III.2.1.2 Le statut de la femme dans la
société betsimisaraka
Apparemment, les femmes de Rantolava ont toujours
occupé une place moins importante que les hommes. Elles se chargent du
ménage, de la cuisine et de l'éducation des enfants. Dans
certains cas, elles n'ont pas droit de s'assoir à une chaise et elles ne
peuvent pas s'installer dans certaines parties de la maison. En plus, bien que
les filles fréquentent l'école comme les garçons, une fois
revenues à la maison, elles sont appelées aux tâches
ménagères, à la pratique des bonnes manières et du
savoir-vivre, à apprendre les traditions, moeurs et coutumes pour
qu'elles puissent devenir de bonnes épouses, capables de s'occuper de
leur ménage respectif. « Viavy tsy mahay mandrary, tsy mahazo
aomby » (une femme qui ne sait pas faire de la vannerie, n'obtient
pas de boeufs) affirme-t-on. C'est ainsi qu'avant de demander la main d'une
jeune fille, la famille du jeune garçon s'informe sur la capacité
de la future mariée à s'occuper de cette tâche
ménagère. Les boeufs ne sont là qu'à titre
indicatif d'un cadeau offert lors du mariage. En général, les
jeunes filles fréquentent l'école seulement jusqu'à ce
qu'on les demande en mariage, même avant qu'elles soient majeures.
Nous voulons maintenant insister sur la place et la
considération de la femme dans la société traditionnelle
betsimisaraka. « Akoho vavy mañeno » (« une
poule qui chante », car en principe c'est le coq qui chante). Ce proverbe
montre que
49 Cité par MANGALAZA Eugène, MERIOT Christian,
Anthropologie générale n°03 (Cours du
premier semestre 2012-2013). Disponible sur
http://www.anthropomada.com/ bibliotheque/Anthropologie-Generale-3.pdf
, p.23
56
ce n'est pas la place des femmes de prendre la parole en
public. Il leur est en effet interdit de prendre la parole en public, de
prendre de décisions ou d'exprimer leur mécontentement. Certains
hommes vont loin pour expliquer cette situation de la femme. Ils expliquent que
les femmes sont d'une faible capacité intellectuelle par rapport
à celle des hommes, qu'elles sont incapables de réfléchir
sur un sujet d'une importance majeure, qu'elles sont faciles à
influencer et qu'elles pourraient changer d'avis du jour au lendemain. Alors,
en tant que chef de famille, les hommes pensent que la parole et les
décisions leur reviennent de droit.
Cependant, on peut le voir sous un autre angle comme l'a bien
évoqué M. MORA Richard50. Physiquement, les femmes
étaient anciennement considérées comme plus faibles que
les hommes. Par contre, la société était
déjà consciente qu'elles constituent le pilier de la famille.
Chez les Betsimisaraka, « Lalahy, tsy mitan-kapoaka »
(l'homme ne garde pas la tasse à mesurer). Cela prouve la confiance
absolue du mari à l'égard de son épouse, namaña
51. En fait, ce proverbe veut dire tout simplement que la
gestion du quotidien (riz blanc) et les ressources familiales relèvent
de la compétence exclusive de la femme. Elle est logiquement la personne
qui s'occupe du ménage et bien évidemment tout ce qui concerne la
cuisine.
C'est surtout parce que la femme est dans la cuisine qu'elle
est souvent privée de parole. Lorsqu'il y a de la visite, les membres de
la famille répartissent les tâches : les uns s'occupent des
visiteurs, en discutant avec eux, en écoutant l'objet de leur visite ;
tandis que les autres préparent ce qu'on a à offrir ou à
présenter (café, repas ou autres). Si la femme est privée
de la parole, c'est parce qu'elle avait d'autres occupations importantes, tout
comme les hommes. Seulement ses occupations ne demandaient pas d'effort
physique énorme. Par contre, la garantie de la réussite
50 MORA Richard, ancien Sénateur de Madagascar. Il nous
a accordé un entretien dans son atelier, sis à Maroantsetra
(Betsimisaraka nord), en date du 12 mai 2014.
51 « Namaña » (Littéralement, signifie
compagnie, ami, équipier ...) : chez les Betsimisaraka, on utilise le
mot « mpinamaña » pour dire « mpivady » (les
mariés) dans certaines régions de Madagascar.
57
familiale est entre ses mains, par le biais de
l'éducation qu'elle accorde aux enfants. Par ailleurs, on peut dire que
cette situation est toujours liée à la force physique de la
femme. Il se peut que, lors de la discussion ou au moment de la prise de
décision, il y ait certaines personnes mécontentes qui pourraient
se révolter et ou se manifester, voire provoquer par la suite un
affrontement. Donc, on veut éviter cet affrontement aux femmes car elles
ne disposent pas de force pour y faire face.
|