqu'elle n'évoque pas
explicitement comment Desjardins a fait face à la crise. Le
deuxième élément est qu'au travers de ces
89
entretiens, le dossier du PCAA qui a affecté le
Mouvement Desjardins et ses résultats financiers en 2009 en particulier
n'a pas été mentionné, ce qui peut être
considéré comme une forme de déni en tant que
mécanisme au niveau de l'individu de la gestion de crise.
Au niveau de la culture de la gestion de crise chez
Desjardins, un des premiers éléments observés durant la
crise financière est le discours contradictoire de Desjardins
vis-à-vis du gouvernement. D'une part, Desjardins exhortait le
gouvernement fédéral de ne pas désavantager les
institutions financières canadiennes comparé à leurs
concurrentes américaines et européennes qui
bénéficiaient de plans de relance de leurs gouvernements. Ce fait
révèle la 11e rationalisation en gestion de crise au
niveau culturel, et que nous avons décrite à la section (B) de la
méthodologie liée à la croyance que « si une
crise majeure arrive, nous serons secourus par nos amis et partenaires
» (Pauchant et Miroff, 2001). Desjardins a clairement
communiqué sa volonté de bénéficier de l'aide
fédéral dans la gestion de la crise financière mais aussi
dans l'affaire du PCAA. Selon l'agence de notation Moody's, Desjardins
bénéficiait d'un « soutien implicite » d'Ottawa et
Québec. Ces éléments viennent conforter la 11e
rationalisation qui suppose que les organisations ont tendance à croire
qu'en cas de crise majeure, elles seront secourues par leurs amis et
partenaires tels que nous l'avons également souligné avec les
autres institutions financières américaines et européennes
secourues par leurs gouvernements respectifs.
D'autre part, Desjardins avait une position tout à fait
contraire à la première énoncée
précédemment. En effet, lorsque le gouvernement
fédéral a annoncé la mise en place d'une
réglementation centralisée des valeurs mobilières au
Canada, le Mouvement Desjardins s'y immédiatement opposé en
justifiant par un document publié que la proposition du gouvernement
n'est pas justifiable. Desjardins opère depuis plusieurs années
dans le secteur des valeurs mobilières avec sa filiale Valeurs
mobilières Desjardins (VMD). C'est à se demander si le fait que
ça soit le fédéral, sachant que le Mouvement Desjardins
est historiquement ancré dans la province québécoise,
Desjardins aurait vu cette proposition du gouvernement fédéral
comme une ingérence? Desjardins avait dès lors
déclaré que passer à un système centralisé
de réglementation serait « inutile au mieux, contre-productif
au pire » car cela aurait entrainé d'importants coûts
(Larocque, 2008 (a), p. 1). La banque coopérative
québécoise avait également ajouté qu'il faudrait
s'attendre à une contestation constitutionnelle d'une centralisation
imposée par Ottawa et que dans un tel cas, l'institution
coopérative entrevoyait que le « Québec ferait bande
à part, avec d'autres provinces », ce qui reproduirait
justement «une balkanisation que l'on voulait au départ
éliminer » (Larocque, 2008 (a), p. 1).
Par ailleurs, nous avons également observé que
durant la crise financière, Desjardins a fait valoir la solidité
et la crédibilité de sa culture organisationnelle interne. En
2008, la banque coopérative avait été classée parmi
les 50 Employeurs de choix au Canada suite à un sondage de mobilisation,
effectué par la firme Hewitt, et
90
envoyé à près de 20 000 employés
Desjardins (Canada Newswire, 2008(a)). Ce fait révèle qu'à
l'interne, la gestion de la culture organisationnelle formelle et informelle
est maîtrisée, avec une stratégie de communication efficace
qui a permis à Desjardins de maintenir sa réputation
d'institution financière viable et crédible dans un contexte de
crise économique. Cependant, sur le plan externe, la culture
organisationnelle présentait des caractéristiques parfois
contradictoires avec l'identité coopérative. Premièrement,
ceci était observable par exemple à travers le discours de
l'économiste en chef de Desjardins, François Dupuis. Ce dernier
avait déclaré en 2008 dans un article paru dans Les Affaires, en
pleine crise financière : «diminuez les impôts des
compagnies; laissez davantage de place aux forces (sic) du marché par le
recours à l'état minimal; privatisez davantage les services
publics et tarifiez ceux qui resteront publics, afin d'habituer la population
à payer le prix du marché (sic) et augmentez les tarifs
d'électricité et les frais de scolarité»
(Lauzon, 2009, p. 1). Ces affirmations émanant d'une personnalité
représentante de Desjardins sont assez éloignées de la
culture coopérative. Comme nous l'avons vu à la revue de
littérature, en théorie, un des rôles fondamentaux d'une
banque coopérative est de préserver l'intérêt de ses
membres tout en prenant en considération les citoyens, les parties
prenantes et de contribuer au bien-être et au développement des
collectivités. Ceci implique une culture qui prône des valeurs qui
vont dans le sens de sa mission. Or la mission de Desjardins, telle
qu'énoncée officiellement, est de « contribuer au
mieux-être économique et social des personnes et des
collectivités dans les limites compatibles de notre champ d'action
». Cette dernière ne rejoint pas vraiment les affirmations du
chef économiste représentant Desjardins dont la politique
économiste peut s'avérer inadéquate avec la mission
coopérative, puisqu'il avait déclaré : « [...]
privatisez davantage les services publics et tarifiez ceux qui resteront
publics, afin d'habituer la population à payer le prix du marché
(sic) et augmentez les tarifs d'électricité et les frais de
scolarité » (Lauzon, 2009, p. 1). En dépit qu'il
affirme cela du point de vue d'une politique économiste vis-à-vis
du gouvernement et de la gestion de l'économie publique, cette vision ne
prend pas réellement en considération les intérêts
des citoyens mais vise plus les intérêts d'une minorité
qu'est le privé, puisqu'il encourage à privatiser davantage de
services publics et de faire payer le prix du marché de ces services
à la population, tout en augmentant les tarifs
d'électricité et des frais de scolarité.
L'économiste en chef de Desjardins a aussi déclaré qu'il
faut envisager une hausse des tarifs et des taxes, notamment sur l'essence et
que c'est à ce prix que les Québécois peuvent conserver
les acquis sociaux auxquels ils tiennent. Il a par ailleurs recommandé
au gouvernement de réduire les taux de croissance de ses dépenses
(St-Gelais, 2010). En d'autres termes, du point de vue de la culture
organisationnelle, l'approche économiste de Desjardins qu'exprime son
chef économiste induit que la culture coopérative, prenant en
compte les citoyens et leurs intérêts, est laissée au
second plan.
Deuxièmement, nous pouvons également observer
une contradiction au niveau de la culture organisationnelle de Desjardins par
l'intermédiaire de son processus de fusion des Caisses entamé
dans les années 1990. Ce processus a eu pour conséquence de
réduire le nombre de caisses dans une optique de coûts, et aussi
de
91
changer la culture organisationnelle au niveau des caisses. En
effet, selon Marc Vallières, professeur d'histoire à
l'Université Laval, il existe un fort sentiment d'appartenance
coopératif dans les communautés rurales, des villages et petites
villes, mais qui a été diminué par ce processus de fusion
de caisses (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2011). Dès lors, ces
regroupements de caisses ont coïncidé avec un changement de culture
car lorsque les initiateurs du mouvement auprès des caisses ont pris
leur retraite, ces derniers ont été remplacés par des
spécialistes en administration et économie, ce qui a eu pour
effet de changer la philosophie coopérative. Par conséquent, cela
a crée donc une distance entre les membres et leur coopérative,
ce qui rejoint un des point soulevé dans la revue de littérature
en ce qui concerne le cycle de vie des coopératives et la taille de ces
dernières. En effet, lorsque les coopératives atteignent la
deuxième phase du cycle « adolescent », la distance entre la
coopérative et ses membres tend à augmenter car le management
devient plus professionnel. Durant cette phase, la professionnalisation du
management, caractérisée par un processus de consolidation et
d'économies d'échelle en quête d'efficience
économique, permet au personnel et gestionnaires d'émerger comme
une nouvelle classe de sociétaires avec des intérêts qui ne
sont pas nécessairement alignés avec ceux des membres (Brazda et
Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007). De plus, la troisième
phase « mature » du cycle de vie de la coopérative est
également caractérisée par l'accroissement de divisions
internes, un affaiblissement de l'idéologie collective et la disparition
de la raison d'être initiale de la coopérative (Brazda et
Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007).
Enfin, lorsque les coopératives financières
deviennent plus grandes et poursuivent la croissance et la diversification,
elles ont tendance à perdre leur avantage de confiance car elles
commencent à se « comporter » comme des institutions
financières commerciales (Kay, 2006; IMF, 2007). Ce dernier
élément a été confirmé chez Desjardins
puisque de plus en plus de personnes dénoncent le comportement «
commercial » de la banque coopérative ou veulent quitter le
Mouvement Desjardins (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2011; St-Gelais,
2010; Lauzon, 2009; Radio Canada, 2011 (b)). Selon Claude Béland, ancien
président du Mouvement Desjardins (1987-2000), la fusion des caisses a
aboutit dans certains cas à créer des mégas-caisses au
détriment de la participation des membres (Radio Canada, 2011 (b)). Le
facteur de la culture organisationnelle du modèle de l'oignon
en gestion explique en partie le changement qui s'est opéré
chez Desjardins engendrant une culture hybride alliant le bancaire «
coopératif » et « commercial». Pourtant, Desjardins a
été moins affecté par la crise financière en partie
grâce à sa structure organisationnelle, mais aussi sa culture
coopérative qui a résisté durant la crise.
Au niveau de la structure organisationnelle, nous avons
observé que la crise a joué un rôle de levier pour modifier
la structure du Mouvement Desjardins. Ce dernier a bien eu une gestion de
crise, mais non pas via une unité de crise chez Desjardins
puisqu'inexistante, mais en mettant en place des plans de restructuration
interne. Cependant, la structure de base coopérative de Desjardins lui a
permis de limiter considérablement les effets de la crise
financière et de manière significative. En effet, un des
avantages du système coopératif de Desjardins, est
92
qu'elle n'a pas d'actions sur le marché financier, ce
qui lui permet de se protéger contre les fluctuations boursières
et la spéculation, lui garantissant ainsi un capital propre plus solide
et une stabilité financière. De plus, pendant la crise, le
réseau des Caisses Desjardins a beaucoup contribué à
stabiliser et limiter les pertes financières puisqu'en 2008, les revenus
totaux du Mouvement Desjardins étaient de 2,24 milliards de dollars
canadiens, soit une hausse de 10,5% comparé à 2007 (Larocque,
2008 (c)). Ces résultats étaient en grande partie dus aux caisses
locales et dont la direction Desjardins a reconnu le rôle moteur. Ce
constat vient conforter ce que nous avions vu à la revue de
littérature concernant la crise financière et les banques
coopératives puisqu'il a été démontré que
ces banques ont été beaucoup moins affecté par la crise en
raison de leur modèle organisationnel. Ceci a conduit la direction de
Desjardins, après la nomination de Monique F. Leroux comme
présidente du Mouvement en 2008, à lancer le plan «
Coopérer pour créer l'avenir » dès 2009. Ce dernier
visait à intégrer une nouvelle structure qui avait pour principal
objectif de rapprocher le Mouvement de ses caisses locales qui en sont «
la force motrice » selon Monique F. Leroux, et les membres de leurs
caisses (Canada Newswire (a), 2009). Cette réorganisation avait
également pour but de générer des gains de
productivité récurrents de plus de 150 millions de dollars
canadiens. Sur la base de ce plan, Desjardins a supprimé 900 postes sur
trois ans avec des départs à la retraite et volontaires selon
Desjardins, et dont l'objectif était d'aplanir la structure
décisionnelle jugée lourde et coûteuse (Canada Newswire
(a), 2009).
À ce niveau structurel du modèle de gestion de
crises, nous pouvons observer que la structure mis en place par le Mouvement
Desjardins lui a permis de contrer les chocs de la crise financière de
2008. Premièrement, en maintenant une structure coopérative
axée sur le bancaire coopératif et de détail
éloignée d'activités financières boursières,
ce qui suggère que la culture coopérative demeure assez dominante
en dépit de l'apparition d'une culture « commerciale ».
Deuxièmement, en mettant en place le plan de structuration «
Coopérer pour créer l'avenir » dès 2009 afin de
consolider le Mouvement Desjardins avec son réseau de caisses, dont le
rôle moteur et stabilisateur en pleine crise financière a
été révélé. Ainsi, c'est en partie la
structure coopérative représentée par le réseau de
caisses qui a permis à Desjardins de résister à la
tempête de la crise financière et de s'en relever assez rapidement
dès 2010. Mentionnons également ici le niveau culturel
coopératif représenté par le réseau de caisses.
Finalement, cette double stratégie au niveau de la structure
organisationnelle, qui a permis en partie à Desjardins de gérer
la crise financière, a été élaborée par des
individus, en l'occurrence la haute direction de Desjardins. Ces
éléments suggèrent le rôle joué par le niveau
individuel du modèle de l'oignon dans la gestion de crise
autant au niveau structurel que culturel.
Enfin, en ce qui concerne le niveau stratégie
organisationnelle chez Desjardins, nous n'avons pas pu observer l'existence
d'un plan de gestion de crises selon les données et sur la base d'une
gestion stratégique qui intègre de manière visible la
gestion de crises. Durant et après la crise financière,
Desjardins a eu recours a un
93
plan de gestion de crise sous forme de trois actions
successives et parallèles entre 2007 et 2011. La première action
a consisté à bénéficier de l'aide du gouvernement
fédéral dans le cadre de l'affaire du PCAA en 2007 et
également d'un soutien implicite d'Ottawa et Québec durant la
crise selon l'agence de notation Moody's. En 2009, le Mouvement Desjardins a eu
aussi recours aux caisses pour augmenter sa capitalisation durant la crise, et
ce en demandant aux caisses de réduire les ristournes versées
à leurs membres de 40 % (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2009 (b)).
Cette mesure a été décrétée par la banque
coopérative à cause de la forte détérioration des
marchés financiers et des lourdes dépréciations
liées au PCAA de ses comptes. La deuxième action sur laquelle le
Mouvement Desjardins s'est appuyé pour gérer la crise fut la
communication. Il s'est avéré que la banque coopérative
maîtrise bien cet outil comme moyen de communication stratégique
pour démontrer la transparence et reporter des faits, des mesures et des
résultats positifs. Des communiqués de presse étaient
régulièrement publiés pour annoncer des partenariats, des
résultats positifs, des actions concrètes et les classements
internationaux par lesquels Desjardins se distinguait.
La troisième action entamée par Desjardins
dès 2008 consistait à se lancer définitivement et
ouvertement dans le développement international sur le plan affaires en
créant des partenariats avec les organismes coopératifs
internationaux. Cette action stratégique a été pour la
première fois et ouvertement annoncée par Monique F. Leroux en
2008, nouvelle présidente du Mouvement Desjardins, dans un contexte de
consolidation mondiale où la taille des entreprises sera de plus en plus
importante. C'est aussi dans cette optique qu'a été mis en place
le plan de restructuration interne en 2009 « Coopérer pour
créer l'avenir » afin de rapprocher le Mouvement de ses caisses,
puisque 75 % des excédents du Mouvement sont
générés par les caisses (Turcotte, 2008). Or l'appui des
caisses locales était indispensable afin de les intégrer dans la
stratégie de développement international du Mouvement Desjardins.
En 2011, l'internationalisation du Mouvement Desjardins s'est
concrétisée avec la création d'un partenariat
stratégique avec la banque coopérative française le
Crédit Mutuel. En 2012, c'est la consécration pour Desjardins
étant donné que les Nations Unies avaient déclaré
l'année 2012 comme « Année internationale des
coopératives » et avaient choisi le Mouvement Desjardins comme
hôte du premier Sommet mondial sur les coopératives.
Au niveau stratégie organisationnelle du modèle
de gestion de crises, Desjardins a implanté une stratégie de
gestion de crise fondée sur le renforcement du Mouvement Desjardins et
son réseau de caisses dès 2009. Conscient du potentiel
générateur et stabilisateur des caisses, la direction de
Desjardins a établi un plan de structuration visant le rapprochement
avec les caisses. Une fois cette étape stratégique validée
et que les caisses ont été intégrées autant
structurellement que stratégiquement, le Mouvement Desjardins est alors
passé à la deuxième étape et en se lançant
à l'international sur le plan « affaires coopératives »
assez rapidement après la crise financière en 2011. Monique F.
Leroux, PDG du Mouvement Desjardins, avait alors déclaré que
les
94
coopératives offrent une « réponse tangible
» pour relancer l'économie mondiale et que « quand on
regarde ce qui se passe actuellement, on sent une forme de déconnexion
entre les grands enjeux financiers [et] une grande partie de la population
[...] Cela nous semble parfois aussi bien loin des réalités de
l'économie réelle » (Reibaud, 2011 (b), p. 1). Cette
affirmation de la présidente de la banque coopérative
québécoise vient également renforcer le bilan de la crise
financière et ce que celle-ci a permis de révéler telle
que cela avait été vu dans la revue de littérature.
Autrement dit, dans l'ensemble, les banques coopératives ont
émergé comme modèle alternatif au développement
économique plus stable et plus connecté à
l'économie réelle. Ceci rejoint le paradoxe évoqué
dans la revue de littérature et il y a vingt ans par Pauchant et Mitroff
(2001) dans la gestion de crise, en soulignant l'importance du concept
fondamental de troisième génération et
très peu présent dans les organisations qui consiste à
«développer, dans une entreprise, l'apprentissage profond que
tout effort de production ou de productivité amène de
manière irrémédiable vers un accroissement de destruction,
un paradoxe fondamental » (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 17).
4.3 Le Crédit Agricole versus le Mouvement
Desjardins en gestion de crise
Globalement, lorsqu'on compare le Crédit Agricole
versus le Mouvement Desjardins, ce dernier a été moins
affecté par la crise que le premier. Le Groupe Crédit Agricole a
subit des pertes financières jusqu'à 2012, année à
laquelle la banque verte a eu des pertes historiques record de 6,47 milliards
d'euros (Le Point, 2013). Desjardins a été affecté par la
crise entre 2007 et 2009, a eu des pertes financières principalement
dues à l'affaire du papier commercial adossé aux actifs (PCAA),
mais dans un moindre degré que le Crédit Agricole. Desjardins a
été en mesure d'améliorer nettement ses résultats
financiers dès 2010 et en grande partie grâce à son
réseau de caisses avec des excédents historiques de 1,4 milliards
de dollars CAD en 2010, soit une hausse de 34 % par rapport à 2009
(Canada Newswire, 2011). Le tableau ci-dessous présente une
synthèse de la comparaison entre le Crédit Agricole et Mouvement
Desjardins selon les quatre niveaux du modèle de gestion de crise
organisationnelle.
