1.4 : Hypothèses de recherche
? Les populations sont de plus en plus dans une situation
d'insécurité alimentaire.
? Les indicateurs de cette insécurité
alimentaire sont naturels, socioculturels et économiques.
? Les paysans ont développé des
stratégies adaptatives face à des menaces sur leur vie et/ou les
moyens de subsistance.
1.5 : Revue de la littérature
La recherche de l'équilibre alimentaire aussi bien dans
les pays du Nord comme dans ceux du Sud a suscité l'intérêt
de multiplier les études pour apporter des réponses
adéquates aux problèmes vécus.
Si dans les pays du Sud, les problèmes alimentaires ont
été et sont depuis fort longtemps une préoccupation
nationale, dans certains grands pays du Nord, il a fallu attendre les
années 80 et 90 pour que le manque d'accès aux aliments soit
reconnu comme des problèmes affectant les personnes pauvres. En effet,
identifié par diverses appellations comme la faim, la pauvreté
alimentaire, l'insuffisance alimentaire et enfin l'insécurité
alimentaire, ce phénomène a été décrit par
des chercheurs en nutrition au Canada, aux Etats-Unis, au Royaume Uni, en
Australie et en Nouvelle-Zélande (Tarasuk, 2001). Depuis lors, les
problèmes alimentaires sont abordés par les économistes,
les agronomes, les sociologues, les anthropologues, les géographes,
etc.
Aujourd'hui encore, des Institutions Internationales, des
Chercheurs, des Développeurs, etc. font de ce problème leur
cheval de bataille. Ainsi, en 1996 s'est tenu le Sommet mondial de
l'Alimentation (SMA) avec comme objectif, réduire de moitié le
nombre de personnes souffrant de sous-alimentation à pas plus de 420
millions en 2015. Mais, les récentes publications de la FAO sur
l'état de l'insécurité alimentaire dans le monde font
ressortir que le nombre de personnes affectées par ce
phénomène ne cesse de s'accroitre. Ainsi, de 2003 à 2009,
le nombre de personnes touchées par l'insécurité
alimentaire est passé de 848 millions à 1,02 milliard en 2009
(FAO, 2008 et 2009) et représente plus d'affamés que jamais dans
le monde depuis 1970. Abordant dans le même sens, Mason (2006) met en
exergue l'aggravation de cette situation en Afrique. Selon la même
source, la moyenne de la sous alimentation en Afrique subsaharienne est de 33%
alors qu'elle est de 18% dans le monde en voie de développement. C'est
pourquoi, selon le NEPAD (2009), il faut un investissement de 18 milliards de
dollars par an dans l'infrastructure rurale africaine pour que soit
réalisé l'objectif du SMA qui est de réduire de 50% la
faim sur ce continent.
18
Traitant les causes de l'insécurité alimentaire,
la FAO (2009), estime que l'augmentation de l'insécurité
alimentaire n'est pas due à de mauvaises récoltes, mais à
l'envolée des prix alimentaires nationaux, à la baisse des
revenus et à une augmentation du chômage, qui ont réduit
l'accès des pauvres à la nourriture. C'est pourquoi, elle a
préconisé l'approche du droit à l'alimentation dans
l'éradication de l'insécurité alimentaire à
l'égard des limites des mesures jusque-là utilisées.
Au Niger, les causes de l'insécurité
alimentaire, ses manifestations, les réponses paysannes ainsi que les
mesures prises par les gouvernements nigériens ont été
abordés par le Rapport National sur le Développement Humain
(RNDH, 2009) ; CPM/CNPGCA/SAP (2009) ; ALPHA GADO (2010,1993 et 1988) ; BALLA,
et al, 2008) ; etc.
Ainsi, selon le document intitulé Rapport National sur
le Développement Humain (2009), les principales contraintes pour la
sécurité alimentaire sont de trois (3) ordres : les contraintes
physiques (faiblesse et irrégularité des précipitations,
sols épuisés et soumis à l'action de l'érosion
hydrique et éolienne), les contraintes socio-économiques (faibles
revenus des producteurs, faible maintien des stocks de sécurité
privés, pauvreté, croissance démographique, etc.) et les
contraintes technologiques ( les producteurs utilisant moins les technologies
modernes font recours à un système dunaire de monoculture de mil
entretenu par la jachère adaptée à chaque situation
écologique, faible utilisation de la science, etc.). Balla et al (2008)
estiment que les déterminants de l'insécurité alimentaire
sont d'ordres climatiques et socio-économiques. Cet ouvrage a
également permis l'identification des causes profondes de la
vulnérabilité des ménages agropastoraux et pasteurs
à l'insécurité alimentaire et nutritionnelle mais aussi
à l'établissement d'une méthodologie d'alerte
précoce et de réponses aux urgences intégrant les niveaux
communautaire et communal. Abordant dans le même sens, les études
de ALPHA GADO (1988 et 1993) ont permis de mettre en évidence la
spécificité du milieu sahélien et les corrélations
qui existent entre les différents facteurs de déséquilibre
alimentaire dans un écosystème.
Les manifestations de l'insécurité alimentaire
dans la région de Dosso sont analysées dans les travaux du
CPM/CNPGCA/SAP (2009). Il ressort de ce document que l'insécurité
alimentaire se manifeste à travers l'exode inhabituel, la faible
disponibilité alimentaire des ménages, la consommation des
aliments moins préférés, etc.
