6.3.3 Déni total : le lever en salle de naissance
[25]
L'arrivée d'une femme en déni et sur le point
d'accoucher est peut-être l'une des images les plus emblématiques
du phénomène, mais aussi l'une des plus inquiétantes pour
le personnel en maternité.
Université Nice Sophia Antipolis - École de
Sages-femmes de Nice page 79/89
Il importe avant tout et quelle que soit la situation, de
garder à l'esprit que cette femme ne se sait pas enceinte, et a encore
moins l'idée qu'elle va donner naissance à un enfant. Comme dans
tout ce qui a été dit précédemment, il convient
pour le professionnel - a fortiori la sage-femme - de se faire disponible,
contenant, enveloppant avec cette femme que la douleur et la stupeur morcellent
littéralement. Dans la mesure du possible, se présenter,
expliquer qui on est et que l'on va s'occuper d'elle pendant les quelques
heures du travail permet de poser les choses, d'établir un début
de relation tout en incluant quelques notions de temporalité - certaines
patientes étant persuadées qu'elles vont repartir tout de suite.
[25] [36]
Dans ces situations d'urgence plus ou moins relative, il est
difficile mais pourtant primordial de surveiller ses mots : il est possible et
même nécessaire de pratiquer les gestes habituels - examen
clinique, pose d'un monitoring silencieux - mais avec douceur, en expliquant ce
qu'on fait mais en évitant tout propos pouvant inclure l'enfant, tel que
« le bébé va bien » ou « je sens sa tête, il
est encore haut ». Les mots « accouchement » ou « naissance
» n'ont pas lieu d'être dans la conversation et seront inclus plus
tard ; pour le moment c'est la patiente seule qui compte, son état
d'être, ses sensations. Il faut relativiser, se montrer bienveillant et
à l'écoute, dire « qu'on a encore du temps ». [25]
Si la patiente est sur le point d'expulser, il faut
l'accompagner dans sa douleur, l'envelopper de nos gestes et toujours avec des
mots neutres pour la garder consciente dans cette épreuve : « je
vais vous demander de m'aider et de retenir votre respiration pour pousser
» [25]. Décrire ce que l'on fait donne du sens à cette
situation impensable et incohérente, et préserve cette femme de
sombrer dans la panique du moment. [36]]
Il est nécessaire, au long des quelques heures
fastidieuses qui entourent un lever du déni en salle de naissance, de
garder un contact verbal enveloppant et le plus continu possible [25]. Comme le
travail psychique au cours de la grossesse normale, c'est par les mots et les
sensations que la future mère met en images ce qui lui arrive, et c'est
seulement avec l'aide du professionnel qu'elle continuera de penser, ne perdra
pas pied, ne sera pas submergée par la douleur, la sidération et
le déni.
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Sages-femmes de Nice page 80/89
C'est un accompagnement psychique et physique
éprouvant, difficile à mettre en place et qu'il faut
impérativement adapter à chacune. C'est dans ce climat que la
patiente peut le plus facilement exécuter le travail psychique
accéléré et peu à peu se projeter dans la
grossesse, envisager l'évènement de la naissance, ébaucher
son rôle nouveau de mère face à un enfant enfin réel
et existant dans sa conscience.
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