Tableau 4 : Synthèse de la gestion de crise selon les
quatre niveaux du modèle de l'oignon entre 2007 et 2011.
Niveau de gestion de crise
|
Crédit Agricole
|
Mouvement Desjardins
|
Individu
|
Crise visible et assez intense en raison des décisions de
la direction de l'internationalisation sur le marché financier.
Mécanismes de défense et désengagement moral
observés:
|
Crise peu visible à ce niveau car l'organisation a
été moins exposée à la crise. Renforcement du
rôle de l'individu dans la gestion prudentielle des activités
financières avant la crise. Décision de ne
|
95
|
déplacement et diffusion des responsabilités,
projection et déni, comparaison avantageuse, blâme envers les
victimes et comportement inflationniste du PDG. Absence de reconnaissance de
l'individu dans la gestion de crise.
|
pas s'internationaliser sur le marché financier.
Mécanisme de défense observé : comparaison avantageuse de
la PDG. Reconnaissance de l'individu dans la gestion de crise.
|
Culture
|
La crise a révélé une culture hybride :
bancaire, financière et coopérative. La culture financière
prédominait sur les deux autres comme fonction existentielle et a
amplifié la crise à l'interne. Rationalisation observée :
l'origine des crises vient du mal, déplacement des
responsabilités et désignation de bouc-émissaires. Absence
de culture orientée vers la gestion de crise.
|
Double culture : coopérative et
commerciale révélée par la crise
financière et le processus de fusion des caisses. Culture interne solide
et cohérente ayant permis de limiter la crise. Rationalisation
observée : en cas de crise majeure, nous serons secourus; position
contradictoire vis-à-vis des gouvernements (provincial et
fédéral). Absence de culture orientée vers la gestion de
crise.
|
Structure
|
Absence de structure intégrant la gestion de crise.
Structure hybride divisée entre le bancaire, financier international et
coopératif. Complexification des organigrammes menant à la perte
d'identité coopérative et de concurrence interne.
Émergence de conflits internes durant la crise entre structure
cotée et la coopérative. Plan de structuration international
lancé en 2008 pour diminuer les activités financières
à risque. Absence de cellule ou unité de crise.
|
Absence de structure intégrant la gestion de crise.
Structure coopérative dominante. Absence d'activités
financières à risque sur le marché financier
international. Pas sujette aux fluctuations boursière et
spéculatives garantissant un capital propre solide et stable. Le
réseau de caisses a joué un rôle moteur dans la relance des
revenus totaux dès 2008. Plan de structuration lancé en 2009 pour
rapprocher le réseau des caisses du Mouvement. Absence de cellule ou
unité de crise.
|
Stratégie
|
Absence de plan stratégique de gestion de crises. La crise
a été gérée de type « urgence » et
dans
|
Absence de plan stratégique de gestion de crise. La crise
a été gérée sous forme de plan d'actions. Trois
phases d'actions
|
Dans le cas de Desjardins, le rôle de l'individu dans la
gestion des opérations financières et la prévention de
crise a été reconnu par la direction générale via
la présidente du Mouvement Monique F. Leroux. En effet,
96
|
l'immédiat sous forme de plan d'actions. Trois phases
d'actions identifiées : aide du gouvernement français, plan de
restructuration international et plan stratégique focalisé sur
les activités bancaires de détail et coopératives.
|
identifiées : aide du gouvernement provincial et
fédéral, l'utilisation de la communication, plan de
restructuration avec le réseau de caisses et développement
international coopératif d'affaires.
|
En comparant le Crédit Agricole et le Mouvement
Desjardins au premier niveau « individu » de la gestion de crise,
nous constatons dans les deux cas le rôle primordial de l'individu dans
la gestion de crise mais à différent degré. Au
Crédit Agricole, tel que vu à la section (4.1) de la gestion de
crise du Crédit Agricole, les réactions inflationnistes du PDG et
les mécanismes de défense étaient plus visibles que dans
le cas de Desjardins. Ceci peut s'expliquer en partie par le fait que la banque
coopérative française a été beaucoup plus
affectée par la crise financière que sa consoeur canadienne. En
effet, tel que cela a été évoqué
précédemment, les décisions stratégiques prises par
l'entité cotée Crédit Agricole S.A. au milieu des
années 2000, notamment son processus extensif d'internationalisation et
en particulier sur le marché financier américain via sa filiale
Calyon, ont amené l'ensemble du Groupe Crédit Agricole incluant
la structure « mutualiste » à subir directement les
conséquences de la crise financière en 2008. Ce point sera
davantage développé au paragraphe portant sur la structure
organisationnelle. En d'autres termes, au niveau de l'individu selon le
modèle de l'oignon en gestion de crise, l'analyse du cas du
Crédit Agricole suggère que les décisions
stratégiques prises par les individus visant en partie
l'internationalisation du Crédit Agricole sur le marché financier
international, en particulier aux États-Unis, a sévèrement
affecté sa performance financière et l'ensemble de la
coopérative financière dans un contexte de crise
systémique. Cela ne signifie pas que le Crédit Agricole, au
niveau de l'individu, est entièrement responsable des
dégâts, mais qu'en plus du contexte complexe dans lequel s'est
installée la crise pendant plusieurs années, l'individu a pris
des décisions stratégiques risquées et non dans
l'intérêt de l'ensemble de la coopérative et son
environnement. Ces décisions individuelles ou de groupe ont
été soutenues et justifiées par une culture et structure
bancaire « financière » prédominante au sein du
Crédit Agricole comme nous le verrons. De plus, comme nous l'avons vu
lors de l'entretien radio de George Pauget, PDG du Crédit Agricole, ce
dernier n'a jamais véritablement reconnu l'importance du rôle des
individus et de leurs décisions dans la prise de risques de la banque
coopérative sur le marché financier américain via sa
filiale Calyon à New York.
97
cette dernière avait déclaré en 2010,
deux ans après le dossier du PCAA qui avait affecté le
marché financier canadien et plusieurs banques canadiennes dont
Desjardins, qu' « à la réflexion et en bout d'analyse,
l'élément central, celui qui fait la différence entre la
bonne conduite des métiers financiers et les aventures difficiles, c'est
la personne » et que « c'est ainsi que le cadre
d'interaction multipartite (les conseils d'administration, les directions, les
autorités réglementaires, les organismes sectoriels, les
gouvernements et les vérificateurs) permettra d'en arriver à un
cadre prudentiel où la connaissance et l'intelligence de chacun
permettra, dans une approche proactive, d'anticiper et d'éviter des
crises et de renforcer la gestion prudentielle des institutions »
(Canada Newswire, 2010, p. 1). Ces déclarations viennent conforter le
rôle de l'individu dans la gestion d'activités financières
coopératives et financières en général, mais
également dans la gestion de crises et la prévention de celles-ci
comme l'a mentionné la présidente de Desjardins.
Par ailleurs, en dépit du fait que le niveau de
l'individu a été moins visible dans le cas de Desjardins dans le
contexte de la crise financière comparé au Crédit
Agricole, l'individu a bien joué un rôle dans la gestion de crise
chez Desjardins et même en partie à la prévenir. En
d'autres termes, le facteur « individu » chez Desjardins a
contribué à limiter les effets de la crise financière par
une gestion prudentielle dans l'histoire de la coopérative et plus
proche de ses activités bancaires coopératives de détail.
En effet, comme nous l'avons vu lors de l'entretien télévisuel de
Monique Leroux par Radio Canada et de l'entretien de l'AFP en 2011, la
structure coopérative ayant été préservée
chez Desjardins qui a continué à conduire des activités
bancaires coopératives et financières éloignées des
marchés financiers boursiers, ce qui lui a permis de se protéger
des fluctuations boursières, de la spéculation et de la
volatilité des marchés. De plus, étant donné que
Desjardins a été moins exposé à la crise
financière, au niveau de l'individu de la gestion de crises, les
mécanismes de défense visibles dans le cas du Crédit
Agricole, étaient peu présents dans le cas de Desjardins.
Étant donné que la gestion de crise est par nature
systémique, en se fondant sur le modèle de l'oignon,
nous pouvons constater les liens à ce stade entre les niveaux individu
et structure. En revanche, pour le Crédit Agricole, le facteur «
individu » a contribué, par une série de décisions
stratégiques dans l'histoire de la coopérative et
influençant la culture et structure organisationnelle, à
amplifier les effets de la crise financière sur son organisation.
C'est l'une des raisons qui explique le fait que le niveau
« individu », via les réactions et mécanismes de
défense observés, était plus visible dans le cas du
Crédit Agricole puisque ce dernier a été plus
exposé à la crise financière que Desjardins. Les pertes
successives du Crédit Agricole, les tumultes et conflits au sein de la
coopérative financière rapportés par la presse
française et internationale, et les scandales financiers de Calyon ont
été surexposés par la médiatisation de la crise
financière en particulier en France. Ces éléments ont
contribué à plus exposer et dévoiler le niveau «
individu » du Crédit Agricole par rapport à Desjardins. En
effet, tel qu'évoqué par Roux-Dufort (2000) à la revue de
littérature, un des éléments qui contribue à
dévoiler les crises est la « société
98
de l'information ». De plus, comme
mentionné auparavant, selon Lagadec (1991), les individus subissent le
choc initial de la crise. Étant donné que le Crédit
Agricole était plus exposé à la crise financière
sur le plan organisationnel et médiatique, ceci pourrait expliquer que
le niveau « individu » était plus observable au Crédit
Agricole que pour Desjardins.
Au niveau de la culture organisationnelle de la gestion de
crise, le principal élément que nous avons observé, dans
les deux cas du Crédit Agricole et Desjardins, est la mutation de la
culture coopérative. En effet, au Crédit Agricole, nous avons vu
qu'une double culture organisationnelle s'est instaurée, avec la culture
bancaire « financière » versus « mutualiste ». Ceci
a eu pour conséquence, durant la crise financière, de
créer des tensions et conflits d'intérêts entre les
représentants de chaque culture au Crédit Agricole, soit entre la
société cotée Crédit Agricole S.A. et le
réseau des caisses régionales. Du côté de
Desjardins, la culture coopérative a été
altérée par le processus de fusion des caisses, du changement de
culture au niveau des caisses et également par la politique «
économiste » qui peut aller à l'encontre des valeurs et de
la mission de la banque coopérative. En effet, comme mentionné
à la précédente section (4.2) de la gestion de crises chez
Desjardins, un chef économiste avait déclaré dans un
article de 2008 paru dans Les Affaires : « [...] privatisez davantage
les services publics et tarifiez ceux qui resteront publics, afin d'habituer la
population à payer le prix du marché (sic) et augmentez les
tarifs d'électricité et les frais de scolarité»
(Lauzon, 2009). Or la mission officielle de Desjardins stipule que le but est
de « contribuer au mieux-être économique et social des
personnes et des collectivités dans les limites compatibles de notre
champ d'action ». Ces deux affirmations ne concordent pas, puisque
d'un côté, Desjardins, via son chef économiste, encourage
une politique économiste qui ne prend pas forcément en compte les
intérêts socio-économiques de la population, et d'un autre,
Desjardins, via sa mission, affirme qu'elle agit pour le « mieux
être économique et social des personnes et collectivités
». Ceci a aboutit à une culture bancaire «
coopérative » d'une part et une autre « commerciale»
critiquée par de nombreux membres tel que vu dans la presse (voir La
Presse Canadienne - Le fil radio, 2011; St-Gelais, 2010; Lauzon, 2009; Radio
Canada, 2011 (b)).
Dans les deux cas, nous avons observé que les
changements au niveau de la culture coopérative pourraient diminuer le
processus démocratique et participatif des membres et des caisses, un
socle fondamental de la banque coopérative. Ce constat est d'autant plus
préoccupant puisque cela signifie que cette déficience du
processus démocratique peut amplifier une crise, puisque la culture
coopérative ne prend plus en compte l'ensemble des parties prenantes de
son environnement, a un processus de gestion stratégique qui
n'intègre pas la gestion de crise et n'est donc pas en mesure de la
prévenir. Ceci rejoint un point fondamental soulevé dans la revue
de littérature au niveau de la gouvernance des banques
coopérative. En effet, les banques coopératives se transforment,
afin de compenser le désavantage comparatif lié à
l'accès aux marchés financiers, en réseaux de banques
coopératives ou groupes coopératifs qui s'intègrent sur
les marchés financiers via leurs filiales spécialisées ou
entités cotées.
99
Cependant, cette tendance hybride peut être une
épée à double tranchant pour les coopératives car
l'accès aux marchés financiers accroit, certes, les
possibilités de refinancer leurs portefeuilles de crédit, mais
cela réduit également l'avantage comparatif qui provient de leurs
activités de détail (IMF, 2007). Par ailleurs, il semble que
cette tendance hybride a engendré une culture « bancaire »
plus prudente versus une culture « financière » plus
orientée vers le risque comme nous allons le voir au niveau structurel.
Ce point a été soulevé en exemple par Jacques Attali qui a
proposé de « rendre leurs lettres de noblesse aux
métiers d'ingénieurs [et] rendre à l'inverse le
métier de banquier modeste et ennuyeux, ce qu'il n'aurait jamais
dû cesser d'être » (Attali, 2009, p. 154).
L'autre élément similaire constaté au
niveau de la culture dans les deux banques coopératives est le recours
à l'aide du gouvernement pour gérer la crise financière.
Le Crédit Agricole a bénéficié de l'aide de
l'État français dans le cadre du plan de relance, tandis que
Desjardins demandait à bénéficier de l'aide du
gouvernement fédéral et provincial via l'affaire du PCAA, et
était soutenu implicitement d'une manière générale
par les autorités publiques. Ceci vient confirmer la croyance
liée à la 11e rationalisation du modèle de
gestion de crise au niveau de la culture selon laquelle que « si une
crise majeure arrive, nous serons secourus par nos amis et partenaires
». Ceci tend à réduire le degré de
responsabilité et d'anxiété positive que sont
censés avoir les individus qui gèrent du capital et des
opérations financières risquées. D'autant plus que dans le
cas de Desjardins, celle-ci avait un discours contradictoire vis-à-vis
du gouvernement fédéral lorsque ce dernier a voulu intervenir
pour réglementer les valeurs mobilières au Canada selon un
processus centralisé. Comme cela a été mentionné
auparavant, Desjardins a réagit en opposition à la proposition du
gouvernement fédéral et laissait entendre une possible
ingérence d'Ottawa en déclarant qu'il faudrait s'attendre
à une contestation constitutionnelle d'une centralisation imposée
par Ottawa et que dans un tel cas, l'institution coopérative entrevoyait
que le « Québec ferait bande à part, avec d'autres
provinces » (Larocque, 2008 (a), p. 1).
Du point de vue de la structure organisationnelle en gestion
de crise, nous avons constaté que dans les deux cas, Crédit
Agricole et Desjardins, il n'y avait pas de cellule de gestion de crise
intégrée à la structure organisationnelle. Cependant, il y
a des différences dans la structure organisationnelle entre les deux
banques qui ont significativement pesé au niveau de l'impact de la crise
financière. Dans le cas du Crédit Agricole, la structure hybride
de la banque verte, avec une structure « financière » via la
société cotée Crédit Agricole S.A. et ses filiales
d'affaires et une structure « mutualiste » via son réseau de
caisses, a contribué à amplifier la crise et exposer davantage le
Groupe Crédit Agricole dans son ensemble aux effets néfastes de
la crise. La filiale Calyon et ses opérations financières
hautement risquées, sur le marché américain, ont
affecté considérablement la performance financière du
Crédit Agricole, et ce jusqu'à 2012. Ceci pour la principale
raison que le Crédit Agricole a une entité cotée sur le
marché financier, ce qui signifie qu'elle est plus exposée aux
spéculations sur ses titres et la volatilité des cours boursiers.
De plus, la structure hybride du Crédit Agricole n'a pas favorisé
la
100
cohérence et l'unité au sein du Crédit
Agricole pendant la crise, puisqu'il y avait un rapport de force entre la
culture bancaire financière et celle mutualiste. En d'autres termes,
cela suggère que la structure « financière » a pris le
pouvoir sur la structure « coopérative » avec le temps. Par
conséquent, cela a crée un déséquilibre, ce qui a
pour effet d'éloigner la banque coopérative française de
ses activités traditionnelles de détail coopératives au
profit d'activités financières. Ceci rejoint une fois de plus le
point abordé à l'avant dernier paragraphe concernant le risque
qu'encourt une banque coopérative lorsqu'elle s'intègre sur le
marché financier. Ce dernier procure plus de possibilités de
refinancer leurs portefeuilles de crédit, mais cela réduit
également l'avantage comparatif qui provient de leurs activités
de détail (IMF, 2007).
En revanche, du côté de Desjardins, c'est sa
structure 100 % coopérative qui l'a en partie protégé
contre la crise financière et a considérablement limité
l'impact sur sa performance financière. En effet, Desjardins, de par sa
structure coopérative de base, n'a pas d'actions sur le marché
financier, ce qui lui a permis de se protéger contre les fluctuations
boursières et la spéculation. Ceci a également eu pour
conséquence de stabiliser plus rapidement sa performance
financière et d'améliorer ses résultats financiers
dès 2010. Dans le cas de Desjardins, c'est donc en grande partie sa
structure organisationnelle qui lui aurait permis de limiter
considérablement les conséquences de la crise financière
internationale comparé au Crédit Agricole. Autrement dit, le
degré d'internationalisation sur le marché financier
international moins élevé que celui du Crédit Agricole,
aurait contribué à préserver la structure
coopérative de Desjardins, ce qui a eu pour effet d'amortir les chocs de
la crise financière sur ses activités bancaires
coopératives et de détail.
