5.4 JUSTICE ET DENI DE GROSSESSE
5.4.1 Un contexte encore flou
L'infanticide, soit le « meurtre ou l'assassinat d'un
enfant nouveau-né », est un terme qui a été
supprimé du Code Pénal le 1er mars 1994. Le
néonaticide tel qu'il a été défini plus tôt
par P. Resnick, est depuis considéré comme un « homicide sur
mineur de moins de 15 ans » dès l'instant où il est
prouvé que le nouveau-né a vécu.
Cet acte est passible de la réclusion criminelle
à perpétuité. Il donne obligatoirement lieu à une
expertise médico-légale des circonstances de la mort de l'enfant,
afin de déterminer si oui ou non il était vivant à
l'expulsion. Une expertise psychiatrique est également
systématique, et suivant ses résultats la peine peut
être
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allégée voire annulée, car « n'est
pas pénalement responsable la personne qui était atteinte au
moment des faits d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son
discernement ». [13]
En pratique, le déni de grossesse n'ayant encore en
France aucune existence juridique ou psychiatrique, les condamnations pour des
néonaticides varient de l'absence de peine jusqu'à la
réclusion à perpétuité, de par l'aspect
hétéroclite des situations et les débats qu'elles peuvent
engendrer.
5.4.2 Un cas parmi d'autres
Le cas de « Jessica » en Belgique en 2009 a permis
une nouvelle prise de conscience par l'opinion publique, tout comme dans le
milieu médical et judiciaire.
Le 23 novembre 2008, le compagnon de Jessica découvre
dans leur appartement le cadavre d'un nouveau-né, conservé dans
un sac poubelle, et appelle aussitôt la police. Jessica,
déjà mère d'une petite fille Jodie issue d'une
première union, éclate en sanglots à l'évocation du
corps retrouvé. Ses propos incohérents et étayés en
plusieurs versions conduiront à son arrestation et à sa mise en
examen pour homicide.
A l'expertise, l'enfance de l'accusée se
révèle douloureuse, houleuse, avec une relation à la
mère vécue comme très conflictuelle par Jessica mais
minimisée par son père et ses frères. Une tentative de
suicide du père, empêchée par Jessica alors qu'elle n'avait
encore que 14 ans, noircit davantage le tableau qui allègue de plus en
plus une éventuelle carence affective à l'origine du déni
et du néonaticide, sans compter que Jessica présente une
personnalité considérée comme immature, fuyante des
problèmes de la vie courante.
Les antécédents obstétricaux de Jessica
semblent également évocateurs : celle-ci avait déjà
fait une IVG dans sa jeunesse, et sa précédente grossesse
déclarée (Jodie) n'avait été découverte
qu'à 7 mois de gestation, à la surprise de Jessica comme de son
entourage. De telles circonstances laissent supposer un déni partiel de
grossesse, qui n'a pourtant jamais donné suite à une consultation
avec un psychologue, et constituent un point d'appui pour la Défense.
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Le 30 janvier 2009, soit presque trois mois après son
arrestation et quelques jours avant son procès, Jessica accouche en
prison et à la stupeur de tous d'un petit garçon à terme.
La quatrième grossesse de Jessica - déni total - n'avait
été dépistée ni par les médecins, ni par les
experts, ni même par sa compagne de cellule, reproduisant par là
même les circonstances dans lesquelles elle avait accouché
inopinément et commis son infanticide.
Jessica fut acquittée.
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