3.4. DISCUSSION
3.4.1. Composition de la faune anophélienne
Ce travail nous a permis d'identifier les espèces
anophéliennesprésentes respectivement au pied et au sommet de la
falaise des Mbô. L'espèce An.
gambiaereprésenteplus de 85% de la faune anophéliennede la
zone d'étude. Cerésultat est similaire à ceuxde Shililu
et al., (1998) à Mumias, ville située à 1500m
d'altitude dans l'ouest du Kenya ; et à ceux de Bødkeret
al., dans les hautes terres de Tanzanie. A cette espèce se joignent
An. funestus(5,74%) dans les deux sites et An. paludis(4,29%)
plus présente à Santchou. La faible densité des autres
espèces rend leur rôle potentiel dans la transmission du
paludismeen altitude négligeable. Le nombre élevé
d'enquêtes nous a permis de recenser un effectif important
d'espèces anophéliennes : 11 au total, soit 10 à
Santchou et 9 à Dschang. Ces résultats complètent ceux de
Garde et al., (1991) qui n'avait recensé que 3espèces
à Dschang (An. gambiae, An. coustani et An. funestus)
au cours de 3 nuits de captures (au mois de mai)et Kengne (2000) qui en avait
noté 7 en 6 mois de captures (entre mai et octobre).
3.4.2. Comparaisondespopulations de vecteurs à
différents niveaux altitudinaux
L'agressivité anophélienne a été
plus élevée à Santchou (750m d'altitude)où elle
représente sensiblement le double de celle de
Dschang(1400md'altitude) : 9,34 et 5,28 p/h/n respectivement.La
montée en altitude diminuerait donc les capacités reproductrices
et la survie des moustiques. Il faut remarquer que la région de Santchou
est plane et inondable, présentanten saisons des pluies de nombreuses
flaques d'eau stagnantes propices à la ponte et au développement
larvaire, ce qui n'est pas le cas à Dschang où on observe un
relief plutôt accidenté. Cet élément,associés
aux variations des facteurs climatiques liés à la
différence d'altitude (taux d'oxygène de l'air, niveau des
précipitations, température, pression osmotique,
humidité...), peuvent expliquer cette grande différencedans les
densitésanophéliennes.
Anopheles gambiae est la seule espèce à
présenter une bonne adaptation aux deux niveaux altitudinaux. Elle
présente une densité très élevée en altitude
et dans la plaine, ce qui fait d'elle le principal vecteur de toute la
région.
L'effet de l'altitude se fait ressentir de façon
significative sur les densités de trois espèces : An.
nili, An. paludis et An. ziemanni.Ces espèces sont
présentes dans les deux sites mais leursfréquences en altitude
sont très faibles. Il ne faut cependant pas négliger l'effet des
conditions géographiques telles que la disponibilité des
gîtes et la présence des hôtes préférentiels
de certaines espèces sur leur distribution dans ces deux sites.
Un seul individu de An. nili a été
retrouvé à Dschang contre 55 à Santchou. L'absence de
cours d'eau à régime régulier servant de gîtes
larvaire à cette espèce (Gillies et Coetzee, 1987 ;
Carnevale et al., 1992) à Dschangpourrait en être la
cause.
An. namibiensis présent à Santchou est
absent sur les hautes terres. Cette espèce présente une mauvaise
adaptation aux conditions altitudinales.
La présence de An. mouchetiexclusivement
à Dschang et en faible nombre serait liée aux types de points
d'eau présents ici. En effet, les lacs des bas-fonds aux abords couverts
de végétation qui reçoivent des ruisseaux àfaible
débit fournissent des gîtes propices pour cette espèce
(Fontenille et al., 2003).
An. funestus est la seule espèce dont la
population ne varie que faiblement entre les deux sites. Elle présente
même une augmentation de fréquence en haute altitude pendant la
saison sèche. Cela montre une bonne adaptation aux hautes terres
lorsqu'il y a des gîtes appropriés.C'estégalement le cas
à l'Ouest du Kenya où elle a été retrouvée
avec l'espèceAn. gambiae jusqu'à 1700m d'altitude
(Minakawa et al., 2004).
Les autres espèces ont été plutôt
accidentelles, avec des effectifs assez faibles : An. pharoensis
etAn. wellcomei (présent mais exophile au Soudan) sont plus
inféodés à l'Afrique de l'ouest et de l'est, et An.
hancocki qui a une plus grande tendance à la zoophagie et
l'exophilie (Mouchet et al., 2004).
La composition de la faune résiduelle (capturée
par pulvérisation) constituée principalement de An.
gambiae et An. funestus révèle que ce sont
là les seuls vecteurs endophiles des deux localités
étudiées. Les autres espèces présentes dans
l'échantillon ont plutôt présenté une bonne tendance
à l'endophagie etexophilie, car présentes uniquement lors des
captures nocturnes qui se sont faites à l'intérieur des cases.
C'est précisément le cas de An. nili, An. paludis et An.
ziemanni qui ont des effectifs assez élevés en CNV mais
presque nuls en CPI. Mouchet et al., (2004) reconnaissent
également An. paludis comme moustique exophile ayant une forte
tendance à l'exophagie. Les autres espèces à l'instar de
An. hancocki, An. coustani An. moucheti et An. namibiensis
ont des effectifs faibles ne permettant pas de tirer des conclusions.
La disponibilité des gîtes larvaires conditionne
la densité des adultes. C'est l'une des raisons pour lesquelles au cours
de la saison sèche, les effectifs baissent considérablement dans
chacune des localités.
Pendant la saison sèche, les gîtes disponibles en
altitude sont les petits ruisseaux et les lacs de retenue. Ils sont propices
pour le développement larvaire de An. funestus d'où sa
présencecontinue pendant toute l'année. Cette espèce va
donc suppléer à la baisse d'agressivité de An.
gambiaedue à la baisse de sa population en saison sèche
(12,42% de son effectif annuel).
La forte baisse de la densité de An. gambiae
s'explique par la disparition des gîtes qu'elle affectionne : les
traces de roues, les flaques d'eau claires et peu profondes dans les
dénivellations de terrain, les traces de pas, les boîtesde
conserve etc. ces gîtes sont asséchés en saison
sèche, surtout à Santchou où le sol est sablonneux donc
très perméable.D'autres espèces subissent aussi le coup de
la "sècheresse", c'est le cas de An. paludis, et An.
ziemanni dont les fréquences en saison sèche
représentent moins de 6% des effectifs totaux. An. namibiensis, et
An. moucheti absentes en captures en saison sèche sont plus
adaptées à la saison des pluies. Ceci s'explique la concentration
d'agents polluants dans leurs gîtes larvaires en saison
sècheoù par leur assèchement.
Le cycle d'agressivité des vecteurs a été
sensiblement le même dans les deux sites, il indique que le maximum de
piqûres se fait au cours de la deuxième partie de la nuit. Ces
observations sont conformes aux schémas habituels du cycle
d'agressivité nocturne des anophèles (Gillies et De Meillon,
1968 ; Dossou et al., 1998). Cette période correspond aux
moments de sommeil profond des habitants qui présentent alors un moindre
risque pour les moustiques.
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