6 DENI DE GROSSESSE ET PRISE EN CHARGE
6.1 POURQUOI UNE PRISE EN CHARGE SPECIFIQUE ?
6.1.1 Le déni, signe de souffrance latente
Au cours de nos recherches, il nous est apparu comme
évident que le déni de grossesse était un mécanisme
de protection, symbole de lutte contre une perception traumatisante que la
grossesse tend à faire ressurgir. Pour se préserver d'un conflit
psychique profondément douloureux et déstructurant, la
psyché maternelle a été jusqu'à oblitérer
complètement la notion de grossesse, et ce parfois jusqu'à
l'accouchement. Cette mainmise du psychisme sur le corps humain, soumis et
silencieux, est un signe d'appel criant quant à la souffrance latente
qu'éprouvent ces femmes. La littérature qui ne cesse de
s'enrichir sur le sujet est la preuve qu'il n'existe pas de profil type ou de
portrait-robot de la femme en déni : par conséquent il convient
aux professionnels de s'adapter à chacune d'entre elles, quelles que
soient les origines et les modes d'expression du déni.
6.1.2 Le déni, une répétition
logique
Le déni de grossesse interpelle aussi dans le fait
qu'il est potentiellement reproductible et souvent d'une gravité accrue
d'une grossesse à l'autre. De nombreuses affaires de néonaticides
à répétition dans les médias en sont un exemple
parlant, et selon I. Nisand, tous les cas de néonaticides qu'il a pu
examiner présentaient un parcours obstétrical similaire, avec des
antécédents de déclaration de grossesse tardive, de
déni ou de dénégation de grossesse qui n'avaient alors pas
bénéficié d'une quelconque prise en charge psychologique
[30].
Le fonctionnement psychique obéit à une logique
: s'il n'est pas remis en question, il ne changera pas de lui-même,
d'autant plus s'il est question de réflexes de protection face à
une réalité traumatisante. Si la cause d'un déni partiel
n'est pas envisagée, questionnée, mise en mots et acceptée
lors d'une psychothérapie adaptée, les
Université Nice Sophia Antipolis - École de
Sages-femmes de Nice page 68/89
mêmes mécanismes de défense se mettront en
place face à une situation similaire ultérieure, telle qu'une
nouvelle grossesse, et plus intensément encore si l'on en croit certains
cas cliniques. [12] [25]
Pour ne donner qu'un exemple, les deux premières
grossesses de Mme Courjault auraient été déclarées
de plus en plus tardivement, sans qu'aucune explication ne soit exigée
par la famille ni donnée au milieu médical. Ses trois grossesses
suivantes, dénis totaux ponctués d'un néonaticide,
interpellent les spécialistes et marquent le risque à banaliser
toute dénégation ou déclaration de grossesse tardive.
Dans cette optique, C. Bonnet et de nombreux autres experts
suggèrent d'accorder la plus grande attention aux femmes en
déclaration tardive de grossesse, mais aussi à celles souhaitant
accoucher sous X et aux demandes d'IVG tardives ou en délai
dépassé, qui pourraient être le signe éventuel d'une
grossesse commencée sous déni partiel.
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