L'expérience comme interprétation des faits dans la " théorie physique " de Pierre Duhem( Télécharger le fichier original )par Héritier Mbulu Université catholique du Congo - Gradué en philosophie 2010 |
II.4.4. Le degré d'exactitude d'une expérience de physiqueNous allons montrer ici que, pour atteindre le degré d'exactitude, il faut examiner le degré d'approximation d'une expérience de physique. A ce sujet, P. Duhem préconise deux moments pour apprécier le degré d'approximation d'une expérience : l'appréciation de l'acuité des sens de l'observateur et l'évaluation des erreurs systématiques non corrigées. En effet, il est nécessaire d'apprécier l'acuité des sens de l'observateur, puisqu'il peut se retrouver dans son observation une équation personnelle qu'il faut identifier par rapport à son résultat d'observation. Aussi, devons-nous savoir que, malgré l'identification des erreurs systématiques probables, il sera toujours impossible de les relever et de les numéroter toutes ces erreurs, parce que « (...) la complexité de la réalité concrète nous passe »90(*). Leurs causes ne sont pas bien établies, au point que l'on ne saurait les corriger toutes. Comme elles ont une source inconnue, les physiciens les nomment « erreurs accidentelles ». Cette appréciation, comme dit au départ, est une tâche difficile et complexe. D'ailleurs, notre auteur pense qu'à ce niveau, la logique doit laisser la place au sens expérimental réservé au seul esprit de finesse. Ainsi, il se laisse percevoir que l'expérience de physique se diffère du témoignage du sens commun par son résultat qui a une certitude qui « (...) demeure toujours subordonnée à la confiance qu'inspire tout un ensemble théorique »91(*). La certitude d'un témoignage du sens ordinaire étant immédiate, si son auteur est sain d'esprit, celle de l'expérience de physique est médiate, car elle doit être soumise à des discussions préalables. Disons aussi, aux yeux de la plupart des hommes qui pensent que la science possède une vérité et une exactitude élevées par rapport au récit d'un sens commun des faits observés, nous pensons que l'expérience de physique n'offre qu'une certitude immédiate. Quant à son exactitude, elle se distingue du témoignage du sens commun par son plus haut degré de détails. II.4.5. Le degré de détails d'une expérience de physiqueIl est vrai qu'un observateur relate son récit des fais observés en gros sans tenir compte de tous les détails. Son témoignage « (...) offre d'autant plus de garanties qu'il précise moins, qu'il analyse moins, qu'il s'en tient aux considérations les plus grossières et les plus obvies »92(*). Cependant, une expérience de physique se veut être une analyse détaillée des phénomènes observés. Elle présente son résultat sous une forme symbolique et abstraite pour offrir une universalité de vérification. Dans ses analyses, P. Duhem affirme : « c'est l'interprétation théorique qui permet à l'expérience scientifique de pénétrer bien plus avant que le sens commun dans l'analyse détaillée des phénomènes »93(*). C'est, en fait, à partir de l'interprétation théorique que le physicien arrive à décortiquer minutieusement les faits. C'est pourquoi, nous affirmons avec P. Duhem que l'expérience est une interprétation théorique. Et que celle-ci permet le progrès de la science physique, puisque la physique, comme toutes les sciences de la nature, progresse par deux voies : la théorie et l'expérience. C'est ainsi que notre auteur pense que le progrès scientifique ne peut être atteint que si l'on rejoint les deux bouts de la chaîne de la connaissance, à savoir : la théorie et l'expérience. En d'autres termes, pour P. Duhem, un progrès du monde physique ne peut pas nous être donné, nous devons chercher à l'acquérir. Pour ce faire, nous devons laisser le champ libre à la théorie et à l'expérience, là où elles doivent décider seules, afin de nous rapprocher, pour le bien de l'humanité, de l'idéal d'un progrès scientifique. Toutefois, notre auteur accorde une prédominance à la partie théorique, parce que la partie expérimentale est constituée, de bout en bout, d'une schématisation, mieux d'une construction théorique.94(*) * 90 Ib. * 91 Ib., p. 246. * 92 P. DUHEM, La Théorie physique. Son objet-sa structure, p. 247. * 93 Ib., p. 248. * 94 P. DUHEM, La valeur de la théorie physique. A propos d'un livre récent, dans Revue des sciences pures et appliquées 19e année (1908), p. 13. |
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