Ceci rejoint un point fondamental abordé à la
revue de littérature concernant la séparation des
activités bancaires commerciales de dépôt ou détail
de celles d'affaires et financières introduite par le Glass-Steagall Act
aux États-Unis. En effet, cet acte juridique avait été
introduit en 1933 suite à la crise financière de 1929, dans le
but de séparer les activités bancaires de dépôt et
de financement aux particuliers et entreprises, de celles financières
visant l'investissement, le courtage et les assurances. La démarche
visait justement à protéger les activités bancaires de
dépôt et de détail en les séparant des
activités financières et d'investissement. Cependant, l'acte
avait été retiré en 1999 sous l'effet de politiques de
dérégulation des marchés financiers aux États-Unis.
Cela suggère que dans le cas du Crédit Agricole, c'est justement
cette imbrication des structures « financière » et «
bancaire » qui ont eu raison de sa structure « bancaire » et
même « coopérative » en affectant les activités
bancaires de détail et surtout l'ensemble de son organisation
coopérative.
La période de la crise financière s'est
également traduite dans les deux cas par la modification de la structure
interne mais à différents niveaux. Le Crédit Agricole, au
lendemain de la crise financière, a entamé dès 2008 un
processus de restructuration interne. L'objectif était de réduire
les activités d'investissements et
101
d'opérations financières risquées sur le
marché financier international. Le plan devait permettre
également de revenir à des activités bancaires de
détail plus proches de son modèle coopératif, de se
concilier avec son réseau de caisses qui lui a permis de
préserver un capital propre plus solide et stable que les entités
cotées. Ces éléments confirment le point soulevé au
précédent paragraphe concernant le Glass-Steagall Act visant la
séparation des activités bancaires de dépôt de
celles financières. Le Crédit Agricole n'a pas mis en place une
séparation définitive mais a commencé à
réduire ses activités financières à l'international
afin de réduire le risque que l'entité bancaire de
dépôt et coopérative soit affectée par
l'entité financière dans le contexte d'une crise
systémique internationale telle que celle de 2008. De plus, tel que
mentionné à la revue de littérature, certains auteurs
préconisent le rétablissement du Glass-Steagall Act car cette
réglementation, séparant les activités bancaires
commerciales de celles financières, permettrait de mieux gérer
les risques financiers grâce à la mise en place de pare-feu
(Mussa, 2009; Roubini et Mihm, 2010, Pauchant et Franco, 2014).
Dans le cas de Desjardins, ce dernier a entamé
dès 2009 le plan de restructuration interne « Coopérer pour
créer l'avenir » avec l'arrivée de la nouvelle
présidente Monique F. Leroux. Ce dernier avait pour objectif de
rapprocher le Mouvement de ses caisses qui ont considérablement
contribué à améliorer la performance de la banque
coopérative et qui génèrent 75 % des excédents.
Dans les deux cas du Crédit Agricole et Desjardins, la crise a
révélé que le réseau des caisses a joué un
rôle moteur pour améliorer et stabiliser les résultats
financiers. Cependant, ce constat positif est éclipsé par une
autre réalité car la structure hybride dans le cas du
Crédit Agricole et le processus structurel de fusion des caisses dans le
cas de Desjardins altèrent le processus participatif des membres et des
caisses. Le pouvoir démocratique et décisionnel est réduit
au profit de la direction générale chez le Crédit Agricole
et d'une optique de coûts chez Desjardins. De plus, dans les deux cas,
les caisses, les membres et les collectivités ont été
affectés par la crise financière en raison des opérations
financières risquées et de la culture éloignée des
activités bancaires de dépôt et coopératives.
Ce dernier élément vient suggérer un
niveau supplémentaire dans la structure organisationnelle de la gestion
de crise dans les deux cas de Desjardins et Crédit Agricole. Autrement
dit, l'existence d'une troisième structure en plus de celles
mentionnées auparavant c'est-à-dire la structure bancaire, la
structure coopérative et la troisième, la structure
financière. En effet, dans le cas du Crédit Agricole, nous
constatons clairement un groupe coopératif financier divisé en
trois structures organisationnelles : 1) La structure bancaire de
dépôt et de détail représentée par
les banques commerciales et le réseau de caisses; 2) La
structure coopérative représentée par le
réseau des caisses et les membres; 3) La structure
financière représentée par les filiales
financières et d'affaires particulièrement orientée
à l'international. Ces trois structures sont soutenues par une culture
hybride à la fois « bancaire », « financière
» et « coopérative ». Cependant, dans cet ensemble
complexe, c'est la structure « financière » qui
prédominait les deux autres dans le cas du Crédit Agricole, ce
qui pourrait expliquer l'impact de
102
la crise financière sur les deux autres entités
bancaires de détail et le réseau coopératif. Desjardins a,
certes, des activités financières dans une optique de
diversification par l'intermédiaire du crédit, valeurs
mobilières et de financement, mais sa structure coopérative
demeure assez solide pour avoir amorti les chocs de la crise financière
en 2008. C'est d'ailleurs pour cette raison que le plan « Coopérer
pour créer l'avenir » a été mis en place en 2009 pour
se rapprocher du réseau de caisses.
Néanmoins, Desjardins a aussi une structure bancaire
commerciale qu'elle tend à développer au niveau de la banque de
détail, mais qui a tout de même en partie affecté la
structure coopérative avec le mouvement de fusion de caisses par exemple
et un changement au niveau de la culture coopérative. Ce sont ces
facteurs qui ont remis en question l'identité coopérative de
Desjardins mentionné auparavant et pour laquelle la présidente du
Mouvement, Monique Leroux, fut interpellée par un journaliste de Radio
Canada au sujet du mécontentement grandissant due à
l'altération de l'esprit coopératif de Desjardins. Elle avait
déclaré en s'en défendant que: « Nous serons
toujours [une organisation] de proximité. Desjardins est
présent dans plus de 30 % du territoire québécois
où nos concurrents ne sont pas présents. Il faut trouver le bon
équilibre, et ce n'est pas facile : comment rester fidèle
à la base qui a fait notre succès tout en évoluant dans
nos moyens, parce que nous avons des membres qui ont d'autres façons de
travailler et d'autres attentes » (Radio Canada, 2011 (b), p. 1).
Enfin, en comparant le niveau stratégie
organisationnelle de la gestion de crise dans le cas du Crédit Agricole
et Desjardins, le principal élément commun qui en ressort est que
les deux banques coopératives n'ont pas de processus de gestion de crise
intégré à leur stratégie globale. Durant la crise
financière, les deux banques coopératives n'avaient pas de plan
stratégique de gestion de crise clairement identifié. Leur
processus de gestion de crise s'est effectué, comme nous l'avons vu aux
chapitres précédents, sur la base de plan d'actions
appliquées de manière successive et/ou en parallèle.
Chacune des deux institutions a usé de ses points forts pour
atténuer les effets de la crise financière comme par exemple la
structure coopérative et la stratégie de développement
coopératif international du Mouvement Desjardins. Le Crédit
Agricole, quant à lui, a entrepris un retour vers son modèle
coopératif et se concentrer sur les activités de banque de
détail plus proches des valeurs coopératives.
Cependant, en comparant les deux cas, deux
éléments similaires ont été constatés dans
la gestion stratégique de la crise. Le premier est que les deux banques
coopératives ont toutes les deux eu recourt à l'aide du
gouvernement mais à un degré différent. Le Crédit
Agricole, plus touché par la crise, a largement
bénéficié du plan de relance du gouvernement
français. Desjardins avait un soutien implicite du gouvernement
fédéral et provincial, et a également
bénéficié de l'aide financière du gouvernement dans
l'affaire du papier commercial adossé aux actifs (PCAA). La
différence du degré, en ce qui concerne l'aide apporté par
les autorités publiques, réside dans le fait que le Crédit
Agricole et quatre autres banques françaises ont été plus
exposés à la crise
103
financière et que le gouvernement français a
dû mettre en place un plan de relance de l'économie de 19,8
milliards d'euros (L'Expansion, 2009). Quant à Desjardins, celle-ci a
été moins affecté par la crise en raison de sa structure
coopérative, la non-exposition de ses activités au marché
boursier due en majeure partie à sa structure bancaire
coopérative bien établie et non financière. Ceci confirme
en comparant ces deux cas, que stratégiquement, avoir des
opérations bancaires séparées d'opérations
financières, dans un contexte de crise, peut limiter les effets de la
crise et même contribuer à stabiliser plus rapidement la
performance financière telle que cela a été observé
dans le cas de Desjardins. Ceci rejoint également le point abordé
au niveau de la structure organisationnelle concernant le clivage entre banque
de dépôt et banque d'affaires promu par le Glass-Steagall Act,
dont le but est d'empêcher qu'une stratégie axée sur les
activités financières affecte les activités bancaire de
détail en séparant le « bancaire » censé
être prudent et « ennuyeux » selon le terme d'Attali, du «
financier » orienté vers le risque et les affaires.
Un autre facteur qui a également pesé dans la
différence de l'exposition à la crise financière mais qui
se situe à un niveau macroéconomique. En effet, les prêts
à haut risque qui ont mené à la crise financière
aux États-Unis, sont inexistants dans le système bancaire
canadien, ce qui limite également l'exposition des banques canadiennes
à ce type de produits financiers. De plus, l'économie canadienne
a mieux résisté aux chocs économiques de la crise
financière que l'économie française, qui a
également été affectée par la crise de l'euro et de
la dette européenne par la suite. En d'autres termes, la conjoncture
économique a également joué un rôle puisque la crise
financière a entrainé une récession économique dont
les effets se font ressentir jusqu'à aujourd'hui (Pauchant et Franco,
2014). La récession économique a particulièrement
touché l'Union européenne dont la France avec la crise de l'euro,
la faillite de la Grèce, la dette européenne etc.
Le deuxième élément similaire entre les
deux banques coopératives est le recours à leur de réseau
de caisses pour atténuer les effets de la crise. Dans le cas du
Crédit Agricole, ce dernier avait sollicité une émission
de titres de son réseau de caisses d'une valeur de 5,9 milliards d'euros
afin de recapitaliser ses comptes (Daneshkhu, 2009(a)). Dans le cas de
Desjardins, en 2009, la banque a demandé à ses caisses de
réduire les ristournes (excédents des revenus) de 40 %
versées à leurs membres, et ce en raison de l'impact de la forte
détérioration des marchés financiers et lourdes
dépréciations liées au papier commercial adossé
à des actifs (PCAA) (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2009 (b)).
Dans les deux cas, les banques coopératives se sont appuyées sur
leur réseau de caisses, ce qui est d'une part positif car suggère
la stabilité et la performance financière de la structure «
coopérative ». D'autre part, cela signifie que les caisses, les
membres et l'ensemble des collectivités sachant qu'elles n'ont pas de
lien direct, ont dû payer le prix de l'exposition des activités
financières risquées, via la structure « financière
», sur le marché financier international.
104
Conclusion
Sur le plan global, le bilan du Groupe Crédit Agricole
issu de la crise financière est plutôt sévère et a
dévoilé que la banque verte s'est beaucoup trop
éloignée de ses activités bancaires traditionnelles et sa
culture coopérative. Ceci a eu pour conséquence des pertes
financières considérables que la banque a dû subir pendant
près de six après la crise des subprimes en 2007. Le
Crédit Agricole, a trop vouloir jouer dans la cours des grands, s'est
laissé emporter par la frénésie des marchés
financiers et boursiers internationaux, sans prendre en considération
les risques encourus par l'organisation dans son ensemble et sur son
environnement. À travers une décennie de stratégies
ciblant plus le financier international, le Crédit Agricole a
laissé son rôle de banque de dépôt au profit d'une
banque d'affaires. Cela a aboutit à créer une double culture et
structure hybride qui n'a pas aidé durant la crise financière et
a même contribué à l'amplifier sur le plan organisationnel.
La crise financière a dévoilé que le Crédit
Agricole, dans une optique de développement international d'affaires,
s'est divisé en trois structures qui sont « bancaire » de
dépôt, « financière » d'affaires et «
coopérative » du réseau de caisses, tout en créant un
déséquilibre qui, sous l'effet des chocs de la crise
financière, s'est brisé pour ramener le Crédit Agricole
à la réalité. Cela a considérablement
affecté le pouvoir d'intervention des caisses régionales et du
processus participatif des membres. Le Crédit Agricole n'a
également pas de gestion de crise intégrée à sa
gestion globale. Cependant, la crise financière a servi de piqure de
rappel à la banque coopérative française et l'a contrainte
à se désengager des activités bancaires et
d'investissements risquées afin de revenir à des activités
bancaires de détail et plus proches de ses caisses et son modèle
coopératif.
Quant au Mouvement Desjardins, le bilan de la crise
financière est mitigé et nuancé. En effet, d'une part, le
Mouvement Desjardins n'a pas non plus de gestion de crise identifiée et
intégrée à sa gestion globale. Sa culture
coopérative comporte des contradictions que l'on peut aisément
constater à travers les doubles discours concernant par exemple
l'économie ou la position contradictoire vis-à-vis des
gouvernements (provincial et fédéral). Le processus de fusion des
caisses sur le plan structurel a également eu des conséquences
négatives sur la culture organisationnelle puisque cela a modifié
le rapport entre les membres et leurs caisses. En créant des
méga-caisses, cela a également diminué la participation
des membres. Toutefois, la banque coopérative québécoise
s'en est mieux sortie de la crise financière que sa consoeur
française et ce principalement en raison du facteur structurel
lié à son modèle coopératif. Desjardins a su
préserver sa structure coopérative et ses activités de
banque de détail en ne s'implantant pas dans le marché financier
et boursier, ce qui l'a protégé durant la crise
financière. Par ailleurs, le Mouvement Desjardins semble avoir compris
l'importance de l'individu dans la gestion d'institutions financières et
le rapport destructeur que peut avoir la finance sur l'économie
réelle. De plus, Desjardins a vite saisi le rôle moteur des
caisses durant la crise financière et a rapidement réagi en
mettant en place le plan de restructuration interne « Coopérer pour
créer l'avenir » dans le but de se rapprocher de ses
105
caisses. Enfin, Desjardins a souligné l'importance du
modèle coopératif dans la relance de l'économie locale et
mondiale et s'est positionnée en chef de file des organismes
coopératifs en 2012 avec le Premier sommet coopératif des Nations
Unies et en tant qu'hôte.
En résumé, pour répondre à la
problématique, à savoir quels sont les facteurs du modèle
de gestion systémique de crise qui ont permis à Desjardins de
mieux gérer la crise, cette étude suggère que sur les
quatre niveaux du modèle de l'oignon, sont en ordre
d'importance et de visibilité : la structure et stratégie en
premier lieu, puis la culture et individu en second lieu. En
privilégiant sa structure coopérative et de banque de
dépôt, Desjardins a été en mesure de se
protéger durant la crise financière et en grande partie car elle
n'a pas intégré le marché financier via une entité
cotée ou banque d'affaires comme ce fut le cas du Crédit
Agricole. Cela induit que Desjardins, ayant choisi stratégiquement de ne
pas s'implanter que dans le marché financier international, a
été en mesure de mieux gérer les effets de la crise
grâce à sa structure organisationnelle dont la banque de
dépôt et coopérative a été maintenue en
dehors de toute activité financière ou de banque d'affaires. Ceci
tend à confirmer que le Glass-Steagall Act, suggéré par
certains auteurs, est une des réformes de réglementation,
séparant les activités bancaires commerciales de celles
financières, et permettrait de mieux gérer les risques financiers
(Mussa, 2009; Roubini et Mihm, 2010, Pauchant et Franco, 2014).
Au niveau de la culture organisationnelle du modèle de
l'oignon, en dépit du fait que les deux banques
coopératives ont une culture hybride partagée entre le «
bancaire », « financier » et « coopératif »,
Desjardins s'est positionné stratégiquement plus dans le
marché bancaire de dépôt et coopératif. Le
Crédit Agricole s'est plus internationalisé
stratégiquement vers le marché financier. Les dirigeants du
Crédit Agricole ont dès lors pris des décisions
stratégiques basées sur une culture et structure
financière et d'affaires tournées vers des activités plus
risquées. Au final, que ce soit le niveau culturel, structurel et
stratégique du modèle de gestion de crise, c'est l'individu qui
prend les décisions et oriente les activités et les
stratégies. Ainsi, Desjardins a été en mesure de
gérer cette crise systémique car le facteur individu, au niveau
organisationnel, a maintenu une gestion de la coopérative
financière fondée sur des activités bancaires de
dépôt, coopératives, plus prudentes et
stratégiquement moins internationalisées sur le marché
financier international. En dépit du fait que le niveau individu est le
moins visible et observable du modèle de l'oignon, que la
gestion de crises considère l'organisation comme un système,
l'individu est au coeur de ce système à travers lequel il
déploie les fonctions de la culture, structure et stratégie.
Cependant, en raison de la nature des crises systémique et complexe,
cela implique également d'autres variables à prendre en
considération en plus du facteur individu dans la gestion des banques
coopératives et d'institutions financières en
général, ainsi que la gestion systémique des crises.
106
La crise financière de 2007-2008 a
révélé que le modèle coopératif, en
considérant sa première mission qu'est être une banque de
dépôt, sa culture et structure organisationnelles et ses valeurs
semblent avoir été affectés et altérés par
les plans stratégiques d'internationalisation qui visent les
activités financières et d'affaires. La pression concurrentielle
sur le marché bancaire associée à un modèle
d'affaire plus axé sur la compétitivité et le profit
à court terme ont poussé les banques coopératives à
se développer à l'extérieur de leur marché local.
Cette recherche de l'expansion s'est traduite par la limitation du pouvoir
démocratique des caisses au niveau local autant chez Desjardins que le
Crédit Agricole, et des participations dans des opérations
financières risquées à l'échelle internationale
comme ce fut le cas du Crédit Agricole. Cela a contribué à
éloigner ces deux organisations de leurs activités bancaires
traditionnelles, leur culture coopérative, leurs membres et
collectivités et surtout à créer des
déséquilibres. Cette recherche de l'expansion des
activités financières au détriment des activités
bancaires de dépôt, dans le cas du Crédit Agricole par
exemple, pourrait être expliquée par la financiarisation de
l'économie, qui s'associe à un déficit
démocratique, un accroissement des inégalités, un contexte
mondial d'incertitude et de crises (IMF, 2014; WEF, 2013; Musso, 2009; Pauchant
et Franco, 2014).
