La convention sur la cybercriminalité et le droit pénal congolais( Télécharger le fichier original )par Christophe Kawe Kasongo Université de Kinshasa RDC - Licence en droit 2003 |
B. La territorialité de la loi pénaleUne infraction de droit interne peut parfois avoir des ramifications internationales. Pourtant, le véritable fondement du droit pénal, c'est la souveraineté territoriale de chaque Etat. En effet, la règle répressive s'applique en principe aux infractions commises sur le territoire national de chaque Etat et exceptionnellement aux infractions commises à l'étranger (105(*)). Indépendamment de toute considération tenant à la nationalité ou au domicile de l'auteur de l'infraction ou de sa victime, la loi pénale est applicable en premier lieu à toute infraction commise sur le territoire de la République ou réputée y avoir été commise lorsque un des ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire (art. 2 CP). De plus, quand bien même tous leurs éléments matériels ne seraient-ils commis que depuis l'étranger, certaines infractions demeurent susceptibles d'être poursuivies sur le territoire national lorsqu'elles y auront produit leurs effets. Selon la « théorie de l'ubiquité » largement admises par la jurisprudence française, il est possible de localiser indifféremment certaines infractions là où l'acte incriminé a été réalisé, comme là où il aura produit son résultat (106(*)). Il suffit dès lors que n'importe lequel de ces faits ait eu lieu sur le territoire congolais, à savoir l'acte incriminé ou le résultat dommageable, pour fonder indifféremment la compétence du droit pénal congolais. C'est à ce titre que le TGI de Paris s'est estimé compétent pour juger des faits reprochés à la société Yahoo (présence d'objets magnifiant le nazisme dans les rubriques de vente aux enchères de sa version américaine) en observant que le site est accessible aux internautes sur le territoire français (107(*)). De cette compétence territoriale du droit pénal résultent de bien compréhensibles conflits positifs de compétence, dès lors que l'un des autres éléments constitutifs de l'infraction réprimée trouve son lieu de réalisation sur le territoire d'un autre Etat prévoyant des règles similaires d'application territoriale de son droit pénal (108(*)). Et ce problème est encore aggravé par le système de localisation nationale d'infractions par extension légale en ce qui concerne les navires et les aéronefs. Ces hypothèses étant très spécifiques, nous les mentionnons à titre indicatif car l'Internet par câble téléphonique est voué à laisser bientôt une large part à l'Internet utilisant les réseaux aériens ; et il suffit qu'un ordinateur connecté soit présent dans l'un quelconque de ces bâtiments pour qu'une infraction puisse être commise à leur bord. De même, une infraction à leur encontre peut tout à fait être conspirée par l'intermédiaire du réseau. En pratique, c'est donc plutôt d'une extension déraisonnable du champ d'application déjà très large des infractions « réputées commises sur le territoire de la République » qu'il conviendrait de s'inquiéter avec le développement de l'Internet, compte tenu de l'atteinte à certains principes essentiels à la matière susceptible d'en résulter : application stricte de la loi pénale, légalité des délits et des peines (109(*)). Ce risque est d'autant plus important qu'a contrario, la poursuite pénale au Congo des infractions commises à l'étranger est soumise à un certain nombre de restrictions qui pourront s'avérer décourageantes à l'usage. La mise en mouvement de l'action publique est en effet subordonnée à des formalités contraignantes (plainte ou dénonciation préalables de la victime ou de l'autorité du pays où le fait a été commis) et ne peut être engagée qu'à la requête du seul ministère public (art. 3,al. 2 et 3 du CP). Par ailleurs, la règle non bis in idem retrouvant dans cette hypothèse à s'appliquer, aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu'elle a été jugée définitivement à l'étranger pour les mêmes faits et en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite (art. 3, al.4 du CP). Surtout, une double incrimination est requise pour les infractions commises à l'étranger, qui ne seront donc punissables au Congo que si elles le sont également par la législation du pays où ils auront été commis. En plus, il faut que cette infraction soit punissable par la loi congolaise d'une peine supérieure à 2 mois. La gravité s'apprécie en fonction de la loi nationale de l'agent c'est-à-dire c'est cette loi qui sert de fondement à la qualification pénale des faits délictueux (110(*)). Selon les mêmes principes, celui qui se sera rendu coupable au Congo de complicité d'une infraction commise à l'étranger ne sera punissable qu'à la double condition que l'infraction fasse l'objet d'une double incrimination et qu'elle n'ait pas été constatée par une décision définitive de la juridiction étrangère. Nous devons donc admettre que derrière les incertitudes, l'efficacité de nos lois s'effrite souvent lorsqu'elles sont confrontées à la dimension internationale du réseau. Le phénomène n'est pas nouveaux mais l'Internet amplifie simplement son importance en facilitant la continuation des infractions (111(*)). * 105 Kisaka-kya-Ngoy, Cours de droit pénal international, 1ère Licence, Droit, Unikin, 2001-2002. * 106 Brault, N., Le droit applicable à l'Internet : de l'abîme aux sommets, disponible sur www.grolier.fr/cyberlexnet/com/A970428.htm. * 107 TGI, Paris, 17e ch. 26.02.2002, www.legalis.net/jnet. * 108 Estelle de Marco, op.cit. * 109 Brault, N., op.cit. * 110 Kisaka-kya-Ngoy, op.cit. * 111 Thoumyre, L; Le droit à l'épreuve du réseau, www.juriscom.net/int/dpt/dpt18.htm. |
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