ALPHA GADO (2010) a abordé l'attitude du paysan
sahélien face aux sécheresses et famines : ses réponses
immédiates mais aussi les stratégies d'adaptation de longue
durée face aux variations saisonnières et aux changements. Il a
été également procédé à une analyse
approfondie des stratégies de survie de type « traditionnel »
ainsi que les réponses actuelles des agriculteurs et éleveurs du
Sahel. L'auteur distingue trois types de stratégies d'adaptation aux
variations climatiques. Il s'agit des institutions de prévoyance, des
stratégies d'adaptation et des stratégies de subsistance ou de
survie. Selon la même source, en temps de crise, les mécanismes de
mise en oeuvre de ces stratégies s'effectuent en étapes de
mécanismes d'assurance : une étape intermédiaire de
liquidation des ressources domestiques, et une étape d'échec ou
d'incapacité de faire face à la crise.
19
Concernant les approches d'évaluation de la
vulnérabilité à l'insécurité alimentaire,
plusieurs méthodes sont utilisées. Il s'agit entre autres de la
méthode d'identification des zones vulnérables du SAP ; de la
méthode de FEWS-NET ; de la méthode du Projet d'Alerte
Précoce et des Prévisions des Productions Agricoles (AP3A) ; de
l'approche Vulnerability Assesment Method (VAM) du PAM et de l'approche
Système d'Information et Cartographie sur l'Insécurité
Alimentaire et la Vulnérabilité (SICIAV) de la FAO. Si toutes ces
méthodes ont le mérite de prendre en compte les trois dimensions
essentielles de la sécurité alimentaire à savoir la
disponibilité, l'accessibilité et l'utilisation, cependant aucune
n'est arrivée à donner une procédure d'estimation des
populations vulnérables de manière satisfaisante. C'est dans ce
contexte que le cadre harmonisé du CILSS a été
développé pour mettre les méthodologies afin de disposer
d'une approche commune et consensuelle dans les analyses de la
vulnérabilité au Sahel. Abordant également les questions
de l'analyse de la vulnérabilité et de l'atténuation des
risques, FIVIMS (2011) estime que les politiques et interventions visant
à réduire la vulnérabilité doivent pour être
efficaces, prendre en considération non seulement ceux qui vivent
actuellement dans l'insécurité alimentaire mais aussi ceux qui
lui sont vulnérables. Car, aborder la question de
l'insécurité alimentaire du point de vue de la
vulnérabilité permet de manière dynamique et prospective,
d'analyser les causes et surtout les possibilités de réduire
l'insécurité alimentaire.
Pour ce qui est des indicateurs de mesure de
sécurité alimentaire, il en existe une multitude. Mais chaque
catégorie d'acteurs dispose d'un certain nombre d'indicateurs pour
appréhender la situation de sécurité alimentaire. Par
exemple, dans le plan national de contingence, volet sécurité
alimentaire et nutritionnelle pour le Niger, les principaux indicateurs dont il
est question pour un suivi des seuils afin de dégager la situation qui
prévaut sont, entre autres : déficit du bilan
céréalier, prix des céréales, taux de
sous-nutrition, bilan fourrager, mouvement des populations, etc.
Les deux manuels d'évaluation de la
sécurité alimentaire en situation d'urgence (MESASU) du PAM (2005
et 2009) fournissent des instructions pour une approche plus large,
alignée sur les priorités stratégiques de sauver les vies
et de protéger les moyens de subsistance dans les situations d'urgence,
tout en tenant compte des problèmes nutritionnels. Ces manuels
développent une méthodologie à la production d'un Indice
de Stratégie de Survie (ISS), outil important pour la surveillance de la
sécurité alimentaire ainsi que l'analyse de la
vulnérabilité.
La récurrence de l'insécurité alimentaire
a amené les autorités politiques du Niger à
l'intégrer dans les programmes nationaux (SDR, SRP,...) et
internationaux (NEPAD, OMD,...) de développement. Ainsi, pour mettre fin
à cette situation, un symposium international sur la
sécurité alimentaire et nutritionnelle au Niger a
été tenu du 28 au 31 mars 2011 à Niamey. Ce symposium a
regroupé plus de 300 participants : décideurs politiques,
institutions africaines et sous-régionales, pays amis, PTF, experts
(nationaux et internationaux), chercheurs, cadres techniques, acteurs
régionaux et locaux du développement rural, agroindustriels,
autorités administratives et coutumières, ONG et Associations du
développement, organisations paysannes, secteur privé, etc. A
l'issue de ce symposium, une déclaration dite de Niamey a
été adoptée (HASA, 2011). Elle vise à mettre fin au
phénomène de l'insécurité alimentaire au Niger,
à travers le doublement des rendements au sein des différents
systèmes de productions
20
agricoles et pastorales, dans un horizon temporel de 10 ans en
mettant un accent sur la maîtrise de l'eau pour les besoins de production
; la gestion durable des terres et le soutien aux exploitations familiales
agricoles et pastorales.
Dans la majorité des communes rurales au Niger, comme
le cas de la commune rurale de Dogonkiria, la question de
l'insécurité alimentaire est également une donnée
constante. En effet, selon le Directeur Départemental de l'Agriculture
(2011) citant le Secrétariat Permanent du Système d'Alerte
Précoce (SP/SAP), le déficit vivrier est permanent et la commune
figure régulièrement parmi les zones vulnérables du pays.
Ainsi, selon le SAP, en 2005, Dogonkiria faisait partie des douze (12) zones
dans une situation alimentaire extrêmement critique. Cette situation
soulève donc la question d'adaptation.
Au terme de cette revue, beaucoup de questions se posent
encore sur la problématique de l'insécurité alimentaire
notamment sur le plan local. Comment les paysans intègrent-ils la
problématique de l'insécurité alimentaire dans leurs
activités quotidiennes ? Quelles sont les stratégies d'adaptation
mises en oeuvre par les paysans face à ce phénomène ?
Quels sont les risques qu'encourent les paysans en période
d'insécurité alimentaire? Autant d'interrogations qui seront
abordées dans la présente étude.
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