Ce constat nous amène à reconsidérer,
dans le cas des banques coopératives, l'impact de l'internationalisation
des activités sur la stabilité financière et l'ensemble
des parties prenantes à l'échelle locale et au niveau des
collectivités. Or la banque coopérative incluant sa fonction de
banque de dépôt, à l'instar de la banque financière
ou d'affaires, est censée être ancrée dans le paysage
régional, la communauté et contribuer à développer
celle-ci sur le plan économique et social. Dès lors, il
apparaît évident, à ce stade-ci, que prioriser une
stratégie internationale via une institution financière ou
filiale au détriment de sa responsabilité locale via la banque de
dépôt, la banque coopérative peut créer
elle-même des effets destructeurs sur son environnement tel que cela a
été observé avec les cas du Crédit Agricole et
Desjardins. Autrement dit, les banques coopératives diminuent
involontairement ou volontairement leur capacité d'intervention et de
développement au niveau de leurs collectivités.
Ainsi, se pose le paradoxe de la création de richesse
à l'échelle internationale versus la préservation des
valeurs coopératives et des intérêts des membres à
l'échelle locale. La concurrence féroce dans l'industrie bancaire
et financière a poussé les banques coopératives, en
s'internationalisant, à adopter une culture et des règles
plutôt néolibérales. En effet, la crise financière a
révélé que dans le cas du Crédit Agricole, les
intérêts des membres/sociétaires et de leurs caisses ont
été légués au second plan au profit
d'intérêts capitalistes des filiales à l'international.
Ceci confirme que le modèle coopératif subit une crise
identitaire depuis plusieurs années, phénomène qui est
aussi documenté par la revue de littérature depuis quelques
années. Cette crise identitaire coopérative émanant en
réalité des individus affecte non seulement la culture
organisationnelle mais aussi la structure et la stratégie. En d'autres
termes, cela signifie qu'une intégration d'une stratégie de
gestion de crise
107
dans la stratégie globale est considérablement
limitée dès le premier niveau de l'individu selon le
modèle de gestion de crise.
Cependant, une des limites de cette recherche réside
dans le fait qu'il demeure difficile d'observer les réactions et
mécanismes de défense des individus par cette méthode
d'analyse de cas comparative et fondée sur une recherche qualitative de
données externes. Les facteurs relatifs au comportement des individus
sont profondément enfouis et difficile d'accès. Cela
nécessiterait une approche ethnographique et une immersion «
physique » et « temporelle » dans une banque en situation de
crise afin d'observer et analyser les comportements des individus. De plus, il
faut prendre en considération la probabilité assez
élevée que l'observation soit biaisée par la manipulation,
la dissimulation ou le déni chez les individus en situation de crise via
leurs mécanismes de défense. Par ailleurs, à
première vue, les frontières ne sont pas clairement
délimitées entre le niveau individu qui implique les
réactions et mécanismes de défense dans une situation de
crise, et le niveau culture de l'organisation qui implique des croyances et
rationalisations en guise de normes organisationnelles. Ceci démontre le
défi de taille de saisir la complexité de l'individu et son
impact dans une crise systémique.
Par ailleurs, l'autre limite à ce niveau est que nous
n'avons pas conduit d'entrevues en raison du manque de temps qui aurait
été possible dans le cadre d'une thèse de doctorat.
D'autre part, cette étude a été effectuée sur la
base d'une comparaison entre deux organisations issues de deux régions
différentes (Québec versus France) mais dont la culture
sociétale n'a pas été prise en considération dans
l'exploration des effets de la crise. La comparaison a été
établie seulement au niveau culturel organisationnel et non entre les
deux pays. De plus, le contexte macroéconomique entre les deux pays est
différent et ceci n'a pas été largement
développé dans la comparaison entre les deux banques
coopératives qui a été effectuée plus au niveau
organisationnel. En d'autres termes, ceci est également une limite
puisque l'aspect culturel et macroéconomique entre les deux
régions pourrait influencer cette conclusion.
Enfin, une autre limite de la recherche concerne
l'éthique coopérative, puisqu'aucun élément n'a
été trouvé par la revue de presse en lien avec la gestion
de crise. Nous n'avons que peu réussi à identifier s'il y a un
processus de gestion basé sur l'éthique coopérative dans
les deux cas. Le seul élément qui peut être
éventuellement affirmé à ce stade de l'étude est
que selon le modèle de l'évolution de l'éthique
coopérative de Vendrame (2006), le Crédit Agricole se situe plus
dans une éthique néolibérale du côté de sa
structure bancaire et une éthique coopérative du
côté de sa structure mutualiste. Desjardins se trouve aussi entre
une éthique néolibérale et coopérative. Cependant,
c'est un constat préliminaire qui nécessiterait une étude
plus approfondie afin d'analyser l'évolution de l'éthique
coopérative des ces banques avant, pendant et après la crise.
Cela nécessiterait une analyse interne au sein du Crédit Agricole
et du Mouvement Desjardins que nous encourageons
108
fortement pour de futures recherches. Cette nouvelle recherche
pourrait permettre d'explorer le lien entre la gestion de crise et
l'éthique coopérative car ces deux notions semblent être
à première vue fortement reliées.
Actuellement, le principal défi au niveau de la
gouvernance des banques coopératives est donc d'allier les deux niveaux
des activités bancaires internationales et locales. L'autre défi
est d'intégrer l'apprentissage qu'une gestion stratégique doit
nécessairement intégrer une gestion de crise, et que
paradoxalement, tout effort de production mène
irrémédiablement vers des effets destructeurs.
Premièrement, au niveau de la gouvernance managériale des banques
coopératives, il est essentiel de distinguer entre les
différentes structures qui ont émergé au cours de cette
étude des deux banques coopératives, à savoir : 1)
une structure bancaire axée sur des activités de
dépôt représentée par la banque de
dépôt ou commercial, 2) Une structure coopérative
axée sur des activités mutualistes et coopératifs
représentée par le réseau des caisses; 3) une
structure financière axée sur des activités
bancaires d'affaires et financières représentée par
l'institution financière ou banque d'affaires. Cette distinction est
importante car cela implique de séparer les activités
traditionnelles de banque de dépôt de celles financières ou
d'affaires qui, en cas de crise systémique, risquent d'affecter
l'ensemble du groupe coopératif y compris le réseau des caisses
et les membres. Cela implique pour les banques coopératives de faire des
choix en fonction de la priorité et des objectifs tout en prenant en
considération leur environnement, taille de développement et
cycle de vie, en particulier celles qui ont atteint un stade « mature
» comme c'est le cas du Crédit Agricole et Mouvement Desjardins.
Cette phase est caractérisée par l'accroissement de divisions
internes, un affaiblissement de l'idéologie collective et la disparition
de la raison d'être initiale de la coopérative. Tout ceci tend
à menacer la survie et la continuité de la coopérative
à l'état mature (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF,
2007).
Deuxièmement, l'autre implication managériale
pour la gouvernance des banques coopératives, dans le cadre de ces deux
cas d'étude, est l'intégration de l'apprentissage qu'une gestion
stratégique doit nécessairement intégrer une gestion de
crise, et que paradoxalement, tout effort de production mène
irrémédiablement vers des effets destructeurs. Les deux banques
coopératives n'avaient de plan de gestion de crises ni de cellule
dédié à la préparation ou prévention de
crises. En dépit du fait que Desjardins a pu limiter
considérablement les effets de la crise avec une gestion prudentielle et
une structure bancaire plus traditionnelle, il n'y a pas de structure
consacrée à la prévention de crises et de même pour
le Crédit Agricole. Pourtant, la crise financière a
révélé les limites organisationnelles des banques
coopératives lorsqu'elles s'internationalisent ou diversifient leurs
activités sur le marché financier, puisque cela a crée des
déséquilibres au niveau culturel, structurel et
stratégique au sein du Crédit Agricole et chez Desjardins mais
dans une moindre mesure. Or pour reprendre une citation évoquée
auparavant : « Les crises organisationnelles sont trouvent leurs
sources à la fois dans des déséquilibres
générés par l'organisation elle-même, mais aussi
dans un ensemble d'options de société qui guident nos
comportements et nos décisions et qui façonnent notre
manière de voir le monde » (Roux-Dufort, 2000, p. 8). Ainsi,
« la gestion de
109
crises est devenue un enjeu stratégique pour les
entreprises, non seulement pour préserver leur légitimité
et leur pérennité mais aussi pour le bien être des
communautés, des sociétés et de l'environnement »
(Roux-Dufort, 2000, p. 10).
Ces implications managériales au niveau de la
gouvernance des banques coopératives impliquent deux approches pour de
futures recherches sur les banques coopératives. D'abord, au niveau de
l'approche managériale, de manière générale, il
semble qu'il y ait peu de travaux sur la gouvernance coopérative. En
effet, il n'y a pas assez de travaux internationaux d'uniformisation et
d'organismes d'élaboration de politiques sur la gouvernance des
coopératives et mutuelles (Cornforth, 2002). Ceci implique donc des
risques potentiels de gouvernance dans les banques coopératives qui
peuvent échapper à l'attention or être mal compris par les
gestionnaires (IMF, 2007). Par ailleurs, davantage de recherches seraient
intéressantes sur l'intégration de la gestion systémique
de crises dans les banques coopératives car elles ont un modèle
organisationnel coopératif à la base systémique et
démocratique, puisqu'il prend en compte l'ensemble des membres, parties
prenantes, communautés et l'environnement. Cela pourrait
également être un socle pour des recherches sur l'éthique
coopérative puisque la culture joue un rôle essentiel, en plus de
la réglementation, dans la mise en place d'un cadre réglementaire
mais aussi moral en opposition avec la culture de désengagement moral
(Bandura, 1999) et observée dans le milieu bancaire et financier
(Pauchant et al., 2015).
Ensuite, au niveau de l'approche de gestion internationale,
dans le cas des banques coopératives, de plus amples recherches portant
sur l'internationalisation ou la diversification sur le marché financier
international, qui tend à complexifier les structures, à
créer une double culture parfois même trois (bancaire -
financière - coopérative) dans les coopératives. Ceci pose
de nombreux défis lorsqu'elles sont confrontées à des
choix stratégiques comme par exemple s'internationaliser et peut
créer des déséquilibres organisationnels, incertitudes et
déficit démocratique tels que constatés avec le
Crédit Agricole. Il serait intéressant d'aborder dans ce sens en
gardant à l'esprit le Glass-Steagall Act qui permet de séparer la
structure bancaire de dépôt de celle financière ou
d'affaires, mais aussi le fait que la discipline des affaires internationales
dispose aussi de l'avantage d'une vision globale, systémique et
pluridisciplinaire.
Aujourd'hui, près de sept ans après la crise des
supbrimes et financière, qu'est devenu le système
financier international? Quel est le poids de la finance dans l'économie
réelle mondiale? Est-ce que le système financier international
est plus régulé qu'avant 2008? Que sont devenus les
réformes et directives de régulation du marché bancaire et
financier annoncées par les gouvernements européens et
américain? Est-ce que les banques coopératives ont saisi
l'importance de leur rôle coopératif dans l'économie locale
et mondiale? En plus des nombreux auteurs qui ont constaté la
financiarisation de l'économie, des organisations internationales telles
que le FMI, la Banque mondiale ou le Forum de Davos ont également
évoqué la financiarisation de l'économie, et sont
110
d'avis que les changements effectués depuis
l'émergence de la crise financière de 2007-2008 sont encore
insuffisants (IMF, 2014; WEF, 2013; Mussa, 2009; Pauchant et Franco, 2014).
L'une des voies vers une économie socialement responsable est le
système de création et production coopératif. Les
entités ou organisations coopératives ont la capacité de
développer des communautés sur le plan économique, social
et environnemental tout en étant responsables socialement,
éthiquement et génèrent de la croissance à long
terme. Monique F. Leroux, PDG du Mouvement Desjardins, avait alors
déclaré que les coopératives offrent une «
réponse tangible » pour relancer l'économie mondiale et que
« quand on regarde ce qui se passe actuellement, on sent une forme de
déconnexion entre les grands enjeux financiers [et] une grande partie de
la population [...] Cela nous semble parfois aussi bien loin des
réalités de l'économie réelle » (Reibaud,
2011 (b), p. 1).
La crise financière était une crise
systémique qui englobe des mécanismes, des facteurs et des
acteurs économiques, institutionnels, publics, étatiques, sociaux
etc. qui forment un système économique et financier avec une
multitude d'intérêts d'une extrême complexité.
Cependant, ce système comporte un déséquilibre entre
l'économie et l'industrie financière car cette dernière
pèse beaucoup plus en termes de profit et de pouvoir.
L'économiste Nico Paech a décrit le système financier
actuel dans un entretien vidéo (Robin, 2014)22: « Ce
système mécanique permet de multiplier l'argent très
facilement. Or cet argent ouvre le droit à des biens matériels,
ce qui crée une pression sur l'économie réelle qui doit
suivre avec la production. Ce décalage entre l'économie
réelle et l'économie financière ne peut que créer
des crises » (Robin, 2014). Ceci rejoint le point soulevé
auparavant par plusieurs auteurs et organisations reconnues (FMI, Banque
mondiale, Forum de Davos) sur la financiarisation de l'économie qui
s'associe à un déficit démocratique, un accroissement des
inégalités, un contexte mondial d'incertitude et de crises (IMF,
2014; WEF, 2013; Mussa, 2009; Pauchant et Franco, 2014).
Cette financiarisation de l'économie a
été en partie expliquée par le fait que l'économie
s'est éloignée des autres sciences sociales telles que la
sociologie et les sciences politiques pour se rapprocher davantage de la
finance et du milieu des affaires. Ceci a finit par isoler l'économie et
la finance des autres disciplines, pourtant essentielles et
complémentaires, ce qui a crée des déséquilibres et
failles que la crise financière 2007-2008 a révélé.
Or comme l'a fait remarquer Thomas Piketty, dans un livre paru récemment
et ayant occasionné du bruit, en concluant que la science
économique ne peut être coupée des autres
considérations sociales, en y incluant des dimensions historiques,
anthropologiques, psychologiques, sociologiques, politiques et morales
(Piketty, 2013). Ces affirmations rejoignent ce que nous avons
énoncé en introduction sur l'importance pour les
académiciens d'avoir un cadre global qui inclue toutes les dimensions et
disciplines. La coopération entre les disciplines pourrait renforcer la
capacité de concevoir des modèles de gouvernance globaux et qui
permettent d'avoir une vision à long terme et préventive.
111
Bibliographie
Abhervé, Michel, et Pierre Dubois (2009). « Les
banques coopératives. Du pire au meilleur pour le développement
de l'économie sociale », Journal du MAUSS, p. 1
A.C (2007, 19 juillet). « Le Crédit Agricole
réorganise son état-major », Les Echos, section
Finance, p. 1
ACI (2015). Faits et chiffres. Alliance
coopérative international (ACI). Récupéré le 15
juillet 2015 de
http://ica.coop/fr/node/10663
Aglietta, Michel et al. (2008). « Comprendre la finance
contemporaine », Regards croisés sur l'économie,
n° 3, Éditions La Découverte, Paris, 296 p.
Airhart, P.D., et al, (Eds. (2002). Doing Ethics in a
Pluralistic World. Essays in Honour of Roger C. Hutchinson. Waterloo,
Ont.: Wilfrid Laurier University press, 244 p.
Anand, V., B.E. Ashforth et M. Joshi (2004). « Business
As Usual: The Acceptance and Perpetuation of Corruption in Organizations
», Academy of Management Executive, 18, 2, 39-53 pp.
Ansoff, Igor, et Edward Mcdonnell (1990). Implanting
Strategic Management, Prentice Hall International, London, 520 p.
Assoé, K., Boyer M. et Favreau E. (2007). «Les 100
ans de la finance », Gestion, Vol. 32, n° 3, ProQuest, p.
42.
Attali, Jacques (2009). La crise, et après ?,
paris, fayard, 224 p.
Bandura, Albert (1999). « Moral Disengagement in the
Perpetration of Inhumanities » , Personality and Social Psychology
Review, 3, 3, 193-209 pp.
Batac, J., et al (2008). « Entre mutualisme et
capitalisme: le modèle de gouvernance hybride du groupe Crédit
Agricole », RECMA - Revue Internationale de l'Économie
Sociale. N° 308, p. 23-34.
Battaglia, Francesca, et al., (2010). « The efficiency of
cooperative banks : the impact of environnemental economic conditions »,
Applied Financial Economics, 20, 1363-1376 pp.
Becht, Marco, Patrick Bolton et Ailsa Röell (2002).
« Corporate Governance and Control » , European Corporate
Governance Institute, Finance Working Paper, No. 02/2002, 168 p.
Béland, Claude (2007). « Les valeurs personnelles
des dirigeants et leur influence dans l'organisation », colloque dans
Michel Dion (2007). L'éthique de l'entreprise. Éditions
Fides, 451 p.
Bell, Coral M. (1978). « Decision-making by governments
in crisis situations », in D. Frei (ed.) International Crises and
Crisis Management. An East-West Symposium, Praeger Publishers, New York,
London, Sydney, Toronto, p.50-58.
Belmonte, F., et al. (2011). «Interdisciplinary safety
analysis of complex socio-technological systems based on the functional
resonance accident model: An application to railway traffic supervision »,
Reliability Engineering and System Safety, 96, p. 237-249.
Canada Newswire (2010, 1er novembre).
«À la fin de la journée, ce qui fait la différence,
ce sont les personnes - Monique F. Leroux », Canada Newswire, 2
p.
112
Bernard, Philippe (2012, 23 avril). « À Orlando,
les expulsés du « rêve américain » vivent un
enfer », Le Monde, section International, p. 1
Bergeron, Patrice (2008, 12 novembre). « Desjardins
demande au fédéral de ne pas désavantager les institutions
financières », La Presse Canadienne, 2 p.
Bevan, D., et L. Hartman (2008). «Editorial Introduction:
Interpreting Ethical Polyphony » , Business Ethics : An European
Review, 17, 1, p. 64-68.
Blau, Francine D. (2006). « Report of the Committee on the
Status of Women in the Economics Profession », American Economic
Review 96(2), p. 519-526.
Blyth, Mark (2002). Great Transformations: Economic Ideas and
Institutional Change in the Twentieth Century. Cambridge, MA: Cambridge
University Press, 284 p.
Boivert, Y. (2007) (Ed.). L'intervention en éthique
organisationnelle : théorie et pratique. Montréal, QC,
Liber, 222 p.
Brazda, Johann, et Robert Schediwy (2001). « Preconditions
for Successful Co-operative
Ventures in the Light of Historical Evidence », Review
of International Cooperation, Vol. 94, No.1, p. 35-42.
Bretts, Paul (2008, 10 septembre). « Credit Agricole brought
back to earth », Financial Time, 2 p.
Betts, Paul (2009, 9 novembre). «Credit Agricole chief
brings banking industry to book », Financial Time, 2 p.
Bricogne, Jean-Charles, et al., (2009). «La crise des
« subprimes » : de la crise financière à la crise
économique », INSEE, 21 p.
Caisse Desjardins de Lévis (2015). Historique,
Desjardins. Récupéré le 10 mars 2015 de
https://www.desjardins.com/fr/votre
caisse/difference/historique.jsp?transit=81520083
Canada Newswire (2007, 15 novembre). « Résultats
des neuf premiers mois de 2007 - Grâce à une solide croissance des
affaires et un meilleur contrôle des frais d'exploitation, Desjardins
augmente de près de 18 % ses excédents qui atteignent 828
millions de dollars », Canada Newswire, 9 p.
Canada Newswire (2008 (a), 31 décembre). «
Desjardins figure au palmarès des 50 Employeurs de choix au Canada
», Canada Newswire, 2 p.
Canada Newswire (2008 (b), 4 février). «
Desjardins réussit avec succès deux émissions de titres
sur le marché européen », Canada Newswire, 2 p.
Canada Newswire (2009 (a), 14 mai). « Dans le cadre de
son plan d'évolution, le Mouvement Desjardins se dote d'une nouvelle
structure organisationnelle », Canada Newswire, 4 p.
Canada Newswire (2009 (b), 31 août). « Desjardins
se classe au 26e rang des institutions financières les plus fiables au
monde », Canada Newswire, 2 p.
Daneshkhu, Scheherazade (2008(b), 16 juillet). «Agricole
chief's bet pays off », Financial Time, London UK, 2 p.
113
Canada Newswire (2011, 26 mars). « Le Mouvement
Desjardins est solide, performant et plus coopératif que jamais -
Monique F. Leroux », Canada Newswire, 3 p.
Carey, Toni Vogel (2013). « Don't Blame Adam Smith »,
Philosophy Now, Issue 73; 4 p.
Carpenter, D., et D. Moss (2013). Preventing Regulatory
Capture. Special Interest Influence and How to Limit It. New York:
Cambridge University Press, 530 p.
Cecchetti, Stephen G., et Eniss Kharroubi (2015). « Why does
financial sector growth crowd out real economic growth? »,
Bank for International Settlements, BIS Working Papers, N° 490,
31 p.
Chait, R.P., W.P. Ryan et B.E. Taylor (2004). Governance as
Leadership: Reframing the Work of Nonprofit Boards, New York, Wiley, 224
p.
Charolles, Valérie (2006). Le libéralisme
contre le capitalisme, Paris, Éditions Fayard, 273 p.
Chavagneux, Christian, et Igor Martinache (2012). Vive
l'État ! : Extraits de la richesse des nations de Adam Smith,
Alternatives économiques, paris, les petits matins, 65 p.
Centre d'études Desjardins des coopératives de
services financiers de HEC Montréal (2012) [En ligne] : [
http://preprod.centredesjardins.hec.ca/].
Chocron, Véronique (2013, 23 septembre). «
Crédit Agricole : offensive des Caisses régionales pour obtenir
plus de pouvoir », Les Echos, section Finance et Marchés,
1 p.
Contamin, Rémi, et Adrian Roche (2005). « Les banques
coopératives et mutualistes en Europe : valeurs communes et
disparités », Horizons Bancaires, 324, Direction des
Études Économiques du Crédit Agricole S.A, 91 p.
Cori Nicolas (2008, 25 janvier). « L'homme qui
«volait» 5 milliards », Libération, Section
Événement, 1 p.
Cornforth, Chris (2002). «Making Sense of Co-operative
Governance: Competing Models and Tensions », Review of International
Co-operation, Vol. 95 No. 1, p. 51-57.
Côté, D. (2000). «Les coopératives et
le prochain millénaire : l'émergence d'un nouveau paradigme
», Revue des études coopératives, mutualistes et
associatives (RECMA), nos 275 - 276, avril, p.149-166.
CPB Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis (2015).
« CBP World Trade Monitor April 2015», CBP Memo, CBP, 5 p.
CRESS (2015). Banque coopérative, Chambre
régionale d'économie sociale et solidaire d'Ile de France
(CRESS), récupéré le 2 février
2014 de
http://www.cressidf.org/recherche/item/59-banque-
coop%C3%A9rative.html
Daneshkhu, Scherahazade (2008(a), 14 mai). « Credit
Agricole fuels fears of worse to come », Financial Time, London
UK, 2 p.
114
Daneshkhu, Scheherazade (2008(c), 16 mai). «Credit Agricole
ready to bow to 'capital as king », Financial Time, London UK, 2
p.
Daneshkhu, Scheherazade (2009(a), 15 octobre). « Agricole
joins rush to repay state aid », Financial Time, London UK, 2
p.
Daneshkhu, Scheherazade (2009(b), 6 novembre). «Chief to bow
out at Credit Agricole early », Financial Time, London UK, 2
p.
Daneshkhu, Scheherazade (2011, 17 mars). «Credit Agricole
returns to European retail roots », Financial Time, London UK, 2
p.
Datamonitor (2011). « Credit Agricole Group : Company
Profile », Datamonitor.
Davies, Paul J. (2007, 19 septembre). «Credit Agricole arm
hit by rogue traders», Financial Time, London UK, 2 p.
Denis, H. (2002). La réponse aux catastrophes -
Quand l'impossible survient. Montréal: Presses Internationales
Polytechnique, 318 p.
Deforges, J-G. (1978). « Les coopératives dans une
économie de marché, un défi à la gestion »,
Les annales de l'Économie publique, sociale et
coopérative, nos 3-4, juillet - décembre 1978, 14 p.
Deschamps, I., et al., (1997). «What crises could teach
us about complexity and systemic management: The case of the Nestucca oil spill
», Technological Forecasting and Social Change, 55(2), p.
107-129.
Desjardins, François (2009, 24 janvier). « PCAA:
un cauchemar logistique prend fin », Le Devoir, section
Actualités économiques, 1 p.
Desjardins (2015). Qui nous sommes, Desjardins.
Récupéré le 12 mars 2015 de
https://www.desjardins.com/a-propos/desjardins/qui-nous-sommes/?navigMW=ari&
Desjardins (2015). Notre histoire, notre musée,
Desjardins. Récupéré le 12 mars 2015 de
https://www.desjardins.com/a-propos/desjardins/qui-nous-sommes/notre-histoire-musee/ligne-temps/index.jsp
Desroche, H. (1976). Le projet coopératif, Son
utopie et sa pratique, Ses appareils et ses réseaux. Ses
espérances et ses déconvenues Edition économie et
humanisme, les éditions ouvrières. 461 p.
Dion, Michel (2007). L'éthique de l'entreprise,
Montréal, Éditions Fides, Nouvelle édition, 451 p.
Durand, Denis (2007). « La crise financière de
l'été 2007, un révélateur des antagonismes
fondamentaux d'un régime économique dominé par la finance.
», Économie et Politique, N°18, p. 636-637
Eisenhardt, K.M. et Graebner, M.E. (2007). «Theory
building from cases: opportunities and challenges », Academy of
Management Journal, Vol. 50, p. 25-32.
Engelen, E., I. et al. (2011). « After the Great
Complacence. Financial Crisis and the Politics of Reform » New York:
Oxford University Press, 296 p.
ECB, European Central Bank (2013). « Banking Structures
Report » [version électronique], European Central
Bank
http://www.ecb.europa.eu
Groupe Crédit Agricole (2015). Présentation
du Groupe Crédit Agricole, Groupe Crédit Agricole.
Récupéré le 10 mars 2015 de
http://www.credit-agricole.com/Le-Groupe/Presentation-du-groupe
115
Fauquet, G., (1965). Les deux éléments
constitutifs de l'institution coopérative, Paris, Éditions
de l'Institut d'études coopératives, 545 p.
Fischbacher-Smith, D., (2011). «Destructive landscapes -
(Re)framing elements of risk? » Risk Management, 13(1-2), p.
1-15.
Foley, Stephen (2011). « What price the new democracy?
Goldman Sachs conquers Europe », The Independant, section
Business, 1 p.
Fontaine, L., et Pauchant T.C (2008). 36 façons
d'être éthique au travail. Montréal, QC, Fides,
Presses HEC Montréal (Sous presse), 254 p.
Ford, D. Jeffrey (1981). «The Management of Organizational
Crises», Indiana University Graduate School of Business, p.
10-16.
Forsyth D.J. et Notermans T. (1997). Regime changes,
macroeconomic policy and financial regulation in Europe from the 1930s to the
1990s, Berghan Books, Providence & Oxford.
Fourcade, Marion, Etienne Ollion et Yann Algan (2014). « The
Superiority of Economists », Max Planck Sciences Po Center on Coping
with Instability in Market Societies, Maxpo Discussion Paper N° 14/3,
32 p.
Galbraith, J.R. (1977). Organization Design, Reading,
MA, Addison-Wesley, 426 p.
Geithner, Timothy F. (2014). Stress test : reflections on
financial crises, Random House, 592 p.
Gibbs, J.C. (2003). Moral Development and reality. Beyond the
Theories of Kohlberg and Hoffman. Thousand Oaks, CA.: Sage Publications,
299 p.
Giraud, Pierre-Noël (2008). « Quelques
hypothèses sur la finance moderne »,dans Aglietta M.,
«Comprendre la finance contemporaine », Regards croisés
sur l'économie, n° 3, Éditions La Découverte,
Paris, 296 p.
Gold, D.L., et J.W. Dienhart (2007). «Business Ethics in
the Corporate Governance Era», Business and Society Review, 112,
2, p. 163-170.
Goldsmith R.W. (1968). Financial structure and
development, Yale University Press, New Haven.
Guinot, Danièle (2009, 3 mars). « Les banques font
plonger les bourses », Le Figaro, section Marchés, 1 p.
Guntzburger, Yoann et Pauchant, Thierry C. (2014) «
Complexity and ethical crisis management: A systemic analysis of the Fukushima
Daiichi Nuclear disaster », Chair in ethical management of HEC
Montreal, Journal of Organizational Effictiveness, in Press, 33 p.
Gross, Neil, et Solon Simmons (2007). « The Social and
Political Views of American Professors » Working Paper, 76 p.
Jovanovic, Franck (2008). « The Construction of the
Canonical History of Financial Economics », History of Political
Economy 40(2), p. 213-242.
116
Groupe Crédit Agricole (2015). Histoire du groupe
Crédit Agricole, Groupe Crédit Agricole.
Récupéré le 10 mars 2015 de
http://www.credit-agricole.com/Le-Groupe/Histoire-du-groupe-Credit-Agricole.
Hall, Ben (2008, 12 mai). «Calyon chief executive to
depart», Financial Time, 5 p.
Hansell, C. (2003). Corporate Governance. Toronto, Ont.
: Carswell.
Hansmann, Henry, (1996). The ownership of enterprise,
The Belknap Press of Harvard University Press, 372 p.
Hautcoeur, Pierre-Cyrille (2008). « Marchés
financiers et développement économique : une approche historique
», dans Aglietta M., «Comprendre la finance contemporaine »,
Regards croisés sur l'économie, n° 3,
Éditions La Découverte, Paris, p. 296.
Heflebower, Richard (1980). Cooperatives and mutuals in the
market system, The University of Wisconsin Press, 245 p.
Hermann, Ch. F., (1972). «Some Issues in the Study of
International Crisis», in Hermann, Ch. F. (ed.), International Crises
: Insights from Behavioral Research, The Free Press, New York,
Collier Macmillan London, p. 3-17.
Hinman, L.M., (1998). Ethics. A Pluralistic Approach to Moral
Theory. New York: Thomson Wadswoth, 400 p. Ho, K. (2009). Liquidated.
An Ethnography of Wall Street. Durham, NC., Duke University Press, 392 p.
Hoffman P., Postel-Vinay G et Rosenthal J.L (2001). Des marchés sans
prix, Éditions de l'EHESS, Paris.
IMF (2014). «Global Financial Stability. Moving From
Liquidity to Growth-Driven Markets», International Monetary Fund
(IMF), Washington dc [En ligne]
[
http://www.imf.org/external/pubs/FT/GFSR/2014/01/index.htm]
IMF (2007). «Cooperative Banks in Europe - Policy Issues
», prepared by Wim Fonteyne, International Monetary Fund (IMF),
European Department, WP/07/159, 70 p.
ILO (2014). «Global Employment Trends 2014: Risk of jobless
recovery», International Labour Organization (ILO), International
Labour Office - Geneva, ILO, 126 p.
ILO (2015). «World Employment and Social Outlook: Trends
2015 » International Labour Organization (ILO), International
Labour Office - Geneva, ILO, 101 p.
Investopedia (2012). « Definition of Finance » &
« Investopedia explains Finance » (c) 2012, Investopedia US, A
Division of ValueClick, Inc.
Janis, Irving L., (1982). Groupthink - Psychological Studies
of Policy Decisions and Fiascoes, Hougton Mifflin Company, Boston (2nd
Ed.), 268 p.
Jelveh, Zubi, Bruce Kogut et Suresh Naidu (2014). Political
Language in Economics. Unpublished manuscript, 84 p.
117
Juvin, Hervé (2005). «Les restructurations
bancaires en Europe: les banques coopératives », Revue
d'Economie Financière No. 78, p. 181-206.
Kay, John (2006, 25 avril). « The mutual interest in
building trust still remains», Financial Times, section
Companies.
Kotz, David M. (2009). «The Financial and Economic Crisis
of 2008: A Systemic Crisis of Neoliberal Capitalism», Review of
Radical Political Economics, 41 : p. 305-318
Koulitchizki, S., et R. MAUGET (2001). «Mutations et
valeurs dans les groupes coopératifs », dans Côté, D.
et al. Les holding coopératif. Évolution ou transformation
définitive?, De Boek Université, p. 77-102, 413 p.
Kovoor-Misra, Sarah et al., (2011). «Clarifying the
Attributes of Organizational Crises», Technological Forecasting and
Social Change, N° 67, p. 77-91.
Kraft, Marie-Anne (2009, 28 mars). « Bilan financier mondial
et leçons de la crise », Mediapart 1 p.
Krugman, Paul (2009). The Return of Depression Economics
and the Crisis of 2008, New York, WW. Norton, 224 p.
Labaton Sucharow (2012). Wall Street Fleet Street Main
Street. Corporate Integrity at a Crossroads. Financial Services Industry
Survey, New York, July.
Lacroix, A. (2002). Éthique et coopératisme
: un contrepoids à la mondialisation ? Éditions GGC,
Université de Sherbrooke, 233 p.
Lacroix, A. et A. Marchildon (2013). Quelle éthique
pour la finance? Portrait et analyse de la finance socialement
responsable, Montréal, Québec : Presses de
l'Université du Québec, 256 pages.
Laflamme, M., et M. Lorrain-Cayer (2004). «Programme
Éthique Intégré: de l'élaboration à
l'application», UniRcoop, Vol.2, no1, 193-206
La France Agricole (2013, 23 septembre). « Les caisses
régionales du Crédit Agricole veulent retrouver du pouvoir (Les
Echos) », La France Agricole.
Lagadec, Patrick (1999). La gestion de crises - Outils de
réflexion à l'usage des décideurs, McGraw-Hill, mars
1991, 300 p.
Lambert, P. (1965). « Les principes de Rochdale sont
actuels », Société Générale
Coopérative. 21 p.
La Presse Canadienne - Le fil radio (2009 (a), 14 mai).
«Desjardins annoncera une réorganisation de sa structure à
ses employés», La Presse Canadienne - Le fil radio, 1
p.
La Presse Canadienne - Le fil radio (2009 (b), 4
février). « Desjardins réduirait ses ristournes de 40 % en
raison du contexte économique », La Presse Canadienne - Le fil
radio, 1 p.
La Presse Canadienne (2010, 3 décembre). «
Desjardins est la banque de l'année au pays, selon la revue The Banker
», La Presse Canadienne, 2 p.
118
La Presse Canadienne - Le fil radio (2011, 8 avril). «
Des membres mécontents des fermetures veulent quitter le mouvement
Desjardins », La Presse Canadienne - Le fil radio, 2
p.
Larocque, Sylvain (2007, 15 novembre). « Le Mouvement
Desjardins prend une radiation de 160 millions $ liée au PCAA »,
La Presse Canadienne, 2 p.
Larocque, Sylvain (2008(a), 21 août). « Desjardins
taille en pièces le projet de commission unique des valeurs
mobilières », La Presse canadienne, 2 p.
Larocque, Sylvain (2008(b), 15 mai). « Le papier
commercial et la chute des marchés plombent les résultats de
Desjardins », La Presse Canadienne, 2 p.
Larocque, Sylvain (2008(c), 15 août). «
Malgré le mauvais temps et la déroute boursière,
Desjardins fait bonne figure », La Presse Canadienne, 2 p.
Larocque, Sylvain (2009, 3 mars). « Moody's accole des
« perspectives négatives » aux cotes de crédit de
Desjardins », La Presse Canadienn, 2 p.
Lauzon, Paul-Léon (2009, 5 octobre). « Qu'est
devenu Desjardins? », L'Aut'Journal.
Le Billon, Véronique (2003, 12 juin). «
Crédit Agricole SA : l'organigramme de la banque d'investissement reste
à clarifier », Les Echos, 1 p.
L'Expansion (2009, 14 octobre). «Crédit agricole
rembourse à son tour l'aide de l'État », L'Expansion,
1 p.
Le Monde (2007, 21 décembre). «La crise des
subprimes devrait coûter 1,6 milliard d'euros au Crédit Agricole
en 2007 », Le Monde, 1 p.
Le Monde et AFP (2008, 14 avril). « L'OCDE chiffre les
pertes liées à la crise des subprimes à 422 milliards de
dollars », Le Monde, 1 p.
Le Monde (2009 (a), 3 juin). « Le bénéfice
du Crédit Agricole plonge de 75% », Le Monde, 1p.
Le Monde (2009 (b), 7 novembre). « Changements en vue
à la tête du groupe Crédit agricole », Le Monde,
1 p.
Le Monde (2009 (c), 9 février). « Plans de relance
: des efforts hétéroclites pour des effets incertains »,
section Économie, Le Monde, 1p.
Le Monde (2011 (a), 28 septembre). « Crédit
agricole veut réduire son endettement de 50 milliards d'euros d'ici 2012
», Le Monde, 1p.
Le Monde (2011 (b), 14 décembre). « Le
Crédit agricole confirme la suppression de 2 350 postes », Le
Monde, 1
p.
L'OBS (2009, 25 mars). «Cheuvreux : Crédit
Agricole annonce une forte baisse des bonus et 31 départs »,
L'OBS, section Crise financière, 1p.
Le Point (2013, 20 février). « Crédit
Agricole : perte record de 6,47 milliards d'euros en 2012 », Le Point,
section Économie, 1p.
Leveson, N. (2004). «A new accident model for engineering
safer systems», Safety Science, 42, p. 237-270.
119
Levine R. (2005). «Finance and growth », in Aghion
P. et Durlauf S., Handbook of macroeconomics, Elsevier, Amsterdam.
Lhuilier, D. (2009). «Christophe Dejours. Resistance et
défenses », Nouvelle Revue de Psychosociologie, 1, 7, p.
225-234.
Lundberg, J., et al (2009). «What you look for is what
you find - The consequences of underlying accident models in eight accident
investigation manuals» Safety Science, 47(10), p. 1297-1311.
Maillard, Jean de (2011). L'arnaque. La finance au-dessus des
lois et des règles, Paris, Gallimard, 320 p.
Malo, M.-C. (1981-82). «Entretien avec Claude Vienney sur
Socio-économie des organisations coopératives » , Revue
du CIRIEC (Canada), vol. 14, no. 1, p. 176.
Malo, M-C. (2001). «La gestion stratégique de la
coopérative et de l'association d'économie sociale,
2ème
e
partie», Revue internationale de l'économie
sociale RECMA, novembre, 80 année, no 282, p. 84-94.
Malo, M-C., et M. Vézina (2004). «Gouvernance et
gestion de l'entreprise collective d'usagers: stratégie de
création de valeur et configuration organisationnelles.»,
Économie et Solidarités, vol. 35, nos 1-2, p.
100-120.
Malo M.-C., E. Vendrame et C.T. Pauchant (2006). « Le
coopératisme et l'économie sociale et solidaire : La
Société des pionniers équitables de Rochdale »,
HEC Montréal, 18 p.
Marengo, M. (2002). Le coopératisme, Un projet
d'avenir, Une introduction à la pensée coopérative.
Édition paragraphe, distribution Irecus, Université de
Sherbrooke, 122 p.
Martin, Géraldine (2009, 15 mai). «La crise
financière fait mal au Mouvement Desjardins», Ex Rue
Frontenac.
McAlister, A.L., A. Bandura and S.V. Owen (2006). «
Mechanisms of Moral Disengagement in Support of Military Force: The Impact of
September 11 », Journal of Social and Clinical Psychology, 25, 2,
p. 141-165.
Michel, Anne (2008, 22 décembre). « Le
Crédit agricole est atteint par la crise des « subprimes »:
Les banques françaises sont invitées à éplucher
leurs comptes », Le Monde, 1 p.
Michel, Anne (2012, 21 mai). « La Grèce empoisonne le
Crédit agricole », section Économie, Le Monde, 1
p.
Mitroff, Ian , T.C. Pauchant et P. Shrivastava (1988). «
Conceptual and empirical Issues in the Developement fo a general Theory of
Crisis Management », Technological Forecasting and Social Change,
n°33, p. 83-107.
Mombelli, Armando (2012, 23 mars). « Suisse : La crise
relance les banques coopératives », Swissinfo.
Monks, R.A.G. et N. Minow (2003). Corporate Governance
(3rd. Ed.). New York : Wiley. Morin, E. (1976). « Pour une
crisiologie. », Communications, 25, p. 149-163.
Morin, François (2015). L'hydre mondiale. L'oligopole
mondial, Paris`Lux Éditeur, 168 p.
Mussa, Michael (2009). «Adam Smith and the political economy
of a modern financial crisis », Business Economics, vol. 44, no
1, p. 3-16.
Radio Canada (2011(b), 6 avril). « L'esprit
coopératif du Mouvement Desjardins remis en question », Radio
Canada.
120
Nadeau, Jean-Benoît (2008, 3 novembre). «
Desjardins est-il à l'abri de la crise financière? »,
L'Actualité, section Affaires, 1 p.
Naim, Moisés (2015, 5 avril). « Quand les
économistes cesseront-ils d'être arrogants? », Slate
Magazine, section Économie, 1 p.
Nielsen, Richard P. (2010). «High-Leverage Finance
Capitalism, the Economic Crisis, Structurally Related Ethics Issues, and
Potential Reform», Business Ethics Quarterly, Chicago, Vol. 20,
Iss. 2; p. 299.
Osofsky, M.J., A. Bandura et P.G. Zimbardo (2005). « The
Role of Moral Disengagement in the Execution Process », Law and Human
Behavior, 29, 4, p. 371-392.
Parodi, Maurice (2009). « L'économie sociale de A
à Z », Alternatives Économiques, Collège
coopératif, Hors-série n° 38 bis.
Pauchant, Thierry C., Ian I. Mitroff et Patrick Lagadec
(1991). « Toward a systemic crisis management strategy : learning from
best examples in the US, Canada and France », Industrial Crisis
Quarterly, N° 5, p. 209-232.
Pauchant, Thierry C., et Douville R. (1993). « Recent
research in crisis management ». Industrial and Environmental Crisis
Quarterly, vol. 7, n°1, pp.43-66.
Pauchant, Thierry C., et Mitroff, Ian I. (2001). La
gestion de crises et des paradoxes: prévenir les effets destructeurs de
nos organisations. Éditions Québec Amérique, nouvelle
édition (2001), 333 p.
Pauchant, Thierry C., et al., (2007). « Deux outils pour
encourager des pratiques morales et éthiques en gestion »,
Revue Internationale de Gestion, 32, 1, p. 31-38.
Pauchant, Thierry C. (2012, 12 mai). « Adam Smith et la
Main Visible de l'État », Le Devoir.
Pauchant, Thierry C., et al., (2015). « Corruption,
collusion et éthique : comment contrer une culture de
désengagement moral? », Chaire de management
éthique, HEC Montréal, 21 p.
Perrow, C. (1984). Normal Accidents: Princeton
University Press, 464 p.
Phillips, R. (2008). « European and American Perspectives
on Corporate Responsibility », Business Ethics : An European
Review, 17, 1, p. 69-73.
Pia Mascaro, Maria (2009, 29 juin). «Les victimes de
Bernard Madoff à la recherche des milliards perdus »,
Libération, section Économie, 1 p.
Piketty, Thomas (2013). Le capital au XXIe
siècle, Paris, Le Seuil, 979 p.
Poloz S. Stephen (2014). « L'héritage de la crise
financière : ce que nous savons et ce que nous ne savons pas »,
Banque du Canada, Conseil canadien des sociétés
publiques-privées, 8 p.
Radio-Canada (2011(a), 5 novembre). « Des citoyens
exaspérés quittent leur banque pour le Bank Transfer Day »,
Radio-Canada.
Sandel, Michael J. (2012). What Money Can't Buy. The Moral
Limits of Markets, New York, Farrar, Strauss and Giroux, 256 p.
121
Raim Laura (2010, 8 décembre). « Changer de banque,
oui, mais pour laquelle? », L'Expansion, section Économie,
Entreprises.
Reibaud, Rejane (2010, 20 décembre). « L'Italie
coûte au Crédit Agricole plus de 1 milliard d'euros »,
Les Echos.
Reibaud, Rejane (2011 (a), 29 juillet). « La Grèce
coûtera 850 millions au Crédit Agricole », Les
Echos.
Reibaud, Rejane (2011(b), 12 octobre). « Le Crédit
Mutuel renforce sa collaboration avec le québécois Mouvement
Desjardins », Les Echos.
Reynolds, J.N. (2011). Ethics in Investment Banking
(With E. Newell), London. U.K.: Palgrave Macmillan, 192 p.
Ricol, Renée (2008). « Rapport sur la crise
financière au Président de la République »,
Documentation française, 166 p.
Robertson, C.J. et W.F. Crittenden (2007). « Mapping
Moral Philosophies: Strategic Implications for Multinational Firms »,
Strategic Management Journal, 24, p. 385-392.
Robinson, G. et Seguin, M.T. (2005). «Éthique et
coopératives du nouveau Brunswick : situation, stratégie et plan
d'action», Colloque d'Orientation et de Sensibilisation Éthique
et Coopératives du Nouveau-Brunswick, Université de Moncton,
21 janvier 2005.
Rockoff, Hugh (2011). «Upon Daedalian Wings of Paper Money:
Adam Smith and the Crisis of 1772 », The Adam Smith Review, vol.
6, p. 237-268.
Roubini, Nouriel, et Stephen Mihm (2010). Crisis Economics. A
Crash Course in the Future of Finance, New york, Penguin books, 369 p.
Roux-Dufort, C. (2000). La gestion de crise. Un enjeu
stratégique pour les organisations, Paris, Bruxelles,
Éditions De Boeck & Larcier s.a., Département De Boeck
Université 190 p.
Roux-Dufort, C. (2003). Gérer et décider en
situation de crise, Paris, Éditions Dunod, 243 p.
Saleh, J. H., & Pendley, C. C. (2012). « From
learning from accidents to teaching about accident causation and prevention:
Multidisciplinary education and safety literacy for all engineering students
», Reliability Engineering & System Safety, 99(0), p.
105-113
Salin, Pascal (2009). « La crise financière :
causes, conséquences et solutions », Institut Constant de
Rebecque, 15 p.
Sammae, Mohamed (2011). « Introduction au modèle
de la gouvernance bancaire coopérative : caractéristiques,
particularités et mécanismes ». CNAM Paris, 14
p.
Samuelson, J. (2006). « The New Rigor : Beyound the Right
Answer », Academy of Management Learning and Education, Special
Issue on Ethics and CSR, 5, 3, p. 356-365
122
Sen, Amartya (1988). «The Concept of Development »,
dans H. Chenery et T.N. Srinivasan, Handbook of Development Economics,
volume I, Elsevier Science publishers b.v.
Servan-Schreiber, Jean-louis (2014). Pourquoi les riches ont
gagné, Paris, Albin Michel, 153 p.
Shleifer, A., (2000). Inefficient Markets: An Introduction to
Behavioral Finance, Oxford Universty Press. St-Gelais, Jimmy (2010, 2
avril). « Boycottons Desjardins! », Pour que demain soit.
Stiglitz, Joseph E. (2010). Freefall : America, Free Markets
and the Sinking of the World Economy, New York, W.W. Norton, 400 p.
Taylor, C. (1989). Sources of Self. The Making of Modern
Identity. Cambridge, Mass.: Harvard University Press, 624 p.
Taylor, Timothy (2015). « Social Costs of Financial Sector
», Conversable Economist, [En ligne] [
http://conversableeconomist.blogspot.ca/2015/05/social-costs-of-financial-sector.html]
The Economist (2015). «The global debt clock », The
Economist, [En ligne] [
http://www.economist.com/content/global_debt_clock]
Thibault, Richard (2008). Comment gérer la prochaine
crise , Montréal : Éditions Transcontinental ;Québec
: Fondation de l'entrepreneurship éditions, 228 p.
Topper, B., et P. Lagadec (2013). « Fractal Crises - A New
Path for Crisis Theory and Management.» Journal of Contingencies and
Crisis Management, 21(1), p. 4-16.
Tremblay, Benoît, et Daniel Côté (2001).
« Pratiques innovantes en matière de capitalisation des banques
coopératives », Centre d'études Desjardins en gestion
des coopératives de services financiers, HEC Montréal, 42
p.
Turcotte, Claude (2008, 5 avril). « Portrait - Du
Québec
inc. au monde coopératif »,
Le Devoir
Ugeux, Georges (2014, 31 janvier). « Il est urgent de
recapitaliser le Crédit Agricole », section Finance Blog, Le
Monde.
Vendrame, Estelle (2006). « Évolution
éthique d'une coopérative au travers de l'image qu'elle projette
: le cas CHS Inc. », CRISES, Collection Études
théoriques - no ET06 08; 40 p.
Verstegen et al., (2010). « New Directions in Corporate
Governance and Finance: Implications for Business Ethics Research »,
Business Ethics Quarterly, Vol. 20, Iss. 4; p. 673.
Vienney, Claude (1980 (a)). « Les coopératives et
le développement socio-économique »,
Spécificité de l'entreprise et de la gestion des
coopératives, Montréal, École des hautes
études commerciales, centre de gestion des coopératives, cahier
T-80-13, p. 10-27
Vienney, Claude (1980 (b)). «Un dispositif
méthodique d'analyse de la formation et des transformations des
institutions de type coopératif. », Coopératives et
Développement, Revue du CIRIEC-Canada, vol. 24, no 1, p. 515
123
Vienney, Claude (1992-1993). « L'analyse socio-
économique des coopératives justifie-t-elle la recherche
d'instruments de gestion spécifiques », Coopératives et
Développement, Revue du CiriecCanada, vol. 24, n° 1,
p. 5-15
Voinea, Anca (2012). « Interview: Monique Leroux »,
Co-operative News, section Economy -Banking and Insurance.
Waish, James (2014). « Adam Smith and the 2008 financial
crisis », Working Paper Kennedy School of Government, Boston,
Harvard university.
Weber, P., Medina-Oliva, G., Simon, C., Iung, B. (2012).
« Overview on Bayesian networks applications for dependability, risk
analysis and maintenance areas ». Engineering Applications of
Artificial Intelligence, 25(4), p. 671-682.
Weick, K. E., et Sutcliffe, K. M. (2007). Managing the
Unexpected: Resilient Performance in an Age of Uncertainty: Wiley, 208
p.
Welty, J.D. (1985). « Rochdale Ethic: Foundation of
cooperative culture ». North Americain Students of cooperation.
37 p.
WEF, World Economic Forum (2013). « Global Risks 2013
», Huitième édition, Coligny/Genève, Suisse.
Yin, R.K. (2004). « Case Study Research: Design and Methods »,
3rd ed., Sage, Thousand Oaks, CA, 312 p.
Zingales, Luigi (2013). « Preventing Economists' Capture
». In: Daniel Carpenter/David A. Moss (eds.), Preventing Regulatory
Capture: Special Interest Influence and How to Limit It. Cambridge:
Cambridge University Press, p. 124-151.
Filmographie
Ferguson, Charles, (2010). « Inside Job », Sony
Pictures Classics, Documentary, 105 min. France Inter (2009). «
Geroge Pauget - France Inter », 7/10 de France Inter, entrevue
visuel, 10 :23 min.
Léon, Jean-Luc (2011). « Goldman Sachs : les nouveaux
maîtres du monde », Canal+, Documentaire, 48 min. Robin,
Marie-Monique (2014). « Sacrée croissance! », Arte F,
Documentaire, 93 min.
Radio Canada (2011). « Gérald Fillion - Mouvement
Desjardins », Radio Canada, Entrevue télévisuel, 12
:30
min.
124
Annexes
Annexe 1 : Indicateurs: Chômage,
croissance économique, production industrielle et dette publique avant
et après la crise financière 2008
Figure 6 : «Tendances et prévisions du chômage
mondial, 2003-2018 ».
Source : OIT, Organisation internationale du Travail (2014).
125
Figure 7 : « Écart global chômage, 2014-2019
»
Source : OIT, Organisation internationale du Travail (2015).
Figure 8 : « Évolution annuelle du chômage
mondial et de la croissance du PIB, 2000-2018 : tendances et prévisions
». Source : OIT, Organisation internationale du Travail (2014).
126
Figure 9 : «Croissance mondiale et ses composantes (pour
cent par an) » Source : OIT, Organisation internationale du Travail
(2015).
Figure 10 : «Évolution de la croissance mondial du
PIB, tendances et prévisions, 2013 et 2014 (pour cent) ». Source :
OIT, Organisation internationale du Travail (2014).
127
Figure 11 : « Commerce mondial de marchandises ».
Source: CPB, Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis
(2015)
Figure 12 : « Volume de la production industrielle mondiale
» Source: CPB, Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis (2015)
128
Figure 13 : « Dette publique mondiale actuelle ».
Source : Ces données proviennent d'une carte interactive
représentant la dette publique mondiale et par pays sur plusieurs
années et en temps réel. La carte est consultable sur le site
internet The Economist :
http://www.economist.com/content/global
debt clock.
Annexe 2 : Liste des sources de données
Tableau 5 : Liste des sources de données (articles)
Référence texte
|
Référence bibliographie
|
Crédit Agricole
|
Batac, J., Maymo, V., Pallas-Saltiel, V. (2008)
|
Batac, J., Maymo, V., Pallas-Saltiel, V. (2008): "Entre
mutualisme et capitalisme: le modèle de gouvernance hybride du groupe
Crédit Agricole". RECMA - Revue Internationale de l'Économie
Sociale. N° 308
|
Caire, Gilles (2010)
|
Caire, Gilles (2010): "De la démocratie locale dans
certaines banques coopératives". RECMA - Revue Internationale de
l'Économie Sociale. N° 316
|
129
Ory, J.N., Gurtner, E., Jaeger, M. (2006)
|
Ory, J.N., Gurtner, E., Jaeger, M. (2006): " Les enjeux des
mutations récentes des groupes bancaires coopératifs
français". RECMA - Revue Internationales de l'Économie Sociale.
N° 301
|
Davies, Paul. J (2007)
|
Davies, Paul J. (2007): "Credit Agricole arm hit by rogue
traders" - Financial Time [London UK]
|
Eyraud, Jacques-Henri, (2007)
|
Eyraud, Jacques-Henri (2007): "Candide au pays des " subprimes
": La crise boursière n'a fait que révéler la façon
dont les marchés financiers multiplient les profits et les risques." -
Le Monde
|
Michel, Anne (2007)
|
Michel, Anne (2007): "Le Crédit agricole n'est pas
épargné par la crise financière". - Le Monde
|
Michel, Anne (2007)b
|
Michel, Anne (2007): "Le Crédit agricole, qui a beaucoup
grandi, adapte sa structure de direction: Un état-major resserré
doit permettre à la Banque verte de continuer sa stratégie de
développement à l'étranger et de redynamiser la banque de
détail en France". - Le Monde
|
Daneshkhu, Scheherazade (2008)
|
Daneshkhu, Scheherazade (2008): "Agricole chief's bet pays
off" - Financial Time [London UK]
|
Daneshkhu, Scheherazade (2008)b
|
Daneshkhu, Sherherazade (2008): "Agricole forced into rights
issue of Euros 5.9bn" - Financial Time [London UK]
|
Hall, Ben (2008)
|
Hall, Ben (2008): "Calyon chief executive to depart" - Financial
Time
|
Betts, Paul (2008)
|
Bretts, Paul (2008): "Credit Agricole brought back to earth" -
Financial Time
|
Daneshkhu, Scheherazade (2008)c
|
Daneshkhu, Scherahazade (2008): "Credit Agricole fuels fears of
worse to come" - Financial Time [London UK]
|
Daneshkhu, Scheherazade (2008)d
|
Daneshkhu, Scheherazade (2008): "Credit Agricole ready to bow
to 'capital as king'" - Financial Time [London UK]
|
Briançon, Pierre (2008)
|
Briançon, Pierre (2008): "La banque verte, la sagesse dans
l'abstention." - Le Monde
|
Briançon, Pierre (2008)b
|
Briançon, Pierre (2008): "Le Crédit agricole
à l'heure du repli" - Le Monde
|
Michel, Anne (2008)
|
Michel, Anne (2008): "Le Crédit agricole engage la
bataille des fonds propres des banques" - Le Monde
|
Michel, Anne (2008)b
|
Michel, Anne (2008): "Le Crédit agricole est atteint par
la crise des " subprimes ": Les banques françaises sont invitées
à éplucher leurs comptes" - Le Monde
|
Financial Time (2008)
|
Financial Time [London UK] (2008): "Rogue traders" - Financial
Time
|
Bayart, Bertille (2009)
|
Bayart, Bertille (2009): "2010, l'échéance qui
agite le Crédit agricole" - Le Figaro
|
Daneshkhu, Scheherazade (2009)
|
Daneshkhu, Scheherazade (2009): "Agricole joins rush to repay
state aid" - Financial Time
|
L'Expansion (2009)
|
L'Expansion (2009): "Crédit agricole rembourse à
son tour l'aide de l'État" - L'Expansion
|
Le Monde (2009)
|
Le Monde (2009): "Changements en vue à la tête du
groupe Crédit agricole" - Le Monde
|
Daneshkhu, Scheherazade (2009)b
|
Daneshkhu, Scheherazade (2009): "Chief to bow out at Credit
Agricole early" - Financial Time [London UK]
|
Betts, Paul (2009)
|
Betts, Paul (2009): "Credit Agricole chief brings banking
industry to book" - Financial Time
|
Le Monde (2009)b
|
Le Monde (2009): "Dividendes et bonus : le bras de fer entre
Sarkozy et les banquiers" - Le Monde
|
Professional Wealth Management (2009)
|
"Features & Interviews: The Big Interview - Credit agricole
enjoying the vigour of youth" - Professional Wealth Management
|
Bayart, Bertille (2009)b
|
Bayart, Bertille (2009): "Transition au Crédit agricole" -
Le Figaro
|
130
Thomas, Daniel (2010)
|
Thomas, Daniel (2010): "Credit Agricole units accused of
fraud" - Financial Time
|
Chaperon, Isabelle; De Capèle, Gaëtan; de
Guiné, Anne (2010)
|
Chaperon, Isabelle; De Capèle, Gaëtan; de
Guiné, Anne (2010): "Le Crédit agricole prépare son avenir
«sans tabou»" - Le Figaro
|
Reibaud, Rejane (2010)
|
Reibaud, Rejane (2010) : "L'Italie coûte au Crédit
Agricole plus de 1 milliard d'euros" - Les Echos
|
de la Brosse, Julie (2011)
|
de la Brosse, Julie (2011): "Banques cherchent business model
désespérement" - L'Expansion
|
Bisserbe, Noemie; Fitzpatrick, Dan; Sidel, Robin (2011)
|
Bisserbe, Noemie; Fitzpatrick, Dan; Sidel, Robin (2011): "Credit
Agricole In Vast Retreat" - Wall Street Journal
|
Berton, Elena (2011)
|
Berton, Elena (2011): "Crédit Agricole Profit Surges" -
Wall Street Journal
|
Daneshkhu, Scheherazade (2011)
|
Daneshkhu, Scheherazade (2011): "Credit Agricole returns to
European retail roots" - Financial Time [London UK]
|
Le Monde (2011)
|
Le Monde (2011): "Crédit agricole veut réduire son
endettement de 50 milliards d'euros d'ici 2012" - Le Monde
|
Le Monde (2011)b
|
Le Monde (2011): "Le Crédit agricole confirme la
suppression de 2 350 postes" - Le Monde
|
Reibaud, Rejane (2011)
|
Reibaud, Rejane (2011): "Le Crédit Agricole
réorganise son organe politique" - Les Echos
|
Desjardins
|
Canada Newswire (2007)
|
Canada Newswire (2007): "Résultats des neuf premiers mois
de 2007 - Grâce à une solide croissance des affaires et un
meilleur contrôle des frais d'exploitation, Desjardins augmente de
près de 18 % ses excédents qui atteignent 828 millions de
dollars" - Canada Newswire
|
Bergeron, Patrice (2008)
|
Bergeron, Patrice (2008): "Desjardins demande au
fédéral de ne pas désavantager les institutions
financières" - La Presse Canadienne
|
Nadeau, Jean-Benoît (2008)
|
Nadeau, Jean-Benoît (2008): "Desjardins est-il à
l'abri de la crise financière?" - L'actualité
|
Canada Newswire (2008)
|
Canada Newswire (2008): "Desjardins figure au palmarès des
50 Employeurs de choix au Canada" - Canada Newswire
|
La Presse Canadienne - Le fil radio (2008)
|
La Presse Canadienne - Le fil radio (2008): "Desjardins: les
pratiques inappropriées seraient liées au
déménagement au Windsor" - La Presse Canadienne
|
Canada Newswire (2008)b
|
Canada Newswire (2008)b: "Desjardins réussit avec
succès deux émissions de titres sur le marché
européen" - Canada Newswire
|
Sylvain Larocque (2008)
|
Sylvain Larocque (2008): "Desjardins taille en pièces le
projet de commission unique des valeurs mobilières" - La Presse
canadienne
|
Julian Beltrame (2008)
|
Julian Beltrame (2008): "La Banque du Canada abaisse son taux
directeur et déclare le pays en récession" - La Presse
Canadienne
|
Alexandre Robillard (2008)
|
Alexandre Robillard (2008): "La présidente de Desjardins
fait souffler un vent de décentralisation" - La Presse Canadienne - Le
fil radio
|
Desjardins Caisse d'économie solidaire (2008)
|
Desjardins Caisse d'économie solidaire (2008): "L'Appel au
Mouvement Desjardins"
|
Sylvain Larocque (2008)b
|
Sylvain Larocque (2008)b: "Le papier commercial et la chute des
marchés plombent les résultats de Desjardins" - La Presse
Canadienne
|
La Presse Canadienne (2008)b
|
La Presse Canadienne (2008)b:"Les règles de gouvernance
obligent les sociétés à penser à long terme, dit
Leroux" - La Presse Canadienne
|
Canada Newswire (2008)c
|
Canada Newswire (2008)c: "Madame Monique F. Leroux devient la
première femme à accéder à la présidence du
Mouvement des caisses Desjardins" - Canada Newswire
|
131
Sylvain Larocque (2008)c
|
Sylvain Larocque (2008)c: "Malgré le mauvais temps et la
déroute boursière, Desjardins fait bonne figure" - La Presse
Canadienne
|
Sylvain Larocque (2008)d
|
Sylvain Larocque (2008)d: "Monique Leroux devient la
première femme à présider le Mouvement Desjardins" - La
Presse Canadienne
|
Turcotte, Claude (2008)
|
Turcotte, Claude (2008):"Portrait - Du Québec
inc. au monde coopératif" - Le
Devoir
|
Canada Newswire (2009)
|
Canada Newswire (2009): "Agir et innover pour assurer une
prospérité durable" - Canada Newswire
|
Canada Newswire (2009)b
|
Canada Newswire (2009)b: "Dans le cadre de son plan
d'évolution, le Mouvement Desjardins se dote d'une nouvelle structure
organisationnelle" - Canada Newswire
|
La Presse Canadiene - Le fil radio (2009)
|
La Presse Canadiene - Le fil radio (2009): "Desjardins annoncera
une réorganisation de sa structure à ses employés" - La
Presse Canadienne - Le fil radio
|
La Presse Canadienne - Le fil radio (2009)b
|
La Presse Canadienne - Le fil radio (2009)b: "Desjardins
réduirait ses ristournes de 40 % en raison du contexte
économique" - La Presse Canadienne - Le fil radio
|
Canada Newswire (2009)b
|
Canada Newswire (2009)b: "Desjardins se classe au 26e rang des
institutions financières les plus fiables au monde" - Canada Newswire
|
Canada Newswire (2009)c
|
Canada Newswire (2009)c: "Des modifications à la
législation encadrant les coopératives de services
financiers sont proposées" - Canada Newswire
|
La Presse Canadienne - Le fil radio (2009)b
|
La Presse Canadienne - Le fil radio (2009)b: "Le Mouvement
Desjardins a l'intention de supprimer 900 postes en trois ans" - La Presse
Canadienne - Le fil radio
|
TVA Nouvelles (2009)
|
TVA Nouvelles (2009):"Le Mouvement Desjardins prendra de
nouvelles orientations" - TVA Nouvelles
|
Larocque, Sylvain (2009)
|
Larocque, Sylvain (2009): "Moody's accole des "perspectives
négatives" aux cotes de crédit de Desjardins" - La Presse
Canadienne
|
Desjardins, François (2009)
|
Desjardins, François (2009): "PCAA: un cauchemar
logistique prend fin" - Le Devoir
|
Lauzon, Paul-Léon (2009)
|
Lauzon, Paul-Léon (2009): "QU'EST DEVENU DESJARDINS?" -
L'Aut'Journal
|
Martin, Géraldine (2009)
|
Martin, Géraldine (2009):" La crise financière fait
mal au Mouvement Desjardins" - Ex Rue Frontenac
|
Canada Newswire (2010)
|
Canada Newswire (2010): "« À la fin de la
journée, ce qui fait la différence, ce sont les personnes »
- Monique F. Leroux" - Canada Newswire
|
St-Gelais, Jimmy (2010)
|
St-Gelais, Jimmy (2010): "Boycottons Desjardins! - Blog
Pour que demain soit
|
Larocque, Sylvain (2010)
|
Larocque, Sylvain (2010): "Au Mouvement Desjardins, la crise
financière est maintenant chose du passé" - La Presse
Canadienne
|
La Presse Canadienne (2010)
|
La Presse Canadienne (2010): "Desjardins est la banque de
l'année au pays, selon la revue The Banker" - La Presse Canadienne
|
Canada Newswire (2010)b
|
Canada Newswire (2010)b: "L'éducation est un pilier de la
prospérité durable à laquelle nous aspirons" - Monique F.
Leroux" - Canada Newswire
|
Larocque, Sylvain (2010)b
|
Larocque, Sylvain (2010)b: "Les financiers devront se tourner
vers l'étranger et faire oublier les scandales" - La Presse
Canadienne
|
La Presse Canadienne - Le fil radio (2011)
|
La Presse Canadienne - Le fil radio (2011): "Des membres
mécontents des fermetures veulent quitter le mouvement Desjardins" - La
Presse Canadienne - Le fil radio
|
Hedekel, Peter (2011)
|
Hedekel, Peter (2011): "Desjardins Group in danger of outgrowing
its co-operative roots" - Montreal Gazette
|
132
Munger, Michel (2011)
|
Munger, Michel (2011): "Desjardins Sécurité
financière n'échappe pas aux remous" - Le Journal de
Montréal
|
Reibaud, Rejane (2011)
|
Reibaud, Rejane (2011): "Le Crédit Mutuel renforce sa
collaboration avec le québécois Mouvement Desjardins" - Les
Echos
|
Lavallée, Guillaume (2011)
|
Lavallée, Guillaume (2011): "Les coopératives
offrent une "réponse tangible" à la crise (PDG Desjardins)" -
Agence France Presse
|
Radio Canada (2011)
|
Radio Canada (2011): "L'esprit coopératif du Mouvement
Desjardins remis en question" - Radio Canada
|
Annexe 3 : Mécanismes de défense et
stratégies de gestion de crises systémiques
Le tableau ci-dessous, élaboré par Guntzburger et
Pauchant (2014), présente les mécanismes de défense
utilisés lors de la crise nucléaire de Fukushima et les types de
stratégies de gestion de la crise (stratégies utilisées
lors de la crise versus stratégies systémiques
suggérées).
Tableau 6 : Les mécanismes systémiques et
stratégies systémiques suggérées (Guntzburger et
Pauchant, 2014, p. 24, emprunté)
133
Annexe 4 : Trente-deux rationalisations
dangereuses.
Tableau 7 : Les trente deux rationalisations de la culture
organisationnelle (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 107)
[...]
134
Annexe 5 : Une vision systémique du design
organisationnel
Pauchant et Mitroff (1995) proposent ainsi pour palier à
l'obsolescence du modèle organisationnel fragmenté, un
modèle de structure organisationnelle de Jay Galbraith (1977) qui
comprend une vision systémique de l'organisation. Ci-dessous la figure
représentant le design structurel de ce modèle.
Figure 14 : « Une vision systémique du design
organisationnel » (Pauchant et Mitroff, p. 130).
Annexe 6 : Entretien radio de George Pauget PDG
Crédit Agricole
Entretien radio de George Pauget dans le 7/10 de France Inter par
Nicolas Demorand (6 novembre 2009). Extrait retranscris de l'entretien visuel
[durée 10 :23 min]. Lien vidéo : [
http://www.dailymotion.com/video/xb1z2l_georges-pauget-france-inter_news]
135
Journaliste : Vous avez dit, George Pauget,
que des raisons de déontologie vous empêchaient de dévoiler
dès aujourd'hui des résultats [du Crédit Agricole] qui
devront être et le seront [diffusés] la semaine prochaine. Est-ce
que vous pouvez nous donner au moins une tendance pour le Crédit
Agricole?
George Pauget : Ces résultats seront
en hausse par rapport à ceux du trimestre précédent. Une
caractéristique qui est commune à toutes les banques, c'est que
les banques ont...subissent l'impact de la crise économique,
c'est-à-dire qu'elles provisionnent, elles mettent de l'argent de
côté parce qu'il y a des entreprises en difficulté.
Journaliste : Donc pour les banques, la crise
est finie?
George Pauget : Non. La crise
financière est largement terminée, mais elles subissent de plein
fouet l'impact de la crise économique et beaucoup s'accordent à
considérer que ça sera vrai jusqu'au milieu de l'année
prochaine.
Journaliste : Donc il y a encore des risques et
de quelle nature pour les banques?
George Pauget : Ce sont des risques sur les
entreprises et notamment sur le tissu industriel des petites et moyennes
entreprises en France...qui [la France] est très secouée par la
crise économique. Faut pas oublier que la croissance a été
négative et que si on recommence à récupérer un
petit peu, cette récupération est lente. Les entreprises ont
été [donc] fortement secouées.
Journaliste : Ça c'est pour la crise
économique, mais ma question portait sur la crise bancaire. Vous
dîtes qu'elle n'est pas terminée pour vous?
George Pauget [en interrompant] : Non, la
crise bancaire, je l'évoquais comme financière, la crise bancaire
est terminée. Les banques françaises ont remboursé
l'État. C'est bien le signal du fait qu'elles n'ont plus besoin
aujourd'hui d'un soutien.
Journaliste : [...] Étrange morale non
de toute cette affaire de crise financière...Une crise partie des
banques et dont les banques sortent renforcées, en pleine
santé.
George Pauget : ...Je crois que là
c'est une vision trop globale. Il ne faut pas perdre de vue qu'il y a une
différence radicale entre les banques américaines qui sont
à l'origine de la crise, qui ont des pratiques condamnables. Il faut
dire les choses telles qu'elles sont. Et les banques françaises qui ont
été impactées, je dirai presque par ricochet, sur une
fraction limitée de leurs activités, ce qui explique d'ailleurs
que les banques françaises ont été les moins
touchées de toutes les banques en Europe.
Journaliste : Qu'est-ce qui nous garantit
à nous, citoyens, qui voyons ces choses là se dérouler
sous nos yeux, parfois effrayés. Qu'est-ce qui nous garantit qu'une
nouvelle bulle n'est pas en préparation et que les choses ne vont pas
recommencer à terme comme elles se sont déroulées ces
derniers mois?
George Pauget : Il y a deux types de
garanties. Tout d'abord, le fait que les entreprises bancaires, et c'est vrai
dans le cas du Crédit Agricole, ont tiré les leçons de la
crise. Nous avons modifié notre organisation, nous avons
arrêté certaines activités, reconfiguré tout le
Groupe pour tenir compte de ce qui s'était passé. Et puis, vous
avez ensuite une...des changements qui sont initiés par les
États, les pouvoirs publics. C'est vrai de tous les paramètres
que je ne vais pas détailler de la réglementation bancaire, qui
au fil des différentes réunions du G20, sont entrain de se mettre
en place.
Journaliste : Les bonus, George Pauget, et
leur limitation, c'était pour amuser la galerie. Un certain nombre
d'économistes disent que c'est vraiment un sujet qui fait plaisir au
politique et aux opinions publiques, mais que le coeur de la crise
n'était pas là, et que les vraies réformes n'ont toujours
pas été faites.
136
George Pauget : Alors, il était
nécessaire de réformer les bonus et d'ailleurs la profession
bancaire française, à l'époque où je
présidais, a pris dès février 2009 l'initiative d'engager
un train de réformes qui est aujourd'hui sanctionné,
validé si je puis dire, par un décret qui sort aujourd'hui, qui
est la traduction des travaux du G20. De ce point de vue, clairement, la France
a été pionnière et a voulu qu'une réforme se fasse.
Et je crois que c'est logique, parce que certaines pratiques de
rémunération favorisaient anormalement le risque. Alors, il y a
eu une période trop favorable et il fallait revenir à quelque
chose de plus logique. Pour ma part, j'en étais très largement
partisan. Ensuite ...
Journaliste [en interrompant] : oui, c'est un
point de détail, c'est un point de détail, George Pauget.
George Pauget: Imaginez...imaginez qu'en
ayant réglé le problème des bonus, on règle tout le
pilotage du système financier mondial, à l'évidence non.
Les éléments les plus importants, ce sont que toutes les banques
du monde appliquent les mêmes règles, parce que si vous avez un
trou dans le dispositif, il y a plein de gens qui vont s'engouffrer dans ce
trou. Et donc, il faut que le filet ait les bonnes mailles, si je puis dire, et
qu'il n'y ait pas de trous dans le filet.
Journaliste : Charles Viploze,
économiste qui était au micro de France Inter il ya une dizaine
de jours environ, qui publiait dans Le Monde daté d'aujourd'hui, une
tribune [qui] dit que les bonus donc c'est un point de détail de toute
cette affaire et que la vraie question, c'est la profitabilité des
banques. C'est un métier qui est extrêmement...qui dégage
beaucoup de profits et que si on veut vraiment réformer le
système [financier] c'est à cette question là qu'il
fallait s'attacher. Les politiques ne l'ont pas fait. Ouf! Dit le banquier,
George Pauget, ce matin?
George Pauget : Non, la banque est une
addition de métiers. Certains métiers comme les métiers de
marchés ont une très forte rentabilité, mais toutes les
banques n'y consacrent pas la même énergie, le même argent.
Dans un groupe comme le Crédit Agricole, la partie « marché
» représente moins de 10 % de l'activité du Groupe. Donc, si
vous voulez, il y a des banques qui ont choisi de ne pas être «
fortes » sur ces activités pourtant très rentables parce
qu'elles sont risquées. En revanche, vous avez des banques
américaines dont plus de la moitié de l'activité est
orientée sur ces marchés. Dans les banques françaises,
c'est de l'ordre d'une vingtaine...entre 20 %...parfois jusqu'à 30 %,
mais jamais plus. Et ceci explique d'ailleurs que les banques françaises
n'aient pas eu le même comportement, la même situation, ne se
soient pas trouvées face aux mêmes problèmes que les
banques américaines ou certaines banques anglaises.
Journaliste : George Pauget, les taux
d'intérêts sont très bas, environ 1% pour les banques.
Quand vous, vous prêtez aux particuliers, vous prêtez à 4 %
ou autour de 4%, ce sont des chiffres moyens...belle marge non?
George Pauget : Alors la marge n'est pas
celle là, j'allais dire malheureusement pour le banquier, parce que ce
que vous évoquez, le 1%, c'est des emprunts à 3 mois
auprès de la banque centrale. Mais un, quand vous financez un prêt
à un ménage pour acheter sa maison, ce n'est pas en un mois,
c'est quinze ans. Donc, ce n'est pas la même durée. Et
deuxièmement, on ne se refinance pas en totalité auprès de
la banque centrale, c'est juste la partie marginale pour s'ajuster. Quant on
fait un prêt à quinze ans, on va chercher une ressource, une
épargne qui est de l'ordre de 8 à 10 ans, et là elle
coûte plutôt dans les 3-3,5 % et puis il faut ajouter les charges,
le risque. Vous savez, c'est un métier qui n'est pas très loin
d'une industrie classique, c'est-à-dire, il y a un prix de reviens de la
matière première qui est l'argent et puis il faut lui ajouter les
frais.
[...]
Journaliste : Quand Claude Bartolone prend la
parole publiquement pour dire qu'il a été trompé sur la
marchandise en quelque sorte, et qu'un certain nombre de collectivités
locales sont aujourd'hui dans des situations catastrophiques parce qu'on leur a
fourgué des subprimes et des produits risqués, des
produits toxiques et qui demandent aux banques donc de réagir, voire de
rembourser. Quelle est votre position?
137
George Pauget : Ah ben...si vous voulez, il
est toujours tentant de céder à la facilité. Quant on
regarde ce qui s'est passé sur les collectivités locales,
d'abord, n'oublions pas qu'elles ont des directeurs financiers et
compétents, donc qui n'est pas...je dirai les banques n'étaient
pas face à une troupe d'ignorants. Elles étaient face à
des gens qui faisaient des métiers et qui étaient
qualifiés pour cela. C'est vrai pour les grandes collectivités
locales et d'ailleurs, j'observe que les difficultés soulignées
sont exclusivement pour les grandes collectivités locales. Ensuite, il
faut regarder ce qu'ont payé ces collectivités locales pendant un
temps, puisque la plupart des produits aujourd'hui dénoncés,
étaient des produits complexes sur les taux d'intérêts. Et
donc il y a eu des taux d'intérêts à 2 ou 3%, très
peu cher à un moment donné, à l'époque. Et puis, il
y a eu une montée brutale vers des 8 ou 10 % et ce qu'on appelle une
cristallisation, C'est-à-dire une fixation à ce niveau là
pendant un temps ...
Journaliste [en interrompant] : Donc vous
dîtes que nous ne sommes pas des escrocs, vous êtes des
incompétents, c'est ça la réponse du banquier ce matin?
George Pauget : Non...c'est de dire, si vous
voulez, que faire porter sur les banquiers aujourd'hui, c'est facile, parce
qu'on a beaucoup dit sur eux, ça devient un thème à la
mode. Ce que je dis simplement, c'est faisons un inventaire rationnel, et on
verra que la vie n'est pas en noir et blanc, mais qu'elle a beaucoup de
nuances.
Annexe 7 : Entretien de Monique Leroux PDG du Mouvement
Desjardins
Interview: Monique Leroux
Article by Anca Voinea 3 October 2012
Co-operative News
Co-operatives United will explore how co-operatives can build
a better world through finance with a series of key speakers who will look at
how to grow the co-operative economy on Thursday morning.
Here, we speak to Monique Leroux, Chief Executive of the
Quebec-based and multi-billion financial cooperative Desjardins, who will
present a keynote speech during the Co-operative Congress.
Do you believe the International Year of Co-operatives
can mark a historical turn in the co-operative sector?
By proclaiming 2012 the International Year of Cooperatives,
the United Nations has given us a golden opportunity to promote this business
model that we believe in so wholeheartedly. By virtue of this declaration, the
UN has underlined the relevance of cooperatives in the world today.
This exceptional year provides us with unique opportunities to
network within the co-operative movement, between co-operative leaders and
partner organizations, through many national and international meetings. For
instance, the IYC facilitates a more in-depth understanding of the co-op model
by business schools and universities, as well as by regulatory bodies and
rating agencies.
Have financial co-operatives proven to be more
sustainable enterprises, if one is to look at how they have coped with the
crisis? How did Desjardins face the recession?
Based on what has been compiled worldwide on how banks and
financial co-operatives managed through the 2008 crisis, most recovered better
and faster than many commercial banks. The reason is that while co-ops are
driven by long-term objectives, a lot of banks were involved in speculative
investments with short-term gains.
138
Are there misconceptions people tend to have when it
comes to financial co-operatives and co-operatives in general? How can these be
addressed?
Even though co-operatives may not be well understood by the
general public, they play a huge role in today's economy. For example the
largest 300 co-operatives in the world -- in all areas of activity -- generate
over 1,600 billion CAN dollars' worth of business each year. This is the same
amount as Canada's GDP, which is the tenth largest economy in the world.
If co-operatives are not well known, it might also be that
many of them hide behind familiar brand names. Everyone in North America knows
Sunkist oranges, but most people don't realize that Sunkist is actually the
biggest fruit and vegetable marketing co-op in the world. It has been around
since 1893 and its members are fruit growers in California and Arizona. Another
example: 35% of the world's maple syrup is brought to market by Quebec
co-operatives. And 60% of milk produced in Quebec comes from members of the
Agropurcooperative.
Co-operatives are resilient organizations. The first insurance
companies in North America were mutual companies or co-operatives. The oldest
of these date back to the 18th century. Benjamin Franklin helped create the
first mutual insurance company in Philadelphia in the 1730s. At the time, the
community wanted to protect itself against the devastation caused by fire.
Today, the Philadelphia Contributionship is still in business.
You said that a new economic order is emerging. What
role do you believe co-operatives will play in the global economy in the
future, particularly in developing countries?
Over the past few years I have come to know the great power of
cooperatives, both personally and professionally, and what they have to offer.
This has become especially clear given our current economic and financial
climate. Now, individuals and communities are looking for new models and new
ways of working together to build society.
At Desjardins, we are also very proud to be a part of the
global co-operative movement. Co-operatives all over the world share a common
vision for society and an economy that serves human development.
This is why we believe in the amazing power of co-operatives
to help us build a better world together. For example, for the last 40 years
Desjardins Group, through its unit Développement international
Desjardins (DID), has been helping several developing countries to set up or
consolidate financial co-operative systems. Today DID supports co-operatives
that reach some 8 million individuals, particularly in Africa, Latin America
and Haïti. I truly believe that the co-operative model is one that best
meets the needs of developing countries, as it is a model that is based on
democracy, equality and solidarity.
139
Annexe 8 : la structure organisationnelle du Groupe
Crédit Agricole
Figure 15: La structure organisationnelle du Groupe Crédit
Agricole (2013) (La France Agricole, 2013, p.1).
Figure 16 : Structure mutualiste versus structure bancaire
(2014)(Ugeux, 2014, p. 1)
140
Annexe 9 : Organigramme Crédit Agricole SA
2003-2014
Figure 17 : Organigramme Crédit Agricole SA 2003 (Le
Billon, 2003, p. 1)
Figure 18 : Organigramme Crédit Agricole SA 2007 (A.C,
2007, p. 1)
141
Annexe 10 : Données financières du
Crédit Agricole et Mouvement Desjardins 2005-2011
Tableau 8 : Données financières du Crédit
Agricole.
Source : Centre d'études Desjardins des
coopératives de services financiers de HEC Montréal (2012)
142
143
Tableau 9 : Données financières du Mouvement
Desjardins.
Source : Centre d'études Desjardins des
coopératives de services financiers de HEC Montréal (2012)
144
145
Annexe 11 : Organigramme du Mouvement des caisses
Desjardins Figure 19 : Organisation du Mouvement Desjardins
(Desjardins, 2015).
146
Notes de fin de document
1 La crise des subprimes aux
États-Unis a été la conséquence de
l'éclatement d'une bulle immobilière après que des
prêts et crédits hypothécaires (en anglais subprimes
mortgages ou subprimes mortgages loans) dont les taux
d'intérêts avaient augmenté après plusieurs
années, aient engendré une défaillance considérable
de remboursement principalement parmi les ménages américains,
entraînant ainsi la perte de milliards de dollars US dans le secteur
financier (banques et assurances) et des foyers de millions de ménages
américains qui se sont retrouvés à la rue du jour au
lendemain.
2 Susan Webber est une ancienne
employée de Goldman Sachs et y a travaillé entre 1981 et 1983.
Par la suite, elle fonde sa firme de consulting en management et
investissement, puis se lance dans l'écriture sous le pseudonyme «
Yves Smith ». Via son blog « Naked Capitalism », elle
dévoile les pratiques dangereuses de la finance sur l'économie
réelle et la société civile en général.
3 Extrait interview du documentaire vidéo « Goldman
Sachs : les nouveaux maîtres du monde » (Léon, 2011). Voir
Filmographie
4 Acte Glass-Steagall est un acte bancaire
voté par le Congrès américain en 1933. Ce dernier
interdisait aux banques commerciales de participer à des
activités d'investissement bancaire dans le but de séparer les
activités bancaires de dépôt et d'investissement bancaire.
Ceci avait pour objectif d'empêcher les banques d'utiliser les fonds
déposés de leurs clients pour les investir dans des
opérations financières à caractère
spéculatif. Ces pratiques étaient considérées
à l'époque comme étant en partie responsable du crash
boursier de 1929. Le Glass-Steagall Act a été introduit
par Carter Glass, ancien Secrétaire au Trésor et le
Sénateur Henry Steagall comme mesure d'urgence pour contrer la faillite
de presque 5000 banques durant la Grande Dépression suite à la
crise financière de 1929. Le Glass-Steagall Act a
été finalement retiré en 1999, mais après la crise
financière de 2008, le débat sur la réinstauration de cet
acte a été relancé en justifiant que la non
séparation des activités bancaires commerciales et
d'investissement aurait contribué à la crise financière en
2008. Source :
Investopedia.com
5 Semmae (2011) citant Aoki (2000).
6 Les Accords de Bâle sont des accordes
de réglementation bancaire signés dans la ville de Bâle
(Suisse), et élaborés par le Comité de Bâle. Le
Comité regroupe les banques centrales et autorités de
régulations de 27 pays développés et émergents. Ces
accords visent notamment à garantir un minimum de capitaux propres, afin
d'assurer la solidité financière des banques (Bâle I);
surveillance des capitaux propres et transparence sur les marchés
(Bâle II); amélioration de la qualité des capitaux propres
et réglementation et surveillance des activités bancaire hors
bilan des produits dérivés (Bâle III).
7 Les normes IAS/IFRS sont regroupées
dans une liste communément appelée la liste des normes
internationales d'informations financière ou International Financial
Reporting Standards (IFRS). Ces dernières comprennent notamment les
normes comptables internationales ou International Accounting Standards
(IAS).
8 Les pionniers de Rochdale sont un groupe de douze tisserands
à Rochdale (Royaume-Uni) qui ont fondé l'une des premières
coopérative le 11 août 1844 qu'est la Société des
pionniers équitables de Rochdale. Les principes coopératifs mis
en place par ces tisserands en 1844 sont revus en 1854 aboutissant à
quatre principes qui deviennent obligatoires : l'adhésion libre, le
contrôle démocratique (un membre égale un vote), des
ristournes au prorata et un taux limité de rémunération du
capital. Au fil des ans, d'autres principes se rajoutent mais seulement
recommandées tels que la neutralité politique et religieuse, la
vente au comptant sans crédit et le développement de
l'éducation (Malo, Vendrame et Pauchant, 2006).
9 La lettre de change est un effet de commerce
(titre de créance) qui peut circuler par endossement et qui se support
à des opérations de crédit.
10 Les produits dérivés sont des
actifs financiers dont la valeur dépend de celle d'un autre actif
appelé « titre sous-jacent ». C'est donc un instrument
financier sous-jacent d'un actif qui permet de fixer le prix de ce dernier pour
une période donnée. La valeur d'un produit dérivé
dépendra donc de la valeur de son actif sous-jacent au cours du temps.
Initialement ces produits avaient pour but de couvrir les entreprises contre
des risque financierstel qu'une augmentation du prix des matières
premières ou un risque de change. Source : Lexique Bourse,
andlil.com (2015).
11 Le calcul stochastique en finance est
l'étude de principaux outils de la théorie de la
probabilité qui sont utilisés en finance et en ingénierie
financière. Il s'agit d'utiliser des concepts mathématiques en
ingénierie financière tels que le processus de diffusion, mesure
neutre au risque, la structure de l'information, les martingales etc. Source :
HEC Montréal (2015).
12 CDS pour Credit Default Swap ou bien
Swap sur défaillance qui est un « Contrat dans lequel l'une des
contreparties, l'acheteur de protection, transfère tout ou partie de la
perte potentielle sur un actif ou un portefeuille d'actifs de
référence pouvant résulter d'un incident de crédit
défini et convient de payer une prime à l'achat ou
périodiquement sur la durée de l'opération, alors que
l'autre contrepartie, le vendeur de protection, convient de dédommager
l'acheteur dans le cas où l'incident de crédit se produirait,
proportionnellement à la perte de valeur de l'actif ou du portefeuille
d'actifs de référence ». Source : Dictionnaire des
dérivés et autres instruments financiers (c) Ordre des comptables
agréés du Québec, 2009.
13 Voir Filmographie Léon, 2011.
14 Titres garantis par des créances (Collateral
debt obligation): Titre issu d'une opération de
titrisation, dans le cadre de laquelle un portefeuille composé de
créances, d'instruments de créances négociables,
particulièrement des obligations de sociétés, ou d'autres
instruments ou actifs financiers de nature diverse, est transformé en
plusieurs tranches de titres en fonction de certains critères, notamment
l'échéance, le taux d'intérêt, les flux financiers
et le degré de risque de crédit des créances sous-jacentes
à chaque tranche. Source : Dictionnaire des dérivés
et autres instruments financiers (c) Ordre des comptables professionnels
agréés du Québec, 2014.
15 Option sur défaillance (Credit default
option - CDO) : Contrat dans lequel l'une des contreparties,
l'acheteur de protection, transfère tout ou partie de la perte
potentielle sur un actif ou un portefeuille d'actifs de référence
pouvant résulter d'un incident de crédit défini et
convient de payer une prime à l'achat ou périodiquement sur la
durée de l'opération, alors que l'autre contrepartie, le vendeur
de protection,
147
convient de dédommager l'acheteur dans le cas où
l'incident de crédit se produirait, proportionnellement à la
perte de valeur de l'actif ou du portefeuille d'actifs de
référence. Source : Dictionnaire des dérivés et
autres instruments financiers (c) Ordre des comptables professionnels
agréés du Québec, 2014.
16 Acte Glass-Steagall : Voir note n° 4
17 Patrick Lagadec (2015) site internet :
http://www.patricklagadec.net/fr/
18 Voir Filmographie, Léon (2011).
19 Friedrich-Guillaume Raiffeisen (1818-1888)
est le fondateur du Crédit mutuel en Allemagne à partir de 1863
jusqu'à 1888. Après avoir inspiré la création d'une
centaine de caisses de crédit mutuel en Allemagne, il organise en 1869
une Caisse centrale de compensation, puis une fédération en 1877.
Source : CRESS (Chambre régionale d'économie sociale et solidaire
d'Ile de France).
20 Hermann Schulze-Delitzsch (1808-1883) est
avec Friedrich Raiffeisen, le promoteur du Crédit populaire en Allemagne
au XIXème siècle. Il fonde un comptoir d'escompte dont
l'originalité est qu'il s'adresse aux artisans et aux boutiquiers
ignorés par les établissements bancaires traditionnels.
Siégeant au Reichstag à partir de 1861, Schulze-Delitzsch
influence la loi de 1867 sur les coopératives. En 1864, il
fédère ses comptoirs d'escompte à l'Union
générale des sociétés coopératives et
industrielles. Source : CRESS (Chambre régionale d'économie
sociale et solidaire d'Ile de France).
21 Syndication : Regroupement de banques pour la
réalisation d'une ou plusieurs opérations financières.
Source : Dictionnaire Larousse (2015).
22 Voir Filmographie, Robin (2014).